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L’école Robespierre 3ème et dernière partie

 

 

L’école Robespierre 3ème et dernière partie

 

« Nous sommes comme une petite famille et tout le monde nous déteste. Et, en même temps, cela met du piment dans ma vie. Tout ce que font mes anciens amis me semble terne et sans intérêt ».

Dans le documentaire Exit-La Vie après la haine, la réalisatrice Karen Winther retrouve le professeur Tore Bjorgo (professeur et directeur en Norvège d’un centre de recherche sur les Extrémismes) qu’elle avait rencontré alors qu’elle était encore dans la mouvance fasciste. Celui-ci avait pris des notes.

Guro Sibeko, l’amie alors militante de gauche, qui a aidé Karen Winther à sortir du fanatisme en l’hébergeant durant quelques temps lui dit dans le documentaire :

« Tu étais triste et frustrée. Et tu ne captais rien. Tu voulais qu’on te dise quoi faire et quoi penser. C’est comme si tu attendais de nouvelles personnes qui auraient réfléchi à ta place ». Avec un sourire figé, Karen Winther regarde Guro Sibeko tandis que celle-ci se remémore la Karen qu’elle était alors. Guro Sibeko est une Madame. Ainsi qu’une résistante. Qui la connaît ? J’ignore, si, à la place de Guro Sibeko, j’aurais eu le courage ou l’envie de recevoir chez moi une Karen Winther passée par l’extrême droite. Karen Winther fut-elle une de mes anciennes amies ou connaissances. En effet, il arrive que l’on craigne que l’amie ou la connaissance « égarée » et désemparée que l’on recueille afin de l’aider se révèle une menace qui, finalement, empoigne notre foyer.

Il y a plusieurs années, à Paris, lors d’une soirée, j’avais croisé une personne persuadée que lors de la Seconde Guerre Mondiale, elle aurait fait partie de la résistance. Nous étions plusieurs autour de lui lorsque cet homme avait affirmé :

« Lorsque je rencontre quelqu’un, je me demande toujours si cette personne aurait fait partie de la résistance ».

J’avais jalousé l’assurance de cet homme. Je l’avais aussi trouvé très prétentieux. Je n’étais pas allé jusqu’à me demander si cet homme lisait à travers moi mieux que je ne me décryptais moi-même. Des personnes que je considère très intelligentes, très cultivées et très sûres d’elles-mêmes parmi mes connaissances et rencontres, ou dont je lis et « vois » les engagements, défendent des valeurs que j’estime proches des miennes. Cela me fait du bien même si, paradoxalement, partager des valeurs communes est insuffisant pour être proche d’une autre personne. Néanmoins, parfois, je me demande ce qui retient ces personnes de penser et de réagir tout à fait différemment : comme des personnes d’extrême droite, des fanatiques ou n’importe quel terroriste. Je me demande quels sont leurs « gardes fous ». Je me demande ce qui empêche les super héros Superman, Black Panther, Wonder Woman et Ororo, celles et ceux qui, dans la vraie vie, à mes yeux, leur ressemblent, d’être du côté des sadiques et des fascistes.

On aimerait que la bravoure morale qui différencierait les héros des salopards soit aussi nette, lorsqu’elle s’exprime, que la lame de la baïonnette ou du rasoir. Mais je sais que l’être humain reste insaisissable. Et aussi que toute personne a ses limites. Un film comme Apocalypse Now de Coppola nous a montré ça. Mais aussi Stalker de Tarkovski.

Une erreur d’appréciation fréquente consiste à considérer comme « cons » ou « idiots » toutes celles et tous ceux qui défendent des valeurs contraires aux nôtres. A mon avis, Spike Lee, dans son dernier film BlacKkKlansman( film récemment oscarisé et dont je parle dans la rubrique Cinéma de ce blog) fait cette erreur. Dans son film, la majorité des racistes et adhérents du KuKLuxKlan sont des abrutis. Des très dangereux abrutis mais des abrutis quand même.

