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Dans la peau d’un non-vacciné

Au jardin des plantes d’Amiens, juillet 2021.

Dans la peau d’un non-vacciné 

 

C’est les grandes vacances depuis  bientôt un mois. Cette période estivale qui sert souvent de grand sas à des millions de personnes en France et ailleurs. Pour partir et s’extraire autant que possible de ce qui nous nuit ou nous ennuie dans le quotidien.

 

Le quotidien, selon ses quantités et ses absurdités, peut devenir un poison apte à tuer à petit feu ou à faire pousser des infirmités. Il convient de savoir le diluer au bon moment. Et sans trop attendre. Des vacances choisies peuvent y contribuer. Pour celles et ceux qui peuvent s’en offrir, chez soi ou quelques kilomètres plus loin.

 

On ne voit pas celles et ceux qui ne partent pas ou jamais. A moins de les connaître personnellement ou par le biais du travail. Je n’en connais pas.

 

Je n’en connais pas encore.

 

Il est rare, exceptionnel plutôt, qu’au travail ou que parmi mes connaissances quelqu’un m’affirme fièrement : «  Hé bien, moi, je ne pars pas en vacances ! ». Assez régulièrement, autour de moi, quelqu’un part, à un moment donné, ne serait-ce que pour un week-end.

 

Peu importe où.

 

C’est souvent un étonnement poli qui résonne, lorsqu’en période de vacances, courte ou longue, on répond que, cette fois, nous allons rester sur place. Sauf si l’on a un projet particulier tel que refaire la cuisine ou se faire opérer.

 

Ne pas partir en vacances, en week-end, ou en sortie, c’est un peu une anomalie sociale, une honte rétrécie voire signifier que l’on vit dans la zone. A moins d’être partout chez soi. Ou de vivre dans un endroit où il y a tout ce qu’il nous faut. Etant donné que cet endroit n’existe pas, hormis au cimetière, nous avons toujours, j’ai toujours, une bonne raison d’aller voir ailleurs. Seul ou accompagné.

 

Je ne compte pas les concerts où je suis allé seul. Et encore moins les séances de cinéma.  Certaines personnes ont besoin d’être accompagnées pour sortir de leur réserve. Moi, aussi. Mais pas pour écrire.

 

Il y a des personnes qui, cette année, ou cette année encore, ne partiront pas. Je les imagine un peu. J’en ai sûrement croisé de loin. Pourtant, ces personnes n’ont pas disparu. Les gilets jaunes n’ont pas disparu. Les chômeurs non plus. Ni les malades. Ni les SDF. Nie et nie…

 

Mais le temps des vacances, on va oublier ça. Les vacances, ça sert à ça. Les mauvaises nouvelles, morbides ou autres, on va les mettre de côté. D’ailleurs, je suis encore en vacances. La semaine dernière, nous sommes partis quelques jours à Amiens.

Dans la cathédrale d’Amiens, juillet 2021.

 

 

C’est moins exotique que le sud de la France, l’Outre-Mer ou la Bretagne, mais c’est très pratique. A 1h20 en voiture de la région parisienne, on y arrive par la A16 qui est une autoroute que j’ai chérie une nouvelle fois pour son absence d’embouteillage.

 

La ville d’Amiens ne paie pas de mine sur le papier comparativement à des vacances à Marseille, en Corse, au Pays Basque ou à la Réunion. Mais j’ai aimé la brièveté du détour pour y arriver et cette maison de ville avec cour intérieure privée que nous avons louée pour quatre jours.

 

Amiens est une ville qui détend. Sa cathédrale. Son centre-ville. Ses itinéraires le long de la Somme. Environ une heure de route nous permet d’aller voir la mer. Nous nous sommes immergés dans la plage du Crotoy où j’ai conversé un peu avec un chasseur alpin qui s’amusait à faire le crocodile dans l’eau pour amuser sa fille. Et ça se passait très bien.

Les Hortillonages d’Amiens, ce jeudi 22 juillet 2021.

 

 

Ce jeudi 22 juillet 2021, nous sommes arrivés une heure trente avant l’ouverture des hortillonnages pour les  promenades commentées de l’après-midi. Cela faisait trente ans que j’avais entendu parler des hortillonnages d’Amiens. Et, cela allait devenir concret.

 

L’impasse sanitaire

 

 

Jusqu’au moment où j’ai aperçu l’inscription : Le Pass Sanitaire est obligatoire. Ou une phrase assez proche.

 

Si nous étions venus deux jours plus tôt, le mardi, soit le lendemain de notre arrivée à Amiens, nous aurions échappé à cette inscription. Car c’est à partir du 21 juillet, si je ne me trompe, que les nouvelles dispositions gouvernementales concernant les mesures Covid ont commencé à être appliquées.

