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Nomadland-un film de Chloé Zhao

 

Nomadland un film de Chloé Zhao

 

 

Nous nous accrochons Ă  des dĂ©cors. S’ils nous sont familiers, ils ne sont pas lĂ  pour ĂȘtre apprivoisĂ©s. Car ils sont carnivores et nous dĂ©vorent.

 

Le lundi est un dĂ©cor bien connu. C’est le premier jour de la semaine. Celui par lequel tout commence. La dĂ©prime ou l’enthousiasme. L’échine ou les miasmes.

 

Commencer une semaine, par la premiĂšre sĂ©ance de cinĂ©ma, celle de 8h05, par Nomadland de ChloĂ© Zhao, j’ai dĂ» le mĂ©riter. Peut-ĂȘtre parce-que la semaine derniĂšre, j’ai osĂ© prĂ©fĂ©rer aller regarder Black Widow, un film de super-hĂ©ros, une grosse production hollywoodienne.

 

Ce lundi, c’était tout Ă  l’heure, j’étais seul dans la salle. Dehors, il faisait gris, un peu frais et il pleuvait. Cela avait un peu dĂ©sespĂ©rĂ© une de mes collĂšgues de ce matin :

 

« Un mois de juillet, sans soleil ! On se croirait en Novembre ! Â».

 

Mon collĂšgue de nuit avait essayĂ© de la dĂ©samorcer en lui disant : « La pluie, c’est bon pour les tomates ! Â».

 

J’avais Ă©tĂ© content de pouvoir dire qu’aprĂšs le travail, j’allais me rendre au cinĂ©ma. C’est peut-ĂȘtre pour ça que j’ai Ă©tĂ© puni en allant voir Nomadland. Ce qui n’était pas prĂ©vu, au dĂ©part.

 

 Les film Teddy et Sound of Metal  Ă©tant indisponibles, je me suis rabattu sur Nomadland dont j’avais entendu dire beaucoup de bien Ă  sa sortie il y a plusieurs semaines. Je n’étais pas – encore- tentĂ© par Sans un Bruit 2. J’ai hĂ©sitĂ© un peu en faveur de Benedetta de Verhoeven avec l’actrice Virginie Efira.  J’aime, sous sa fadeur apparente (il y a des actrices et des blondes plus attrayantes) la             Â« rapacitĂ© Â» de son jeu.

 

Mais j’ai optĂ© pour Nomadland dont j’avais oubliĂ© l’histoire. De toute façon, j’aime en savoir le moins possible sur un film avant de le voir. J’avais mĂȘme oubliĂ© que Zhao avait obtenu l’Oscar du meilleur film et de la meilleure rĂ©alisatrice en 2021 avec Nomadland. J’en Ă©tais restĂ© au prix qu’elle avait obtenu Ă  la Mostra de Venise en 2020.

 

L’actrice Frances McDormand, dans le rĂŽle de Fern.

 

 J’avais vu et aimĂ© le prĂ©cĂ©dent film de Zhao, The Rider. C’est surtout ça qui m’a dĂ©cidĂ© Ă  aller voir Nomadland. J’avais aussi oubliĂ© que l’actrice Frances McDormand, que j’aime voir jouer, occupait le rĂŽle principal.

 

On a sans doute, en parlant de Nomadland, fait des comparaisons avec l’Ɠuvre Sur la Route de Jack Kerouac ou avec le film Into The Wild adaptĂ© au cinĂ©ma par Sean Penn.

 

Il y a sans doute de ça dans Nomadland. Mais, pour moi, ce film est un alcool fort sans l’ivresse. MalgrĂ© son titre, le film nous laisse sur le bord de la route. D’accord, on y roule beaucoup et c’est bien sĂ»r mieux que de vivre parquĂ© sans perspectives dans un hĂŽpital ou ailleurs. Mais ce sont des rĂȘves brisĂ©s qui roulent. Celles et ceux dont les dĂ©cors de vie se sont plantĂ©s un jour ou l’autre. Pour raisons Ă©conomiques. Pour raisons de santĂ©. Pour cause de deuil. Pour cause de stress post-traumatique. A partir de lĂ , le scĂ©nario de la vie normale faite de sĂ©dentaritĂ©, d’emploi en CDI et de rĂ©ussite matĂ©rielle s’est arrĂȘtĂ© pour eux. Le rĂȘve amĂ©ricain prend bien-sĂ»r une trempe supplĂ©mentaire sans doute nettement supĂ©rieure Ă  celle subie le 11 septembre 2001. Sauf que cette blessure apparaĂźt encore modĂ©rĂ©ment dans les grosses productions amĂ©ricaines comme dans les unes des journaux parce-que le pays est encore suffisamment Ă©tendu. Parce-que les Etats-Unis sont encore la PremiĂšre Puissance mondiale. Et parce-que les Etats-Unis n’en sont pas encore au stade oĂč certains de leurs habitants, tels les migrants en provenance d’Afrique, du Maghreb, d’Asie ou du Moyen-orient, traversent la mer en espĂ©rant trouver mieux ailleurs.

 

Quelle ironie de voir ce pays, civilisation de l’automobile, recycler ici, mais en voiture, les transhumances qui avaient sans doute Ă©tĂ© celles des tribus indiennes, lorsque, Ă  pied ou Ă  cheval, celles-ci avaient Ă©tĂ© acculĂ©es par les colons europĂ©ens Ă  devoir quitter leurs territoires et leur histoire.

 

En France et dans les territoires d’Outre-mer, il a existĂ© et il existe des Ă©quivalents Ă  ces migrations intĂ©rieures mais aussi Ă  certains mouvements sociaux. En France, les mouvements sociaux rĂ©cents les plus marquants sont bien-sĂ»r ceux des gilets jaunes. En  Guadeloupe, en 2009, il y avait eu le mouvement Liyannaj kont pwofitasyon.

 

 Cependant,  on peut aussi penser Ă  tous les autres mouvements sociaux  qui ont essayĂ© ou qui essaient d’amoindrir ou de dĂ©fenestrer la  « violence du libĂ©ralisme Â». Il m’est impossible, Ă  un moment ou Ă  un autre, de faire l’économie de cette formulation :

 

« La violence du libĂ©ralisme Â».

 

Surtout lorsque certaines scĂšnes de Nomadland se passent dans l’enceinte d’un site de l’entreprise Amazon, dont le propriĂ©taire, Jeff Bezos, est depuis plusieurs annĂ©es l’homme le plus riche du monde. Et, dans Nomadland, on voit bien ce que sa richesse et sa rĂ©ussite doivent – comme bien des richesses et des rĂ©ussites- aux conditions de vie et de travail plus que pĂ©nibles, de quantitĂ©s de gens, de tous Ăąges, de toute origine ethnographique et de tout niveau socio-culturel confondus.

 

Le personnage de Fern (interprĂ©tĂ© par Frances McDormand) nous fait entrer dans le fleuve de toutes ces personnes qu’elle rencontre ou retrouve, et qui, comme elle, sont tout sauf des parasites. Ils travaillent, se font Ă  toutes sortes de jobs, le plus souvent saisonniers, au grĂ© de ce qui leur est possible. Ils forcent l’admiration et le respect tout en n’obtenant rien d’autre de leurs contemporains ou de leur gouvernement  des rĂ©actions et des sentiments inadaptĂ©s :

 

IncomprĂ©hension ( percevoir Fern comme « homeless Â» au lieu de « houseless Â» , peur,  des rĂ©ponses inhumaines (le montant des pensions de retraites, par exemple).

 

Un parallĂšle est Ă©videmment possible avec notre avenir social en France. MĂȘme s’il nous est souvent rappelĂ© que la sociĂ©tĂ© amĂ©ricaine et la sociĂ©tĂ© française diffĂšrent, on peut aussi se dire que certains exemples amĂ©ricains louchent de plus en plus vers l’hexagone. Lorsque l’on pense par exemple Ă  la rĂ©forme des retraites. Ou Ă  la dĂ©cision gouvernementale rĂ©cente, en France, de reculer dĂ©sormais l’ñge du dĂ©part Ă  la retraite Ă  64 ans.

 

Les seuls maquillages Ă  mon sens trop prĂ©sents dans Nomadland sont les passages de violons et de piano. Je crois que le film – que j’ai aussi trouvĂ© un peu trop long- aurait Ă©tĂ© meilleur sans ces anesthĂ©siants :

 

Une scĂšne entre Fern et sa sƓur ou une autre entre Fern et Bob Wells, sans violons et sans piano,  en attestent.