Un téléfilm en deux parties, Alias Caracalla, au Cœur de la Résistance réalisé par Alain Tasma en 2013 est inspiré du livre Alias Caracalla, écrit en 2009 par Daniel Cordier, ancien secrétaire de Jean Moulin. Ce livre de Daniel Cordier est depuis sa parution devenu une référence et un exemple sur l’Histoire de la résistance en France lors de la Seconde Guerre Mondiale. Daniel Cordier, comme d’autres résistants connus ou anonymes, est un Monsieur. Pourtant, au début de son engagement dans la résistance, si j’ai bien compris, Cordier, bien que très cultivé, était plutôt antisémite. Vu que je n’ai pas encore pris le temps de lire intégralement son ouvrage, j’ignore encore ce qui lui a permis de changer d’opinion intellectuelle et morale et de cesser d’être antisémite.

Pour expliquer la complaisance de certaines et certains dans leur rôle de bourreaux et d’extrémistes envers leurs victimes et boucs émissaires, certains « spécialistes » souligneraient peut-être davantage le manque d’intelligence émotionnelle et d’empathie, ou un certain mépris pour ces facultés. Pour certaines et certains , l’intelligence émotionnelle et l’empathie, une certaine forme de sentimentalisme, sont des marques de faiblesse. Etre « dur » au mal, inflexible et tranchant est valorisé. On peut retrouver ces valeurs dans le corps militaire, en politique, dans un certain rapport au sport, dans le monde du travail, dans certaines relations familiales, amicales, ombilicales et amoureuses ou l’on se montre « dur comme le cuir » ou « dur à cuire ». Les « héroïnes » et les « héros » qui incarnent ces valeurs avec « réussite » sont montrés en exemple et courtisés. Celles et ceux que ces modèles bousillent sont relégués dans les divisions de l’oubli ou on leur fournit un mandat de déplacement avec aller simple pour une destination si possible inconnue de tous et éloignée de tout. Nous voulons des winners. We Shall overcome ! Si Nou Moli Nou Mo ! (Si on se ramollit, on crève !).

On peut souhaiter critiquer cette mentalité quelque peu « bourrine » et assassine et préférer louer tout ce qui a trait à « l’émotionnel », à la poésie, au sentimentalisme, à la sensibilité et à la « communication ». Mais ce serait manquer de réalisme. Ce serait oublier que bien des entreprises humaines ont eu besoin et ont besoin de l’engagement de la force brute et de l’expérience de personnes dures au mal afin de survivre et de réussir. Le film Green Book de Peter Farrely a lors des derniers Oscars (ce dimanche 24 février 2019) été diversement apprécié par certaines personnalités et journalistes. J’ai prévu de donner mon avis sur ce film dans ce blog. En attendant, dans le film Green Book, je constate que lorsque le Dr Shirley décide de se rendre dans les Etats Unis racistes, il choisit Tony Lip comme homme à tout faire. Et qui est Tony Lip ? Plutôt un bourrin et un homme dur au mal. Pas du tout un esthète et un intellectuel. En cela, le film me semble « juste » :

il est quelques circonstances dans la vie où se contenter d’observer et de pratiquer les manières polies nous réduit au statut de proie et de victime.

En outre, Tony Lip est néanmoins un homme dont certains des principes et valeurs rejoignent ceux du Dr Shirley.

Dans le documentaire Exit-La vie après la haine, David Vallat, ex-jihadiste au sein du GIA, auteur du livre Terreur de jeunesse, affirme :

« Lorsque vous êtes Jihadiste, vous n’avez pas peur de mourir. Vous souhaitez mourir ».

Alors qu’il est en prison, David Vallat lit deux livres par jour. Il découvre que la vie est faite de nuances dès son arrestation où, durant quatre jours, on le traite correctement. Il s’attendait à être brutalisé. Il comprend que la doctrine jihadiste lui a menti. Il explique aussi avoir vécu une « énorme dépression » et ressenti une « angoisse terrible » en sortant de prison. Car il était alors isolé et complètement déconnecté. Et il se demandait par quoi il pourrait bien remplacer le vide idéologique laissé par l’abandon du jihadisme. Il dit l’avoir remplacé par une histoire d’amour et par le travail.

