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Ovidie au théâtre : la chair est triste hélas

Ovidie au théâtre : La Chair est triste hĂ©las

La première fois que je suis allé voir La Chair est triste hélas au théâtre, c’était avec une copine il y a quelques jours.

J’ai rencontré A…il y a une vingtaine d’années lors d’un stage de théâtre. Depuis, A vit de son métier de comédienne et de metteure en scène et dirige sa compagnie de théâtre.

Je n’ai pas eu la même persévérance. Aujourd’hui, je n’ai plus ou je n’ai pas l’envie ou le ressort pour cela. Quelques fois, je me dis que le seul en scène ou le théâtre d’improvisation pourraient peut-être me redonner cette envie.

J’avais vu ou entendu parler de l’adaptation théâtrale du dernier ouvrage d’Ovidie. J’avais assez peu lu ses ouvrages. Mais c’est une personnalitĂ© publique. Et il Ă©tait arrivĂ© que j’accède Ă  certaines de ses idĂ©es. Je savais par exemple qu’elle s’était alarmĂ©e Ă  propos de la pornographie que n’importe quel mineur pouvait dĂ©sormais très facilement « regarder Â» ou tĂ©lĂ©charger sur internet. Elle a Ă©crit au moins un ouvrage sur le sujet.  Je la savais engagĂ©e. Militante. FĂ©ministe.

Je l’avais Ă©coutĂ©e, dans un de ses podcasts, avec son ami Tancrede. Je savais qu’au dĂ©but des annĂ©es 2000, elle avait eu une  courte carrière d’actrice porno Ă  peu près en mĂŞme temps que Clara Morgane. Mais je n’ai jamais cherchĂ© Ă  regarder un seul de ses films. A la limite, je crois maintenant me rappeler qu’elle avait jouĂ© – habillĂ©e-dans le film Le Pornographe de Bertrand Bonnello dans lequel l’acteur Jean-Pierre LĂ©aud avait le rĂ´le principal. Mais ce n’était pas pour la voir, elle, que j’étais allĂ© voir le film. PlutĂ´t pour Bonnello.

Quitte à parler d’ex actrices pornos, je me dis que Ovidie ou avant elle Brigitte Lahaie ont sans aucun doute des choses à nous dire. Mais je ne parle pas, ici, de formules kabbalistico-aphrodisiaques pour mieux bander.

A l’Etrange festival, il y a plus d’une vingtaine d’annĂ©es, je me rappelle de deux ou trois actrices pornos venues nous prĂ©senter un ou plusieurs films X avec le producteur John B.Goode. L’une d’elles, en s’adressant Ă  nous, public majoritairement masculin, nous avait dit :

« Mes copines et moi, on assume Â».

Je me rappelle aussi d’un spectateur, homo, qui avait regrettĂ© qu’il y ait si peu « de bouffage de culs Â» dans les films lors de cette soirĂ©e films X.

C’est une affiche vue ce mois de septembre dans le mĂ©tro alors que je me rendais Ă  mon travail qui m’a rappelĂ© que le livre d’Ovidie allait ĂŞtre « jouĂ© Â» au théâtre. On pouvait voir l’actrice Anna Mouglalis. Ce n’était pas une photo de film X ni de bouffage de cul.

Mes souvenirs les plus fixes concernant Anna Mouglalis se trouvaient dans les films Romanze Criminale et J’ai toujours rêvé d’être un gangster. J’avais lu ou entendu que son amoureux lui avait offert le livre La Chair est triste hélas d’Ovidie avant que celle-ci ne lui propose de l’interpréter sur scène.

L’affiche dans le mĂ©tro m’a dĂ©cidĂ© Ă  aller voir l’adaptation théâtrale. J’aurais pu y aller seul. J’ai optĂ© pour mettre un message sur ma page Facebook afin de proposer Ă  celui ou celle de mes amis qui le voudrait d’y aller avec moi. Je me faisais assez peu d’illusions :

Il était plutôt probable que ce soit des femmes qui réagissent. Deux femmes amies ont réagi. Florence-Jennifer, une ex collègue infirmière psychiatrique, qui a apposé un Like sous mon message. Et A qui m’a envoyé un message personnel pour me faire savoir qu’elle voudrait bien y aller.

Nous y sommes donc allés, A et moi. Nous sommes arrivés environ trois quarts d’heure plus tôt. A connaissait déjà le très beau théâtre de l’Atelier. Je m’en suis voulu de le découvrir seulement à cette occasion. Je m’étais déjà plus ou moins promené dans les environs sans aller de ce côté-là.

J’avais achetĂ© des places au premier rang. A voir toutes ces femmes dans le public et si peu d’hommes, je me suis amusĂ© Ă  me sentir rassurĂ© par la prĂ©sence de A avec moi. Je connaissais les sujets du livre. J’avais prĂ©fĂ©rĂ© le lire auparavant afin de me prĂ©parer. 

L’homme hĂ©tĂ©ro n’est pas beau dans l’ouvrage d’Ovidie. C’est plutĂ´t un ratĂ©, un mec qui a beaucoup de choses Ă  se faire pardonner vis-Ă -vis des femmes. Sexuellement. Socialement. Psychologiquement. Et dire que les femmes hĂ©tĂ©ros se font beaucoup violence pour lui plaire et se sentir dĂ©sirĂ©es par lui. On croirait presque entendre la chanteuse Brigitte Fontaine :

« Parce-que je suis con-ne ! »

Alors que j’écris tranquillement dans ma chambre, je me permets aujourd’hui de faire de l’humour. Mais au théâtre de l’Atelier, je subodorais, sans en être certain, une petite pointe d’hostilité contenue de certaines femmes vis-à-vis du masculin hétéro avant le début de la représentation.

A, elle, était parfaitement détendue. Elle a remarqué que j’étais le seul homme noir dans la salle. J’ai aperçu un homme, seul, non loin de nous au premier rang au début de la rangée. La jeune trentaine, il avait avec lui son casque de scooter ou de moto. J’ai un peu admiré sa sérénité. A mon sens, il devait y avoir dix hommes tout au plus en tout dans la salle. Et la salle était pleine. J’ai aperçu quelques femmes noires. Mais cela ne m’était d’aucune utilité.

La représentation a commencé avec quelques minutes de retard. J’ai compris la cause de ce retard lorsque je suis retourné voir l’adaptation avec ma mère quelques jours plus tard.

Anna Mouglalis porte le texte. Je ne trouve pas qu’elle le « joue Â» particulièrement bien. Mais elle est sincère. Elle a Ă©tĂ© Ă©mue lors des applaudissements Ă  la fin de la reprĂ©sentation. Elle a levĂ© le poing avant de s’en aller après plusieurs saluts.

Durant la reprĂ©sentation, plusieurs femmes ont ri en diverses occasions. Y compris A.  Je ne me suis pas senti visĂ© ou agressĂ© par ces rires. Il m’a semblĂ© qu’il y avait de la catharsis dans ces rires. MĂŞme si, sans doute, certaines femmes avaient aussi envie de faire pĂ©rir des hommes après quelques souffrances. Je repense Ă  l’animatrice Alessandra Sublet qui, dans un podcast, je crois, a racontĂ© que sa grand-mère lui avait rĂ©vĂ©lĂ© qu’elle avait eu plusieurs fois envie de tuer son propre mari «à mains nues ». Certaines femmes, dans la salle, avaient peut-ĂŞtre les mĂŞmes dĂ©mangeaisons vis-Ă -vis d’un homme qu’elles connaissaient ou avaient connu.

Je ne me suis pas senti visĂ© ou agressĂ© par les rires des femmes lors de la reprĂ©sentation. D’une part parce qu’un certain nombre des propos d’Ovidie Ă©noncent des faits ; d’autre part parce-que je ne suis pas responsable de tous ces faits. Et, enfin, parce qu’il y a tellement de reproches adressĂ©s aux hommes hĂ©tĂ©ros que cela m’a Ă©loignĂ© d’une certaine culpabilitĂ©. On peut se sentir coupable lorsque l’on sait que ce qui nous est reprochĂ© Ă©tait ou est Ă  notre portĂ©e afin de le corriger ou de l’éviter. Et que l’on a fait montre de nĂ©gligence ou de facilitĂ©. Mais lorsqu’il y a trop d’indications ou de « consignes Â», on ne peut plus suivre : On ne peut plus s’engager dans une quelconque opĂ©ration de rĂ©paration. Car, par oĂą commencer ? Et puis, est-ce que cela en vaut vĂ©ritablement la peine ? Puisqu’il y aura toujours quelque chose de travers. Il y aura toujours quelque chose que l’on fait mal.

Il m’a semblĂ© qu’il y avait une Ă©nergie punk ou anarchiste dans le texte de Ovidie en le « voyant Â» et en l’écoutant sur scène. Il m’a aussi semblĂ© que son texte allait faire parler de lui autant que Les Monologues du vagin il y a une vingtaine d’annĂ©es. Ou peut-ĂŞtre plus.

J’ai assez vite regrettĂ©, finalement, d’avoir lu le texte avant de venir. Mais cela m’a permis de constater certains des choix d’Ovidie. Pour la scène, elle n’a pas mentionnĂ© son attirance pour les « machos hyper virils Â» ainsi que certaines de ses attitudes cassantes ou humiliantes envers certains hommes qui perdaient leurs moyens sexuellement devant elle. Elle en parle un peu dans son livre. En passant. Elle entre donc dans la danse de ces femmes fĂ©ministes qui rĂ©clament des hommes plus de dĂ©licatesse, d’attention ou d’insight et qui, finalement, ont une certaine tendance Ă  les bazarder Ă  un moment ou Ă  un autre.

J’ai repensé à cet homme de près de trente ans, aperçu avec sa copine vraisemblablement, dans le train de la ligne J que j’avais pris pour la gare St Lazare. Il était plutôt musclé, du genre trapu, portant un pull de laine moulant qui mettait sa physionomie en valeur. Il s’était habillé à son avantage. Il était mignon ou avait son charme selon les termes que l’on préfère. Elle le dépassait de 15 à 20 centimètres. Il s’était hasardé à évoquer le réalisateur Cédric Jimenez, coupable pour certains d’avoir réalisé un film comme Bac Nord. Aussitôt, sa copine s’était faite furax. Il s’était empressé de désamorcer la situation. Comme si parler d’un film et de son réalisateur pouvait être dangereux pour leur relation sentimentale. Je ne suis pas envieux de la vie de cet homme.

Je m’interroge un peu sur l’amoureux de Anna Mouglalis. Je me demande si je pourrais offrir le livre d’Ovidie. Je ne le crois pas. Je pourrais parler de ce livre, proposer à quelqu’un de venir voir avec moi son adaptation théâtrale. Je pourrais envoyer mes articles sur ce livre et sur ses représentations théâtrales. Ou je serais curieux de des impressions d’un autre ou d’une autre après qu’il/elle ait lu La Chair est triste hélas ou en ait vu l’adaptation au théâtre.

Mais je ne pourrais pas l’offrir. MĂŞme si je vais le garder avec d’autres. Et peut-ĂŞtre le relire.  

Après la représentation, A et moi nous sommes levés pour partir comme tout le monde. Nous avons pris notre temps.

Dans le regard de certaines femmes que nous avons pu croiser, j’ai cru dĂ©celer une intensitĂ© particulière. « Particulière » parce-que je ne la remarque pas Ă  ce point d’ordinaire dans la rue ou lorsque je fais mes courses au supermarchĂ©.  Impossible pour moi de savoir si je plaisais particulièrement Ă  ces femmes ou si, au contraire, elles se retenaient de m’en vouloir faute de preuves ou parce que le théâtre Ă©tait encore Ă©clairĂ©.

 

Franck Unimon, ce dimanche 28 septembre 2025.  

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Pour les Poissons Rouges

Ce matin avec ma mère

Ce matin avec ma mère

A Paris, la sĂ©ance de 11h30 du film A Toute Ă©preuve de John Woo a commencĂ© au cinĂ©ma le Grand Action. Cela fait deux semaines que j’essaie de retourner le voir au cinĂ©ma, ce film. Je vais encore le « rater ». J’ai le dvd chez moi mais j’aimerais le revoir dans une salle de cinĂ©ma. 

Mais ce matin, j’ai discuté avec ma mère avant que ma petite sœur ne vienne la chercher. Ma mère, retournée vivre en Guadeloupe avec mon père il y a plus de vingt cinq ans, est encore avec nous en région parisienne pour quelques jours avant de repartir pour la Guadeloupe.

Ma mère a 77 ans. Il y a quelques jours, j’ai eu l’idĂ©e de l’emmener voir la reprĂ©sentation théâtrale du dernier ouvrage de Ovidie :

La Chair est triste hĂ©las avec la comĂ©dienne Anna Mouglalis sur scène pour porter le texte. ( voir La Chair est triste, hĂ©las ! un livre d’Ovidie )

Au départ, j’ai été très content de moi en ayant cette idée sans lui en parler. J’étais venu une première fois, avec une copine, assister à la représentation. En entendant ce texte à charge contre les hommes hétéros qui maltraitent les femmes et les baisent mal, j’avais entendu des femmes rire dans la salle à plusieurs reprises.

C’était le rire de celles qui se reconnaissent. Le rire cathartique de celles qui ont encore la possibilité -ou qui décident -d’extraire d’elles de cette façon autant qu’elles le peuvent des années et des prisons de venin. De souffrance. De colère. De tristesse.

C’était le rire de femmes aptes à l’autodérision. Et, peut-être, aussi, à la vengeance.

Je ne pouvais pas rire comme ces femmes et avec ces femmes. Car j’étais et suis un homme hĂ©tĂ©ro. Un des Ă©chantillons de ces hommes dont Ovidie s’est faite un tailleur sur mesure dans son texte : La chair est triste hĂ©las.

Donc, d’une façon ou d’une autre, je faisais partie de ceux qui avaient maltraité, maltraitent ou maltraiteraient des femmes ou les baiseraient mal.

La copine avec qui j’étais allĂ© Ă  la reprĂ©sentation avait ri Ă  certains moments. Moi, il y a un moment en particulier oĂą j’avais souri et failli rigoler avant de me retenir. Lors de ce passage oĂą Ovidie, Ă  travers la voix et le corps d’Anna Mouglalis, avait dĂ©clarĂ© que les hommes devraient raser les murs chaque fois qu’ils baisent mal une femme. Je m’étais un peu imaginĂ© la scène d’hommes se dĂ©plaçant honteusement, les yeux au sol, essayant autant que possible de se cacher du regard des autres, et disparaissant aussi vite qu’ils le pouvaient.

Je ne me vois pas comme un expert en sexualité et en plaisirs du corps. Mais comme un adepte depuis longtemps de l’autodérision. Ce rire cathartique des femmes autour de moi dans la salle, je le connais depuis l’enfance.

Je n’ai pas Ă©tĂ© victime d’inceste, de viol ou d’attouchements sexuels. Mais comme beaucoup d’enfants, sans distinction de sexe, j’ai connu l’angoisse, la violence physique et morale.

J’ai appris, comme beaucoup d’enfants, Ă  faire la distinction entre le châtiment « juste » parce-que l’on a fait une bĂŞtise que l’on est parfaitement capable de comprendre et l’abus de force, de pouvoir comme l’humiliation. 

Je n’ai pas fait que subir. Je n’ai pas tout le temps subi et endurĂ©.

NĂ©anmoins, j’ai mĂ©morisĂ©. J’ai Ă©tĂ© spectateur/observateur puisque je n’avais pas d’autre choix.  Puis j’ai pensĂ©.