Centre-ville d’Amiens, juillet 2021.

 

 

Depuis un peu plus d’un an, le port du masque est obligatoire dans les lieux professionnels et publics. Et, depuis début juillet à peu près, nous pouvons nous passer du port du masque à l’extérieur. Mais depuis une dizaine de jours à peu près maintenant, le gouvernement nous a fait savoir, que à compter de ce 15 septembre, tout soignant contrôlé qui ne serait pas vacciné contre le Covid ( donc sans son pass sanitaire) serait « licencié » et ne percevrait plus son salaire. Et les adolescents ont été encouragés à se faire vacciner au plus vite contre le Covid.

 

Je suis plus soignant qu’adolescent ou peut-être aussi encore très adolescent car je ne suis pas vacciné. Pas encore vacciné. Ou toujours pas vacciné.

 

Si je ne connais pas encore de personnes qui sont privées de vacances et de travail, je connais des personnes qui se sont faites vacciner. Leur nombre croît. Parmi elles, au moins deux personnes, un médecin libéral désormais à la retraite et mon thérapeute m’avaient dit plusieurs semaines plus tôt :

 

« Je ne comprends pas que cela n’ait pas été rendu obligatoire pour les soignants ! ».

 

Et, je peux concevoir que certains adeptes de la vaccination anti-Covid, en apprenant ma «déconvenue » devant les hortillonnages d’Amiens, concluent :

 

« C’est normal ! » ou «  C’est bien fait pour sa gueule ! ».

 

Cela a été une drôle de sensation que de me découvrir un peu l’équivalent d’un paria devant ces hortillonnages. Et, j’ai commencé à entrevoir qu’il en serait de même pour me rendre au cinéma désormais. Ou à la piscine.

 

 

Le conservatoire de notre ville, s’alignant sur les nouvelles décisions gouvernementales, même si la loi n’a pas encore été votée, m’a ainsi relancé pour savoir si je disposais bien d’un pass sanitaire afin d’accompagner ma fille à la sortie organisée le 21 aout. Soit, là aussi, une sortie culturelle pour ma fille et moi qui va nous être interdite.

 

Ma fille a moins de dix ans. Il y a moins d’un an, comme tous les enfants de son âge, elle ne portait pas de masque à l’extérieur ou à l’école. Il avait été estimé par notre gouvernement que le port du masque ne s’appliquait pas à cette catégorie d’âge. Et, c’est très sûr de moi que j’avais pu répondre à un passant qui s’étonnait qu’elle ne portait pas de masque :

 

« Elle a moins de dix ans ! ». Le sujet avait été réglé. Ma fille, comme les enfants de son âge, pouvait sortir sans masque sur le nez et la bouche. Et, moi, son père, qui portais un masque en permanence, cela m’allait.

 

Et puis, ça a changé. Depuis six mois à peu près, même les mômes de l’école primaire doivent porter un masque. Deux masques sont à prévoir pour la journée. Un pour le matin, un pour l’après-midi. Même moi, j’ai changé. Je suis devenu le gendarme de ma fille pour le port du masque. J’exige qu’elle porte son masque convenablement sur son nez et sur sa bouche. Ou pas du tout lorsque c’est possible. Le masque seulement sur la bouche pour ma fille, ça ne passe pas avec moi.  

 

Mais toutes ces bonnes intentions, le fait de vivre pratiquement sans masques entre mi-mars 2020 et début Mai 2020, comme l’acceptation pendant plusieurs mois de nos restrictions d’heures de sortie, et la limitation géographique de nos déplacements, pour cause de pandémie du Covid, n’ont pas suffi.

 

Centre-ville d’Amiens, juillet 2021.

 

Les vaccins anti-Covid sont arrivés à partir de février-mars de cette année 2021 (ou plus tôt ?) et ont été attribués, selon les quantités, et par ordre prioritaire à certaines tranches d’âge (les personnes les plus âgées d’abord). Avant  cet été 2021, il était possible pour l’ensemble de la population en âge de se faire vacciner de prendre rendez-vous pour le faire. Mais la France manque de volontaires pour se faire vacciner comparativement à d’autres pays cités en exemple. Même si de plus en plus de personnes se sont faites vacciner, il y a quinze jours, officiellement, nous étions encore en dessous de 60 % de vaccinés pour la population en âge d’être vaccinée.

 

 

Là où des frontières se ferment, des blessures s’ouvrent.

 

 

J’ai fait de mon mieux pour me préserver des mauvaises nouvelles liées aux courbes de croissance relatives à la pandémie du Covid en France ou ailleurs. Cependant, jusqu’à mon départ en vacances mi-juillet de l’année dernière (soit en juillet 2020), comme la majorité des gens en France, je me suis fait intoxiquer par tous ces cursus de mauvaises nouvelles liées au Covid que nous avons suivi de force.

