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Massage à l’huile au Ban Maï Thaï

Au Ban Maï Thaï, ce jeudi 26 janvier 2023, après le massage. Photo©️Franck.Unimon

       Massage à l’huile au Ban Maï Thaï

 

Auparavant, je n’avais jamais envisagé qu’une table de massage puisse être une table d’opération. Et que la plus grande partie de mon corps recevrait cette opération.

 

Nous nous plaignons de relations superficielles. Ce que j’ai vécu hier avait un peu un  caractère sacrificiel. Mais je ne le savais pas  en choisissant d’entrer dans ce salon de massage au 99, rue Glacière, dans le 14 ème arrondissement de Paris, plutôt que dans le salon de thé un peu plus loin. 

 

Tout ce que je voulais, tout ce que je voyais, c’était que j’avais besoin de me réchauffer.

Paris, près de St Lazare, le 19 janvier 2023. Photo©️Franck.Unimon

A la fin de ce mois de janvier, je me sentais fatigué. Il faisait froid et humide depuis plusieurs jours. Et cela faisait plusieurs années que je m’étais dit que ce serait bien d’aller me faire me masser de temps en temps.

 

Mais par où commencer ? Dans quel lieu de massage ? Il y avait les instituts de beauté, les forfaits massages sans âme, les endroits où l’on vous fait payer le cadre plus que la réelle habilité à vous relaxer, les débarras de sperme camouflés….

 

J’en ai fait un peu l’expérience : en France, lorsque vous parlez massage, on pense tout de suite aux préliminaires sexuels. On est encore assez peu sportif en France question massage.

 

Même si l’on parle de yoga, de zen, d’Arts martiaux, d’application de méditation, de l’importance de prendre son temps, de se reconnecter avec soi-même, dès que l’on parle de massage, un trouble se déclare. J’ai l’impression que celui qui se montre sympathique ou inoffensif et en profite pour verser en douce du GHB dans un verre est presque plus fréquentable que celui qui va parler de « massage ».

 

« Je n’aime pas que l’on me touche » m’a dit hier soir une collègue plutôt sympathique alors que nous marchions tous les deux côte à côte en discutant vers le métro. Pour plaisanter, je lui ai alors demandé :

« J’espère que je ne suis pas trop près de toi pendant qu’on parle…». Elle a souri voire elle a rigolé. Un peu.

 

J’ai un rapport différent au massage. Un jour, un de mes collègues formé à la psychanalyse qui doit à mon avis peu se faire masser m’a dit :

« Le corps, c’est l’inconscient ». ça m’a marqué. Notre corps nous marque et nous attache. Et un massage marche sur toutes ces marques et toutes ces attaches que notre histoire nous a laissée. Cela n’a pas grand chose de sexuel même si un massage peut aussi être d’inspiration sexuelle.

 

J’ai été sportif et le suis encore un peu. Et, pour moi, un massage, cela a d’abord été d’ordre sportif. Lorsqu’un joueur de tennis se fait masser sur un court de tennis, le but recherché n’est pas l’obtention d’une plus grande érection même si son but, ensuite, consistera à faire tout son possible pour envoyer profond sa balle de tennis (ne changez pas le mot en chemin dans votre tête, s’il vous plait) dans les limites du terrain adverse.

 

Mais avant le sport, j’avais appris dès l’enfance à approcher un autre corps par la danse et la musique. C’était une règle et même une obligation culturelle et sociale. Ne pas savoir danser avec quelqu’un d’autre, c’était la honte. Et, je parle d’une danse rapprochée. Avec des titres aussi longs voire plus longs que les slows célèbres.

