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Crédibilité

Crédibilité

 

 

                                                                     Crédibilité                                                   

 

 

Nous étions une cinquantaine ce matin à attendre l’arrivée des membres de la direction. Il faisait un peu frais et l’atmosphère était humide. Certaines et certains portaient le brassard de leur délégation syndicale voire un drapeau. Un bon nombre, comme moi, portait uniquement ses vêtements ordinaires.

 

La veille, une de mes collègues avait insisté pour être présent afin d’exprimer de nouveau à notre direction certaines de nos doléances. Elle m’avait convaincu de venir. Et, ce matin, je ne la voyais pas. Mais j’avais reconnu deux autres collègues que je n’attendais pas. Et, j’avais fait la toute dernière partie du trajet avec une militante qui était venue un matin faire un remplacement dans notre service et que j’avais reconnue.

 

Un des délégués syndicaux, animant la manifestation, a fait du bruit avec d’autres manifestants. Assez vite, une personne est venue « nous » prier de nous faire plus discrets car des personnes étaient en train de passer un examen. Je suis resté là à regarder et à écouter ce qui se passait :

Ce matin, comme lors des quelques fois où j’ai manifesté depuis mes études, j’étais venu pour être présent, écouter, éventuellement faire des rencontres et comprendre un peu mieux ce qui se passait. Pas pour faire du bruit et encore moins pour casser que ce soit une ambiance ou des objets.

 

Devant la persistance du « bruit », d’autres personnes, présentes comme nous dehors devant le bâtiment de la direction, ont alors entrepris de nous « raisonner » afin de faire moins de bruit. Jusqu’alors, je les prenais pour des manifestantes comme nous (c’étaient exclusivement des femmes). Un de mes collègues, dont j’ai découvert ce matin le militantisme éprouvé, a rétorqué à l’une d’entre elles que ce n’était pas son problème ! Puis, il lui a tourné le dos.

 

J’ai essayé d’en savoir un peu plus. Je me suis approché de ce groupe de femmes qui nous avait adressé quelques sourires et dont plusieurs fumaient une cigarette en attendant une échéance qui se révélait être différente de la nôtre.

L’une d’elle m’a alors expliqué que le bruit que nous faisions alors que d’autres personnes, des collègues, passaient leur examen, nuisait à notre démarche. Et que notre attitude avait plutôt pour effet de nous retirer de la « crédibilité ». Il fallait donc comprendre que nous étions une cinquantaine de demeurés et que nous ferions mieux de la fermer tel un troupeau en quarantaine afin d’être écoutés et pris en considération.

 

J’ai répondu plutôt diplomatiquement à cette personne :

« Il n’y a pas de façon idéale pour s’y prendre ». «  Avant ce matin, il y a eu toutes ces fois où nous n’avons pas fait de bruit et où nous nous sommes bien tenus. Et, finalement, nous sommes obligés de revenir pour redire des choses qui ont déjà été dites ».

J’ai ajouté :

« Ce matin, je ne suis pas venu pour faire du bruit ou pour déranger celles et ceux qui passent un examen ».

 

Je ne me souviens pas de ce que m’a alors répondu cette « collègue ». Mais j’ai néanmoins retenu que celles et ceux que nous étions susceptibles de perturber lors de leurs examens avaient pour but de devenir de futurs cadres. Et que celle à laquelle je venais de m’adresser faisait vraisemblablement partie de ces futurs cadres ou en tout cas aspirait à le devenir.

Je n’ai pas développé ce sujet avec elle. Je n’étais pas venu pour ça et le dialogue, ce matin, était déjà devenu impossible entre elle, ses semblables, et nous. Mais je me suis ensuite demandé quel genre d’employé(e) avait été cette éphémère interlocutrice et ses semblables et ce qu’elle avait bien pu percevoir de son milieu professionnel.

 

L’ironie veut qu’en me rendant ce matin à cette manifestation, je suis passé à côté du bâtiment de l’ANFH. L’ironie réside dans le sujet marqué au tableau dans une des salles de l’ANFH devant un groupe de professionnels :

 

« Connaissez-vous vraiment l’environnement professionnel dans lequel vous évoluez?».

 

En m’éloignant de cette salle de cours, aperçue depuis la rue, afin de me rendre à cette manifestation, j’avais jugé cette question très sensée d’une manière générale. J’ignorais que dix minutes plus tard, j’allais faire l’expérience concrète que nous pouvons, en exerçant le même métier, avoir une connaissance opposée de notre environnement professionnel. A moins que mon interlocutrice éphémère et moi ayons, dès le début, toujours évolué dans des environnements professionnels totalement différents en exerçant, pourtant, le même métier.

 

Il y a presque dix ans maintenant, je m’étais rendu à l’hôpital Ville-Evrard pour assister à un colloque dont le sujet était : « Patients difficiles et dangereux ».

 

Lors d’une intervention, une cadre infirmière, accompagnée d’une infirmière, avait décrit une situation dans un service où, « administrée » au moins par une pénurie de personnel et de tabac, en l’absence d’un médecin un jour de week-end, le personnel soignant présent pouvait se retrouver durement exposé à la violence- et aux manques- des patients. J’avais voulu faire le beau et, au micro, j’avais alors dit qu’en entendant cette description, cela donnait l’impression d’une « profession à bout de souffle ». Très vite, des soignantes s’étaient empressées de me voir comme le traître qui les méprisait et les jugeait. Et plusieurs d’entre elles avaient tenu à affirmer qu’elles n’étaient pas à bout de souffle !

 

J’avais opté pour ne pas répondre. J’aurais sans doute dû. J’aurais sans doute dû reprendre la parole- et le micro qui s’était « envolé »- et mieux expliquer que je ne comprenais pas que des professionnels continuent- encore- d’accepter des conditions de travail contraignantes et dévalorisantes en restant dans le même service. Tout en se plaignant. Pendant des années.

Ce jour-là, j’aurais sans doute dû dire aussi que dans ce colloque, comme souvent, la parole était (reste ) la propriété et la proie de celles et ceux qui ont le pouvoir hiérarchique et administratif tandis que le « petit » personnel attend plutôt sagement ou avec crainte qu’on la lui donne ou que les « puissants » délivrent la solution magique tant espérée ou un quelconque sortilège à même d’annihiler tous ces cauchemars qui repoussent plus vite que l’hydre.

 

Depuis, environ dix ans plus tard, et plusieurs fois, lors de manifestations (pas uniquement à l’hôpital), j’ai déjà vu écrit les termes «  à bout de souffle ». Je ne connais pas ces personnes qui ont écrit ça.

 

 

Ce matin, il y avait trop de bruit pour moi dans les escaliers lorsque nous sommes montés rejoindre les dirigeants de l’hôpital. Nous étions pourtant censés le faire discrètement. Fort heureusement, nous avons seulement eus un ou deux étages à monter.

 

La salle était déja préparée pour un CTE. Et d’une cinquantaine, nous sommes passés à environ soixante dix ou quatre vingt personnes dans cette assez grande salle. Du café chaud, du sucre et du jus d’orange étaient à disposition à l’entrée. Quelques personnes, parmi les manifestants, se sont servies.

 

Le directeur de l’hôpital et ses adjoints étaient debout côte à côte. Sur la « pancarte » posée sur la table devant eux, à leur place, se trouvaient leur prénom et leur nom.  C’était la première fois que je pouvais mettre un visage sur trois de ces noms dont j’avais déjà entendu parler. Je ne crois pas qu’ils se soient amusés à intervertir leur place. Je ne crois pas non plus que ce soit eux qui aient écrit leur propre prénom et leur propre nom sur leur « pancarte ». Et, je ne crois pas non plus qu’ils se soient chargés de l’intendance qui avait permis à cette salle d’être présentable comme elle l’était.

 

Le délégué syndical « animateur » s’est adressé en priorité à nos trois dirigeants principaux. Trois hommes. Tout le reste du staff des dirigeants était constitué de femmes. La secrétaire du CTE était aussi une femme. Mais séparons-nous tout de suite de certains préjugés si c’est possible :

 

Dès qu’une personne adopte les codes et la culture d’un certain mode de management et de décision, le fait qu’il soit un homme ou une femme importe peu. Là, je souligne que les trois dirigeants principaux et officiels sont des « hommes » pour rappeler comment s’organise encore le Pouvoir dans « notre » hôpital à l’image du monde politique, de notre pays, de notre culture. Et du monde.

 

C’est bien à des hommes politiques que nos trois dirigeants en costume m’ont fait penser ce matin. Chacun son style :

 

L’un avait un visage avec les yeux cernés du cuir de celui qui a de la poigne, de l’endurance et dont l’énergie est celle d’une locomotive que rien ni personne ne doit arrêter.

L’autre, crâne rasé, lunettes bien pensées, avait l’attitude zen de celui qui  reste en équilibre stable quelle que soit l’averse ou le courant.

Le troisième enfin, avait le petit sourire fin, presque invisible, de celui qui vous lacère entre deux rais de lumière avec le savoir-faire et le savoir-taire de la hyène.

Et puis, il y avait celles qui étaient à leurs côtés ou de part et d’autre de la pièce et dont il est difficile de connaître avec précision l’exacte capacité de décision et de réflexion ainsi que leur plan de carrière ou de cimetière.

 

Le trio nous a tranquillement regardé entrer dans la salle comme s’il assistait pour la énième fois au même cirque de manifestation : slogans, quelques coups de sifflet.

 

Après deux ou trois minutes, le calme s’est fait et le délégué syndical « animateur » a parlé et dit que la parole allait être donnée aux employés présents. Le directeur de l’hôpital a répondu qu’une CTE était prévue pour débuter à 9h30 (à peu près l’heure où nous sommes entrés dans la salle). Il a demandé à la secrétaire de la CTE s’il était possible d’accorder «  cinq minutes » pour écouter. La secrétaire de la CTE, debout et à l’écart des dirigeants, derrière les manifestants, a rapidement répondu qu’elle était d’accord ! Elle ne paraissait pas plus effrayée que ça.