A des moments divers de ma vie. Grâce à des rencontres, des lectures, des expériences personnelles et professionnelles, de l’introspection. En sortant ou en m’extrayant quelque peu du périmètre mental dans lequel j’aurais pu rester tel un poisson rouge tournant dans son bocal.

J’aurais pu tout reproduire exactement Ă  l’identique comme d’autres l’ont fait et le font. Il aurait suffi  » de ne pas se prendre la tĂŞte ». Et de (se) laisser faire. 

Les thĂ©rapies sont arrivĂ©es plus tard, Ă  partir de la quarantaine. 

Pour moi, aller voir cette reprĂ©sentation La Chair est triste hĂ©las de Ovidie, après avoir lu le livre, c’est, d’une façon ou d’une autre, me prendre moi-mĂŞme Ă  contrepied.  Sortir un peu du bocal. C’est aussi un peu comme accepter de monter sur un ring de boxe tout en sachant que l’on va forcĂ©ment prendre des coups. MĂŞme si l’autre, en face, nous assure :

« Je n’ai pas de compte Ă  rĂ©gler avec toi. Je ne te ferai pas ( de ) mal Â».

Et, en retournant voir cette représentation théâtrale avec ma mère, j’espérais qu’elle, aussi, allait se mettre à rire comme ces femmes que j’avais entendues la première fois. J’espérais qu’elle acquiesce un peu comme on le voit faire dans ces églises où l’on chante du Gospel et où les fidèles répètent « Amen ! » en chœur parfois jusqu’à cette transe qui anesthésie momentanément les souffrances.

J’espĂ©rais une « discussion Â».

A cĂ´tĂ© de moi, lors de la « reprĂ©sentation Â», ma mère n’a pas ri.

Pour commencer, en ré-entendant dès les cinq premières minutes de la représentation, les mots « fellation », « pipe », « sodomie » et autres avec ma mère près de moi, j’ai été très embarrassé.

Mal à l’aise, j’avais très envie de rire. Mais je ne le pouvais pas. Cela aurait été très mal compris autour de nous. Le public était très majoritairement féminin.

Pendant plusieurs minutes, je me suis dit que j’avais finalement Ă©tĂ© très mal inspirĂ© en emmenant ma mère au théâtre de l’Atelier pour voir cette reprĂ©sentation. Que c’était Ă©vident ! Puis, voyant que ma mère ne bronchait pas, j’ai acceptĂ© que, pour elle, il n’y avait rien de choquant.

Vers la fin de la représentation -qui dure 1h10 et commence à 21 heures- ma mère s’est endormie. A deux ou trois reprises, sa tête et son corps se sont penchés vers moi. Je me suis alors dit que la représentation ne lui avait pas plu.

Lorsque nous sommes sortis, ma mère m’a rĂ©pondu-affirmĂ©, que cela lui avait plu. Qu’elle avait prĂ©fĂ©rĂ© ça Ă  une sortie au théâtre qu’elle avait faite avec mon père. J’étais assez perplexe. Je crois qu’elle m’a dit ça pour me faire plaisir. Pour ne pas me vexer. Je me suis dit que la reprĂ©sentation lui Ă©tait passĂ©e complètement au dessus de la tĂŞte. Sur scène avaient Ă©tĂ© employĂ©s des termes et du vocabulaire qui ne font pas partie de son monde. 

Cependant, je me suis quand mĂŞme dit que c’Ă©tait « bien » d’avoir en quelque sorte remis ma mère dans la boucle de la culture. Elle, qui, alors qu’elle Ă©tait enceinte de moi, Ă©tait encore garde d’enfants, au 21 rue Condorcet Ă  Paris. 

D’une certaine manière, en l’emmenant-entraĂ®nant dans cet endroit, Ă  Paris, en France, le soir, moi, son enfant aĂ®nĂ©, nĂ© en France, j’avais fait mon devoir. Enfant, c’Ă©tait elle qui m’emmenait dans Paris et ailleurs. LĂ , c’Ă©tait moi. 

J’ai dĂ©jĂ  parlĂ© un peu de ma mère ( voir l’article  Tuer des noix de coco ).

Je ne pourrais pas parler du monde des femmes prĂ©sentes autour de moi ce soir-lĂ  oĂą lorsque j’étais allĂ© assister Ă  la reprĂ©sentation une première fois avec une copine. Je ne connais pas la vie de toutes ces femmes. Si une Ă©tude sociologique de ce public est rĂ©alisĂ©e, j’aimerais bien la lire. Je pense que ces femmes que j’ai croisĂ©es lors de ces deux reprĂ©sentations sont dans leur ensemble plutĂ´t « éduquĂ©es » et/ou militantes. Ou victimes. Qu’elles ont plutĂ´t fait des Ă©tudes supĂ©rieures. Elles peuvent ĂŞtre dans la vingtaine mais ont plutĂ´t la trentaine ou la quarantaine. Des femmes blanches dans leur grande majoritĂ©. J’ai dĂ» apercevoir moins de dix femmes noires Ă  chaque fois oĂą je suis venu. Mais ce sont, lĂ , mes impressions Ă  vue d’oeil sans la moindre certitude. 

Mais je sais que Ovidie a obtenu un doctorat. Je sais que la copine avec laquelle je suis venu la première fois a fait des études supérieures et est très impliquée au moins comme actrice culturelle en tant que comédienne et metteure en scène. Toutes deux vivent plutôt en ville ou ont toujours vécu en ville.

Ma mère vient d’une famille nombreuse ( 16 ou 17 enfants en l’incluant) de la campagne et d’un milieu social modeste. Elle est nĂ©e Ă  la fin des annĂ©es 1940. 

Je sais- pour en avoir rediscuté avec elle récemment- que ma mère, en Guadeloupe, avait d’abord dû quitter l’école avant le niveau du certificat d’études pour, dans la maison de ses parents, s’occuper du ménage, des enfants plus jeunes et de la cuisine.

Puis, venue en France un peu avant ses vingt ans, Ă  force de cours du soir et de cours de correspondance, après avoir connu plusieurs expĂ©riences professionnelles y compris Ă  l’usine et en tant que caissière, ma mère est finalement parvenue Ă  obtenir le niveau BEPC et Ă  devenir aide-soignante. En rĂ©pondant Ă  mes questions ces jours-ci, alors qu’elle Ă©tait chez moi,  ma mère m’a permis de continuer Ă  reconstituer une partie de mon histoire au travers de la sienne. 

C’est sans aucun doute aussi pour ma mère que je lis des ouvrages fĂ©ministes ou que je lis un ouvrage tel que La Guerre au fĂ©minin. voir  La Guerre au fĂ©minin un livre de DorothĂ©e OlliĂ©ric ).

Ces femmes sont soit des militaires, soit des personnes qui ont fait des hautes Ă©tudes et/ou, voire, qui sont issues d’un milieu socio-affectif favorisĂ©. Ma mère, bien que femme qui a aussi surmontĂ© bien des Ă©preuves et menĂ© ses combats, ne fait pas partie de ces mondes. 

Hier après-midi, alors que nous nous promenions avec elle et ma fille dans Paris, ma mère m’a répondu qu’elle n’avait jamais entendu parler de la Sorbonne. Initialement, je souhaitais principalement montrer la Sorbonne à ma fille. Car cette université prestigieuse avait été mentionnée dans un podcast où le magistrat Youssef Badr ( auteur de Pour une Justice aux mille visages le mythe français de l’égalité des chances) racontait un peu son parcours.

« Etrangère » Ă  la Sorbonne, le monde de Ovidie, d’Annie Ernaux , Victoire Tuaillon, Mona Chollet etc…ne pouvait donc pas faire partie du monde de ma mère. Car ces femmes, Ă  un moment ou Ă  un autre de leur existence, ont fait des Ă©tudes supĂ©rieures. Pour elles, c’Ă©tait une expĂ©rience normale ou quasi-normale. 

Alors que pour ma mère, malgrĂ© une trentaine d’annĂ©es de prĂ©sence en rĂ©gion parisienne, malgrĂ© divers passages dans Paris, l’acte d’oser poser un pied dans une universitĂ©, ne serait-ce que pour la visiter, serait Ă  mon avis du domaine de l’interdit ou de la prise de risque.

Et cela avait Ă©tĂ© finalement pareil pour mon père qui avait entretenu une dĂ©fiance – et me l’avait inculquĂ©e ( Ă  moi l’aĂ®nĂ©)  -envers le monde de l’universitĂ© et des Ă©tudes longues qui ne garantissaient pas ensuite le fait de trouver un emploi.

Mon père, pourtant, bien plus « éduqué » que ma mère, niveau Bac – ce qui Ă©tait exceptionnel et admirable pour un homme issu aussi d’un milieu social et campagnard modeste-  avait bien frĂ©quentĂ© durant un certain temps l’universitĂ© de Nanterre, une universitĂ© plutĂ´t rĂ©putĂ©e.

Mais c’Ă©tait pour aller y prendre des douches Ă  l’oeil dans la rĂ©sidence Ă©tudiante après ses matches de Foot dominicaux avec ses collègues des PTT. En me faisant jurer, surtout, de ne pas en parler autour de moi.

Je devais avoir, alors, environ dix ans ou peut-ĂŞtre moins. 

Oui, ma mère connaissait le quartier St Michel Ă  Paris. Elle me l’a confirmĂ© hier après-midi. Mais elle ne connaissait pas la Sorbonne, ni le Collège de France et encore moins le lycĂ©e Louis le Grand devant lesquels nous sommes passĂ©s. Devant lesquels j’ai pris le temps de m’arrĂŞter pour en parler un peu Ă  ma fille. Pour prendre aussi des photos avec mon smartphone de cours prĂ©vus au Collège de France. Un lieu oĂą je n’ai toujours pas pris le temps de me rendre alors que je vis en banlieue parisienne depuis plus d’un demi siècle. Alors que j’ai dĂ©jĂ  passĂ© un nombre incalculable d’heures dans Paris entre autres pour aller m’enfermer dans une salle de cinĂ©ma.

Alors que j’aime « apprendre ». 

La Sorbonne, le Collège de France ou le lycĂ©e Louis le Grand, en soi, ne sont pas des avant-gardes fĂ©ministes. Mais ce sont des lieux de Savoir et, donc, en principe, de rencontres, d’ouverture sur le Monde et d’émancipation. Et, ma mère, elle, finalement, faisait peut-ĂŞtre encore beaucoup partie du monde de Rue Cases Nègres. Ce qui ne l’a pas empĂŞchĂ©e de vouloir se procurer une montre connectĂ©e. Montre que je lui ai offerte hier après-midi en allant l’acheter avec elle et ma fille dans un des magasins Le Vieux Campeur dans le quartier St-Michel. 

Il y a plusieurs années, lorsque je me suis décidé à bifurquer vers la psychiatrie, ma mère, aide-soignante durant des années dans un service de réanimation à la maison de Nanterre, a eu peur pour moi.

Elle a eu peur que je devienne « fou Â». Cette fois-ci, je ne l’ai pas Ă©coutĂ©e.

Je l’avais écoutée pour sa peur de la moto au point qu’au mieux, tout ce que j’ai réussi à faire, c’est, durant une certaine période, porter des blousons de motard sans passer mon permis moto. Je le passerai peut-être un jour. Dans ma tombe.

Ce matin, avant que ma sĹ“ur ne vienne chercher notre mère pour l’emmener chez elle, je me suis assis Ă  cĂ´tĂ© de ma mère. Et, je lui ai peut-ĂŞtre posĂ© des questions de fou. 

Pour ce faire, je crois que je suis passĂ© par le CrĂ©ole. La plupart du temps, j’ai toujours parlĂ© en Français Ă  ma mère. Mais lors de ce sĂ©jour, je me suis aperçu que ma mère captait mieux ce que je lui disais dès lors que je m’adressais Ă  elle en CrĂ©ole.

Aussi, je ne m’en suis pas privĂ©. MĂŞme si je le pratique peu ou trop peu et que je le manie maladroitement, c’est une langue que j’ai souvent et suffisamment entendue. Il m’en reste de quoi me faire comprendre au moins de ma mère comme auparavant pour me faire comprendre de mes grands-parents aujourd’hui dĂ©cĂ©dĂ©s et  qui parlaient très peu le Français.

TantĂ´t en CrĂ©ole, tantĂ´t en Français,  j’ai donc posĂ© Ă  ma mère des questions qu’habituellement on ne pose pas ou qui ne se posent pas.

Lorsqu’il a Ă©tĂ© un peu difficile pour elle – qui a toujours fait de son mieux pour me rĂ©pondre- de se rappeler certains moments douloureux et difficiles de sa vie d’avant ma naissance,  j’ai expliquĂ© Ă  ma mère que cette histoire, son histoire, Ă©tait aussi mon histoire. Et que, seule, elle, pouvait me rĂ©pondre.

Ma mère m’a répondu.

Ensuite, voyant notre mère pleurer alors que nous venions la rejoindre près de sa voiture, ma petite sĹ“ur m’a dit plus ou moins en m’interrogeant :

« Ă§a va ? Il  y a une chouette ambiance, chez vous ! Â».

J’ai alors fait un rĂ©sumĂ© Ă  ma petite sĹ“ur qui, rapidement, s’est montrĂ©e intĂ©ressĂ©e par les informations supplĂ©mentaires que j’avais obtenues sur notre histoire :

L’ histoire de notre mère avant notre naissance.  

Ce qui s’est dĂ©roulĂ© dans le passĂ© se transmet ou peut se transmettre. Nous pouvons ainsi rester captifs d’un passĂ© douloureux parce-que nous l’ignorons et ignorons comment nous en extraire. Donc, autant le connaĂ®tre. Mais nos parents ou nos proches ne nous le racontent pas forcĂ©ment. Ils ont peut-ĂŞtre appris Ă  vivre ou Ă  survivre Ă  ça en le gardant contre eux dans un coin de leur sac Ă  main ou dans une des poches secrètes de leur mĂ©moire. En rasant les murs Ă  certains moments. Parfois ou souvent en affirmant que cela fait dĂ©sormais partie du passĂ© et que ces Ă©vĂ©nements sont en quelque sorte des reliques inoffensives ou qui pourraient tout dĂ©truire autour d’elles si on les expose Ă  l’environnement. 

Nous nous devons de ne pas les bousculer s’ils se cramponnent Ă  ces peurs ou Ă  ce genre de croyances. Nous ne sommes pas pour autant toujours obligĂ©s de les croire. Mais il est vrai qu’il vaut mieux bien choisir son moment pour  certains apprentissages et certaines transmissions. 

J’ai plutĂ´t une bonne relation avec ma mère. Elle avait aussi fait de moi son « confident » alors que j’Ă©tais enfant. 

J’aurais très vraisemblablement regardĂ© certains membres de ma famille avec beaucoup moins d’affection et de patience si j’avais obtenu plus tĂ´t certaines des rĂ©ponses que ma mère m’a donnĂ©es ce matin. Ou j’aurais Ă©galement posĂ© Ă  ces membres de ma famille des questions de fou. Des questions auxquelles on prĂ©fère ne pas avoir Ă  rĂ©flĂ©chir. 

J’ai remerciĂ© ma mère et je la remercie encore de m’avoir rĂ©pondu ce matin. D’avoir rĂ©pondu Ă  mes questions de fou. Des questions qui se contrefichent des belles apparences et des convenances. Des questions qui savent  que nous ne sommes pas Ă©ternels.