 

Enfin, le châtiment corporel, y compris en public, ça peut aussi décomplexer question rapport à son propre corps. Cette semaine, ma fille m’a demandé si, enfant, j’avais connu des maitres à l’école qui tiraient les oreilles. Oui, ma fille. Et même des maitres qui giflaient. J’ai même reçu un coup de pied dans le derrière. Tiens, je vais te raconter une histoire. Figure-toi qu’un jour, ton grand-père est allé voir mon maitre avec moi à l’école. J’étais en CE2. Il a dit à mon maitre : «  Vous savez, Franck, s’il fait des bêtises, vous pouvez le frapper…. ».

 

Sourire.

 

Ça peut vous décomplexer avec le fait que l’on touche votre corps. Ça et  toutes ces expériences sensorielles où notre corps est sollicité. A travers une pratique sportive, pour peu que l’on se soit appliqué à être aussi performant que possible dans la durée, on fait l’apprentissage de certaines réactions de notre corps. Voire, on les accepte. Peut-être trop, aussi.

 

Quelqu’un m’a dit un jour : « Je n’aime pas transpirer ». ça m’a marqué.

 

Mais si le massage donne souvent l’impression à certains d’être seulement l’antichambre d’Eros, la suite de cette anecdote a plutôt à voir avec le seuil de douleur que l’on accepte d’approcher. Car si ma collègue –celle qui n’aime pas se faire masser-  a d’ores et déjà de l’arthrose dans les genoux au point de préférer l’escalator aux escaliers, le massage d’hier m’a catapulté dans une expérience très engagée du massage. Il n’y avait absolument rien de superficiel dans ce que j’ai vécu hier.

 

Je l’ai déjà fait comprendre, je n’avais pas d’appréhension en entrant dans ce salon de massage hier. J’avais à peu près deux heures devant moi avant de retourner au travail pour une réunion. Un peu plus tôt dans l’après-midi, déjà, je m’étais arrêté, rue du Cherche-Midi, dans un salon de massage chinois bien recommandé par certains avis lus sur internet. C’était sur mon trajet avant de me rendre à une conférence à mon travail sur les UMJ (les unités médico-judiciaires). Je me suis contenté d’un massage des pieds de quinze minutes. Bain de pieds chaud au préalable. Puis, massage des pieds en commençant par les chevilles. Je m’attendais à un massage plus poussé des pieds mais cela fut agréable. En plus, comme c’était une période creuse, j’ai eu le droit à un (petit) massage de la nuque. Avant de partir, on m’a aussi servi un thé. 15 euros pour 15 minutes au lieu de 20 euros. Je me suis ensuite dirigé vers la gare Montparnasse.

 

Après le séminaire, j’avais à peu près deux heures de libres. J’en ai profité pour découvrir un peu plus les environs. Je suis passé devant ce salon de massage thaïlandais, le Ban Maï Thaï. Extérieurement, il m’a fait une plutôt bonne impression. Et ses tarifs pour une heure de massage, bien qu’un peu élevés par rapport à mes enseignements (un euro par minute de massage) restaient observables. Je ne suis pas entré tout de suite. J’ai continué de me balader.

Paris, près de la rue Glacière, ce jeudi 26 janvier 2023. Photo©️Franck.Unimon

 

Puis, je suis revenu environ trente minutes plus tard.

 

J’ai été formé au massage bien-être. J’ai déjà été massé un certain nombre de fois. C’était un des principes de la formation. Masser des personnes différentes et se faire masser par des personnes différentes. Je suis donc entré hier en demandeur et en « connaisseur ». Du moins, en connaisseur de ce que je connaissais déjà.

 

Massage (complet) aux huiles ou massage thaïlandais ? Telle était la question. On partait pour une heure, de toute façon, pour 70 euros. Je pouvais accepter ce tarif. C’était la fin du mois. Plus cher, j’aurais tiqué pour une première fois.

 

La femme qui m’accueillait, très certainement d’origine thaïlandaise, était tout sourire. Et, dans son Français, elle faisait de son mieux pour me renseigner. Elle m’a assez vite dirigé vers le massage aux huiles. Mais je trouvais que ça faisait trop cliché, le client qui demande un massage aux huiles. J’avais encore en tête le massage californien et peut-être aussi le titre Hôtel California des Eagles.  

