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Corona Circus self-défense/ Arts Martiaux

Le Jihad, c’est les autres.

 

Ça a commencĂ© lors d’une nouvelle sĂ©ance de kinĂ©. Pour une tendinite. J’en ai dĂ©jĂ  parlĂ© et j’en reparlerai :

Les kinĂ©s sont les professionnels de la santĂ© que j’ai- de très loin- le plus rencontrĂ©s dans ma vie. J’ai une enquĂŞte Ă  finir sur l’histoire de mon corps. Il doit y avoir des raisons pour que je retourne rĂ©gulièrement, depuis mon adolescence,  dans le port  des kinĂ©s, ces rĂ©parateurs du mouvement. Sans doute que je rĂ©pète des gestes interdits en forçat qui se dĂ©place Ă  contre-courant.

 

J’ai donc connu plusieurs cabinets ou plusieurs ports de kinĂ©s dans ma vie. Celui-ci est près de chez moi. J’y suis d’abord allĂ© les premières fois il y a deux ou trois ans pour des raisons très pratiques : afin de se rendre en bĂ©quilles Ă  une rĂ©Ă©ducation après une intervention chirurgicale, mieux vaut Ă©viter le parcours avec des cols Ă  quinze pour cent Ă   grimper sur plusieurs kilomètres afin d’accĂ©der au cabinet du kinĂ©.

 

 

Sauf peut-ĂŞtre pendant le confinement rĂ©cent, les kinĂ©s ne chĂ´ment pas. Ce sont des professionnels très demandĂ©s. J’ai connu deux sortes de kinĂ©s :

Celles et ceux qui vous prennent en individuel et qui, durant la séance de 20 à 30 minutes, s’occupent uniquement ou principalement de vous. Et celles et ceux qui vous donnent des exercices à faire, ou vous mettent sous machine, partent s’occuper de quelqu’un d’autre et viennent vous voir de temps à autre pour s’assurer du fait que tout se passe bien.

 

J’imagine bien-sĂ»r que tous ces kinĂ©s ont leurs raisons.  Certains expliqueront que certains traitements et certaines rĂ©Ă©ducations ne nĂ©cessitent pas leur prĂ©sence permanente. D’autres, qu’il faut qu’ils amortissent le coĂ»t de leur matĂ©riel de pointe très couteux et qu’ils n’ont pas d’autre choix que d’enchaĂ®ner le nombre de patients ou de clients d’autant que ceux-ci sont devenus de plus en plus nombreux.

 

 

Le cabinet de kinĂ© oĂą je me rends a Ă©tĂ© pour moi une dĂ©couverte la première fois :

 

Il y a bien quelques pièces isolées où je devine que des patients sont dans une certaine intimité. Mais pour l’essentiel, le cabinet de kiné est un open space sans cloisons où l’on peut être vingt à trente personnes en soins et en rééducation en même temps allongé ou en train de réaliser tel exercice de rééducation ou de renforcement musculaire, ou en train de recevoir un soin par un kiné. Du fait de l’épidémie, avec la sortie du confinement, nous sommes tenus de venir avec un masque, un sac où ranger nos manteaux et de nous laver les mains avant la séance ou d’utiliser du gel hydroalcoolique mis à notre disposition à l’entrée.

 

Cette particularitĂ© « open space Â» pourrait faire sourire alors que l’on nous parle beaucoup de respect  de la « confidentialitĂ© Â» un peu partout : dans les labos d’analyses, dans les administrations diverses, dans les hĂ´pitaux. Mais cette proximitĂ© ne me dĂ©range pas d’autant qu’en gĂ©nĂ©ral les kinĂ©s qui officient ont su crĂ©er une certaine convivialitĂ© dans leurs relations comme avec nous. Et puis, il y a la tĂ©lĂ©.

 

Car dans ce cabinet « open space Â», il y a une tĂ©lĂ© souvent allumĂ©e. Dans un autre cabinet de kinĂ© que j’ai frĂ©quentĂ©, la tĂ©lĂ© passait uniquement du sport. On Ă©tait dans un cabinet de kinĂ©s spĂ©cialisĂ©s dans le sport.

