
Les rappeurs Joey Starr, Orelsan et Tricky : quelques idées pour réussir
Ces derniers temps, Orelsan est le rappeur ou l’un des rappeurs français dont on parle le plus et le «mieux ». Même le Président Macron, qui va sans doute se représenter lors des prochaines élections présidentielles d’avril 2022, tenait des propos élogieux à son sujet à la fin de l’année dernière. Comparant Orelsan à un « sociologue » décrivant bien la société française.
Interrogé au sujet de cette flatterie présidentielle, alors qu’il faisait la promotion de son dernier album, Civilisation, Orelsan a répondu quelque chose comme :
« Il ( le Président Macron) ne serait pas en train de gratter mon buzz ? ».
Avant de réussir et d’être ce rappeur à propos duquel, désormais, beaucoup de monde est content de dire : « Je l’admire », Orelsan a beaucoup douté. Je le sais comme d’autres car j’ai un peu lu sur lui. Auparavant. Sans trop insister.
Lorsque mon petit frère de 14 ans mon cadet, qui a grandi dans le Rap, m’avait offert à Noël il y a trois ou quatre ans maintenant, un album d’Orelsan, je l’avais un peu écouté. Mais, d’une part, avant d’écrire cet article, lorsque j’ai cherché ce cd, j’ai dû constater qu’il n’était plus là où je l’avais initialement rangé. A un endroit facile d’accès. Ce qui signifie que je l’ai rangé avec d’autres cds, dans un carton. Et, d’autre part, j’ai oublié le titre de cet album. Je me rappelle d’Orelsan sur la pochette, attendant à une station de bus en tenue de ninja. Tenue que j’avais trouvée modérément appropriée. A la fois car il est courant que des rappeurs se réclament des Arts martiaux. Mais, aussi, parce-que je trouvais que ces habits ne lui allaient pas. Je me rappelle aussi d’Orelsan derrière une vitre humidifiée.
On comprend donc facilement qu’Orelsan, aujourd’hui salué et reconnu pour son originalité, ses vertus de rappeur et la qualité de ses textes, ne m’avait pas particulièrement marqué. Alors que cet album, déjà, contenait plusieurs titres que bien des amateurs de Rap, et d’ailleurs, citeront comme des références, tout en s’étonnant de mon ignorance voire de mon handicap psychique et auditif total et évident.
Même si, depuis, j’ai quand même commencé à goûter des textes et des vidéos de l’artiste Orelsan, je vais choisir de continuer de m’enfoncer encore un petit peu plus à parler de lui, de Joey Starr et du Rap en général.
Aujourd’hui, tout le monde écoute du Rap. Je ne vais pas prétendre le faire autant que d’autres parce-que je respecte le Rap. Mais, aussi, parce-que, pour moi, écouter de la musique, cela se fait « sérieusement ». En profondeur plutôt qu’en passant. Je n’ai jamais aimé le terme de « musique d’ambiance » ou de « musique d’ascenseur ». Encore moins de « musique de chiottes ».
Or, je sais que je n’ai pas, à ce jour, consacré ou pu consacrer toute mon attention au Rap comme je l’aurais pu ou l’aurais dû. Pour cet article, je vais donc conserver le statut de celui qui sait à moitié de quoi il en retourne lorsque l’on parle de Rap.
Ce faisant, je continuerai de triquer la musique de l’artiste Tricky dont je réecoute et découvre des titres en ce moment.
Puisque, selon moi, cela est compatible avec le fait de parler davantage, ici, de Joey Starr et Orelsan. Tricky est du reste un artiste que je vois très mal l’un ou l’autre me reprocher d’écouter. Non seulement il m’est déja arrivé de me dire que Joey Starr et Tricky ont une certaine ressemblance physique. Ensuite, pour sa façon qu’a Tricky d’être envouté par sa propre musique, comme pour ses compositions, je ne peux qu’imaginer Joey Starr et Orelsan plutôt adeptes de la « filière » Tricky. Reste à savoir si toutes celles et tous ceux qui, aujourd’hui et demain, écoutent Joey Starr et Orelsan savent qui est Tricky. Mais cela n’est pas directement le sujet de l’article…
Cette nuit, dans un de ces moments d’égarement devenu fréquent pour tout individu « connecté », je me suis laissé aller à regarder des rubans d’images et de vidéos. Parmi elles, une intervention de Joey Starr, qui, cinq minutes durant, revenait sur quelques uns des titres qui ont « fait » l’histoire du groupe NTM.