 

 Après un petit silence, un employé a pris la parole. Au bout d’une minute environ, le directeur lui a coupé la parole au ton de :

« Nous n’abordons pas les situations personnelles en CTE ! ». L’employé ne s’est pas laissé faire. Un délégué syndical a fait valoir que cet employé exprimait une situation qui concernait tout un service.

 

D’autres doléances ont été exprimées. Des heures sup non payées. L’impossibilité de joindre le service de la DRH et l’obligation d’en passer désormais par une boite vocale. La pénurie de personnel. L’absence d’une stratégie de recrutement. La fermeture des services. La disparition de ce qui faisait l’attractivité d’un hôpital (crèche, aide au logement…). L’hygiène : une employée a remarqué qu’il y avait des souris dans certains services mais a constaté qu’il n’y en n’avait pas dans cette salle de réunion !

 

Une militante a interpelé le directeur :

« Certaines personnes ont fait une heure trente de trajet pour venir ce matin, alors regardez-les bien!». Le directeur a alors répondu qu’il venait de remercier toutes les personnes présentes. Comme il avait aussi dit que certains des sujets qui venaient d’être évoqués allaient être abordés lors de cette CTE.

 

Un peu plus tôt, le dirigeant « zen », lorsqu’il avait répondu, avait levé l’index tout en s’exprimant. Le dirigeant « hyène », lui, n’a pas lâché un seul mot.

Une des dirigeantes a eu quelques sourires. Cela a fini par lui être reproché par une employée qui a trouvé insupportable qu’elle puisse sourire ainsi alors que l’on parlait de « burn-out » du personnel. La dirigeante s’est alors défendue de prendre cela à la légère.

 

J’aimerais revoir plusieurs de ces personnes, isolées et sorties de leur rôle de dirigeant lors de circonstances imprévues, par exemple en vacances, avec femmes ou compagnons ainsi qu’avec leurs enfants voire avec leur animal domestique s’ils en « ont ». Si certaines resteraient bien-sûr emmurées dans le même type de relation, d’autres seraient sans doute plus fréquentables. Mais nous n’étions pas là pour parler de ça.

 

Nous sommes partis vers 10h. Nos cinq minutes d’intervention avaient finalement duré vingt bonnes minutes.

Puis, en bas, et dehors, à nouveau devant le bâtiment où nous nous étions donnés rendez-vous ce matin, le délégué syndical « animateur » a fait la conclusion de ce qui s’était passé. Il a dit que nous nous étions très bien exprimés. Que maintenant allait se dérouler la CTE au cours de laquelle des représentants du personnel allaient nous défendre. Et qu’il importait d’être présent pour la manifestation le 14 novembre.

 

 

Ce 20 novembre, le film Les misérables ( prix du jury à Cannes cette année)  de Ladj Ly va sortir en salles. Dans une interview, Ladj Ly a déclaré que cela faisait des années que bien des gens sont  des gilets jaunes dans les banlieues. Dans différentes catégories de la population et de certaines professions, les gilets jaunes sont légion depuis des années voire depuis une bonne génération. Et c’est bien-sûr le cas dans le milieu de la Santé. Dans les années 80, le professeur Schwartzenberg, bref Ministre de la Santé et cancérologue réputé, devant les manifestations infirmières, avait à peu près dit :

 

«  Le gouvernement n’a pas le droit de laisser pourrir cette grève ». C’est pourtant ce qui s’était produit. Il y a trente ans et depuis plus de trente ans, les différents gouvernements ont laissé pourrir bien des grèves infirmières et autres ( voir le documentaire récemment sorti de Jean-Pierre Thorn L’âcre parfum des immortelles).

C’est une certaine vision du monde, une certaine méthode de gestion et de management intensive et répétitive qui nous a amenés à être là, ce matin, comme d’autres et d’autres fois. Pourtant, ce matin,  aucun d’entre nous ne portait de gilet jaune. Bien qu’il soit possible que certains d’entre nous aient déja manifesté avec des gilets jaunes. Comme si, sans même nous concerter, nous nous étions tous appliqués à bien nous démarquer du mouvement des gilets jaunes.

Et, évidemment, aucun d’entre nous n’a cassé, menacé ou insulté non plus qui que ce soit ou quoique ce soit. Un classique lors de nos manifestations. Comme il est aussi classique que le personnel soignant, lui, parte à la casse, le plus souvent en silence et dans l’oubli des «dirigeants ». Lesquels dirigeants font peut-être véritablement, par moments, quand ils sont pris d’un sursaut de conscience et lorsque la durée de leur « mandat » le leur permet, ce qu’ils peuvent, mais qui ne peuvent pas, aussi, combler tout ce qui a pu être négligé et oublié pendant des années avant eux.

 

Les trois dirigeants que nous avons vus ce matin n’avaient pas peur de nous. A l’hôpital, c’est une tradition séculaire d’avoir des employés qui ont, dans leur grande majorité, peur de leurs dirigeants. Que les dirigeants soient directeurs d’hôpital, responsables du service de DRH, médecins ou cadres. Comme dans toute entreprise, il y a une sorte d’organigramme un peu militaire qui y régente les relations humaines selon les vertiges hiérarchiques. Avec cette particularité, je le rappelle, que nous parlons d’un personnel majoritairement féminin dans un monde dirigé par des hommes. Personnel soignant dont les principales motivations sont de soigner et d’assister et non de se bagarrer à l’image de ces combattants- armés- qui sont entraînés et aguerris pour survivre, nuire, détruire, tuer et proscrire. Les dirigeants politiques-  et bien d’autres dirigeants- savent construire leurs discours, leurs attitudes et leurs projets en fonction de ces motivations et de ces particularités d’engagement :

On ne s’adresse pas à Rambo ou à Terminator de la même façon que l’on va s’adresser à un soignant, celui-ci fut-il légitimement en colère et en nombre.

 

 

Ce matin, nous sommes repartis sans faire de bruit. Le jour où des dirigeants décideront de faire matraquer  par des forces de l’ordre celles et ceux dont le métier est de soigner, sans doute que beaucoup changera. En attendant, nous continuons de nous adresser à celles et ceux qui ont pouvoir de décision, et, en principe de réflexion, car nous pensons que c’est comme ça qu’il faut faire. Que c’est comme cela que nous pouvons gagner en crédibilité.

 

 

 

Franck Unimon, mardi 5 novembre 2019.

 

 

 

 

 

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Massage assis

 

 

                                                              Massage Assis

« A un moment, il faut rendre leur corps aux gens » m’avait dit ma tutrice en formation massage. C’était il y a trois ou quatre ans. Je me trouvais alors chez elle et sa compagne près de la gare de l’Est. Je venais de lui faire un massage sur table.

 

«  Le corps, c’est l’inconscient » m’avait dit un collègue pédopsychiatre et lacanien que je n’ai jamais massé et que j’ai du mal à imaginer recevant un massage. Ce collègue brillant et attachant fait selon moi partie de toutes ces personnes atteintes profondément par ce que j’appelle la névrose de «  la pensée souveraine ».  Mais il est possible que je me plante complètement :

Dans certaines conditions -qu’elles choisissent- beaucoup de personnes peuvent  nous étonner par leur ouverture d’esprit.

 

«  Le massage peut permettre certaines dérives sectaires » m’avait à peu près dit une amie kiné avec laquelle nous avions, un moment, envisagé de réaliser des massages à quatre mains sur table.

 

«  Le massage, c’est un bon moyen de drague ? » m’avait demandé lors d’un événement techno, avec un air « complice », un jeune commercial sûrement déjà particulièrement doué pour séduire.

 

«  J’ai déjà fait (reçu) plein de massages » m’avait dit mon « cobaye » : un robuste moniteur de plongée et d’apnée, motard par ailleurs. Il se trouvait alors sur la table de massage et j’étais en train de lui masser le dos dans ce centre de plongée et d’apnée que je démarchais afin d’y proposer mes services.

 

Un de mes amis d’enfance avait, soudainement, entrepris de satisfaire un besoin urgent alors que je le massais sur table : consulter ses sms.

 

Mon petit frère (déjà adulte) était resté endormi cinq bonnes minutes sur la table après que j’aie eu fini de le masser la première fois.

 

Lors d’un échange de pratiques de massages, il m’est arrivé de me faire masser par un homme qui, en cours de route, avait eu envie d’un autre genre d’échanges. Nous étions chez lui et j’étais sur la table tandis que le programme radiophonique de France Culture diffusait son contenu. Cette erreur d’aiguillage, régulée à un moment donné, a aussi fait partie de ma formation. Et de celle de ma compagne. Comme elle me l’a ensuite dit lorsque je lui ai raconté :

« Tu as de la chance d’avoir une femme comme moi ».

 

Après le judo, après quelques expériences de comédien au théâtre et au cinéma dans des courts-métrages, après l’écriture, après la plongée, après le journalisme (bénévole) cinéma, après des années d’exercice en psychiatrie et en pédopsychiatrie, je m’étais décidé à suivre l’exemple d’autres collègues de mon service afin de me former au massage bien-être. Avant « ça », plus jeune, je voulais être kiné pour travailler dans le sport. Je voulais être journaliste. Faire de la philo et de la psycho.

Je m’étais finalement arrêté à la formation d’infirmier. C’est encore ce métier qui, aujourd’hui, économiquement, administrativement et socialement me fait « vivre » et, aussi, « m’estampille » et « m’étiquette ».

