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self-défense/ Arts Martiaux

Je cours depuis longtemps

Spot 13, samedi 15 janvier 2022. Paris 13Ăšme.

                               Je cours depuis longtemps

 

Plus jeune, je courais aprĂšs les bus et les trains que je voyais arriver. Puis, j’ai arrĂȘtĂ© et j’ai cru que j’avais arrĂȘtĂ© de courir. Lorsqu’ensuite, j’en voyais d’autres qui couraient aprĂšs des moyens de transports, j’ai pu sourire. Bien-sĂ»r, cela me permettait aussi d’oublier qu’entre-temps, j’avais vieilli. Mais comme j’arrivais gĂ©nĂ©ralement Ă  destination et honorais mes rendez-vous les plus importants, je n’y ai pas accordĂ© d’attention particuliĂšre.

 

Je n’ai rien contre le fait de courir, de faire du sport et de transpirer. Mais je n’aime pas courir pour rien. Je n’aime pas m’inquiĂ©ter pour rien non plus. Ou, du moins, de fournir beaucoup d’efforts pour, aprĂšs, devoir m’apercevoir que je me suis Ă©reintĂ© pour trĂšs peu de rĂ©sultats. Les travaux d’Hercule tous les jours seulement pour arriver Ă  l’heure, cela ne vaut pas le clou.

 

 

Alors, j’ai arrĂȘtĂ© de courir. Soit je suis Ă  l’heure ou trĂšs en avance. Soit je suis en retard. Mais je suis moins en retard qu’avant. On parlera de sagesse, d’expĂ©rience, d’économie de moyens, d’anticipation, de maturitĂ©, de meilleure perception de soi-mĂȘme comme de son environnement proche et lointain.  Ou de meilleur systĂšme d’évacuation sudoripare. Peut-ĂȘtre. Si on veut.

 

Car, par ailleurs, j’ai continuĂ© de courir. Je n’avais jamais vĂ©ritablement arrĂȘtĂ©. En pensĂ©es, en actions, en projets, en regrets, en illusions, en dĂ©sirs, en devoirs, en Ă©criture.

 

Prenons mon blog. Prenons les films qui sortent au cinéma.

 

A ce jour, mes cinq articles les plus lus sont consacrĂ©s aux Arts Martiaux. A ma rencontre avec deux Maitres d’Arts Martiaux : respectivement, par anciennetĂ©, Ă  Maitre Jean-Pierre Vignau et Ă  Maitre LĂ©o Tamaki. ( Dojo 5 et Arts Martiaux : un article inspirĂ© par Maitre Jean-Pierre Vignau)

 

Puis suit un article sur le mĂ©tier infirmier, celui que je pratique depuis quelques annĂ©es en psychiatrie et en pĂ©dopsychiatrie : CrĂ©dibilitĂ©

 

Devant un article qui raconte ma rencontre avec l’acteur Steve Tientcheu et son co-scĂ©nariste et co-rĂ©alisateur Tarik Laghdiri dans leur ville en Seine Saint Denis : Le cinema-A ciel ouvert avec Steve Tientcheu et Tarik Laghdiri

Et, enfin
.un article que j’avais Ă©crit aprĂšs avoir Ă©coutĂ© un podcast sur l’ex-actrice française de porno Brigitte Lahaie : Brigitte Lahaie en podcast

 

Je n’ai pas choisi cette chronologie. Comme je ne choisis pas la frĂ©quence de sortie des films dans les salles de cinĂ©ma. MalgrĂ© ou en dĂ©pit des diffĂ©rentes plateformes sur internet qui permettent de voir des films ou des sĂ©ries chez soi.

 

Plus jeune, j’allais voir autant de films que possible. J’ai aimĂ© ça. Au festival de Cannes, oĂč j’ai pu aller deux fois en tant que journaliste de cinĂ©ma, j’ai aussi aimĂ© bouffer du film de maniĂšre trĂšs rapprochĂ©e. Aujourd’hui, je regarde tous ces films sortir en salles. Dont certains en avant-premiĂšres lors de projections de presse. Si, auparavant, il m’était impossible de tous les voir, c’est encore plus vrai aujourd’hui.