Bob Wells in the film NOMADLAND. Photo Courtesy of Searchlight Pictures. © 2020 20th Century Studios All Rights Reserved

 

 

Si Nomadland est un alcool propre Ă  dĂ©glinguer la moindre ivresse, il sait aussi mieux nous rapprocher de cette faiblesse qu’est la caresse.

 

 

 

Franck Unimon, ce lundi 12 juillet 2021.

 

 

 

 

 

 

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Des soignants héroïques et irresponsables

Photo prise l’annĂ©e derniĂšre pendant le premier confinement.

 

                                Des soignants hĂ©roĂŻques et irresponsables

 

La vaccination contre le Covid :

 

Les soignants, en France, se sont peu fait vacciner contre le Covid. 57 % des soignants environ se sont faits vacciner. De quels soignants parle-t’on ? Des mĂ©decins ? Des infirmiers ? Des aides-soignants ? Des « soignants Â»â€Š.ces anonymes qui Ă©taient autant de « hĂ©ros de la Nation Â» l’annĂ©e derniĂšre lors du premier confinement. Et qui, aujourd’hui, compteraient parmi eux un certain nombre d’irresponsables. 

 

Facile
.et obligatoire :

 

Car, aujourd’hui, contrairement Ă  l’annĂ©e derniĂšre pendant le premier confinement, il est facile de se faire vacciner contre le Covid.

 

Il est aussi de plus en plus obligatoire de se faire vacciner pour partir Ă  l’étranger. En vacances, par exemple. Nous sommes au mois de juillet et, aprĂšs un nouveau « confinement Â» pour parer Ă  la pandĂ©mie du coronavirus, beaucoup de gens sont partis en vacances.

 

Gare du Nord, juillet 2021.

 

On peut aussi voir des rĂ©clames encourageant Ă  la vaccination anti-covid afin de se rendre Ă  des Ă©vĂ©nements de masse festifs : matches de foot, concerts
.

 

Mais on peut aussi s’attendre, Ă  ce que, bientĂŽt, ou dĂšs maintenant, la vaccination anti-Covid soit un avantage lors de certaines dĂ©marches en vue d’obtenir un emploi. Ou, sur les sites de rencontres, pour “dĂ©nicher” un partenaire ou une partenaire.

 

 

Je m’étais dit que j’allais donner mon avis un de ces jours sur le sujet de la vaccination anti-covid. Mais je n’étais pas pressĂ©. Et puis, la lecture de l’éditorial (signĂ© JĂ©rĂŽme Chapuis) du journal La Croix de ce mercredi 7 juillet 2021 m’a tellement contrariĂ© que je me suis dit que je ne devais plus traĂźner pour Ă©crire Ă  ce sujet.

 

 

Irresponsable :

Parce-que je fais encore partie de ces irresponsables. A ce jour, je ne me suis pas encore fait vacciner contre le ou la Covid. Je suis et serais donc un irresponsable en plus d’ĂȘtre un Ă©goĂŻste. Je retranscris ce passage de l’éditorial du journal La Croix de ce 7 juillet qui m’a particuliĂšrement poussĂ© Ă  Ă©crire :

 

« (
..) A l’heure oĂč menace une quatriĂšme vague de Covid, le chiffre laisse songeur. A l’hĂŽpital, au dĂ©but de l’étĂ©, seuls les deux tiers des soignants avaient reçu une premiĂšre dose de vaccin (
.). Cette dĂ©fiance persistante conduit le gouvernement Ă  envisager pour eux la vaccination obligatoire. De nombreux soignants y voient une atteinte Ă  leur libertĂ©. Argument discutable, d’abord parce que la libertĂ© individuelle doit toujours ĂȘtre mise en balance avec l’intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral. Ensuite parce que leur mĂ©tier amĂšne ces professionnels Ă  cĂŽtoyer malades et personnes ĂągĂ©es qui sont prĂ©cisĂ©ment les plus vulnĂ©rables face au virus. De ce point de vue, dĂšs lors qu’il est admis qu’elle ne comporte pas d’effets indĂ©sirables, la vaccination des soignants apparaĂźt comme une obligation morale (
.) Â».

 

 

Discutable :

 

L’atteinte Ă  « ma Â» libertĂ© est un argument discutable selon cet Ă©ditorial. HĂ©, bien, discutons, car, autrement, une fois de plus, si je ne prends pas l’initiative de « discuter Â» c’est quelqu’un d’autre qui le fera Ă  ma place. Et, vu la façon dont l’éditorialiste du journal La Croix mais aussi d’autres journaux s’expriment, je prĂ©fĂšre m’exprimer moi-mĂȘme. Pour changer avec cette « normalitĂ© Â» qui fait de beaucoup de soignants de simples exĂ©cutants.

 

Pour commencer,  je suis favorable Ă  la vaccination. Mais pas n’importe comment : je suis autant prudent vis Ă  vis de ce vaccin anti-Covid que je ne l’avais Ă©tĂ© vis-Ă -vis de tous ces applaudissements sincĂšres et rĂ©pĂ©tĂ©s que l’on nous avait adressĂ©s l’annĂ©e derniĂšre lorsque nous Ă©tions des « hĂ©ros Â». D’ailleurs, j’aimerais reparler un peu de cette Ă©poque un peu trop vite et trop facilement oubliĂ©e maintenant qu’il est devenu « entendu Â» que tout le monde doive se faire vacciner pour « l’intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral Â».

 

L’époque des « hĂ©ros Â» :

 

Elle a durĂ© Ă  peu prĂšs deux mois et demi d’un point de vue mĂ©diatique. De mi-mars Ă  fin juin pour faire large. Mais c’est la pĂ©riode comprise entre le dĂ©but du premier confinement en mars 2020 et dĂ©but Mai qui m’importe le plus.

 

Quelques “Une” du journal LibĂ©ration l’annĂ©e derniĂšre lors du premier confinement.

 

Cette « Ă©poque Â», qui a durĂ© cinq Ă  six semaines, a Ă©tĂ© une Ă©poque d’angoisse et de peur assez maximale. Je me souviens de cette angoisse pour l’avoir ressentie. Et, je me souviens, aussi, que, durant ces cinq Ă  six semaines, nous, les hĂ©ros, nous « devions Â» continuer d’aller au travail pour       « l’intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral Â» pendant que la quasi-totalitĂ©, ou une bonne partie, de la population restait confinĂ©e chez elle. Tant tout le monde avait peur et Ă©tait angoissĂ©.

 

 

Suite de quelques “Une” du journal LibĂ©ration l’annĂ©e derniĂšre pendant le premier confinement.

 

Il y a sĂ»rement eu des endroits, des rĂ©gions, des quartiers en France, oĂč des gens, lors du premier confinement, ont continuĂ© de se balader comme d’habitude. Mais ces endroits, ces rĂ©gions ou ces quartiers n’étaient pas concernĂ©s par ceux que j’ai traversĂ©s lorsque je me suis rendu au travail lors de ces cinq Ă  six semaines. Pareil dans les transports en commun.

 

J’ai Ă©crit : « Nous devions continuer d’aller au travail
. Â». Je vais prĂ©ciser : Je tenais Ă  aller au travail lors de cette Ă©poque particuliĂšre. MĂȘme si le service oĂč je travaillais a Ă©tĂ© moins exposĂ© que d’autres services (Ehpad, services d’urgences et de rĂ©animation somatiques ) Ă  des clusters, je savais que nous vivions une Ă©poque particuliĂšre, historique, et je tenais Ă  la vivre. Comme Ă  contribuer, Ă  mon niveau, Ă  ce que le travail pour « l’intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral Â» continue.

 

Photo prise l’annĂ©e derniĂšre pendant le premier confinement.

 

 

 

J’allais dĂ©ja oublier de cette Ă©poque dorĂ©e le « privilĂšge Â» qu’ont eus certains de mes collĂšgues hĂ©roĂŻques, en France ou ailleurs, de recevoir des courriers anonymes de voisins. Non pour les encourager. Ou, plutĂŽt, oui. Mais pour les encourager Ă  dĂ©mĂ©nager. En leur expliquant qu’en tant que soignants, ils Ă©taient devenus une menace pouvant contaminer
. tout l’immeuble.

 

Aujourd’hui, c’est ni plus ni moins la Nation toute entiĂšre que des ex-soignants hĂ©roĂŻques seraient susceptibles de contaminer, selon certains esprits trĂšs dĂ©veloppĂ©s,  avec leurs Ăąneries consistant Ă  traĂźner pour se faire vacciner.

