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Cinéma

Dark Phoenix

 

 

Dark Phoenix, le « dernier » X-Men à ce jour a Ă©tĂ© rĂ©alisĂ© par Simon Kinberg. Sorti en salles la semaine derniĂšre, Dark Phoenix bĂ©nĂ©ficie d’une bonne critique dans le TĂ©lĂ©rama numĂ©ro 3621 du 8 au 14 juin 2019. C’est dire ! Quelle surprise !

AbonnĂ© Ă  TĂ©lĂ©rama depuis des annĂ©es, je puis tĂ©moigner que cet hebdomadaire aime peu ce genre de grosse production qui est un peu l’équivalent de la pĂątĂ©e pour chiens pour tout mĂ©dia qui se veut respectueux du 7Ăšme art et Ă©duquĂ© Ă  le goĂ»ter comme Ă  le prononcer. Mais il faut rappeler, aussi, que TĂ©lĂ©rama avait beaucoup aimĂ© le Valerian rĂ©alisĂ© par Luc Besson. Lequel Valerian m’avait beaucoup fait penser – aussi- Ă  une campagne de « name dropping » en matiĂšre de cĂ©lĂ©britĂ©s invitĂ©es, cachetĂ©es et plus ou moins cachĂ©es. Peut-ĂȘtre par amitiĂ© ainsi que pour rĂ©pondre Ă  cette nĂ©cessitĂ© de placement de produits plus ou moins consentis car rĂ©aliser un film peut coĂ»ter trĂšs cher. Economiquement et personnellement. Comme pour un mariage, lorsque l’on rĂ©alise un film, il faut savoir qui inviter et qui l’on peut se permettre de nĂ©gliger, pour la suite de sa carriĂšre professionnelle et personnelle. Les femmes et les hommes politiques officiels et officieux savent trĂšs bien faire ça qu’ils Ă©voluent Ă  l’échelon international, municipal ou libidinal : c’est dans les couloirs et dans ces zones oĂč s’évaporent les regards et les consciences que l’on dĂ©vore le mieux sa proie. AprĂšs ça, on a tout le temps de se refaire une beautĂ© et de prendre un certain public pour un champ de pommes grĂące Ă  une superbe com’.

« Come » qui, en Anglais, signifie aussi « jouir ». « Come again ! » disent parfois certains chanteurs à leurs choristes ou à leurs musiciens. Et, je vais continuer de dégainer.

On peut aimer le cinĂ©ma d’auteur et aimer les films de super-hĂ©ros. On peut aimer lire TĂ©lĂ©rama et des journaux Ă  premiĂšre vue moins prestigieux. On peut aussi Ă©galement aimer certaines sĂ©ries telles que Game of Thrones dont la derniĂšre saison s’est terminĂ©e il y’a quelques semaines. Et, cela, quels que soient les dĂ©fauts ajoutĂ©s des uns et des autres. Quand il y’en a bien-sĂ»r. On peut aimer le cinĂ©ma d’Alejandro Gonzalez Innaritu qui a prĂ©sidĂ© le dernier festival de Cannes, l’avoir interviewĂ© il y’a plusieurs annĂ©es pour son film Biutiful, connaĂźtre son point de vue- et l’approuver- sur tous ces films de super hĂ©ros qu’il a aussi critiquĂ© dans son trĂšs bon – et oscarisĂ©- Birdman . Et le « trahir ».  En se rendant en salle avec plaisir afin d’aller voir le « dernier » X-Men.

Dans Dark Phoenix, le personnage de PhĂ©nix/ Jean Grey est jouĂ© par l’actrice Sophie Turner. Jouera-t’elle un jour dans un des films d’Innaritu ?

L’actrice Sophie Turner a Ă©tĂ© « rĂ©vĂ©lĂ©e » par la sĂ©rie Game of Thrones. Game of Thrones est cette super sĂ©rie qui a obtenu un certain nombre de prix et qui a sans doute battu un record historique pour sa capacitĂ© Ă  assurer une seconde vie Ă  la carriĂšre de plusieurs de ses actrices et acteurs. Game of Thrones est cette sĂ©rie dont l’issue a tellement déçu un certain nombre de ses fans qu’il circulerait sur le net  la pĂ©tition de plus d’un million d’entre eux exigeant une autre fin. Cela pour dire Ă  quel point cette sĂ©rie a touchĂ© la vie de beaucoup de personnes dans le monde. Et aussi comme le fait d’en avoir fait partie en tant qu’actrice et acteur est un “plus”.