Des questions portĂ©es par la vraie vie. Pas celle qu’on nous montre dans les pubs, qu’on nous sert dans des pots de bĂ©bĂ©s ou de boites de conserves. Pas celle supposĂ©e ĂŞtre la vie « normale »  qui se tient toute seule attachĂ©e  Ă  une laisse avec une muselière en attendant qu’un supposĂ© Maitre ou une supposĂ©e Maitresse la siffle.

Franck Unimon, ce dimanche 28 septembre 2025.

 

 

 

 

 

 

 

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Puissants Fonds/ Livres

La Guerre au féminin un livre de Dorothée Olliéric

La Guerre au fĂ©minin un livre  de DorothĂ©e OlliĂ©ric

 DrĂ´les de dames

Hier, j’ai donc terminé la lecture de cet ensemble de témoignages de femmes militaires recueilli par la grande reporter Dorothée Olliéric.

J’ai lu les dernières pages dans ce foyer de psychiatrie adulte oĂą il m’arrive de faire occasionnellement des vacations de 12 heures en plus de mon poste d’infirmier psychiatrique Ă  temps plein. Dans la ligne 14 du mĂ©tro, il y a quelques semaines, j’ai entendu une femme au tĂ©lĂ©phone dire face Ă  moi Ă  quelqu’un :

« En dessous de 5000 euros par mois, je ne m’en sors pas ! Â».

Après plus de trente annĂ©es en psychiatrie et en pĂ©dopsychiatrie, mon salaire d’infirmier psychiatrique est bien Ă©loignĂ© de ce chiffre. Je ne cherche pas Ă  l’atteindre. Mais mon salaire ne me prĂ©serve pas de la nĂ©cessitĂ© de devoir faire, de temps Ă  autre, des vacations ou des heures sup. Pour atteindre ce salaire mensuel de 5000 euros, il faudrait que, chaque mois, en plus de mon temps complet d’infirmier, « j’effectue » huit Ă  neuf vacations infirmières  de jour de douze heures chacune ou huit vacations infirmières de  nuit de douze heures.

Je connais un infirmier qui a touchĂ© ce salaire ou davantage tous les mois pendant les annĂ©es. Il m’avait dit lors d’une de nos première rencontres :  » J’ai besoin de gagner beaucoup d’argent ». Il occupait un poste de cadre infirmier de nuit dans le privĂ© en soins somatiques. Il  avait un contrat Ă  mi-temps dans un laboratoire d’analyses mĂ©dicales en journĂ©e. Et il faisait environ quatre Ă  cinq vacations infirmières de nuit en plus tous les mois dans une clinique de pĂ©dopsychiatrie. Lui et sa femme, infirmière Ă©galement, travaillaient beaucoup chacun de leur cĂ´tĂ©. Ils n’ont pas d’enfant. Il Ă©tait en surpoids. Il avait dĂ©jĂ  plus de cinquante ans. Il m’avait expliquĂ© que jusqu’Ă  ses 25-30 ans, il avait surtout beaucoup profitĂ© de la vie. Qu’il avait fait la fĂŞte. 

Il y a plus d’une trentaine d’annĂ©es, intĂ©rimaire, j’avais connu une infirmière qui gagnait sans doute plus que lui, en Ă©quivalent en francs. Elle travaillait entre 25 Ă  30 nuits par mois en soins somatiques . Elle avait près d’une trentaine d’annĂ©es, vivait seule bien qu’elle ait un copain qu’elle voyait de temps en temps. Elle n’avait pas d’enfant. 

Mon mĂ©tier d’infirmier, dans son ensemble, qu’il s’agisse de l’exercer en soins somatiques ou en santĂ© mentale ( psychiatrie, pĂ©dopsychiatrie, addictologie ) n’est pas un mĂ©tier que l’on « dĂ©cide » de faire dans l’intention de devenir rapidement millionnaire.  Si le fric est le premier objectif lorsque l’on choisit un emploi ou une carrière, on se dirige plutĂ´t vers le commerce ou des secteurs connus pour rapporter.

Le mĂ©tier d’infirmier fait partie de ces mĂ©tiers oĂą l’on donne de soi. Et parfois ou souvent oĂą l’on donne plus de soi que demandĂ© ou nĂ©cessaire. Ce n’est pas un travail administratif ou un travail ou l’on peut se contenter de larguer et de donner des chiffres et des algorithmes. Puis de partir en sortant d’un service ou d’un bureau pour aller dĂ©jeuner dans un restaurant. 

Puisque c’est un mĂ©tier oĂą, selon les spĂ©cialitĂ©s et notre façon toute personnelle et morale de nous impliquer, on ne peut pas se contenter de rĂ©pĂ©ter des actes de manière standardisĂ©e, des protocoles ou des fonctions Ă  la chaine sans se prĂ©occuper des rĂ©actions des  personnes que l’on a en face de soi ou des interactions que l’on a avec elles dans le service oĂą l’on se trouve avec elles. C’est un mĂ©tier, qui , le plus souvent, ne connait pas d’heures de fermeture. Mais ce n’est pas un commerce. On n’y vend pas la dernière console Switch, le dernier smartphone de Apple ou de Samsung ou la dernière montre connectĂ©e. Sauf peut-ĂŞtre, bientĂ´t, dans certaines cliniques privĂ©es. 

En psychiatrie et en pĂ©dopsychiatrie par exemple, les spĂ©cialitĂ©s que je connais le mieux, au lieu d’essayer de vendre une console switch ou le dernier smartphone dernier prix, on essaie autant que possible d’ĂŞtre Ă  l’Ă©coute. Ce qui implique de notre part au moins une certaine disponibilitĂ© psychique et une prĂ©sence concrète pour l’autre. A mon sens, il est un certain nombre de circonstances oĂą on ne peut pas juste faire acte de prĂ©sence ou dĂ©biter des phrases toutes faites ou des protocoles. Ou parler plus que l’autre.  

Cela ne signifie pas que l’on doit et que l’on peut tout accepter et tout faire avec lui ou elle ou pour elle. Mais de tenter de savoir. Et de pouvoir ĂŞtre lĂ  si la ou les personnes concernĂ©es ont besoin d’ĂŞtre aidĂ©(es) ou accompagnĂ©es pour mettre ou remettre le pied Ă  l’Ă©trier pour ce qu’elles ont Ă  accomplir ou Ă  accepter.

Je n’y arrive pas toujours. Je ne suis pas toujours persuadĂ© d’ĂŞtre un « bon » professionnel. MĂŞme si je peux aussi ĂŞtre satisfait. MĂŞme si je sais que j’ai de l’expĂ©rience et que je peux ĂŞtre critique aussi envers d’autres professionnels quels qu’ils soient, quelle que soit leur hiĂ©rarchie et leur fonction.

Mais j’ai une certaine exigence envers moi-mĂŞme qui n’a pas besoin des autres pour ĂŞtre active. Je fais des erreurs. J’ai certaines insuffisances et certaines lacunes. Peu m’importe que cela ne se remarque pas ou peu. Moi, je le remarque et je m’en rappelle ou je sais m’en rappeler. Par moments, je m’adoucis envers moi-mĂŞme, d’autres fois, moins. 

 » C’Ă©tait la guerre ! » m’a dit il y a deux ans Ă  peu près, lors d’une vacation de nuit infirmière, une jeune infirmière d’Ă  peine trente ans Ă  me parler de la pandĂ©mie du Covid dans le service de rĂ©animation oĂą elle avait Ă©tĂ© titulaire auparavant. Un service qu’elle aimait et qu’elle avait quittĂ© dès qu’elle l’avait pu, après quatre ou cinq annĂ©es. EreintĂ©e par les conditions de travail  qu’elle y avait connues durant la pandĂ©mie du Covid. Devenue intĂ©rimaire ( ou vacataire) afin de pouvoir souffler et travailler quand elle le voulait Ă  des conditions qu’elle pouvait accepter et supporter. Elle aussi, elle n’avait pas d’enfant.

Même s’il s’est masculinisé, je fais un métier de femmes et cela a, je crois, une certaine incidence tant dans la façon de le rémunérer que dans la manière de prendre en compte depuis une trentaine d’années sa pénibilité, ses contraintes, ainsi que les diverses revendications et manifestations de la profession infirmière qui doivent beaucoup faire sourire un certain nombre de décideurs (hommes ou femmes). Puisque le travail continue d’être fait et les mouvements de contestation infirmière ont toujours été indolores politiquement.

Récemment, une de mes amies, infirmière en pédopsychiatrie, était assez en colère. Elle allait peut-être devoir se résoudre à recommencer à faire des vacations (une amie lui avait parlé d’une maison de retraite ou d’un EHPAD) car son salaire ne suffisait pas. Elle était obligée assez régulièrement de puiser dans son épargne.

Dans ce foyer psychiatrique adulte ou j’étais hier, des femmes et des hommes sont surtout porteurs, eux, de certaines entraves psychologiques et psychiatriques depuis des années.

« Mais Â» ils ont acquis ou conservĂ© une certaine autonomie. Certaines et certains d’entre eux sont Ă©tudiants, ont un travail ou se rendent Ă  un hĂ´pital de jour ou dans une autre institution d’accueil psychiatrique. Elles et ils peuvent sortir facilement du service.

Au foyer, hier, une des patientes a aperçu le livre de Dorothée Olliéric.

Je croyais que personne ne l’avait vu. Il n’est pas- encore- interdit de lire en public à notre époque où la plupart du temps, nous sommes perchés juste au au dessus de notre écran de téléphone portable.

Mais je pensais avoir été suffisamment discret.

Elle m’a demandĂ© si c’était moi qui lisais le livre. J’ai oubliĂ© si elle a dit « le livre sur les femmes Â». Il y avait le mot « femme Â» dans sa phrase. Il n’y avait pas le mot « guerre Â». Nous en avons alors un peu discutĂ©.

Je lui ai répondu que j’essaie autant que possible de lire des ouvrages d’après un point de vue féminin. J’ai expliqué que cela me permettait d’apprendre et de voir un peu autrement. Je lui ai donné l’exemple de l’ouvrage qu’avait pu écrire la navigatrice Ellen Mc Arthur. Cet ouvrage lui disait quelque chose.

J’aurais pu citer d’autres ouvrages que j’ai lus :

 Femmes puissantes un ensemble d’interviews pratiquĂ©es par la journaliste LĂ©a SalamĂ© qui avait plutĂ´t tendance Ă  m’excĂ©der avant de lire ces interviews. Mais aussi Les couilles sur la table  Les couilles sur la table, un livre de Victoire Tuaillon. Premières partieset Le cĹ“ur sur la table de Victoire Tuaillon ;  La vie sans fard de Maryse CondĂ© ; et La chair est triste hĂ©las d’Ovidie La Chair est triste, hĂ©las ! un livre d’Ovidie dont j’ai vu l’adaptation théâtrale deux fois rĂ©cemment au théâtre de l’Atelier Ă  Paris dans le 18ème.

Je n’ai pas parlé à cette patiente de ces ouvrages. Ni des articles consacrés dans le journal L’Equipe ou Le Parisien au Footballeur Ousmane Dembelé, joueur du PSG, récemment devenu le nouveau Ballon d’Or, nouvelle fierté nationale.

Mes réponses ont satisfait la patiente. Une jeune femme qui doute beaucoup d’elle et qui est rapidement très anxieuse. Mais qui est néanmoins parvenue à faire des études supérieures et à décrocher un emploi à responsabilités. Hier, elle faisait du télétravail depuis le foyer.

Dans mes réponses à la question de cette patiente, j’aperçois de très loin que nous donnons souvent des réponses dont le hors champ est beaucoup plus fourni.

Mais comme notre interlocuteur ou notre interlocutrice se satisfait de ce que nous lui montrons, lui avons donnĂ© ou rĂ©pondu, nous nous en tenons gĂ©nĂ©ralement lĂ . A la surface. Au bord du rivage. LĂ  oĂą nous avons pied.  Nous sommes un peu des illusionnistes sociaux. Nous partons rarement loin.

Il y aura peut-être un plus tard. Mais il n’y aura peut-être rien aussi plus tard.

Appartenir Ă  un groupe

Les femmes rencontrées par Dorothée Olliéric ont refusé de s’en remettre à un vague plus tard. Elles ont refusé de se satisfaire d’illusions et de peut-être plus tard.

Elles avaient un but ou se sont données un but et, pour y parvenir, elles ont décidé de s’adresser à l’armée et de s’y engager.

Leur décision de s’engager dans l’armée s’est faite en moyenne entre l’âge de 16 et 22 ans. Un âge où beaucoup de personnes, la majorité d’entre nous, hommes comme femmes, se cherche encore à tous les points de vue.

Si le titre du livre de Dorothée Olliéric, La Guerre au féminin, suggère la question du genre dans l’armée française mais aussi dans la guerre, les doutes que l’on peut avoir sur soi-même, lorsque l’on a entre 16 et 22 ans ou même plus, n’ont pas de genre.

Lorsque j’avais 22 ans, j’avais obtenu mon diplôme d’Etat d’infirmier depuis un an. Aujourd’hui, j’ai plus de 22 ans, je suis un homme, et j’ai encore des doutes.

Je crois qu’il faut conserver une certaine aptitude au doute. C’est peut-être une des raisons pour lesquelles, bien qu’attiré par l’armée et tout ce qui peut y ressembler dans la vie civile, je n’appartiens jamais totalement à un groupe. J’éprouve toujours le besoin, à un moment ou à un autre, de penser par moi-même mais aussi d’agir seul. C’est peut-être une force. C’est aussi une faiblesse.

Mais ces femmes, elles, ont choisi l’armĂ©e, s’y sont trouvĂ©es, s’y sont Ă©panouies, voire, pour certaines, y ont aussi rencontrĂ© leur mari ou leur compagne. 

Lorsque l’on entre dans l’armée, on appartient à un groupe.

Je n’ai pas de jugement sur les femmes qui « font Â» la guerre ou qui se sont engagĂ©es dans l’armĂ©e. J’ai lu rĂ©cemment dans le journal Les Echos que l’armĂ©e ukrainienne avait dĂ©cidĂ© rĂ©cemment de nommer davantage de femmes militaires Ă  des postes plus avancĂ©s. DĂ©sormais, certaines « (….) opèrent des drones en première ligne Â» ( Le journal Les Echos de ce jeudi 25 septembre 2025, page 6 et 7, article Kiev fait monter en grade les femmes dans son armĂ©e du journaliste Guillaume Ptak).

Etre dirigé/managé par une femme

Au travail, je n’ai pas de problème particulier, Ă  ĂŞtre « commandĂ© Â» ou dirigĂ© par une femme.

Femme ou homme, ce qui va m’importer, c’est d’abord la façon dont on s’adresse à moi.

La lĂ©gitimitĂ© et le bien-fondĂ© de ce qui peut ĂŞtre exigĂ© de moi. Et par qui ? Une personne que je trouve plus bavarde, dispersĂ©e et occupĂ©e Ă  faire du copinage que compĂ©tente ? Une personne affolĂ©e et psychorigide pour un rien ? Une personne fausse ? Ou une personne qui connait son sujet, capable de pragmatisme, qui connait les personnes avec lesquelles elle travaille ainsi que leurs capacitĂ©s et qui a suffisamment confiance en elles ?

Je ne pensais pas que je parlerais de ma conception du management en commentant ce livre. Cependant, la plupart de ces femmes interrogées, lorsqu’elles sont interrogées par Dorothée Olliéric, occupent – après plusieurs années d’expérience sur le terrain-des postes à responsabilités au sein de l’Armée française.