Au cours du documentaire, Angela King révèle, en entendant une autre extrémiste repentie, qu’avant de devenir extrémiste, elle aussi s’était faite violer et qu’elle en avait conçu une grande colère. Plusieurs de ces anciens extrémistes racontent la difficulté à quitter leur milieu activiste : eux comme leurs familles sont menacés et l’ont été. Ils sont obligés de se cacher, de changer de région ou de pays. De cercle relationnel.

On cite souvent le film American History X (1998) de Tony Kaye pour parler de l’extrémisme contemporain. Il est d’autres films qui en parlent- aussi- très « bien » et, voire, jusqu’au terrorisme : L’attentat de Ziad Doueri, Le Ciel attendra de Marie-Castille Mention Schaar, Un Français de Diastème , Incendies de Denis Villeneuve ou Nocturama de Bertrand Bonello en font partie.

D’après le documentaire Exit-La Vie après la Haine, il ressort que le fanatisme, l’extrémisme et le terrorisme deviennent les équivalents d’une addiction. D’une passion. D’une transe au cours de laquelle on se sent supérieur à celles et ceux qui sont extérieurs à notre groupe ; d’une identité sociale ; d’une forme de pensée automatique qui prend le dessus sur une certaine aptitude au discernement et à l’autocritique.

L’autocritique, l’autocensure, la capacité à prendre l’initiative d’une décision contradictoire et/ou bienveillante comme ces deux codétenus turcs qui ont secouru Manuel Bauer, ces détenues noires qui ont protégé Angela King, le journaliste qui a rencontré et fait douter Ingo Hasselbach, Guro Sibeko et son petit ami d’alors qui avaient recueilli Karen Winther sont des actes de résistance. Des actes de résistance réalisés par des Mesdames et des Messieurs et toutes celles et ceux qui leur ressemblent, connus ou inconnus. Et Manuel Bauer, Ingo Hasselbach, Angela King, Karen Winther, David Vallat, même si leurs actions passées sont repoussantes sont aussi d’une façon ou d’une autre des Mesdames, des Messieurs et des résistants : dans ce documentaire, ils ne nous parlent pas de celles et ceux qu’ils ont pu côtoyer et dont ils ont pu être proches alors qu’ils étaient fascistes, terroristes ou néo-nazis et qui ont préféré rester dans le « mouvement » même s’ils avaient, eux aussi, des doutes. Par conformisme ou par peur des représailles.

 

A l’école Robespierre où j’ai commencé ma scolarité puis ensuite ailleurs au collège, au lycée et dans ma cité où j’ai grandi, j’ignore dans quelle proportion celles et ceux que j’ai croisés sont devenus extrémistes, néonazis, fascistes ou résistants. Mais je sais , qu’elles et ils se fassent un jour connaître ou non, qu’il en est bien quelques unes et quelques uns parmi eux qui quelque part ou en ce moment sont des Mesdames et des Messieurs qui rejettent « l’ensaignement ».

Ces immeubles que l’on aperçoit font partie de la cité ou de l’allée Fernand Léger où j’ai habité de mes 4 ans à mes 17 ans. Notre immeuble se trouve hors-champ, sur la droite. A notre “époque”, jusqu’en 1985, les immeubles étaient plutôt de couleur gris/marron. Sur la gauche, au sein du bâtiment un peu allongé, il y avait le supermarché Sodim ensuite remplacé par un Félix Potin. Les photos pour cet article ont été prises quelques jours avant sa rédaction.

 

Ces immeubles au premier plan n’existaient pas à mon “époque”. A leur place, il y avait sans doute un terrain vague. Les grandes tours que l’on aperçoit tout au fond, en revanche, étaient bien là dans les années 80. On les appelait les “Tours rondes”.