Si, auparavant, il m’était possible d’écrire sur les films que je voyais en avant-premiĂšres, c’est moins vrai aujourd’hui.

 

Abdel, un copain de lycĂ©e m’avait dit un jour : «  Si tu veux te battre contre le Temps, c’est perdu d’avance Â». C’était Ă  la fac de Nanterre. Je sortais du bassin de la piscine oĂč je venais de terminer mes longueurs. Il arrivait. Abdel devait ĂȘtre en fac de Droit ou d’Economie. J’étais alors en Fac d’Anglais. Pourtant, j’avais parfaitement compris son langage.

 

Le Temps peut faire penser Ă  des arbres ou Ă  ces ĂȘtres qui nous entourent que l’on abat et bouscule en permanence. Mais on ne s’en aperçoit pas. Car ces arbres et ces ĂȘtres ne crient pas, restent passifs et, aussi, parce qu’on ne les voit pas. Ils font partie du dĂ©cor. Et lorsqu’ils disparaissent, on ne le voit pas tout de suite.

 

Nous prenons davantage en compte celles et ceux qui crient et réagissent. Qui nous font réagir. Ou qui sont mobiles.

Sauf que le Temps, lui, a cette particularitĂ©, qu’il nous repousse toujours vers nous mĂȘmes. Pas besoin de crier ou de s’agiter. Pas besoin d’ĂȘtre vu, non plus. Il s’impose. C’est tout. Tels tous ces films qui sortent, toutes ces pensĂ©es et ces expĂ©riences qui dĂ©filent par bobines et qu’il est impossible de retranscrire exactement.

 

Il faut choisir. Il faut trancher. Il faut Ă©couter. Ecrire. Parfois, c’est rĂ©ussi. Du titre au contenu. D’autres fois, c’est moins bien. Mais on ne peut jamais savoir avant d’avoir effectuĂ© le geste. Et avant de l’avoir publiĂ©. Ce que l’on sait, c’est que l’on ne peut pas courir Ă©ternellement et aprĂšs tout ce qui se passe autour de nous. C’est perdu d’avance.

 

 

Lors de mon dernier entraĂźnement d’apnĂ©e, ce samedi matin, notre moniteur d’apnĂ©e, Maitre Yves (il sera gĂȘnĂ© d’apprendre que je le vois comme un Maitre) m’a rappelĂ© l’importance du relĂąchement :

Alors que j’effectuais une de mes longueurs sous l’eau, mon partenaire qui assurait ma sĂ©curitĂ©, au dessus de moi Ă  la surface, avait Ă©tĂ© dans l’impossibilitĂ© de me suivre. J’avais accĂ©lĂ©rĂ©. J’avais accĂ©lĂ©rĂ© parce-que je manquais d’air et que je voulais arriver au bout des vingt cinq mĂštres. Yves m’a alors rĂ©pondu que, dans ce cas, il fallait se relĂącher, et permettre Ă  celui qui est en surface, de pouvoir suivre. Puisque l’on va bien plus vite sous l’eau qu’en surface. Maitre LĂ©o Tamaki, aussi, insiste sur le relĂąchement en AĂŻkido.

 

Cela doit ĂȘtre pareil pour mes articles. Au lieu de chercher Ă  aller vite afin de voir le plus de films possibles qui sortent, ou de traiter le maximum de sujets, je vais ralentir.

Hier ou avant hier, ma fille m’a demandĂ© s’il y avait des journaux oĂč j’avais Ă©crit. Je lui ai rĂ©pondu :

« Oui, dans un mensuel de cinĂ©ma papier qui s’appelait Brazil Â».

