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( Arts Martiaux) A Toute épreuve : une interview de Maitre Jean-Pierre Vigneau

Maitre Jean-Pierre Vignau chez lui, ce samedi 21 novembre 2020.

 

 » Tu as le feu vert ». Cette phrase de Jean-Pierre Vigneau, je m’en suis rappelĂ© quelques heures plus tard, hier soir (ce mardi 24 novembre 2020). 

Dans l’article Arts Martiaux : un article inspirĂ© par Maitre Jean-Pierre Vignau

j’Ă©voquais cette interview filmĂ©e de Maitre Jean-Pierre Vignau. C’Ă©tait ce samedi 21 novembre 2020. 

Hier ( mardi 24 novembre) j’ai tentĂ© de joindre Jean-Pierre avant de publier mon article. Pour le prĂ©venir. Mais aussi pour voir avec lui s’il prĂ©fĂ©rait lire l’article auparavant. RĂ©pondeur. Finalement, j’ai publiĂ© l’article. Puis, quelques heures plus tard, je lui ai envoyĂ© le lien de l’article par sms. Jean-Pierre m’a alors appelĂ©.

 » J’ai ratĂ© l’appel tout Ă  l’heure » m’a-t’il dit. Je lui ai alors expliquĂ© oĂč j’en Ă©tais et lui ai demandĂ© comment il voulait que l’on s’y prenne. Et, lĂ , la phrase de Jean-Pierre est arrivĂ©e simplement.

 

Le Feu vert.

 

Dans cette simple phrase, toute la confiance de Jean-Pierre. Nous nous sommes rencontrĂ©s une seule fois. Il n’a jamais rien lu de moi. Et, je devine qu’il ne lira peut-ĂȘtre pas l’article tout de suite s’il le fait. Il a mieux Ă  faire ailleurs. Comme, par exemple, Ă©couter dans quelques heures (ce mardi 24 novembre au soir) ce que va dire « Le PrĂ©sident » concernant le maintien ou l’assouplissement des mesures concernant le confinement Ă  propos de la pandĂ©mie du Covid. 

 

 » Le prĂ©sident ?! ». Je pense alors au PrĂ©sident de la FĂ©dĂ©ration de KaratĂ© ou des Arts Martiaux mĂȘme si je ne sais pas de qui il s’agit.

Non ! Le PrĂ©sident Macron, me rĂ©pond Jean-Pierre. Je me suis tellement « moulé » dans un certain mode de vie depuis la pandĂ©mie et les mesures de confinement. J’ai Ă©tĂ© si convaincu qu’il allait nous falloir faire montre de patience, que, depuis le tout premier discours – Mi-mars- du PrĂ©sident de la RĂ©publique, Emmanuel Macron, « notre » PrĂ©sident, je n’Ă©coute plus ses discours. 

Ou, peut-ĂȘtre, que je n’ai toujours pas digĂ©rĂ© cette ambiance de fin du monde de son premier discours Mi-Mars. Je n’ai jamais cru non plus Ă  mon statut « de hĂ©ros de la nation ». Je n’ai jamais comptĂ© sur la production expresse et miraculeuse du vaccin « magique ». Alors que je m’Ă©tais inquiĂ©tĂ© quant Ă  la perte de certaines de nos libertĂ©s. MĂȘme si je me suis rapidement « fait » Ă  cette nĂ©cessitĂ© des gestes barriĂšres. Et Ă  un petit peu de discernement quand c’est possible. 

Mon « indiffĂ©rence » actuelle envers le PrĂ©sident Emmanuel Macron vient peut-ĂȘtre aussi du fait que, mĂȘme s’il prend la parole et essaie de paraĂźtre comme celui qui reste le chef d’orchestre,  j’ai fini par considĂ©rer que la pandĂ©mie est depuis quelques mois devenue notre vĂ©ritable prĂ©sidente installĂ©e.

Une « PrĂ©sidente » Covid autour de laquelle sont trĂšs vite venus graviter quelques parasites, dont « notre » PrĂ©sident, alors qu’elle ne devait ĂȘtre que passagĂšre. A la suite de cela, j’ai en quelque sorte « flouté » l’image de « notre » PrĂ©sident actuel, persuadĂ© de sa propre impuissance.

Mais j’ai sĂ»rement tort de banaliser Emmanuel Macron et celles et ceux qui gouvernent avec lui et les autres. Mon manque de clairvoyance Ă  leur sujet vient certainement du fait que je n’ai aucune compĂ©tence politique. Que je vis un peu au jour le jour et avec une  perspective assez limitĂ©e. Ce confinement et cette distanciation sociale ont des effets abortifs sur notre imaginaire.  Sauf pour certains qui continuent d’agir, d’entreprendre et de dĂ©cider. L’Ă©preuve du VendĂ©e Globe est lĂ  pour nous le rappeler. Si certains concurrents en tĂȘte peinent, Ă  certains moments, Ă  rĂ©cupĂ©rer le vent qui les fera avancer de nouveau, ils sont nĂ©anmoins toujours en mer, en avance sur d’autres. Et, lorsque le vent « rejaillit », ils sont, Ă  nouveau, bien plus avancĂ©s que d’autres qui traĂźnent derriĂšre.

Lorsque la pandĂ©mie du covid rĂ©gressera pour de bon, et que l’horizon se dĂ©gagera, on devrait voir apparaĂźtre, installĂ©es Ă  des fonctions clĂ©, pour notre Ă©poque et notre sociĂ©tĂ©, certaines personnes que l’on avait jusque lĂ  ignorĂ©es ou sous-estimĂ©es. Ces personnes auront su profiter du contexte du Covid pour entreprendre ou bien se placer.

De mon cĂŽtĂ©, c’est parce-que, depuis Mi-Mars,  j’ai toujours respectĂ© les gestes barriĂšres que je me suis autorisĂ© Ă  aller rencontrer Jean-Pierre chez lui ce samedi 21 novembre. Cela a Ă©tĂ© mon VendĂ©e Globe. Pour cela, il m’a suffi de dĂ©passer la distance kilomĂ©trique « autorisĂ©e » de un kilomĂštre autour de chez soi.  J’en avais besoin et j’Ă©tais inspirĂ©. Parce-que je me suis dit qu’en temps ordinaire, il aurait Ă©tĂ© plus Ă©tĂ© difficile d’obtenir aussi rapidement une telle rencontre avec Jean-Pierre, Ă  son domicile.

Dans ce « feu vert » qu’il m’a  donnĂ©, je mesure Ă  la fois la responsabilitĂ©, pour moi, de faire au mieux. Mais je me demande aussi, si moi-mĂȘme, il m’arrive de donner mon feu vert aussi facilement et aussi rapidement autour de moi. J’ai du mal Ă  le croire. 

 

Mais ce feu vert, oĂč cette autorisation, correspond aussi trĂšs bien Ă  Jean-Pierre. Car, comme on pourra le voir et l’entendre dans ces images, il est particuliĂšrement vert. J’ai donnĂ© comme titre Ă  cette interview A Toute Ă©preuve. Je crois qu’il sera facile de comprendre la ou les raisons de ce titre.

Ps : je rappelle qu’une fois chez Jean-Pierre et Tina, aprĂšs avoir obtenu leur accord pour l’interview, j’ai posĂ© mon camĂ©scope de poche sur la table et l’ai laissĂ© filmer tant qu’il pouvait (un peu plus d’une heure). L’interview n’Ă©tait pas prĂ©vue. Elle Ă©tait seulement vĂ©hiculĂ©e par ma tĂȘte dĂšs que Jean-Pierre m’avait proposĂ© de venir chez lui pour acheter son livre Construire sa LĂ©gende. Mais encore fallait-il, une fois sur place, que lui et Tina acceptent l’interview. 

Lors de l’interview, Tina reste hors champ. J’estime que cela prĂ©serve sa tranquillitĂ©. Et, que, d’autre part, ses interventions- hors champ, donc- ajoutent une plus value Ă  l’interview. 