 

Dans ce cabinet, on aime beaucoup le sport aussi et les événements qui en parlent. Mais on aime aussi beaucoup débattre. Il est arrivé que la chaine choisie soit Arte et cela m’apaisait. Mais depuis que j’y suis retourné il y a bientôt un bon mois maintenant, on a droit à la chaine Cnews. A chacune de mes séances, Cnews est dans la place avec cette émission animée et patronnée par un journaliste entouré de chroniqueurs majoritairement masculins même si on trouve aussi quelques femmes.

 

 

Parmi mes premières séances avec Cnews, le sujet, répété, portait sur les violences policières en France. Après l’épidémie du coronavirus, le thème des violences policières a effectué sa percée. C’était avant le résultat du deuxième tour des élections municipales qui a finalement eu lieu hier et qui a réélu Isabelle Hidalgo comme maire de Paris face à Rachida Dati et Agnès Buzyn, ex-Ministre de la santé partie en pleine épidémie Covid remplacer la candidature de Benjamin Grivaux pour cause de scandale dû à des vidéos de Monsieur le sexe en érection. C’était avant la réouverture des salles de cinéma qui ont pu s’adapter au covid-19.

 

 

Lors d’une de mes sĂ©ances kinĂ©, il y a donc eu dĂ©bat non sur mes Ă©rections ou sur ce que je pouvais penser de celle de l’homme politique Benjamin Grivaux, mais sur les violences policières. Un des kinĂ©s, assez incrĂ©dule, m’a demandĂ© si, moi, en tant que noir, je m’étais dĂ©jĂ  senti dĂ©favorisĂ© devant la police. Cette question personnelle m’a Ă©tĂ© posĂ©e en public puisque nous sommes dans un cabinet « open space Â».

 

On se rappelle du contexte : d’un cĂ´tĂ©, aux Etats-Unis, la mort du noir amĂ©ricain Georges Floyd, sous le genou d’un flic blanc, Derek Chauvin, dĂ©jĂ  connu «  pour violences Â». Georges Floyd aurait Ă©tĂ©, a Ă©tĂ© suspectĂ©, de vouloir se servir d’un faux billet de vingt dollars. RĂ©sultat :

Il est mort Ă©touffĂ© par le policier Derek Chauvin alors qu’il rĂ©pĂ©tait qu’il ne pouvait pas respirer. La scène a Ă©tĂ© filmĂ©e par une jeune noire avec son tĂ©lĂ©phone portable. J’ai oubliĂ© le prĂ©nom de cette jeune noire. Mais j’ai retenu son nom : Frazier. Comme l’ancien boxeur noir, champion du monde, et grand rival de Muhammad Ali, un des hĂ©ros encore aujourd’hui de bien des jeunes dans les citĂ©s et banlieues.

 

Muhammad Ali a Ă©tĂ© un de mes hĂ©ros lorsque j’étais adolescent. Et je reste attachĂ© Ă  son histoire. Mais je sais aussi qu’il a manquĂ© de correction envers Joe Frazier et Malcolm X qui sont aussi des modèles. Je sais aussi que Muhammad Ali, lorsqu’il s’appelait encore Cassius Clay, doit d’avoir Ă©tĂ© « orientĂ© Â» vers la boxe par un flic…blanc. Après qu’il se soit fait voler son vĂ©lo.

 

Adama Traoré, mort il y a quatre ans en France après une interpellation policière, est l’autre personne qui a ravivé le sujet des violences policières. Officiellement, la façon dont il a été interpellé physiquement n’a rien à voir avec sa mort. Sauf que les autopsies réalisées par d’autres experts sollicités par la famille d’Adama Traoré disent le contraire.

 

 

Je n’ai pas regardĂ© sur le net la vidĂ©o de la mort de Georges Floyd. Je n’ai pas lu le livre qui parle d’Adama TraorĂ© et de la façon dont il est mort. Je crois celles et ceux qui disent que les deux histoires sont très diffĂ©rentes. Mais je crois aussi que celles et ceux qui le disent le font aussi pour se soulager. Parce qu’une fois  qu’on a dit que les deux histoires n’ont rien Ă  voir, c’est comme si l’on pouvait changer de sujet juste après la page de pub et après avoir affirmĂ© que tout va bien.