NTM : Groupe de Rap aujourd’hui devenu « mythique » ? « Iconique ? » « Intergénérationnel ? ».
Au point qu’aussi bien des personnes qui l’ont connu en activité que des biens plus jeunes le citent comme faisant partie des groupes de Rap qui ont compté et continuent de compter. Là, aussi, c’est ce que l’on appelle la réussite. Et si cette réussite revêt maintenant le panache des pionniers et des anciens, on peut facilement concevoir que plus tard, bien des personnes parleront d’Orelsan et d’autres rappeurs et chanteurs actuels avec le même reflux de dynamisme et de nostalgie :
Aya Nakamura, Niska, Maes, PNL, SCH, Ninho, Soprano, Damso, et beaucoup d’autres.
Dans cette vidéo où l’on voit Joey Starr parler de quelques uns des titres de NTM – c’était apparemment avant la sortie du film Suprêmes d’Audrey Estrougo ( sorti en novembre 2021) que Starr cite un moment- il lui est demandé qui, parmi les nouveaux rappeurs, il écoute. Starr finit alors par citer :
« Orelsan ».
Si Orelsan ne fait pas partie de ma catégorie d’âge, Joey Starr, si. A un ou deux ans près. Je reste convaincu que si nous avions habité dans la même cité que nous nous serions connus de vue :
Dans la cité où j’ai grandi à Nanterre, je connaissais de vue, de nom ou de réputation, certains jeunes « durs » ou « voyous ». La fascination qu’ils exerçaient, avant de se faire rattraper par les tridents de la Loi, de l’échec scolaire ou des substances était suffisante pour qu’ils soient connus. Sans oublier cette impression de liberté et de force qui se dégageaient d’eux ou qu’on leur prêtait.
Dans ma jeunesse, j’ai donc connu « des » Joey Starr. Mais ils ne faisaient pas de Rap. Ils ne sont pas devenus célèbres. Ou s’ils l’ont été, cela a peu duré et cela s’est ensuite très mal terminé pour eux. Au point de finir par se faire oublier. Leur jeunesse ayant été sans doute leur acmé fut-il fait d’actes et de comportements hors-la-loi.
Mais, moi, comme la majorité des jeunes et sûrement aussi comme la majorité de ces personnes qui écoutent aujourd’hui du Rap, j’ai toujours respecté la loi. J’ai toujours obéi et marché droit. C’est la raison pour laquelle je crois que plus jeune, si nous avions fréquenté la même cité, Joey Starr et moi n’aurions pas été amis ou proches. Je l’aurais peut-être même fui. Par peur ou par jugement moral. Et lui, comme d’autres, m’aurait perçu comme un petit intello de plus ou de trop.
Une peur et un jugement moral qui m’ont suivi même, lorsqu’adulte, le groupe NTM, dans les années 90, a commencé à faire parler de lui.
Je me rappelle encore un peu de ce jour, où j’avais eu à choisir entre :
Me rendre à un concert de NTM. J’avais acheté leur album j’appuie sur la gâchette ( sorti en 1993. J’avais 25 ans, et, grâce à mon métier d’infirmier avais alors commencé à m’insérer en trouvant en psychiatrie une discipline qui me plaisait).
Et un concert de Me’Shell Ndégeocello après son premier album : Plantation Lullabies.
Si j’avais été dans une bande ou avais connu un groupe d’amis solidaire et curieux d’aller à ce concert, peut-être me serais-je risqué à aller voir NTM. Après être allé voir le gentil Mc Solaar (que j’aimais beaucoup alors mais dont la prestation sur scène m’avait déçu car trop molle) au Zénith. Et avant d’aller voir I AM à l’Olympia à l’époque de je danse le Mia (un des meilleurs concerts auxquels je sois allé).
Mais j’allais seul en concert et avais été plus rassuré par le public de MeShell Ndegeocello. Son concert à l’Elysée Montmartre avait d’ailleurs été très très bon. Artiste que je suis ensuite retourné voir deux ou trois autres fois en concert.