 

Je repense aussi au tĂ©moignage -que j’avais lu- de cette soignante, qui, lors du premier confinement, expliquait s’ĂȘtre interdite d’embrasser sa fille pour des raisons sanitaires. Alors, je vais sĂ»rement paraĂźtre complĂštement Ă  cĂŽtĂ© de la plaque mais j’ai toujours continuĂ© d’embrasser ma fille de la mĂȘme maniĂšre. Et, j’avais eu de la peine pour cette « collĂšgue Â» ainsi que pour ces lourdes privations affectives qu’avaient pu connaĂźtre sa fille.

 

Suite des “Une” du journal LibĂ©ration l’annĂ©e derniĂšre pendant le premier confinement.

 

 

Des héros sans filets de protection

 

Pourtant lors de cette Ă©poque particuliĂšre, de mars Ă  mai 2021, je ne me voyais pas et ne me vois toujours pas comme un hĂ©ros. MĂȘme si cette ambiance a Ă©tĂ© pesante. MĂȘme si nous avons travaillĂ© le plus souvent sans masques anti-Covid. Ou, sans masques FFP2 en tout cas, dĂ©crits comme ceux Ă©tant les plus Ă  mĂȘme de nous offrir la protection maximale contre ce virus si contagieux et potentiellement mortel.

 

Je me rappelle aussi ĂȘtre retournĂ© dans cette pharmacie oĂč, fin fĂ©vrier 2020, un pharmacien m’avait affirmĂ© que cette Ă©pidĂ©mie du Covid ne nous concernait pas. Quelques semaines plus tard, en plein confinement, non seulement cette pharmacie ne vendait plus de masques FFP2 ( Ă  prĂšs de 4 euros l’unitĂ©) pour cause de « rupture de stock Â»; mais tous les employĂ©s de cette pharmacie, du vigile aux pharmaciens, en passant par la femme ou l’homme de mĂ©nage, portaient , eux, un masque FFP2. Donc, moi, le hĂ©ros, je devais me contenter de l’air dĂ©solĂ© d’un(e ) des employĂ© (es) de cette grande pharmacie, situĂ©e en plein Paris, et des applaudissements du 20 heures, pour me “vacciner” contre le Covid.

 

Avec le lavage des mains.

 

 

DĂ©but Mai 2020 : Premier miracle

 

 

Et puis, dĂ©but Mai 2020, premier miracle, les supermarchĂ©s- et les pharmacies- se sont mis Ă  pondre des masques anti-Covid. Pas les FFP2. Mais des masques anti-Covid nĂ©anmoins. Qu’il a fallu payer. Moi, le hĂ©ros, comme tout le monde, je suis passĂ© Ă  la caisse pour acheter ces masques. Et, plus d’un an plus tard, je continue, dĂ©sormais, d’acheter des masques anti-Covid rĂ©guliĂšrement. Mais, aussi, de me laver les mains. Je fais beaucoup confiance Ă  ces deux gestes barriĂšres (port du masque et lavage des mains). Et, je crois que, dĂ©sormais, le port du masque fera souvent partie de notre quotidien.

 

A l’intĂ©rieur de la Gare du Nord, juillet 2021.

 

Juillet 2021 : Second miracle

 

Nous sommes le 8 juillet 2021, et, moi, « le hĂ©ros Â», Ă  ce jour, je n’ai pas contractĂ© le Covid. Ou alors j’ai contractĂ© une forme si « transparente Â», si « discrĂšte Â», que je ne l’ai pas sentie passer.

 

Depuis mars de l’annĂ©e derniĂšre, je n’ai pas Ă©tĂ© en arrĂȘt de travail pour cause de Covid. Par contre, certains de mes collĂšgues ont Ă©tĂ© arrĂȘtĂ©s pour cause de Covid. Quelques uns de mes collĂšgues, pour parler de ceux qui ont Ă©tĂ© touchĂ©s lors de ce mois de mars 2021, s’étaient relĂąchĂ©s concernant le port du masque. Or, je le rĂ©pĂšte :

 

Je porte réguliÚrement un masque au travail et dans les transports en commun comme dans les lieux publics ( sur mon nez et ma bouche). Et, je me lave les mains.

 

Je porte si souvent un masque qu’il y a environ dix jours, c’est Ă  ce port prolongĂ© que j’ai attribuĂ© des Ă©coulements nasaux rĂ©pĂ©tĂ©s pendant un  Ă  deux jours. Alors que je n’étais pas enrhumĂ©. Je me suis fait quelques lavages de nez avec du stĂ©rimar et c’est passĂ©.

 

Certains de mes amis ou connaissances, aussi, ont attrapé le Covid.

Des amis et des connaissances qui l’ont attrapĂ© Ă  leur travail ou en d’autres circonstances. Circonstances auxquelles je suis extĂ©rieur. Je n’étais pas en contact direct avec eux.

 

Donc, au vu de ces quelques constatations, je « capte Â» assez difficilement cette urgence de la vaccination, me concernant. MĂȘme, si, je le redis, je suis favorable Ă  la vaccination. Mais pas n’importe comment. Passons maintenant au reste de ce qui est dit dans cet Ă©ditorial du journal La Croix.

 

« La libertĂ© individuelle doit toujours ĂȘtre mise en balance avec l’intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral Â»

 

J’admets complĂštement le fait que des soignants aient pu contaminer des patients. Bien avant la pandĂ©mie du coronavirus, on parlait dĂ©jĂ  de certaines maladies nosocomiales.

 

Donc, oui, les soignants ont Ă  prendre certaines prĂ©cautions pour protĂ©ger celles et ceux dont ils s’occupent : c’est la moindre des choses. Et, je ne discute pas les chiffres qui ont pu ĂȘtre donnĂ©s en termes de contamination du Covid dans les Ehpad.

 

Par contre, je me demande si ces soignants « contaminants Â» avaient
.des masques. S’ils avaient de quoi se laver les mains comme il se doit. S’ils avaient le temps de le faire, aussi.

 

Parce-que cette pandĂ©mie du Covid a aussi mis sur la table un fait chronique dans les institutions de soins de la France : une certaine pĂ©nurie de personnel et/ou une certaine pĂ©nurie de matĂ©riel.

 

S’il a manquĂ© des masques anti-Covid dans les Ehpad comme il a pu en manquer dans d’autres services de soins, il n’y a rien d’étonnant Ă  ce que la contagion du virus ait pu autant s’étendre.

 

Mais « La libertĂ© individuelle doit toujours ĂȘtre mise en balance avec l’intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral Â», ça, c’est une pensĂ©e forte !

 

Ce 8 juillet 2021, pour celles et ceux qui ont pu partir, les grandes vacances- ou vacances d’étĂ©- ont commencĂ©. Mais, que  je considĂšre ces vacanciers ou ces personnes contentes d’ĂȘtre Ă  une terrasse de cafĂ© ou de restaurant, ou, simplement, en train de faire les soldes, je ne vois pas cet « intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral Â». Ce que je vois, c’est surtout un « intĂ©rĂȘt personnel Â» multipliĂ© pratiquement par toutes ces personnes environnantes ou parties en vacances.

 

 

Si l’on tient tant que ça Ă  me parler de « La libertĂ© individuelle doit toujours ĂȘtre mise en balance avec l’intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral Â», je me dis qu’à nouveau, on me prend pour un idiot. Comme lorsque, l’annĂ©e derniĂšre, on a essayĂ© de me faire croire que j’étais un « hĂ©ros de la Nation Â». Et qu’il Ă©tait normal pour moi (et pour d’autres) de partir au combat sans armes ( sans masques)  au devant d’une mort presqu’assurĂ©e.

 

Parce qu’il y a plein d’exemples courants oĂč « l’intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral Â» est secondaire  :

 

Les industriels du Tabac qui vendent leur poison lĂ©galement depuis des annĂ©es et font de gigantesques chiffres d’affaires. Pareil pour les vendeurs d’alcools et de spiritueux.

 

Les constructeurs automobiles et leur Diesel polluant qui a fait beaucoup de contents et de nostalgiques parmi les automobilistes.

 

Ces autres constructeurs automobiles qui avaient trafiqué leur logiciel anti-pollution sur leurs voitures.

 

On verra bientÎt quels effets néfastes a engendré la téléphonie mobile dans nos vies.

