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Echos Statiques

Paranoïa Sociale

 

 

Paranoïa sociale 

 

 

Hier, en allant à la médiathèque rendre des prêts en retard (une de mes routines), je me suis imaginé que, dans la vie sociale, j’étais et suis une personne plus sincère, plus honnête et plus franche que la « normale ».

J’ignore encore ce qui m’a pris. Mais, je me suis avisé qu’il fallait, dans les faits, assez peu se dévoiler ou, tout au moins, modérément donner de sa gentillesse et de sa disponibilité et prendre le temps, en restant poli, d’observer. Et d’évaluer si ces personnes dont nous faisons la rencontre, que nous trouvons en prime abord si « cool », si « sympas »  et si « mignonnes »,  valent ou valaient la peine qu’on leur donne davantage de soi :

De notre gentillesse, de notre spontanéité, de notre sincérité, de notre intérêt, de notre altérité etc….

La « norme » sociale, au premier abord, est assez souvent de s’accoster les uns, les autres, avec de grands sourires et propos ouverts et accueillants. Mais derrière la forme, le plus souvent, celles et ceux que nous rencontrons se font une idée de nous, vraie ou fausse. Nous faisons tous ça : nous projetons sur l’autre quelque chose. De bien ou de mal. Puis, au travers de certaines situations ( la façon de tenir un verre, cette façon particulière que l’autre a de se déplacer pour se rendre aux toilettes ou de regarder, subitement, son portable)  nos impressions se trouvent confirmées ou contredites.

Cela va très vite.

Après le temps des sourires et de l’accueil, le temps du jugement social- et de la guillotine- arrive très vite. Plus vite qu’on ne le pense. Plus vite, en tout cas, que, moi, je le pense. J’ai oublié d’écrire que je m’imagine, aussi, en matière de relations sociales, être une personne naïve ou très naïve. Ou, en tout cas,  je m’imagine que je peux l’être.

Parce-que, foncièrement, celles et ceux que nous rencontrons pour les premières fois, lorsqu’ils viennent vers nous avec sourires et « bonnes » intentions affichées ( pour celles et ceux qui viennent à nous car d’autres, pour des raisons assez mystérieuses, restent à l’écart et très discrets) sont souvent en pleine prospection afin d’essayer d’obtenir de nous un éventuel bénéfice, intérêt, y compris commun. Je le fais aussi mais, j’ai l’impression, que plus que d’autres, bien plus que d’autres, je vais vers les autres avec une plus sincère sympathie là ou d’autres sont, finalement, et foncièrement, avant tout intéressés. Un peu comme si dès le début d’une rencontre, on se mettait à avoir rapidement des relations sexuelles avec une personne parce-que l’on se sent bien avec elle et qu’on la trouve sympathique. Alors que cette personne, elle, a uniquement vu en nous un « bon » coup ou un coup à tirer. Ou attendait simplement de nous qu’on lui offre un café, une cigarette. Ou une vingtaine de centimes.

 

Avec certains parents rencontrés à l’école où ma fille est scolarisée, j’ai un peu l’impression de m’être fait un peu « tirer » socialement. Et puis, une fois le temps de « l’inspection » sociale terminé, j’ai été évalué comme bon à jeter, bon à écarter, bon à négliger. Avec les formes bien-sûr. Car, lorsque l’on me croise, c’est sourire et bonjour.

Officiellement : il n’y’a pas de conflit ou de désaccord. C’est la norme sociale. Et je me la prends – à nouveau- en pleine figure au travers de ces quelques relations avec quelques parents que je croise depuis que ma fille est à l’école maternelle.  Peu m’importe que mes relations soient cordiales avec la majorité des parents que je salue. Je m’attarde ici sur deux ou trois parents vis-à-vis desquels j’ai maintenant quelques réserves.

Mais ces attitudes se retrouvent partout.

Hier, je me suis avisé qu’il fallait en fait, savoir laisser les autres projeter sur nous. Et moins se dévoiler : pourquoi se montrer tel qu’en soi-même, si, en face certaines personnes avancent masquées ou se voilent la face sur elles-mêmes. Chez les parents d’une ancienne copine d’école de ma fille, nous avons été invités une fois. Il y’a bientôt deux ans maintenant. Et, je me rappelle que chez eux figurait – et figure toujours sans doute- une sorte d’inscription ou de maxime, accrochée sur le mur où était prônée la tolérance et des valeurs proches. J’imagine bien que ces parents – comme la plupart d’entre nous- sont sincèrement convaincus des bienfaits de ces valeurs. Tout en les appliquant à leur sauce comme on peut interpréter à sa sauce une religion, un film, une vérité, une chanson, un regard, tout en refusant que l’autre nous apporte la contradiction, sa contradiction.

Je suis donc, je crois, socialement, une personne souvent trop naïve, honnête, sincère et trop franche. Il est déjà arrivé, lors de mes discussions avec ma compagne, que celle-ci me le fasse comprendre en quelque sorte et me donne des cours de réalisme. Lorsque je lui parlais par exemple de mes désillusions sociales et relationnelles dans le milieu du cinéma en tant que journaliste ou comédien, où j’ai, à ce jour, dans le meilleur des cas, rencontré bien plus d’experts et d’expertes en séduction sociale que d’amis véritables.

Lorsque j’écris qu’il faut laisser les autres « projeter » sur soi, c’est évidemment en faisant en sorte que ce qu’ils projettent soit à notre avantage. Si pour les besoins d’un film, un réalisateur veut voir en moi un boucher et que, pour cela, il est prêt à me payer 1500 euros par jour, ça me va. Par contre, si pour jouer la doublure d’un homme grenouille, je dois entrer dans une eau glacée et y rester pendant des heures pour le plaisir de participer au travail de fin d’études d’un étudiant en cinéma, je crois plus sensé de refuser cette proposition.

Il convient donc de faire attention à son image.

Il est vrai que, dans ce domaine, je suis et reste plutôt « nature » là où bien d’autres (femmes comme hommes) sont des experts en maquillage et en enrobage social. Et, la vie quotidienne nous apprend que souvent voire assez souvent, celles et ceux qui savent se montrer à leur avantage à coups de maquillage et de matraquage social, ou de sourires adressés au bon endroit, vers les regards porteurs d’avenir,  réussissent souvent mieux, et plus vite, que celles et ceux, qui, comme moi, se montrent plus « fous » et moins regardants sur l’enrobage et la présentation. Le feu de la folie dévore le décor et le protocole social. Lorsque l’on est  » fou », en cas de « réussite », on devient un modèle ou une crainte. Dans une situation intermédiaire, on inspire scepticisme, suspicion ou rejet quelles que soient nos réelles qualifications et intentions.

Dit autrement : les parents de cette ancienne copine d’école de ma fille- et d’autres- peuvent bien m’évaluer à mon désavantage autant qu’ils le veulent ou s’estiment autorisés à le faire. Je sais, Moi, que j’ai autant de valeur humaine qu’eux. Et, je crois, aussi, que contrairement à eux et d’autres, je suis plus respectueux des autres : Je me sens plus l’égal de celles et ceux que je croise que leur supérieur. Mais la vie sociale est ainsi faite qu’à moins d’une catastrophe ou d’un événement exceptionnel où l’on se retrouve obligé de faire « corps » et alliance avec des personnes que l’on désapprouve ou déprécie, généralement, chacun peut rester confortablement domicilié dans ses préjugés sur une personne ou un groupe de personnes.

Mais savoir ce que je sais de moi, ce que je vaux, et sur moi, si je suis le seul à le savoir, est insuffisant pour réussir sa vie sociale.

Savoir que nous avons invité la mère de cette ancienne copine d’école de ma fille il y’a quelques mois, et que cela s’était pourtant- apparemment- bien passé avec elle et les autres parents présents, est insuffisant pour comprendre ce qui fait que, prochainement, nous ne serons pas invités, contrairement aux  parents de la très bonne copine de ma fille, chez cette dame. Je n’ai pas l’intention de séquestrer cette maman et son mari ni de les interroger comme peut l’être le personnage de Malotru dans Le Bureau des Légendes alors que lors d’un des premiers épisodes de la série, il passe au détecteur de mensonges. Si je m’étends autant sur le sujet, c’est parce qu’en repensant à ma fille avant hier dans l’aire de jeux où elle a joué plus d’une heure avec une de ses copines, j’ai revu ce que je vois assez souvent lorsqu’elle joue avec des autres enfants :

C’est elle qui est demandeuse. C’est assez souvent, elle dans la rue, qui reconnaît d’autres enfants et les appelle. Hier soir, à la maison, j’ai entendu notre fille expliquer à ma compagne, sa mère, son problème avec sa très bonne copine :

Sa très bonne copine commande le déroulement de leurs jeux. Et notre fille essaie de s’y opposer.

Mais, à entendre notre fille, sa très bonne copine a le leadership et, s’opposer à elle, c’est prendre le risque d’être isolée du groupe. Hier soir, je me suis contenté d’écouter car j’étais alors dans une autre pièce, sans doute en train de faire mes étirements avant de partir au travail.

J’ai écouté ma compagne conseiller à notre fille de dire à sa copine que c’était à chacune son tour de décider. J’ai écouté ma compagne dire à notre fille que si sa copine persistait à vouloir diriger (ce que notre fille a expliqué à sa maman/ ma compagne), hé bien, que dans ce cas, il suffisait en quelque sorte de ne plus jouer avec elle ! Et ma compagne d’assurer à notre fille que sa copine et le reste du groupe viendraient sûrement la chercher pour jouer avec eux. Il m’a semblé, aux réactions de notre fille, qu’elle était assez peu persuadée par les conseils de sa maman. En tout cas, c’est peut-être moi qui projette finalement. Car, moi, j’étais peu convaincu par les conseils de ma compagne même si je me suis abstenu d’intervenir.

Je souhaite évidemment à notre fille d’apprendre à éviter ces écueils sociaux et affectifs :

Que ce soit une certaine dépendance sociale et affective aux autres. Ainsi que ces « Je ne sais pas » quant aux raisons qui font qu’une relation avec un proche, une proche, ou une connaissance, se distend. Comme nous, ou comme moi ( car je crois que le problème doit provenir de moi) avec les parents de cette ancienne copine d’école de notre fille.

Je souhaite résolument à notre fille de savoir voir comme, dans la vie sociale, celles et ceux qui nous font les plus beaux et les plus rapides sourires- sans que ce soit forcément de l’hypocrisie ou le repaire d’une perversion comme d’une mauvaise intention- doivent être décodés. Se doivent d’être décodés. Car celles et ceux qui font les plus beaux et les plus rapides sourires feront rarement l’effort de se décoder d’eux-mêmes :

Premièrement parce qu’ils n’ont aucun intérêt à se dévoiler comme à dévoiler leurs réelles intentions. Tout être a ses défauts et sa perception propre.  Et peut percevoir – à tort ou à raison- comme un handicap le fait de se montrer tel qu’il est véritablement.

Deuxièmement, parce-que celles et ceux que nous rencontrons ont une connaissance et une perception d’eux-mêmes, comme du retentissement de leurs actions sur les autres, assez limités :

Des personnes peuvent nous faire plus ou moins de mal sans, toujours, le prévoir, le souhaiter ou s’en apercevoir.

Et, bien-sûr, il faut aussi apprendre à se préserver de celles et ceux qui nous font du mal ou peuvent chercher à nous nuire délibérément.

Je souhaite à notre fille d’apprendre à se connaître, comme à connaître les autres suffisamment, ainsi que le monde bien-sûr, pour s’épargner le plus de déboires possibles sociaux et affectifs, en priorité, dans sa vie. Et, bien-sûrj’espère que sa mère et moi ainsi que d’autres personnes de confiance, adultes ou non, sauront l’aider à faire ce genre d’apprentissage.

Sinon, « autre » sujet, je continue d’avoir beaucoup de plaisir à lire le livre Inside Apple d’Adam Lashinsky . Un livre sur lequel je suis tombé par hasard à la médiathèque près de chez nous.

Le numérique, l’informatique, internet sont de plus en plus un justaucorps, voire une seconde peau, pour de plus en plus de gens. Moi, je fais partie d’une époque préhistorique. D’une époque où tout cet attirail numérique, ainsi que cette économie, cette toxicomanie et cette méthode « d’achievement » ou de réussite social(e) était embryonnaire, inexistante ou réservée à quelques uns qui passaient peut-être pour déments, déviants…ou visionnaires.