MeShell Ndegeocello, moins connue en France que Joey Starr et Orelsan, mais sûrement connue par au moins l’un des deux (puisque une grande culture musicale est souvent une des caractéristiques des artistes qui « marchent » quel que soit leur genre musical) est une artiste bien plus qu’honorable :
Chanteuse, poétesse, rappeuse, bassiste, claviériste, compositrice, elle a joué au moins avec les Rolling Stones, Marcus Miller et, de plus, aujourd’hui, fait figure de féministe militante et LGBT. Donc, MeShell Ndegeocello est tout sauf une artiste de surface.
Sauf que, ne pas aller à ce concert de NTM, dans les années 90, c’est quand même rater un sacré coche. Parce qu’il m’a fallu du temps pour comprendre l’importance du groupe dans ma vie. Pour dépasser certaines images défavorables du groupe.
Rencontrer Joey Starr
Comparativement à Joey Starr, Orelsan fait plus fréquentable. Il fait plus attention à son image que Joey Starr au même âge. Il a par ainsi gommé la casquette de sa présentation après s’être aperçu que certaines personnes restaient « bloquées » devant un jeune en casquette.
J’avais aussi oublié qu’il était ce rappeur, qui, il y a presque dix ans, avait fait polémique avec un titre considéré comme misogyne. Un titre que je n’ai pas vraiment écouté. Comme d’autres rappeurs avant lui, Orelsan avait choqué avec un titre et il avait plus été question de ce titre et du sens à donner à son texte qu’au reste de sa discographie. Le groupe Ministère Amer ou le rappeur Disiz La Peste étaient aussi passés par là.
Pour NTM, le scandale passait- aussi- beaucoup par les frasques de Joey Starr : frapper un singe dans une cage, insulter une hôtesse de l’air, se battre dans la rue, faire de la prison, prendre des substances, son ancienne relation avec Béatrice Dalle etc….
Au point que, pour moi, il était évident que cet homme peu recommandable mourrait jeune. Telle était la sanction morale et pudibonde qui l’attendait d’après ce que j’avais alors compris de l’existence.
Mais Joey Starr a survécu. Et moi, aussi.
Il était également vivant ce jour où je l’ai croisé. La seule fois, à ce jour. C’était en 2007 vraisemblablement. Au festival Furia, aux étangs de Cergy-Pontoise. Festival qui n’existe plus aujourd’hui.
Joey Starr, après la « dissolution » de NTM continuait une carrière en solo. C’était avant son rôle dans la série Mafiosa ( 2008). Avant son rôle dans le film Polisse ( 2011) de Maïwenn. Film que je verrais d’ailleurs au festival de Cannes, sans pouvoir l’interviewer, car l’attaché de presse du film n’aimait pas le journal cinéma pour lequel j’écrivais alors, journal cinéma aujourd’hui disparu : Brazil.

Aujourd’hui, on peut trouver normal de voir Joey Starr acteur, au théâtre ou à la télé. Mais, à cette époque, en 2007, Joey Starr -ou simplement le fait d’être rappeur-, en France, ne rimait pas du tout avec le fait d’être comédien de théâtre ou acteur de cinéma. Mc Solaar, rappeur « chouchou » des média, était du reste allé au festival de Cannes, en tant que membre du jury, plusieurs années avant Joey Starr. En 1998, au sein du jury présidé par Martin Scorsese. Et, autant que je me souvienne, Mc Solaar, malgré son élégance, n’a jamais fait d’apparition marquante par la suite ou carrière dans le cinéma ou sur des planches de théâtre. Alors que Joey Starr, dans ces domaines, fait aujourd’hui figure d’exemple mais aussi d’exception. Il est ainsi, en France, le premier rappeur à avoir réalisé ce grand écart avec autant de réussite entre son univers artistique d’origine ( le Rap) et le cinéma, le théâtre et la télé.

( Voir l’article Elephant Man ).
Hormis peut-être Eddy Mitchell ou Marc Lavoine, que je trouve aussi bons acteurs que chanteurs, il faut ensuite regarder plutôt aux Etats-Unis pour voir une carrière à peu près équivalente d’un chanteur ou rappeur qui a, par ailleurs, une carrière cinématographique notable. Je pense d’emblée, au choix, soit à Harry Connick Jr ou à Common.