 

Le métier d’infirmier qui suscite tant de « correctes » et de sincères admirations est aussi un métier de femmes- et d’executant(es)- dans une société et un monde masculin où les dirigeants sont principalement certains hommes. Un certain type, un certain genre d’hommes.

 

Le métier d’infirmier ne m’a jamais suffi. Même si une partie de ses valeurs me suivent souvent dans ce que je fais ailleurs, mon identité est à cheval sur plusieurs cultures. Et je bascule régulièrement de l’une à autre. Aujourd’hui, je « suis » infirmier en pédopsychiatrie mais m’incarcérer dans cette gestuelle, cette pensée et ce vocabulaire, c’est me réduire en cendres. Je suis vivant et mobile. Ma poitrine se soulève, s’abaisse et je respire. Dans mes pensées, je chasse autant que possible les cendres et la déprime qui peuvent m’encombrer. Je les perçois lorsque elles commencent à devenir trop présentes, les perce. Et j’évacue.

 

 

Je n’étais pas particulièrement déprimé lorsque j’ai décidé, au début de cette semaine, de répondre à cet appel du 1er novembre.

 

 

Quelques fois, comme d’autres « anciens » stagiaires, je reçois de certains de mes anciens formateurs en massage « bien-être » des messages. Il peut s’agir, comme pour ce 1er novembre, d’être volontaire pour réviser et de permettre à la formatrice d’avoir un nombre pair de participants.

 

Aujourd’hui, j’ai renoncé à me reconvertir dans le massage bien-être. Une de mes anciennes partenaires de jeu au théâtre ( pour la pièce La Comédie des erreurs de Shakespeare que nous avions jouée avec d’autres au théâtre du Nord-Ouest)  avait raison :

Faire du massage bien-être est la continuité du métier d’infirmier or ce que je voudrais développer en priorité, c’est plutôt ma personnalité culturelle et artistique. Mais le massage, comme d’autres actes (respirer, écrire, lire, pratiquer l’apnée, la photo) fait aujourd’hui partie de moi. Proche de l’Art martial et de la méditation, le massage est un arc et aussi le miroir de ce que nous sommes. Entre la flèche et nous, ce qui changera la donne, plus que d’établir des records ou de vouloir devenir le meilleur masseur « du monde », c’est et ce sera l’intention.

 

Récemment, à une formation sur le thème de Spiritualité et addictions, j’ai demandé à un intervenant quels étaient les gardes fous contre une emprise sectaire ou jihadiste. Il m’a répondu :

 

Liberté, gratuité et charité.

 

On peut évidemment devenir un professionnel (en massage bien-être ou dans une autre spécialité) et se faire légitimement rémunérer à hauteur de notre engagement. Et s’épanouir. Mais les rapports que l’on adopte et que l’on adoptera avec la liberté, la gratuité et la charité conditionnent et conditionneront beaucoup nos intentions ainsi que, souvent, ce que l’on vivra véritablement.

 

Ce 1er novembre, jour férié, je suis peut-être venu dans cet état d’esprit :

 

Je n’ai pas gagné d’argent. J’ai été massé et j’ai massé. J’ai écouté, parlé et interrogé. Puis, à la fin de la journée, je suis parti faire ma nuit de travail à l’hôpital en ayant eu le sentiment d’avoir passé une très bonne journée. D’avoir été au rendez-vous avec moi-même.

 

 Ma journée avait d’abord bien commencé- et tôt- avec ma fille. Je m’étais bien entendu avec elle afin qu’elle laisse sa mère se reposer. J’étais parti de la maison plutôt content de moi. Au lieu de m’être à nouveau fâché :

 

J’allais passer ce jour férié avec d’autres personnes, la plupart inconnues, mais auparavant, je lui avais transmis quelque chose de la vie et du monde dans l’entente, l’apaisement et une compréhension, je l’espère, réciproques. C’est ce qui, je crois, est à l’oeuvre dans tout « bon » massage comme dans toutes ces relations avec les autres ainsi qu’avec nous-mêmes que nous recherchons et essayons quelques fois- ou souvent- de vivre.

 

 

Franck Unimon, ce dimanche 3 novembre 2019.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Marseille-Toulon-La Ciotat, octobre 2019

 

 

Marseille.

 

 

Nous étions à Marseille la semaine dernière. Nous sommes passés quelques heures à Toulon et avons aussi pris un peu la lumière à La Ciotat. Au moment d’écrire cet article, je me dis que rien ne m’oblige à parler de cette expérience lunaire qu’est un voyage de manière scrupuleusement chronologique. Lorsque j’ouvre mon robinet en ce moment j’entends ça :

 

 

 

Cette sculpture, nous l’avons déja vue. Je suis retourné la voir, cette fois, pour connaître le nom de son auteur. Car, sans le nom de son auteur, cette oeuvre est un peu une sépulture. Pour l’artiste et pour ce qu’il a voulu dire :

 

 

Maintenant, nous « savons ». 

 

 

 

Dans mon précédent article sur Marseille(  Marseille, octobre 2019)  , j’écrivais qu’il m’avait fallu du temps pour aimer cette ville. Cette fois-ci, Marseille s’est très vite défendue à sa manière. De sa bouche, les premiers jours, sont d’abord sortis du froid, de la pluie ( des averses jusqu’à faire déborder provisoirement le Vieux-Port) et des jours gris. C’était la première fois que je voyais Marseille comme ça. 

 

Je n’ai pas pas de photo d’inondation. Nous rentrions à Marseille par le train  en provenance de Toulon lorsque l’averse est tombée. Elle nous a douché avec passion à notre sortie de la gare. 

 

Dans Toulon.

 

Nous sommes allés à Toulon parce-que s’y trouve un magasin de vêtements techniques supposés résistants et pratiques ( aussi bien faits pour le voyage que pour la ville) qui y a ouvert en 2014. Et il n y a qu’à Toulon, pour l’instant, que la marque dispose d’un magasin physique. Autrement, il faut commander sur internet. Or, j’ai préféré me rendre sur place afin d’essayer les vêtements et de me faire mon idée concernant les articles et les tailles. Lors des quelques heures passées à Toulon, je me suis dit que cette ville a des atouts pour être plus attractive qu’elle ne l’est. Mais des -très- mauvais choix au moins architecturaux ont été réalisés pour cette ville située en bord de mer. On résume souvent Toulon à une ville raciste et d’extrême droite mais j’ai l’impression qu’elle est un peu plus nuancée que ça. 

 

Dans la rue D’Alger, à Toulon.

 

 

Et,  évidemment, ce « bateau » ( photo précédente) est selon moi, au contraire, lui, une très belle réalisation. Même si je ne sais pas comment on vit dans ces immeubles. Concernant les vêtements, pour l’instant, je suis plutôt content.Ils sèchent vite en cas de lavage et sont agréables à porter même par temps plutôt chaud.

Il est une autre marque ( crééé en 2008) de vêtements très techniques et tout autant présentables en ville que j’ai découverte récemment. Non seulement, elle est plus onéreuse. Mais en plus, cette fois-ci, le seul magasin physique se trouve à Brooklyn. On peut commander par internet mais ça m’ennuie pour des raisons pratiques évidentes ( essayage, coût…). Je regrette, en 2011, alors que nous étions à New-York, de ne pas avoir alors connu cette marque. Je connais bien « quelqu’un » pour qui la ville de Brooklyn a un sens et une importance très particuliers. Mais demander ce genre de service m’embarrasse un peu. 

 

 

 

 

Sur l’île de Frioul.

 

Je portais les vêtements achetés à Toulon sur moi ( un tee-shirt et un pantalon) pour la première fois, à Frioul. Et, le soleil était revenu sur Marseille et les environs. En partant de chez nos amis en fin de matinée, nous sommes arrivés sur le Vieux-Port pour embarquer environ cinq à dix minutes avant le départ du bateau. Parmi les personnes qui faisaient la queue pour embarquer, j’ai reconnu La Virée à Paname avec leurs deux enfants. La dernière fois que j’avais rencontré C et H, réalisatrice et réalisateur de La Virée à Paname, c’était, je crois, au festival du court-métrage de Clermont Ferrand il y a peut-être quatre ou cinq ans. Comme nous, ils habitent dans l’île de France, et, comme nous, ils étaient venus passer quelques jours à Marseille. Comme nous aussi, ils étaient dans le TGV que nous avions pris depuis Gare de Lyon le lundi. L’après-midi passée avec eux fut très agréable. C’est la seconde fois qu’à Marseille, je rencontre quelqu’un que je connais personnellement de la région parisienne. La première fois, c’était G que j’avais croisé à la terrasse d’un restaurant sur le Vieux-Port. Il était là pour un tournage de Plus belle la vie. Et, d’ailleurs, je l’avais présenté aux amis marseillais qui nous ont hébergé la semaine dernière. 

 

Sur l’île de Frioul.

 

Entre Marseille et les îles Frioul.

 

De retour à Marseille. Sur notre gauche, le Mucem.

 

 

Marseille, vers les docks.

 

 

 

En revenant à Marseille, j’ai aussi revu d’autres amis installés depuis plusieurs années à Auriol. La dernière fois que j’étais allé chez eux, je me souviens que leurs deux fils étaient au plus loin à l’école primaire. Aujourd’hui, l’un des deux effectue ses études à Luminy.

J’ai aussi revu une ancienne collègue rencontrée à Montesson il y a plus de 15 ans maintenant. Elle habite désormais à Ensues la Redonne.

 

Gare d’Ensues La Redonne.

Il y avait un petit côté gare de western désolée en arrivant. Mais nous sommes en provence.