Formatage

Pour y parvenir, ces femmes ont acceptĂ© un certain nombre de conditionnements et d’entraĂ®nements. Elles ne sont plus ou beaucoup moins celles qu’elles Ă©taient en entrant dans l’armĂ©e. Ou elles ont potentialisĂ© ce qui germait en elles en termes d’aptitudes spĂ©cifiques ou hors normes :

DĂ©mineuse, pilote d’hĂ©licoptère, pilote d’avion de chasse, apprendre Ă  manier des armes et s’en servir, apprendre Ă  survivre dans le froid, dans la jungle, pouvoir se contenter de peu ou de très peu tout en Ă©tant capable d’être au maximum de ses capacitĂ©s de soldat, se dĂ©placer dans des pays en guerre oĂą certaines personnes engagĂ©es (des camarades, des amis, des collègues) se font tuer et mutiler par les mines artisanales, les roquettes, les balles, assister Ă  leur dĂ©part dans un cercueil alors qu’ils n’avaient « que Â» et/ou qu’ils avaient des enfants de tel âge. Ce sont des expĂ©riences que ces femmes militaires vivent concrètement, de face, de manière condensĂ©e, brutalement, rapidement.

Pas de filtre. Pas de préliminaire. La guerre reste la même que l’on y aille en tant que femme ou en tant qu’homme.

Par provocation, j’ai nommĂ© cette partie « formatage Â» car on peut bien-sĂ»r plutĂ´t remplacer ce mot par « conditionnement Â» et «entraĂ®nement».

Le terme « formatage Â» est un terme pĂ©joratif. Et on l’utilise gĂ©nĂ©ralement pour parler de personnes qui n’ont pas leur libre arbitre, qui l’ont perdu lors de leur entraĂ®nement et de leur formation ou qui ont profitĂ© de cet entraĂ®nement et de cette formation pour se « dĂ©lester Â» et se dĂ©barrasser de leur libre arbitre. C’est dans la dernière interview, celle de la militaire pilote de chasse, bien enceinte de son premier enfant et Ă  quelques jours de son accouchement, que cela se voit le mieux.

Celle-ci, qui a effectuĂ© des hautes Ă©tudes supĂ©rieures, et qui vient d’un milieu très Ă©duquĂ© en matière d’études supĂ©rieures, explique ĂŞtre le « bras armĂ© Â» et seulement exĂ©cuter ce qui a Ă©tĂ© dĂ©cidĂ© en plus haut lieu. Lorsqu’elle lâche des bombes, c’est seulement parce-que, auparavant, il y a tout une chaine de direction et de rĂ©flexion au dessus d’elle qui a dĂ©cidĂ© que, lĂ  oĂą elle va se rendre, il faut lâcher des bombes.

Selon le contexte politique et l’importance qui nous est accordĂ© en tant que citoyen, ce mĂŞme raisonnement a pu ou peut ĂŞtre reprochĂ© Ă  certains militaires ou Ă  des employĂ©s qui s’efforcent ensuite de rĂ©pondre « Je n’ai fait que faire mon travail Â» et qui constatent, alors, lors de leur jugement, soit qu’on ne les croit pas, soit que l’on estime qu’ils auraient pu ou dĂ» faire autrement.

Cette femme militaire n’est pas plus formatĂ©e que la plupart d’entre nous lorsqu’elle dĂ©clare simplement faire ce pour quoi elle a Ă©tĂ© formĂ©e et missionnĂ©e. Car nous sommes tous formatĂ©s dans nos domaines respectifs. Tant dans nos domaines professionnels que personnels. Sauf que, contrairement Ă  elle, nous avons moins la « possibilitĂ© Â» ou la volontĂ© de pouvoir tuer ou dĂ©truire quelqu’un d’autre ou quelque chose de manière aussi dĂ©contractĂ©e et lĂ©gitime.

Parce-que nous n’avons pas, pour la plupart d’entre nous, été formatés ou conditionnés et entraînés, comme elle et les autres femmes militaires interviewées. Ce formatage militaire, spécifique, leur est nécessaire pour supporter aussi bien leurs entraînements que les environnements dans lesquels elles/ils évoluent.

Cependant, la résultante de cette adaptation et de ce formatage/conditionnement, c’est une certaine absence d’empathie.

Une certaine absence d’empathie :

Je trouve à la plupart de ces femmes militaires une certaine absence d’empathie. Mais je peux le penser aussi pour les militaires dans leur ensemble et les forces de l’ordre.

Ils/ Elles sont entraînés. C’est la guerre. Donc, il faut mener à bien la mission. Mettre en pratique ce que l’on a appris à faire, c’est-à-dire, tuer, détruire et faire régner l’ordre, notre ordre, nos lois.

Les autres, en face, sont des terroristes, des violeurs ou des barbares.  Et, nous, nous sommes les civilisĂ©s.

Lors d’une mission, une des femmes militaires raconte avoir vu un homme manger le membre d’un rival. A d’autres endroits, cela pouvait ĂŞtre les parties gĂ©nitales d’un rival avec lesquelles tel « barbare Â» se baladait. Ailleurs, encore, une femme enceinte tuĂ©e dont le bĂ©bĂ©, mort, avait Ă©tĂ© dĂ©logĂ©.

Et lorsque des camarades meurent, on les pleure parce qu’ils sont jeunes, qu’ils ont femme et enfants, lorsqu’ils en ont, parce-que l’on a vécu des moments très forts avec eux. On s’attache à celles et ceux que l’on connait et avec lesquels on a enduré et c’est normal. Mais on ne perçoit pas qu’en face, « les barbares » peuvent avoir vécu les mêmes processus.

Lorsque j’ai vu ce passage où cette femme militaire relate cette scène dans un pays d’Afrique noire, j’ai un moment revu passer devant moi le standard colonial raciste selon lequel, en Afrique, c’est des sauvages !

La barbarie et la violence des quelques scènes qu’elle dĂ©crit sont incontestables. La douleur de la perte des camarades militaires est Ă©galement incontestable et parfaitement comprĂ©hensible. Pour moi. 

Pourtant, en actes de barbarie, Ă  peu près tout le monde conviendra que l’Allemagne nazie Ă©tait allĂ©e particulièrement loin il y a plus d’un demi siècle.

Mais  il est vrai que c’était une barbarie de « Supermarché ».  Très bien organisĂ©e, optimisĂ©e et très bien industrialisĂ©e. Un modèle de planning de la barbarie, de gestion d’entreprise et de management. C’était en fait une barbarie très « propre », très quadrillĂ©e, presque Ă©cologique,  avec ses camps de concentration, ses quotas de production.

Cette barbarie-là ne débordait pas dans la rue.

On ne faisait pas brûler ou gazer son juif, son homosexuel, son noir, son résistant, sa prostituée, son anarchiste ou son communiste en pleine rue devant tout le monde. C’est très bien montré dans le film The Zone of interest réalisé en 2023 par Jonathan Glazer.

Je parle «d’une certaine absence d’empathie » parce-que, a posteriori, cette femme militaire et d’autres, parmi celles qui tĂ©moignent, n’en expriment aucune ou très peu a posteriori concernant ces « autres » qu’elles ont pu croiser ou auxquels elles ont dĂ» se confronter durant leurs missions. 

Il y a « nous ». Et les « autres ». Les autres font partie du hors champ. Tant qu’ils y restent et qu’ils n ‘essaient pas de nous barrer par le chemin ou le regard, on ne cherche pas Ă  en savoir plus sur eux. 

« On fait »  ou  » on a fait » l’Afghanistan parce-que l’on y a passĂ© et vĂ©cu quatre mois ( ou plusieurs annĂ©es) en mission dans des conditions militaires très dangereuses. Comme si ce pays, d’autres rĂ©gions du monde et leurs Histoires pouvaient se « faire » et se « vivre » -et se limiter- Ă  quatre mois ou quelques annĂ©es sur place en tant que militaire. 

Lors de la mission, je sais très bien que l’on ne va pas aller faire des bisous aux mines artisanales ou à l’ennemi. Nous ne sommes pas là non plus pour faire de l’ethnologie et de la sociologie.

Mais, après ?  Des annĂ©es plus tard, on est capable d’avoir un point de vue personnel et un peu critique ou autocritique ?

Très peu.

Pour une raison assez simple, ces femmes militaires, comme beaucoup de celles et ceux qui s’engagent dans l’armée, dans les forces de l’ordre ou ailleurs, veulent principalement de l’action et de l’adrénaline.

Adrénaline et vie normale

C’est le mot qui a été le plus employé par ces femmes militaires jusqu’au stéréotype. L’ adrénaline. Je suis étonné qu’aucune d’elle n’ait nommé sa fille ou son fils Adrénaline.

La quête de l’adrénaline.

On leur présente de l’adrénaline à profusion et elles sautent, tête la première. Elles y vont. Elles partent. Comme des assoiffées d’adrénaline. Sauf qu’elles ont un alibi militaire pour mettre en pratique toutes leurs forces et toutes les capacités logistiques, aussi bien mentales, physiques que techniques, pour tuer, détruire et sécuriser un endroit sans se censurer puisque l’on a déjà pensé pour elles. Et que l’on fait tout ça en groupe, donc en famille, ou tout le monde est d’accord, ce qui nous conforte dans le fait que l’on fait- toujours- ce qu’il faut.

Avec une telle quête de l’adrénaline, le retour à la vie « normale » et à peu près solitaire ou civile – corrélé avec l’extraction du groupe de la mission militaire- est d’autant plus difficile à supporter ou peut devenir difficile à supporter.

Cela arrive Ă  plusieurs d’entre elles. Cela arriverait Ă  n’importe qui d’autre dans des conditions similaires. Aussi bien dans la vie militaire que civile. 

Ces femmes militaires  vivent donc dans un mĂ©lange assez explosif de risque Ă©levĂ© de stress post-traumatique, de burn out, de dĂ©cès prĂ©maturĂ©, de blessures corporelles dĂ©finitives, de sentiment exacerbĂ© d’existence ou d’extase, de trĂŞves…et de dĂ©pression.

Car on ne peut pas toujours partir en mission. Toutes les missions ne se valent pas. Et puis, on perd des sœurs ou des frères d’armes car c’est la vraie guerre. Celle où l’on meurt vraiment. Celle dont on revient aussi amputé. Le livre ne parle pas des militaires amputés qui ne peuvent plus partir en mission. « Seulement » des morts. Alors que toute attaque subie laisse forcément des séquelles.

Puisque lorsque l’on parvient Ă  revenir vivant soi-mĂŞme, la vie ne peut plus ĂŞtre comme avant au vu de ce que l’on a vĂ©cu. Puisque une partie de notre vie est restĂ©e engagĂ©e – ou marquĂ©e- dans ce que l’on a connu ailleurs.

 » Quand tu regardes l’abĂ®me, il te regarde aussi... ». 

Les personnes qui ont Ă©tĂ© victimes d’un attentat racontent bien ce que cela a pu changer pour elles et dans leurs relations avec leur entourage. Je trouve que c’est un peu pareil pour certaines de ces femmes (ça peut ĂŞtre pareil pour les hommes) militaires lorsqu’elles « reviennent ». MĂŞme si elles ont Ă©tĂ© plus armĂ©es et plus entraĂ®nĂ©es que les civils victimes d’attentats. Simplement, cela prend un peu plus de temps pour elles pour ĂŞtre rattrapĂ©es par les mĂŞmes tourments. Et lorsque j’Ă©cris « elles », ces tourments se postent Ă©galement, Ă©videmment, chez les hommes. Il n’existe pas vraiment de murs, ici, entre les genres pour ces tourments. Seuls les individus se diffĂ©rencient entre eux indĂ©pendamment de leur sexe ou de leur genre. 

La vie normale et quotidienne, celle de la plupart d’entre nous, c’est plutôt un antidote de l’adrénaline. Un arrêt sur image. Une détention répétée dans nos limites et certaines de nos contrariétés et frustrations :

Les dĂ©marches administratives, les embouteillages, les heures de pointe, faire les courses, assez peu de variĂ©tĂ©, assez peu d’action, assez peu de panache ou d’aventure, l’impression d’être sous employĂ©(e), de subir, de vĂ©gĂ©ter ou de pourrir sur pied et d’avoir, en contrepartie, des distractions de merde ou celles de tout le monde. Alors que, nous, ce que l’on veut, c’est s’illustrer, ĂŞtre des hĂ©ros ou des hĂ©roĂŻnes. Des vrais. Comme dans les films.

Comme dans les films

Deux ou trois des femmes militaires se qualifient de « gosses » ou qualifient les militaires de « gosses » qui partent à la guerre. C’est pareil dans d’autres professions (policiers, pompiers et autres, et pas seulement les représentants des forces de l’ordre).

Deux ou trois, aussi, disent vivre certains moments dans leurs missions comme « dans un film ». DĂ©mineurs  et Zero Dark Thirty ( voir l’article  Zero Dark Thirty/ Un film de Kathryn Bigelow ) de K. Bigelow, Le Chant du loup ( voir  l’article Le Chant du Loup ) et la sĂ©rie Le Bureau des lĂ©gendes font partie des Ĺ“uvres cinĂ©matographiques citĂ©es.

Elles, elles vivent ou ont vĂ©cu « pour de vrai » ce qui peut ĂŞtre racontĂ© dans ces films. Elles font alors partie du film. D’un film, qu’elles pourront se raconter ou raconter plus tard. Soit Ă  des militaires comme elles qui peuvent les comprendre. Ou Ă  certains proches. C’est tout de mĂŞme mieux que de raconter ses courses Ă  Auchan ou dans un magasin Picard SurgelĂ©s. 

Nous sommes nombreux Ă  aspirer Ă  avoir une vie de « film » ou « comme dans un film ». Sauf que, elles, elles se sont donnĂ©es les moyens pour y parvenir et ce qu’elles disent, aussi, c’est que, Ă  l’armĂ©e, on a plus de chances de voir tous nos efforts et nos sacrifices rĂ©compensĂ©s comparativement Ă  la vie civile qui, Ă  la fois, offre moins d’opportunitĂ©s d’expĂ©riences hors du commun mais ne garantit pas pour autant le meilleur Ă  celles et ceux qui le mĂ©ritent ou l’ont mĂ©ritĂ© Ă  force d’efforts et de sacrifices.

Féminisme

Malgré les écueils rencontrés par quelques unes à l’armée avec des gradés ou d’autres simples militaires qui ne veulent pas des femmes ou seulement pour leur passer dessus ou les dénigrer, elles sont plusieurs à dire que l’armée française a évolué, qu’elles ont su se faire respecter et que cela a été plus facile pour elles d’être des femmes militaires qu’il y a trente ou quarante ans.

Elles vivent plutôt comme une injustice le fait qu’avoir un enfant en bas âge a pu les priver de certaines missions. Peut-être parce-que, socialement, cela reste souvent la carrière du père ou de l’homme qui reste prioritaire tandis que la mère/la femme est celle qui reste à la maison pour s’occuper des enfants. Elles ont peut-être raison de le voir de cette façon. Je crois pourtant qu’il faut aussi parler davantage de la figure du héros sans distinction de genre.

Le hĂ©ros et la fiertĂ© :

Bien avant de lire La Guerre au fĂ©minin, j’ai dĂ©jĂ  plusieurs fois rĂ©flĂ©chi au fait d’être « un hĂ©ros Â», «une hĂ©roĂŻne Â». Et aussi Ă  propos de « la fiertĂ© Â». J’aurais dĂ» aussi rajouter le terme « sacrifice Â» dans ce titre.