 

Je ne crois pas que la police française soit raciste. Mais j’ai dĂ©jĂ  Ă©tĂ© interpellĂ© deux ou trois fois par des policiers, dont au moins une fois voire deux ou trois fois parce-que j’étais noir, et mĂŞme si deux ou trois fois, c’est « peu Â» et que tout s’est bien et rapidement terminĂ©, pour moi, en tant que personne, c’est dĂ©jĂ  beaucoup et, je « sais Â» que cela aurait pu se terminer plus mal pour moi alors que j’étais… Â« innocent Â».

 

Si la « compĂ©tence Â» ou ce qui ressemble Ă  de l’intelligence de la part du policier ou des flics rencontrĂ©s lors de « mes Â» contrĂ´les a sans doute contribuĂ© au fait que cela se soit bien et rapidement terminĂ©, je crois aussi que je dois saluer, Ă  chaque fois, la capacitĂ© que j’ai eu de rester calme, coopĂ©ratif, optimiste et d’avoir pu m’exprimer poliment et « correctement Â». Mais en situation de stress, et un contrĂ´le est une situation stressante, nous savons tous qu’il peut ĂŞtre très difficile pour bien des personnes de rester « calme Â», « coopĂ©ratif Â» et de continuer de s’exprimer « correctement Â» :

 

C’est à dire, sans crier, sans s’énerver, sans s’agiter, sans regarder son interlocuteur ou ses interlocuteurs avec dédain ou colère, ou avec peur, en employant des mots nuancés et des intonations diplomatiques voire harmoniques et mélodieuses dans la voix.

 

 

Parce-que je crois vraiment que dans ces deux ou trois situations de contrôle que j’ai vécues, qu’il aurait suffi que je m’emporte pour qu’en face, de manière-réflexe ou conditionnée, un des représentants de l’ordre se sente à son tour agressé, pris à la gorge, et se persuade très vite d’être en présence d’un énième individu récalcitrant.

 

A partir de là, une réaction en chaine s’enclenche, et, moi, l’innocent, j’aurais très bien pu me retrouver avec une clé de bras dans le dos, plaqué contre un mur, sommé de vider mes poches devant tout le monde, comme il m’a déjà pu m’arriver de le voir pratiqué en prenant les transports en commun. Transports en commun, le train et le métro en particulier, qu’en tant que banlieusard, je prends régulièrement depuis mon adolescence.

 

Cette expĂ©rience-lĂ , ce vĂ©cu-lĂ , cette quasi-certitude que cela peut ou pourrait « partir en couille Â» face Ă  la police lors d’un simple contrĂ´le, je crois qu’en France, aujourd’hui en 2020, si l’on est un homme arabe ou noir qui a grandi en France, dans un environnement rĂ©gulièrement quadrillĂ© par les forces de l’ordre, on les a ou on les assimile Ă  partir de notre adolescence. Et le verbe « assimiler Â» a sa place ici dans toute son ambiguĂŻtĂ©.

 

 

Je ne suis pas anti-flic. Je ne me sens pas anti-flic. Je considère même que bien des flics ont à exécuter des ordres et des missions que leur impose leur hiérarchie du supérieur direct au Ministère de l’Intérieur.

 

 

Mais je m’estimerais très naĂŻf si, en tant qu’homme noir, en France, je me considĂ©rais toujours l’exact Ă©gal du citoyen blanc ou de la citoyenne blanche lambda en cas de contrĂ´le de police. J’ai quand mĂŞme Ă©tĂ© interpellĂ© un jour Ă  la gare de Sartrouville par une femme-flic qui faisait manifestement ses preuves devant ses collègues masculins (la BAC du coin ?) afin de savoir si je portais sur moi du cannabis ! Selon quels critères ?!

 

La gare Ă©tait pratiquement dĂ©serte et je me rendais Ă  mon travail ce jour-lĂ . J’étais dĂ©jĂ  soignant et faisais dĂ©jĂ  partie «  des hĂ©ros de la Nation Â».