 

Le trajet depuis Marseille St Charles pour Ensues La Redonne m’a fait passer par l’Estaque. Je n’étais jamais passé par l’Estaque. La vue depuis le train a été très agréable. Nous étions plusieurs passagers, à activer pathétiquement nos appareils photos pour prendre des clichés de la vue à travers la vitre. Mais il me reste un petit fond de dignité et je garderai ces photos pour moi. 

Après avoir discuté de Marseille, de Lyon et d’autres sujets avec elle et son mari, C m’a emmené à Carry le Rouet qu’elle m’a fait découvrir ( merci encore!). 

 

A Carry Le Rouet avec C.

 

 

 

 

 

 

 

Carry Le Rouet.

 

Il nous restait encore quelques jours et Pépita, mon amie qui a quitté Paris il y a une vingtaine d’années pour revenir vivre à Marseille, était désormais de repos à la fin de la semaine. Alors que j’étais parti pour Ensues la Redonne, Pépita a emmené ma compagne et notre fille en vadrouille. Je les ai retrouvées en fin d’après-midi. Ce qui m’a permis de prendre le bus et de revoir la corniche que j’avais découverte pour la première fois avec S. il y a plus de vingt ans.

Le long de la corniche. Au bout à gauche, le cercle des nageurs de Marseille par où est passée et où se trouve une partie de l’élite de la natation française ( Alain Bernard, Camille Lacourt….). Il est possible d’y avoir accès en tant que pratiquant « lambda », moyennant si j’ai bien retenu, deux cooptations, 1700 euros d’adhésion la première année + 1700 euros.

 

Pépita m’a donné rendez-vous près de la statue de David. Cela me parlait. Il y a plusieurs années, j’avais passé quelques nuits dans l’auberge de jeunesse qui se trouve un peu plus loin vers les calanques. A cette époque, Pépita vivait encore à Paris.

 

En attendant de retrouver Pépita, ma compagne et notre fille, j’ai regardé « David ». Il m’a fait penser à quelqu’un qui s’était statufié à force d’être laissé en plan et d’attendre que quelqu’un accepte de l’emmener quelque part. Ne te laisse pas faire, David ! La première station de bus n’est pas loin. 

Après nous être retrouvés, nous sommes allés nous asseoir au bord de la mer.

 

 

David était encore au même endroit la dernière fois que je l’ai regardé. Mais il a peut-être le pouvoir de revêtir plusieurs formes.

 

Marseille.

 

David, le bénévole, ramassait maintenant les détritus laissés sur la plage. Une femme est venue l’aider. Notre fille aussi. Je l’ai laissée faire un petit peu puis je l’ai appelée et lui ai expliqué que c’était bien. Mais qu’il fallait qu’elle arrête car elle ramassait tout avec ses mains alors que David, lui, portait des gants et avait une pince. Je me suis abstenu de dire à notre fille que j’estimais, aussi, que c’était aux adultes qu’il revenait d’abord de prendre ce genre d’initiative et de responsabilité avant de s’en décharger sur des enfants. Ensuite, j’ai expliqué à David la raison pour laquelle j’avais appelé notre fille. Ce qu’il a très bien compris. 

Marseille, hôpital de la Timone.

 

En rentrant peut-être, ou en repartant le lendemain, nous sommes passés devant l’hôpital de la Timone. L’hôpital n’est pas un lieu de vacances et nous sommes simplement passés devant. Mais ça faisait des années que j’entendais parler de cet hôpital et, là, il était près de nous.

 

Au « dessus » de Cassis.

 

 

Nous aurions pu nous rendre à Cassis. Mais je n’avais pas envie de m’y rendre même si Pépita nous a dit que c’était très joli. Et, aussi très touristique. Or, nous étions un samedi.

Au « dessus » du vide. A notre arrivée, deux alpinistes venaient de terminer leur ascension. Ils m’ont répondu que cela s’était très bien passé et qu’il faisait « limite » trop chaud.

 

 

Couple assis au dessus de Cassis.

 

 

Je préférais aller à La Ciotat.

La Ciotat.

 

 

Chaque fois que j’étais venu à Marseille, je n’avais jamais eu l’envie d’y aller. Mais cette fois, j’avais particulièrement envie. Peut-être parce-que je l’avais aperçue lors de notre trajet en train pour Toulon. Egalement pour le son du nom de cette ville. L’idée que la ville ait perdu de son faste économique m’attirait d’autant plus. Ainsi que le fait que le compagnon de Pépita, Marseillais, et Pépita nous disent soit méconnaître cette ville ou y être allée il y a plusieurs années. 

 

 

En arrivant à la Ciotat, Pépita m’a rappelé qu’elle était aussi la ville des Frères Lumière, ceux qui avaient inventé le cinéma. ça m’a d’autant plus donné envie d’être là et d’aller voir ce qui restait de cette Histoire.

 

 

 

 

Le cinéma Lumière, la photo des frères Lumières, le décorum, pour nous, c’était bon ! C’était là que ça s’était passé. Voir le dernier Terminator à l’affiche du cinéma des Frères Lumière était un détail très amusant.

 

Heureusement, Pépita a eu le réflexe d’entrer dans le cinéma et de demander aux employés présents s’il était possible de le visiter. Ils ( une femme et un homme) nous ont rapidement détrompé : auparavant, cent ans plus tôt, cet endroit était une halle. Le véritable cinéma où les frères Lumière avaient marqué l’Histoire du cinéma se trouvait ailleurs dans la ville.

 

La Ciotat.

 

Pépita s’est rendue à l’office du tourisme pour s’informer. Puis, en passant, nous avons acheté du vrai savon de Marseille de la marque Sérail. Ensuite, nous sommes repartis chercher le « vrai » cinéma des frères Lumière.

 

La Ciotat.

 

 

Ma compagne venait de me dire :  » ça fait drôle de voir encore les traces de vie dans ces appartements » et de s’éloigner. Je commençais à prendre des photos de cet endroit lorsqu’une femme s’est arrêtée sur un petit vélo, type vélo pliable. Elle m’a demandé avec sympathie si j’étais de la Ciotat. Je lui ai répondu non mais qu’est-ce que j’en savais, finalement, au vu de mon intérêt soudain pour La Ciotat. En sortant un petit appareil photo, la dame, d’une soixantaine d’années, m’a expliqué que c’était une partie de l’Histoire de la ville qui partait. Et tout ça, pour construire  » un hôtel 36 étoiles ! ». Elle m’a raconté qu’enfant, il y a 40 ans ( ou plus), elle s’était rendue dans ce théâtre. Et, aussi qu’il y a encore peu, cette caserne de pompiers était active. Elle envisageait d’envoyer ensuite ses photos à des amis et de leur dire :

« Voilà, ce que c’est devenu ! ». 

La dame était engageante et j’aurais pu rester discuter un peu plus avec elle. J’ai néanmoins pris congé. Notre fille est venue me chercher en courant. Ma propension à prendre des photos faisait que j’étais régulièrement distancé et elle s’inquiétait que je me perde. 

 

C’est là où ça s’est passé avec les frères Lumière.

 

Voici le véritable endroit où les frères Lumière ont fait parler d’eux. L’endroit est assez décevant extérieurement et nous nous sommes demandés si l’on nous cachait quelque chose. Mais un des employés nous a confirmé que c’était bien-là. Chaque mercredi et chaque samedi, à 15h, ( il était alors plutôt 17h), a lieu une visite guidée et les piliers d’origine ont été conservés. L’employé a ajouté que l’on « sent » , à l’intérieur du cinéma, que le lieu a une histoire. Nous aurions pu entrer en allant à la séance de 20h mais il nous fallait rentrer.

A défaut de séance cinéma et de visite, nous avons un peu profité de la terrasse extérieure qui donne vue sur la mer, de l’autre côté de la rue. J’ai aussi regardé la programmation que l’employé m’a confirmé être du cinéma d’auteur en version originale.

 

La Ciotat.

Oui, ça donnait envie de revenir à La Ciotat. Pépita, elle-même, a été agréablement surprise par cette visite de la ville.

 

Avant de rentrer, nous sommes allés nous tremper les pieds dans l’eau. A l’entrée d’un club de plongée, dans le centre-ville, j’avais lu que la température était à vingt degrés. Nous avons fait l’erreur étonnante en venant à Marseille de laisser nos maillots de bain chez nous. Mais en définitive, ce séjour nous a bien plu alors nous reviendrons. D’autant que ma compagne a préféré Marseille à Lille ( Lille J + 4). Notre fille, elle, a aimé les deux villes. 

 

 

Franck Unimon.

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Voyage

Marseille, octobre 2019

 

Marseille, octobre 2019

 

J’avais une vingtaine d’années lorsque j’ai découvert Marseille. C’était après un séjour à Edimbourg.

 

Je me persuadais d’être plus original et plus libre que la moyenne en suivant pourtant, à quelques détails près, le même parcours que tout le monde. J’avais peur de l’engagement, du sida et du chômage.

 

Pour moi, Marseille était une ville idéale car elle était à première vue compatible avec mes clichés : Le sud, l’accent, la sensualité, le soleil, la mer. Avant elle, des années auparavant, j’avais rêvé de New-York et ça m’était passé. Il y avait aussi eu Grenoble. Ça m’était aussi passé. Comme pays, mon séjour un peu plus tard au Japon allait être un acmé et aussi une rupture avec une partie de mon passé. 

 

A l’arrivée, mon histoire avec Marseille ne se fit pas. Aujourd’hui, si je suivais mon envie de vivre dans une ville de province en France, ce serait plutôt en Bretagne ou dans les Hauts de France.  

Néanmoins, et cela m’avait pris du temps, mais j’avais fini par aimer Marseille malgré tout. Marseille exige certainement du temps pour être aimée.