 

J’imagine bien qu’un journal comme La Croix, et d’autres, relatent aussi ces faits. Sauf qu’il est bien plus facile de faire pression sur des soignants  qui restent des subalternes. MĂȘme si on veut bien les admirer et les applaudir de temps en temps tant qu’ils obĂ©issent et se dĂ©vouent pour trois fois rien. La profession de soignant a ceci de particulier qu’il semble souvent lĂ©gitime de pouvoir bĂ©nĂ©ficier du maximum de ses compĂ©tences et de ses disponibilitĂ©s pour un salaire et une reconnaissance minimale.

 

La suite est assez prĂ©visible. Les soignants, si l’on dĂ©signe ici des aide-soignants et des infirmiers, sont majoritairement des femmes : le sexe dit “faible” mĂȘme si les moeurs prennent l’ascenseur et Ă©voluent.

En attendant, « nous Â», les soignants ( aides-soignants et infirmiers, femmes et hommes), nous ne vendons pas de pop corn, d’automobiles ; nous ne vendons pas de coca-cola, de tabac, de bonbons, d’alcools, de films grands publics, de pubs,  d’engrais chimiques, de cosmĂ©tiques, de parfums, de spectacles, de cannabis, d’armes, de tĂ©lĂ©viseurs, de tĂ©lĂ©phones portables, d’ordinateurs, de mĂ©dicaments ou d’assurances. Nous essayons par contre de remĂ©dier Ă  certaines consĂ©quences de ces usages comme de ces objets.

Nos bonnes intentions nous honorent, certes. Mais cet honneur nous rĂ©tribue assez peu socialement mais aussi matĂ©riellement. De ce fait, nous disposons de moins de poids Ă©conomique et politique que tous ces industriels et entrepreneurs prĂ©citĂ©s – et d’autres- qui produisent et incitent Ă  certains usages en rĂ©alisant en permanence des contorsions autour de « l’intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral Â». A eux, les contorsions, les rĂ©seaux d’influence et le chiffre d’affaires. Pour nous, soignants, les pressions, la diminution des effectifs comme de nos moyens. 

 

Vers une vaccination obligatoire pour les soignants :

 

 

La vaccination anti-Covid va devenir obligatoire pour les soignants prochainement. D’une façon ou d’une autre. A moins, peut-ĂȘtre, de partir Ă  la retraite- en Ă©vitant l’EHPAD- dans les trois mois qui viennent. Sauf s’il survient un autre « miracle Â».

Un autre « miracle Â» :

Dans l’éditorial du journal La Croix, « j’aime beaucoup Â» la partie :

 

« De ce point de vue, dĂšs lors qu’il est admis qu’elle ne comporte pas d’effets indĂ©sirables, la vaccination des soignants apparaĂźt comme une obligation morale (
.) Â».

 

Subitement, l’éditorialiste s’est rappelĂ© que les vaccins anti-Covid comportent quand mĂȘme quelques risques pour la santĂ©. Et qu’il serait prudent, pour lui, de se couvrir. Car par qui est-il « admis qu’elle (la vaccination) ne comporte pas d’effets indĂ©sirables Â» ?!

 

MĂȘme si la plupart des personnes vaccinĂ©es la supportent plutĂŽt bien, nous manquons de recul et de certitudes concernant ces vaccins. Et une « revue Â» ( en ligne) plutĂŽt sĂ©rieuse comme Prescrire mentionne aussi certains effets secondaires indĂ©sirables constatĂ©s et souligne le manque de recul actuel Ă  propos de ces vaccins anti-Covid.

 

Alors, l’autre « miracle Â», serait, pour moi, que d’ici quelques mois, on s’aperçoive qu’une vaccination gĂ©nĂ©ralisĂ©e reste insuffisante ou injustifiĂ©e.

Et, si ce miracle n’a pas lieu et que le vaccin devient obligatoire- le plus probable Ă  mon avis- j’aurai non seulement gagnĂ© quelques mois supplĂ©mentaires de recul. Mais, en plus, en cas d’effet indĂ©sirable avĂ©rĂ© par la suite, il me sera peut-ĂȘtre plus facile de le faire reconnaĂźtre.

 

Un ami- vaccinĂ©- m’a bien expliquĂ© rĂ©cemment qu’ĂȘtre vaccinĂ© n’empĂȘchera pas d’attraper le Covid mais protĂšgera contre des formes plus graves. Ce que je veux bien croire. Ce que j’ai plus de mal Ă  croire, c’est Ă  cet espoir que nous plaçons de plus en plus dans un vaccin pour continuer de vivre dans le mĂȘme monde. Comme si un vaccin pouvait Ă  lui seul nous permettre d’exister alors que nous faisons beaucoup par ailleurs pour nous dĂ©truire.

 

Entre les Tuileries et la place de la Concorde, juillet 2021.

 

Franck Unimon, ce jeudi 8 juillet 2021.

 

 

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Béatrice Dalle Cinéma Puissants Fonds/ Livres

BĂ©atrice Dalle, trois fois.

 

 

BĂ©atrice Dalle, trois fois.

 

Puisque c’est toujours de la faute des autres, tout est parti d’un cd du groupe Sonic Youth.

 

Je n’ai pas revu les films, ces forĂȘts, oĂč on la trouve. Je suis seul avec mes pensĂ©es, ces vieillesses condamnĂ©es sur lesquelles il faut apprendre Ă  veiller. Si l’on tient Ă  prĂ©venir le dĂ©clin de notre humanitĂ©.

 

BĂ©atrice Dalle, trois fois. BĂ©atrice Dalle, pourquoi. Ma prudence me rĂ©pĂšte que je ne la connais pas. Mais, dĂ©ja, pour la premiĂšre fois dans mon blog, je crĂ©e une rubrique uniquement pour elle. Parce-que parler d’elle m’Ă©voque peut-ĂȘtre le cheval de Troie. 

Le physique de charme est un fusil de chasse. Mais cette arme a une particularitĂ© dangereuse : partout oĂč elle passe, on la repĂšre au lointain. Sa dĂ©tentrice- ou son dĂ©tenteur- doit savoir s’en servir ou la quitter. Sinon, cette arme sera son enterrement ou sa rĂ©tention. Et, elle sera le trophĂ©e de celle ou celui qui la brandira. Qui la tisonnera.  

 

Je me rappelle un peu d’une partie de sa cinĂ©matographie. Dans son livre Que Dalle un livre sur l’actrice et comĂ©dienne BĂ©atrice Dalle / BĂ©atrice DalleLouvrier nous apprend qu’hormis avec les rĂ©alisateurs Jim Jarmusch et Abel Ferrara, elle a fait peu d’efforts pour connaĂźtre une carriĂšre aux Etats-Unis. Parce qu’elle ne parle pas Anglais. 

 

Si tu cours longtemps et vite, et que tu es sur la dĂ©fensive devant la moindre limite, comment te suivre, BĂ©atrice Balle ? Il faut un certain recul pour atteindre quelqu’un. Mais aussi pour l’attendre.

 

Louvrier parle du Rap et de Joey Starr. Mais il y a d’autres musiques. Peut-ĂȘtre du Free Jazz ou ne serait-ce que du Free
gaz.

 

En 1986, Dalle est dans 37°2. AprĂšs les Punks (que Louvrier cite). AprĂšs Nina Hagen, le Reggae de Police(groupe de Reggae blanc influencĂ© par le Punk), la mort de Bob Marley. La lecture de Que Dalle nous informe que Sting, l’auteur des tubes du groupe Police, Ă©tait « fou Â» d’elle et voulait la rencontrer. Mais « dans Â» la France de Mitterrand et de Jack Lang, elle avait d’autres Ă©vidences.

 

Dans la France de Giscard, je ne vois pas de place pour 37°2. Et puis, rester dans les annĂ©es 70 et 80, c’est se tenir trĂšs loin d’aujourd’hui et de demain.

 

RĂ©cemment, Ă  l’anniversaire d’une amie, Ă  Levallois (oui, grĂące Ă  Louvrier, je sais qu’à une Ă©poque, Dalle a vĂ©cu Ă  Levallois) en parlant de mon blog, j’ai rĂ©pondu Ă  quelqu’un avec qui je sympathisais que j’avais, entre-autres, Ă©crit sur BĂ©atrice Dalle. Il a Ă©tĂ© un peu Ă©tonnĂ©. SĂ»r de moi, j’ai alors avancĂ©, tel un attachĂ© de presse bien au fait de ses projets :

 

« Elle fait toujours des films Â».