 

Malgré  toutes les informations devant moi, je n’avais toujours pas traversé l’océan pacifique jusqu’à l’Asie.

 

J’ai vraiment eu envie du massage thaïlandais. Je pensais à des étirements tout en douceur…

 

Lorsque je lui ai demandé si ce massage faisait du bien ensuite, mon hôtesse m’a répondu en gardant son sourire qu’après je prendrais peut-être du doliprane. Mais que le lendemain, je me sentirais bien. Puis, presqu’en forçant sa nature, elle s’est montrée un peu directive en me disant « Je pense que le massage aux huiles, ce serait bien pour la première fois ».

 

Je l’ai écoutée. J’ai bien fait.

 

J’ai d’abord payé. Puis, elle m’a apporté une paire de sandales. Je me suis déchaussé. J’ai voulu me lever pour amener mes chaussures. Elle m’a fait comprendre que c’était son travail et elle les a déposées près d’autres chaussures rangées à l’entrée. Il y avait une paire de baskets Nike blanches.

 

Vous voulez aller aux toilettes ? J’ai acquiescé.

 

Ensuite, toujours souriante, elle m’a demandé si j’avais mal quelque part. J’ai donné quelques indications. Puis, elle s’est volatilisée. Peu après, elle est revenue avec une jeune femme, d’une trentaine d’années à peine, aussi petite qu’elle, à peu près un mètre soixante, peut-être moins. Toute aussi souriante, celle-ci m’a accompagné vers un escalier qui nous a fait descendre jusqu’à une petite pièce où attendait une salle de massage. Je dirais que la salle devait faire dans les 6 mètres carrés. Tout était optimisé. La table, deux cintres, de quoi poser ses vêtements. La lumière était apaisante. Une musique mélodique et sans doute très uniforme aussi n’a cessé de couler pendant la séance.

 

Ma future masseuse m’a remis un sachet fermé contenant  un slip jetable bleu qui avait l’allure d’un string et s’est éclipsée. Lorsqu’elle est revenue et que je l’attendais, allongée sur le dos, celle-ci s’est aperçue que j’avais mis le slip à l’envers. Petit rire. Nouvelle éclipse. Nouveau retour.

 

Je me suis allongé sur le ventre comme elle me l’a demandé. J’ai fermé les yeux. J’ai été recouvert de serviettes chaudes. Puis, sans beaucoup attendre, ma masseuse souriante a encastré son « savoir- fer » dans mon corps. Elle a bien dû monter sur la table afin de  mettre tout son poids. En tout cas, elle m’est montée dessus ou a roulé sur mon corps. Alors, je me suis rappelé ce que j’avais entendu dire, dans le passé, à propos de ces massages en Thaïlande qui pouvaient être difficiles à supporter physiquement.

 

Cinq à dix minutes à peine s’étaient passées que je louais mes capacités expiratoires afin d’accepter le programme essorage de ma jeune praticienne. Je n’ai pas perçu d’agressivité particulière de sa part mais je me suis bien demandé où était la frontière  consciente entre un massage et un acte de guerre.

Bien-sûr, j’ai pensé à la torture. Cet ensemble d’actions par lequel on refuse que l’autre nous échappe.

Mais quand je pense à la guerre, c’est pour cette grande connaissance du corps humain. Tant pour la connaissance de ses points faibles que de ses zones de résistance.

 

« You, Ok ? » m’a demandé gentiment ma masseuse par intervalles de dix minutes. Elle semblait bien renseignée quant au fait que je pouvais connaître des moments difficiles.

 

J’ai répondu, oui.

 

Je me suis dit que le peuple thaïlandais devait être un peuple particulièrement souple pour avoir ce type de massage-repassage.