Franck Unimon, ce mercredi 25 novembre 2020. ( Pour regarder l’interview, cliquer sur le lien vimeo ci-dessous).

https://vimeo.com/482901714

 

 

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Arts Martiaux : un article inspiré par Maitre Jean-Pierre Vignau

Jean-Pierre Vignau, chez lui, ce samedi 21 novembre 2020.

 

           Arts Martiaux : un article inspirĂ© par Maitre  Jean-Pierre Vignau

 

L’inconnu :

 

 Jean-Pierre Vignau, pratiquant d’Arts Martiaux au moins depuis 1958, Maitre (ou Sensei) depuis plusieurs dĂ©cennies  m’était inconnu il y a encore sept mois. Son Ă©cole d’Arts Martiaux, le Fair Play Sport, se trouve dans le 20 Ăšme arrondissement de Paris.

Sur cette photo ci-dessus que j’ai prise chez lui ce samedi aprĂšs-midi, Jean-Pierre Vignau a l’allure d’un gentil papy tranquille. Cela s’explique par le sens de l’accueil avec lequel sa femme Tina et lui m’ont reçu. Et, avant ça, cela s’explique aussi par le fait que lorsque cette photo a Ă©tĂ© prise, nous en Ă©tions Ă  la fin de notre rencontre. D’abord, je suis convaincu qu’avant mĂȘme que je ne me dĂ©place pour venir chez lui, qu’il savait dĂ©ja que je n’Ă©tais pas un ennemi. Je crois que certaines personnes savent « lire » ou percevoir les rĂ©elles intentions de celles et ceux qui les entourent et les sollicitent.

 

Il est quantitĂ© de gens qui se pensent douĂ©s et perspicaces lorsqu’il s’agit de dĂ©coder ou de jauger les autres et qui s’illusionnent. Je ne mettrais Jean-Pierre ni dans cette catĂ©gorie de personnes et encore moins dans cette illusion. Pourtant, j’Ă©tais dĂ©tendu en sa prĂ©sence. Et,  je me suis rendu chez lui et sa femme en toute confiance. L’arme posĂ©e sur la table Ă  cĂŽtĂ© de lui n’est pas un objet de dĂ©coration que Jean-Pierre aurait achetĂ©e dans une brocante pour se faire plaisir. Pas plus qu’elle n’est lĂ  pour ouvrir le courrier des factures d’Ă©lectricitĂ© ou afin d’Ă©plucher les pommes de terre pour faire des frites. Jean-Pierre est allĂ© la chercher pour m’illustrer le mot d’une arme que je ne connaissais pas. Pour avoir un peu eu cette arme dans la main, je peux certifier qu’elle pĂšse son poids. Ce n’est pas du liĂšge. Ni un jouet en aluminium. 

Jean-Pierre Vignau est «  9Ăšme Dan I.B.A Hanshi Â». Je l’écris parce-que j’ai l’information sous les yeux lors de la rĂ©daction de cet article. Car le grade du Maitre a une importance formelle et est aussi un gage de lĂ©gitimitĂ© officielle. L’équivalent d’un « diplĂŽme Â» reconnu. MĂȘme si un grade, ou un Dan, est sĂ»rement plus qu’un diplĂŽme. Ce n’est pas son nombre de Dan, pourtant, qui m’a donnĂ© envie d’aller vers Jean-Pierre Vignau.

 

Son interview par LĂ©o Tamaki – dans le numĂ©ro 7 du magazine Self & Dragon– m’a appris son existence.

MalgrĂ© la petite faute de frappe sur le nom, il s’agit bien du mĂȘme homme que celui que j’ai pris en photo. Sauf qu’il est lĂ  en pleine dĂ©monstration.

 

Avant notre premier confinement, en fĂ©vrier, j’avais eu la possibilitĂ© de dĂ©couvrir un cours de Self-DĂ©fense dispensĂ© par Sifu Roger Itier, que je rencontrais pour la premiĂšre fois. La seule fois Ă  ce jour. Mais quelques semaines aprĂšs cet essai, qui m’avait plu, une certaine douleur persistante m’avait obligĂ© Ă  me rendre Ă  cette  Ă©vidence : Je m’étais blessĂ© et j’allais devoir en passer par un kinĂ©. Puis, le premier confinement dĂ» Ă  la pandĂ©mie du Covid-19, ses fermetures, ses peurs et ses inconnues,  Ă©tait arrivĂ© mi-Mars.

 

Par chance, prĂšs de mon travail, se trouve un centre de presse restĂ© ouvert pendant le confinement. Centre oĂč j’ai pris l’habitude de me procurer des journaux relatifs aux actualitĂ©s. Et oĂč, en prenant le temps de passer dans les rayons, j’ai aperçu les magazines Yashima, Self & Dragon, Taichi Chuan mais aussi Self & Dragon Special Aikido.InspirĂ© par un certain besoin d’Arts Martiaux, j’ai commencĂ© Ă  acheter rĂ©guliĂšrement leurs numĂ©ros.

 

J’avais entendu parler de Roger Itier, Maitre en Arts Martiaux chinois, en suivant deux ou trois ans plus tĂŽt une formation Massage bien-ĂȘtre au centre Tao situĂ© dans le 19Ăšme arrondissement. Formation que j’ai « terminĂ©e Â» Ă  ce jour. Lors de cette formation, de façon plus ou moins intuitive, influencĂ© sans doute par mes prĂ©cĂ©dentes expĂ©riences  sportives, erreurs incluses, j’avais commencĂ© Ă  percevoir l’importance du souffle. On nous avait sensibilisĂ© Ă  l’importance de nos gestes, de notre rythme, de notre prĂ©sence, mais aussi du placement comme du balancement de notre corps dans l’espace par rapport Ă  l’autre. Afin d’éviter de nous Ă©puiser le moins possible. Mais aussi, afin de ne pas nous faire du mal Ă  nous-mĂȘmes. La personne qui pratique le massage pour le bien-ĂȘtre d’autrui est aussi supposĂ©e faire attention Ă  sa personne lorsqu’elle pratique.  Je crois que l’on peut retrouver ça dans un Art Martial.

 

Pendant cette formation massage bien-ĂȘtre, j’avais Ă©tĂ© Ă©tonnĂ© de finir par comprendre que dans bien des pratiques sportives, et depuis des annĂ©es, ne serait-ce que pour faire de simples Ă©tirements, peu d’attention Ă©tait apportĂ©e Ă  notre respiration. A travers le sport, trop de fois, notre rapport au corps est un rapport raide, brutal et mĂ©canique. Machinal. Il est plus que courant de voir des sportives et des sportifs tirer sur des extrĂ©mitĂ©s de leur corps sans y penser et sans tenir compte de leur respiration aprĂšs ou avant une sĂ©ance d’entraĂźnement. On leur a dit ou ils ont appris qu’il faut faire ça, alors, elles et ils font ça. J’ai fait partie de cette population. Et j’en fais sĂ»rement encore partie.

J’ai pris du temps pour m’apercevoir que la plus grande partie des Ă©tirements que nous « faisons Â» dĂ©coule souvent de postures de yoga oĂč savoir bien respirer est indispensable.

 

Si ce comportement que nous avons adoptĂ© envers notre corps et notre respiration a d’abord des incidences telles que des blessures diverses – physiques et morales-  par entĂȘtement, nĂ©gligence, imprudence ou ignorance, ce comportement a aussi des retombĂ©es sur nos rapports avec les autres comme avec le monde. Mais j’écris ça maintenant. Je n’ai pas racontĂ© tout ce bla-bla Ă  Roger Itier ce jour oĂč je l’avais rencontrĂ©. Lui, il savait dĂ©jĂ  tout ça largement.

 

J’ai fait mon essai. A la fin du cours, je me suis rhabillĂ© aprĂšs avoir pris le temps de me doucher et de discuter. Je me suis ensuite aperçu que je m’étais blessĂ©. Le confinement est arrivĂ©. Et, lĂ , j’ai fait comme tout le monde. A ceci prĂšs que j’ai fait partie de celles et ceux qui ont continuĂ© de se rendre Ă  leur travail comme si «  de rien n’était Â» pendant la premiĂšre vague du Covid. Puisque ma profession de soignant fait partie des professions en activitĂ© tous les jours de l’annĂ©e et sur toutes les « branches Â» horaires de jour comme de nuit. Et, durant le premier confinement, donc, aprĂšs mes nuits de travail, le centre de presse a en quelque sorte remplacĂ© la mĂ©diathĂšque de ma ville.