Entre mi-mars 2020 et juillet 2020, comme beaucoup, j’avais vécu quatre mois de camisole anxiogène. J’estime pourtant avoir été moins à plaindre que d’autres :

 

Le fait de partir travailler –même si sans masque pour les premières semaines- de sortir de chez moi et d’être actif m’avait permis de ne pas subir la totalité du tabassage médiatique et/ou gouvernemental à propos des chiffres mortels du Covid. Nous devions nous attendre à clamser tels des cafards enserrés dans les vaporisations d’une bombe insecticide de la marque Covid. Finalement, j’ai échappé à mon extermination. Mais plus pour très longtemps, manifestement.

 

J’ai, pour l’instant, conservé mon emploi là ou d’autres l’ont perdu. J’ai eu droit à une prime, comme d’autres collègues soignants, pour mon « courage » ou mon « héroïsme ». Alors que d’autres collègues et d’autres personnels (éboueurs, caissières, caissiers….) exposés eux-aussi, n’ont pas, semble-t’il, touché de prime. Cette prime, je l’ai acceptée. Je ne suis pas riche.

 

Mais depuis quelques jours- depuis que le vaccin anti-Covid est devenu obligatoire avec la date butoir du 15 septembre 2021-  je suis obligé de retourner dans le purgatoire des informations que je peux trouver à propos des bienfaits et des effets des vaccins anti-Covid actuellement à disposition. Jusque là, je comptais sur le temps. J’attendais qu’un vaccin éprouvé et fiable pratiquement à cent pour cent, avec le moins d’effets secondaires graves possibles soit crée. Ou que le pandémie tombe. Mais, désormais,  j’ai officiellement suffisamment pris mon temps comme ça !  

Au jardin des plantes d’Amiens, juillet 2021.

 

 

Pour le bien du patient

 

« Pour le bien du patient » est une expression très utilisée dans le milieu soignant pour faire passer certaines mesures. Elle peut être remplacée par les termes « déontologie » ou « éthique ». Avec ces trois termes, on peut à peu près tout exiger des soignants. Autant pour se dévouer à leur travail dans d’assez saines conditions que  pour accepter toutes sortes de dégradations de leurs conditions de travail.

 

En décidant de sanctionner, à partir du 15 septembre 2021, (en licenciant et autres) tout soignant qui, en cas de contrôle, ne serait pas vacciné contre le Covid, le gouvernement semble avoir trouvé en quelques semaines la solution pour contrer la pénurie soignante. Une pénurie incurable depuis des décennies et qui s’est aggravée depuis la pandémie du Covid d’après ce que j’avais lu dans un numéro du journal Le Parisien il y a quelques jours.

 

D’un point de vue pratique, le gouvernement estime peut-être qu’en cas de licenciement massif de soignants non vaccinés à partir de mi-septembre que les conditions de travail vont s’améliorer dans les lieux de soins. Qu’il y a encore beaucoup trop de soignants en exercice. Ou que les soignants n’ont pas d’autre choix que faire ce qu’on leur demande…pour le bien du patient. Ou, alors, l’augmentation de salaire promise à certains soignants ( aides-soignants et infirmiers) pour cet automne est peut-être trop difficile à assumer. Il faut peut-être diminuer le plus possible la masse salariale. Ou conditionner l’attribution de cette augmentation salariale ( qui aurait dû avoir lieu depuis des années) à la détention du pass sanitaire avec une vaccination anti-covid à jour. 

 

 

Avant d’en arriver là, l’année dernière, lors du premier confinement, j’estimais avoir  eu de la chance. Et, j’avais un peu raison.

 

 

La « chance » de l’année dernière

 

 

En effet, dans ma ville, nous avons eu de la « chance » : notre enfant ayant un père et une mère soignante, une « école » proche de chez nous l’accueillait sur nos horaires de travail.

 

Mais ça, c’était l’année dernière entre Mars et juillet. Lorsque je croyais encore que nous avions vécu le plus difficile. Ou que le port du masque suffirait.

 

Mais ça ne suffit pas. Il faut désormais se faire vacciner.

Au jardin des plantes d’Amiens, juillet 2021.

 

 

Il y a quelques jours, des manifestants anti-vaccination obligatoire contre le Covid ont porté l’étoile jaune des juifs du temps des camps de concentration. Je ne vais pas jusque là.

 

J’ai aussi été étonné d’apprendre récemment que le frère d’un ami considère que la pandémie du Covid est une fumisterie et une émanation d’un complot sioniste. Je ne vais pas jusque là non plus. Et j’ai dit à cet ami – vacciné contre le Covid- que cette croyance avait permis l’existence des camps de concentration il y a plus d’un demi-siècle. Mon ami a acquiescé.