Mais en 2007, en France, Joey Starr était encore Joey Starr. Un rappeur ainsi qu’un bonhomme incontrôlable qui faisait peur ou qui pouvait encore faire peur. En tout cas, en 2007 , avant même son arrivée sur le festival Furia, il m’avait indirectement fait peur ainsi qu’à certaines personnes de l’organisation du festival.
Grâce à un ami, Luc Rajaonarison ( chanteur et musicien, alors, du groupe Full Screen, et, aujourd’hui du groupe September Boy ) j’avais pu faire partie de l’organisation du festival, en tant que bénévole. Côté production. Derrière la scène. Je pouvais donc et voir les artistes avant leur concert. Mais aussi sur scène.
C’est ainsi que j’ai croisé Joey Starr. J’avais alors une jambe dans le plâtre. Rupture du tendon d’achille. Entre le jour où je m’étais porté volontaire pour être bénévole et le moment où le festival avait débuté, je m’étais rompu le tendon d’achille en faisant du sport.
Ce jour-là, je n’ai pas osé aborder Joey Starr. Par contre je l’ai observé. Qui n’observait pas Joey Starr ?
Je me rappelle que le groupe The Roots, convoyé par mon ami Luc, avait tenu, jusqu’au bout à son statut de groupe Star. Le trajet menant du backstage jusqu’à la scène était très peu pratique à monter en camion ou en voiture. Mais par le biais de son meneur, le batteur ?, le groupe avait tenu à se faire emmener en camion jusqu’à la scène. Les roues du camion patinaient dans le ridicule alors qu’il se rapprochait péniblement de la scène située à une centaine de mètres.
En attendant son concert, assis, Joey Starr « l’énervé », avait été particulièrement calme. Discret. Aucune frasque. Au moment de monter sur scène, sans faire d’histoire, lui et ses musiciens avaient fait le trajet à pied. Puis avaient donné leur concert. Et étaient ensuite repartis sans plus d’accrochage.
Mon admiration pour Joey Starr :
Un certain nombre de fois, dans le passé ou même récemment, Joey Starr a déconné. Dans ses comportements comme dans certains de ses propos.
Mais en le regardant cette nuit, j’ai listé quelques raisons qui me font l’admirer.
D’abord avec NTM, parti de nulle part, car la ville de Saint Denis, et là où il vivait, c’était alors nulle part, Joey Starr a créé quelque chose. Dans la musique, le Rap.
Même relativement éloigné de cette scène du Rap qui s’est construite dans les années 90 avec Assassin, NTM ou d’autres groupes, je « sais » que la musique dominante, dans les années 90 alors, en France, était loin d’être le Rap. Mais, aussi, que cette musique était loin d’être incarnée par des artistes noirs ou arabes comme maintenant avec le Rap.
Si je commence à faire un effort de mémoire pour essayer de trouver des artistes noirs ou arabes qui, en France, dans la musique, avaient une grande ou assez grande audience, dans les années 90, qui vais-je trouver ?
Henri Salvador ? Kassav’ ? Zouk Machine ? Francky Vincent ? Laurent Voulzy ?
J’ai oublié si La Compagnie Créole tournait encore dans les années 90. Et, avant les années 90, qui avions-nous autrement comme artiste français non-blanc :
Carte de séjour ? Karim Kacel ? Ottawan ? David Martial ?
En découvrant ce lundi 31 janvier 2022, cette vidéo du groupe Ottawan de ce tube qui doit dater de la fin des années 70, je me dis qu’il a dû falloir beaucoup de courage à ce duo pour surmonter bien des préjugés racistes de l’époque. Cette remarque vaut aussi pour Karim Kacel : je me rappelle d’une de ses interventions, où, agacé, il avait rappelé » Je ne m’appelle pas Michaël Jackson. Je m’appelle Karim Kacel ! ».
J’ai peut-être oublié un ou deux artistes arabes ou noirs tels qu’Alain Bashung ( en partie Kabyle) ou voire Etienne Daho ( né à Oran) ou peut-être Mirwais ( moitié afghan par son père et ex-membre du groupe Taxi Girl ).
Mais, autrement, il faut s’imaginer que tous les autres artistes de la chanson française, jusqu’à l’installation du Rap dans les années 90, étaient principalement ou beaucoup des artistes de variété. Bien des sujets graves sont abordés au travers de la variété et il serait trompeur de croire que les artistes de variétés ne sont que des petites midinettes et des petits gars qui interprètent des chansons « douces ». Sauf que les canons d’expression dominants de l’époque, d’avant le Rap excluaient certaines catégories de populations ainsi que certains codes de langage ou vestimentaires.