Avec son air bonhomme, la femme flic s’est adressée à moi avec un aplomb comme si, d’emblée, j’étais suspect. Je n’avais sur moi ni cigarette, ni joint. J’étais un simple passager qui venait de sortir de son RER ou de son train et qui allait à son travail. J’avais mon titre de transport comme tous les jours. J’ai eu droit à un contrôle d’identité. Et à un mini-interrogatoire sous le regard de ses collègues masculins postés derrière elle.

J’ai d’abord répondu poliment. Puis, son interrogatoire se faisant insistant et intimidant

(elle me faisait comprendre que si j’avais du shit sur moi, ça allait mal se passer pour moi), j’ai commencé à répondre calmement. Et ironiquement. Parce-que ça commençait à m’agacer. Et, là, coup de baguette magique, sans me fouiller, d’un signe de la tête, elle m’a fait comprendre que je pouvais y aller ( ou dégager, c’est selon la sensibilité de chacun). Cette expérience apparaitra peut-être anodine pour certaines personnes. Mais pas pour d’autres. Et je ne suis pas sûr que d’autres personnes, à ma place, seraient restées aussi calmes que moi. Et, oui, je considère avoir eu de la chance ce jour-là car mon ironie, venue de mon agacement compréhensible, aurait pu se retourner contre moi.

 

 

 

Pour ces quelques raisons et ces quelques exemples, mĂŞme si, oui, je pense que les deux situations Georges Floyd/Adama TraorĂ© sont diffĂ©rentes et que ça me dĂ©range aussi beaucoup de savoir que, de son vivant, Adama TraorĂ© pratiquait «  l’extorsion sur des personnes vulnĂ©rables Â», ce qui est l’autre mot pour dire « racket Â», je me sens plutĂ´t concernĂ© en tant qu’homme noir, par les violences qui ont tuĂ© ces deux hommes.

 

Et, encore plus, en Ă©coutant certains des propos tenus sur Cnews pendant une de mes sĂ©ances de kinĂ©. Cela s’est passĂ© après la fresque de Stains montrant Georges Floyd et Adama TraorĂ© cĂ´te Ă  cĂ´te. Je comprends que l’on puisse parler d’amalgame, de rĂ©cupĂ©ration en mettant Georges Floyd et Adama TraorĂ© ensemble au vu du casier judiciaire diffĂ©rent des deux hommes et aussi de la façon dont « l’interpellation Â» s’est passĂ©e :

 

D’un cĂ´tĂ©, avec Georges Floyd, images Ă  l’appui, sauf nouvelle information qui changerait la donne, on a l’acharnement d’un policier, fier de lui, et dĂ©jĂ  connu pour faits de violence. Un policier peut-ĂŞtre maintenu dans ses fonctions par sa hiĂ©rarchie car estimĂ© « efficace Â» ou pratique et disponible lors de certaines situations sensibles. Ce que l’on retrouve dĂ©jĂ  «  un peu Â» en France oĂą, depuis plusieurs mois, le gouvernement Macron-Philippe sait qu’il doit rester en bons termes avec la police afin de pouvoir compter sur elle pour faire le sale travail de rĂ©pression lors de certaines manifestations sociales du type gilets jaunes ou autres. Et je l’écris avec respect pour la police.

 

De l’autre, avec Adama Traoré, on n’a pas les images de sa mort en direct après son interpellation et les différentes autopsies se contredisent.

 

Mais qu’il y’ait amalgame, rĂ©cupĂ©ration ou non en accolant Georges Floyd et Adama TraorĂ© dans cette fresque Ă  Stains, il me semble que « l’expĂ©rience Â» du spectacle d’une certaine justice montre au citoyen lambda qu’attendre docilement et patiemment que la Justice se fasse correctement peut ĂŞtre une erreur stratĂ©gique :

 

Les affaires du MĂ©diator ou des prothèses PIP du Roundup de Monsanto ou, plus « simplement Â», la façon dont certaines professions (soignantes et autres) pourtant nĂ©cessaires se font balader par les diffĂ©rents gouvernements contraignent le citoyen lambda Ă  comprendre qu’être victime et « seulement Â» manifester civilement ou porter plainte peut ĂŞtre insuffisant pour obtenir rĂ©paration ou justice.