Lire ce livre, qui plus est au travers de l’entreprise Apple qui est un des symboles de cette réussite économique, technologique et culturelle, me permet de mieux comprendre ce « nouveau » monde qui s’est érigé et qui s’est implanté dans nos vies et les a transformées ces vingt à trente dernières années et qui va continuer de les transformer pour le pire et le meilleur.

Ma fille, et d’autres plus âgés, sont nés avec ce monde. Dans ce monde. Aussi, pour eux, ce monde est une norme. Aussi normal que reprendre son souffle après avoir expiré. Aussi normal que prendre une douche après avoir transpiré. Aussi normal que de s’habiller avant de sortir pour un rendez-vous. Moi, je suis entre deux. J’ai déjà pu dire que j’étais « un analphabète informatique ». Mais j’ai des capacités- une « marge de progression » comme on dit- pour me faire à ce monde numérique. Et tenir ce blog, indirectement, m’y aide et m’y contraint. Ne serait-ce que pour réussir à faire de ce blog, balistiqueduquotidien.com, une entreprise « successful » ou suffisamment gratifiante en nombre de lecteurs, voire, pour peut-être envisager une certaine reconversion, partielle ou totale. Ce qui pourrait être judicieux étant donné que l’âge du départ à la retraite ressemble de plus en plus à une fiction de film d’épouvante.

Mais aussi parce-que l’on nous injecte de plus en plus l’injonction selon laquelle, nous nous devons d’être mobiles, « proactifs », et d’avoir plusieurs vies professionnelles, voire émotionnelles, dans notre monde actuel et à venir. L ‘exigence de devoir se conformer de plus en plus à ce « parfait » modèle de vie se fait et se fera sûrement aussi grâce au soutien galopant de produits dopants anciens, actuels, d’autres pas encore inventés ni brevetés, que des industries sauront commercialiser et rentabiliser pour le bien-être financier de quelques actionnaires et investisseurs. Et ces actionnaires et investisseurs pourront tout aussi bien être des pères ou des mères ayant les mêmes préoccupations que moi pour ma fille ou des artistes dont j’aime ou écoute les œuvres musicales, littéraires ou cinématographiques.

 

D’un autre côté, sûrement parce-que je suis vieux jeu, chronique, dépassé, psychorigide, ma mémoire du monde ancien, mon attachement à lui comme à certaines de ses valeurs, et mes réserves vis-à-vis de certaines évolutions actuelles et futures du monde de notre quotidien, me commandent d’éviter de m’y plonger totalement :

 

Un monde où notre téléphone portable est activé et ouvert en permanence, nous plongeant dans une apnée profonde nous captivant 24 heures sur 24. Ce n’est plus le monde du silence. Mais le monde des écrans, des casques et des oreillettes. Un monde où un écran, une console de jeux, des spots publicitaires constitueraient le plus gros de ces moments que nous vivons. Et où l’on s’adresserait aux autres avec des slogans publicitaires ou avec des phrases toutes faites et autres éléments de langage que l’on recevrait, après s’être abonné, chez soi dans notre boite à lettres – pour les plus archaïques ou les férus du vintage- par mail ou par sms transgénique.

Il y’a deux nuits, alors que j’étais en pleine paranoïa sans doute,  je me suis mis à surfer sur internet pendant plus de deux heures. Si bien que lorsque j’ai rejoint ma compagne dans notre chambre, un peu avant minuit, elle s’était endormie. Du moins, est-ce ce qu’elle s’est employée à me laisser croire, allongée dans l’obscurité de notre lit. Ce qui fait qu’à son retour du travail vers 21h, j’avais peu discuté avec elle comme elle me l’a fait remarquer avec diplomatie le lendemain matin. Alors qu’elle m’avait « attendu » jusqu’à 22h. Comme excuse, je ne peux même pas écrire que je matais des photos érotiques sur le net ou que je draguais sur un site de rencontres :

Je regardais avec attention- plus qu’avec déférence- des biographies d’actrices, d’acteurs, de joueuses et de joueurs de tennis. Plus de deux heures durant, dans mon fors intérieur ferroviaire comme sur la terre battue de mes pensées, des soupçons  en suspension me crachaient à la tête des évidences : Ces « Personnalités » étaient peut-être entrées en possession de vies qui, à l’origine, auraient dû m’appartenir. Et j’essayais sans doute de savoir à quel moment, profitant de ma coupable inattention comme de ma pitoyable passivité, elles s’en étaient emparées. Désormais, il était trop tard pour les rattraper. Ces créatures débordaient de vie par elles-mêmes. Prenons Jeff Nichols, davantage réalisateur que joueur de tennis, et son film Take Shelter, inspiré de ses inquiétudes pour son enfant, ou un de ses autres films, Mud. Les héros masculins de ces deux films, tour à tour l’acteur Michael Shannon et l’acteur Matthew McConaughey, au départ mal perçus par la communauté, et isolés dans un monde rural ou sur une île, finissaient par s’en tenir à cette consigne de Miles Don’t Lose your Mind alors qu’ils exécutaient cette sentence :

 » Si l’on attend toujours, de façon obéissante et caressante, d’obtenir une permission pour partir faire son solo, son numéro, seuls les désastres viendront à notre secours ».

A la fin de ces plus de deux heures d’errance, j’avais fini par m’extraire de l’écran, double et créance de nos vies. C’est ce monde-là, fait de la suprématie des écrans ajoutée à une certaine fausseté- ancienne et relative- des relations sociales qui se développe. Ou un simple clic et quelques liens suffisent pour avoir un avis tranché sur un sujet et ses hématies.  Soit un monde propice à la croissance des extrémismes  : affectifs, religieux, politiques, militaires, sectaires, écologiques, économiques, artistiques, culturels. Un monde où il reste possible et où il restera possible d’avoir de « véritables » relations humaines et une vie qui en vaut la peine. On peut très bien être calé en informatique et dans toutes ces nouvelles technologies- et autres applications- qui se démultiplient vers l’infini et être dans la « vraie vie ».  Mais encore faudra-t’il- encore- savoir à quoi cela ressemble d’avoir une « vraie vie », et de « véritables relations » sincères, spontanées, franches, honnêtes, naïves.

Encore faudra-il être qualifié et suffisamment compétent( e) afin d’être à même de connaître comme de « juger » de leur importance et de leur- vitale- nécessité. C’est un peu ce que ma paranoïa me racontait alors que je suis parti pour la médiathèque. Le reste de ce qu’elle m’a dit et apporté, je vais bien sûr le garder pour moi. Car on ne sait jamais. Celles et ceux qui auront lu cet article pourraient avoir très peur de moi. Finalement.

Franck Unimon, ce jeudi 20 juin 2019.

 

Ps : Non, je ne suis pas déprimé. Sourire.

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Cinéma

Conséquences

Andrej ( l’acteur Matej Zemljic) au centre, allongé sur son lit.

 

 

 

                                         Conséquences un film de Darko Stante

 

 

Andrej (l’acteur Matej Zemljic) grand et beau jeune homme est fait d’une coque gangsta. Adepte des codes du Rap américain, même si l’histoire se passe en Slovénie , il a la côte auprès des très belles filles qu’il parvient à serrer dans ces soirées pour gosses de riches où il parvient à s’insérer. Sauf que ça dérape. Et l’on retrouve Andrej au tribunal pour mineurs où il a été convoqué avec ses parents.

Au tribunal et devant le regard et l’écran social, l’enveloppe du bel Andrej est ouverte et son identité judiciaire est déballée devant nous. Sa mère raconte qu’Andrej se montre assidu à des soirées en compagnie de jeunes dont il n’a pas les moyens : Andrej priserait une vie de champagne alors qu’il a à peine les moyens de s’offrir une limonade.

A côté de la mère, drone parental le plus fort, le père d’Andrej est un homme déprimé, courbé, qui a depuis longtemps perdu ses derniers combats. Et qui cherchera quelques fois la semonce d’un second souffle en essayant de faire acte de diplomatie entre Andrej et sa mère plutôt que de se confronter à l’un ou à l’autre.

Au tribunal, Andrej « rigole ». Pour lui, tous ses problèmes viennent de sa mère. Nous ne saurons rien du passé d’Andrej et de ses parents. Si le premier long-métrage de Darko Stante nous parle des conséquences de leurs actes, et, en tout premier lieu, de ceux d’Andrej qui se dresse en tant qu’adulte lors de ce film, il éclipse malheureusement comme dans beaucoup d’autres projets cinématographiques, ce qui précède le quotidien de tous ces « héros » que l’on regarde défiler sur nos écrans comme devant nos vies. Dans un film plutôt extrême tel que We Need to Talk about Kevin réalisé par Lynne Ramsay en 2011, on peut ainsi se rappeler cette scène où, déboutée par les pleurs insistants du petit Kévin encore bébé, la mère vient se planter avec celui-ci près d’un chantier où des marteaux-piqueurs en activité viennent la « délivrer » des cris. Cette scène, parmi d’autres, permettra ensuite à la réalisatrice d’expliquer voire de justifier l’évolution de Kévin. Dans Conséquences, où le personnage d’Andrej est bien plus sympathique que le personnage de Kévin, nous sommes privés de cette « trace » historique. Ce qui signifie peut-être pour le réalisateur, que, quelles que soient nos origines familiales et affectives, à l’âge adulte, nous nous devons de faire face à ce que nous sommes et nous accepter comme nous sommes.

Parmi les spectatrices et les spectateurs que nous sommes, il s’en trouvera certainement plusieurs pour lesquels (femmes et hommes) les causes des dérives d’Andrej sont rapidement évidentes. Pourtant, Andrej ressemble à beaucoup d’autres jeunes. Dans un film tel que les X-Men dont la dernière saga (Dark Phoenix ) est actuellement en salles, un professeur Xavier déboulerait pour venir accoster le jeune Andrej pour peu que celui-ci ait des pouvoirs de mutant. Une psychologue comme Sibyl (l’actrice Virginie Efira dans le dernier film de Justine Triet) l’emmènerait peut-être en voyage sur un lieu de tournage ou le suivrait tel un Basquiat dans ses virées nocturnes.

Mais Andrej n’a pas de pouvoir particulier y compris dans le domaine artistique. Tout au plus a-t’il un beau physique qui pourrait peut-être lui permettre de développer une carrière dans le cinéma ou dans le mannequinat. Et cela est visiblement éloigné de son idéal. Sibyl, elle, est trop occupée à essayer de sortir de la boite de son alcoolisme comme à recoudre son couple et sa famille pour s’occuper d’Andrej. Même si les priorités de celui-ci, se faire accepter par celles et ceux qu’il se choisit comme modèles, se faire aimer, leur sont communes. Surtout, que, comme Sibyl, Andrej ne recule devant-presque- rien pour se faire accepter et aimer.

 

Andrej, entre son père et sa mère, à son arrivée au centre de "détention".
Andrej, entre son père et sa mère, à son arrivée au centre de « détention » pour mineurs.

 

 

Le « centre de détention » pour mineurs où Andrej atterrit (faute d’avoir pu obtenir une place dans l’école privée et très sélect pour mutants du professeur Charles Xavier ou un rendez-vous en consultation avec Sibyl) peut avoir des ambitions que l’on peut juger au choix ridicules ( pauvres éducateurs constamment ridiculisés dans le film !) ou hypocrites. Mais au moins ce centre de détention, qui est aussi un lieu d’accueil et de tentative d’apprentissage et d’éducation sociale, existe-t’il. Ce qui reste un peu mieux que d’être accueilli par la rue, la prostitution, la mafia, un combo terroriste ou sectaire. Même s’il est vrai que ce centre « de détention » est peu glamour dans ce qu’il propose : au champagne, alcools, stupéfiants, bonne musique et bonne ambiance succède ici une manufacture miniature assez paumée où le projet principal consiste plutôt à essayer de transformer les jeunes qui y passent en OS sous-qualifiés pour l’usine bien plus qu’en de brillants ingénieurs qui pourront ensuite aspirer être embauchés chez Apple afin de contribuer à faire évoluer ses systèmes d’exploitation et ses divers produits.

 

Andrej, au centre, Zeljko à gauche.