Cela fait plusieurs fois que, devant la statue d’un « hĂ©ros », ou devant le nom de rue d’un « hĂ©ros », je me fais la remarque que, moi, en tant qu’enfant, je n’en n’aurais rien eu Ă  faire que mon père ou ma mère soit un hĂ©ros ou une hĂ©roĂŻne et ait sa statue ou une rue Ă  son nom. Car tout ce que j’aurais voulu, en tant qu’enfant, c’est que ma mère et mon père soient prĂ©sents pour m’aimer, me conseiller, me protĂ©ger. Ce qu’une statue, un nom de rue ou des « Ton père Ă©tait un hĂ©ros, tu peux ĂŞtre fier de lui »/  » Ta mère Ă©tait une hĂ©roĂŻne, tu peux ĂŞtre fière d’elle » n’apportera jamais.

Si nos parents sont des héros, pourquoi sont-ils absents pour nous, lorsque nous sommes enfants puis adolescents ?

Dans les faits, ma mère et mon père sont encore vivants et autonomes. Ils vivent chez eux et non dans un EHPAD. Je ne suis pas orphelin alors que je suis aujourd’hui adulte. Cependant,  je ne comprends pas cette espèce « d’aviditĂ© » pour le sacrifice et le fait de devenir un hĂ©ros/une hĂ©roĂŻne en mourant au besoin.

Je parle « d’avidité » pour le fait d’être volontaire afin de se jeter de soi-même dans le vide. Lorsque personne ne nous le demande ou ne nous y oblige.

Alors que plusieurs de ces femmes militaires, d’elles-mĂŞmes, demandent avec insistance Ă  pouvoir partir se jeter dans l’action militaire alors que leurs mĂ´mes ont quelques mois, un an ou deux ans. J’ai le mĂŞme raisonnement vis-Ă -vis des hommes militaires ou autres qui font un mĂ©tier particulièrement risquĂ© :

Tu es devenu jeune père. Pour qui te prends-tu Ă  continuer Ă  te croire si invincible lorsque tu pars Ă  la guerre alors que ton enfant de quelques mois ou de deux ou trois ans ne te reverra peut-ĂŞtre pas car tu vas mourir lĂ  oĂą tu pars, pour satisfaire ton appĂ©tence en adrĂ©naline ?

La fierté est importante pour ces femmes ( et hommes) militaires. A plusieurs reprises, l’une d’entre elles évoque le fait que dans le regard des autres (la famille ou d’autres militaires), elles voient qu’elles ont changé de dimension et qu’elles suscitent fierté et admiration. Ou une certaine crainte.

Je n’ai rien contre la fiertĂ© ou le fait d’être un hĂ©ros. Mes buts dans la vie ne se rĂ©sument pas Ă  ĂŞtre un lâche, Ă  passer mon temps Ă  fuir et Ă  faire le rĂ©cit de mes courses au magasin de surgelĂ©s Picard ou sur le marchĂ© d’Argenteuil.  Mais le prix que ces femmes et ces hommes sont prĂŞts Ă  payer pour leur adrĂ©naline, pour ĂŞtre des hĂ©ros, pour ĂŞtre fiers d’eux-mĂŞmes, me parait trop Ă©levĂ©. Et il est en plus très difficile voire impossible de pouvoir tout bien concilier :

Etre des hĂ©ros, ĂŞtre fier de soi, avoir son quota d’adrĂ©naline, avoir une vie de couple ou de famille Ă©panouie….

Aussi, leur engagement admirable dans l’armĂ©e me laisse malgrĂ© tout avec des doutes sur la façon dont elles et ils s’engagent dans leur humanitĂ©, leur façon d’ĂŞtre des ĂŞtres humains, mais aussi sur leurs rĂ©elles facultĂ©s et leur rĂ©elle volontĂ© afin (re)devenir une femme, un homme, une mère, un père…dans la vie civile et par temps de paix.

Je crois que ces femmes vivent l’exceptionnel en tant que militaires mais qu’elles passent Ă  cĂ´tĂ© de certains aspects de la vie qui sont tout autant exceptionnels.  Mais qu’elles l’ignorent car l’armĂ©e n’entraine pas Ă  ça. Sauf si elles ont la chance de croiser certaines personnes dans l’armĂ©e qui sont suffisamment capables d’empathie, de clairvoyance ( il y en a) et qui leur font relativiser certaines de leurs certitudes acquises durant leur carrière.

Sauf si un burn out, un stress post-traumatique et/ou un divorce leur casse la route, ce qui arrive à deux ou trois d’entre elles au moins.

Mais je suis peut-ĂŞtre aussi dĂ©routĂ© par les choix de ces femmes  parce-qu’elles accordent avant tout une grande importance Ă  leur carrière.

 

Faire carrière et prendre la décision parfaite

Ces femmes militaires sont d’indĂ©niables compĂ©titrices. Et lorsque l’on a un tempĂ©rament de compĂ©titrice ou de compĂ©titeur, on aspire sans cesse au meilleur. Et rien ne doit ou ne peut entraver notre parcours. Je me rappelle seulement ce matin ( nous sommes le 27 septembre 2025) alors que je complète cet article depuis sa publication hier, du film Volontaire rĂ©alisĂ© en 2018 par HĂ©lène Fillières dans lequel elle joue elle-mĂŞme un rĂ´le de femme militaire gradĂ©e. Un film qui m’avait beaucoup plu lorsque je l’avais vu au cinĂ©ma.

Dans ce film, Volontaire, l’actrice Diane Rouxel interprète la jeune Laure Baer qui donne tout pour rĂ©ussir dans l’armĂ©e. Y compris se faire prescrire un traitement -en se servant de son copain « civil » qu’elle finit par quitter- pour bloquer ses règles. 

Dans l’esprit de ces femmes militaires rencontrĂ©es par DorothĂ©e OlliĂ©ric, on est plus proche de cet Ă©tat d’esprit ou de celui de l’actrice Jennifer Lawrence dans les films Hunger Games que du mien. J’ai un Ă©tat d’esprit sans doute trop spontanĂ©ment ou trop rapidement sentimental,  gogo-naĂŻf et trop gentil envers autrui.

Cet Ă©tat d’esprit- le mien- qui s’applique, autant que possible, Ă  d’abord chercher Ă  prĂ©server l’autre et Ă  faire le moins de mal  possible Ă  autrui. A bien ou comprendre au mieux ses Ă©ventuels besoins. A s’assurer qu’il ou qu’elle va bien ou qu’il ou qu’elle est en lieu sĂ»r avec des personnes de confiance avant de pouvoir m’adonner vĂ©ritablement Ă  ma quĂŞte personnelle. Soit un Ă©tat d’esprit plutĂ´t « maternant » conjuguĂ© avec un Ă©tat d’esprit qui peut ĂŞtre  plus agressif,  froid, qui peut surprendre, dont on peut douter de l’existence,  car Ă  l’opposĂ© de ce cĂ´tĂ©  gentil, rassurant et maternant. 

Soit un Ă©tat d’esprit ou une ambivalence ( chez moi) difficile Ă  concilier, par moments, avec certaines compĂ©titions et certaines situations oĂą il faut d’abord penser Ă  soi avant tout. Et ĂŞtre le plus rapide possible pour agir ou dĂ©cider sans se prĂ©occuper des consĂ©quences ou des dĂ©sagrĂ©ments pour les autres ou notre entourage. Ces femmes militaires, de toute Ă©vidence, sont moins ambivalentes et moins tourmentĂ©es que moi devant ce genre de choix ou de dilemme. C’est peut-ĂŞtre ce qui nous diffĂ©rencie le plus psychologiquement, et ce qui fait d’elles des guerrières et des militaires « accomplies », des soldats ou des compĂ©titrices plus que des « femmes » et  des « personnes ». Tandis que je persiste, moi, dans une espèce d’entre-deux tantĂ´t rassurant et tantĂ´t satisfaisant, tantĂ´t insatisfaisant.  Entre ĂŞtre un soldat ou un compĂ©titeur ou ĂŞtre une personne.

A ceci près que ces femmes militaires exercent sur des terrains de guerre en tant que soldats  au service de l’Etat français lĂ  oĂą, moi, j’exerce par temps de paix, en tant que soignant Ă©galement au service de l’Etat français mais dans la vie civile.

Si nous pouvons nous ressembler, ces femmes militaires et moi, les contextes dans lesquels nous avons Ă  agir,  les moyens d’actions dont nous disposons et les buts que nous visons pour nos missions respectives sont diffĂ©rents. 

Mais il n’existe pas de dĂ©cision parfaite. Il existe plutĂ´t des choix et des consĂ©quences que nous sommes prĂŞts ou capables d’accepter.

Ou incapables.

Des conséquences que nous ne pouvons pas toujours prévoir ni maitriser.

Et,  j’ai sans doute eu besoin de lire ce livre pour continuer d’apprendre qu’il faut se faire confiance et donc apprendre Ă   moins tergiverser. Apprendre Ă  accepter aussi l’irrĂ©parable comme l’inconcevable.  

Cette conclusion efface tout ce qui suivait ensuite dans cet article lors de sa première publication.

 

Franck Unimon, ce vendredi 26 septembre 2025 puis ce samedi 27 septembre 2025. 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Pour les Poissons Rouges

Confessions d’un homme hĂ©tĂ©ro ce 18 septembre 2025

Confessions d’un homme hétéro ce 18 septembre 2025

Je me réveille ce matin après être allé hier soir au théâtre avec une copine. Il se trouve que c’était l’anniversaire de cette copine. Je l’ignorais en commandant les places.

Le plus souvent, je sors seul. Je n’aime pas dépendre de la disponibilité des autres pour me rendre ou participer à certains événements que je tiens à vivre ou à connaître. Je n’aime pas dépendre, aussi, de leurs éventuelles réticences concernant le fait de se rendre à tel endroit, de tenter telle expérience ou pour se rendre à tel événement.

J’ai la prĂ©tention de croire que je suis plus apte Ă  me rendre avec d’autres lĂ  oĂą ils me proposent d’aller que l’inverse. Un ami m’a par exemple proposĂ© d’aller Ă  la fin du mois au concert de l’artiste Eivor. Une artiste que je ne connaissais pas. Je suis tout Ă  fait capable d’y aller. Mais je sais que cet ami n’acceptera pas de se rendre au concert de Meiway oĂą j’envisage d’aller.  Au moins parce-qu’il ne sait pas et n’aime pas danser. 

C’est une question de tempérament. Et, aussi, je crois, la conséquence d’avoir été, enfant, trop souvent, très souvent, enfermé, cloîtré. Et soumis.

Je crois que, enfant puis adolescent, j’aurais été ouvert et disponible à quantité de découvertes et d’apprentissages. Mais j’ai dû rester un certain nombre de fois à la place où l’on m’avait mis. Non dans un placard. Mais dans un appartement. Sur une terrasse de maison. Tel un meuble, tel un ou une domestique. Ou un toutou( ou une nounou) d’appartement.

Au 20 ème siècle, en région parisienne puis aux Antilles, une autorité familiale s’est chargée de m’inculquer ça. Et j’ai été un bon élève.

Le cloisonnement. La soumission. La peur lorsque l’on sort de ce que l’on « connait Â». Le fatalisme. La mĂ©fiance vis-Ă -vis de l’autre. L’esclavage. Voir l’homme blanc et la femme blanche comme des racistes et des ennemis.

Je suis un homme hĂ©tĂ©ro mais, par bien des aspects, j’ai Ă©tĂ© Ă©duquĂ© comme une fille soumise et peureuse sous la contrainte et  aussi par solidaritĂ©.

J’ai été et suis sans doute resté par certains aspects un mec/fille soumise. C’est pour ces quelques raisons, je crois, qu’il est arrivé et qu’il peut arriver que l’on se demande si je suis un homme-eau.

Parce-que je ne m’affirme pas ou ne tiens pas obstinĂ©ment  ou toujours Ă  me montrer ou me rendre visible coĂ»te que coĂ»te au travers de certains types de comportements. De certaines façons de penser et de se comporter qui restent gĂ©nĂ©ralement gravĂ©es dans la mĂ©moire comme Ă©tant spĂ©cifiquement « attribuĂ©es Â» aux hommes. Aux vrais  hommes comme il existe, aussi, des « vrais Antillais Â» :

Par exemple. J’ai de la force physique. Je suis plutĂ´t sportif. Je contiens ou suis dĂ©tenu par une certaine violence au moins physique.  Mais aussi une certaine violence morale et psychologique.

Une violence qui m’a été transmise dans certaines proportions avec un certain nombre de rappels.

Dès l’enfance, ĂŞtre capable de faire montre de bonne humeur, de faire bonne figure, ĂŞtre souriant ou rire, faire rire, ĂŞtre discret jusqu’à me faire oublier, ont sans aucun doute Ă©tĂ© mes premiers maquillages. Aussi, lorsque je vois des humoristes connus ou qui marchent très bien, surtout s’ils me touchent et me plaisent, instinctivement, j’essaie de flairer et de sonder la part de souffrance particulière qui se trouve en eux. C’est la raison pour laquelle j’ai Ă©tĂ© aussi touchĂ© par le dĂ©cès rĂ©cent de l’humoriste Bun Hay Mean. MĂŞme s’il m’amusait beaucoup, j’’avais sĂ»rement « pressenti Â» qu’il n’était pas qu’un chinois marrant.

Mais concernant la violence dont je suis fait.  Je n’éprouve pas le besoin de faire savoir en permanence autour de moi que je « dispose Â» de cette violence. Ou de m’en servir pour intimider ou tenter de sĂ©duire. J’essaie plutĂ´t de la museler, de la maitriser, de la comprendre et de l’apprivoiser lĂ  ou d’autres ont besoin de se montrer dĂ©monstratifs.

Mais cela est une attitude finalement assez peu masculine.

Parce-que lorsque l’on est un vrai mec hĂ©tĂ©ro, on montre ses couilles. On montre ou on tient Ă  faire savoir autour de soi que l’on a des couilles ou le rĂ©sultat de ses couilles :

On « a Â» un ou plusieurs enfants. Peu importe que l’on vive ou que l’on ne vive pas avec ses enfants. On les « a Â» faits. On a une copine ou l’on vit avec une femme. Ou on a une ou plusieurs maitresses. Ou on a des conquĂŞtes et cela se sait ou se voit ou s’entend. Ou on a un avis sur les femmes ou certaines femmes qui fait consensus lorsque l’on discute entre mecs.

On a aussi de la gueule. On peut parler fort, menacer, sanctionner, dire ses quatre vérités. Taper du poing sur la table. Donner des ordres.

Pour faire mal, pour soumettre ou pour prendre du plaisir. Si on le veut. Quand on le veut.

Puisque l’on est très fort. Et, c’est ce que l’on est,  dans les grandes lignes, si l’on est un vrai mec hĂ©tĂ©ro.

Lorsque l’on est un vrai mec hétéro, on peut aussi faire du MMA. On regarde des combats de MMA, de boxe, d’un autre sport de combat ou des matches de Foot. Ou on le pratique à un très haut niveau.

 Et on en parle. On le fait savoir. On ne passe pas son temps, comme moi, Ă  Ă©crire ses confessions ou dans un blog. On ne passe pas son temps Ă  faire de l’introspection sauf lorsque ça fait bien durant quelques secondes dans une vidĂ©o ou l’on nous voit en train de « mĂ©diter Â» avant de partir au combat ou Ă  l’entraĂ®nement.

On ne passe pas son temps Ă  se branler la tĂŞte. On fait. On agit. On n’est pas lĂ  pour discuter. Droit au but.  On est des hommes d’action. Des guerriers. Des militaires. Des SamouraĂŻ. Des sangliers qui n’ont pas peur dans le dĂ©sert….