 

 

Dans le Self & Dragon numĂ©ro 7,  LĂ©o Tamaki m’avait permis de dĂ©couvrir Jean-Pierre Vignau. LĂ©o Tamaki, aussi, m’était inconnu. Aujourd’hui, je peux Ă©crire son prĂ©nom et son nom de tĂȘte car je me suis dĂ©sormais un peu mieux familiarisĂ© avec eux. Je « sais Â» que LĂ©o Tamaki est un Maitre d’AĂŻkido, qu’il a Ă©tĂ© un Ă©lĂšve de Jean-Pierre Vignau,  qu’il travaille, aussi,  en tant que journaliste, pour le magazine Yashima. Qu’il tient un blog. Qu’il a créé son Ă©cole d’AĂŻkido, KinshikaĂŻ. Et que plus de deux cents jours par an, de par le monde, il dispense des cours d’AĂŻkido.

 

Mais soyons- Ă  peu prĂšs- concis :  

 

A mesure que je parcourais ces divers magazines traitant des arts martiaux asiatiques,   j’apprenais l’existence d’un certain nombre de Maitres d’Arts Martiaux semblant, d’un seul coup, sortir d’une mĂȘme boite tels ces automates meurtriers d’allure enfantine dans l’adaptation cinĂ©matographique de l’Ɠuvre de Philippe K.Dick : PlanĂšte Hurlante.

 

 

 

Sauf que ces Maitres d’Arts martiaux ne criaient pas sur le papier. C’était principalement des hommes. Asiatiques ou occidentaux. La plupart avaient Ă  leur actif vingt Ă  trente annĂ©es, en moyenne, de pratique cumulĂ©e dans diffĂ©rentes disciplines martiales.  Plusieurs de ces pratiquants Ă©taient des Maitres enseignant depuis plusieurs dĂ©cennies.  Jean-Pierre Vignau fait partie de ces « derniers Â».

Un certain nombre de ces Maitres Ă©taient passĂ©s ou enseignaient dans des villes, Paris et des villes de la banlieue parisienne par exemple, oĂč je ne comptais plus mes allĂ©es et venues. Et, moi, « amateur Â» d’Arts Martiaux depuis des annĂ©es, plutĂŽt sportif, Ă  peu prĂšs ouvert et curieux, attachĂ© Ă  une certaine polyvalence, j’étais passĂ© Ă  cĂŽtĂ©.

 

C’était Ă  se demander oĂč j’avais vĂ©cu, par quelles vitrines je m’étais laissĂ© happer et, aussi, qui j’avais rencontrĂ© pendant toutes ces annĂ©es.  

 

Je sais avoir fait et continué de faire des rencontres importantes en dehors des Arts Martiaux.

 

Pourtant, plusieurs fois, en lisant Yashima, Self & Dragon, Self & Dragon spĂ©cial AĂŻkido, TaĂŻ Chi Chuan ou TaĂŻ Chi Mag, j’ai eu le sentiment d’avoir ratĂ© une partie de ma vie.  En « occultant Â» tous ces Maitres et tous ces enseignements dont j’entrevoyais les traits -au travers de persiennes – dans ces articles que je lisais.

 

Si tout dans la vie peut ĂȘtre Art Martial et que la pratique d’un Art Martial ne se rĂ©sume par Ă  la satisfaction ressentie dans un dojo ou sur un tatamis, il y a quand mĂȘme, pour moi, un sentiment de gĂąchis, dans le fait d’avoir ignorĂ© des personnes (Maitres, pratiquantes et pratiquants d’Arts Martiaux) pendant tant d’annĂ©es.

 

 

 

Aujourd’hui, si je cite Conor McGregor, vedette du MMA prĂ©sentĂ© par Google comme un « pratiquant d’Art Martial Â» ou Aya Nakamura, il y a des chances pour qu’une certaine partie de la jeunesse masculine et fĂ©minine de France sache de qui je parle. Il y a une vingtaine d’annĂ©es, les « Ă©quivalents Â» de Conor McGregor avaient aussi une certaine notoriĂ©tĂ©. Les Gracie, FĂ©dor Emelianenko, Bertrand Amoussou, JĂ©rome Le Banner, Gilles ArsĂšne, Andy Hug et d’autres concernant le MMA et l’UFC.  Et, n’oublions pas dans le registre de la boxe, Mike Tyson. Je les « connaissais Â» eux et d’autres : j’avais vu des vidĂ©os ou lu Ă  leur propos.

 

Photo prise Ă  la gare de Paris St Lazare, ce 25 novembre 2020.

 

Si je cite Aya Nakamura, plus chanteuse de son Ă©tat que combattante de MMA, mĂȘme si l’on peut comparer son succĂšs mĂ©diatique et ses punchlines  Ă  ceux de certaines vedettes de MMA, c’est parce-que, comme Conor McGregor, ses vidĂ©os sur Youtube ou sur les rĂ©seaux sociaux totalisent gĂ©nĂ©ralement beaucoup plus de vues, et de loin, que les vidĂ©os montrant Jean-Pierre Vignau ou d’autres Maitres d’Arts Martiaux en dĂ©monstration sur youtube.

 

C’est un peu l’histoire du Blues ou du Jazz, ou d’une « quelconque Â» musique ou Ɠuvre artistique, par exemple, qui se rĂ©pĂšte. Aujourd’hui, des grandes vedettes de Rock, de Pop ou de Rap doivent beaucoup Ă  leurs aĂźnĂ©s du Blues ou du Jazz. Pourtant, ce sont les vedettes de Rock de Pop ou de Rap dont on connaĂźt le plus les Ɠuvres, les spectacles, l’image ou le succĂšs. Et ce sont leurs concerts qui affichent complet dans des salles gigantesques dont le prix d’accĂšs peut ĂȘtre excessif tandis que les plus « anciens Â» et les moins « people Â» jouent dans des salles plus modestes pour des sommes pouvant ĂȘtre deux Ă  trois fois moins Ă©levĂ©es. Aujourd’hui, la pandĂ©mie du Covid, sorte d’ogre sanitaire qui annihile et dĂ©vore nos volontĂ©s, empĂȘche les concerts. Mais lorsqu’il se sera un peu Ă©loignĂ©,  de mĂȘme que la menace terroriste, on peut s’attendre Ă  ce que, pour compenser, beaucoup d’entre nous aurons besoin de se distraire dans toutes formes de rĂ©jouissances et de festivitĂ©s immĂ©diates et extĂ©rieures. Dont des concerts et des festivals.  

 

J’aime Ă©couter la musique d’Aya Nakamura comme il m’est arrivĂ© de regarder des combats de Conor McGregor et d’autres combattants ou d’aller Ă  des concerts et des festivals. Je m’étonne simplement d’avoir pu ĂȘtre en partie captivĂ© par une certaine partie du « spectre Â» des possibilitĂ©s qui nous est offert en permanence sur internet ou ailleurs. Au dĂ©triment des Arts Martiaux par exemple. Parce-que, je me crois et me croyais assez ouvert.

 

C’est ouvert :

 

 J’avais entendu parler de Maitre Henry PlĂ©e de son vivant (celui-ci est dĂ©cĂ©dĂ© en 2014 Ă  l’ñge de 91 ans).  J’ai pratiquĂ© un peu de judo. J’ai lu, il y a une vingtaine d’annĂ©es, La Pierre et le Sabre d’ Eiji Yoshikawa, roman inspirĂ© de la vie de Miyamoto Musashi. Une fois, dans ma vie, grĂące Ă  une amie, je suis allĂ© au Japon. C’était en 1999, l’annĂ©e de la sortie du film Matrix des frĂšres Wachowski, avant qu’ils ne deviennent deux femmes, film que j’avais tenu Ă  aller revoir au Japon dans une salle de cinĂ©ma. Avec cette amie, j’étais allĂ© assister Ă  un tournoi de Sumo Ă  Tokyo.