 

Il faut aussi réaliser des coups médiatiques. Faire le buzz. Il faut des catastrophes ou des épidémies. Il faut faire peur. Il faut se faire respecter comme force de nuisance par les autorités officielles. Puisque même des personnes coupables, dès qu’elles en ont les moyens au moins financiers, savent choisir les bons avocats qui trouveront les astuces, les bons ressorts, les erreurs, les failles ou les fautes de procédures, afin de retarder le jugement, le casser ou l’éviter.

 

 

Donc, je vois cette fresque Ă  Stains comme un moyen d’essayer d’obtenir que la Justice française, si elle a Ă©tĂ© mal influencĂ©e, de bien ou de mieux faire son travail dans l’affaire TraorĂ©. D’autant que sur le plateau de CNews, la fresque rĂ©alisĂ©e par certains propos a Ă©tĂ© plutĂ´t palpitante :

 

Elle, il y a encore quelques semaines, je ne la connaissais pas. Elle regrette et combat la perte des hautes valeurs qui ont fait la France. Pourtant, ses succès personnels et mĂ©diatiques proviennent peut-ĂŞtre aussi du fait de cette « perte Â» des hautes valeurs qu’elle regrette tant.

Elle ne le dira pas car elle fait partie des premiers de la classe, qui plus est sur un plateau de télé. Mais elle croit à la supériorité des races. Ce n’est pas de sa faute. La destinée est ainsi et le souligner, c’est évidemment être aigri.

Bien-sûr, les personnes qu’elle désigne comme l’ennemi sont souvent parmi celles qui refusent de la servir, elle, moralement si irréprochable.

PlutĂ´t belle femme – et elle le sait- elle se sert de son minois devant le « journaliste Â» qui pilote le journal comme le propriĂ©taire d’un ballon de foot qui veut bien jouer avec les autres Ă  condition que ce soit lui qui marque le plus de buts.

 

Elle, elle n’est pas comme ça. Assez souvent, elle se tait. Elle entend ĂŞtre plus sage que certains des chroniqueurs et des intervenants plus âgĂ©s qu’elle compte bien ringardiser. Sa pensĂ©e est ouverte lĂ  oĂą elle regarde vu que son Ĺ“il est toujours juste et que sa langue tinte bien. Pourtant, malgrĂ© sa parole qui lui donne l’allure d’un sac Ă  main de luxe, elle dit aussi des ordures :

 

Quand elle rĂ©cite et affirme que la plupart des Ă©tranglements rĂ©alisĂ©s par la police sont  «  la violence lĂ©gitime et nĂ©cessaire de l’Etat Â» et qu’ils  se dĂ©roulent «  en gĂ©nĂ©ral, sans problème Â», on aimerait qu’elle nous raconte ses expĂ©riences d’étranglement que l’on devine nombreuses. Non par voyeurisme : mais afin qu’elle nous rassure quant aux effets d’une telle expĂ©rience lorsque l’on est innocent et qu’une interpellation a mal tournĂ©. Mais, bien-sĂ»r, elle n’est pas responsable des circonstances comme des situations qui crĂ©ent le recours Ă  cette pratique.

Lors de sa rencontre avec Bachar El-Assad en Syrie, elle aurait trouvĂ© celui-ci « doux Â». C’est peut-ĂŞtre une fausse information. Autrement, cela pourrait expliquer sa vision tranquillisante de l’étranglement d’un citoyen par des forces de l’ordre.