J’aime regarder les matches de boxe, des vidéos de sports de combat. J’aime aussi apprendre et pratiquer les sports de combat ou les Arts Martiaux. Je prends plaisir à regarder des vidéos de Greg MMA, Skarbowsky, Léo Tamaki, Youssef Boughanem et d’autres. J’aime regarder leurs démonstrations, écouter leurs propos. Acheter et lire certains ouvrages relatifs au combat, aux Arts Martiaux mais aussi au sport dans son ensemble.

J’ai beaucoup aimé la lecture de Le sens du combat de Georges Saint Pierre. Je suis resté marqué par la lecture, il y a plusieurs années, de Déclassée par l’ancienne joueuse de Tennis française Cathy Tanvier.

Et je constate bien, depuis que j’ai changé d’établissement professionnel, que j’ai moins de disponibilité pour apprendre à « faire » du combat, des arts Martiaux ou tout simplement du sport en raison de mes horaires de travail depuis. Pour écrire. Pour être un peu plus avec ma fille et sa mère. Pour vivre pour moi.

Et ça m’enferme et me frustre.

J’ai l’impression d’être beaucoup trop à la disposition de mon nouveau service. Un service stimulant, prestigieux, formateur ou j’y fais des bonnes rencontres et des bonnes expériences mais à un prix que je trouve élevé pour mon temps personnel.

J’ai l’impression d’être trop dans mon métier d’infirmier en psychiatrie et en pédopsychiatrie.

Donc, cette sortie au théâtre hier soir dans Paris était d’autant plus bénéfique et importante pour moi.

C’était du temps pour moi.

Hier soir, nous sommes allĂ©s au théâtre de l’Atelier, Ă  Paris dans le 18ème afin de voir l’adaptation théâtrale du dernier livre d’Ovidie paru il y a quelques mois :

La Chair Est Triste HĂ©las ! .

J’ai dĂ©jĂ  parlĂ© dans un prĂ©cĂ©dent article  ( rĂ©digĂ© hier La Chair est triste, hĂ©las ! un livre d’Ovidie) de mes impressions après la lecture de ce dernier ouvrage d’Ovidie.

Dans cet article, je ne vais pas parler de mon expérience de spectateur hier soir, devant la comédienne Anna Mouglalis. Je le ferai dans un autre article. Car j’essaie, ici, de faire un article court.

Je remarque qu’avec le dĂ©veloppement des rĂ©seaux sociaux a aussi pu se dĂ©velopper une appĂ©tence pour « regarder Â», « voir Â» et « savoir Â» ce que untel a fait ou dit. Il a pu se dĂ©velopper aussi une certaine consommation, en tant que spectateur, de toutes formes de violences, de destruction.

On pourrait penser que « nous Â» sommes dĂ©sormais capables de tout voir, de toute entendre et de tout comprendre puisque nous avons toutes ces informations Ă  disposition en permanence. Et que ces informations deviennent très banales Ă  force d’être diffusĂ©es 24 heures sur 24.

Sauf qu’il y a ou peut y avoir un gros dĂ©calage entre la quantitĂ© d’informations que l’on reçoit et la qualitĂ© de nos capacitĂ©s de comprĂ©hension et de prise de conscience :

Des gens sont prêts à voir du MMA que ce soit en direct ou à la télé comme récemment lors du dernier combat que le combattant Benoit St Denis a gagné. Des gens sont prêts à aller s’entraîner pour pratiquer du MMA. A se prendre des coups et en donner.

Par contre, je me figure ce matin que très peu de ces partisans et pratiquants du MMA ou d’un autre type de pratique d’affrontement physique pourtant durs au mal et courageux, mais surtout, déterminés, se rendront au théâtre pour venir voir une comédienne interpréter le texte du dernier ouvrage d’Ovidie.

Ces hommes de combat, qu’ils soient dans l’octogone, sur le ring, sur le tatamis ou au Pao, ou spectateurs de ces combats ne parviendront pas jusqu’à cette salle de théâtre pour écouter et recevoir dans la tête ce que Ovidie a pu écrire et dire.

Parce-que, pour eux, il n’y a pas assez d’action. Pas assez d’adrénaline.

Parce-que c’est trop dur pour ces combattants. C’est trop dur à digérer. C’est trop dur de devoir accepter de ne pas avoir le premier rôle. C’est trop dur de devoir se dire qu’ils ne sont pas toujours très beaux , ni les plus performants malgré leurs abdos, leur extraordinaire condition physique, leur capacité à péter un bras ou des cervicales.

C’est trop dur de ne pas avoir un adversaire tout désigné. Un adversaire à qui on a le droit de casser la gueule parce qu’il est le coupable du crime ou délit. Soit parce qu’il a été volontaire pour affronter un autre adversaire. Ou parce-que sa tête ne nous plait pas. Ou parce qu’il nous a cherché et provoqué.

Lors d’un match de Foot, lorsqu’il y a deux équipes, on peut choisir son camp. C’est très simple et très binaire. Lors d’un combat de MMA, c’est pareil. Deux adversaires. Il y a en un que l’on aime et un que l’on aime moins.

Dans la vraie vie, on ne peut pas faire tout Ă  fait pareil mĂŞme si on peut en avoir très très envie et que lorsque cela arrive, il existe un risque  que l’on ait Ă  en assumer les consĂ©quences. Car on n’est plus spectateur. Et le carton rouge ou le carton tout court peut ĂŞtre pour nous. 

Dans une simple relation humaine, beaucoup de ces combattants méritants, acharnés, sont plutôt désarmés. Car même si cela peut faire très mal et blesser de prendre les coups physiques d’un adversaire lors d’un combat, l’entraînement répété et préalable au combat ou au match nous y prépare un minimum.

Il n’existe pas d’entraĂ®nement aussi performant pour avoir une relation, une vraie relation, avec quelqu’un d’autre. Une relation, prendre sur soi, se montrer patient,  optimiste, dĂ©tendu, Ă©couter, accepter d’ĂŞtre contredit, c’est beaucoup plus difficile Ă  pratiquer qu’une clĂ© de bras, un coup de genou ou un crochet que l’on va finir par incorporer Ă  force de rĂ©pĂ©titions.

Si je m’en Ă©tais strictement tenu Ă  mes codes et Ă  mes habitudes hĂ©tĂ©ros, hier soir,  je ne serais pas allĂ© voir la reprĂ©sentation théâtrale du dernier livre d’Ovidie avec une copine. Je serais allĂ© prendre une bière dans un bar ou au restaurant « entre mecs ». Pour parler de la vie et du monde Ă  la façon des mecs. Ou je serais peut-ĂŞtre allĂ© faire du sport et transpirer. Qu’il s’agisse d’aviron ou d’un sport de combat. Ou je serais peut-ĂŞtre allĂ© au cinĂ©ma ou aurais passĂ© mon temps Ă  scroller sur mon tĂ©lĂ©phone portable.

Etre allé hier soir au théâtre ne fait pas de moi un homme extraordinaire. Et puis, je ne suis pas féministe. J’ai pu ou je peux avoir des comportements, des pensées ou des propos envers des femmes que l’on pourrait considérer comme déplacés ou inadaptés. Mais j’essaie de faire de mon mieux.

J’ai bien sûr aimé ma soirée d’hier soir. Même si je regrette un peu d’y être allé en étant « prévenu ». En ayant lu le livre d’Ovidie auparavant.

Je continue de penser que ma fille est trop jeune pour l’emmener. Je crois qu’en tant que père, il me revient de la préparer à certains sujets afin qu’elle en prenne conscience. Je n’ai pas envie « d’attendre » qu’elle se heurte à certaines situations pour qu’elle doive, seulement après coup si cela est encore possible, apprendre à y parer. Mais il me semble néanmoins qu’il aurait fallu qu’elle ait au moins 14 ou 15 ans pour être présente avec nous dans la salle hier soir. Elle ne les a pas.

Par contre, depuis ce matin, je pense y retourner avec ma mère qui, elle, a un petit peu plus que 14 ou 15 ans.

 

Franck Unimon, ce jeudi 18 septembre 2025.

 

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Puissants Fonds/ Livres

La Chair est triste, hĂ©las ! un livre d’Ovidie

La Chair est triste, hĂ©las ! un livre d’Ovidie

Nous sommes faits de défaites.

 De dĂ©faites relationnelles, Ă©motionnelles, affectives, cognitives et charnelles.

Certaines de ces défaites nous servent d’amphéts et nous galvanisent pour le meilleur par la suite.

Mais nous n’échappons pas aux règles du casting. Nous sommes quelques fois retenus pour des rôles dont beaucoup d’autres seront privés. Et d’autres fois, c’est nous qui choisirons le mauvais rôle ou qui interprèteront mal celui qui nous est apporté ou réservé.

Ce soir, j’irai voir avec une copine, plutĂ´t sur ma proposition, l’adaptation théâtrale du livre La Chair est triste, hĂ©las !d’Ovidie par Ovidie avec l’actrice Anna Mouglalis.

Un livre dont j’avais oubliĂ© la commande. Et que j’ai rĂ©cupĂ©rĂ© il y a quelques jours par hasard avec d’autres livres Ă  la librairie qui me « connaĂ®t Â» bien dans la ville oĂą j’habite.

Un livre que j’ai lu rapidement. Je m’attendais à un livre plus long et plus difficile à lire et à comprendre.

Deux hommes ou deux personnes au moins en moi rĂ©digent cet article. J’espère qu’il sortira le meilleur de ces personnes qui me composent Ă  parler de ce dernier livre d’Ovidie.

Il m’a été très facile de comprendre en le lisant que je suis l’ennemi d’Ovidie et de beaucoup de femmes. Puisque je suis un homme standardisé qui, depuis l’enfance, a été entraîné à détraquer la météo des femmes qui l’environnent.

Un homme hĂ©tĂ©ro de plus qui va raconter qu’il aime les livres, qu’il sait qu’Ovidie a pu ĂŞtre actrice porno il y a longtemps mais qu’il n’a jamais vraiment regardĂ© un seul des films concernĂ©s.  Qu’il n’accorde pas ou plus beaucoup d’importance Ă  ce qui a trait Ă  la pornographie, cette anthropophagie des chairs qui s’exerce au moins sur Ă©cran. Et que, de temps Ă  autre, il suit/je suis ce qu’elle et d’autres figures fĂ©ministes peuvent dire, faire ou Ă©crire.

Cependant, je ne suis pas féministe. Je tiens régulièrement à le rappeler.

Je n’aspire pas à passer pour un homme attentif, particulièrement ouvert, évolué ou émotionnellement très intelligent.

Je ne suis pas plus intelligent qu’une autre ou une autre. Je suis plutôt psychorigide à plus d’un titre. Je crois que les personnalités féministes comme Ovidie décryptent des faits, assurent des témoignages qui m’obligent à voir et à apprendre, peut-être à comprendre, ce qui ne va pas dans les relations inter-humaines entre les femmes et les hommes et entre divers genres de personnes et de personnalités.

Mais je crois aussi qu’il ne faut pas toujours suivre à la lettre tout ce que peuvent dire les féministes aussi rigoureuses et brillantes soient-elles dans leurs recherches, leurs observations et autres.

J’ai bien sĂ»r eu ou ai certains des travers masculins dĂ©crits pas Ovidie et d’autres. Il serait vain d’essayer de le nier. Car les seuls moyens que je peux imaginer pour Ă©chapper Ă  ces travers « masculins hĂ©tĂ©ros Â» est d’être mort, d’avoir Ă©tĂ© Ă©duquĂ© depuis ma naissance et de vivre peut-ĂŞtre dans une autre sociĂ©tĂ©, une autre Ă©poque et une autre culture que les nĂ´tres ( j’ai deux cultures, une française et une antillaise) , d’être une femme ou de faire partie des minoritĂ©s trans ou homosexuelles. Ces moyens ne font pas encore partie de mes projets conscients.

Et, je ne crois pas que si je m’adonnais Ă  une espèce de catĂ©chisme fĂ©ministe consistant Ă  rĂ©citer des propos, des actions et des pensĂ©es apprises par cĹ“ur, mĂŞme avec la sincĂ©ritĂ© d’un enfant de chĹ“ur, que cela suffirait Ă  faire de moi un homme beaucoup plus frĂ©quentable et plus bienveillant envers les femmes. Je ne crois pas que cela ferait de moi un homme plus dĂ©sirable ou plus admirable que je ne le suis. Cela m’enfermerait ou m’immobiliserait tout simplement dans un autre carcan ou dans la caricature d’une certaine normativitĂ© en « Ă©change » du carcan et de la caricature de normativitĂ© dans lesquels je suis sans aucun doute installĂ© depuis des annĂ©es mais dont j’apprends peut-ĂŞtre Ă  mieux percevoir les trompe-l’œil et les impasses Ă  mesure que je « m’informe » et fais certaines rencontres.  

Je crois que comparativement Ă  mes grands-mères ou mĂŞme Ă  ma mère, que les femmes Ă©duquĂ©es comme Ovidie et d’autres fĂ©ministes nĂ©es après Simone de Beauvoir, après la loi Simone Veil pour l’avortement, sont Ă  la fois plus autonomes, peut-ĂŞtre plus « indĂ©pendantes Â», et aspirent Ă  d’autres idĂ©aux relationnels et d’autres formes d’engagement personnel avec les hommes qu’elles aiment et dĂ©sirent ou sont capables de dĂ©sirer.

Je peux Ă©crire ça autrement : RĂ©cemment ou peut-ĂŞtre en ce moment, on peut apercevoir une vidĂ©o de quelques secondes de l’actrice Salma Hayek, presque 60 ans, en maillot de bain deux pièces. Salma Hayek a toujours Ă©tĂ© une très belle femme dès son rĂ´le dans le film Desperado rĂ©alisĂ© en 1995 par Robert Rodriguez il y a…30 ans !

Il est évident ou a sûrement toujours été évident que Salma Hayek, jeune femme issue d’un milieu social plutôt bourgeois qui a pu être scolarisée dans des très bonnes écoles au Mexique, pays dont elle est originaire, n’allait pas se contenter pour mari d’un ébéniste qui vit dans la Nièvre ou d’un éboueur qui travaille dans la ville d’Argenteuil aussi sensibles et féministes soient-ils tous les deux.

Et, je constate, coĂŻt et coĂŻncidence, que François Pinault, milliardaire et homme d’affaires français, un des hommes les plus riches du monde,  son mari, n’est ni Ă©bĂ©niste ni Ă©boueur si j’ai Ă©tĂ© bien renseignĂ©. Mais il est sĂ»rement obstinĂ©ment très fĂ©ministe.  

Beaucoup d’hommes hĂ©tĂ©ros se rĂ©vèleraient, du reste, très fĂ©ministes avec Salma Hayek, tout au moins au dĂ©but….

Je crois que bien des idéaux des femmes féministes se heurtent à des défaites diverses. Mais aussi que le fait d’être des personnes et des femmes brillantes ne les dispensent pas de faire des erreurs comme celle, je trouve, de régulièrement oublier que dans une relation, l’autre ne peut pas toujours nous suivre, être au diapason de nos sensations, deviner et prévoir avant nous ce qui nous transfigurera.

Une autre erreur, Ă  mon avis, consiste Ă  croire en l’égalitĂ©. Je sais qu’en France, on est supposĂ©  vivre dans le pays de la LibertĂ©, EgalitĂ©, FraternitĂ©.

L’ égalité.

Ovidie souhaiterait qu’il y ait davantage d’égalité entre les femmes et les hommes. Je comprends qu’elle – et d’autres- en parlent au vu d’un certain nombre d’inégalités dans le monde.

