Joker
Jâaurais aimĂ© dire uniquement beaucoup de bien de ce film rĂ©alisĂ© par Todd Philipps et sorti en salle ce 9 octobre. Mais je mây suis ennuyĂ©.
Je lâai trouvĂ©- sĂ»rement comme mon article- trop dĂ©monstratif.
La prestation de Joaquin PhĂ©nix lui donnera peut-ĂȘtre lâOscar et dâautres superlatifs.
Mes rĂ©serves concernent principalement la façon dont le film a Ă©tĂ© rĂ©alisĂ© et non son jeu dâacteur. MĂȘme si Joaquin PhĂ©nix ne me fait pas oublier Jack Nicholson et Heath Ledger â jâai lu quâil les faisait oublier- dans les prĂ©cĂ©dents rĂŽles du Joker, son interprĂ©tation fait par moments penser au personnage paranoĂŻde de Jack Gyllenhaal dans le trĂšs bon Night Call (Nightcrawler) rĂ©alisĂ© en 2014 par Dan Gilroy ce qui me plait bien et, beaucoup trop, je trouveâŠ.au personnage incarnĂ© par Robert De Niro dans Taxi Driver qui a un rĂŽle dans le film. Pour ce cĂŽtĂ© : je me fais mon film dans ma tĂȘte.
On peut sĂ»rement voir une continuitĂ© entre le Taxi Driver de Scorsese et Le Joker. On a aussi le droit dâavoir une grande admiration pour Robert De Niro. Le personnage de De Niro dans Taxi Driver et celui du Joker ici permettent de parler de la schizophrĂ©nie et de la duplicitĂ© des Etats-Unis mais aussi de celles de notre monde occidental libĂ©ral ( viscĂ©ral ?).
On peut aussi penser au personnage de Rorschach dans The Watchmen. Dâailleurs, le message du film sur ces sujets (schizophrĂ©nie et duplicitĂ© des instances dirigeantes libĂ©rales et de nos sociĂ©tĂ©s occidentales « Ă©voluĂ©es ») ainsi que ses parallĂšles avec le personnage de V pour Vendetta (rĂ©alisations cinĂ©matographiques dâaprĂšs les Ćuvres dâAlan Moore), le mouvement Occupy Wall Street (ou actuellement, pour nous en France, le mouvement des gilets jaunes) lui donnent une grande lĂ©gitimitĂ©.
Mais, autant on comprend l’Ă©vaporation de lâidentitĂ© du Joker et ce que cette « évaporation » permet Ă sa personnalitĂ©, autant le film, lui, finalement, manque dâune certaine personnalitĂ© :
On a donc droit Ă une musique « appropriĂ©e » â et insistante- comme si le rĂ©alisateur avait eu peur du vide, du froid, des cicatrices et des silences que le personnage du Joker a dans le bide.
On a droit Ă des « rituels » rĂ©pĂ©tĂ©s ou Arthur Fleck/ Le Joker se fait humilier et bien bousculer y compris gratuitement. Sauf que ces rituels finissent par faire penser Ă ces passages obligĂ©s que l’on trouve dans les circuits touristiques de masse. Un peu comme si le guide faisant une pause devant un coucher de soleil Ă©tudiĂ© se tournait vers vous et vous disait :
 » C’est maintenant le moment de vous embrasser ».
Malheureusement, dans la salle, personne n’a voulu m’embrasser. Alors, j’ai recommencĂ© Ă regarder l’Ă©cran. Il fallait bien que je m’occupe.
Lorsque Charlize Theron, dans le Monster de Patty Jenkins se fait humilier, les coups durs et la dĂ©gringolade morale qui s’ensuit (et qui prĂ©cĂšde les meurtres) sont les nĂŽtres. Et il n’est pas nĂ©cessaire de mettre autant de tours d’Ă©crous au supplice comme c’est le cas dans Joker pour bien nous faire comprendre qu’il a souffert. Afin de nous pousser Ă souhaiter qu’il devienne le contraire de la victime. Car Le Joker, c’est l’anti-Elephant Man ( Elephant Man).
Et puis, lâimage est peut-ĂȘtre trop propre ou trop parfaite pour un personnage aux noirceurs possessives. Le film est peut-ĂȘtre trop correct. Câest peut-ĂȘtre ça qui mâa dĂ©rangĂ© avec Joker. MĂȘme sâil y a un Ă©vident travail de fait et une bonne correspondance entre le Joker et la figure du Batman dont on comprend bien les futures nĂ©vroses et sa relation particuliĂšre avec ce « fou » qui prend ici la place du roi.
Franck Unimon