 

Pourquoi ai-je autant de mal à parler de la préférence sexuelle d’Andrej qui semble être le rouage principal de ses problèmes dans ce film ? Je crois que c’est parce-que l’Amour, selon Andrej, c’est se choisir un être ou un implant auquel se soumettre et pour lequel on est prêt à passer à tabac des innocents et des plus faibles qui ont pour principal « défaut » d’être les victimes choisies par l’être « vénéré ». L’être « vénéré » par Andrej dans Conséquences, c’est Zeljko (l’acteur Timon Sturbej). Un jeune homme particulièrement « vénère ». Zeljko, sorte de dandy-maquereau d’origine sociale et culturelle modeste, où pieuvre passée Maitre es- perversion, jouit à la fois par toutes ses pores de la souffrance qu’il peut – faire- infliger à son entourage comme de toutes les opportunités qui passent à sa portée. On peut vraiment dire de Zeljko qu’il n’a pas de limites ou qu’il les repousse comme il respire.

 

Le « hautement » sympathique Zeljko ( l’acteur Timon Sturbej)

 

 

 

A les regarder, Andrej et ses nouveaux « copains » sont des bébés obsédés par la recherche de l’intensité du présent. Mais ce sont des grands bébés (psychopathes) d’autant plus intimidants qu’ils sont terrifiés par le monde et le futur. Ils restent donc entre eux. Leurs « fêtes » ressemblent à des grossières décalcomanies de ce qu’ils considèrent être une belle vie : elles nécessitent souvent des victimes sacrifiées qu’ils ont agressées et pigeonnées. Soit un certain aperçu négatif de ce qui se pratique légalement et couramment- socialement et économiquement- à un plus haut niveau et à une plus grande échelle dans nos pays démocratiques, modernes et civilisés où l’enrichissement, le confort et les privilèges d’une certaine élite politique, industrielle, financière, économique, culturelle, militaire et autre se perpétuent et s’accentuent aussi au détriment de bien d’autres personnes plus ou moins consentantes. Plus ou moins pigeonnées. Plus ou moins agressées, plus ou moins informées, plus ou moins concernées. Et plus ou moins sacrifiées.

 

Une Sibyl sobre et en forme expliquerait peut-être qu’Andrej frappe d’autres personnes comme il frappe à des portes dans l’espoir que quelqu’un l’accepte et le fasse entrer dans une demeure familiale et chaleureuse. A la maison, qu’il fuit d’abord pour des soirées dans d’autres maisons, dominé par sa mère qui domine et éjecte/exècre son père en tant que puissance virile, Andrej supprime son impulsivité qui le pousserait à frapper sa mère. Car il la tuerait sans aucun doute : celle-ci, physiquement, ne ferait pas le poids. Mais, à la maison, c’est elle qui fait et détient la loi. Affronter son père est impossible car celui-ci est déja rompu : un affrontement est possible avec un adversaire de connivence ou de taille à répondre à la violence qu’on lui envoie. Le centre de « détention » où Andrej est envoyé est un peu une « consécration » et une déresponsibilisation pour sa mère. Elle s’y montre d’autant plus à son avantage, plutôt respectable et souriante. Le père, lui, continue de porter son visage et son alliance d’homme raté et humilié. De par ses frasques, Andrej est pointé du doigt. Mais c’est à l’intérieur de la famille qu’il faudrait se rendre afin de faire sortir les transes du mal-être d’Andrej dont l’homosexualité est une explication parmi d’autres. Le personnage de Zeljko, de par sa force masculine dominante, semble peut-être reconstituer l’image fracassée et dévalorisée du père d’Andrej. Or, bien des Amours semblent les meilleurs sommets à même de pouvoir compenser certaines de nos pertes.

 

 

C’est au moins pour cela que, même si les éducateurs- et la juge- dans le film sont déployés à leur désavantage, Conséquences est une œuvre réaliste. L’expérience personnelle et professionnelle du réalisateur en tant qu’éducateur ( Darko Stante est « actuellement tuteur dans un centre de réhabilitation de jeunes en difficulté » ) se retrouve ainsi dans son film dont on aimerait connaître la suite.

Selon notre optimisme ou notre pessimisme, on peut imaginer cette suite en repensant à quelques films déjà réalisés que l’on évoque des personnages qui font ensuite carrière dans certains groupes néonazis ( tels Un Français de Diastème) terroristes ( La Désintégration de Philippe Faucon) sectaires ( The Master de Paul Thomas Anderson). Des films où le trouble identitaire – et la difficulté où l’impossibilité à « se réussir » en tant que personne- conduisent les « héros » à aboutir à la consommation de stupéfiants, au meurtre, aux excès de violence, à la délinquance ou à la manipulation (Le Talentueux Mr Ripley d’Anthony Minghella).

Conséquences est annoncé en salles tantôt le 19 juin 2019 tantôt le 26 juin 2019. C’est-à-dire : bientôt.

Franck Unimon, ce mardi 18 juin 2019.

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Cinéma

Dark Phoenix

 

 

Dark Phoenix, le « dernier » X-Men à ce jour a été réalisé par Simon Kinberg. Sorti en salles la semaine dernière, Dark Phoenix bénéficie d’une bonne critique dans le Télérama numéro 3621 du 8 au 14 juin 2019. C’est dire ! Quelle surprise !

Abonné à Télérama depuis des années, je puis témoigner que cet hebdomadaire aime peu ce genre de grosse production qui est un peu l’équivalent de la pâtée pour chiens pour tout média qui se veut respectueux du 7ème art et éduqué à le goûter comme à le prononcer. Mais il faut rappeler, aussi, que Télérama avait beaucoup aimé le Valerian réalisé par Luc Besson. Lequel Valerian m’avait beaucoup fait penser – aussi- à une campagne de « name dropping » en matière de célébrités invitées, cachetées et plus ou moins cachées. Peut-être par amitié ainsi que pour répondre à cette nécessité de placement de produits plus ou moins consentis car réaliser un film peut coûter très cher. Economiquement et personnellement. Comme pour un mariage, lorsque l’on réalise un film, il faut savoir qui inviter et qui l’on peut se permettre de négliger, pour la suite de sa carrière professionnelle et personnelle. Les femmes et les hommes politiques officiels et officieux savent très bien faire ça qu’ils évoluent à l’échelon international, municipal ou libidinal : c’est dans les couloirs et dans ces zones où s’évaporent les regards et les consciences que l’on dévore le mieux sa proie. Après ça, on a tout le temps de se refaire une beauté et de prendre un certain public pour un champ de pommes grâce à une superbe com’.

« Come » qui, en Anglais, signifie aussi « jouir ». « Come again ! » disent parfois certains chanteurs à leurs choristes ou à leurs musiciens. Et, je vais continuer de dégainer.

On peut aimer le cinéma d’auteur et aimer les films de super-héros. On peut aimer lire Télérama et des journaux à première vue moins prestigieux. On peut aussi également aimer certaines séries telles que Game of Thrones dont la dernière saison s’est terminée il y’a quelques semaines. Et, cela, quels que soient les défauts ajoutés des uns et des autres. Quand il y’en a bien-sûr. On peut aimer le cinéma d’Alejandro Gonzalez Innaritu qui a présidé le dernier festival de Cannes, l’avoir interviewé il y’a plusieurs années pour son film Biutiful, connaître son point de vue- et l’approuver- sur tous ces films de super héros qu’il a aussi critiqué dans son très bon – et oscarisé- Birdman . Et le « trahir ».  En se rendant en salle avec plaisir afin d’aller voir le « dernier » X-Men.

Dans Dark Phoenix, le personnage de Phénix/ Jean Grey est joué par l’actrice Sophie Turner. Jouera-t’elle un jour dans un des films d’Innaritu ?

L’actrice Sophie Turner a été « révélée » par la série Game of Thrones. Game of Thrones est cette super série qui a obtenu un certain nombre de prix et qui a sans doute battu un record historique pour sa capacité à assurer une seconde vie à la carrière de plusieurs de ses actrices et acteurs. Game of Thrones est cette série dont l’issue a tellement déçu un certain nombre de ses fans qu’il circulerait sur le net  la pétition de plus d’un million d’entre eux exigeant une autre fin. Cela pour dire à quel point cette série a touché la vie de beaucoup de personnes dans le monde. Et aussi comme le fait d’en avoir fait partie en tant qu’actrice et acteur est un « plus ».

Rappelons que la très bonne carrière d’une actrice et d’un acteur peut varier du simple au double selon les bons projets auxquels elle/il aura eu la possibilité de participer. Si la qualité de jeu et le travail entrent en compte, le facteur chance, son environnement relationnel et la médiatisation d’une actrice et d’un acteur, sa « rentabilité » ou son côte « bankable » voire sa réputation, comptent tout autant voire davantage : « C’est qui cette actrice ? Je connais pas…. » est beaucoup moins vendeur que : « Ah, oui, c’est celle qui joue dans Game of Thrones… ». Aujourd’hui, en 2019, il faudrait être un professionnel du cinéma mutant ou mourant pour ignorer le nom de la série Game of Thrones.

L’attrait des films de « mutant » et de super-héros, repose beaucoup sur la quête identitaire. Qui suis-je ? A quoi suis-je destiné ? De quoi suis-je véritablement capable ? Comment être aimé et reconnu ? Des préoccupations qui nous concernent tous et qui creusent beaucoup, jusqu’à la souffrance, bien des adolescents et préadolescents. Mais aussi des adultes. D’où le succès de ces films comme de ces autres films qui abordent les mêmes thèmes. Sans doute apprendrons-nous un jour que certains jeunes jihadistes avant de « s’engager » avaient aussi beaucoup prisé des films, sagas et des séries tels que les X-Men, Harry Potter, Matrix , Le Seigneur des Anneaux , Divergente, Hunger Games, Game of Thrones…. Sauf que, eux, aucun professeur Xavier ne les a détectés ou n’a tenté de les sauver.

Pourquoi ?

On sait la raison pour laquelle , pour incarner Jean Grey/ Phénix, l’actrice Sophie Turner a été choisie : Pour effectuer une réplique de son rôle dans Game of Thrones . Mais avec plus de pouvoirs ou de puissance de feu. Quelle imagination !

La puissance de « Sansa Stark »( au fait,  » Stark », en Anglais, c’est proche du mot « Star »,  « étoile »)  dans Dark Phoenix et sa façon d’en digérer la greffe fait d’elle l’égale ou la supérieure d’un Hulk. Mais je parle ici du Hulk réalisé par Ang Lee ( 2003), selon moi plus conforme à « l’âme » du Comics pour sa ruisselante puissance plutôt qu’aux derniers Hulk pourtant drôlement bien troussés par Mark Ruffalo.

Dans le Hulk d’Ang Lee, je repense maintenant à cette scène où David Banner se trouve devant une porte. Derrière cette porte ou ce placard (vu qu’Ang Lee peut être vu comme un réalisateur du « coming out » depuis au moins son film Garçon d’Honneur réalisé en 1993 soit 12 ans avant son Le Secret de Brokeback Mountain ) se trouve la frayeur Hulk.

La mouvance féministe de Dark Phoenix a peut-être plu à Télérama. Et on pourrait sûrement dire que les tergiversations du personnage de Jean Grey/ Phénix sont une des facettes d’une (jeune) femme qui tente de s’émanciper (de la même façon que Sansa Stark dans dans Game of Thrones !) dans un monde de mâles post-Weinstein et contemporain de l’esprit Balance ton porc/ Me Too.

Mais, en matière de féminisme, on remerciera davantage- pour les subtilités de jeu- les rôles tenus par Jennifer Lawrence, qui, une fois de plus, en Raven/ Mystique bonifie ce qu’on lui donne et, encore plus peut-être, Jessica Chastain dans le rôle de Vuk :

Même moyennant un abonnement de cent mille ans à Télérama, je m’abstiendrais de partir en voyage de noces avec le personnage de Vuk proposé par Jessica Chastain. Et il n’y’a rien de sexiste dans le fait de préférer les prestations de Jessica Chastain et de Jennifer Lawrence à celle de Sophie Turner en ce sens qu’il semble très difficile de faire plus chaste et plus puritain que dans Dark Phoenix et les autres X-Men. Les principaux moments proches de la jouissance sont la propriété de Vuk ( Jessica Chastain, rousse dans le civil, couleur de cheveux plutôt mal perçue selon certaines croyances et époques), la force néfaste, ou « double » du lac des cygnes.