 

 

Un intervenant prĂ©sent ce jour-lĂ  Ă  cĂ´tĂ© d’elle, politologue, semble dĂ©guster un tiramisu en dĂ©clarant que le parti socialiste n’existe plus dĂ©sormais. Peut-ĂŞtre que tout son bonheur Ă  ĂŞtre sur ce plateau est condensĂ© dans cette phrase. Pouvoir enfin la dire librement et Ă  visage dĂ©couvert sans avoir Ă  se retourner. Cela respire presque l’enfant qui a longtemps Ă©tĂ© battu par un parent socialiste. Et, fin gourmet, il explique que c’est  pour sauver le très peu qui lui reste que le parti socialiste s’accroche Ă  la cause de l’antiracisme du cĂ´tĂ© d’Assa TraorĂ©, la sĹ“ur d’Adama TraorĂ©.

Sa joie lui donne raison d’autant que si le parti socialiste, aujourd’hui, est inexistant, c’est peut-ĂŞtre pour beaucoup parce-que son « tonton Â» et son premier PrĂ©sident, François Mitterrand, a su verser dans sa famille politique, durant quatorze ans de 1981 Ă  1995, le poison suffisant afin qu’aucun de ses neveux ou nièces en politique ne puisse ĂŞtre en mesure de lui succĂ©der et de le dĂ©passer par la suite. Mais, de cela, le politologue, la bouche pleine de tiramisu, n’en parle pas. Ni personne d’ailleurs sur ce plateau de tĂ©lĂ©. 1995, c’était il y a 25 ans. C’est dĂ©jĂ  loin. Et peut-ĂŞtre que, dĂ©sormais, aussi, lorsque l’on est ou que l’on a Ă©tĂ© socialiste et que l’on repense Ă  cette pĂ©riode, que l’on se sent nostalgique ou honteux. Honteux d’y avoir cru.

 

Très en confiance, le politologue affirme que, dans les citĂ©s, les gens en « ont marre Â» des actions d’Assa TraorĂ©. J’ai sĂ»rement de grands prĂ©jugĂ©s mais il m’est difficile de l’imaginer faisant le tour des citĂ©s et s’entendant dire qu’Assa TraorĂ© en fait trop. Personne ne le conteste ou ne met en doute ses propos sur le plateau de tĂ©lĂ©.

 

NĂ©anmoins, «  Les Bretons et les Provençaux n’ont pas la mĂŞme tĂŞte Â» professe nĂ©anmoins le politologue pour expliquer que la France s’est faite en unifiant des personnes très diffĂ©rentes. Et donc qu’il est possible d’intĂ©grer des personnes de tous horizons. La France, selon-lui, est d’ailleurs un des pays les plus diversifiĂ©s au monde et donc en aucun cas, raciste. Mais que cela implique de se rejoindre autour d’une identitĂ© nationale commune.

Le journaliste qui « anime Â» le dĂ©bat abonde dans son sens et cite, rĂ©fĂ©rence sans doute Ă  son passĂ© de journaliste sportif…. Aldo Platini. On revient donc en France au dĂ©but des annĂ©es 80 Ă  l’époque de la première Ă©lection de François Mitterrand. La France qui ferait particulièrement vibrer notre « animateur Â» serait-elle celle des annĂ©es 80 ?

Toujours est-il qu’il nous parle d’Aldo Platini qui  avait prĂ©nommĂ© son fils, futur grand footballeur…Michel. Avec interdiction «  de parler Ă  la maison la langue d’origine Â». NĂ©anmoins, prĂ©cise tout de suite « notre Â» journaliste, « â€¦il ne s’agit pas de refouler les origines…. Â».

Mais elles ont peut-ĂŞtre Ă©tĂ© un peu trop refoulĂ©es, ces origines, pour que « Michel Â», quitte la France et termine- brillamment- sa carrière de footeux Ă  la Juventus de Turin, un club de Foot italien….

 

Est critiquĂ© aussi, au cours du dĂ©bat, cette trop grande fascination des jeunes pour « Nos bons Maitres amĂ©ricains Â». La sĂ©mantique « Bons Maitres Â» est amusante et retournĂ©e :

 

Les Français se rĂ©voltent contre leurs Maitres amĂ©ricains. Mais s’agit-il du Français franchouillard ? Gaullien ? De celui de l’ancien empire colonial français qui Ă©tait alors plus puissant que les Etats-Unis avant son indĂ©pendance ?