 

 

J’étais nĂ©anmoins dans la salle pour voir le  film Lux Aeterna de Gaspar NoĂ©. Un rĂ©alisateur dont j’ai vu plusieurs des films depuis Seul Contre tous avec « feu Â» Philippe Nahon. Au contraire de Seul contre tous (un chef-d’Ɠuvre, selon moi) je n’ai pas souscrit Ă  l’intĂ©gralitĂ© de Lux Aeterna. J’ai pour l’instant renoncĂ© Ă  Ă©crire dessus. Mais il m’en reste quelque chose. De mĂȘme pour Climax.

 

 

Dans le Que Dalle de Pascal Louvrier, il est plusieurs fois fait Ă©tat de sa bouche. Cet organe aurait Ă©tĂ© perçu comme « trop Â» grand chez elle au dĂ©but de sa carriĂšre. Presqu’un naufrage.

 

J’ai oubliĂ©.

 

Sa bouche est la graine que nulle gravitĂ© n’aliĂšne. Pourtant, dans J’ai pas sommeil, l’acteur Alex Descas- dont je parlerai un jour-  s’en prend Ă  elle :

 

« Tu ne seras jamais prĂȘte ! Â».

 

Devant sa nuditĂ© inquiĂšte, mes articles, aussi, sans doute, ne seront jamais prĂȘts.

 

 

Franck Unimon, ce mardi 6 juillet 2021.

 

 

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Me mesurer Ă  ses cendres

 

Me mesurer Ă  ses cendres

Aucun événement immédiat ou particulier porté à ma connaissance ne me permet de savoir la raison pour laquelle je pense à lui ce matin. Un dimanche.

 

Comme d’autres membres de ma famille, avant ma naissance, il Ă©tait venu par avion pour le mariage de son petit frĂšre. Le dernier. Un de mes oncles paternels. Une force de la nature, le plus grand parmi ses frĂšres et ses sƓurs, surnommĂ© «  Le dindon Â». Si mes souvenirs sont exacts. Car tout cela se passe en CrĂ©ole et en mĂ©tropole :

 

En France.

 

En France, on n’a pas de pĂ©trole, mais on a une mĂ©tropole. Du CrĂ©ole. Et des people.

 

Il Ă©tait petit. Peut-ĂȘtre l’un des plus petits parmi les frĂšres de mon pĂšre, aussi prĂ©sent.

 

Mais il avait une classe rĂ©glĂ©e comme une montre suisse. Une classe que je lui avais dĂ©couverte ce jour-lĂ . Plus que mon pĂšre qui s’y connaissait pourtant en « style Â». Plus que mon oncle qui se mariait.

 

Dans son costume gris, il portait l’élĂ©gance et l’assurance. Il avait fumĂ© une cigarette devant moi, mon pĂšre et cet oncle qui se mariait. Avec tout autant de prĂ©sence. Dans ma famille, du cĂŽtĂ© de mes oncles et de mes tantes, paternels comme maternels, fumer est un acte suffisamment rare, Ă©tranger voire proscrit, pour marquer un esprit.  Au moins le mien.

 

La cigarette, c’est bien-sĂ»r le fait du Blanc. Mais c’est aussi une aventure qui ne vaut pas, peut-ĂȘtre, celle de la fiertĂ©, de la rĂ©putation, de la force physique,  du sport, de la musique, de la voiture, de la voix ferme et haute, du geste, du rhum et  de la verge.

 

Lui, il avait fumĂ© comme s’il s’agissait d’une formalitĂ©. Aucune remarque ne lui avait Ă©tĂ© faite alors que l’on peut ĂȘtre si Ă  cheval concernant telle action qui signifie que l’on se prend pour un blanc. Et l’on reste, du moins suis-je souvent restĂ©, proche de ce poste frontiĂšre. Presque l’ultime intime d’un certain sentiment de noyade. Tout prĂšs de cette  limite oĂč s’observent- telles deux Ă©ternelles vierges maquerelles toujours en demande d’un godemichĂ©- celle qui serait d’un cĂŽtĂ© l’identitĂ© blanche et, de l’autre, l’identitĂ© noire.

 

Moi, l’adolescent, les cheveux encore hauts Ă  la MichaĂ«l Jackson d’avant le dĂ©frisage et la dĂ©pigmentation, emmĂ©nagĂ© dans des vĂȘtements et des chaussures que ma mĂšre sans doute avait choisi pour moi, et derriĂšre mes lunettes du mĂȘme acabit, j’étais bloquĂ© face Ă  ces trois hommes : cet oncle, celui qui se mariait, mon pĂšre.

 

Et je faisais peine Ă  voir. Mes oncles et mon pĂšre me le faisaient bien savoir.

 

Reprenant un des arguments de mon pĂšre, cet oncle avait statuĂ© que « mĂȘme un handicapĂ© Â» faisait de son mieux. Alors que moi, j’étais gauche, contenu :

 

Plus dans le brouillard que débrouillard.

 

Les derniers souvenirs que j’ai de cet oncle avant ce mariage, c’étaient sa maison, en Guadeloupe Ă  Petit-Bourg. Sa femme, souriante et affirmĂ©e, leurs trois enfants, deux cousines et un cousin, dont chaque prĂ©nom dĂ©bute par la lettre U. Comme mon nom de famille. Je m’en aperçois seulement maintenant alors que je repense Ă  cette balançoire faite d’un pneu, chez eux,  qui nous envoyait presque au dessus du vide.

 

Quelques annĂ©es aprĂšs ce mariage, j’ai entendu parler de son divorce. Par bribes.

 

Car je n’étais pas adulte.

 

J’ai appris qu’il jouait. De retour en Guadeloupe pendant les vacances, oĂč notre pĂšre nous conduisait, nous passions devant son ancienne maison, sans doute habitĂ©e par son ex-femme et les enfants sans nous arrĂȘter. Cette vie-lĂ  n’avait pas existĂ©.

 

J’ai revu cet oncle plusieurs fois ensuite. Souvent chez mon grand-pĂšre. Pas si loin que ça de son ancienne maison. Il ne portait plus de costume. Il vivait dans une case en tĂŽle, pas si loin que ça de son ancienne maison. Se dĂ©plaçait en mobylette. S’était fait des « amis Â» parmi des jeunes qui vivaient de peu.

 

Assez rĂ©guliĂšrement, j’entendais ça et lĂ  des commentaires le concernant (mon pĂšre, mon grand-pĂšre) oĂč l’on se dĂ©solait de son mode de vie. En mĂ©tropole, Ă  Paris, on aurait parlĂ© de zonard plus ou moins SDF. Sauf qu’il avait son coin, ne mourait pas de faim et qu’il faisait toujours partie de la famille oĂč il continuait d’avoir son mot Ă  dire. Je ne crois pas qu’il exerçait un mĂ©tier rĂ©gulier et officiel. Et, je ne sais pas quel mĂ©tier il exerçait dans son autre vie. Mais je le crois plutĂŽt habile de ses mains. Comme bien des hommes de la famille de mon pĂšre et de mes ascendants du cĂŽtĂ© tant paternel comme maternel oĂč le mĂ©tier de maçon, voire charpentier, est une nomenclature.

 

Je n’ai jamais discutĂ© avec lui de ce qui s’était passĂ© dans sa vie. Je n’ai donc jamais pu Ă©couter ce qu’il en disait. Mais j’ai cru trouver dans son attitude une forme d’acceptation du verdict qui l’avait touchĂ© : le divorce et sa suite.

 

C’est au dĂ©cĂšs de mon grand-pĂšre paternel que j’ai eu un contact tĂ©lĂ©phonique avec une de ses filles. Je ne l’avais pas vue depuis des annĂ©es.

 

J’étais venu pour l’enterrement de mon grand-pĂšre paternel.  J’avais fait un discours- le seul discours dit Ă  l’enterrement de mon grand-pĂšre par un membre de la famille ou un proche- dans l’église, remplie, de Petit-Bourg. Et, j’avais aussi filmĂ© une partie de l’enterrement.

 

Cette cousine souhaitait que je lui envoie les images. Je les lui avais envoyĂ©es et j’avais appris qu’elle Ă©tait devenue infirmiĂšre ou peut-ĂȘtre cadre-infirmiĂšre. J’avais senti en elle une certaine affection pour son pĂšre. Lequel, jusqu’à sa mort, est restĂ© dans cet Ă©tat de « vagabond Â» ou de semi-vagabond, se montrant souvent pieds nus, avec un short rapiĂ©cĂ©, un chapeau et une chemise, et tutoyant le rhum en certaines occasions.