Du côté des « bons » et des gentils, c’est ceinture de chasteté et autres expédients. Pour cela, j’invite les spectateurs ou futurs spectateurs à se remémorer l’histoire d’amour de Raven/ Mystique avec Le Fauve. Ainsi que ce conformisme imperturbable- et déroutant pour une œuvre supposée tolérante et futuriste- dès que l’on parle des identités de genre et des préférences sexuelles. Il existe là un vide sémantique constant de film en film. Et ce vide reflète aussi l’impossibilité au moins pour les sagas X-Men à nous montrer ce qui pourrait exister au delà de certaines frontières, en particulier raciales et culturelles, en dépit des bonnes intentions affichées. Soit une saga rétrograde –  nombriliste et très pro-américaine- alors qu’elle se veut visionnaire.

Après m’être ainsi acharné sur l’actrice Sophie Turner et cet article de Télérama, passons à quelques autres singularités de Dark Phoenix qui marche très bien en salles depuis sa sortie en France et qui devance le film Parasite (Palme d’or à Cannes cette année) de Bong Joon-Ho, pour la première place en nombre d’entrées.

Dans Dark Phoenix, le père de Jean Grey/ Phénix en prend pour son prépuce de bout en bout. Lorsque notre vie a mal débuté, il faut bien- aussi- pouvoir s’en prendre à quelqu’un d’autre à un moment donné. Le père de Jean Grey/ Phénix « gagne » le jackpot. Il a tout contre lui, cet homme. On peut même se demander comment il fait pour éviter l’alcoolisme et le suicide. Va-t’il seulement sur Facebook ? Connait-il Game of Thrones ? Cet homme-là a vraiment tout raté. Pendant ce temps-là, le professeur Xavier, notre druide télépathe, continue de jouer les bons samaritains. C’est quelqu’un de bien, le professeur Xavier ! Même si son égo va quand même tâter du désert plutôt que du bourre-sein dans Dark Phoenix, il va s’en remettre. Le père de Jean Grey, lui, va en baver. Tout est fait pour. Quel suspense ! Quel scénario ! Il a perdu sa femme, mère de leur fille ? Oui, c’est très dur. Mais quand même, de là à… Il faut qu’il paie, hein ! Quelle enflure ! Quel lâche ! Ah, ces hommes, tous les mêmes ! Par contre, le professeur Xavier, lui, il est parfait. Indemne du drame vécu par le père et par Jean Grey, il débarque avec son fauteuil roulant, façon chasseur de têtes ou recruteur de talents qui vient faire ses courses et il sauve la mise au père et à Jean (prononcer : « Djin » comme l’esprit voire le saint esprit ou « Jean » comme le titre « Billie Jean » qui va dans les aigus).

Parce que Jean a des pouvoirs particuliers. Et pas uniquement capillaires. Sans ses pouvoirs, Jean Grey finirait sûrement dans un orphelinat ou dans une maison d’accueil mais, ça, c’est chercher la super nova dans le yaourt. Parce-que tout le monde sait que tout le monde a des super pouvoirs et que les super pouvoirs des X-Men sont bien-sûr une métaphore de nos propres pouvoirs que nous méconnaissons.

Et puis, il va absolument falloir faire quelque chose pour tous ces mutants aux super pouvoirs dont l’intelligence stratégique en plein combat est privée de l’ADSL. Il faut tout leur dire ! Quelle faible capacité d’analyse. Tornade, autre figure féministe affichée, je me demande comment, en maitrisant à ce point les éléments, elle peut continuer de se faire bousculer par des vilains de division d’honneur.  ça « sent » la femme battue.

Ce serait peut-être aussi bien d’apprendre à nos « Maitres » du monde américains, que la France, en 2019, c’est un (petit) peu plus que des DS, des Deux Chevaux et la Tour Eiffel. Et que si au monopoly, la Rue de la paix fait partie des rues les plus chères à acheter, dans la vraie vie, ce sont aussi des gens plutôt aisés et privilégiés qui y habitent.

Franck Unimon, ce vendredi 14 juin 2019.

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Cinéma

Redemption Day

CANNES, FRANCE – MAY 21: Actor Gary Dourdan (2nd from L) attends the screening of « Once Upon A Time In Hollywood » during the 72nd annual Cannes Film Festival on May 21, 2019 in Cannes, France. (Photo by Marc Piasecki/FilmMagic)

 

Redemption Day un film de Hicham Hajji

 

Le festival de Cannes 2019 s’est terminé le 25 Mai 2019 sous la présidence du réalisateur Alejandro Gonzales Inarritu. Le palmarès remporté par les films à thématique sociale ou regardant le monde de face est conforme aux engagements du personnage.

Alejandro Gonzalez Innaritu est ce réalisateur que j’avais interviewé – un souvenir marquant dont je parlerai peut-être un jour dans ce blog- à propos de son film Biutiful pour le mensuel Brazil et qui m’avait confirmé, après m’avoir presque cuisiné pour s’assurer que j’avais bien vu son film- et quand ?!- avant de l’interviewer :

« This is not Disney World ! ».

 

Cependant, le festival de Cannes, en coulisses, c’est également un festival où l’on crée des contacts professionnels et où l’on cherche – aussi- des producteurs et des distributeurs.

Hicham Hajji, originaire du Maroc, est dans cette situation du réalisateur qui cherche aujourd’hui des distributeurs pour son premier long métrage : Redemption Day. Et il était donc présent à ce dernier festival de Cannes comme le montre cette photo ( le 2ème à droite à partir de l’acteur Gary Dourdan). Avec ce film, et après avoir été premier assistant réalisateur pendant une dizaine d’années, producteur pendant autant d’années, et réalisé plusieurs courts métrages en particulier pour la pub, Hicham Hajji a décidé de rendre encore plus concrète son envie de réalisation.

Je n’ai pas vu ce film réalisé au Maroc et à New-York et dont le tournage s’est achevé ce 16 Mai à New-York. D’après la fiche technique, il sera sur la table de montage à partir de ce 15 juin 2019 et pourra être livré fin 2019. Il se trouve que le 15 Juin est une date particulière pour moi. Mais ça, c’est mon histoire.

Dans sa note d’intention, Hicham Hajji explique avoir vendu son appartement afin de créer sa société de production : H-Films. Et pour continuer d’augmenter ses chances professionnelles, il est parti s’installer à Los Angeles. Le titre de son film, Redemption Day, a sans doute un rapport avec la chanson de Bob Marley. On peut voir un portrait de Bob Marley dans le court-métrage Chaala réalisé quelques années plus tôt par Hicham Hajji. Bob Marley est un chanteur qui me parle. C’est mon enfance.

Hicham Hajji assume le visage commercial de son film qui se situe dans le registre de l’action à l’américaine où le sujet de la lutte contre le terrorisme, en particulier islamiste, est abordé. Samy Naceri joue le rôle du terroriste. Ce qui pourrait faire penser à un rôle à double sens dans le milieu du cinéma compte tenu de la carrière- plutôt explosive- de celui-ci depuis plusieurs années. Mais on peut aussi voir la présence de Samy Naceri dans ce film comme une belle preuve de survie cinématographique et professionnelle. Dans Rédemption Day  se trouvent aussi d’autres acteurs dont l’itinéraire cinématographique et personnel est plus stable, passé le héros du film qui n’est autre que l’acteur Gary Dourdan, principalement connu pour son rôle dans la série Les Experts bien qu’il ait participé à d’autres projets cinématographiques tels Alien, la Résurrection. Suivent les acteurs Andy Garcia, Ernie Hudson (Oz, SOS Fantômes), Robert Knepper (Prison Break, Jack Reacher, Hunger Games) et Martin Donovan (les films de Hal Hartley tels que The Inbelievable Truth, Simple Men mais aussi…Malcolm X de Spike Lee ).

Derrière ce film qui affiche sa volonté de remporter la bataille économique ( d’être rentable) ainsi que la détermination de son réalisateur, figure aussi un événement personnel :

La mort de la photographe et vidéaste franco-marocaine Leila Alaoui, le 15 janvier 2016, lors d’un attentat terroriste au Burkina Faso alors que mandatée par Amnesty International, celle-ci effectuait un travail sur les droits des femmes au Burkina Faso. Née en 1982 comme Hicham Hajji, Leila Alaoui était la sœur d’un de ses amis. Et selon les propos de la fondation qui porte son nom (la Fondation Leila Alaoui) :

« Son travail explorait la construction d’identité, les diversités culturelles et la migration dans l’espace méditerranéen ».

Même si le film de Hicham Hajji a une autre patte que le travail de Leila Alaoui, souhaitons-lui la meilleure des diffusions. Redemption Day sera sûrement un film qui parlera peut-être mieux à celles et ceux qui refuseront d’aller voir un film comme Le Jeune Ahmed des frères Dardenne, primé à Cannes cette année.

Qu’est-ce qui fait qu’un film ou un projet, plutôt qu’un autre, réussit à sortir et à trouver son public ? C’est à la fois l’histoire du cinéma et de la vie.

Franck Unimon, ce mardi 4 juin 2019.

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Croisements/ Interviews

Journées Portes Ouvertes au Qu4tre à Argenteuil les 25 et 26 Mai 2019

 

Arrivé à Argenteuil en 2007, j’avais entendu parler de ces journées portes ouvertes qui s’y déroulent une fois par an au Qu4tre, cité des artistes. Mais je fréquentais toujours un empêchement ou un oubli. Ce 25 et 26 Mai 2019, je m’y suis enfin rendu avec mon appareil photo et ma fille, dans ce quartier d’Argenteuil appelé le croissant ferré.

 

 

Deux parapluies, trois esprits assis sur une chaise et une bouteille d’eau m’ont accueilli près d’une première oeuvre.

 

 

L’artiste Hopare scrutait l’horizon, guettant peut-être des lignes de pluie tandis que son oeuvre posait dans nos regards des grenades de pluie.

 

 

 

La découverte de ces anciens locaux de la SNCF pouvait commencer.

 

 

 

 

 

 

 

 

Les couleurs et l’espace, ces métaux rares et présents dont les artistes scient les rythmes en s’appliquant à les laisser vivants.

 

 

 

 

Au fond, à droite, bras croisés, Samer Tarabichi, l’artiste peintre et sur sa gauche, une main sur l’escalier, l’artiste Fabrice Minel.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Il y’avait une animation particulière dans cette cour de récré particulière.

 

 

 

 

 

 

 

 

L’entrée de l’exposition des oeuvres de Thibaut Dapoigny. Cela commençait par deux coccinelles, se poursuivait par d’autres animaux en moins favorable compagnie.

 

 

 

 

 

Cet interrupteur laissé dans le champ de la photo est peut-être déplacé. Pour moi, il illustre bien l’éclat de la vision de ce rhinocéros.

 

 

 

 

 

 

 

Si peu de distance entre ces muscles et cet oeil. Une telle puissance qu’elle concentre les siècles par sillon. Ce que l’on voit, cet animal ou soi, est millénaire et il suffit de ce regard pour s’en rappeler. Et l’on comprend que nous sommes face au sacré.

 

 

 

 

 

 

 

 

Thibaut Dapoigny m’a raconté les 30 premières heures de travail à partir d’une photo bien plus petite. Puis, le travail plus ou moins « balayé » par la maladresse d’un autre nous-même. Et les 30 autres heures de travail pour restituer le pourtour de l’oeil. Ensuite, il s’est fait à son imagination. Son oeuvre s’était vendue un peu plus tôt dans la journée. 1200 euros. Je ne l’aurais peut-être pas achetée. Mais, à défaut,  je lui ai demandé de bien vouloir poser à côté de sa création.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Cette oeuvre ci-dessus et les deux précédentes sont de Laurence Louisfert.

 

 

 

Cette oeuvre ci-dessus est de Tom Lestienne. A cette époque, d’après les couleurs, cela n’allait pas très bien dans sa vie à ce qui nous a été dit.

 

 

 

Oeuvre de Tom Lestienne.

 

 

 

Oeuvres ci-dessus de Tom Lestienne.

 

 

 

Sezny Peron travaille l’ardoise.

 

 

 

 

 

 

Oeuvre ci-dessus de Cécile Garaudel.