Toutefois, après quelques annĂ©es d’expĂ©riences tant personnelles que professionnelles, et je ne me focalise pas ici sur les relations femmes/hommes, je me dis qu’il existe et peut exister des moments d’égalitĂ©. Mais je ne crois pas Ă  une Ă©galitĂ© constante et permanente entre les ĂŞtres humains. D’abord, s’il existe des règles et des lois pour cela, c’est que l’être humain a besoin d’être encadrĂ© rĂ©gulièrement pour qu’il y ait une forme d’égalitĂ© ou d’attention Ă  ce qui l’environne. Ensuite, ces lois et ces règles ne sont pas toujours respectĂ©es pas toutes et tous. Que ce soit dans l’intimitĂ©, dans la vie sociale et familiale mais aussi dans notre vie professionnelle et amicale.

 

Je crois donc plus Ă  une complĂ©mentaritĂ© entre les personnes avec des moments d’égalitĂ© dans les mesures de la lĂ©galitĂ©, lorsque cela est possible,  qu’à une Ă©galitĂ© effective et irrĂ©versible entre les femmes et les hommes. D’autant que j’ai plutĂ´t l’impression que chez l’être humain, l’extrĂŞme est la norme. L’ĂŞtre humain, spontanĂ©ment, me paraĂ®t très modestement inspirĂ© par la modĂ©ration.

Je n’en suis pas encore Ă  affirmer, comme je l’ai lu,  dans le journal LibĂ©ration je crois, que le livre d’Ovidie ou son adaptation théâtrale est « un plaidoyer peu nuancĂ© ». Par contre, le contenu de son livre est plutĂ´t extrĂŞme. Aussi argumentĂ© et documentĂ© soit-il.

Nous restons des ĂŞtres limitĂ©s quelles que soient nos volontĂ©s et notre potentiel supposĂ©. Et, cela, nous avons tous, Ă  un moment ou Ă  un autre Ă  l’accepter. Et les femmes fĂ©ministes, Ovidie l’admet elle-mĂŞme pour elle Ă  un moment dans son ouvrage, ne sont pas du tout dispensĂ©es de certains travers qui, s’ils Ă©taient le fait des hommes passeraient au minimum pour de l’indĂ©licatesse, de l’Ă©goĂŻsme, de l’inhumanitĂ© ou de l’inĂ©lĂ©gance. Et, je repense maintenant Ă  l’ouvrage autobiographique de l’écrivaine Maryse CondĂ©, une femme plutĂ´t pionnière, indĂ©pendante, admirable et combattive. Dans La vie sans fards Maryse CondĂ© raconte aussi ne pas avoir toujours Ă©tĂ© une femme très exemplaire d’un point de vue relationnel et moral vis-Ă -vis d’un de ses maris.

Mais comme beaucoup d’hommes, on aura remarqué que je suis surtout très autocentré. Car j’ai déjà beaucoup plus parlé de moi que du livre d’Ovidie.

L’ouvrage d’Ovidie parle aussi Ă©videmment de ce carcan et de cette caricature de la femme dans lesquelles, elle, ne supporte plus d’avoir Ă©tĂ© cloisonnĂ©e, engourdie, « brĂ»lĂ©e Â» et maltraitĂ©e avec son consentement pendant des annĂ©es pour plaire aux hommes.

Aux hommes hétéros.

On peut donc dire que son livre est un coming out. Celui d’une femme qui n’en peut plus de s’astreindre à certains critères de la féminité désirable pour les hommes hétéros. Celui d’une femme qui a refusé de continuer de participer aux sprints et aux castings de la séduction selon les critères normatifs et violents de la gente masculine hétéro.

. Sur le livre achetĂ©,  j’avais lu le commentaire suivant :

« ElĂ©ctrisant Â».

Ce livre convie peut-ĂŞtre en effet beaucoup d’hommes Ă  se rendre d’eux-mĂŞmes Ă  la chaise Ă©lectrique. Il existe peut-ĂŞtre un pays ou une rĂ©gion qui s’appelle « Chaise Ă©lectrique rĂ©servĂ©e aux hommes Â» oĂą il convient de se rendre par le premier vol en classe affaires en tant qu’homme hĂ©tĂ©ro.

Je le comprends seulement maintenant. Sauf que Ovidie ne nous donne pas d’indications prĂ©cises concernant le lieu exact oĂą se trouve le pays ou la rĂ©gion de la « Chaise Ă©lectrique – Ă©masculatrice- rĂ©servĂ©es aux hommes Â».

« Avant Â», quand Ovidie Ă©tait encore gentille, avant la rĂ©daction de ce livre, peut-ĂŞtre nous l’aurait-elle dit. Mais, lĂ , elle ne nous dit rien Ă  ce sujet. Elle est peut-ĂŞtre en train d’y rĂ©flĂ©chir sĂ©rieusement et nous en parlera, je l’espère, dans son prochain livre.

De mon cĂ´tĂ©, je comprends seulement maintenant cette invitation Ă  la chaise Ă©lectrique sans doute parce qu’on me l’a « soufflĂ©e Â». Ou parce-que je me la suis auto-suggĂ©rĂ©e.

Peut-être parce-que cette nuit, j’ai fini de regarder la série La Flamme co-créée par l’acteur Jonathan Cohen et qu’à la suite, presque subitement, j’ai eu besoin de lire les trois quarts du livre L’ Affaire Alexia Daval ( La vraie histoire). Un livre que j’avais emprunté depuis plusieurs semaines et dont j’avais repoussé la lecture, intrigué par la persistance de mon « attrait » pour ce qui a trait à la criminologie dans son ensemble. Au lieu de lire des ouvrages fictionnels, légers. Ou féministes.

Mais la série La Flamme et ce livre sur l’affaire Alexia Daval donnent des portraits des hommes qui confirment le principal du livre d’Ovidie.

D’un cĂ´tĂ©, on a un homme crĂ©tin, irresponsable, mĂ©galomane, bornĂ©, intolĂ©rant, violent et dangereux. De l’autre, un homme selon moi plus proche du profil d’un « Mr Ripley Â» qui a fait tout son possible pour coller Ă  l’image du gendre et de l’homme idĂ©al en s’en rĂ©vĂ©lant « incapable Â» dans l’intimitĂ©.

Peut-être aussi parce qu’il ( Jonathan Daval) ignorait que cela était tout simplement impossible. Car, dans la vraie vie, on ne peut pas coller très longtemps avec l’image de l’homme parfait, original ou idéal comme dans les films ou…les contes de fée.

Alors que j’écris cet article avec deux hommes ou deux parties en moi, et malgré mes limites, j’espère ne pas être un mix de ces deux hommes, le personnage interprété par l’acteur Jonathan Cohen dans La Flamme et…Jonathan Daval, l’homme qui a assassiné sa femme Alexia fin octobre 2017.

 

L’autre homme en moi :

L’autre homme en moi ( peut-ĂŞtre l’homme-eau après l’homme-terre et l’homme-air)  ne voit pas dans le livre d’Ovidie un scalpel ou un tesson de bouteille. Mais plutĂ´t un appel Ă  l’aide ou un message glissĂ© dans une bouteille de lettres.

D’une façon ou d’une autre, je crois que Ovidie ne pouvait ĂŞtre que « triste Â» car elle entretient, Ă  mon avis, une certaine attitude d’absolu et de perfection qui la rend captive.

Il y a dans son titre La chair est triste, hĂ©las !  un « regard Â» mĂ©taphysique.

Elle a dĂ©passĂ© ou semble avoir dĂ©passĂ© les illusions des promesses de la chair.  Celle-ci a Ă©chouĂ© Ă  lui convoyer l’extase mystique ou spirituelle Ă  laquelle elle aspire.

Ou, en tout cas, les hommes qu’elle a aimés ne l’ont pas convaincue que son épanouissement personnel pouvait véritablement passer par le corps. Un corps, son corps, qui est un vaisseau dont elle entend en quelque sorte moins dépendre selon les critères qui conviennent et plaisent aux hommes. Puisque tous les efforts- les sacrifices- et les souffrances auxquelles elle a pu consentir afin de permettre aux vaisseaux de son corps d’être conformes aux goûts et aux exigences de ses hommes hétéros ne lui ont pas autorisé le voyage existentiel qu’elle espérait ou qu’elle attend.

Sa quête d’absolu, dans son livre, s’exprime quand elle évoque à deux ou trois reprises sa tentation ou son envie de vivre comme les religieuses. Ou son attirance pour le suicide.

Une expérience de vie qu’elle fera peut-être. Une envie que je peux comprendre. Et je pense alors à des films comme La Bonzesse réalisé par François Jouffa en 1974 pour partir de l’érotisme. Ensuite, je pense à plusieurs films du réalisateur Bruno Dumont qui parle du rapport à la foi tels Hadewijch, Hors Satan ou même L’Empire.

 

NĂ©anmoins, je crois que Ovidie idĂ©alise – il me semble que c’est le propre de beaucoup de fĂ©ministes d’être aussi plus ou moins idĂ©alistes/irrĂ©alistes- les religieuses et leur vie en communautĂ©.

En effet, le monde des sœurs religieuses est aussi un monde violent. Les sœurs religieuses ne sont pas que des bonnes sœurs entre elles même débarrassées en principe de l’acte de la pénétration phallique et du viol masculin.

Je me rappelle encore du témoignage d’une des personnalités féminines interrogées par la journaliste Léa Salamé dans son livre Femmes puissantes. Cette personnalité relatait son amertume à propos du sadisme de certaines sœurs religieuses qu’elle avait pu connaître plus jeune.

Et puis, affirmer que les religieuses sont toutes bienveillantes entre elles reviendrait à croire que toutes les femmes mais aussi toutes les féministes sont bienveillantes et solidaires entre elles.

 

Si je suis bien obligĂ© de reconnaitre que l’homme est gĂ©nĂ©ralement le plus grand prĂ©dateur et profanateur de la femme, je n’oublie pas que les dictateurs ont des Ă©pouses et qu’elles s’en portent gĂ©nĂ©ralement très bien. Je n’aimerais pas ĂŞtre sous les ordres de ces femmes ou ĂŞtre Ă  leur merci d’une façon ou d’une autre.

Je n’oublie pas non plus qu’une Monique Olivier a fidèlement et « brillamment » servi de rabatteuse mais aussi d’assistante à son mari ou compagnon Olivier Fourniret violeur et tueur en série de jeunes mineures.

Je n’oublie pas non plus qu’ailleurs certaines femmes adultes ont assez peu de scrupules Ă  attirer des jeunes femmes naĂŻves et vulnĂ©rables dans des rĂ©seaux de prostitution.

Suicide et décès

EpuisĂ©e et dĂ©couragĂ©e dans sa quĂŞte d’Amour et d’Ă©galitĂ© avec les hommes hĂ©tĂ©ros, Ovidie suggère aussi son suicide.

 On « sait » qu’il arrive qu’un certain nombre de personnes en arrivent un jour Ă  cette conclusion sans que les proches ou l’entourage ne puissent l’empĂŞcher. J’espère donc qu’Ovidie  trouvera nĂ©anmoins l’apaisement sans avoir « besoin » de se tourner vers le suicide ou la destruction physique de sa personne.

Et le fait qu’elle « pose » la question du suicide, de son suicide, sur la table, cela me rappelle d’autres suicides et morts de personnalitĂ©s publiques qui m’ont marquĂ©es et dont j’avais très peu parlĂ© jusqu’alors tant par Ă©crit qu’oralement. Car je ne voyais pas avec qui je pouvais le faire. Qui, dans mon entourage tant professionnel que personnel aurait pu comprendre ma « peine » pour ces suicides et ces morts de personnalitĂ©s publiques que je n’ai jamais rencontrĂ©es mais dont ce que j’avais aperçu d’eux, sur des Ă©crans ou dans des lignes m’a concernĂ© particulièrement d’une manière ou d’une autre.

Je pense d’abord au suicide en 2005 Ă  32 ans de l’ex actrice porno Karen Lancaume, un des premiers rĂ´les du film Baise-moi sorti en 2000 et adaptĂ© du livre de Virginie Despentes par elle-mĂŞme et Coralie Trinh Thi. Le seul livre que j’ai lu Ă  ce jour de Virginie Despentes. J’avais vu le film au cinĂ©ma Ă  sa sortie et l’avais bien aimĂ©. J’avais aimĂ© qu’il nous montre autre chose que ce Ă  quoi on Ă©tait habituĂ© dans bien des rĂ©alisations françaises. 

J’avais trouvĂ© que Karen Lancaume jouait très bien dans le film. J’avais Ă©tĂ© ensuite touchĂ© d’apprendre des bouts de sa vie personnelle et affective sur le net. 

J’ai Ă©tĂ© touchĂ© par le dĂ©cès Ă  42 ans de l’actrice Katrin Cartlidge en 2002 dont le rĂ´le de call-girl dans le film Claire Dolan rĂ©alisĂ© en 1998 par Lodge Kerrigan m’avait marquĂ©. 

TouchĂ© aussi par le dĂ©cès par suicide en 2003 de l’acteur Leslie Cheung Ă  46 ans. Si ses rĂ´les dans les films de John Woo et Wong-Kar Wai comptent, sa prestation dans Adieu ma concubine rĂ©alisĂ© par Chen Kaige en 1993 est inoubliable.

TouchĂ© par la mort de Sotigui KouyatĂ© en 2010 Ă  73 ans et dont le rĂ´le de père Ă  la recherche de son fils tuĂ© dans un attentat terroriste dans le film London River rĂ©alisĂ© par Rachid Bouchareb en 2009 ne m’a pas dĂ©sertĂ©. 

TouchĂ© par la mort de l’acteur Marcelo Mastroianni en 1996 Ă  72 ans. 

J’ai Ă©tĂ© très très touchĂ© par la mort de l’humoriste Bun Hay Mean ce 10 juillet 2025 Ă  l’âge de 43 ans. 

Il n’y a pas que des suicides dans ces fins mais il s’agit de morts « publiques » dans lesquelles on peut piocher ou trouver un peu de soi pour des raisons diverses. Il est d’autres morts privĂ©es ou publiques qui m’ont bien sĂ»r affectĂ©. On ne peut pas toutes les lister. Mais certaines morts peuvent aussi servir de boucliers pour divertir et dĂ©tourner certains Ă©lans qui nous poussent, par moments, davantage vers l’abattement que la vie. Et, je souhaite Ă  Ovidie, comme Ă  d’autres, qu’elle trouve ou retrouve l’inspiration Ă  mĂŞme de la sortir de ce genre d’Ă©lans dĂ©pressifs ou mortifères. 

Plaie et gouffre

Car, par ailleurs, je trouve qu’elle a encore du mal à cicatriser de son « passé » ou de son « vécu » d’actrice porno. Si elle ne le regrette pas comme elle l’écrit, je constate néanmoins que ce passé exerce sur elle l’attrait du gouffre ou de la plaie qu’elle ne peut s’empêcher fréquemment de regarder ou de gratter alors, qu’à mon avis, mais je ne suis pas dans sa peau bien-sûr, elle s’attarde plus et trop sur ce passé que ne le font véritablement celles et ceux qui se réfèrent à cela.

Parler de la « peau » de Ovidie me rappelle aussi le film Dans ma peau de et avec Marina De Van rĂ©alisĂ© en 2002…. 

Néanmoins, bien-sûr, comme Ovidie le dit dans son livre, il se « trouve » des hommes ( ou peut-être des femmes) contents de pouvoir se vanter ensuite de l’avoir ajoutée sexuellement sur leur tableau de chasse.