 

Comme nous le savons, nous disposons aujourd’hui d’un trĂšs grand accĂšs- quasiment illimitĂ©- Ă  l’information et aux connaissances.

Mais tout dĂ©pend de ce que nous cherchons.  Et comment nous le cherchons. Nous disposons de plus en plus facilement « d’armes Â» de plus en plus puissantes. Mais nous rĂ©gressons peut-ĂȘtre de plus en plus concernant la Maitrise de nos Ă©motions, de nos jugements comme de nos actions. Nous manquons peut-ĂȘtre, de plus en plus, d’éducation. Me concernant, par exemple, il est Ă©vident que si, aujourd’hui, je retournais au Japon, que j’irais y chercher autre chose qu’il y a une vingtaine d’annĂ©es. Et ce serait sans doute pareil pour les autres destinations oĂč je me suis dĂ©jĂ  rendu de par le passĂ©.

 

Mais si nous sommes de plus en plus agressifs envers les autres et envers nous-mĂȘmes, c’est sans doute, aussi, parce-que, dans le fond, malgrĂ© les  « progrĂšs Â»,  notre sentiment d’insĂ©curitĂ© personnel a  Ă©galement augmentĂ©.

 

 

Ma rencontre ce week-end avec Jean-Pierre Vignau est peut-ĂȘtre une tentative de dĂ©but de rĂ©ponse Ă  cette question :

 

Qu’est-ce qu’un Maitre ?

 

 

Qu’est-ce que l’on recherche chez lui ?

 

Est-ce celle ou celui auquel on se soumet parfois ou souvent aveuglement, jusqu’à l’étranglement, en l’échange d’un peu de (sa) protection ?  

 

Est-ce celle ou celui qui nous permet de devenir rĂ©sistants et autonomes quelles que soient les difficultĂ©s ou les handicaps que nous rencontrerons dans la vie ?

 

Pour certains, Le Maitre est celui qui vous forme, qui vous dĂ©livre un permis de tuer et d’intimider qui sera le moyen de devenir cĂ©lĂšbre en mĂȘme temps que meurtrier et terroriste.  Ou mercenaire. Je ne recherche pas ce genre de Maitre. J’ai « lu Â» cependant que Jean-Pierre Vignau avait Ă©tĂ© un temps, mercenaire.

 

Pour d’autres, le Maitre ou la Maitresse est celle ou celui qui vous isole et vous protĂšge du Monde comme de tous ses dangers et de ses perversitĂ©s et vous «  aide ( ?!!) Â» Ă  vous en « purifier Â» en vous sĂ©parant de toutes vos possessions matĂ©rielles, spirituelles mais aussi de vos vies relationnelles acquises dans notre Monde « malsain Â». Ce n’est pas pour moi.

Pour d’autres, le Maitre ou la Maitresse est celle ou celui qui vous promettra un Etat militaire et policier. La paix dans les rues. La torture et la censure derriùre les murs. Je ne veux pas de ce genre de Maitre, non plus.

 

Il est aussi des Maitres et des Maitresses qui acquiĂšrent une trĂšs forte position sociale et Ă©conomique qui se mesure aussi Ă  l’étendue des possessions matĂ©rielles. Disposer d’une voiture luxueuse, d’un chĂąteau ou d’une villa Ă  montrer ne m’a pas conquis. Cette « absence Â» d’ambition, dans un monde oĂč avoir des « relations Â»  peut ĂȘtre bien plus avantageux que les compĂ©tences et la bonne volontĂ© m’a sĂ»rement desservi. Mais cela n’empĂȘche pas d’apprendre et de s’en tenir Ă  certaines prioritĂ©s :  

 

On ne « voit Â» pas un Maitre ou une Maitresse dans une vidĂ©o, sur un site ou dans un article. On les rencontre. Au mĂȘme titre que si l’on se contente de voir sa vie plutĂŽt que de l’expĂ©rimenter, on se contente alors de l’envisager. Tel le fumeur de shit devant son joint,  le buveur devant son verre, l’escroc devant sa combine,  le tueur devant son arme, l’agresseur devant sa victime.

 

L’exigence vis-Ă -vis de soi mĂȘme :

 

Si je suis exigeant envers moi-mĂȘme, Jean-Pierre Vignau l’est sans doute encore beaucoup plus envers lui-mĂȘme. Et depuis bien plus longtemps que moi.

 

C’est sans doute, pour moi, une des diffĂ©rences nĂ©cessaires entre un Maitre et un Ă©lĂšve. Et c’est parce-que cette diffĂ©rence se perçoit concrĂštement que se crĂ©ent l’autoritĂ©, la lĂ©gitimitĂ© et l’écoute du Maitre.

 

Si certaines valeurs aujourd’hui se « perdent Â» ou semblent se perdre, c’est peut-ĂȘtre, aussi,  parce qu’elles sont d’un cĂŽtĂ© rĂ©servĂ©es, telles des places de parking, Ă  quelques titulaires avant mĂȘme leur naissance. Tandis que ces mĂȘmes valeurs continuent d’ĂȘtre livrĂ©es telles des jolies phrases ou des emballages sous vide Ă  d’autres qui doivent se contenter de parpaings pour sommiers lorsqu’ils s’endorment le soir. AprĂšs que ces derniers se soient faits « arnaquer Â» un certain nombre de fois, certains d’entre eux finissent par se mĂ©fier de tout y compris des meilleures volontĂ©s qu’ils rencontrent peut-ĂȘtre trop tard.

 

Il y a aussi des histoires de « clan Â» peut-ĂȘtre de plus en plus ancrĂ©es. Des histoires et des croyances hĂ©rĂ©ditaires qui guident, qui brident, et qui nous disent que lorsque l’on fait partie d’un clan, d’un quartier ou d’une famille, qu’il est impossible de faire partie d’un autre ou de plusieurs autres. Mais il y a peut-ĂȘtre aussi cette revendication identitaire jusque-boutiste et suicidaire  qui consiste Ă  vouloir absolument retrouver ailleurs ce que l’on vit et pense tous les jours chez soi. MĂȘme si on y tourne en rond et que cela nous dĂ©truit, nous et notre entourage.

 

On choisit de rencontrer une Maitresse ou un Maitre plutĂŽt qu’un (e ) autre selon lĂ  oĂč on est. Parce qu’elle ou lui nous semble la personne la plus crĂ©dible mais aussi la plus accessible et la mieux disponible pour nous aider Ă  nous Ă©loigner ou nous sortir de certaines impasses.

 

Une Maitresse ou un Maitre est une personne exigeante. Lorsque l’on se prĂ©sente devant elle ou lui, nous venons avec nos aptitudes, notre potentiel mais, aussi, avec certaines  attitudes et ignorances qui nous maintiennent dans une certaine incomplĂ©tude. Nos ambitions et la façon que nous avons de nous percevoir font aussi partie de nos habitudes et de nos ignorances.

 

L’exigence, l’exemple, autant que l’empathie, la persĂ©vĂ©rance, l’optimisme mais, aussi, l’autocritique font, selon moi, partie de la panoplie du Maitre. MĂȘme si, bien-sĂ»r, toute Maitresse et tout Maitre est aussi un ĂȘtre humain avec ses faiblesses. Et que si certains Maitres ont plus de rĂ©ussite avec certains Ă©lĂšves, certains Ă©lĂšves ont aussi plus de rĂ©ussite avec certains Maitres.

 

Dans son interview, lors de notre rencontre,  Jean-Pierre Vignau le dit :

 

« Mon but, c’est de dĂ©courager
 Â». Et, il explique que, pendant les trois premiĂšres annĂ©es de pratique, il s’emploie Ă  dĂ©courager l’élĂšve. Cela a de quoi intimider. Trois ans, dans notre vie oĂč beaucoup doit ĂȘtre obtenu rapidement ou aller vite, c’est trĂšs long.