 

 

La journée portes ouvertes était terminée ce samedi quand je me suis présenté devant les oeuvres de Cécile Garaudel. Mais la porte était encore ouverte et l’on m’a dit que je pouvais venir. Je suis entré, un peu mal à l’aise bien que personne ne me manifeste une quelconque mauvaise humeur. Un certain nombre d’amis et d’invités, de l’artiste vraisemblablement, discutaient, décontractés, devant apéritifs et boissons. Devant ces portraits pixelisés, j’étais si déconcerté que cela m’a amusé de prendre cette photo avec ces jambes dans l’escalier. La mise en scène me plaisait. Ainsi que les autres personnes à l’arrière-plan absolument pas au courant de ce qui venait de me passer par la tête.Puis, je suis parti rapidement. Comme un voleur. Par la suite, je me suis aperçu qu’en regardant ces portraits pixelisés d’un peu plus loin, et en prenant mon temps, cela donnait autre chose. Et j’aurais sans doute demandé à l’artiste comment elle avait obtenu ce résultat.

 

 

 

 

 

 

 

 

L’artiste Hopare.

 

Fin de la première partie.

 

Oeuvres de Alexandre Hopare; Samer Tarabichi; Fabrice Minel; Elizabeth Martin; Thibaut Dapoigny; Frédéric Jallot; Laurence Louisfert; Tom Lestienne; Sezny Peron; Cécile Garaudel;

 

Musique écoutée pendant la sélection des photos : album  » Vazo » de Tao Ravao et Vincent Bucher en particulier les titres  » Mamy T »;  » Jamba »;  » Muddys Song »;  » Mellow Down Easy aka Ny Meva ».

Musique écoutée pendant la mise en page de cet article : album  » Souldier » de Jain en particulier les titres  » On My Way »;  » Alright »;  » Oh Man »;  » Abu Dhabi »;  » Souldier ». Je n’aimais pas particulièrement la musique de Jain jusqu’alors.

 

Texte ( quand il y’en a ) et photos : Franck Unimon, ce lundi 3 juin 2019.

 

 

 

 

 

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Echos Statiques

Tenant du titre

( Photo : Lansy Siessie ).

 

 

 

Tenant du titre

 

 

Avant, on les voyait peu. Ce samedi matin, à 7h40, ils étaient là, en tenue. Pour environ la dixième fois en deux mois. Pourtant, j’avais fait mon possible pour les éviter.

 

J’avais quitté le travail à sept heures avec mes vêtements habituels. Depuis plusieurs jours et plusieurs semaines, je ne me change pas. C’est décidé. Quoiqu’on en dise, je ne me changerai plus. Et tant pis si l’on se moque de moi.

 

Sept heures du matin est mon heure officielle pour quitter le travail même si, habituellement, je pars après cet horaire.

 

J’ai voulu prendre le bus pour rejoindre la gare. Pour profiter des rues calmes. Pour être à l’air libre. Pour les éviter, eux. Généralement, dans le bus, ce sont eux qui viennent, en état de manque (de plus en plus souvent en civil) jusqu’à vous. C’est toujours mieux que lorsqu’ils vous attendent, reptiles insérés dans les reliefs d’un des couloirs du métro. Et vous tendent une embuscade. Désormais, et depuis des années, ils sont à plusieurs chaque fois qu’ils nous rackettent. Pour cela, ils bénéficient de l’appui de policiers le plus souvent dressés en civil. Lesquels portent un petit brassard qu’ils dévoilent parfois à la dernière seconde telle une coquetterie alors que vous vous présentez devant ce confessionnal forcé. Où quelques mètres à peine avant l’irrémédiable croisement. Et qu’il est à peu près trop tard pour éclabousser le destin de votre absence.

 

Ce matin, j’étais installé à une bonne place dans le fond du bus. Puis la conductrice est arrivée avec quelques minutes de retard. Avant de s’installer, elle s’est adressée à nous : le bus allait à peine desservir quelques stations. Elle préférait nous en informer. Je suis allé la voir. Elle m’a confirmé qu’elle s’arrêterait bien avant la gare. Elle m’a répondu qu’elle ignorait la raison de cette consigne. J’ai suggéré le mouvement des gilets jaunes. On en était à leur 25 ème samedi de manifestation. La conductrice n’en savait pas plus. Tout ce qu’elle pouvait faire, c’était nous conduire à trois ou quatre stations plus loin, ce qui correspondrait au terminus.

 

Je me suis rabattu sur le métro.

 

Ça fait des années que j’emprunte les transports en commun. Et autant d’années que je suis un usager et un citoyen en règle. Je ne prétends pas toujours à l’originalité. Les moyens de transport sont mon moyen de déplacement principal et privilégié. En plus, c’est écologique. Dans les transports en commun, je fais comme tout le monde. Je m’y suis déjà endormi quelques années plus tôt. Depuis, je me suis réveillé. Pour cela, je n’ai pas eu besoin d’être embrassé. Je regarde mon smartphone. Je lis. Je regarde les gens. Je les écoute. J’écoute de la musique. Je suis mes pensées. Parfois, j’écris. Souvent, je prends les transports en commun, seul. A de rares rencontres près de personnes que je connaissais auparavant, tous les autres autour de moi sont des inconnus qui le resteront.

Je ne suis pas vieux. Mais j’ai déjà passé une certaine partie de ma vie dans les transports en commun tout en étant incapable de dire ce que j’y appris. A part, peut-être, à obéir et me soumettre un peu plus chaque fois que je remets mon titre en jeu.

Eux aussi, peut-être, passent une bonne partie de leur temps dans les transports en commun à obéir et à se soumettre. Lorsqu’ils annoncent le programme, c’est toujours avec une politesse de surface qu’ils resservent à la chaine. On ne leur demande pas d’être original. Et il leur est impossible de l’être alors qu’ils passent au détecteur des milliers de leurs semblables. Ils produisent le plus gros de leurs efforts en dehors de ces heures de pointe qui déchargent des millions de passagers, pressés, énervés, fatigués et parfois prêts à se bousculer ou se bagarrer pour deux centimètres, un soudain contact d’haleine ou de chair,  avant d’entrer ou de sortir des « transes-pores ».

Ils sont tout autant invisibles en période de grève des transports alors que ces mêmes passagers, plus nombreux, sont encore plus stressés par la pénurie des transports assortie de temps à autre d’informations approximatives. L’alcool et le tabac tuent. La promiscuité et le stress, aussi. Mais ça ne se voit pas dans les couloirs ou à la descente du bus. Et on ne leur demande pas encore de faire des tests d’urine ou de réaliser des enquêtes sociologiques. Mais, simplement, de faire leur travail :

« Bonjour, Mesdames et messieurs, contrôle des titres de transports ! ». Peu importe qu’une majorité d’usagers parfaitement en règle soit inspectée- et ralentie- en tant que suspecte de plus en plus souvent. Peu importe qu’en multipliant les contrôles, on accroit mathématiquement la probabilité de contrôler et de sanctionner l’usager étourdi qui aura oublié son titre de transport dans ce vêtement finalement laissé – à la dernière minute- à la maison. Ça ne compte pas. Toute personne sans son titre de transport est une personne sans son titre de personne. Pardon, sans son titre de transport.

( Photo : Franck Unimon )

 

Bientôt, on n’aura plus besoin d’avoir un titre de transport. Notre téléphone portable suffira. Ce sera une grande « libération ». Mais, pour l’instant, patientons. Les tests auraient été réalisés uniquement avec des téléphones de la marque Samsung. La marque Apple, pour l’heure, n’aurait pas donné son accord. A nous de savoir choisir- et payer- la bonne marque de téléphone portable ou de tablette tactile à l’avenir. Celle qui, pourvue du meilleur réseau, nous fera franchir plus facilement les portes de validation et nous évitera le KO technique- ou la colère- en cas de contrôle.

 » Il faut savoir vivre avec son temps » dirait-on. De plus en plus, l’image chasse et remplace la pensée. Sur le ring des idées, les penseurs mondains d’hier, pourtant doués pour se montrer, deviennent des puncheurs incertains face à ces poids lourds que sont les millions de vue et de clics numériques d’aujourd’hui et de demain.

 

 

( Photo : Franck Unimon )

 

Franck Unimon, ce vendredi 24 Mai 2019.

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Croisements/ Interviews

Dans la galerie de Michel

 

 

Dans la galerie de Michel

 

 

L’ami Michel Guillet tient sa galerie d’art, au 8 avenue Trudaine, depuis quarante ans. Ses clients, simples passants, viennent de partout. Des femmes et des hommes, un jour, trouvent leur  couleur et leur forme exposée dans une  peinture ou une sculpture.

 

 

Selon Michel, le regard, c’est le passé. Cela pourrait parfois expliquer notre aveuglement devant le présent. Ainsi que la raison pour laquelle certains voudraient punir l’art. Car un art armateur de notre passé pourrait maintenir notre identité à la surface. Tandis qu’un art en service commandé la laisserait sombrer. Et un titre comme Until You Remember du groupe Tedeschi Trucks Band (album Revelator ) resterait maintenu sous les eaux par des commandos de la pensée.

 

 

Notre vie est faite de peintures fracassantes que quelques uns captivent pour quelques temps. Et celles-ci nous attendent dans une musique, quelques lettres, certaines images, parfois des moments ou des gestes dont nous sommes les aperçus.

 

 

Oeuvres des artistes André Laurenti, ITO GHO, Cécile Orsoni, Shimon Palombo….

( Photos par Franck Unimon comme la plupart des photos de ce blog)

 

Franck Unimon, lundi 21 Mai 2019.

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Moon France Musique

Un Moon France en Concert

 

 

                                                Un Moon France en concert

 

 

« Vous partez ?! » « Laisse-les, ils n’aiment pas la bonne musique…. ».

En 1984 ou 1985, au Phil One , à la Défense, nous venions d’assister au concert du groupe Apartheid Not. Le batteur, sur ses fûts électroniques, avait fait claquer des ricochets, diamants sonores, qui s’étaient incrustés dans notre ciboulot . Mais les spectateurs, en dépit de l’énergie du groupe, étaient restés impassibles. Presque boudeurs et impatients que la prestation se termine. Dans la salle, un spectateur avait même envoyé un décontracté    » No Good ! » soutenu par son accent frenchie. Enervé par l’attitude du public, un des musiciens ( peut-être celui qui était aux claviers )  avait un moment lâché quelques phrases calibrées en Anglais. Puis, en Français, il s’était adressé au public en mettant les formes.

Le concert était maintenant terminé. Nous allions sortir du Phil One pour poursuivre notre soirée quand nous avons croisé ces deux ou trois inconnus qui venaient d’arriver. A moins qu’ils ne soient sortis prendre l’air pendant le concert. Eux venaient pour danser au Phil One. A les entendre, nous n’aimions pas la bonne musique…

Lycéen, je devais être le seul mineur de notre groupe. Cette sortie nocturne était peut-être une de mes premières sorties nocturnes sans mes parents. « Notre » groupe, c’était Frédo, notre entraîneur de la section sprint du club d’athlétisme de Nanterre. Plus tard, il se marierait avec Danielle, ancienne sprinteuse d’origine martiniquaise dont il était persuadé qu’il aurait pu faire une « championne de France » si elle l’avait voulu. Danielle, athlète douée, avait pu se qualifier pour les championnats de France. Mais comme elle me l’expliqua un jour, le problème, c’était qu’elle n’aimait pas…l’athlétisme. Lors d’un de nos stages d’athlétisme, je me rappelle maintenant de Danielle nous proposant une chorégraphie, sa chorégraphie, sur le titre Flash-back du groupe Imagination. A force de réentendre ce titre- qui n’était pas mon préféré du groupe- lors de ses répétitions, j’avais fini par l’aimer.

Ce soir-là, il y’avait aussi Georges, mon aîné de deux ou trois ans et dont j’ai voulu, un temps, faire un de mes grands frères, moi qui n’en n’ai jamais eu. Georges, avant de donner la priorité à l’athlétisme et à ses études, avait été bassiste autodidacte dans un groupe de Reggae dont le meneur avait été Pascal, ancien basketteur de bon niveau, chanteur, musicien et compositeur, grand rasta « conscient » dont je croisais l’autorité plutôt intimidante au lycée Joliot-Curie. Ce qui était raccord avec Georges, dont la stature et l’attitude imposaient le respect à tout le monde dans le club d’athlétisme, entraîneurs inclus. Personne ne critiquait ou ne se moquait de Georges quels que puissent être ses résultats en compétition. Un jour, bien plus tard, on m’a raconté la blague suivante :

« Tu sais comment on appelle un Noir avec un fusil ? Monsieur ! ». J’aime beaucoup cette blague. Hé bien, disons que Georges et Pascal n’avaient pas besoin d’avoir un fusil pour qu’on les appelle « Monsieur ! ».