 

 

J’ai plus de mal dans le fait de donner ma pleine et mon immédiate confiance dans des vaccins dont certains effets secondaires, pour rares qu’ils soient, peuvent être graves (thromboses…). Ainsi qu’avec cette part de voyage dans l’inconnu pour des vaccins pour lesquels on manque de recul.

 

Cela en sachant que pour bien des décisions importantes, je prends du temps.

 

Je me dis aussi que si j’ai pu échapper au Covid jusqu’à maintenant sans vaccin, que cela peut continuer.

 

Avant de partir pour notre séjour à Amiens, j’ai effectué une sérologie Covid ainsi qu’un bilan complet. J’ai espéré être « porteur sain ». Je me suis dit que j’avais été cas contact- comme d’autres collègues- deux fois au mois de mars. Même si le résultat avait été négatif à chaque fois, j’avais peut-être développé une réaction immunitaire effective et indolore. Le résultat de ma sérologie Covid a été impitoyable. Aucune réaction immunitaire notable.

 

 

Sauf que ce que je comprends maintenant, c’est que l’obligation de la vaccination va endurcir une radicalisation déjà existante des personnes anti-vaccins. Et, sans doute aussi endurcir une radicalisation déjà existante chez les personnes pro-vaccins. Mais aussi des mesures politiques, économiques et policières. Et, ce que je n’avais pas prévu, c’était que cette radicalisation des anti-vaccins et des pro-vaccins va créer des séparations douloureuses et intimes au sein des familles, des amis et des couples.

 

En Mars 2021, lors de son premier discours «  Covid », le Président Macron avait sorti son « Nous sommes en guerre ». Son faux air de De Gaulle lui avait donné un côté guignol. Parce-que trop jeune pour cette parole. Parce-que trop préservé et trop gâté par la vie et par sa réussite. Pourtant, en repensant à ce « Nous sommes en guerre », je me dis que, pour la première fois de notre vie, pour nous qui n’avons pas vécu la Seconde Guerre Mondiale, l’Indochine ou la Guerre d’Algérie, cette vaccination maintenant obligatoire contre le Covid (même si elle n’a pas encore été votée) nous met- au moins symboliquement- dans la même situation que ces appelés qui devaient s’enrôler dans l’armée pour participer à un conflit militaire. A ceci près qu’il y a des années maintenant que le service militaire n’est plus obligatoire et que nous nous faisons aujourd’hui enrôler de manière moins frontale. Le plus souvent, avec notre consentement. Ou en nous laissant, aussi, l’impression de pouvoir choisir.

 

Or, les conditions de cette vaccination ne sont pas sécurisées à cent pour cent. Et nous savons maintenant qu’il y aura d’autres variants.  Et que cette pandémie va durer plus que trois ou quatre mois puisque cela va bientôt faire un an et demi maintenant.

 

Il y a aussi cette croyance, cette rumeur ou cette « information » selon laquelle les vaccins anti-Covid seraient si néfastes que toute personne se faisant vacciner contre le Covid serait amenée à décéder d’ici deux à trois ans.

 

 

Nous vivons dans une époque où nous acceptons facilement qu’une série télévisée puisse durer des années. Mais pas de nous retrouver dans la série. Or, avec la pandémie du Covid, ses variants et ses vaccins, nous sommes dans la seringue de la série.

Au point que je me suis demandé tout à l’heure, si, dans un monde sans la pandémie du Covid qui nous recouvre depuis un an et demi, un film comme Titane de Julia Ducournau aurait pu avoir la palme d’Or comme cela est arrivé cette année au festival de Cannes. ( Titane- un film de Julia Ducournau )

 

Dans Titane, Alexia fuit sa mémoire. Elle est entraînée dans sa fuite et doit improviser son histoire. A l’inverse, si le personnage de Jason Bourne est amnésique, au moins est-il surentraîné pour se défendre et pour tuer. Au point qu’il peut se fier à son corps lorsque celui-ci prend le relais de sa mémoire. Il n’a pas à penser.

Vis-à-vis du vaccin anti-covid, je n’ai ni entraînement et ni mémoire. J’ai donc du mal à réagir aussi vite qu’un Jason Bourne. Et, contrairement à Alexia qui est jugée pour voir tué, je peux être jugé – sans volonté et sans possibilité de fuir- car je pourrais tuer.

D’autres peuvent se passer d’entraînement et de mémoire et se font vacciner contre le covid. J’envie leur confiance envers la vaccination anti-Covid.

 

Franck Unimon, lundi 26 juillet 2021.

 

 

 

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