Rappelons que la trĂšs bonne carriĂšre d’une actrice et d’un acteur peut varier du simple au double selon les bons projets auxquels elle/il aura eu la possibilitĂ© de participer. Si la qualitĂ© de jeu et le travail entrent en compte, le facteur chance, son environnement relationnel et la mĂ©diatisation d’une actrice et d’un acteur, sa « rentabilitĂ© » ou son cĂŽte « bankable » voire sa rĂ©putation, comptent tout autant voire davantage : « C’est qui cette actrice ? Je connais pas
. » est beaucoup moins vendeur que : « Ah, oui, c’est celle qui joue dans Game of Thrones
 ». Aujourd’hui, en 2019, il faudrait ĂȘtre un professionnel du cinĂ©ma mutant ou mourant pour ignorer le nom de la sĂ©rie Game of Thrones.

L’attrait des films de « mutant » et de super-hĂ©ros, repose beaucoup sur la quĂȘte identitaire. Qui suis-je ? A quoi suis-je destinĂ© ? De quoi suis-je vĂ©ritablement capable ? Comment ĂȘtre aimĂ© et reconnu ? Des prĂ©occupations qui nous concernent tous et qui creusent beaucoup, jusqu’à la souffrance, bien des adolescents et prĂ©adolescents. Mais aussi des adultes. D’oĂč le succĂšs de ces films comme de ces autres films qui abordent les mĂȘmes thĂšmes. Sans doute apprendrons-nous un jour que certains jeunes jihadistes avant de « s’engager » avaient aussi beaucoup prisĂ© des films, sagas et des sĂ©ries tels que les X-Men, Harry Potter, Matrix , Le Seigneur des Anneaux , Divergente, Hunger Games, Game of Thrones
. Sauf que, eux, aucun professeur Xavier ne les a dĂ©tectĂ©s ou n’a tentĂ© de les sauver.

Pourquoi ?

On sait la raison pour laquelle , pour incarner Jean Grey/ PhĂ©nix, l’actrice Sophie Turner a Ă©tĂ© choisie : Pour effectuer une rĂ©plique de son rĂŽle dans Game of Thrones . Mais avec plus de pouvoirs ou de puissance de feu. Quelle imagination !

La puissance de “Sansa Stark”( au fait, ” Stark”, en Anglais, c’est proche du mot “Star”,  “Ă©toile”)  dans Dark Phoenix et sa façon d’en digĂ©rer la greffe fait d’elle l’égale ou la supĂ©rieure d’un Hulk. Mais je parle ici du Hulk rĂ©alisĂ© par Ang Lee ( 2003), selon moi plus conforme Ă  « l’ñme » du Comics pour sa ruisselante puissance plutĂŽt qu’aux derniers Hulk pourtant drĂŽlement bien troussĂ©s par Mark Ruffalo.

Dans le Hulk d’Ang Lee, je repense maintenant Ă  cette scĂšne oĂč David Banner se trouve devant une porte. DerriĂšre cette porte ou ce placard (vu qu’Ang Lee peut ĂȘtre vu comme un rĂ©alisateur du « coming out » depuis au moins son film Garçon d’Honneur rĂ©alisĂ© en 1993 soit 12 ans avant son Le Secret de Brokeback Mountain ) se trouve la frayeur Hulk.

La mouvance fĂ©ministe de Dark Phoenix a peut-ĂȘtre plu Ă  TĂ©lĂ©rama. Et on pourrait sĂ»rement dire que les tergiversations du personnage de Jean Grey/ PhĂ©nix sont une des facettes d’une (jeune) femme qui tente de s’émanciper (de la mĂȘme façon que Sansa Stark dans dans Game of Thrones !) dans un monde de mĂąles post-Weinstein et contemporain de l’esprit Balance ton porc/ Me Too.

Mais, en matiĂšre de fĂ©minisme, on remerciera davantage- pour les subtilitĂ©s de jeu- les rĂŽles tenus par Jennifer Lawrence, qui, une fois de plus, en Raven/ Mystique bonifie ce qu’on lui donne et, encore plus peut-ĂȘtre, Jessica Chastain dans le rĂŽle de Vuk :

MĂȘme moyennant un abonnement de cent mille ans Ă  TĂ©lĂ©rama, je m’abstiendrais de partir en voyage de noces avec le personnage de Vuk proposĂ© par Jessica Chastain. Et il n’y’a rien de sexiste dans le fait de prĂ©fĂ©rer les prestations de Jessica Chastain et de Jennifer Lawrence Ă  celle de Sophie Turner en ce sens qu’il semble trĂšs difficile de faire plus chaste et plus puritain que dans Dark Phoenix et les autres X-Men. Les principaux moments proches de la jouissance sont la propriĂ©tĂ© de Vuk ( Jessica Chastain, rousse dans le civil, couleur de cheveux plutĂŽt mal perçue selon certaines croyances et Ă©poques), la force nĂ©faste, ou “double” du lac des cygnes.