Georges reste à ce jour le seul Antillais que j’ai rencontré dont le nom de famille a une origine africaine évidente. Il est aujourd’hui surnommé « Big Georges » dans ce club de province où il est maintenant entraîneur depuis des années. A ce que j’ai pu lire sur le net, il avait un temps entraîné l’athlète Floria Gueï avant que celle-ci se fasse remarquer pour sa performance dorée lors du relais des championnats d’Europe d’athlétisme à Zurich en 2014.

Lors du même stage d’athlétisme où Danielle nous avait gratifié de sa prestation sur le titre Flash-back du groupe Imagination, Georges, lui, seul également, nous avait donné une danse fière et militante sur le titre Uncle George du groupe Steel Pulse en hommage à Georges Jackson, un des frères de Soledad, un temps amant d’Angela Davis et condamné à mort par la justice américaine.

Avec Georges et Frédo, avant cette soirée-là ou après elle, nous étions allés voir le groupe Touré Kunda en concert. Touré Kunda était alors un groupe qui comptait sur la scène publique.

 

En entendant que nous n’aimions pas la bonne musique, Jérome, vexé, avait voulu rattraper les deux ou trois gars : lui et moi étions dans cet âge où, à peine adultes, nous affirmions aussi nos certitudes et nos personnalités à travers nos expériences de la musique. Ni journalistes, ni musiciens et encore moins musicologues, nous étions des amateurs au sens où nous étions des explorateurs. Et non de celles et ceux qui se contentent de brouter ce que tout le monde écoute.

Jérome était un de mes meilleurs amis et aussi mon voisin du dessous de la tour 17 de la cité Fernand Léger à Nanterre. C’est dans sa chambre et grâce à sa chaîne hifi avec ses enceintes surélevées de façon étudiée que j’avais découvert pour la première fois certains artistes qui ne faisaient pas partie de mon entendement. Parmi ces artistes : Miles Davis avec l’album Star People (1983).

L’un d’entre nous avait retenu Jérome et nous étions définitivement partis. Driss était peut-être aussi avec nous ce soir-là.

Mais avant notre sortie, et alors que les musiciens avaient déja quitté la scène, dans un Phil One encore à peu près vide, j’avais entendu pour la première fois ces quelques accords de guitare semi-acoustique, cette voix éraillée (décrite plus tard par Jocelyne Béroard, je crois, comme « blues et macho ») et cette musique qui disaient :

« An Nou Ay ! ».

 

C’est sur le titre Zouk-la-Sé-Sel-Medikaman-Nou-Ni que nous avions quitté le Phil One. Et ce fut la seule fois où je connus le Phil One. J’appris beaucoup plus tard, après sa fermeture, que le Phil One, situé dans le centre commercial des Quatre Temps de la Défense, était alors une boite de nuit réputée.

Néanmoins, cette « première » expérience de  Kassav’  suffit à me remettre dans les starting-blocks de la musique antillaise. Car cette expérience musicale de Kassav’ allait connaître des suites pendant mes vacances en Guadeloupe.

J’avais déja entendu la voix de Jacob Desvarieux sur les titres Oh Madiana  et Zonbi  mais, ce soir-là au Phil One,  je n’avais pas fait le rapprochement.

Avant Kassav’, pour moi, la musique antillaise, c’était une musique dont la basse faisait boom-boom-, boom-boom-, boom-boom-, boom-boom, dans les enceintes avec la gravité d’un éléphant répétant les mêmes pas. Pendant des heures. Alors que je faisais banquette dans les multiples soirées antillaises où nous emmenaient nos parents, j’entendais cette basse qui revenait en étant toujours ou souvent la même. Et les gens dansaient, s’amusaient, rigolaient et quelques fois se disputaient et se battaient. Or, mon oreille, à la maison, s’était habituée de façon préférentielle au Reggae. Tandis que dehors, avec les copains, avec le Reggae, c’était plutôt le Funk, la Soul et le Jazz-Rock qui nous conditionnaient.

Plus que les titres Yélélé, Tim-Tim- Bwa Sek , Kavalié O Dam ou Gorée (que j’aime beaucoup) dont le but est de « rappeler » aux Moon France ( ou Moun Frans si on préfère) leur « Histoire » et leurs « racines », la façon dont Kassav’ a opéré la musique antillaise et l’a faite grandir en l’ouvrant m’a réconcilié avec la musique de « mon » pays. Même si j’ai bien-sûr aimé beaucoup de tubes antillais de l’époque d’avant Kassav’ et réécouterais avec plaisir un certain nombre d’entre eux. Que l’on parle du Kompa, genre musical dominateur aux Antilles avant l’éruption du zouk pour moi représentée par Kassav’, ou de toute autre forme d’expression musicale alors en lice en Guadeloupe.

 

Avec Miles Davis, Me’Shell Ndégéocello, Björk et Brain Damage, le groupe Kassav’ est le seul groupe ou artiste musical que je sois allé « voir » et écouter au moins trois fois en concert. A Basse Terre, en Guadeloupe. Au parc de l’ancienne mairie à Nanterre. A Argenteuil. Et, depuis ce 11 Mai 2019, à la salle de concert Arena à la Défense où je me rendais pour la première fois avec ma compagne.

On rappelle parfois que Kassav’ a fait un titre avec Stevie Wonder. Pour l’instant, lorsque je l’écoute, ce titre, hormis pour le caractère prestigieux de la collaboration qui a permis sa création, me touche peu : je considère que sur ce titre Stevie Wonder et/ou Kassav’ est ou sont peu inspiré(s).

Par contre, deux ans avant sa mort en 1991, Miles sortait l’album Amandla sur lequel se trouve le titre Catembé . En écoutant ce titre, il ne faut pas s’attendre à un morceau fait pour zouker en boite de nuit ou dans sa voiture. Mais comme Miles l’avait fait pour le titre Don’t Lose your mind sur son album Tutu ( en 1986) en s’inspirant ( Merci à Pascal de me l’avoir appris !) de la rythmique basse-batterie du tandem Robbie Shakeaspeare & Sly Dunbar, ultimatum Reggae et Dub, de diverses formations ( dont le groupe Black Uhuru un moment envisagé avant son implosion comme une des relèves possibles de Bob Marley ), je sais pour l’avoir lu que Miles s’était inspiré du zouk , et en particulier de celui promu par Kassav’, pour son titre Catembé. Je me rappelle d’une interview où Miles s’était plu à faire la leçon à un journaliste ( sans doute blanc ) en lui demandant s’il connaissait cette musique qui venait des Antilles : le Zouk.

 

 

Entre mon tout premier concert de Miles Davis où je m’étais rendu seul, en 1987 au Palais des Sports à la Porte de Versailles, et celui de Kassav’ il y’a quelques jours, trente deux ans sont passés. Kassav’ existe officiellement depuis quarante ans.

Quarante ans d’existence. Quarante mille spectateurs.

 

Au Stade de France en 2009, ils étaient 65 000. Mais j’ai entendu parler d’un concert en Côte-d’Ivoire où ils étaient 100 000 spectateurs. Je me rappelle que le Zouk répandu en Afrique par Kassav’ avait par exemple déteint sur les chansons d’une artiste comme Monique Séka, artiste ivoirienne décrite sur sa page wikipédia comme étant une  » chanteuse…Afro-zouk de la Côte d’Ivoire ». Béa, une de mes amies, vient de m’apprendre que Kassav’ s’est même produit en concert sur l’île de Gorée, au Sénégal. Des neveux de son mari étaient présents à ce concert mémorable. Et ils  » en parlent jusqu’à ce jour ». Cette même amie ajoute ( je la cite) :

 » J’étais à une communion africaine dimanche ( Sénégal/ Cap Vert). Ils ont mis 1h de Kassav’ en l’honneur du 40ème anniv. Le feu dans la salle ! ».

Kassav’ est aussi allé se faire connaître sur d’autres continents. Arrivés à un certain niveau, les artistes, musiciens ou autres, dépassent les frontières, vont à la rencontre des autres, s’écoutent et s’inspirent les uns des autres. Et le groupe Apartheid Not, aujourd’hui disparu et oublié depuis des années ou pas loin de l’être, et  cité en préambule de cet article, représentait indiscutablement -avec tant d’autres artistes –  cette ouverture d’esprit. On serait étonné d’apprendre ce que tel artiste reconnu et réputé dans tel genre de musique écoute par ailleurs comme style de musique. On serait aussi très étonné d’apprendre que tel artiste de telle « école » ou de tel  » courant » est très ami avec tel autre artiste a priori totalement étranger, voire opposé, à son univers et son langage. La complémentarité permet la créativité. Mais pour cela, il faut d’abord réussir à s’accorder.

 

D’ailleurs, au début, je m’étais fermé à l’idée d’aller à ce concert de Kassav’ ce samedi 11 Mai 2019. La salle était trop grande pour moi. Ouverte le 19 octobre 2017 avec un concert des Rolling Stones, la salle de concert Paris La Défense Arena était, à ce que j’avais entendu dire, plus grande que celle du Palais Omnisports de Bercy rebaptisée AccorHotels Arena ou Bercy Arena depuis 2015 après sa rénovation. Bercy Arena, pourvue de 20 300 places selon wikipédia, m’avait laissé un souvenir mitigé en tant que spectateur. Je préfère les salles intimistes de  la taille de la Cigale, L’Elysée Montmartre, le Bataclan ou plus petites. La salle du Zénith étant mon maximum pour une salle couverte et fermée. Alors qu’en extérieur, j’ai pu me rendre avec plaisir à un festival comme Rock en Seine.

Concernant ce concert du 11 Mai dernier,  j’ai aussi d’abord refusé d’aller voir Kassav’ car je les avais  » déjà vus en concert ». Et leurs dernières productions me happent moins « qu’avant ». Lorsque Kassav’, à l’époque où Patrick St Eloi, Georges Décimus et tous les autres étaient ensemble, était ce « cyclone » musical et que les autres artistes évitaient de sortir leur album en même temps que le « nouveau » Kassav’. Même si, par ailleurs, j’aime des titres assez récents tels que Tonbé Leta.

 

Et puis, j’ai appris que ce serait la dernière tournée de Kassav’. Même s’ils auraient déjà dit ça. Mais ils prenaient de l’âge quand même alors il fallait être réaliste. Et puis, la salle de concert  la Défense Arena, c’était aussi revenir à Nanterre, la ville de mes 17 premières années. Près du centre commercial les Quatre Temps dont l’ouverture en 1981 avait été un événement en même temps qu’un aimant pour mon adolescence et celle de bien d’autres jeunes de mon âge et des environs. Les Quatre Temps nous avaient aussi apporté les premiers Mc Do. Les premiers Quick. Restauration qu’aujourd’hui je fuis autant que possible. C’était avant la grande Arche. A l’époque du Rubik’s Cube.

Kassav’ en concert, pour leurs quarante ans, c’était donc voir notre vie défiler. Au milieu d’un public fidélisé, âgé d’une vingtaine d’années à plus de soixante ans, majoritairement noir, qui reprend en dansant les paroles de tubes dont la majorité datait des années 80 et 90.

A les voir, les « anciens », Jocelyne Béroard, Jean-Philippe Marthély, Jean-Claude Naimro, Jacob Desvarieux, Georges Décimus avec les nouveaux et plus ou moins nouveaux, en parfait accord avec le public, arrêter le temps, célébrer chaque instant, semblait plus que facile. Il n’y’avait qu’à se laisser aller. Pourtant, alors qu’on les distinguait sur les grands écrans de la taille de leur succès et qu’on les voyait prendre- et donner- tout ce plaisir en plein dans le mille, je me suis dit que, d’un point de vue personnel, ce groupe en avait connu des traversées pour arriver jusque là. Je « crois » que pour sa carrière, Jocelyne Béroard a renoncé à être mère et peut-être à une vie de couple. Desvarieux s’est séparé au moins d’une mère de ses enfants.