Le Rap porté et popularisé par des groupes et des artistes comme NTM mais aussi Mc Solaar et I AM a permis de « voir » certaines de ces catégories de populations jusque là exclues des plateaux télés mais aussi de l’industrie du disque et du spectacle.
Si fin 2021, le Président Macron a pu essayer de « gratter le buzz » d’Orelsan en l’encensant, dans les années 90, le Président de la République de l’époque, Mitterrand puis, ensuite, Chirac, s’y sont pris différemment. Jack Lang, le Ministre de la culture de Mitterand avait peut-être tenté de récupérer le groupe NTM. Chirac, lui, ne m’a pas marqué pour ses tentatives de rapprochement avec des artistes Rap. Alors que Nicolas Sarkozy, déjà, une fois Président, lui, s’était « fait » le rappeur Doc Gynéco.
Mais j’extrapole.
Avec le Rap, donc, Joey Starr et NTM ou NTM et Joey Starr ont créé une nouveauté.
D’autres diraient qu’ils ont créé une rupture plutôt. Une rupture conventionnelle avec la musique qui se faisait avant. Avec les textes qui se disaient avant.
Donc, une rupture. Une certaine radicalité. Mais aussi une énergie. D’autres diraient :
Une urgence.
L’urgence de quoi ? L’urgence de faire un voyage, de vivre une expérience, une rencontre.
Une rencontre et une expérience suffisamment proches de soi, de l’auditrice et de l’auditeur qui écoute, pour s’identifier à ce qui est raconté dans le Rap. Mais, aussi, pour donner envie à l’auditrice et à l’auditeur de se rapprocher davantage de ces artistes et de ce qu’ils racontent.
Un peu comme on se rapproche d’un feu de camp dans une forêt sombre ou d’une cheminée qui crépite dans une maison où l’on se sent enserré par un certain froid mais aussi par une presque solide solitude.
On se rapproche de ces artistes afin de changer d’univers, d’histoire, de condition. On l’espère tout au moins.
Créer. Apporter une énergie (ou une chaleur particulière qui, jusque là a manqué à d’autres) dans une certaine radicalité. Que faut-il d’autre pour réussir et ce qui me fait, aussi, admirer Joey Starr ?
La Longévité :
Joey Starr est encore présent pour raconter. Il est un ensemble de héros, artistes ou autres, morts très tôt, et dont l’exemple marque, instruit et guide. Mais je trouve qu’une personne qui vit suffisamment vieux pour transmettre, c’est mieux. C’est mon point de vue.
Mais il manque encore quelques pièces pour réussir.
Se canaliser :
Joey Starr, d’après ses frasques, a du mal ou a pu avoir du mal à se canaliser. Du moins en apparence. Car, tel le joueur de tennis Mc Enroe, qui, régulièrement, se mettait en colère sur un court de tennis, Joey starr s’est toujours canalisé dans le Rap. Il a su tenir ses engagements. Comme Mc Enroe avait su tenir son tennis.
Je citais Doc Gynéco un peu plus haut. Alors que Doc Gynéco avait fait un très bon premier album solo, toujours plébiscité par certaines personnes, j’ai l’impression que l’on ne compte plus les tentatives de retour ratées de Doc Gynéco. Comme s’il s’était dissous. D’autres artistes, très bons, se sont ainsi évaporés. Par exemple, je pense de temps à autre, avec tristesse à Finley Quaye, qui, dans les années 90, avait tout un avenir devant lui : Jazz, Reggae, dub, électro….
Pour moi, il avait réalisé une fusion unique de plusieurs genres musicaux. Et puis, il s’est en quelque sorte désagrégé.
Joey Starr, lui, est resté non seulement compact. Mais, il a continué à se canaliser et à se concentrer dans le Rap malgré ses accidents de parcours, et ses aller-retour en prison.