 

J’ai connu un kinĂ© sportif, il y a plusieurs annĂ©es, qui m’avait presque tenu les mĂȘmes propos que Jean-Pierre Vignau. Il m’avait expliquĂ© que lorsqu’un sportif venait le voir pour une rééducation, il le mettait « minable ! Â» pendant les sĂ©ances. Mais qu’en contrepartie, celui-ci se remettait sur pied. Dans d’autres expĂ©riences, on peut retrouver ce genre d’exigence. On peut bien-sĂ»r penser Ă  l’armĂ©e. Mais aussi Ă  une Ă©cole prestigieuse rĂ©servĂ©e Ă  une Ă©lite. Pour moi, une Ă©lite, cela peut ĂȘtre aussi bien une trĂšs bonne Ă©cole de menuiserie, de pĂątisserie, de boulangerie, de mĂ©canique ou de cuisine. Pas uniquement une Ă©cole d’intellos. L’intellect, le fait d’avoir une certaine aisance pour le verbe, la culture, les concepts et la thĂ©orie,  mĂȘme si j’y souscris, cela ne fait pas tout.

 

On peut s’inscrire dans un club d’art martial sans faire partie d’une Ă©lite. On peut ĂȘtre un modĂšle sans ĂȘtre un intello.

 

Dans son livre, paru en 2016, La Fabrique du Monstre, (10 ans d’immersion dans les quartiers nord de Marseille, parmi les plus inĂ©galitaires de France) que je suis en train de lire, le journaliste Philippe Pujol nous explique que certains- une minoritĂ©- sont prĂȘts Ă  vendre du shit, Ă  faire des braquages mais aussi Ă  tuer pour
 « rĂ©ussir Â» Ă  exister socialement de façon expresse. Rapidement. MĂȘme si leur vie et celle des autres autour d’eux doit ĂȘtre courte.

 

Jean-Pierre Vignau, pour exigeant qu’il soit, est le contraire d’un Monstre. Dans l’interview que je fais de lui, on pourra ainsi entendre, Ă  un moment donnĂ©, le  peu d’estime qu’il peut se porter.

 

« AnalphabĂšte jusqu’à ses 28 ans Â», il fait partie de celles et ceux qui ont beaucoup vĂ©cu, beaucoup vu et entendu, qui continuent de pratiquer et qui, selon moi, sont un exemple. D’abord, parce qu’ils sont toujours vivants. Ensuite, parce-que, si l’on vient les rencontrer avec les « bonnes Â» intentions, simplicitĂ© et honnĂȘtetĂ©, je crois que ces gens-lĂ , nous recevrons bien et ne nous raconterons pas de bobards. MĂȘme si, et c’est normal, ils garderont leurs secrets. Car Les secrets s’éliminent Ă  mesure que l’on fait ses preuves. Or, on peut mourir sans jamais faire ses preuves. Comme on peut passer Ă  cĂŽtĂ© d’elles toute notre vie durant.

 

Construire sa légende

 

Le numĂ©ro de tĂ©lĂ©phone portable de Jean-Pierre Ă©tait notĂ© en bas de l’annonce pour son club, Fair Play– dans le 20Ăšme arrondissement de Paris- Ă  la fin du magazine Self-DĂ©fense. Je crois ĂȘtre passĂ© devant son club l’annĂ©e derniĂšre en me rendant pour la premiĂšre fois chez un ami. Je vĂ©rifierai.

 

Lorsque la semaine derniĂšre,  j’ai composĂ© le numĂ©ro de tĂ©lĂ©phone de Jean-Pierre la premiĂšre fois, je pensais tomber sur un rĂ©pondeur. J’ai eu Jean-Pierre directement. J’avais lu qu’il dĂ©dicaçait son dernier ouvrage, Construire sa LĂ©gende, paru en 2020.

 

C’était il y a plus d’un mois. Je me rappelle que dans le magazine Self & Dragon, Vignau rĂ©pondait Ă  un moment donnĂ© Ă  LĂ©o Tamaki :

 

« Moi, pour certaines personnes qui pratiquent le KaratĂ©, je fais partie des malades mentaux. Je pratique et j’enseigne des techniques qui se rapprochent de la rĂ©alitĂ©, mais en les dosant Ă©videmment». (page 28 de Self & Dragon numĂ©ro 7). Ce genre de propos ainsi que le reste m’ont sans doute parlĂ©.

 

Lorsque je l’ai appelĂ©, j’en Ă©tais Ă  l’étape oĂč je cherchais la rencontre. AprĂšs ĂȘtre restĂ© des annĂ©es sous cloche en quelque sorte. La rencontre des Maitres. Mais aussi celle de la vie loin du Covid et du second confinement que nous «connaissons Â». Ou que nous apprenons Ă  connaĂźtre :

 

Au nom du Covid, nous acceptons un certain mode de vie que nous aurions refusĂ© il y a encore quelques mois. Cette semaine, en partant chercher ma fille au centre de loisirs, j’ai croisĂ© la mĂšre d’un de ses copains. Celle-ci, comme nous, quittait le centre de loisirs avec son fils et sa fille. Une fois en dehors du centre de loisirs, cette mĂšre, infirmiĂšre comme moi (elle, en soins somatiques, moi en pĂ©dopsychiatrie) avait trĂšs vite retirĂ© son masque et l’avait fait enlever Ă  ses enfants. Elle m’avait expliquĂ© :

 

« DĂšs que je peux, je leur fais retirer leur masque ! Â». A cĂŽtĂ© d’elle, moi, qui, il y a encore un mois, acceptais tranquillement de sortir avec ma fille sans que celle-ci porte un masque anti-covid, jusqu’à ce que l’école et le centre de loisirs rendent son port obligatoire, j’ai confessĂ©, plutĂŽt penaud :

 

« Moi, je ne sais plus ce qu’il faut faire
 Â». J’approuvais totalement la rĂ©action de cette mĂšre et « collĂšgue Â». Mais je considĂ©rais aussi que cela ne pouvait pas faire de « mal Â» Ă  ma fille- vu qu’elle entendait parler du Covid depuis des mois- de garder son masque jusqu’à la maison. Sauf qu’imposer le masque sur le visage Ă  nos enfants lorsque cela est injustifiĂ©, c’est comme leur poser sur le visage l’équivalent d’une museliĂšre. Et, dĂ©jĂ , d’une certaine façon, dĂšs leur plus jeune Ăąge et avec notre complicitĂ©, c’est leur apprendre Ă  ĂȘtre dociles voire imbĂ©ciles. Ou Ă  devenir, plus tard, des enragĂ©s.

 

Me refuser à ma part imbécile

 

Lorsque Jean-Pierre Vignau m’a proposĂ© de venir chez lui pour lui acheter son livre au lieu de le commander sur internet, j’ai aussitĂŽt acceptĂ©.  Cela signifiait sans doute aussi pour moi que je pouvais, encore, jusqu’à un certain point, me refuser Ă  ma part imbĂ©cile.

Je m’en serais voulu si j’avais refusĂ© ou si j’avais prĂ©fĂ©rĂ© commander son livre comme une pizza  sur internet.

 

J’étais serein en prenant la route. Ma compagne Ă©tait Ă  la maison avec notre fille. Je n’avais pas Ă  penser Ă  l’heure du retour pour aller chercher notre fille Ă  la sortie de l’école ou du centre.

 

A mon arrivĂ©e, je me suis garĂ© devant le domicile d’un des voisins de Jean-Pierre.

Jean-Pierre m’a proposĂ© de me garer dans l’enceinte de son parking extĂ©rieur. Il m’a guidĂ© alors que j’effectuais ma marche arriĂšre. En sortant de ma voiture, j’avais mis mon masque anti-Covid. Lui, m’a d’emblĂ©e reçu Ă  visage dĂ©couvert. Sa femme Tina, aussi. Lorsque j’ai abordĂ© le sujet du masque avec Jean-Pierre, celui-ci m’a rapidement fait comprendre que je pouvais enlever le mien.

 

En me tenant Ă  distance bien-sĂ»r, j’ai donc enlevĂ© mon masque. C’est de cette façon que la rencontre s’est faite. Si je crois bien-sĂ»r que l’on peut se dire beaucoup avec nos yeux, il Ă©tait pour moi inconcevable de garder mon masque, donc de cacher mon visage, alors que Jean-Pierre et Tina, qui me voyaient pour la premiĂšre fois, et Ă©taient sans masque, m’admettaient chez eux.