Et puis, économiquement et artistiquement, Kassav’ fait partie des rescapés. Plusieurs années auparavant, le producteur et chanteur Henri Debs avait expliqué qu’il connaissait deux sortes d’artistes : Les « ADC », artistes à durée courte et les autres, les « ADL », les artistes à durée longue. En écoutant Henri Debs, j’avais retenu qu’un ADL devait sa longévité à son travail et à ses dons. Pourtant, un artiste, même s’il est « bon » ou « très bon » peut avoir beaucoup de mal à « percer ». Tout artiste a besoin d’une certaine réussite économique pour continuer. Or, depuis les débuts de Kassav’ en tant que groupe en 1979, l’industrie du disque et de la musique a changé. Un prof de guitare basse et musicien professionnel, Grégory Martin, a expliqué ça quelques heures plus tôt à cette conférence où je me trouvais avant le concert.

Aujourd’hui, les maisons de disque pressent les artistes pour « produire » comme des poules pondeuses en batterie. Les artistes se doivent de sortir rapidement des tubes et si possible avec des machines qui remplacent les musiciens. Pas de temps ou très peu de temps est laissé aux artistes pour explorer et peaufiner un album. Et lorsqu’il s’agit de faire des concerts, on leur dit que moins ils sont, mieux c’est. Pour réduire les coûts. Il faut être rentable. Conclusion : si aujourd’hui un groupe comme Kassav’, avec autant de musiciens, démarrait sa carrière, il s’effondrerait probablement avant ses quarante ans de carrière.

A l’avenir, quel que soit le genre musical, nous rencontrerons de moins en moins d’artistes capables d’une telle longévité. Il peut y avoir si peu de différence entre celles et ceux qui se noient et les autres qui se déploient et, cela, quelle que soit l’étendue du génie, du talent, du « mérite », du travail et des sacrifices. Pour ces raisons, et d’autres que j’ignore, j’ai beaucoup aimé ce concert. Je n’ai regretté aucun des près de cent euros déboursés pour les deux places et le parking. Même si le réglage du son aurait pu être un peu plus soigneux. Mais il aurait pu être pire.

J’aurais aimé que Kassav’ nous fasse profiter des très bons musiciens qu’ils sont en allant plus souvent dans « l’instrumental » comme lorsque Jean-Claude Naimro s’est avancé avec son clavier portatif pour ce titre que je connais moins que les autres. Avec des titres plus récents tels que Tonbé Leta. Ou en reprenant par exemple un titre comme ZONGONN.

Lorsque j’avais écouté ZONGONN pour la première fois ( album de Jacob Desvarieux et Georges Décimus de 1986) je l’avais négligé au profit de titres comme GOREE, Ki NON A MANMANW, MWEN ENVI OU. C’est en l’écoutant en soirée antillaise et en voyant l’engouement qu’il provoquait que je m’étais aperçu de mon erreur « d’oreille ».

J’aurais aimé entendre SOUSKAY. Mais comme me l’a rappelé une collègue aussi présente au concert, le palmarès de Kassav’ est si conséquent qu’il leur était impossible de tout jouer. Les très bons artistes, celles et ceux auxquels on est très attaché et qui nous ont souvent habitué au meilleur, nous rendent parfois très exigeants. Voire trop.

L’Historique groupe Kassav’ nous a bien bordé samedi soir. Chacun portera dans sa mémoire plusieurs moments de ce concert. Pour moi, il y a eu la ligne de basse en introduction de Georges Décimus sur Sé PA DJEN DJEN. Une ligne de basse  qu’il a réintroduite en avant-scène près d’un Jean-Philippe Marthély soufflé à la fin de l’interprétation. Il y’a eu le « La Kour Trankil Mé La Kour Pa Dosil ! » de Jocelyne Béroard suivi d’un « Yékrik » d’alpiniste. Il y a eu le solo silex de Jacob Desvarieux sur Tim-Tim-Bwa-Sek. Il y a eu l’hommage à Patrick St Eloi avec des photos de celui-ci, seul ou avec Jean-Philippe Marthély, époque années 80-90. Il y ‘a eu le solo par le trio batterie et percussion. Et bien-sûr, le final avec Zouk La Sé Sel Medikaman Nou Ni. Pour moi, Zouk La Sé Sel Medikamen Nou Ni est l’équivalent d’un titre inusable comme le Sex Machine de James Brown. Même lorsque le sable nous recouvrira tous, nous qui étions à ce concert, il se trouvera encore des gens pour l’aimer et danser dessus. Et nous avec eux. Peut-être.

Franck Unimon, ce mercredi 15 Mai 2019.

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Digressions à partir de la série documentaire Paris 8, la fac Hip Hop de Pascal Tessaud

 

 

Digressions à partir de la série documentaire Paris 8, la Fac Hip Hop de Pascal Tessaud

 

On peut être une des pièces du puzzle de l’underground. Tout en l’ignorant.

 

La télé était encore la frontière principale la plus visible de nos vies. En la franchissant, nous apprenions ce que nous devions savoir du monde mais aussi ce dont nous devions nous rappeler. Ainsi, en France, cinquième Puissance Mondiale, les numéros 1 officiels de la chanson s’appelaient Julien Clerc, Gérard Lenorman, Michel Sardou, Alain Souchon, Claude François, Mireille Matthieu, Dalida, Johnny Halliday et d’autres que notre mémoire encourage encore. Et pardonne. C’était avant l’émission The Voice avec les jurés actuels Julien Clerc, Jennifer, Mika et Soprano. C’était un ou deux ans avant l’enracinement de l’événement télévisuel de la série Dallas dans le monde( au moins en occident), en France mais aussi aux Antilles françaises. Avant qu’en Guadeloupe, les paroles d’une chanson dise :

« Sue Ellen Ka Bwè Whisky, Dallas ! » (« Sue Ellen boit du whisky, Dallas ! ».

C’était avant qu’au Sénégal, Youssou N’Dour, dans une de ses chansons, n’évoque les bouleversements sociologiques entraînés par la télé et cette « fameuse émission » qu’était…Dallas ! Avant que Youssou N’Dour, encore, fasse son tube Seven Seconds avec Neneh Cherry.

 

Il était néanmoins des circonstances où même enceinte des éclats de notre quotidien, la télé demeurait dans son enclos ou à quai. Eteinte ou provisoirement quittée.

Cette nuit-là, nous nous étions passés de ses étreintes. Dans l’appartement HLM où nous étions, à Colombes, à quelques minutes à pied de l’hôpital Louis Mourier. Chez des parents, les chansons et les musiques des numéros 1 officiels de la télé française avaient disparu, dissociées des tubes des numéros 1 du moment de la musique antillaise. Nous étions sans doute tous réunis pour un baptême ou une communion. D’un côté, en journée et durant la semaine, la tradition catholique et la langue française, héritages mentaux autant que coloniaux et culturels dominés par la couleur blanche. De l’autre, « entre nous », cette nuit-là comme pour d’autres, la musique  » noire », la danse, le créole, la nourriture et les « pays » de reco-naissance et d’origine redevenaient les sillons d’autres histoires, d’autres corps et d’autres visages absents de la télé – et du cinéma- que nous regardions. Et gardions.

Cette nuit-là, ces considérations m’étaient des langues étrangères que je parlais couramment. Mais je me rappelle du trou noir sonore soudainement produit par le Rapper’s Delight de Sugarhill Gang lors de la soirée. Plus rien d’autre n’existait à part lui. Hormis bien-sûr les silhouettes se glissant dans les fuseaux horaires de sa basse et de sa diction. C’est le seul titre de cette soirée dont je me rappelle quarante ans plus tard. Sans doute parce-que, « Premier » tube mondial de Rap en 1979, Rapper’s Delight a été tellement diffusé qu’il a – comme la plupart des tubes- monopolisé la mémoire et l’attention au détriment de beaucoup d’autres titres et artistes du moment. Mais peut-être aussi parce-que certains titres et tubes sont, plus que d’autres, les branchies sonores qui marquent, épaississent et espacent certains moments de nos vies.

Après Rapper’s Delight de Sugarhill Gang en 1979, le second tube Rap « mondial » (en occident) à marquer la planète fut The Message de Grandmaster Flash en 1982. Il y’a aussi eu l’album Planet Rock d’Afrika Bambaataa mais là, on entrait déjà dans le mouvement Hip-Hop qui, je crois, parlait davantage à quelques connaisseurs. Je « connais » Afrika Bambaataa parce qu’il a été médiatisé. Mais c’est assez relatif. Quant au Dj Kool Herc, moins connu (du grand public dont j’étais et je reste)  je le cite d’après mes recherches. Et aussi parce qu’il fait partie des figures importantes du mouvement Hip-Hop.

Puis, question « tubes » mondiaux dans la sphère Rap/Hip-Hop, allaient suivre The Crown de Stevie Wonder et Gary Bird en 1983. Mais aussi le titre Rock it de Herbie Hancock.

Avec Rapper’s Delight, The Message, la personnalité d’Afrika Bambaataa, les titres The Crown et Rock it (ou voire le tube Last Night A DJ Saved my Life en 1982 du groupe Indeep), je me concentre ici sur ce que mes souvenirs me rendent de l’engouement que ces titres avaient pu susciter au moins en région parisienne à leur sortie dans les années 80. Le titre Rock it, par exemple, avait plus tard servi comme musique lors d’une des attractions du Futuroscope de Poitiers inauguré en 1987.

Mais dans les années 80, à part l’émission Hip Hop, proposée et animée les dimanches par Sidney Duteil à partir de 1984, le mouvement Hip Hop et la musique Rap -ainsi que la couleur d’une manière générale- peinent à entrer dans les mœurs de la chanson, de la télé comme dans les réalisations cinématographiques françaises. Et ce, malgré la marche des Beurs en 1983.

Il y a bien-sûr des exceptions : l’humoriste Pascal Légitimus avec les Inconnus ; le chanteur Karim Kacel ; le groupe Carte de Séjour de Rachid Taha ; La Compagnie Créole ; l’acteur Greg Germain dans Médecins de nuit. Farid Chopel. Des artistes extérieurs à l’univers du mouvement Hip-Hop et Rap. Pascal Légitimus , par exemple, a fait plusieurs parodies de Rap avec ses acolytes Bourdon et Campan qui sont devenus des tubes en France (Auteuil, Neuilly, Passy pour citer un titre). Un groupe comme Chagrin d’Amour avec son tube Chacun fait c’qui lui plait (en 1981) s’inspire aussi du Rap. Mais dans les arcanes officielles de la société française- ainsi que dans sa télévision- le mouvement Hip/Hop et le Rap ne prennent pas dans un premier temps dans les années 80. On pense à une mode. J’ai pensé à une mode.

Des genres musicaux comme la new wave et la « techno » se sont aussi étendus dans les années 80 aux côtés de groupes plus ou moins pop-rock en ce sens qu’ils concilient une certaine mélodie et quelques riffs dansants et insistants. Et ils marchent bien. Depeche Mode. Soft Cell. Duran Duran. Talk-Talk. Tears for fear. INXS. Frankie Goes to Hollywood. Bronski Beat. Ou Police dans un registre punk-Reggae. Culture Club. Simply Red. UB40. Madonna….

Après avoir connu un acmé à la fin des années 70 avec AC/DC en particulier, le crépitement        « Hard-Rock » donne un de ses derniers tubes avec le  Still Loving You du groupe Scorpions en 1984. U2 marque les esprits avec son album War (1983). Michaël Jackson est alors sûrement le meilleur « compromis » pour fédérer pacifiquement non-blancs et blancs autour d’une même musique (son album Thriller sort en 1982) et dans une même salle de concert.

La vibe reggae perd peu à peu son meilleur VRP international avec la mort de Bob Marley en 1981. Même si Jimmy Cliff en 1983 nous est « présenté » comme le nouveau « roi » du Reggae avec son tube Reggae Night. Indirectement, Michaël Jackson récupère peut-être une partie du public « one love » de Bob Marley.

Les années 80 en France, c’est aussi Taxi Girl, Mylène Farmer, Etienne Daho, Alain Bashung. « Encore » Serge Gainsbourg. Vanessa Paradis. Florent Pagny. Renaud. Indochine. Telephone. Patrick Bruel. France Gall et Michel Berger. Daniel Balavoine. Eddy Mitchell. Laurent Voulzy. Jane Birkin. Lio. Chantal Goya. Richard Gotainer. Enrico Macias. Hervé Vilar. Christophe. Patricia Kaas. Francis Cabrel. Jean-Jacques Goldmann. Jeanne Mas.