Il a donc cumulé de hautes doses et aussi de hautes charges de travail dans le Rap. Au point de devenir, d’une manière ou d’une autre, un expert dans le Rap. Qu’on l’aime ou qu’on ne l’aime pas, son travail et sa persévérance ont été au rendez-vous. Et, cela, sans compter ses heures. Mais, bien-sûr, s’il n’a pas compté ses heures, ses heures de travail n’ont pas compté pour du beurre. Il fallait qu’à un moment, tout ce travail se « voit » et se « matérialise » concrètement. Etre le meilleur rappeur, ou parmi les meilleurs, dans ses toilettes, c’est bien. L’être sur scène ou sur des millions de disques, c’est bien mieux.
C’est là où l’on en arrive à ce qui, selon moi, est sans doute, le plus déterminant, et, cela, sans doute dès le début de toute entreprise.
L’entourage
J’ai oublié de parler de la sincérité de Joey Starr ou d’Orelsan lorsqu’ils ont commencé à se lancer dans le Rap. Pour réussir, il me semble que la sincérité est indispensable. On continue, des années après leur mort, de nous parler de la sincérité d’artistes comme Georges Brassens, Jacques Brel ou Barbara. Et on continuera de nous parler de leur sincérité pendant encore des années. Cela veut bien dire que la sincérité d’un artiste nous touche particulièrement. Comment expliquer, autrement, le succès actuel de l’humoriste Blanche Gardin ?
Cependant, à la sincérité de l’artiste, de Rap ou dans un autre domaine, doit correspondre la sincérité de son entourage. Car celui-ci fait, à un moment ou à un autre, la différence. Vers le succès ou vers l’échec.
Que cet entourage soit intime ou non, qu’il soit présent dès le début de l’aventure ou ensuite, pour que la réussite soit atteinte, il faut que cet entourage soit un entourage qui :
Conseille ; qui guide ; qui soutient et qui fournit du courage plutôt qu’un comportement anthropophage.
Il faut aussi que cet entourage soit facilement disponible en cas de besoin. Et prêt à se dévouer, à se battre voire à se sacrifier pour le projet. Et pour sa réussite.
Dans la réussite de bien des personnalités que je regarde, chaque fois que je regarde de près, il y a toujours un entourage constitué, permanent et solide autour d’elle. Telle une toile d’araignée.
Il y a ensuite d’autres paramètres à prendre en compte.
L’époque/ La chance
On dit de certaines œuvres et de certains artistes qu’ils arrivent au bon « moment ». Que d’autres sont trop en avance sur leur temps ou trop en retard. Il est vrai que j’ai du mal à m’imaginer le groupe NTM, Orelsan ou Blanche Gardin dans les années 60. Et, il peut être très drôle de les imaginer à cette époque.
Cependant, s’ils avaient vécu dans les années 60, sans doute ou peut-être auraient-ils proposé une œuvre en rapport avec cette époque. Soit mus par leurs envies et leurs instincts mais, aussi guidés par l’exemple ou les conseils de quelqu’un de leur entourage.
Enfin, pour conclure, on va terminer avec ce qui est le plus souvent mis en exergue lorsqu’un artiste ou une personnalité « réussit » :
Le talent/ Le don :
On résume souvent la réussite d’une personne à son talent ou à son don. Beaucoup de personnes ont du talent mais ne réussissent pas pour autant. Soit parce qu’elles s’égarent. Parce qu’elles n’ont pas le meilleur ou le bon entourage. Parce qu’elles manquent de persévérance. Ou parce qu’elles se reposent trop sur leurs dons et leurs « facilités ».
Enfin, le mot « réussite » est un mot féminin. Mais on dirait, aussi, parfois, que pour réussir, ne serait-ce que pour réussir tout simplement à vivre, qu’il vaut mieux être un homme qu’une femme.

Ainsi, la jeune Shaïna Hansye : « une jeune fille de Creil, dans l’Oise » (….) « retrouvée brûlée dans un cabanon abandonné d’un jardin ouvrier, à l’âge de 15 ans, en 2019. Le meurtrier présumé venait d’apprendre qu’elle était enceinte de lui. Avant cela, la jeune fille avait été victime d’un viol collectif, commis par d’autres garçons de la cité, et avait eu le courage de porter plainte » (….) « Dossier dans lequel nous révélons que, à plusieurs reprises, policiers, experts ou magistrats n’ont pas entendu la parole de Shaïna ». ( Charlie Hebdo numéro 1540 du 26 janvier 2022).

Franck Unimon, ce lundi 31 janvier 2022.