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Pour les Poissons Rouges

Le couple de la Saint-Valentin/ La femme dans l’homme

Paris, Bd Raspail, prĂšs de l’hĂŽtel Le LutĂ©tia, dimanche 13 fĂ©vrier 2022.

  Le Couple de la Saint-Valentin/ La femme dans l’homme

 

Dans la cour du lycĂ©e, chaque fois que Khadija, d’origine kabyle, apercevait son frĂšre aĂźnĂ© dans les environs, elle arrĂȘtait de me parler et son regard se calcinait. Nous ne faisions que discuter. Son frĂšre aĂźnĂ© ne s’est jamais approchĂ©. Et, elle ne m’a jamais appris ensuite qu’il lui avait fait des reproches. Mon geste le plus dĂ©placĂ©  Ă  son encontre avait Ă©tĂ© de lui dire un jour :

 

«  Il te va bien, ton Jean moulant Â». Je crois que cela l’avait flattĂ©e.

 

Avant les Ă©preuves du Bac qui annonçaient la fin de la rĂ©crĂ©ation de toutes nos thĂ©ories et notre entrĂ©e en matiĂšre dans le monde des adultes, catastrophĂ©, alors qu’il avait toujours Ă©tĂ© trĂšs sĂ»r de lui, Abdelkader, trĂšs bon Ă©lĂšve, s’était immĂ©diatement inquiĂ©tĂ© de son futur lorsqu’il serait en couple avec sa femme qu’il ne connaissait pas encore :

 

« Mais qu’est-ce que je vais pouvoir lui raconter ?! Â». Pris de « cours Â», je n’avais pas su quoi lui rĂ©pondre. Je n’avais pas encore Ă©tudiĂ© ce programme.

 

 

Sept ans plus tard, aprĂšs mon service militaire, et alors que j’avais dĂ©jĂ  « reçu Â» la vie en pleine face et assez brutalement en devenant infirmier Ă  vingt et un ans, j’avais Ă©tĂ© horrifiĂ© lorsque TsĂ©, une de mes collĂšgues, m’avait appris que deux de nos collĂšgues mariĂ©s et plus ĂągĂ©s avaient eu une liaison ensemble. J’avais alors totalement oubliĂ© que, enfant, rĂ©guliĂšrement, les week-end, j’avais vu mon pĂšre dĂ©coucher deux ou trois jours de suite, aprĂšs s’ĂȘtre pomponnĂ© auparavant, une bonne heure durant, dans la salle de bain. Salle de bain dont il avait auparavant pris soin de fermer la porte Ă  clĂ©. C’était l’époque oĂč ma mĂšre m’avait appris, qu’un jour, elle quitterait mon pĂšre. Qu’elle Ă©tait « jeune et fraĂźche Â».

 

C’était aussi l’époque oĂč mon pĂšre savait me prĂ©venir de ne jamais me « laisser commander par une femme Â». Mais, aussi, que « la femme blanche Â» Ă©tait l’ennemie. Ce qui, ensuite, m’a beaucoup aidĂ© dans mes relations amoureuses en France oĂč il y a si peu de femmes blanches.

Cela, tout en Ă©tant trĂšs content de m’exhiber, comme son fils, Ă  quelques blancs, dont une femme que nous Ă©tions, un jour, allĂ©s saluer. Cette femme, en me voyant sur le seuil de la porte de son appartement, s’était Ă©merveillĂ©e Ă  me voir. Et, ce, Ă  la grande fiertĂ© de mon pĂšre. Je ne me rappelle pas de la voix ou de la prĂ©sence d’un homme alors que mon pĂšre Ă©tait parti me montrer Ă  cette dame souriante et plutĂŽt jolie pour ce que mes souvenirs d’enfant ont pu me laisser d’elle. Je devais avoir moins de huit ans. J’étais alors un mignon petit garçon. Je ne faisais alors pas encore trop chier le monde avec mes Ă©lucubrations. C’est plus tard que j’ai commencĂ© Ă  mettre une mauvaise ambiance en adoptant certains comportements et en ayant certains propos.

Gare de Paris St Lazare, dimanche 13 février 2022.

 

C’était il y a quarante ans ou plus. Depuis, ma mĂšre et mon pĂšre se sont mariĂ©s. Et, ils vivent au « pays Â» oĂč ils sont retournĂ©s vivre il y a quelques annĂ©es.