Ou des jeunes français noirs, et autres, qui, pour s’émanciper, se choisissent d’autres modèles culturels, idĂ©ologiques et politiques aux Etats-Unis ?

Tout cela est flou, messieurs et madame qui débattez et savez mieux penser et mieux parler que nous qui vous regardons et vous écoutons.

 

On perçoit en tout cas un aveu d’impuissance et une rancĹ“ur envers les Etats-Unis qui sont plus forts que « nous Â», « nous Â» qui Ă©tions si puissants avant. Nous voudrions ĂŞtre des modèles pour cette jeunesse qui nous dĂ©fie et nous embarrasse et nous n’y arrivons pas. Alors, que les Etats-Unis, eux, ils ont la cote auprès de bien des jeunes. Mais quels modèles proposez-vous ? Des modèles comme ceux  des dĂ©bats que vous avez et imposez sur Cnews ? Ou un des intervenants, satisfait de lui, affirme que les personnes prĂ©sentes Ă  la marche en mĂ©moire d’Adama TraorĂ© sont surtout ou principalement des « bobos blancs Â» et plutĂ´t socialistes ?

 

Je crois ĂŞtre moins fascinĂ© que je ne l’étais par les Etats-Unis lorsque j’étais adolescent. Mon sĂ©jour Ă  New-York m’a sĂ»rement moyennement plu parce-que je l’ai effectuĂ© en 2011 et que je m’étais davantage ouvert au monde et Ă  la pensĂ©e entre-temps. Pourtant, sans ĂŞtre un idolâtre des Etats-Unis, on est obligĂ© de constater que ceux-ci sont encore la Première Puissance Mondiale dans certains domaines :

 

Une émission animée par Billy Crystal ou Jimmy Fallon a beaucoup plus de classe qu’une émission animée par Thierry Ardisson, Laurent Ruquier ou Cyril Hanouna.

 

 

Plusieurs des dĂ©batteurs- dont le journaliste « maitre des lieux Â» finissent pas conclure d’un commun accord, qu’il faudrait traiter par l’indiffĂ©rence tous ces reprĂ©sentants noirs, en France, qui tiennent des propos racialistes Ă  propos des Blancs. Cela apparaĂ®t le meilleur moyen afin de donner moins d’ampleur mĂ©diatique Ă  tous ces propos extrĂ©mistes et haineux et la meilleure façon d’y rĂ©pondre. Par contre, Ă©couter Eric Zemmour et converser avec lui semble Ă©clairant et nullement racialisant.

 

 

Mais « il faudrait quand mĂŞme retirer cette fresque Ă  Stains Â», dit le journaliste-« propriĂ©taire Â» du dĂ©bat sur Cnews. Mais comment faire, demande-t’il ?!

 

La rĂ©ponse est pourtant Ă©vidente : Lui et plusieurs de ses invitĂ©s qui savent tout, qui gagnent bien plus que nous, grâce Ă  la pub, grâce Ă  la tĂ©lĂ©, grâce Ă  leur renommĂ©e, n’ont qu’à faire comme la plupart des gens. Prendre un seau, de l’eau bouillante, un peu de bicarbonate, quelques Ă©ponges,  se dĂ©placer et aller faire le mĂ©nage. Et s’ils pouvaient aussi faire un peu le mĂ©nage dans leur tĂŞte (mais comment ?) ce serait bien, aussi.

 

A la fin, notre journaliste-dĂ©batteur, se confie :

 

« Je vais vous dire, modestement, ce qui me choque. Je n’ai rien contre Rosa Parks mais pourquoi on n’appelle pas certains endroits (ou stades) Jean de La Fontaine ? Â».

 

 

Près de moi, le kinĂ© qui, lors d’une sĂ©ance prĂ©cĂ©dente m’avait demandĂ©, si, en tant que noir, je m’étais dĂ©jĂ  senti dĂ©favorisĂ© devant la police, en France, rĂ©flĂ©chit Ă  voix haute en passant :

 

«  Rosa Parks….c’est pas une histoire de bus, de racisme ? Je me souviens plus…. Â».

 

 

 

Franck Unimon, lundi 29 juin 2020.

 

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