 

Cependant, étant allongé sur le ventre, et stimulé en profondeur comme je l’étais, j’ai commencé à redouter la venue d’une érection. J’ai pensé à Desproges qui, dans un de ses sketches, racontait ce malaise qu’il avait pu ressentir en étant collé à un de ses voisins dans l’ascenseur exigu de son immeuble mais aussi sa crainte de voir survenir en lui une érection.

 

Mon inquiétude a été facilement éconduite. La tonicité du massage et les étirements assez poussés ne s’accouplaient pas avec une érection. Et l’intention de ma masseuse aussi, sans aucun doute.

 

Tout cela, c’était la prise en main, à sec, des jambes et des pieds. Nous n’en n’étions qu’au commencement.

De l’huile chaude est arrivée sur ma peau. Juste comme il faut. Ma masseuse a poursuivi son travail de conquête cutanée. Parvenue en haut de mon dos, mes jambes recouvertes à nouveau par une serviette, il y a eu un premier craquement. Puis un second. Puis un troisième. Elle n’allait pas laisser passer ça.

 

« You, ok ? ».

 

Dans cette séance de massage particulièrement satisfaisante, le summum a été atteint lorsqu’elle s’est occupée de mes omoplates. En particulier, peut-être du muscle trapèze. Elle m’a donné l’impression de le tasser avec son coude.

 

Coudes, poids du corps sur la table et poing étaient en libre service lors de cette séance.  

 

Le massage du ventre et des pectoraux était moins accompli mais j’avais eu mon compte. Une fois installé sur la table de massage, l’heure est passée rapidement.

 

Après m’être rhabillé, je suis remonté. Un thé chaud m’attendait avec une coupelle contenant quelques fruits. Ainsi que mes chaussures.

Après le massage, hier. Photo©️Franck.Unimon

J’ai revu celle qui m’avait massé et lui ai demandé son prénom. J’avais un peu de mal à la reconnaître. Je n’avais fait que l’apercevoir.  Il m’a semblé qu’elle estimait n’avoir fait que son travail. Ce qui était vrai. Mais c’était un travail plutôt bien fait et il fallait le remarquer. La jeune masseuse, après m’avoir prononcé son prénom à la Thaïlandaise m’a amené une carte du salon en souriant. Je l’ai prise même si j’en avais déjà une. Puis, elle a disparu pour rejoindre d’autres masseuses dans une pièce où j’avais l’impression qu’elles s’y mettaient à plusieurs pour s’occuper d’une personne.

 

 « L’ hôtesse » s’est aussi assurée que tout s’était bien passé. Dans ce genre de commerce souvent tenu par des femmes, j’ai l’impression, un homme est venu discrètement prendre la suite à l’accueil. Le salon allait fermer dans moins d’une heure.

Devant le Ban Maï Thaï, ce jeudi 26 janvier 2023, vers 19h. Photo©️Franck.Unimon

 

Entre 11h et 14h, l’heure de massage descend à 57 ou 56 euros. Je reviendrai sûrement en profiter un jour.

 

Mon corps était réchauffé lorsque je suis parti. La prochaine fois, j’irai aussi au salon de thé qui se trouve un peu plus loin.

 

Je suis arrivé avec environ vingt minutes de retard à ma réunion au travail. J’étais un petit peu ailleurs. Mais il n’y avait pas de nécessité de s’agiter. Et puis, je faisais partie des présents dans la salle. Quelques autres collègues étaient sur Skype.

 

La réunion a duré moins longtemps que je ne l’avais prévue. En partant, je n’ai pas eu l’impression d’avoir perdu mon temps. J’ai même fait une partie du trajet avec une de mes collègues qui n’aime pas qu’on la touche. Nous avons discuté. C’était un moment assez privilégié, personnel et détendu. C’était la première fois que nous le faisions en dehors du service.

 

Franck Unimon, ce vendredi 27 janvier 2023.

 

 

 

 

 

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