 

Je n’ai jamais parlĂ© de lui avec mon pĂšre. Car je ne suis pas un homme.

Cet oncle est un fantĂŽme de plus dans la famille. Peut-ĂȘtre qu’écrire, c’est aussi s’adresser Ă  ses fantĂŽmes, retranscrire leurs rĂ©ponses ou les souvenirs qu’ils nous laissent. AprĂšs, on en fait toute une histoire que d’autres Ă©couteront, caresseront ou liront peut-ĂȘtre.

 

Parler de cendres, ce n’est d’abord pas trĂšs rĂ©jouissant. Mais, ce matin, je ne prends pas les cendres par le biais dĂ©pressif. Je pense aussi Ă  cette cĂ©rĂ©monie oĂč l’on marche sur le feu. En Inde mais aussi dans les rĂ©gions d’Outre-Mer. Aux Antilles comme Ă  la RĂ©union.

 

Je me dis aussi que les cendres, cela peut aussi ĂȘtre les migrations de tous ces oiseaux qui parcourent des milliers de kilomĂštres, chaque saison. Mais aussi de ces crĂ©atures terrestres ou animales qui nous entourent et que l’on connaĂźt beaucoup moins bien que ces autoroutes, ces trains ou ces bateaux qui nous permettent de partir en vacances. Car elles sont lĂ , nos principales migrations. Dans nos congĂ©s et nos week-end.

 

A moins d’ĂȘtre de grands voyageurs. D’effectuer des dĂ©placements pour notre travail. Ou de changer d’emploi, d’adresse ou de rĂŽle rĂ©guliĂšrement.

 

Ce matin, je me mesure aux cendres de mon oncle. Celles de sa vie, de sa contre-vie ou de cette cigarette fumĂ©e devant moi Ă  ce mariage. Car, peut-ĂȘtre, bientĂŽt, vivrais-je moi aussi une certaine migration.

 

Notre imagination est faite de toutes sortes de migrations. Ensuite, c’est nous qui dĂ©cidons. De jeter les dĂ©s et de nous lancer derriĂšre eux. Ou de les regarder.

 

Franck Unimon, ce dimanche 4 juillet 2021.

 

 

 

 

 

 

 

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BĂ©atrice Dalle

 

BĂ©atrice Dalle

 

(cet article est une variation de l’article Que Dalle un livre sur l’actrice et comĂ©dienne BĂ©atrice Dalle).

 

 

 

BĂ©atrice Dalle, aujourd’hui, fait moins parler qu’il y a « longtemps Â» : il y a dix ou vingt ans.

 

J’ai achetĂ© ce livre parce que BĂ©atrice Dalle me « parlait Â». Comme un conflit pourrait parler Ă  des vieux qui y avaient participĂ© en tant que simple appelĂ©s ou appuis militaires. Ce qu’ils sont devenus ensuite, c’est un autre problĂšme. Et, avant tout, et surtout, le leur. Ce que je raconte ensuite, ici, c’est peut-ĂȘtre aussi, avant tout, et surtout, mon problĂšme.

 

Lorsque j’avais achetĂ© ce livre consacrĂ© Ă  BĂ©atrice Dalle, je faisais dĂ©jĂ  partie des vieux. Mais, bien entendu, je ne l’avais pas vu comme ça, ce jour-lĂ . Aujourd’hui, je suis un peu plus rĂ©aliste :

 

MĂȘme si, en apparence, j’ai encore un look assez jeune, je vois bien que je fais partie des vieux. On peut ĂȘtre myope et visionnaire.

 

Ainsi, je vais spontanĂ©ment vers des musiques – mais aussi vers des pratiques- qui montrent bien que je ne suis plus jeune. RĂ©cemment, lors d’une rencontre professionnelle, celle qui m’a reçu m’a dit :

 

« De toute façon, si vous m’envoyez un mail, je le recevrai sur mon portable Â». Le fait que je sois autrement plus qualifiĂ© qu’elle pour le travail que j’effectuerai peut-ĂȘtre pour sa « boite Â»,  est ici accessoire. J’avais compris Ă  cette simple phrase que j’étais vieux. Tant pour ces valeurs et ce mode de vie que cette « jeune Â» justifie et dĂ©fend. Que pour cette façon d’offenser sans mĂȘme s’en apercevoir.

 

J’ai regardĂ© dans les yeux ma jeune interlocutrice. Ses beaux yeux bleus. Mais je n’étais pas amoureux. J’avais bien plus d’expĂ©rience qu’elle et voire qu’elle n’en n’aurait jamais pour ce travail pour lequel je la rencontrais. Pourtant, c’était elle qui dirigeait l’entretien.   TrĂšs certainement, m’a-t’elle trouvĂ© l’abord froid et rigide de celui qui borde un monde qu’elle ne connaĂźt pas. Elle ne sait pas qu’une grande partie de ma vie comme celle d’autres que je connais ou ai connus, se dĂ©value Ă  mesure qu’elle devient un exemple Ă  suivre. Et, j’en suis aussi en partie responsable :

J’ai refusĂ© de devenir responsable de ce monde qu’elle dĂ©fend.

 

BĂ©atrice Dalle, dans l’ouvrage de Louvrier, est un moment comparĂ©e Ă  Brigitte Bardot et Ă  Marilyn Monroe. RĂ©guliĂšrement, se succĂšdent des personnalitĂ©s et des idoles de toutes sortes qui en rappellent d’autres. Et si cela se perpĂ©tue, c’est parce-que cela rend plus polis certains de nos Ă©checs. Que l’on soit jeunes ou vieux.

 

Mentionner Bardot, Monroe et Dalle, c’est additionner les sex-symbol. Un sex-symbol, c’est festif. Ça met en alerte. Ça donne envie de consommer. De se transformer en superlatif.

 

Mais c’est une histoire triste. Telle qu’elle m’a racontĂ©e. Celle d’une enfant d’une famille nombreuse sacrifiĂ©e parmi d’autres. Bonne Ă©lĂšve d’une Ă©cole dont elle a dĂ» se retirer Ă  l’école primaire. Afin de s’occuper de frĂšres et de sƓurs plus jeunes. Mais, aussi, pour faire la cuisine. Pourquoi elle plus qu’une autre ? Et, en quoi, cela aurait-il Ă©tĂ© plus juste qu’une autre soit choisie ?

 

 

Ma mĂšre est une femme gentille. Comme aurait pu l’ĂȘtre le personnage jouĂ© par l’acteur Tim Robbins dans Mystic River rĂ©alisĂ© par Clint Eastwood.

 

Ma mĂšre est donc l’opposĂ©e d’une BĂ©atrice Dalle. Si l’une et l’autre ont quittĂ© leurs parents avant leur majoritĂ©, leur tempĂ©rament les sĂ©pare.  BĂ©atrice Dalle a pu « se prendre la gueule Â» avec des femmes et des hommes, connus ou inconnus. Elle a aussi connu la rue. EtĂ© punk. Elle peut baptiser des injures et professer des menaces qui ont valeur de futur. Ma mĂšre n’a jamais prononcĂ© le moindre gros mot devant moi. Elle a fait baptiser ses enfants.

 

Dans le livre qu’il a consacrĂ©e Ă  BĂ©atrice Dalle, le journaliste Pascal Louvrier relate que celle-ci a pu faire penser Ă  une « panthĂšre Â». Ma mĂšre n’a rien de la panthĂšre. Mais j’aurais aimĂ© qu’elle le soit. Qu’elle puisse l’ĂȘtre. Qu’elle sache l’ĂȘtre. Qu’elle puisse griffer. Elle ne le fera jamais. Au lieu de griffer, elle priera. BĂ©atrice Dalle est croyante Ă  sa façon, parle de JĂ©sus-Christ mais elle et ma mĂšre ne sont pas faites de la mĂȘme ferveur religieuse. J’attends de voir BĂ©atrice Dalle dans un film de Bruno Dumont.

 

Ma mĂšre a Ă©tĂ© et est une trĂšs belle femme. C’est une femme capable. A son Ăąge, beaucoup aimeraient avoir sa forme physique. Sa souplesse. Son endurance. Son dynamisme.

Mais elle est une de ces multiples femmes- dĂ©ployĂ©es et employĂ©es- qui ont trop acceptĂ© un peu tout et n’importe quoi. PiĂ©gĂ©es sans doute par leur trop grande endurance, leur naĂŻvetĂ© et leur indĂ©fectible indulgence pour leurs peurs.