Je plains ces hommes qui mettent leur vie ou leur « valeur » dans cet acte. Comme je peux plaindre d’une façon gĂ©nĂ©rale les personnes qui se contentent uniquement de tirer des coups. Mais peut-ĂŞtre, qu’ici, je deviens ici de plus en plus moralisateur.

Mais la Morale, ou une certaine morale, est une toile d’araignĂ©e qui souvent nous entoure ou nous sert d’Ă©charpe autour du cou mĂŞme lorsqu’on l’oublie ou qu’on ne la voit plus. Car on s’y habitue Ă  force d’y ĂŞtre exposĂ©.

Par ailleurs, il faut se rappeler qu’Ă  une Ă©poque et dans certains pays, on jugeait d’ailleurs moralement très durement ou l’on condamnait moralement une femme parce-qu’elle n’Ă©tait plus vierge. Parce-qu’elle avait dĂ©jĂ  couchĂ© ou parce-qu’elle avait dĂ©jĂ  des enfants. C’est quand mĂŞme moins vrai maintenant en France et dans d’autres pays. Mais ça dĂ©pend pour qui. Et quand.  

Mais je suis  sĂ»r qu’il existe des hommes qui ne se bornent pas et ne bornent pas Ovidie Ă  son court passĂ© d’actrice porno/travailleuse du sexe d’il y a plus de vingt ans.

J’avais cru comprendre il y a quelques annĂ©es que l’ancienne actrice amĂ©ricaine de porno Traci Lords, mineure au dĂ©but de sa carrière, avait par la suite fait un mariage heureux. Celle-ci ne m’a pas donnĂ© de ses nouvelles rĂ©cemment mais si « Traci »  a pu faire un mariage heureux, je ne vois pas pour quelle raison cela serait impossible pour une Ovidie. A condition, bien-sĂ»r, qu’elle parvienne Ă  surmonter certaines contradictions que je trouve assez courantes chez les femmes fĂ©ministes. Comme s’attacher Ă  des « machos hyper-virils » comme le reconnait Ovidie elle-mĂŞme dans son livre.

Il y a peu, en scrollant, je crois, je suis tombé sur quelques secondes d’une émission où se trouvaient la chanteuse Theodora ( 22 ans), très en vogue en ce moment, et l’actrice Ludivine Sagnier (46 ans) qui a été durant un certain temps ( il y a environ vingt ans maintenant ou un peu plus) la petite préférée du cinéma d’auteur français chez François Ozon par exemple.

Je ne sais pas si Theodora est dĂ©jĂ  mère. Par contre, je « sais Â» que Ludivine Sagnier a eu au moins une fille lorsqu’elle Ă©tait en couple avec l’acteur Nicolas Duvauchelle.

Dans l’émission, l’animatrice ou la journaliste a demandĂ© Ă  Theodora quel Ă©tait son homme idĂ©al. Grand sourire de Theodora très jolie, bien maquillĂ©e, bien coiffĂ©e ( tous ces efforts qu’Ovidie, 45 ans, mère d’une fille,  ne peut plus voir en peinture depuis quatre ans maintenant)  avant de rĂ©pondre.

Voici ce dont je me souviens de la rĂ©ponse de Theodora :

« Un homme aux p’tits soins, mystĂ©rieux, qui est passionnĂ© lorsqu’il parle de ce qu’il aime et un peu macho ( ou viril, j’ai oubliĂ©) Â».

A cĂ´tĂ© d’elle, tout sourire, Ludivine Sagnier a alors dit :

« On dirait qu’elle parle de mon mec… Â». Theodora, se tournant alors vers Ludivine Sagnier lui a alors rĂ©pondu en souriant/riant :

« Oui, mais je vais me le garder pour moi ! Â».

Je crois que je n’avais pas encore lu le livre d’Ovidie, La chair est triste, hĂ©las ! avant de tomber sur ces images et ces propos. Mais en voyant et en Ă©coutant Theodora et Ludivine Sagnier, je me suis dit qu’il n’y avait pas que les hommes qui devaient « changer », ou « Ă©voluer ».

Je vais ici prendre le « risque » modĂ©rĂ© d’écrire, qu’à mon avis, jamais une femme qui a le profil d’une Theodora, une Ludivine Sagnier, une Salma Hayek, Une Maryse CondĂ©, ou une Ovidie, lorsqu’elle a entre 20 et 40 ans, soit cette pĂ©riode de la vie oĂą, comme l’avait dit Jeanne Moreau une femme peut avoir « la beautĂ© du diable » n’aurait pris pour amant ou compagnon un mec comme moi lorsque j’avais leur âge ou cet âge-lĂ .

Car mĂŞme si je crois ĂŞtre un peu plus attractif que les personnages jouĂ©s par Philippe Harel et JosĂ© Garcia dans l’adaptation cinĂ©matographique du livre Extension du domaine de la lutte de Michel Houellebecq, mĂŞme si je crois avoir toujours Ă©tĂ© sans doute moins terne et moins soumis qu’un Jonathan Daval Ă  une certaine orthodoxie de la « normalitĂ© Â» sociale, je n’ai jamais fait partie  et je ne ferai jamais partie du cercle, du pĂ©rimètre et du carcan oĂą une Theodora, Ludivine Sagnier, une Ovidie et d’autres fĂ©ministes posent leur regard lorsqu’elles sont en Ă©tat de dĂ©sirer un homme. Ou une femme.

Et je ne crois pas être plus responsable ou avoir été plus responsable de ce cloisonnement relationnel et affectif que toutes ces femmes. A moins de considérer que j’aurais dû bousculer les hiérarchies, les codes, les usages, les règles, faire tomber les cloisons, m’imposer d’une manière ou d’une autre. Et, dans ce cas, on ne peut pas vraiment parler d’égalité.

Car s’il faut faire cela pour se faire remarquer et que cela marche ou a marchĂ©, pourquoi ensuite s’arrĂŞter Ă  plaire Ă  une Theodora, une Ludivine Sagnier, une Ovidie, une Maryse CondĂ©, une Salma Hayek, une Mona Chollet, une Victoire Tuaillon ou d’autres ?

Mais ce soir au théâtre, pas plus que d’autres fois, je ne ferai tomber de cloisons ou ne chercherai à m’imposer en particulier. Je resterai sans doute à ma place comme d’autres fois tel un poisson rouge dans son bocal et sans doute comme beaucoup trop de fois. Parce-que, malgré mes travers, je suis surtout un garçon poli, patient, obéissant, finalement très scolaire et plutôt gentil malgré certaines de mes bizarreries.

 

Ce soir au théâtre

Ce soir, au théâtre ou nous nous rendrons physiquement, avec la copine dont j’ai appris tout à l’heure que c’est l’anniversaire aujourd’hui, nous serons dans les premiers rangs.

C’était les places les plus pratiques qui restaient. Je prends peut-ĂŞtre le risque, Ă  un moment donnĂ©, d’être un peu pris « pour exemple masculin Â» lorsque l’actrice Anna Mouglalis sera sur scène.

Je me demande aussi s’il y aura beaucoup d’hommes dans la salle et où ils seront placés. A mon avis, ils éviteront d’être aux premiers rangs.

 Mais je m’avise aussi que l’on peut « jouer Â» ce livre sur scène en France alors que dans d’autres pays, ce serait impossible. C’est peut-ĂŞtre bon signe.

Concernant l’actrice Anna Mouglalis, je me souviens surtout d’elle dans les films Romanze Criminale et J’ai toujours rêvé d’être un gangster. C’était en 2007-2008 pour ce dernier film.

Depuis, la voix de Mouglalis est entrée dans l’empire des graves. Je me demande ce que cela me fera de l’entendre dire le texte d’Ovidie sur scène.

Je crois avoir utilisé le meilleur préservatif mental possible en lisant le livre d’Ovidie auparavant.

Il me sera impossible ensuite de discuter telle quelle de cette pièce avec ma fille, encore trop jeune. Et, je ne vois pas non plus ce que je pourrais raconter de cette pièce à ma compagne et mère de ma fille au vu de ses convictions et de sa pratique religieuse catholique survenue sur le tard que je vois comme plutôt bigote.

Je suis donc plutĂ´t content d’aller « voir » ça avec une copine. Autrement, j’y serais allĂ© seul. Bien-sĂ»r. 

 

Franck Unimon, mercredi 17 Septembre 2025.

 

 

 

 

 

 

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Voyage

La Cité de la voile Éric Tabarly-Lorient visite guidée juillet 2025-deuxième partie

 

Port de Keroman, Lorient, près de la cité de Voile Eric Tabarly, juillet 2025. Photo©Franck.Unimon

La Cité de la voile Eric Tabarly-Lorient visite guidée juillet 2025- deuxième partie

Une ville n’est pas un bateau. Une ville, contrairement Ă  une vie, ne prend pas le large. ( cet article est la suite de l’article Lorient visite guidĂ©e juillet 2025-première partie ).

Port de Keroman, Lorient, juillet 2025. Près de la Cité de la voile Eric Tabarly. Photo©Franck.Unimon

Sous diverses conditions, on s’amarre Ă  une ville, Ă  une commune ou Ă  un village. Qu’on y fasse bonne fortune ou non, c’est plus ou moins un container dans lequel on se fait enterrer ou que l’on quitte pour un autre.

Entrée de la Cité de la Voile Eric Tabarly, juillet 2025. Photo©Franck.Unimon

 A la citĂ© de la voile Eric Tabarly, nous avons appris qu’il se trouve 66 mers et 5 ocĂ©ans sur Terre. Depuis que j’ai appris ces chiffres, j’ai un peu essayĂ© comme on peut jouer avec des dĂ©s et des idĂ©es, d’imaginer ce que pourrait ĂŞtre un monde « fait Â» par exemple de 1000 mers et 60 ocĂ©ans. Comment celui-ci serait habitĂ© et si nous y aurions exactement la mĂŞme existence que maintenant.

Contrairement à d’autres, pour l’instant, je ne suis pas allé très loin dans mon scénario. Car il me manque quelques pièces, connaissances et expériences.

Parce que, surtout, je suis encore retenu par la croyance très courante parmi les coléoptères urbains qu’il me faudrait absolument tout connaître des éléments comme des instruments de mesure et avoir la carte de navigation- ou de gravitation- la plus complète possible pour partir.

Parce-que depuis cette visite de la Cité de la Voile Eric Tabarly au mois de juillet, je suis retourné à ma vie de coléoptère chez « moi » en ville, en région parisienne.

J’y connais bien sûr des bons moments.

Le groupe Justice en concert à Rock en Seine, fin Aout 2025. Photo©Franck.Unimon

L’article relatif au concert de Justice Ă  Rock en Seine est ici Justice Ă  Rock en seine ce 23 aout 2025 ). 

Mais je m’interroge. Comme chaque fois que l’on tente de scruter l’horizon ou des suppositions. Chaque fois que l’on parvient Ă  assembler des forces isolantes – mais brèves- de luciditĂ© en soi dans une existence qui paraĂ®t davantage bordĂ©e pour faire de nous des hĂ©mophiles ou des personnes qui ont Ă  peu près peur de tout exceptĂ© de la dĂ©pression ou des addictions.  

Près de la Cité de la Voile Eric Tabarly, juillet 2025. Photo©Franck.Unimon

Mais pour l’instant – je suis un très bon comĂ©dien-  j’en suis encore Ă  faire diversion. En mĂ©morisant en thĂ©orie la diffĂ©rence entre une mer et un ocĂ©an. 

A la cité de la voile Eric Tabarly, cette différence nous a été expliquée. La mer et l’océan ne sont pas – encore- des endroits auxquels on accède en prenant une autoroute à péage ou le métro en utilisant notre voiture, notre pass navigo, ou en jouant en réseau avec d’autres personnes que l’on ne voit jamais.

Pour les marins, la ville de Lorient est un bon tremplin vers ou sur la mer, ce fantôme qui n’attend rien de nous.

A la Cité de la Voile Eric Tabarly, Juillet 2025.

A la Cité de la Voile, nous avons appris qu’Eric Tabarly (1931-1998), Breton né à Nantes, fils de navigateur, marin, compétiteur, architecte, ingénieur, armateur, militaire de carrière mais aussi visionnaire qui, à chaque nouveau bateau, a révolutionné la construction navale- et qui s’était plus ou moins sédentarisé et même marié et avait enfanté tardivement- avait une affection particulière pour Lorient.

A la cité de la Voile Eric Tabarly, juillet 2025. Une reconstitution partielle de Pen Duick II conçu et piloté par Eric Tabarly.

Pour son ouverture sur la mer, les vents qui y permettaient de profiter de la navigation dans de très bonnes conditions pour qui sait naviguer bien-sûr et pour qui aime être en mer.

Pont de la Cité de la Voile Eric Tabarly, juillet 2025. Photo©Franck.Unimon

Un pont en hauteur relie la Cité de la Voile au port de Keroman. Le jour de notre visite, ma fille et moi y sommes restés à peu près cinq heures.

 

A la Cité de la Voile Eric Tabarly, juillet 2025. Photo©Franck.Unimon

 

Notre billet étant valable toute la journée, après une première visite, ma fille a souhaité y revenir le soir. Ce que nous avons fait environ trois quarts d’heure avant la fermeture.

Dans le port de Keroman, nous avons pu prendre le temps de distinguer plusieurs Pen Duick  ( « Petite tĂŞte noire Â» en Breton) qui avaient appartenu Ă  Eric Tabarly et avec lesquels il avait remportĂ© plusieurs compĂ©titions et battu plusieurs records de traversĂ©e. La guide de la CitĂ© de la Voile nous avait invitĂ© Ă  aller les voir de près. Elle nous avait racontĂ© l’évolution de la voile depuis Eric Tabarly. Elle nous avait parlĂ© des Imoca.

Elle nous avait parlé de la nourriture à bord.

Des maquettes grandeur nature de mats, de coque, de provisions, de matĂ©riel de sauvetage et de survie prĂ©sentes dans la CitĂ© de la Voile permettaient d’équiper un peu les pensĂ©es et l’inexpĂ©rience du terrien que je suis. Un terrien urbain qui ne connait presque plus rien Ă  la fois de la terre sur laquelle il marche mais aussi de la mer qui l’entoure. RĂ©gulièrement accaparĂ© ou distrait par des activitĂ©s voire des urgences administratives, professionnelles, mĂ©nagères, matĂ©rielles, de loisirs ou de consommation, en tant que terrien urbain je regarde très facilement la mer et la terre comme des territoires occultes que des intermĂ©diaires, des hommes, des femmes, des enfants, que je cĂ´toie peu, frĂ©quentent, exploitent, dĂ©gradent ou « possèdent Â».

A la cité de la voile Eric Tabarly, on a opté pour être beaucoup moins moralisateur et sinistre que moi. On a opté pour la pédagogie. De la très bonne pédagogie.

 

 

 Un certain nombre de jeux ludiques captivants pour les enfants et les adultes nous faisant vivre plus concrètement l’expĂ©rience de la navigation. Il y avait sĂ»rement moins de monde que d’autres jours lorsque nous avons visitĂ© la CitĂ© de la Voile, ma fille et moi. Nous avons pu nous amuser/exercer Ă  utiliser un winch, Ă   apprendre Ă  faire des nĹ“uds marins, Ă  essayer de guider des petits bateaux en nous servant des vents d’une soufflerie.

A l’extérieur de la Cité de la Voile, nous avons pu aussi apercevoir d’autres bateaux ainsi que certains chantiers navals qui ont pu être le lieu de fabrication ou de réparation de certains bateaux qui ont participé ou participent entre-autres à la course du Vendée Globe.

Franck Unimon, mardi 2 septembre 2025. 

Bonus : la version « podcast » de l’article :