 

C’est une amie revenue vivre à Marseille il y a bientôt une vingtaine d’années qui m’a rappelé il y a quelques mois que je pouvais revenir, cette fois avec femme et enfant. Son invitation tenait toujours et je l’avais oubliée.

 

 

 

J’ai donc retrouvé la gare de Marseille St-Charles. Je n’avais pas d’attentes particulières hormis le fait de revoir le Vieux-port, Notre Dame de la Garde ainsi que cette amie, son compagnon, et une ancienne collègue venue s’installer dans la région avec son mari et leurs enfants.

 

  

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Franck Unimon, mercredi 23 octobre 2019.

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Cinéma

L’âcre parfum des immortelles

 

 

 

 

 

 

 

L’âcre parfum des immortelles un film de Jean-Pierre Thorn avec la voix de Mélissa Laveaux. 

Au cinéma le 23 octobre 2019. 

 

Article de Franck Unimon

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Micro Actif

Descartes

 

 

Descartes : Voix et texte, Franck Unimon ce samedi 19 octobre 2019. 

 

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Ecologie Puissants Fonds/ Livres

Une autre fin du monde est possible

 

 

 

 

 

 

 

  • Les revoilà ! 

 

Il y a maintenant deux ou trois ans, la lecture de leur livre Comment tout peut s’effondrer. Petit manuel de collapsologie à l’usage des générations présentes m’avait assommé. Et puis, sous l’effet du déni sans doute, la vie avait continué.

 

Mais les revoilà avec un nouveau livre :

Une autre fin du monde est possible ( vivre l’effondrement et pas seulement y survivre) et, cette fois, Pablo Servigne et Raphaël Stevens sont rejoints par Gauthier Chapelle pour la rédaction de ce livre. Et j’ai remis ça. J’ai également lu cet ouvrage. Cela m’a pris plus d’un mois. Bien que ce livre puisse se lire en moins d’une semaine.

Tout autant fourni en bibliographies et références diverses, Une autre fin du monde est possible ( vivre l’effondrement et pas seulement y survivre) est typiquement le genre de livre dont vous ne parlez pas autour de vous à moins de vouloir prendre le risque de passer pour fou, parano, extrémiste, séropositif, négatif, pessimiste ou pour celle ou celui qui a subitement pété plusieurs plombs ou plusieurs câbles en même temps. Le sujet a très mauvaise haleine et transmet des très très mauvaises vibrations. Et cela ne se perçoit peut-être pas dans mes articles mais, dans la vie, j’aime plutôt rire et faire rire.

 

  • obéir

 

 

C’est vraisemblablement pour ces quelques raisons que depuis la fin de sa lecture il y a plusieurs jours maintenant, je me suis abstenu d’en parler. Et que je me suis lancé dans la lecture de Leçons de danse, leçons de vie de Wayne Byars, un ouvrage plus rassurant et pourtant complémentaire avec le récent ouvrage de Pablo Servigne, Raphaël Stevens et Gauthier Chapelle.

Une autre fin du monde est possible est typiquement le genre de livre dont vous ne parlez pas autour de vous, lorsque vous vivez parmi des gens «normaux », mais qui vous réveille en pleine nuit pour écrire à son sujet. C’est ce qui est en train de m’arriver. Cela m’est bien sûr arrivé pour d’autres articles différents et plus joyeux, mais c’est ce qui m’arrive pour ce livre. Il est 4h35 et tout à l’heure, ce livre m’a en quelque sorte dit ( oui, certains livres et certains mots me parlent) :

« Franck, le moment est arrivé pour toi de parler de moi. C’est mon tour ! J’ai suffisamment attendu ». Et j’ai décidé d’obéir. 

 

  • Le Symptôme Take Shelter

 

 

Le réalisateur Jeff Nichols, au festival de Cannes en 2011.

 

 

 

J’aimerais encore que ma façon de réagir à la lecture de ce livre soit dû au symptôme Take Shelter, titre du film du réalisateur Jeff Nichols où l’acteur Michael Shannon, père de famille et fils d’une schizophrène, commence à avoir des visions d’une catastrophe à venir. Et, malgré la désapprobation générale de la communauté et l’incompréhension de sa femme (l’actrice Jessica Chastain), celui-ci décide, en s’endettant, de construire un abri pour sa fille et sa femme.

Dans Take Shelter, il s’agit d’une catastrophe naturelle qui touche leur région ( au Texas, je crois) et non d’un effondrement mondial. Mais à Cannes, alors que mon collègue journaliste, Johan, et moi l’interviewions- je faisais l’interprète- pour le magazine cinéma Brazil, Jeff Nichols nous avait expliqué qu’en devenant père lui-même, il avait commencé à percevoir le monde comme pouvant être particulièrement menaçant.

Lorsque j’avais lu le précédent ouvrage de Pablo Servigne et Raphaël Stevens Comment tout peut s’effondrer, j’étais moi-même devenu père. Et les trois auteurs de Une autre fin du monde est possible précisent aussi être malgré tout devenus pères. L’âge des enfants n’est pas précisé mais je suppose que nous parlons à chaque fois d’enfants de moins de dix ans, soit un âge où, dans l’espèce humaine, les enfants sont particulièrement vulnérables. Et leurs parents aussi sans doute. Cette précision « psychologique » permettra peut-être de mieux faire comprendre mon état d’esprit alors que j’écris sur cet ouvrage.

 

  • Nous sommes peut-être des oies

 

Pour le reste, selon Pablo Servigne, Raphaël Stevens et Gauthier Chapelle, ainsi que pour d’autres (scientifiques, auteurs et militants….), l’espèce humaine, en 2019, devant l’effondrement serait à peu près équivalente à celle de ces oies qui, la veille du repas de Noël, estimeraient que tout va pour le mieux car elles sont particulièrement choyées. Ou à ces proies et ces victimes qui, alors qu’elles se rendent à un événement heureux ou anodin, vivent peu après une très mauvaise expérience qui se révèlera définitive ou traumatisante.

 

  • Plusieurs types de réactions d’oies

 

Devant de telles suggestions d’avenir que nos trois auteurs ( et d’autres) justifient largement, on a le choix entre plusieurs types de réactions :

Déni, colère, dépression, renoncement, acceptation….. et Pablo Servigne, Raphaël Stevens et Gauthier Chappelle le savent pour l’avoir vécu eux-mêmes. Dans Comment tout peut s’effondrer, ils expliquaient par exemple que leurs relations avaient pu se tendre avec plusieurs de leurs proches.

Dans Une autre fin du monde est possible, ils évoquent un moment cette conséquence relationnelle et affective, page 264 :

« Qui n’a pas déjà éprouvé des difficultés à trouver oreille attentive lorsqu’il s’agit de parler d’un possible effondrement ? Lorsqu’on découvre tout cela, surtout si c’est dans la solitude, le premier réflexe est de vouloir le partager rapidement avec des proches pour se sentir moins seul, ou parce qu’on les aime et qu’on estime que cette information est capitale pour leur sécurité. Mais attention, lorsque les autres ne sont pas prêts à entendre (et c’est souvent le cas) les réactions sont souvent désagréables tout comme le sentiment de solitude et d’incompréhension qui peut en découler. La première chose à faire est peut-être de prendre le temps d’intégrer tout cela pour soi. Ceux qui n’ont pas la chance d’avoir des proches sensibles à cette thématique peuvent échanger facilement à travers les réseaux sociaux. Lire un article, un commentaire, un livre ou un documentaire sur un sujet que l’on croyait tabou, et en parler librement, redonne du baume au cœur ».

 

  • Une oie tâte du doigt deux groupes d’entraide

 

J’ai lu et voulu que ce livre soit moins « bon » que le précédent. A un moment, en allant voir deux des sites de groupes d’entraide qu’ils citent, je me suis dit qu’il y avait un côté sectaire tout de même dans leur façon de réagir. Mais cela fait aussi partie du déni de vouloir voir le mal et des sectes dès qu’il s’agit de changer de comportement et de vision sur notre vie et sur le monde.

 

  • En coloc au colloque

 

Récemment, un spécialiste des addictions qui intervenait lors d’un colloque organisé sur le thème de « Spiritualité et addictions » m’a donné cette réponse simple afin de faire la différence entre un groupe ou un lieu bienveillant et une secte ou un groupe jihadiste (ou extrémiste) qui proposeraient leur « aide » :

 

Liberté, Gratuité et Charité.

 

  • Dans l’arrondissement de la brèche

 

Il peut en effet être difficile à la fois de continuer de vivre sa vie en s’abstenant de raser les murs tout en se disant- en même temps- que ce monde que nous voyons et que nous avons toujours connu- et construit mentalement- malgré ses apparences de perpétuité toute puissante, a en son foyer une brèche d’éphémère et d’illusoire et que celle-ci grandit de jour en jour que l’on s’en aperçoive ou non. Pour moi, le suicide de Christine Renon, la directrice d’école maternelle publique de Pantin dans le 93 récemment, la dégradation des conditions de travail dans l’école publique,  la dégradation continue des conditions de travail dans l’hôpital public depuis plus d’une vingtaine d’années, la dégradation des conditions de travail dans la police font partie de l’effondrement. 

Servigne et Stevens l’avaient déjà bien expliqué dans Comment tout peut s’effondrer :

L’effondrement a déjà commencé. Que l’on parle du réchauffement climatique ou de la détérioration de notre monde dans les domaines sociologiques, culturels, politiques, économiques et militaires. Avant la grande catastrophe que tout le monde pourra « voir » à l’œil nu ou subir éventuellement, l’effondrement est avant tout une succession de disparitions, de dégradations et de tragédies dont on s’est accommodé ou dont on s’accommode jour après jour.