 

 

Certaines rĂ©ussites sont lĂ  pour masquer certains Ă©checs.  Normalement, ma mĂšre a rĂ©ussi. Son mariage. Ses enfants. Sa maison. Ses activitĂ©s. Elle peut parler. DiscrĂštement. Mais elle a plus subi de vĂ©ritĂ©s qu’elle n’en n’a dit.

 

 

BĂ©atrice Dalle, c’est le contraire.

 

 

Ça tombe trĂšs bien qu’aujourd’hui, on parle moins de BĂ©atrice Dalle comme sex-symbol.

 

Parce-que toutes ces histoires de sexe, de drogue et de frasques (des histoires de jeunes)  m’empĂȘchaient sans doute de comprendre qu’au cinĂ©ma, ou ailleurs, ce qui pouvait me dĂ©ranger chez BĂ©atrice Dalle mais aussi me donner envie d’aller la voir, c’était de pouvoir m’imaginer un peu ce que ma mĂšre aurait pu ĂȘtre ou faire de diffĂ©rent.

 

Je vais peut-ĂȘtre au cinĂ©ma afin de pouvoir imaginer des diffĂ©rences. Et, pour moi, BĂ©atrice Dalle permet ça.

Franck Unimon, Dimanche 4 juillet 2021.

 

 

 

 

 

 

 

 

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Que Dalle un livre sur l’actrice et comĂ©dienne BĂ©atrice Dalle

 

                Que Dalle un livre sur l’actrice et comĂ©dienne BĂ©atrice Dalle

 

                         Ecrit par Pascal Louvrier et BĂ©atrice Dalle

 

 

HĂ©siter entre la lecture de UCHIDESHI Dans Les Pas du Maitre (Apprendre ce qui ne peut ĂȘtre enseignĂ©)  de Maitre Jacques Payet, 8 Ăšme Dan, Shihan, au sein de l’organisation Aikido Yoshinkan. Et la lecture du livre sur l’actrice et comĂ©dienne BĂ©atrice Dalle.

 

Opter pour ce dernier. Et se sentir d’abord Ă©claboussĂ© par de la poussiĂšre de honte. Une fois de plus, avoir cĂ©dĂ© aux sĂ©ductions de la forme. Au lieu de dĂ©terrer de soi ces peurs qui nous martĂšlent les vertĂšbres.

 

Nos peurs sont des productions incessantes. Les combattants sont celles et ceux qui, jour aprĂšs jour, les voient s’amonceler sur leur compteur. Et qui ont appris et apprennent de leurs peurs. Et qui rĂ©pĂštent des gestes, parfois des incantations, ou des Savoirs, en vue de leur rĂ©pondre.

 

Ce sont des voix qui leur parlent, Ă  toute heure,  Ă  eux seuls, et que personne d’autre n’entend, d’abord. Du moins ont-ils souvent cette impression.

 

Pas de combattant sans peur.

 

Mais comparer une actrice ou un acteur, Dalle ou autre, Ă  un combattant tel que Maitre Jacques Payet, c’est aussi tenter de vouloir parer un miroir des mĂȘmes mĂ©rites et des mĂȘmes hĂ©ritages que le diamant.

 

La diffĂ©rence entre les deux reste quand mĂȘme que, une fois « choisi Â», l’un (l’actrice ou l’acteur) est si puissamment Ă©clairĂ©, entourĂ©, stylisĂ©, entraĂźnĂ©, conseillĂ© qu’il est presque condamnĂ© Ă  rĂ©ussir.

Je repense Ă  l’actrice AdĂšle Exarchopoulos tellement mise en valeur par Kechiche dans La Vie d’AdĂšle ( 2013)  que je m’étais dit :

 

 Â« Si aprĂšs ça, elle ne rĂ©ussit pas une belle carriĂšre au cinĂ©ma, elle ne pourra pas dire qu’elle n’a pas Ă©tĂ© aidĂ©e Â».

 

 

La combattante ou le combattant, longtemps, est bien moins entourĂ© que l’actrice ou l’acteur. C’est peut-ĂȘtre, aussi, ce qui le pousse Ă  surgir. Car, soit il restera victime, oubliĂ©, dominĂ© ou enfermĂ©. Soit il vivra. En se mettant Ă  vivre, la combattante ou le combattant commence Ă  Ă©blouir celles et ceux qui l’entourent.  Parce que vivre, c’est notre histoire Ă  tous. Sauf que pour beaucoup, vivre reste une intention ou une tentation. Alors que pour la combattante ou le combattant, vivre est une action.

 

L’actrice et l’acteur se mettent Ă  vivre lorsque l’on dit : « Action ! Â». La combattante et le combattant vivent parce qu’ils agissent. En dehors du combat. Au cours du combat. Mais, aussi, aprĂšs le combat.

 

Le combat, c’est le temps absolu. L’extrĂȘme. Aucun faux semblant possible.

 

Il y a maintenant un jeu de mot trĂšs facile Ă  faire : le contraire du combat, plus que la dĂ©faite, c’est le coma. Etre dans le coma, c’est bien-sĂ»r ĂȘtre allongĂ© dans un lit d’hĂŽpital dans un service de rĂ©animation. Peut-ĂȘtre en mourir. Peut-ĂȘtre en sortir. Peut-ĂȘtre en revenir diminuĂ©, paralysĂ© ou transformĂ©.

 

Mais le coma, c’est aussi laisser quelqu’un d’autre ou une substance agir ou faire des rĂȘves Ă  notre place. Puis exĂ©cuter au dĂ©tail prĂšs. Comme des rails nous menant vers une destination prĂ©Ă©tablie par quelqu’un d’autre que nous et Ă  laquelle nous accepterions de nous rendre sans conditions.  

 

 

A ce stade de cet article, par lequel je me suis laissĂ© « dĂ©tourner Â», il faudrait maintenant  vraiment parler du livre.

Normalement, ce que j’ai Ă©crit m’a dĂ©jĂ  disculpĂ© concernant le fait d’avoir « prĂ©fĂ©rĂ© Â» d’abord lire cet ouvrage sur BĂ©atrice Dalle. Mais la normalitĂ© peut aussi ĂȘtre une folie souvent acceptĂ©e par le plus grand nombre. Alors, je vais prendre mes prĂ©cautions et m’en tenir Ă  ce que j’avais prĂ©vu de mettre en prĂ©ambule.

 

La lecture de la « biographie Â» de l’acteur SaĂŻd TAGHMAOUI, SAÏD TAGHMAOUI De La Haine A Hollywood dont j’ai rendu compte il y a quelques jours m’a influencĂ©. SaĂŻd Taghmaoui/ De la Haine A Hollywood

 

Dans son livre, TAGHMAOUI ne dit pas un mot sur BĂ©atrice Dalle et Joey Starr. Pourtant, il est impossible qu’ils ne se soient croisĂ©s.

 

Ils ont Ă  peu prĂšs le mĂȘme Ăąge. Sont entrĂ©s dans le grand bal de la scĂšne mĂ©diatique Ă  peu prĂšs au mĂȘme moment mĂȘme si Dalle fait un peu figure « d’aĂźnĂ©e Â» avec 37°2  de Beineix, sorti en 1986.

Ils ont eu des amis et des intĂ©rĂȘts communs : Au moins Le Rap, Les Tags, les graffitis, la banlieue parisienne dĂ©favorisĂ©e ( Taghmaoui, Morville) Benoit Magimel, les frĂšres Cassel ( Vincent et/ou Rockin’ Squat).

 

Si leur adresse et leur rĂ©ussite artistique (TAGHMAOUI, DALLE, Joey Starr/ Morville) doivent Ă  leur prĂ©sence physique ainsi qu’à leurs origines sociales et personnelles, elles doivent aussi Ă  leur intelligence particuliĂšre (du jeu, du texte, pour faire certaines rencontres existentielles et dĂ©cisives) ainsi qu’à leur travail d’avoir durĂ© alors, qu’au dĂ©but, dans leur vie mais aussi comme lors de leur arrivĂ©e dans le milieu de la musique ou du cinĂ©ma, rien ne le garantissait.

 

Pour le dire simplement et sans mĂ©pris : Aucun des trois ne venait d’un milieu social et intellectuel privilĂ©giĂ© et, d’une façon ou d’une autre, tous les trois ont connu ce que l’on appelle la « zone Â». Que ce soit la prison, les gardes Ă  vue, la drogue, la rue. Dans un pays officiellement dĂ©mocratique et universel comme la France, celles et ceux qui rĂ©ussissent et sont aux avant postes de la sociĂ©tĂ© ont gĂ©nĂ©ralement d’autres profils, d’autres CV,  voire d’autres prĂ©noms, que ces trois-lĂ .