Du cĂŽtĂ© des “bons” et des gentils, c’est ceinture de chastetĂ© et autres expĂ©dients. Pour cela, j’invite les spectateurs ou futurs spectateurs Ă  se remĂ©morer l’histoire d’amour de Raven/ Mystique avec Le Fauve. Ainsi que ce conformisme imperturbable- et dĂ©routant pour une Ɠuvre supposĂ©e tolĂ©rante et futuriste- dĂšs que l’on parle des identitĂ©s de genre et des prĂ©fĂ©rences sexuelles. Il existe lĂ  un vide sĂ©mantique constant de film en film. Et ce vide reflĂšte aussi l’impossibilitĂ© au moins pour les sagas X-Men Ă  nous montrer ce qui pourrait exister au delĂ  de certaines frontiĂšres, en particulier raciales et culturelles, en dĂ©pit des bonnes intentions affichĂ©es. Soit une saga rĂ©trograde –  nombriliste et trĂšs pro-amĂ©ricaine- alors qu’elle se veut visionnaire.

AprĂšs m’ĂȘtre ainsi acharnĂ© sur l’actrice Sophie Turner et cet article de TĂ©lĂ©rama, passons Ă  quelques autres singularitĂ©s de Dark Phoenix qui marche trĂšs bien en salles depuis sa sortie en France et qui devance le film Parasite (Palme d’or Ă  Cannes cette annĂ©e) de Bong Joon-Ho, pour la premiĂšre place en nombre d’entrĂ©es.

Dans Dark Phoenix, le pĂšre de Jean Grey/ PhĂ©nix en prend pour son prĂ©puce de bout en bout. Lorsque notre vie a mal dĂ©butĂ©, il faut bien- aussi- pouvoir s’en prendre Ă  quelqu’un d’autre Ă  un moment donnĂ©. Le pĂšre de Jean Grey/ PhĂ©nix « gagne » le jackpot. Il a tout contre lui, cet homme. On peut mĂȘme se demander comment il fait pour Ă©viter l’alcoolisme et le suicide. Va-t’il seulement sur Facebook ? Connait-il Game of Thrones ? Cet homme-lĂ  a vraiment tout ratĂ©. Pendant ce temps-lĂ , le professeur Xavier, notre druide tĂ©lĂ©pathe, continue de jouer les bons samaritains. C’est quelqu’un de bien, le professeur Xavier ! MĂȘme si son Ă©go va quand mĂȘme tĂąter du dĂ©sert plutĂŽt que du bourre-sein dans Dark Phoenix, il va s’en remettre. Le pĂšre de Jean Grey, lui, va en baver. Tout est fait pour. Quel suspense ! Quel scĂ©nario ! Il a perdu sa femme, mĂšre de leur fille ? Oui, c’est trĂšs dur. Mais quand mĂȘme, de lĂ  à
 Il faut qu’il paie, hein ! Quelle enflure ! Quel lĂąche ! Ah, ces hommes, tous les mĂȘmes ! Par contre, le professeur Xavier, lui, il est parfait. Indemne du drame vĂ©cu par le pĂšre et par Jean Grey, il dĂ©barque avec son fauteuil roulant, façon chasseur de tĂȘtes ou recruteur de talents qui vient faire ses courses et il sauve la mise au pĂšre et Ă  Jean (prononcer : « Djin » comme l’esprit voire le saint esprit ou « Jean » comme le titre « Billie Jean » qui va dans les aigus).

Parce que Jean a des pouvoirs particuliers. Et pas uniquement capillaires. Sans ses pouvoirs, Jean Grey finirait sĂ»rement dans un orphelinat ou dans une maison d’accueil mais, ça, c’est chercher la super nova dans le yaourt. Parce-que tout le monde sait que tout le monde a des super pouvoirs et que les super pouvoirs des X-Men sont bien-sĂ»r une mĂ©taphore de nos propres pouvoirs que nous mĂ©connaissons.

Et puis, il va absolument falloir faire quelque chose pour tous ces mutants aux super pouvoirs dont l’intelligence stratĂ©gique en plein combat est privĂ©e de l’ADSL. Il faut tout leur dire ! Quelle faible capacitĂ© d’analyse. Tornade, autre figure fĂ©ministe affichĂ©e, je me demande comment, en maitrisant Ă  ce point les Ă©lĂ©ments, elle peut continuer de se faire bousculer par des vilains de division d’honneur.  ça “sent” la femme battue.

Ce serait peut-ĂȘtre aussi bien d’apprendre Ă  nos « Maitres » du monde amĂ©ricains, que la France, en 2019, c’est un (petit) peu plus que des DS, des Deux Chevaux et la Tour Eiffel. Et que si au monopoly, la Rue de la paix fait partie des rues les plus chĂšres Ă  acheter, dans la vraie vie, ce sont aussi des gens plutĂŽt aisĂ©s et privilĂ©giĂ©s qui y habitent.

Franck Unimon, ce vendredi 14 juin 2019.

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