 

Nous sommes ici non loin du stade d’athlétisme Jean Guimier que j’ai fréquenté. Ainsi que sa piste en tartan de 400 mètres qui a remplacé la piste en cendrée de 350 mètres où j’avais débuté l’athlétisme et qui se trouvait juste à côté du lycée Joliot Curie, de la mairie mais aussi de la bibliothèque de Nanterre. Le stade Jean Guimier, lui, se trouve plus près du grand parc de Nanterre ( dont j’ai toujours eu du mal à retenir le nom officiel), du collège Evariste Gallois où je suis ensuite allé….et du quartier de la Défense qui se trouve à dix à quinze minutes à pied.

 

Le grand immeuble qui tranche tout au fond, c’est, si je ne me trompe l’immeuble appelé ” Défense 2000″. C’est déja le quartier de la Défense. Et une toute autre population que celle que je “connaissais” et côtoyais au quotidien. Un autre monde. La seule fois où je suis entré dans cette immeuble, c’était pour essayer de faire “fortune” en faisant du porte à porte avec mon meilleur ami, son frère et un autre ami. J’ai oublié ce que nous avions essayé de vendre. Mais, de toute façon, cela n’a pas marché.

 

Le stade Jean Guimier où j’ai effectué un certain nombre de séances d’athlétisme et aussi d’où nous partions pour aller courir au parc se trouve, hors champ, sur la gauche à moins de cent mètres.

 

Les Fontenelles.

 

Une adresse bien connue de moi ( mon meilleur ami y a vécu avec ses parents, ses frères et ses soeurs) qui se trouve près du collège Evariste Gallois.

 

Des collégiens devant le collège Evariste Gallois, destiné à être fermé : Ce collège est devenu un échec pédagogique. A mon époque (au début des années 80) ce n’était pas le cas.

 

Cette dame et “son” enfant marchent dans la cité Fernand Léger. J’ai souvent pris ce chemin pour aller faire des courses au Sodim ou au Félix Potin. Sauf que, comme la plupart des enfants de mon âge, je coupais en marchant sur la pelouse sur la gauche.

 

 

La Tour 17. Là où j’ai vécu de mes 4 ans à mes 17 ans. Jusqu’en 1985. Face au groupe scolaire Robespierre, situé sur la droite. Il n’y avait qu’à traverser la rue pour aller à l’école primaire.

 

 

Le Groupe scolaire Robespierre, où je suis allé à la maternelle, située sur la droite. Puis, à l’école primaire, du CP au CM2, pour moi, au fond, à gauche.

 

Derrière cette dame à l’horizon, il y avait une sorte de terrain de foot sans herbe. Que de la pierre, avec des buts. Nous jouions, là. L’immeuble que l’on voit derrière cette dame est soit la tour 13 ou la tour 14. Ma “fiancée” de l’école primaire, Malika, habitait là avec sa famille, sa soeur Fatima, ses frères Hassan et Lionel. Sur la droite, et dans le prolongement, derrière l’immeuble, il y avait l’usine Citroën, toujours en activité. Pour moi, elle faisait juste partie du décor. Car mes parents et aucune des personnes que je “connaissais”, n’y travaillait.

 

Ce panneau n’existait pas à notre “époque”.
A notre arrivée, la cité Fernand Léger était pratiquement “fermée” : une route la ceinturait de l’intérieur et on ne pouvait la prendre- et en sortir- qu’à un seul endroit qui se trouvait, je crois, avant le supermarché. Puis, il a été décidé de “l’ouvrir”. Néanmoins, à notre “époque”, ce rond-point, pour moi, n’existait pas.

 

 

 

Près des berges de la Seine, à Colombes, non loin du parc de l’île “marrante” derrière nous. Parc où se trouvent la patinoire, la piscine etc…..

Franck Unimon, ce lundi 18 mars 2019. L’école Robespierre, 3ème et dernière partie.

2 réponses sur « L’école Robespierre 3ème et dernière partie »

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