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Cinéma Ecologie

Marche avec les loups

Photo issue du site allociné comme les suivantes.

Pour cause de Selfie hier ( film rĂ©alisĂ© par Thomas Bidegain et Marc Fitoussi), ce matin, je suis allĂ© voir le documentaire Marche avec les loups de et avec Jean-Michel Bertrand. Avant qu’il disparaisse sans doute rapidement des Ă©crans.

 

Afin d’avoir le droit d’obtenir ma place dans une salle de cinĂ©ma et voir marcher Jean-Michel Bertrand dans les Alpes et le Jura,  j’ai d’abord dĂ» accepter d’entrer dans les transports en commun parisiens bondĂ©s aux heures de pointe.

Il y a plusieurs annĂ©es, quelqu’un m’avait rĂ©sumĂ© de cette façon une « soirĂ©e qui craint Â» :

« C’est une soirĂ©e oĂč tu payes dix balles l’entrĂ©e, oĂč il n’ y a pas de meuf et oĂč tu sais qu’à un moment donnĂ©, quelqu’un va s’embrouiller avec un autre Â».

 

Ce matin, il n y a pas eu de torsion de vocabulaire ou d’action circulaire dans le train Bombardier. Mais il y a eu une promiscuitĂ© intermittente avec une certaine haleine testamentaire ou avec un abcĂšs dentaire. Je n’ai pas cherchĂ© Ă  en savoir plus.

En pleine inquiĂ©tude Ă  propos de la Chine qui, en plus d’ĂȘtre de plus en prĂ©sentĂ©e comme une menace fantĂŽme et visible d’un point de vue Ă©conomique et identitaire, nous « envoie Â» maintenant sa grippe mortuaire, il a fallu refaire connaissance avec la persistance. 

 

Au dĂ©but de son documentaire rĂ©alisĂ© en 2018, Jean-Michel Bertrand nous apprend ĂȘtre parti marcher dans les Alpes « pendant trois ans et avec une seule obsession : croiser le regard des loups». On le suit donc dans les Alpes et le Jura, plutĂŽt en hiver,  jusqu’à moins dix neuf degrĂ©s. Son voyage ressemble au chemin de Compostelle vers la vie sauvage. MĂȘme si Jean-Michel Bertrand nous le dit :

 

«  La frontiĂšre entre le sauvage et ce qui ne l’est pas est illusoire Â». Il est vrai que dans une soirĂ©e qui « craint Â» ou dans des transports en commun dĂ©goulinant de monde, vouloir s’asseoir peut revenir Ă  prendre le risque de s’exposer Ă  un coup de rasoir. Mais on est trĂšs loin de tout ça dans le documentaire de Jean-Michel Bertrand. Alchimie de l’homme du « passĂ© Â» et de l’homme  «connectĂ© Â» avec son matĂ©riel de campeur de pointe,  ses camĂ©ras automatiques et son tĂ©lĂ©phone portable qui lui transmet des images et des vidĂ©os en temps rĂ©el, Il nous guide dans un monde oubliĂ© parce-que nous l’avons fui et abandonnĂ© pour le profit total de la modernitĂ©. Et aussi parce-que nous sommes originaires d’autres cultures du monde.

 

 

 

Lorsque l’on regarde Jean-Michel Bertrand, on se dit que l’électricitĂ© rime aussi avec l’obscuritĂ©  d’un certain nombre de nos activitĂ©s qui nous semblent si importantes. Alors que si l’on prenait vraiment le temps de faire le tri, on s’apercevrait que bien avant l’invention du GPS, d’internet et de nos applications mobiles, nous nous Ă©tions dĂ©jĂ  perdus. La comĂ©die Selfie  parle de ça d’une autre façon.

Jean-Michel Bertrand nous dit aussi :

 

« La force du loup, c’est le groupe Â». On retrouve ça chez bien des groupes humains hostiles comme amicaux. Pourtant, on dit aussi que nous vivons de plus en plus dans une sociĂ©tĂ© individualiste oĂč c’est « chacun pour soi Â». Et, lors de mon trajet de quelques minutes dans mon train bondĂ© de ce matin pour rejoindre Paris,  puis dans le mĂ©tro, seules les personnes qui se connaissaient dĂ©jĂ  sont restĂ©es ensemble. Toutes les autres, la majoritĂ©, ont juste composĂ© les unes avec les autres comme elles le pouvaient, le temps du trajet, sans se rencontrer. Avant de rencontrer celles et ceux avec lesquels elles sont prĂ©sumĂ©es ĂȘtre ensemble au travail, Ă  la maison, dans un commerce ou dans une administration.  

 

Et c’est comme ça tous les jours depuis des annĂ©es. On peut ĂȘtre hyper-connectĂ© mais sans se calculer. Sauf pour s’insulter, s’épier ou pour se menacer.

 

 

Marche avec les loups, c’est le contraire de ça. MĂȘme si Jean-Michel Bertrand est le seul humain que l’on voit au premier plan. Il nous donne son avis sur cette haine pour le loup qui provient selon lui de croyances mĂ©diĂ©vales. Il nous parle du loup mais je me dis que d’autres dĂ©fendent les requins et les ours comme lui, dĂ©fend le loup. Et, bien-sĂ»r, j’ai repensĂ© au livre de Nastassja Martin, Croire aux fauves . Ainsi qu’au film The Ride de StĂ©phanie Gillard. Ce sont des Ɠuvres-frontiĂšres entre le passĂ© et le prĂ©sent. Entre l’inhumain et l’humain. Entre l’innommable et l’inhumĂ©. 

Jean-Michel Bertrand cite Robert Hainard, un Ă©cologiste oubliĂ© qui, devant la destruction de la nature, a pu dire ou Ă©crire :

« On me tue mon infini Â».

 

On peut voir ce documentaire de Jean-Michel Bertrand comme seulement fait de trĂšs belles images de la nature, de loups et d’autres animaux. On peut le voir comme un Into the Wild dĂ©cafĂ©inĂ© et monastique. Comme un manifeste pro-loup, ce qui a beaucoup dĂ©plu Ă  certaines personnes qui ont voulu empĂȘcher sa sortie. ( Je crois que Jean-Michel Bertrand a aussi reçu des menaces de mort).

 

Mais on peut aussi voir Marche avec les loups comme une Ɠuvre qui s’escrime Ă  nous faire percevoir l’infini. Ce qui est quand mĂȘme beaucoup mieux que d’attendre de retrouver le quai , dans un train ou dans un mĂ©tro bondĂ©, alors que celui-ci est arrĂȘtĂ© sur la voie ferrĂ©e plutĂŽt que sur la voie lactĂ©e.  

 

Franck Unimon, mardi 28 janvier 2020. 

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