 

« C’est vrai que, seuls, des fois, on s’ennuie Â» m’avait dit la mĂšre d’une copine. « Il faut se rĂ©gĂ©nĂ©rer, perpĂ©tuer son nom
 Â» m’avait informĂ© mon parrain, un jour oĂč je l’avais croisĂ© et oĂč il avait Ă©tĂ© Ă©tonnĂ© que je n’aie « toujours pas d’enfants Â». J’avais une trentaine d’annĂ©es. Et, entendre qu’il fallait « se rĂ©gĂ©nĂ©rer Â» m’avait fait ricaner plutĂŽt qu’encouragĂ©.

 

« Il ne faut pas attendre cinquante ans pour faire des enfants ! Â» m’avait indiquĂ© un peu plus tard, Ă  Montebello, en Guadeloupe, un de mes cousins, mon aĂźnĂ© de deux ou trois ans. J’avais plus de trente ans. J’étais cĂ©libataire, sans enfant. Bien que venu rendre visite, j’Ă©tais pour lui- qui avait apparemment rĂ©ussi sa vie puisqu’il avait donnĂ© la vie deux fois- ni plus, ni moins, l’Ă©quivalent d’un homme sans testicules. Ou qui ne savait pas comment s’en servir.  

Nous Ă©tions chez ses parents chez lesquels il Ă©tait retournĂ© vivre, Ă  prĂšs de quarante ans. AprĂšs s’ĂȘtre sĂ©parĂ© des mĂšres de ses deux filles. PlutĂŽt que de rester seul dans sa maison qui Ă©tait juste Ă  cĂŽtĂ©, il me l’avait montrĂ©e du doigt. Maison qui Ă©tait «fermĂ©e Â» m’avait-il appris. Ce cousin « expert Â» en vie conjugale m’avait expliquĂ© ses sĂ©parations par le fait que:

 

« L’homme a une certaine conception de la vie
 la femme en a une autre Â».

 

 

Demain, c’est la Saint Valentin et l’on va Ă  nouveau nous rappeler que l’Amour peut tout et est plus fort que tout. Lorsque j’étais cĂ©libataire, je l’ai beaucoup pensĂ©. Que ce soit lorsque j’accumulais les histoires Ă  la « mords moi le nƓud Â».  Ou lorsque j’ai concentrĂ© tant de solitude que j’étais dans une quĂȘte affective rĂ©guliĂšre. A une Ă©poque, le livre Extension du domaine de la lutte de Michel Houellebecq m’a beaucoup parlĂ©. Comme son adaptation cinĂ©matographique ensuite par Philippe Harel avec lui-mĂȘme et JosĂ© Garcia dans son premier grand rĂŽle dramatique.

 

Si j’ai rarement enviĂ© la place de ces amis et connaissances qui se sont mariĂ©s et ont ensuite fait des enfants selon un protocole bien Ă©tabli avec, pour certains, l’achat de la maison, j’ai pu davantage leur envier cette impression de « complĂ©tude Â» affective que je voyais chez eux. Alors que moi, je devais assez rĂ©guliĂšrement partir Ă  la chasse afin de m’assurer un minimum de subsistance affective. MĂȘme si j’ai aussi connu des moments trĂšs agrĂ©ables, tout seul, tranquillement dans mon coin. Sauf que cette solitude demeurait aussi lorsque j’avais Ă  nouveau des besoins affectifs. 

 

J’ai aussi pu ĂȘtre trĂšs docte en prĂ©sence des parents de certaines de mes copines. Je m’entendais bien en gĂ©nĂ©ral avec les parents de mes copines. Et j’aimais discuter. Je me rappelle avoir placĂ© en plein repas chez les parents d’une de mes copines, avoir lu que beaucoup de couples se sĂ©paraient parce-que la femme refusait de faire des fellations. Est-ce mon insouciance ou l’ouverture d’esprit de celle qui aurait pu devenir ma belle-mĂšre ? Mais celle-ci s’était alors mise Ă  rire tandis que le pĂšre, lui, n’avait fait aucun commentaire. Et ma copine, d’alors, quant Ă  elle, ne m’en avait pas voulu. Cela n’a pas Ă©tĂ© ensuite la raison de notre sĂ©paration.

 

Aujourd’hui, je trouve que les relations entre les femmes et les hommes sont devenues encore plus difficiles. L’Amour, le dĂ©sir, il n’y a rien de plus facile. C’est la partie, ou les parties, sans jeux de mots, les plus faciles d’une relation pourvu, bien-sĂ»r, que celles-ci soient partagĂ©es.