Les années 80, c’est aussi les  » années Sida »( bien que celui-ci, aujourd’hui, soit toujours présent). Le chômage et le Sida. L’épidémie Sida est officialisée et médiatisée. A la télé, impossible de nous dire comment tout a commencé mais on nous explique d’abord que le Sida touche plutôt les homosexuels et les Haïtiens. Sous-entendu :  » la lie de l’humanité ». C’est en tout cas ce que j’ai retenu à l’époque. J’ai oublié, si, dans le lot, on nous parlait aussi des prostitué(es) et des toxicomanes.  La tragédie- et le scandale politique- du  » sang contaminé » qui touchera et tuera des hémophiles et des hétérosexuels « bien sous tous rapports » arrivera après.

Les années 80, c’est encore le bloc Est/Ouest. La fin de l’URSS va arriver à la fin de la décennie. Bientôt, le mur de Berlin va tomber.

Bien-sûr, tout cela, c’est avant l’ère internet telle qu’on la connait maintenant. Avant la généralisation d’internet, des réseaux sociaux et de la téléphonie mobile.

Mais on reste extérieur au mouvement Hip/Hop et Rap et celui-ci semble alors avoir expiré en France.

La série documentaire Paris 8, la Fac Hip Hop de Pascal Tessaud actuellement disponible sur Arte jusqu’au 7 avril 2022 nous démontre le contraire en dix volets. Dix volets d’une durée moyenne de 7-8 minutes chacun qui nous raconte le prolongement du mouvement Hip Hop en banlieue parisienne dans les années 90 après sa mise à feu dans les années 70-80.

Pascal Tessaud a réalisé le long métrage Brooklyn en 2014. Film auto-produit également consacré au milieu Hip Hop et Rap et présenté au festival de Cannes dans la sélection Acid.  Avant Brooklyn, entre 2002 et 2012, Pascal Tessaud avait auparavant réalisé quatre courts-métrages : Noctambules, L’été de Noura, Faciès, La Ville Lumière . Mais aussi le documentaire Slam, ce qui nous brûle ( 2007). En 2009, il a aussi écrit un livre : Paul Carpita, cinéaste franc-tireur. Cette présentation est un résumé pour introduire le fait que Pascal Tessaud a une culture Hip Hop/ Rap  et cinéma. Toute culture repose sur la production et l’expression ( ou l’émergence) à un moment ou un autre de réflexions sur le monde distribuées par certaines énergies.

La série Paris 8, la Fac Hip Hop relaie ces énergies et ces réflexions.

Aujourd’hui, en 2019, beaucoup de personnes écoutent du Rap. C’est devenu la norme (ou « mainstream »). Il se trouvera bien des personnes qui s’en détournent ou qui expliqueront avoir arrêté d’en écouter. Mais il sera impossible à ces personnes, en France, si elles sont un peu curieuses et « regardent » les média disponibles, d’ignorer totalement quelqu’un parmi les noms d’Orelsan, Eddy de Pretto, PNL, Booba, Kaaris, NTM, IAM, Jul et d’autres. Comme il sera tout à fait possible à beaucoup d’autres, aujourd’hui, de se rendre au concert d’un ou de plusieurs de ces artistes de Rap et de bien d’autres (français ou américains en majorité) alors que cette action était plutôt réservée à une certaine frange au moins de la population et de la société française dans les années 90. Pour des questions de réputation et de fréquentations. Mais aussi pour des questions de « goût » musical et culturel.

En écoutant le premier album Lost& Found (2018) de la chanteuse plus que prometteuse Jorja Smith, on trouve par exemple le titre Lifeboats ( Freestyle). Un titre indiscutablement adossé à un esprit Rap. Sauf qu’en 1990-1991, époque sur laquelle se concentre la série documentaire de Pascal Tessaud, Jorja Smith n’était…pas née.

Un artiste mondialement connu comme Will.i.am fondateur du groupe Black Eyed Peas et co-compositeur (avec David Guetta et Fred Rister) du tube I Gotta Feeling (2009) vendu à des millions d’exemplaires –  et sur lequel a eu lieu le premier Flashmob lors d’une émission d’Oprah Winfrey-  est originellement un Rappeur. Et même Prince, de son vivant, avait versé dans le Rap (réécouter son titre Get off ou, simplement, son tube Sign O The Times en 1987). Mais nous citons ici des artistes mondialement connus (pour Will.i.am et Prince) alors que le propos de Pascal Tessaud est de démontrer que le Hip Hop et le Rap ont été des moyens d’existence et d’expression pour une certaine jeunesse ignorée – ou recalée- des standards de réussite de la société française.

La personnalité de Georges Lapassade se doit d’être nommée. Tant elle est centrale dans la série documentaire ainsi que dans cette initiative d’avoir voulu faire de l’université de Paris 8 située à St-Denis (en banlieue parisienne) une fac Hip-Hop dans les années 90. Lapassade rappelle ces adultes influents (dans tous les sens du terme) qui savent aborder des jeunes pas forcément faciles d’accès. Lapassade rappelle ces adultes établis et reconnus socialement, pourvus d’une certaine autorité, qui savent parler à des jeunes, les valoriser, les « canaliser » et leur donner des moyens pour croire en eux afin de passer de l’adolescence à l’âge adulte. Il manque de tels passeurs dans nos sociétés «modernes » par volonté politique, ignorance….ou lâcheté. Désormais, lorsque l’on entend parler de « passeurs », le plus souvent, c’est pour nous parler de celles et ceux qui escroquent les migrants qui tentent de fuir leur pays afin de survivre.

Le rôle de « passeur » de Lapassade, ici, et de celles et ceux qui ont été ses collègues  -voire ses     « subordonnés » adultes- a bien-sûr été plus proche de celui d’éducateurs. Cela est bien montré dans la série documentaire Paris 8, la Fac Hip-Hop au moyen des archives que Pascal Tessaud a pu récupérer (dix pour cent d’entre elles car les 90 pour cent restantes avaient été détruites !) ou l’on peut apercevoir quelques fois un jeune Mc Solaar, un jeune Ménélik mais aussi un jeune Joey Starr.

Au travers d’interviews, différents acteurs ( tant du côté des anciens professeurs que des rappeurs et des jeunes artistes de cette époque) acceptent de revenir sur cette dynamique :

Cristina Lopes, Juan Massenya, Pascale Obolo, Menelik, Sear (fondateur de Getz Busy), Madj      ( ex-responsable d’Assassin Productions), M’widi ( rappeur au coude à coude dans les années 90 avec Mc Solaar pour sortir un premier album ), Mode 2 ( graffeur), Menelik, Banga, King Bobo, Swen ( de NTM), Driver, Mc Solaar, le fils de Desdemone Bardin et d’autres.

J’aurais aimé que le documentaire nous en dise davantage sur les répercussions du conflit entre Lapassade et Desdemone Bardin. Car on a l’impression que cette rupture entre ces deux «éminences » a peu pesé sur l’aventure fac Hip-Hop alors que ça a dû être le cas.

J’ai beaucoup aimé le spécial portrait( Le Prince du Mic)  sur le Rappeur M’Widi que j’ai découvert. A travers lui, et son intelligente autocritique, c’est le parcours de tous ces artistes ou autres qui « ratent » une carrière que l’on voit. Même si l’avis des ex-Ladies Night nuance cette vision. Lorsqu’elles disent qu’elles n’étaient pas « malléables » et qu’elles n’auraient pas pu être « Un Girl Band ». Ce qui m’a rappelé que Mc Solaar ( et aussi IAM) avaient d’abord mieux marché et été plus acceptés que NTM ( alors appelé le Suprême NTM ) aussi parce qu’ils passaient «mieux » et étaient plus « fréquentables ». NTM avait pu reprocher à Solaar son côté  « premier de la classe » pour ne pas dire « fayot ». Mais ce serait beaucoup sous-estimer la valeur artistique et culturelle d’IAM et de MC Solaar en retenant uniquement le fait qu’ils étaient… »plus fréquentables ». Disons que ça compte- aussi- dans une vie et dans une carrière de savoir/pouvoir se rendre fréquentable devant les  « bonnes » personnes : celles qui peuvent nous ouvrir des portes.

Plus « présentable », en 1998, Mc Solaar avait ainsi fait partie du jury du festival de Cannes présidé par Martin Scorsese. En 1998, il aurait fallu avoir de puissants dons de voyance pour envisager NTM dans le jury du festival de Cannes. Joey Starr et Kool Shen sont entrés dans les mœurs plus tard. Aujourd’hui, Joey Starr est un acteur recherché. Même Kool Shen a tâté du cinéma en tant qu’acteur. Et, je me rappelle aujourd’hui de l’air satisfait de la consoeur journaliste croisée dans un ascenseur au festival de Cannes alors qu’elle m’avait répondu qu’elle allait interviewer…Joey Starr. Pour son rôle dans le film Polisse de Maïwenn. C’était en 2011. Pour ma consoeur journaliste, interviewer Joey Starr, c’était comme faire partie du carré VIP des journalistes.  Mais l’attaché de presse qui s’occupait du film Polisse ( dont Joey Starr était un des acteurs) était fâché avec le mensuel dont j’étais un des journalistes : le mensuel de cinéma Brazil.

Devant ma « consoeur » journaliste en apesanteur, j’avais donné le change. Mais je m’étais senti un peu puni en étant « privé » de Joey Starr. J’étais parti interviewer Valérie Donzelli pour son film La Guerre est déclarée.

Entre 1998, année où Mc Solaar avait fait partie du jury du festival de Cannes ( l’année de L’éternité et un jour de Theo Angelopoulos, de La Vie est belle de Roberto Begnini, de La Vie rêvée des anges d’Eric Zonca, de Festen de Thomas Vinterberg mais aussi de Slam de Marc Levin ) où l’équipe de France de Football black-blanche-beure était devenue championne du Monde pour la première fois de son Histoire, et 2011, la radicalité de NTM a été profitable.

Grâce aussi à certaines rencontres ( Chabat et son documentaire Authentiques NTM : Un An avec le Suprême NTM co-réalisé en 2000 avec Sear de Get Busy ; Béatrice Dalle etc….) et à leurs bons choix. Comme pour toute carrière et pour tout parcours.

Concernant l’époque traitée ( 1990-1991) dans le documentaire Paris 8, la Fac Hip Hop, je crois que ça aurait été mieux de ne pas mettre la vignette dans le générique de fin où Lapassade est qualifié de « traitre ». Les divers témoignages dans le documentaire nous font suffisamment comprendre que Lapassade était aussi mégalo et opportuniste : Il y a ce passage où il dit/dicte au jeune Mc Solaar qu’il est là pour rapper. Et non pour tagguer. En Italie, Lapassade se sert des jeunes rappeurs qu’il a emmenés (dont Mc Solaar et Menelik, pour les plus connus par la suite ) pour faire sa révolution à l’image d’une espèce de Che Guevera « zoulou » du troisième âge un peu pathétique. On comprend  grâce aux témoignages que Lapassade a voulu faire du Hip Hop son trône. Et qu’il l’a chèrement payé à la fin. Avec sa mise au rebut, sa retraite forcée. Sa solitude. Pour cela, je suis très touché par la reconnaissance du rappeur M’Widi et de Swen ( ex-NTM) envers Lapassade. Celui-ci avait néanmoins ouvert ou entrouvert des portes.

J’aurais bien sûr aimé avoir profité des cours d’Anglais de Desdemone Bardin au moyen des textes de Rap américains qu’elle décryptait. Cela m’aurait sûrement plus parlé que certaines lectures et devoirs de version plutôt classiques et assez scolaires que j’ai eu à faire lors de mes courtes études d’Anglais à la fac de Nanterre entre….1989 et 1992.

L’intervention rétrospective de Mc Solaar sur ce passé est très classe. C’est dommage que sa carrière, aujourd’hui, laisse moins transparaître toute cette classe.

Pour conclure, le documentaire A Voix Haute-La Force de la Parole réalisé en 2016 dans la même fac de St-Denis par Stéphane de Freitas et Ladj Ly semble une extension de cette époque et un complément du documentaire de Pascal Tessaud, Paris 8, la Fac Hip Hop.

Franck Unimon, ce mardi 7 Mai 2019.

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Franck Unimon, ce lundi 6 Mai 2019.