 

 Cette interview, samedi aprĂšs-midi, Ă©tait informelle. Quelque peu improvisĂ©e. Si, officiellement, je venais acheter le dernier livre de Jean-Pierre, c’est une fois sur place que je lui ai demandĂ© si je pouvais filmer pour mon blog. Bien-sĂ»r, dĂšs qu’il m’a proposĂ© de venir chez lui, je me suis dit que je me devais de l’interviewer.

 

Jean-Pierre en a parlĂ© Ă  son Ă©pouse. J’ai obtenu leur accord. Jean-Pierre Ă©tait dĂ©jĂ  assis. J’ai posĂ© mon camĂ©scope de poche, l’ai allumĂ© et l’ai laissĂ© filmer comme ça venait. Tant qu’il pouvait.  J’ai effectuĂ© deux incises dans le montage. Mes remarques auraient pu ĂȘtre mieux prĂ©parĂ©es et l’on m’entend moyennement lorsque je parle. J’aurais prĂ©fĂ©rĂ©, idĂ©alement, avoir une meilleure Ă©locution, moins bafouiller. En somme, lorsque je regarde et Ă©coute ces images, j’aurais aimĂ© mieux faire l’acteur et le comĂ©dien.  Maquiller mes interventions afin que ça passe « mieux Â» comme dans un clip d’Aya Nakamura ou lors d’une provocation de Conor McGregor sans doute. Mais je n’étais pas venu pour fabriquer mon rĂŽle ou pour tourner mon clip. Et,  on entend trĂšs bien les rĂ©ponses, fournies, de Jean-Pierre comme celles de sa femme. Donc, pour moi, le principal est prĂ©sent et bien audible.

 

 

Cela a durĂ© un peu plus d’une heure. L’interview en images s’arrĂȘte brutalement mais je crois qu’il y a suffisamment de matiĂšre. Quel que soit ce que ce que j’ai Ă©tĂ© capable de retenir de ces moments, je suis persuadĂ© d’avoir appris quelque chose ce samedi. Par exemple, en reprenant aujourd’hui cet article depuis le dĂ©but pour la quatriĂšme fois, je sais y avoir incorporĂ© des idĂ©es qui m’ont Ă©tĂ© inspirĂ©es par notre rencontre il y a maintenant deux jours (trois jours maintenant). Et d’autres arriveront sans doute aprĂšs la publication de cet article et de cette interview.

 

Je n’ai pas encore lu le dernier livre de Jean-Pierre, Construire sa lĂ©gende.

 

Dans le numĂ©ro 9 du magazine Yashima d’octobre 2020, page 8,  LĂ©o Tamaki mentionne la biographie de Jean-Pierre Vignau, Corps d’acier  (je l’ai achetĂ©e d’occasion via le net) . Ainsi que le documentaire Le maĂźtre et le batard qui lui est consacrĂ©. L. Tamaki encourage surtout Ă  « un moment de pratique avec lui Â» ( Jean-Pierre Vignau).

LĂ©o Tamaki prĂ©sente Jean-Pierre Vignau comme «  simple et direct Â». C’est ce Ă  quoi je m’attendais. Et c’est ce que j’ai vĂ©cu et qui se retrouve, je crois, dans ce que mon camĂ©scope, qui a sa vie propre, a filmĂ©.  

 

Je suis convaincu que Jean-Pierre et Tina, samedi aprĂšs-midi, m’ont donnĂ© quelque chose.

 

J’espĂšre, Ă©videmment, que cet article et, plus tard, la vidĂ©o de mon interview leur rendra la pareille. Ainsi qu’à d’autres. Pour l’instant, mon ordinateur « rame Â» pour exporter ce que j’ai filmĂ©. C’est peut-ĂȘtre mieux comme ça pour le moment. En attendant, je publie dĂ©jĂ  cet article. Parce-que je pense qu’il prĂ©pare un peu Ă  l’interview filmĂ©e de Jean-Pierre. Et, peut-ĂȘtre, je le souhaite, parce qu’il contribuera un peu, Ă  bien ou mieux apprĂ©hender les Arts Martiaux d’une certaine façon.  

 

Cet article est long. Peut-ĂȘtre trop long. Il dĂ©couragera sans doute un certain nombre de lectrices et de lecteurs. Mais sa longueur est peut-ĂȘtre aussi une forme de « protection Â» contre ce Big Bang permanent du « clash et du buzz Â» qui constelle et Ă©parpille dĂ©sormais  nos existences. Big Bang dont tout et n’importe quoi peut sortir Ă  n’importe quel moment. Le pire comme le meilleur. Alors que si je parle- un peu- d’Arts Martiaux, je tiens particuliĂšrement Ă  ce que ce soit le meilleur qui ressorte et qui soit retenu par celles et ceux qui liront cet article et qui verront- ou non- l’interview de Sensei Jean-Pierre Vignau lorsque je la posterai.

 

Franck Unimon, ce mardi 24 novembre 2020.

 

 

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Argenteuil Corona Circus self-défense/ Arts Martiaux

M

 

                                                               M

Je devrais ĂȘtre couchĂ©. Il est cinq heures du matin. Je « dormais Â». J’ai bien des lĂąchetĂ©s et bien des faiblesses. Mais lorsque j’ai un texte ou un article Ă  Ă©crire, je me lĂšve. C’est l’avantage de ces mĂ©langes entre le sommeil et les pensĂ©es : cela nous met des phrases dans la tĂȘte.

Ensuite, c’est à nous qu’il revient de choisir. Nous censurer et nous rendormir. Ou nous lever et les exprimer.

 

 

Ce n’est pas la premiùre fois que je me lùve en pleine nuit. Ou en plein jour.

 

 

Nous avons revu M, sans doute cet Ă©tĂ©, dans son nouvel appartement.  Dans une nouvelle ville. Avec son nouveau compagnon. Et son second enfant. Nous la voyons beaucoup moins qu’avant lorsqu’elle habitait dans la mĂȘme ville que nous.

 

Auparavant, il nous arrivait de nous croiser prĂšs de la gare d’Argenteuil lorsqu’elle revenait du travail ou dans la ville, carrĂ©ment. M fait partie de ces personnes que l’on pouvait rencontrer dans une des rues d’Argenteuil en allant faire une course. Il suffit que deux ou trois personnes de ce profil s’en aillent pour que, trĂšs vite, on se sente plus seuls dans une ville. E, par exemple, travaillait Ă  la mĂ©diathĂšque du Val d’Argenteuil. Mais je l’avais connue au club de boxe française oĂč, pendant un temps, elle avait Ă©tĂ© assidue.

 

VoilĂ©e, convertie Ă  l’Islam, et alors cĂ©libataire, E  habitait encore plus prĂšs de chez nous. Je la croisais rĂ©guliĂšrement dans la ville Ă©galement. Ou Ă  la mĂ©diathĂšque oĂč, hilare, elle prolongeait facilement la durĂ©e de mes prĂȘts. Pour nous saluer, nous nous serrions la main. Nous rigolions et discutions bien ensemble, en toute intelligence.

 

Puis, un jour, j’ai Ă  peine reconnu E. Elle s’avançait en direction de la gare alors que je m’en Ă©loignais. MaquillĂ©e, dĂ©voilĂ©e, portant une jupe, E s’était sĂ©parĂ©e de l’Islam. Elle m’avait fait la bise.

En quelques mots, elle m’avait racontĂ© s’ĂȘtre faite « humilier Â» en tant que femme lors de sa pratique de l’Islam. Depuis, elle s’était mise en couple avec quelqu’un qu’elle connaissait depuis des annĂ©es. Peu aprĂšs, E a quittĂ© Argenteuil pour le VĂ©sinet ou Chatou oĂč elle a retrouvĂ© un emploi de bibliothĂ©caire.