Ce matin, je lui ai montrĂ© quelques articles de Brazil en bas desquels se trouvaient mon prĂ©nom et mon nom. C’était en 2009. Il y avait d’abord l’interview de Reda Kateb, Lucide Ă  Paris, Ă  la Place d’Italie. Pour le film Qu’un seul tienne et les autres suivront de LĂ©a Fehner.

 

 

 

Puis, je suis tombĂ© sur l’interview que j’avais faite du rĂ©alisateur philippin Brillante Mendoza pour son film Kinatay ( Massacre). Kinatay avait eu un prix Ă  Cannes mais avait Ă©galement choquĂ© pour sa violence. Le film avait fait rĂ©agir. Mais aujourd’hui, qui s’en rappelle ?

 

 

 

 J’ai relu quelques bouts de l’interview de Brillante Mendoza. Les piles de mon enregistreur numĂ©rique avaient capitulĂ© dĂšs le dĂ©but. J’avais fait l’erreur de mal les recharger et de ne pas avoir prĂ©vu de piles de rechange. En rentrant chez moi, je m’étais empressĂ© de tout restituer de tĂȘte.

 

C’était en 2009. Il y a 13 ans. On peut se dire que c’est trĂšs ancien. Que c’est ressasser le passĂ©, et les souvenirs de nos « rĂ©ussites Â». Mais en quoi, le passĂ© et l’ancien sont-ils nĂ©cessairement des camouflets ? En quoi, la nouveautĂ© est-elle obligatoirement et, toujours, meilleure ?

 

Ce week-end, je me suis demandĂ© la raison pour laquelle, par moments, ou souvent, nous nous tenons rĂ©guliĂšrement Ă©loignĂ©s de ce qui nous fait du bien ou le plus de bien ?

 

Par soumission ? Par Devoir ? Par lĂąchetĂ© ? Par idiotie ? Par illogisme ? Par sacrifice ?

 

J’ai commencĂ© hier la lecture de l’ouvrage de Stanley Pranin, paru en 1993, Les MaĂźtres de l’AĂŻkido ( ElĂšves de MaĂźtre Ueshiba PĂ©riode d’Avant Guerre). Un livre d’interviews que j’avais achetĂ© d’occasion, il y a dĂ©jĂ  plusieurs mois. A un prix assez Ă©levĂ© (environ 60 euros) car devenu difficile Ă  trouver.

 

 

1993, c’est encore plus ancien que 2009. Et, la pĂ©riode d’Avant Guerre ( avant la Seconde Guerre Mondiale), c’est encore pire. Pourtant, qu’est-ce que la lecture de ces interviews m’a fait du bien ! Cela fait des mois, voire des annĂ©es, que je cours. Que je m’abreuve Ă  des informations anxiogĂšnes en continu par devoir ou par masochisme. Et que je passe Ă  cĂŽtĂ© de nourritures bien plus saines qui se trouvent prĂšs de moi et qui, comme les arbres et le Temps, ne font pas de bruit et gesticulent trĂšs peu.

 

En lisant une partie de l’interview de Brillante Mendoza, pour son film Kinatay, je me suis dit :

 

C’est plaisant Ă  lire. Tout ce travail que j’avais initiĂ© avec Brazil mais aussi tous ces films que j’ai pu voir dans le passĂ©, qui m’ont marquĂ© et dont j’ai les dvds et les blu-rays, doivent me servir pour mes articles cinĂ©ma. Je ne peux pas et ne veux pas courir aprĂšs tout ce qui sort Ă  la vitesse d’un Ball-trap, au cinĂ©ma ou ailleurs. Par contre, je peux prendre le temps de m’arrĂȘter sur des expĂ©riences qui ont Ă©tĂ© particuliĂšres pour moi. Ce qui signifie prendre le contre-pied de cette furie dans laquelle, trop souvent, notre vie prend souche. Comme si nous Ă©tions toujours condamnĂ©s Ă  mourir.

 

Franck Unimon, ce lundi 17 janvier 2022.

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