 

  • Les vers puissants

 

Les hommes politiques ( et j’écris « hommes » parce qu’à ce jour, hormis quelques exceptions, les principaux dirigeants politiques de notre monde sont et ont été des hommes) et les « Puissants » resteront sur la lancée de leur vision archaïque du monde comme ils le font depuis des siècles. Au mieux, ils réagiront dans l’urgence.

Servigne, Stevens et Chapelle nous expliquent ( après d’autres sans doute) que «Les trente glorieuses » qui ont suivi la Seconde Guerre Mondiale et qui nous ont toujours été décrites comme une période de grande croissance économique seront peut-être surnommées plus tard « Les trente affreuses » d’un point de vue écologique. Or, nous sommes toujours calés sur ce modèle de développement économique et industriel qui consiste à asservir et exploiter la terre, les êtres (humains et non humains), leur vitalité et leur richesse comme si celles-ci étaient illimitées et négligeables et qu’elles pourraient être remplacées par des innovations technologiques ou éventuellement être retrouvées en abondance sur une autre planète.

 

  • Compost de pommes et solutions

 

Dans Une autre fin du monde, vivre l’effondrement (et pas seulement y survivre) Servigne, Stevens et Chapelle s’attachent à proposer des solutions.

 

Parmi elles, l’entraide, la solidarité, être dans l’art et dans la culture, le retour à une certaine spiritualité mais aussi réapprendre à vivre avec la nature et selon la nature.

Les trois auteurs nous rappellent comme nous sommes devenus des citadins forcenés de plus en plus connectés et, pourtant, nous sommes de plus en plus coupés de nous-mêmes et des autres humains et non-humains.

On peut les trouver paradoxaux- peut-être afin de nous rassurer- comme ils peuvent à la fois envisager le pire et dire qu’il y aura beaucoup de morts et de souffrance, évoquer la possible émergence de bandes armées, et, en même temps, donner l’impression , à les lire, qu’en cas de catastrophe, il nous « suffira » de rester des personnes civilisées et de faire un travail sur nous-mêmes pour nous en sortir. Alors que ce sera vraisemblablement, un « peu » la panique et la barbarie à certains endroits :

 

  • Nomade’s land 

« L’avenir risque d’être en grande partie nomade » écrivent-ils par exemple (page 264, encore apparemment).

 

  • Superbe parano orientée sud-ouest avec vue dégagée sur la mer, proche de toutes commodités

 

Résumé comme je viens de le faire, ce livre continuera peut-être de passer pour l’ouvrage résultant d’un « complot » de survivalistes bobos permettant, il est vrai, l’essor lucratif d’une économie de la survie au même titre que le Bio, désormais, est devenu une très bonne niche économique- et un très bon investissement comme la fonte de la banquise- pour certains entrepreneurs, certains politiques, certains financiers et certains meneurs religieux ou sectaires. 

 

  • Les premières impressions…

 

On peut aussi rester sur l’impression première qui consiste à voir dans ces «histoires » d’effondrement l’expression d’une certaine parano affirmée qui ferait son coming out. La parano, on le sait, étant cette logique, qui, à partir de certains faits réels, se confectionne et affectionne une seule vérité, la sienne, et repousse voire assujettit ou détruit sans pitié les autres vérités.

Franck Unimon, ce vendredi 18 octobre 2019.

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Cinéma

Joker

                     

 

                                                     Joker

 

J’aurais aimé dire uniquement beaucoup de bien de ce film réalisé par Todd Philipps et sorti en salle ce 9 octobre. Mais je m’y suis ennuyé. 

Je l’ai trouvé- sûrement comme mon article- trop démonstratif. 
La prestation de Joaquin Phénix lui donnera peut-être l’Oscar et d’autres superlatifs.

Mes réserves concernent principalement la façon dont le film a été réalisé et non son jeu d’acteur. Même si Joaquin Phénix ne me fait pas oublier Jack Nicholson et Heath Ledger – j’ai lu qu’il les faisait oublier- dans les précédents rôles du Joker, son interprétation fait par moments penser au personnage paranoïde de Jack Gyllenhaal dans le très bon Night Call (Nightcrawler) réalisé en 2014 par Dan Gilroy ce qui me plait bien et, beaucoup trop, je trouve….au personnage incarné par Robert De Niro dans Taxi Driver qui a un rôle dans le film. Pour ce côté : je me fais mon film dans ma tête. 

On peut sûrement voir une continuité entre le Taxi Driver de Scorsese et Le Joker. On a aussi le droit d’avoir une grande admiration pour Robert De Niro. Le personnage de De Niro dans Taxi Driver et celui du Joker ici permettent de parler de la schizophrénie et de la duplicité des Etats-Unis mais aussi de celles de notre monde occidental libéral ( viscéral ?). 

On peut aussi penser au personnage de Rorschach dans The Watchmen. D’ailleurs, le message du film sur ces sujets (schizophrénie et duplicité des instances dirigeantes libérales et de nos sociétés occidentales « évoluées ») ainsi que ses parallèles avec le personnage de V pour Vendetta (réalisations cinématographiques d’après les œuvres d’Alan Moore), le mouvement Occupy Wall Street (ou actuellement, pour nous en France, le mouvement des gilets jaunes) lui donnent une grande légitimité. 

Mais, autant on comprend l’évaporation de l’identité du Joker et ce que cette « évaporation » permet à sa personnalité, autant le film, lui, finalement, manque d’une certaine personnalité :

On a donc droit à une musique « appropriée » – et insistante- comme si le réalisateur avait eu peur du vide, du froid, des cicatrices et des silences que le personnage du Joker a dans le bide.

On a droit à des « rituels » répétés ou Arthur Fleck/ Le Joker se fait humilier et bien bousculer y compris gratuitement. Sauf que ces rituels finissent par faire penser à ces passages obligés que l’on trouve dans les circuits touristiques de masse. Un peu comme si le guide faisant une pause devant un coucher de soleil étudié se tournait vers vous et vous disait :

 » C’est maintenant le moment de vous embrasser ».

Malheureusement, dans la salle, personne n’a voulu m’embrasser. Alors, j’ai recommencé à regarder l’écran. Il fallait bien que je m’occupe.

Lorsque Charlize Theron, dans le Monster  de Patty Jenkins se fait humilier, les coups durs et la dégringolade morale qui s’ensuit (et qui précède les meurtres) sont les nôtres. Et il n’est pas nécessaire de mettre autant de tours d’écrous au supplice comme c’est le cas dans Joker pour bien nous faire comprendre qu’il a souffert. Afin de nous pousser à souhaiter qu’il devienne le contraire de la victime. Car Le Joker, c’est l’anti-Elephant ManElephant Man)

Et puis, l’image est peut-être trop propre ou trop parfaite pour un personnage aux noirceurs possessives. Le film est peut-être trop correct. C’est peut-être ça qui m’a dérangé avec Joker. Même s’il y a un évident travail de fait et une bonne correspondance entre le Joker et la figure du Batman dont on comprend bien les futures névroses et sa relation particulière avec ce « fou » qui prend ici la place du roi. 

Franck Unimon

 

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Echos Statiques

Zombie public

                                           

 

                                              Zombie public

 

J’avais d’abord passé une nuit périssable. Vers deux heures trente, la petite était venue me trouver. Comme établi par sa mère – enfin- fatiguée de se lever en pleine nuit. Puis, j’avais dû changer de pièce à cause du bruit. Tout ça pour me rendre compte trois quarts d’heure plus tard que la petite chantonnait ou se racontait des histoires. Il était alors 3h30 du matin et j’allais l’emmener à l’école quelques heures plus tard. Cette petite « timide » était peut-être à l’école primaire et avait sûrement un très mauvais père mais elle savait déjà plus que lui parler :

« Tu vas me briser le cœur ! » m’avait-elle dit les yeux grand ouverts deux jours plus tôt alors que je la disputais.

En outre, c’était son anniversaire et la veille au soir, il avait fallu renoncer aux devoirs de l’école. Après avoir pourtant très bien commencé la lecture des sons comme demandé par sa maitresse, au bout d’à peine cinq minutes, elle s’y était ensuite refusée et avait fini par s’insurger. Criant qu’elle ne voulait pas faire les devoirs ! C’était nul, l’école et les devoirs ! Quelques jets de coussins par terre avaient suivi.

J’avais alors décrété la fin des devoirs et étais allé expliquer à sa mère qu’il valait mieux passer par la case dîner et dodo. Puisque la petite clamait qu’elle était fatiguée !

Au coucher, je lui avais fait la morale : « Etre grand, c’est faire ses devoirs quand on en a ». Auparavant, à cette petite qui m’avait redit son ambition d’être « une princesse », j’avais déja répondu avec un peu de fiel :

« Tu sais, les princesses, aussi, ont des devoirs ».

 

Au réveil, tout s’était finalement très bien passé avec la petite. Même s’il avait quand même fallu lui rappeler que le temps du dodo était désormais terminé. Et qu’il ne s’agissait plus d’essayer de trouver une position confortable dans son lit afin de mieux dormir. Toilette, rangement des jouets, petit-déjeuner, séparation d’avec maman lors de son départ au travail, fin des devoirs de la veille avant de partir à l’école, tout s’était très bien passé. Et, c’est une petite détendue et chantante que j’avais déposée à l’école sous la pluie fine.

Avant que je ne reparte, la maitresse à l’entrée de la cour s’était subitement rappelée : Pour savoir où nous en étions concernant le nombre de perles à assembler par dix, à raison d’une perle par jour, pour arriver au chiffre cent, il suffisait de regarder dans le cahier jaune. En effet, trois jours plus tôt, je m’étais à nouveau excusé auprès d’elle car nous nous étions perdus dans le nombre de perles, sa maman et moi. Et, la veille encore, ma compagne (ou ma femme pour s’harnacher scrupuleusement au protocole social) m’avait répondu :

« ça fait trop de choses, on verra ça pendant les vacances scolaires ! ».