 

Ensuite, elle est devenue mĂšre. Aujourd’hui, elle a deux enfants et vit avec son compagnon Ă  la Rochelle d’oĂč, de temps Ă  autre, elle envoie des photos qui donnent envie. Un jardin, un potager, de l’espace, la mer.

 

 

Avant, je rencontrais K, aussi. ComĂ©dienne, metteure en scĂšne, prof de théùtre. Elle et moi, nous Ă©tions rencontrĂ©s en thĂ©rapie de groupe, Ă  Argenteuil. A une Ă©poque, oĂč, aprĂšs une Ă©niĂšme rupture amoureuse, je m’étais dit qu’une thĂ©rapie s’imposait.

K, aussi, a quittĂ© Argenteuil avec son compagnon et pĂšre de leurs deux enfants. Pour Cormeilles en Parisis. C’est plus prĂšs que la Rochelle. Mais on se voit beaucoup moins. Peut-ĂȘtre une fois par an. Quand je me rends Ă  la journĂ©e des associations d’Argenteuil qui se dĂ©roule chaque annĂ©e sur le parking de la salle des fĂȘtes Jean Vilar ainsi que dans la salle des fĂȘtes Jean Vilar. Laquelle salle des fĂȘtes Jean Vilar est menacĂ©e d’ĂȘtre dĂ©truite. Le maire Georges Mothron et son Ă©quipe ont pour projet de mettre Ă  la place un hĂŽtel de luxe, quelques commerces, dont une Fnac, ainsi qu’une salle de cinĂ©ma afin de rendre la ville plus attractive. Si ce projet se rĂ©alisait, la librairie Presse Papier (restĂ©e ouverte malgrĂ© le confinement) situĂ©e Ă  l’entrĂ©e de la ville serait aussitĂŽt concurrencĂ©e par la Fnac. Et le centre culturel Le Figuier Blanc, qui projette des films, pourrait l’ĂȘtre par la salle de cinĂ©mas.

 

 

K m’a un jour rĂ©pondu avoir quittĂ© Argenteuil car elle en avait « marre Â» des pauvres. Ce ne sont pas les pauvres en eux-mĂȘmes dont K a eu marre, Ă  Argenteuil. Je pense que c’est plutĂŽt des incivilitĂ©s rĂ©guliĂšres. De certains comportements. Du bruit.  Sans doute de certains trafics, aussi.

 

Locataire en appartement Ă  Argenteuil, K et son compagnon sont devenus propriĂ©taires Ă  Cormeilles En Parisis. Comme certains parents des copains et des copines de l’école maternelle de ma fille qui ont rapidement fait le nĂ©cessaire pour faire admettre leurs enfants dans l’école privĂ©e Ste-GeneviĂšve de la ville, M, K et E font partie de ces forces vives qui, pour diverses raisons, un jour, se retirent d’un endroit. Ensuite, mĂȘme si l’on peut faire d’autres rencontres, et que l’on connaĂźt d’autres personnes toujours prĂ©sentes dans notre environnement immĂ©diat, c’est une affaire entre soi et soi. De choix et d’espoir. Mais tout dĂ©part, comme toute sĂ©paration, nous Ă©loigne et nous sĂ©pare un peu de nous-mĂȘmes.

 

 

Cet Ă©tĂ©, aprĂšs environ quarante minutes de route, nous sommes arrivĂ©s dans le nouvel habitat de M.  C’est un ensemble d’immeubles avec parking. Nous avions du mal Ă  trouver oĂč nous garer. Car beaucoup de places Ă©taient privĂ©es. En m’approchant de M, descendue Ă  notre rencontre, j’hĂ©sitais sur l’attitude Ă  avoir concernant
. Â« les gestes barriĂšres Â». M a tranchĂ© :

 

« C’est bon ! Â». Et nous nous sommes fait la bise. Je n’ai pas cherchĂ© Ă  contredire M. Je n’en n’avais mĂȘme pas envie. M, c’est un char d’assaut. Et, Ă  propos de la vie et de la mort, M est la mĂ©moire directe, et la plus proche, de cette expĂ©rience que nous avons connue ensemble concernant ces sujets. On pourra toujours argumenter que notre attitude a Ă©tĂ© parfaitement irresponsable en pleine pĂ©riode du Covid et alors que nous avons des enfants plutĂŽt jeunes. Mais chaque rencontre dicte ses rĂšgles.

 

M et nous, nous nous sommes rencontrĂ©s Ă  la maternitĂ© de l’hĂŽpital d’Argenteuil. Tout le monde a entendu parler de la maternitĂ©, de la grossesse, d’un accouchement et de la naissance d’un enfant. Le plus souvent, ça se passe « plutĂŽt bien Â» lorsque la grossesse se rĂ©alise. Pour M et nous, la grossesse a effectivement eu lieu. Mais l’accouchement  a Ă©tĂ© prĂ©maturĂ©. Nos deux filles ont Ă©tĂ© de grandes prĂ©maturĂ©es. La prĂ©maturitĂ©, c’est devenu banal quand on en parle. Une personne m’avait par exemple dit :

« Je connais quelqu’un qui a eu un enfant prĂ©maturĂ© Â». Et quelqu’un d’autre m’avait dit aussi : «  Ma niĂšce, Ă  sa naissance, pesait 540 grammes. Elle Ă©tait Ă  peine plus grosse qu’un steak. Aujourd’hui, elle va trĂšs bien, elle a deux ( ou quatre) enfants Â». C’était des marques de sympathie et d’encouragement.

 

La prĂ©maturitĂ© de nos filles, cependant, cela a Ă©tĂ© un petit peu notre VendĂ©e Globe Ă©motionnel. Un mois et demi d’hĂŽpital en rĂ©animation puis en soins intensifs pour la fille de M. Deux mois et demi pour la nĂŽtre. Des visites quotidiennes. Des appels tĂ©lĂ©phoniques quotidiens. Soit le contraire d’une vie «normale Â» oĂč, souvent, aprĂšs quelques jours d’hospitalisation, la mĂšre repart Ă  la maison avec son enfant ou ses enfants. Puis, ensuite, la « rĂ©adaptation Â» Ă  la maison et Ă  la vie extĂ©rieure pour tout le monde Ă  la sortie du bĂ©bĂ© de l’hĂŽpital.

 

M reprĂ©sente ça pour nous. Et, sans doute que nous reprĂ©sentons ça aussi pour elle. Nous discutons ou avons assez peu discutĂ© de cette « Ă©poque Â», elle et nous. Ou, alors, j’étais absent Ă  ce moment-lĂ . Mais il est facile de concevoir que cette « Ă©poque Â», nous l’avons encore dans la peau. D’une façon ou d’une autre. Alors, il Ă©tait impossible de ne pas nous faire la bise en nous revoyant.

 

Nous avons passé une bonne aprÚs-midi chez M et son nouveau compagnon, avec leurs enfants.

 

Franck Unimon, ce samedi 21 novembre 2020. 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Corona Circus Crédibilité

Santé Mentale

 

                                                 SantĂ© Mentale

Lorsque l’on se prĂ©occupe des autres, on oublie parfois de s’occuper de soi. Il est des personnes dont c’est le mĂ©tier et aussi la volontĂ© de s’oublier.  On peut prĂ©fĂ©rer s’ignorer ou estimer que notre vie peut attendre. Les autres, d’abord. Ensuite, on verra bien pour soi. S’il reste encore un peu de place dans la glace que l’on regarde.

 

Covid-19, deuxiĂšme prise. Nous sommes au mois de novembre 2020. Je suis un privilĂ©giĂ©. Je travaille. J’ai touchĂ© une prime Covid. J’ai un salaire. Je n’ai pas Ă©tĂ© malade du Covid. Mes proches, non plus. Mon mĂ©tier de soignant n’a peut-ĂȘtre jamais Ă©tĂ© aussi important.

Ah, oui, j’allais oublier : nous avons obtenu une augmentation salariale. 183 euros en deux temps.  Beaucoup de personnes en France aimeraient percevoir cette somme en plus sur leur salaire Ă  la fin du mois.