 

Ensuite, ça se crispe lorsque la relation commence Ă  s’établir ou cherche Ă  s’établir. Selon les mƓurs. Selon l’époque. Aujourd’hui, j’ai l’impression qu’un homme a le choix entre ĂȘtre parfait ou ĂȘtre un goret. Qu’est-ce qu’ĂȘtre parfait ? Personne ne le sait vraiment, c’est ça qui est drĂŽle.

 

Gare de Paris St Lazare, dimanche 13 février 2022.

 

Est-ce qu’une personne parfaite, femme ou homme, a plus de chances qu’une autre de plaire ? Bien-sĂ»r que non. Ce serait mĂȘme plutĂŽt le contraire. Ça, aussi, c’est drĂŽle.

 

RĂ©cemment, j’ai prĂȘtĂ© Ă  une collĂšgue la trilogie Pusher de Nicholas Winding Refn. J’attends qu’elle me donne son avis. J’ai nĂ©anmoins d’abord fait la grimace lorsqu’elle m’a dit, qu’en « Ă©change Â», elle me prĂȘterait le dernier livre de Mona Chollet, RĂ©inventer l’amour dont j’avais entendu parler et Ă  propos duquel j’ai lu des trĂšs bonnes critiques.

Je lui ai exprimĂ© mes rĂ©serves. Et cette collĂšgue s’est empressĂ©e de me rassurer.

 

Je lis trĂšs facilement, je crois, des Ɠuvres de femmes ou ayant trait aux relations humaines comme aux sentiments. Mais il s’exprime dĂ©sormais, en France, une telle exigence Ă  propos de la façon dont doit ou devrait se comporter Ă  peu prĂšs tout homme pour ĂȘtre considĂ©rĂ© comme Ă  peu frĂ©quentable pour certaines femmes que je deviens mĂ©fiant devant ce type d’ouvrage qui traite de « l’Amour » tel qu’il pourrait ou devrait ĂȘtre entre les hommes et les femmes.

 

Par exemple, je suis dĂ©sormais trĂšs suspicieux lorsqu’un homme, fut-il sincĂšre, se dĂ©clare « fĂ©ministe».  Car, pour moi, ce terme peut ĂȘtre une formule plus qu’une pratique. Comme les termes « communication Â», « gay friendly Â», « tolĂ©rance Â» « ouverture d’esprit Â» qui font trĂšs jolis dans une conversation et sont faciles Ă  prononcer. Et sont Ă  la portĂ©e de n’importe qui.  En thĂ©orie. Comme les termes « chaleureux Â», « familial Â», « dĂ©mocratie Â», « Ă©lĂ©gance Â» peuvent aussi faire trĂšs joli dans une prĂ©sentation ou dans un discours.

 

Certaines expĂ©riences et rencontres sont nĂ©cessaires pour Ă©voluer et pour apprendre.  Mais pour cela, il faut au moins que deux personnes d’horizons assez diffĂ©rents acceptent de se rencontrer un minimum.  Alors que j’ai l’impression que pour certaines personnes, tous les Savoirs sont innĂ©s ou devraient l’ĂȘtre. Non. MĂȘme si l’on est volontaire, certains Savoirs doivent s’acquĂ©rir et il nous est impossible de les deviner mĂȘme si ces Savoirs sont Ă©vidents pour d’autres.

 

Paris, Place de la Madeleine, Dimanche 13 février 2022.

 

 

Par exemple, certaines personnes croient encore que les enfants sont « le ciment du couple Â». Et que les attentions portĂ©es en tant que parents aux enfants sont interchangeables avec les attentions portĂ©es au dĂ©part au couple. Pour ces personnes, ĂȘtre parents, s’occuper des enfants, justifie d’oublier tout ce qui a trait au couple et a pu donner envie Ă  l’autre d’ĂȘtre en couple avec nous.  Ainsi certaines personnes ignorent ou tiennent Ă  ignorer que l’absence ou le manque de fantaisie, la routine, le manque d’optimisme permanent ou rĂ©pĂ©titif, les tĂąches quotidiennes et mĂ©nagĂšres toujours prioritaires peuvent tuer un couple ou une relation d’une maniĂšre gĂ©nĂ©rale. 

 

Et si l’Amour et le dĂ©sir sont les stimulants du dĂ©part de feu d’une rencontre, et sont plus glamours, les peurs communes- et souvent invisibles- que l’on partage avec l’autre sont souvent plus «responsables Â» de ce qui nous pousse Ă  aller vers une personne plutĂŽt que vers une autre. Mais aussi Ă  rester avec elle ou Ă  la quitter.