 

Après l’école ce matin, j’avais un peu d’avance pour me rendre à la Banque Postale. Au 20ème siècle, le très grand physicien du rire Pierre Desproges avait découvert le principe selon lequel « lorsque l’on plonge un corps dans un liquide, le téléphone sonne ». C’était avant internet et la téléphonie mobile. Lorsque ça avait sonné plusieurs fois à l’interphone deux jours plus tôt, j’avais refusé de me lever. J’étais plongé dans l’écriture et j’en avais assez ! Ce devait encore être un voisin qui avait oublié ses clés et sonnait un peu partout pour entrer dans l’immeuble !

Puis, dans notre boite à lettres- trop petite- j’avais trouvé cet avis de passage du facteur m’informant de mon absence alors qu’il avait l’intention de me délivrer un colis. Je devrais donc me rendre à la Banque Postale à partir du lendemain à 14h. Ce matin, deux jours plus tard, j’étais à mi-chemin lorsque je me suis rappelé que la Banque Postale, désormais, ouvrait à 9h30 et non plus à 9h voire à 8h30 comme avant. Quand ses agences étaient ouvertes dans d’autres endroits de la ville. Depuis deux ou trois mois, maintenant, son agence commerciale avait été rapatriée dans ce centre commercial que j’avais toujours très vite et très mal supporté et évité le plus possible. Ce centre commercial me faisait un peu le même effet que le tabac fumé.

Pendant des années, je pouvais être en présence de l’un comme de l’autre sans m’en sentir gêné. Aujourd’hui, dès que je suis dans un lieu clos en leur compagnie, je me sens agressé.

J’ai dû être le premier client à entrer dans ce centre commercial dont un vigile aimable et accueillant m’a ouvert la porte. C’était la première fois que je venais aussi tôt. En prenant l’escalator en marche, j’ai regardé ses allées et ses cendres encore vides de tout mouvement. Posté devant la grille fermée de la Banque Postale avec une bonne demi-heure d’avance, il s’agissait d’adopter une stratégie permettant d’enlever le temps d’attente de mes pensées. Pour cela, je me suis rabattu sur le journal gratuit de la ville. Parcouru en cinq minutes. J’ai flirté un peu avec mon téléphone portable (sms, réseau social…) avant de l’éteindre à nouveau. Entretemps, assez rapidement, d’autres personnes sont venues me rejoindre devant La banque postale. Des mamans, certaines voilées, et quelques hommes d’une bonne quarantaine d’années. Si au début, j’étais calme, j’ai commencé à me sentir un peu stressé. Ce centre commercial était un cercueil. Et j’avais l’impression que mon soulagement viendrait plus de ma sortie de celui-ci que de l’obtention de mon colis. Il y avait de plus en plus de monde derrière moi et sur mes côtés. Une bonne trentaine de personnes. Quelques fois, des employés de la Banque Postale se faufilaient entre nous. Un ou une de leur collègue leur ouvrait alors le rideau de fer et la nouvelle ou le nouvel employé ( e ) se courbait pour entrer dans ce lieu que nous convoitions et qui redevenait à nouveau physiquement inaccessible.

J’ai entendu la musique d’ambiance du centre commercial. Une musique de chiotte comme souvent. A quelques mètres devant nous, à travers le rideau refermé, j’ai aperçu l’écran du téléviseur sur lequel passait une pub puis une autre. Tout près de nous, devant la grille fermée, entre deux distributeurs, il y avait cette pancarte publicitaire montrant une jeune femme svelte en pantalon, élégante, maquillée, souriante, pouvant avoir la vingtaine comme la trentaine. Et, un peu plus haut, cette « maxime » :

« Les tarifs de la banque postale ne changent pas en 2019. Nous protégeons votre pouvoir d’achat ». J’ai pensé à un de mes rendez-vous avec notre «conseillère », dans une autre banque, quelques mois plus tôt. Celle-ci, comme bon nombre de ses semblables, expliquerait sans doute qu’elle aime beaucoup le « relationnel » avec les clients. Mais je m’étais trouvé dans un bureau en contre-plaqué alors qu’elle accédait à son ordinateur professionnel. Et, hormis une bouteille d’eau, son sac, une ou deux photos, ses stylos et une bricole, je m’étais dit que cet endroit qui faisait office de banque pourrait tout aussi bien être transformé en tout autre chose.

Notre conseillère s’était ensuite préoccupée de moi en s’en tenant à des protocoles édictés soit par son ordinateur, soit par sa hiérarchie et les axes décidés lors de réunions, soit par sa formation, et, bien-sûr, par son tempérament en dernier ressort.

A travers le rideau baissé, ce matin, nous avons vu les employés de la banque postale se faire la bise pour se dire bonjour. Dans « notre » banque, à l’ouverture, j’avais vu les employés se faire une poignée de main ou une accolade qui signait leur appartenance à l’agence comme à l’équipe.

Ce matin, à la Banque postale, la responsable d’équipe, une femme d’environ trente ans, s’est mise derrière un guichet. Et la dizaine d’employés, face à elle pour la plupart, l’ont écouté. Je « connaissais » de vue certains des employés. En fait, nous ne connaissons pas ces gens que nous voyons voire revoyons dans ces lieux et ces administrations dont nous attendons souvent des services qui ont pourtant tant d’importance pour nous. Alors que, de leur côté, ces professionnels et ces personnels s’impliquent comme ils le peuvent dans l’exercice de leurs fonctions et selon des objectifs qui leur ont été fixés. Et, ce matin, comme tant d’autres jours, à nouveau, nous étions là, nous, la clientèle, de l’autre côté du rideau fermé tels des zombies ou des animaux de zoo. Nous étions patients et disciplinés. Pourtant, je me suis demandé ce que donnerait une pareille situation si, pour une quelconque raison nous poussant à la panique ou à la colère, nous nous étions impatientés et que, de l’autre côté du rideau, ces mêmes employés avaient dû nous recevoir.

J’ai l’impression que l’agence a été ouverte avec un peu de retard. Je me suis avancé le premier avec ma carte d’identité et mon avis de passage du facteur puisque j’étais le premier arrivé. Une jeune femme, la « responsable » d’équipe que j’avais aperçu, m’a indiqué une table ronde devant laquelle il fallait attendre. Je me suis arrêté devant cette table ronde qui m’arrivait presque à la poitrine et où aucun agent de la Banque postale ne m’attendait. J’ai entendu une employée de la banque postale dire à un ou plusieurs de ses collègues :

« On accueille d’abord les gens ». Pendant ce temps, d’autres agents régulaient la circulation, montrant à telle cliente ou tel client où se diriger selon ses «besoins ». Un agent de la sécurité du centre accueil est entré, détendu. Mais je me suis demandé ce qu’il aurait bien pu faire, tout seul, en cas de tumulte.

Après quelques minutes, une femme d’une cinquantaine d’années s’est mise devant nous un peu comme la responsable « d’équipe » l’avait fait avec eux. Montrant un avis de passage à hauteur de visage, elle a dit d’une voix moyennement forte :

« Je m’occupe des instances. Vérifiez bien la date sur votre avis de passage. Car si le facteur est passé hier, le colis sera disponible le lendemain à partir de 14h». Puis, elle s’est occupée de moi. J’étais bien dans les clous. Elle m’a ramené mon colis et m’a souhaité une bonne journée. Je l’ai remerciée et je suis reparti de cet endroit sans regret. Je n’ai pas encore regardé ce qu’il y a dans ce colis.

Franck Unimon, ce jeudi 17 octobre 2019.

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Jeu

Elephant Man

 

Elephant Man Mis en scène par David Bobée

 

Il y a si longtemps que l’on croit les connaître, désormais, ces deux rochers accrochés à la notoriété en même temps qu’arrachés à la sobriété :

 

En 1985-1986, Béatrice Dalle était l’étincelle que Jean-Jacques Beineix, le réalisateur de 37°2, avait attendu, persuadé qu’elle était quelque part alors qu’il la cherchait toujours pour son film après avoir « vu » auparavant bien des actrices.

Dalle n’avait pas pris de cours de théâtre et n’avait pas fait escale dans une école de cinéma. Elle avait quitté sa province, en bisbilles avec sa famille, avant ses 16 ans. Et c’est elle que Beineix avait choisie. D’accord, elle n’avait pas une ride et était très belle. Mais elle était surtout sans bride.

Ensuite, après le très grand succès de 37°2 (qui rendra également célèbre son auteur, l’écrivain Philip Djian ) elle s’était insérée dans la partition de divers films d’auteur. Parmi lesquels, le Trouble Everyday ( en 2001) de Claire Denis avec Alex Descas mais aussi A l’intérieur ( en 2007) de Julien Maury et Alexandre Bustillo qui annonçaient peut-être l’adaptation ( très bien approuvée par la critique) de Lucrèce Borgia par David Bobée à nouveau à la manœuvre avec ce Elephant Man.

Aujourd’hui, on connaît bien plus Béatrice Dalle et Jean-Hugues Anglade (l’autre acteur principal de 37°2 ) que Jean-Jacques Beineix, pourtant un des réalisateurs prometteurs des années 80-90. Celui-ci a fait un certain retour sur sa carrière cinématographique dans son livre Sur les chantiers de la gloire.

Mais on connaît « bien » Dominique Besnehard qui avait aussi été l’agent de Béatrice Dalle à l’époque de 37°2 et les années qui ont suivi. Agent d’acteurs pendant des années, également acteur par exemple pour Pialat, producteur, inspirateur de la série Dix pour cent et Président , depuis ce mois de septembre, de la commission d’Aide sélective à la distribution de films au CNC, Dominique Besnehard a aussi raconté dans son livre Casino d’hiver son amour pour sa Béatrice Dalle. Et comment il était parti la chercher alors qu’elle s’écumait dans la drogue avec son Joey Starr, alors son compagnon, bad boy, et un des piliers Rap du groupe NTM.