 

Et, avec ces trois-lĂ , aussi, le mĂȘme « miracle Â» s’est plus ou moins rĂ©pĂ©tĂ© (davantage avec Dalle et Joey Starr en France, toutefois) :

 

Une fois que chacun de ces trois-là a réussi à bien planter sa tente dans le décor avide de la réussite artistique, économique, commerciale et Jet Set de ce pays, ils sont devenus désirables. Respirables. Par le plus grand nombre. Spectateurs et parasites compris.

 

Je ne fais pas exception. Au dĂ©but du livre, avant sa toute premiĂšre rencontre avec elle, Pascal Louvrier raconte son apprĂ©hension vis-Ă -vis des rĂ©actions de BĂ©atrice Dalle qui avait pour rĂ©putation d’ĂȘtre imprĂ©visible et, bien-sĂ»r, d’ĂȘtre peu frĂ©quentable. Une fĂ©tichiste des options racaille. Ces apprĂ©hensions, je les ai longtemps eues vis-Ă -vis d’elle comme vis-Ă -vis de Joey Starr . Et les jugements moraux dĂ©prĂ©ciatifs dĂ©finitifs -fondĂ©s bien-sĂ»r sur des Ă©clats mĂ©diatiques et certaines de leurs attitudes- que d’autres ont pu avoir sur eux, je les ai eus aussi.

 

Et, cela va dans les deux sens : Dalle, pour parler d’elle, ne brille pas non plus par une tolĂ©rance de tous les instants pour autrui. MĂȘme si elle est capable de gentillesse ou de prendre la dĂ©fense de celles et ceux qu’elle perçoit comme victime. Lors d’un tournage comme dans la vie.

Car, Dalle « vomit Â» aussi les tiĂšdes. Et les mĂ©ritants. Toutes celles et tous ceux qui font de leur mieux et qui, Ă  ses yeux, sont « faibles Â» ou ne valent pas qu’on s’attarde sur eux : les gens sans particularitĂ© Ă©vidente, monocordes et lambda qui se fondent dans le dĂ©cor social comme dans une boite Ă  chaussures.

 

Ce faisant, elle rĂ©pĂšte comme d’autres, y compris comme celles et ceux qui l’adorent, certaines injustices et certains prĂ©jugĂ©s, que, comme ses adorateurs,  elle condamnera ailleurs. Et en d’autres circonstances selon des critĂšres sĂ©lectionnĂ©s par eux. Et par elle.

Cela, c’est le paradoxe permanent du « Star SystĂšme Â» que l’on Ă©volue dans le cinĂ©ma hautement commercial ou dans le cinĂ©ma d’auteur :

 

Pour peu que l’on soit admirĂ© et aimĂ© par des personnalitĂ©s du monde du spectacle, de l’art ou de l’intellect, on sera excusĂ© et dĂ©fendu contre les bien-pensants et les bons Ă©lĂšves besogneux qui, les abrutis ! , ne peuvent rien faire de mieux- et de plus- que de rĂ©flĂ©chir de travers. Comme on pisse sur le sol en ratant l’urinoir ou la cuvette des toilettes. Avant, Ă©videmment, de partir prestement et lĂąchement, en laissant tout en l’état sans mĂȘme se laver les mains. 

 

C’est mon principal reproche au livre de Louvrier : cette façon de mettre Dalle sur un piĂ©destal et de, pratiquement, tout justifier et tout accepter de certains de ses actes « dĂ©flagrants Â».

 

Je vais nĂ©anmoins m’abstenir de frimer dans ces quelques lignes. Au tout dĂ©but du livre, je me suis bien dit :

« J’aurais pu mieux Ă©crire Â». «  J’aurais pu mieux faire Â».

 

Mais, par la suite, je me suis avisĂ© que Louvrier a effectuĂ© un trĂšs gros et trĂšs bon travail de recherche. Que ce soit dans les archives mais aussi auprĂšs de Dalle et de quelques personnes qui ont travaillĂ© avec elle et dont certaines sont devenues des proches :

 

Dominique Besnehard, l’agent qui l’a dĂ©couverte et qui est aussi un de ses protecteurs et un de ses proches. Un protecteur dĂ©vouĂ© et idĂ©al.

Besnehard a aussi Ă©tĂ© l’agent de TAGHMAOUI. Mais Ă  lire celui-ci, sa rencontre avec Besnehard a nettement moins Ă©tĂ© Ă  son avantage.

 

Du reste, pour avoir lu- avec plaisir- l’ autobiographie Casino d’Hiver de Besnehard ( parue en 2014), je « sais Â» que TAGHMAOUI ne figure pas parmi les rencontres qui ont le plus marquĂ© Besnehard, humainement et artistiquement. Au contraire de BĂ©atrice Dalle, Jean-Claure Brialy, Nathalie Baye, MarlĂšne Jobert ou Maurice Pialat par exemple.

 

Je garde d’ailleurs un trùs bon souvenir de ses pages sur Pialat.

 

La rĂ©alisatrice Claire Denis est aussi « convoquĂ©e Â» pour parler de BĂ©atrice Dalle dans Que Dalle.

 

Tout comme le photographe  Richard Aujard.

 

Ainsi que le rĂ©alisateur Jean-Jacques Beineix, bien-sĂ»r, dont j’avais aimĂ© lire l’autobiographie parue en 2006 : Les Chantiers de la Gloire.

 

Ma seconde excuse pour avoir choisi de lire Que Dalle avant celui de Sensei Payet est que le livre de celui-ci est sorti rĂ©cemment. En 2021 pour la version française. Celui consacrĂ© Ă  Dalle, en 2008 puis en 2013. Je crois l’avoir achetĂ© en 2013. Cela fait donc huit ans que je l’avais parmi plein d’autres livres. Sur le cinĂ©ma et d’autres thĂšmes.

 

Entre les annĂ©es 80-90 et le « rĂ©cit Â» parcellaire, de sa relation Ă  ressorts et Ă  sorts avec Joey Starr/ Didier ou avec son premier mari et ses autres amants et mari(s) sans omettre certaines parties judiciaires de sa trajectoire, et les annĂ©es qui ont suivi, j’ai appris Ă  mieux regarder Dalle et celles et ceux qui lui ressemblent. Pour tout dire : je l’avais toujours fait. Car il n’y a aucune raison pour que, subitement, je sois devenu plus sensĂ©. Elephant Man

 

 

MĂȘme si je me distingue des mĂąles alpha et de ces personnes « destroy Â» ou « rock’n’roll Â» (femmes ou hommes) qui captent tant le regard de BĂ©atrice Dalle et l’imaginaire des rĂ©alisateurs et des photographes comme des stylistes de toutes sortes, ma vie normale et mentale, comme celle de beaucoup d’autres, est moins monocorde et plate qu’elle ne le paraĂźt. Sauf que je le garde pour moi. Par prĂ©caution. Par peur.

 

Mais, aussi, pour protéger les autres.

 

Car c’est aussi, ça, l’un des trĂšs grands secrets de beaucoup de gens normaux : avoir cette capacitĂ©, trop grande sans doute, de tenir en laisse certaines folies. Et laisser Ă  d’autres l’initiative de se jeter dans les gueules mais aussi dans les trous de diverses folies que l’on a pu soi-mĂȘme, suivre, observer, tuyauter, tutoyer, dissimuler. Ou condamner.

 

Les gens normaux peuvent ĂȘtre de trĂšs grands comĂ©diens. Ils le sont tant qu’ils jouent leur vie puis l’oublient. La folie, psychiatrique, comme la dĂ©pression, bien-sĂ»r, est rĂ©guliĂšrement proche Ă  trop souvent se renier.

 

Alors, quelques fois, lorsque les gens normaux tombent sur une BĂ©atrice Dalle, ou une autre ou un autre, ça peut aussi leur donner envie de se rapprocher. Mais pas trop prĂšs. Car ça leur rappelle quelqu’un. Peut-ĂȘtre, aussi,  que ça leur rappelle leur adolescence. L’époque des rĂ©voltes, des mutations et des rĂȘves les plus excessifs. Lorsque ça bouge et que ça s’agite. Parce-que, c’est bien connu, le calme, le quotidien et l’immobilitĂ©, c’est l’extinction et la soumission assurĂ©es. Et, ça, c’est bien-sĂ»r pour les faibles et les moins que rien.

 

Franck Unimon, ce vendredi 2 juillet 2021.