 

La violence sexuelle meurtriĂšre et condamnable de certains hommes vient peut-ĂȘtre aussi du fait que la sexualitĂ©, imposĂ©e mais aussi consentie de part et d’autre, reste un critĂšre de jugement moral, d’estime de soi et de la valeur qui nous est attribuĂ©e. La sexualitĂ© que l’on a nous donne un certain sentiment  d’importance. Mais aussi un certain sentiment de puissance. Y compris en termes de puissance de sĂ©duction. L’expression  » ĂȘtre un bon coup » ou « ĂȘtre un bon parti » peut autant s’appliquer Ă  un homme qu’une femme. Que l’on parle de sa valeur et de son prestige social ou de sa valeur sexuelle.

 

Si un homme violeur abuse de sa force et impose sa puissance, il est des femmes qui se sentent aussi puissantes Ă  sĂ©duire, y compris sexuellement, des femmes ou des hommes, qu’elles dĂ©sirent ou convoitent. Un film sorti rĂ©cemment relate la derniĂšre histoire de l’Ă©crivaine Marguerite Duras avec un homme nettement plus jeune qu’elle et, d’aprĂšs ce que j’ai compris, si tous deux ont pu aimer parler littĂ©rature, Duras a aussi beaucoup apprĂ©ciĂ© en profondeur le « style » du corps de son dernier amant. On doit pouvoir parler pour elle d’une sexualitĂ© rĂ©solument carnivore. Et, j’ai cru comprendre qu’Edith Piaf, aussi, avait pu aussi avoir une sexualitĂ© particuliĂšrement vorace. Ou Amy Winehouse

Donc, la sexualitĂ© peut aussi ĂȘtre une arme de puissance pour une femme. Y compris pour tenir ou retenir une partenaire ou un partenaire. L’expression « tenir quelqu’un par les couilles Â» me semble trĂšs explicite de ce point de vue. MĂȘme si, depuis, nous avons connu un ancien PrĂ©sident amĂ©ricain qui a pu se vanter d’ĂȘtre incapable de s’empĂȘcher d’attraper les femmes « par la chatte Â».

 

La sexualitĂ©, que l’on soit peu ou beaucoup portĂ© dessus, garde, je crois, tant pour les femmes que pour les hommes, une importance particuliĂšre dans les relations.

 

Rares sont les personnes, hommes ou femmes, qui se vantent ou se valorisent d’avoir peu de relations sexuelles. Au mieux, certaines personnes affirmeront que la sexualitĂ© a pour elles assez peu d’importance ou en a moins qu’à une Ă©poque de leur vie. Sauf bien-sĂ»r si ces personnes Ă©voluent dans un univers oĂč la sexualitĂ© est limitĂ©e Ă  certaines fonctionnalitĂ©s telles que, au hasard, sĂ©duire une partenaire ou un partenaire afin de crĂ©er un couple, procrĂ©er. Ou si, « bien-sĂ»r Â», la sexualitĂ© est perçue comme une activitĂ© amorale ou proscrite.

 

Au dĂ©part, je voulais appeler cet article La femme dans l’homme. En m’inspirant un peu de la rĂ©ponse de l’artiste Catherine Lara Ă  cette question qui lui avait Ă©tĂ© posĂ©e il y a plusieurs annĂ©es :

 

« Que regardez-vous en premier chez un homme ? Â».

RĂ©ponse de Catherine Lara : «  Sa femme Â».

Paris, dimanche 13 février 2022, Bd Raspail.

 

 Puis, je me suis dit qu’un titre pareil- La femme dans l’homme- Ă©tait un petit peu trop vieux jeu. Ou que cela ferait « trop » typĂ© hĂ©tĂ©ro. Puisqu’aujourd’hui, on parle plus facilement de relations amoureuses entre deux personnes du mĂȘme sexe, mais aussi d’un autre « genre Â». J’ai appris rĂ©cemment que le terme « cisgenre Â» est un terme qui serait moins discriminant Ă  employer afin d’éviter d’exclure toutes les personnes qui sont extĂ©rieures ou Ă©trangĂšres aux normes hĂ©tĂ©rosexuelles standards.

 

Pourtant, malgrĂ© mes « efforts Â», cet article apparaĂźtra encore trop normĂ© et trop guindĂ© pour certaines Valentine et certains Valentin. Mais, au moins, aurais-je essayĂ© d’aborder ce sujet de l’Amour avec mes propres pensĂ©es et sincĂ©ritĂ©. Sans me contenter de rĂ©citer.

 

Bonne Saint Valentin !

 

Franck Unimon, ce dimanche 13 février 2022.

 

 

 

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