Pourquoi le pseudo « Starr » ? En mémoire de ces esclaves qui, un jour, trouveraient ou atteindraient leur bonne étoile. Une étoile de mer, c’est souvent joli fut-elle celle d’un shérif, mais on oublie souvent dans le sable qu’elle fait aussi partie des espèces carnivores. Joey Starr-Didier Morville-ex/ Jaguarr Gorgone, de son côté, a aussi connu une carrière dissonante.

Dans sa première autobiographie, Mauvaises fréquentations, il raconte aussi devoir une partie de ses succès à des rencontres qu’il n’aurait jamais dû faire dans un schéma dit normal. Je l’ai déjà écrit dans un de mes articles antérieurs:

Il aurait été très difficile dans les années 90 d’imaginer que Joey Starr, aujourd’hui, serait le comédien recherché qu’il est que ce soit au cinéma ou pour des séries télévisées. Pour ma part, il y a plus d’une dizaine d’années, je le donnais mort avant ses quarante ans au vu de certains de ses excès très médiatisés. Ma pudibonderie et mon ignorance incrustées jusque dans le fond de mes dents m’ont largement donné tort. J’aurais peut-être mieux fait, comme Joey Starr à une époque, de me faire poser des dents en or. Ça m’aurait peut-être aussi réussi. J’ignore ce que vous en pensez mais en attendant, Joey Starr, aussi, tout comme Béatrice Dalle, a eu une enfance rudoyée. Lui, comme Béatrice Dalle, aurait pu encore plus mal tourner que ce que l’on « sait » :

Si l’on considère leur image publique, plutôt que des créatures de rêve, Béatrice Dalle et Joey Starr sont des créatures de carnage. Personne ne s’étonnera si l’on parle d’eux comme de « bêtes de scène ». Et c’est comme cela qu’en 2019 on arrive très facilement à Elephant Man.

 

 

Mais Béatrice Dalle et Joey Starr ont aussi des armatures people. Cela crée vis-à-vis de Elephant Man un rapport ambivalent en allant le voir….aux Folies Bergères. Il est difficile de savoir si l’on y va en tant que ( pour) voyeur de notre propre folie- et de notre racisme- ordinaire parce que ce sont deux «vedettes » plus ou moins monstrueuses, sachant qu’aujourd’hui, dire d’un artiste qu’il est « monstrueux » est très flatteur.

Si l’on y va parce-que l’on aime leur jeu d’acteur et que l’on est curieux de voir l’alchimie de leurs deux présences scéniques « sachant » ce que l’on croit savoir de leur histoire commune et séparée.

Ou si l’on veut « voir » ce que peut donner sur scène le Elephant Man que l’on a vu au cinéma en noir & blanc réalisé par un autre David ( David Lynch dans les années 80). Même si, au départ, l’œuvre originale The Elephant Man avait été crééé par l’auteur américain Bernard Pomerance pour le théâtre.

 

Ces questions restent solitaires après la représentation car Béatrice Dalle et Joey Starr jouent du trouble véhiculé par leur image publique. Ce qui est le propre, généralement, de l’artiste ou de la personne qui a du coffre.

Béatrice Dalle, sur scène, dit par exemple sûrement avec une réelle jubilation :

« Je suis juste une femme qui compose dans un monde d’hommes » et « Ce que j’expose, c’est une illusion ».

Joey Starr/Elephant Man, quant à lui, ânonne, comme le lui enseigne son nouveau maitre, Frédérik Treves (l’acteur Christophe Grégoire ?), le jeune chirurgien londonien ambitieux et réputé :

« Si je vis selon les règles, je serai heureux » et « Les règles nous rendent heureux car elles sont faites pour notre bien ». L’entendre dire ça peut revêtir un aspect comique tant la « réussite » artistique et professionnelle de Joey Starr incarne, aussi, plutôt le contraire de cette croyance. Mais il répète seulement à voix haute, sur scène, ce que la majorité des citoyens du monde et de France consent à penser : La pièce qui dure apparemment près de deux heures trente est loin d’être vide.

Elephant Man est le contraire d’une pièce « people » dont le socle repose uniquement sur l’affiche Dalle/ Starr. C’est bien sûr très bien écrit.

Et il y a la scénographie : Bien qu’il y ait quelques anachronismes, nous sommes à la fin du 19ème siècle. Et ce décor clinique et froid qui imite la céramique impeccable réplique avec précision le craquement des camps de concentration qui « arriveront » un demi siècle plus tard ; le nucléaire ; la médiatisation du tueur en série avec la figure de Jack l’Eventreur ; et leur consanguinité cachée avec le monde médical, économique et occidental blanc tout puissant de cette fin du 19ème siècle qui nous asservit encore.

Pouvoir rampant, omniprésent et viscéral, cette pensée de fin du 19ème siècle secrète l’esclavage, la névrose traumatique des vétérans de guerre du 20ème et du 21ème siècle, du professeur David Banner hanté par son inconscient colossal, Hulk. Joey Starr, de par son personnage d’Elephant Man, endosse tout ça. Ainsi que le harcèlement, la condition des migrants d’aujourd’hui. Cela lui donne une allure christique. Une image qui m’a marqué de Joey Starr, sur scène, est ce moment où recouvert tout entier par une couverture, émerge uniquement sa tête. Il paraît alors avoir le corps d’un enfant chétif, avec une tête d’adulte, qui fait penser aux enfants dénutris, battus ou à…E.T. Mais avec sa cathédrale, il peut aussi rappeler le personnage de Quasimodo. Et pour « appartenir » à la science, il évoquera aussi la créature du Dr Frankestein. 

 

Dans au moins une autre scène, sitôt que ses bourreaux apparaissent la nuit, période où les cauchemars que nous retenons le jour nous échappent, hypnotisé, en transes ou fanatisé, Joey Starr/ Elephant Man entame une danse comme sur un manège durant laquelle il déclame tel qu’il a été dressé. Le décor, pour l’époque, est peut-être high tech et parfait tout comme peut l’être le décor stérile de l’informatique et des nouvelles technologies. Mais celles et ceux qui l’occupent, les hommes qui dirigent ce bloc et ce décor, sont déviants et le crament comme nous continuons de cramer le bloc et le décor de notre monde que notre regard – intercepté par des écrans- ne voit pas. Elephant Man doit guérir d’une tare qui lui a été imputée. Il doit expier. Même si ce sont ceux qui l’exploitent selon une éthique commerciale, scientifique ou morale – victorienne- qui sont tarés. Mais ils le sont trop et sont par ailleurs trop nombreux, organisés, et trop violents pour être arrêtés.

Bytes ( l’acteur Michaël Cohen), le premier « Maitre » d’Elephant Man, à l’allure plutôt virile, très assurée, et sans doute homme charmeur, est ainsi le croquis du proxénète, du compagnon et du père conjugal, du dealer mais aussi de l’homme dépendant soumis à la petite cuillère de ses rêves de gloire. Homme criminel, il est libre de ses mouvements et de ses jugements tandis qu’Elephant Man, innocent, servile, respectueux des règles et vulnérable, aura une vie de repenti enfermé : D’abord au cirque puis à l’hôpital.

 

Joey Starr est le comédien principal d’Elephant Man. Je crois que cela aurait été mieux qu’il conserve sa voix et son intonation habituelle même si, en les retrouvant à la toute fin, son personnage semble nous dire que, depuis le début, il nous a joué ce que l’on attendait de lui sur scène…comme dans la vie.

L’arrivée de Béatrice Dalle sur scène est une agréable surprise : on sait qu’elle figure dans la pièce, on l’attend et on se demande quand elle va se montrer. Et puis, elle arrive. Elle a un plaisir évident sur scène et dans le fait de jouer avec Joey Starr. Je suis plus partagé sur son jeu vers la fin lors de la mort d’Elephant Man/ Joey Starr.

 

 

L’arrière du décor est assuré par une large vitre panoramique qui permet de voir arriver et partir les personnages : Quelle belle perspective ! On dira que cela reflète aussi très bien notre monde de voyeurs, certaines back rooms, ou nous remémore que nous sommes des êtres de passage. Mais en terme de jeu, ce dispositif rappelle très bien comme jouer, c’est d’abord avoir une présence physique. D’ailleurs, lorsque Joey Starr/ Elephant Man sort définitivement de la scène après sa mort, juste avant d’entrer en coulisses, il est sorti de son rôle et ça s’est vu à sa façon de se tenir.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Avec un duo Starr/ Dalle aussi « connu » et qui sait remplir l’espace, il est peut-être difficile de se faire remarquer à son avantage en tant que partenaire de jeu…. Si les comédiens qui interprètent  l’infirmière ( Clémence Ardoin?), le chirurgien Treves ( Christophe Grégoire?) « Jack l’éventreur » ou encore l’employé de l’hôpital ( Radouan Leflahi ? ) se démarquent , La danseuse XiaoYi Liu est celle qui y parvient le mieux :

Le temps d’un solo, elle évolue dans une dimension où personne ne peut la rejoindre ; animale, araignée éventrée, zombie, danseuse de Butô, elle fait ressusciter plus d’une fois nos cristallins. Que sa gestuelle soit minimaliste ou remorque tout l’espace. Heureusement que son solo le plus long dure seulement quelques minutes car il aurait pu nous faire oublier le reste. Je me demande ce qui a donné l’idée à David Bobée de l’inclure dans ce projet mais il a bien fait.

 

 

Franck Unimon, ce mardi 15 octobre 2019.