 

Comme la majoritĂ©, Ă  partir de mars, j’ai Ă©tĂ© matraquĂ© lors des premiĂšres semaines du confinement numĂ©ro un au mois de mars. Par l’anxiĂ©tĂ©, l’angoisse et la peur. Au dĂ©but du confinement en mars, j’ai cru qu’à n’importe quel moment, dans un couloir de mĂ©tro, le virus pouvait me sauter dessus. Et me tuer en quelques secondes. Comme une bombe insecticide peut tuer un cafard.

 

 

J’ai aussi Ă©tĂ© exposĂ© comme d’autres au manque de masques chirurgicaux les premiĂšres semaines. Dans mon service, j’ai oubliĂ© quand nous en avons eu. Mais nous en avons eus pour travailler.

 

Puis,  dans le monde extĂ©rieur, les masques sont arrivĂ©s dĂ©but Mai. Tels des millions de parachutes de NoĂ«l dans les supermarchĂ©s. Aujourd’hui, on peut trouver des paquets de masques bradĂ©s. J’en ai achetĂ© hier, dans la pharmacie, oĂč, en fĂ©vrier, un pharmacien m’avait vendu deux ou trois masques FFP2 Ă  3,99 euros l’unitĂ©. Avant que l’épidĂ©mie, le confinement de Mars et la pĂ©nurie de masque ne nous tombent dessus. Jusqu’en Mai.

Hier, Ă  la pharmacie, j’ai « seulement Â» payĂ© cinq euros pour une boite de cinquante masques jetables. Il m’en a coĂ»tĂ© « seulement Â» cinq euros la boite.

 

Il m’a fallu quatre mois, entre mars et juillet, pour dĂ©bloquer mes neurones. Pour redevenir capable de lire des livres. Partir en vacances mi-juillet pendant une dizaine de jours m’a bien aidĂ©. Je fais partie des privilĂ©giĂ©s qui ont pu partir en vacances Ă  la mer cet Ă©tĂ©.

 

Depuis Mai, je porte un masque sur le visage chaque fois que je sors. Et, Ă©videmment, au travail. Depuis mes vacances d’étĂ©, j’écoute ce qui a trait au Covid de « loin Â». Je m’en tiens Ă  quelques rĂšgles principales :

 

Porter mon masque sur mon nez et ma bouche. Eviter de le masturber. En changer rĂ©guliĂšrement. Me laver les mains avec du savon quand je rentre dans un endroit. Lorsque je sors des toilettes. Avant de manger. AĂ©rer les piĂšces oĂč je me trouve. Embrasser seulement ma compagne et notre fille. Je me permets quelques fois de poser ma main sur certaines personnes mais c’est court. Je m’autorise certaines fois Ă  ĂȘtre Ă  visage dĂ©couvert en prĂ©sence d’autres mais Ă  un ou deux mĂštres. J’ai acceptĂ© de prendre ma collĂšgue M-J dans mes bras le lendemain de sa derniĂšre nuit de travail, avant son dĂ©part Ă  la retraite. J’ai posĂ© ma main un instant sur l’Ă©paule d’une collĂšgue qui venait de m’apprendre avoir perdu sa grand-mĂšre de 94 ans. Ce matin, j’ai aussi posĂ© ma main sur l’Ă©paule de ma collĂšgue de nuit aprĂšs que nous soyons restĂ©s discuter un peu dans la rue, devant le service, au moment de nous dire au revoir. Lorsque je me prĂ©sente Ă  un nouveau patient ou Ă  une nouvelle patiente, j’enlĂšve mon masque afin que celui-ci ou celle-ci voie mon visage mĂȘme si c’est Ă  un ou deux mĂštres. 

 

 

Accepter d’ĂȘtre prĂšs de quelqu’un physiquement n’a peut-ĂȘtre jamais Ă©tĂ© autant synonyme d’affection,  de sympathie ou de « rĂ©volte Â» qu’aujourd’hui. Puisqu’il existe un risque et un interdit sanitaire.

 

 

A l’école de ma fille, nous avions dĂ©jĂ  Ă  composer avec le plan Vigipirate toujours actif dans notre dĂ©partement. Depuis, nous devons faire avec nos masques sur nos visages. MĂȘme ma fille  y a maintenant droit dans l’enceinte de l’école et du centre de loisirs. Comme ses copines et ses copains.

 

Les Ă©changes tĂ©lĂ©phoniques et les rĂ©unions en visio-confĂ©rence pour le conseil de l’école sont en passe de devenir la norme Ă  l’école de ma fille.

 

Cette semaine a eu lieu le premier conseil de l’école avec les enseignants et les parents d’élĂšves. En Ă©coutant parler untel ou untel, je me suis Ă©tonnĂ© de mon incapacitĂ© Ă  comprendre ce qui se racontait. Je me sentais plus que ralenti tant j’avais de mal Ă  saisir les propos tenus. Des propos pourtant simples et largement Ă  ma portĂ©e.

Ensuite, ma connexion internet est devenue mauvaise. Je voyais les images fixes de mes interlocuteurs mais sans le son. Ou alors, le son Ă©tait hachĂ©. J’ai dĂ» renoncer Ă  participer. Je sais bien que mon dĂ©sistement n’affecte pas en soi notre prĂ©sence auprĂšs de notre fille et ni ses rĂ©sultats. Mais je n’ai pas pu m’empĂȘcher de voir dans ma dĂ©connection une sorte de dĂ©crochage scolaire alors que les autres participants, une majoritĂ© de femmes, semblaient parfaitement Ă  l’aise avec ce nouveau dispositif.

 

 

Il y a deux ou trois semaines, maintenant, je suis arrivĂ© en retard d’une demi-heure Ă  une rĂ©union Ă  mon travail. J’avais pris le temps d’attendre que ma compagne et notre fille rentrent pour les voir. Mais j’avais mal anticipĂ© la diminution du nombre de trains desservant Paris du fait de la pandĂ©mie.

 

Au travail, personne ne m’en a voulu pour mon « retard Â». J’étais quand mĂȘme arrivĂ© avec une heure d’avance avant ma deuxiĂšme nuit de travail.

 

Pour cette rĂ©union, nous Ă©tions plusieurs dans la salle d’attente attenante au bureau du mĂ©decin-chef. Il Ă©tait lĂ  ainsi que deux ou trois autres collĂšgues et notre cadre de pĂŽle. Nous Ă©tions tous masquĂ©s. Nous Ă©tions sagement assis sur nos siĂšges. Environ un mĂštre nous sĂ©parait les uns des autres. Sur l’écran de l’ordinateur du mĂ©decin-chef, on pouvait voir la tĂȘte de nos autres collĂšgues qui, depuis leur domicile, assistaient et participaient Ă©galement Ă  la rĂ©union.

 

Ce soir-lĂ , parmi les collĂšgues prĂ©sents physiquement, il y avait M-J. C’était sa derniĂšre nuit avant son dĂ©part Ă  la retraite.

Quand je suis arrivĂ©, le sujet concernait le Covid. Les mesures Ă  prendre par rapport au Covid. Masques, lavage des mains, aĂ©rer les piĂšces, nombre de personnes.  

Nous avons aussi Ă©tĂ© briefĂ©s Ă  propos du fait que, malades, sous certaines conditions, nos pouvions ou devions venir travailler. MasquĂ©s Ă©videmment. Et en respectant- formule dĂ©sormais familiĂšre – «  les gestes barriĂšres Â». Voire, selon les situations, aprĂšs avoir observĂ© une pĂ©riode de confinement chez soi de sept ou huit jours.

 

Il n y avait rien de rĂ©volutionnaire ou de choquant dans ces « nouvelles Â». En fait, mon retard m’avait fait rater le plus « choquant Â». Je l’appris plus tard par une de mes collĂšgues :

 

La Direction de notre hĂŽpital faisait appel Ă  des volontaires afin de se rendre dans un service oĂč la majoritĂ© des patients avait le Covid et oĂč, beaucoup de soignants, l’avaient Ă©galement attrapĂ©. Ce service avait besoin de renforts. Il se trouvait Ă  une bonne heure en transports de notre service dans un dĂ©partement d’üle de France. Les « volontaires Â» pouvaient choisir les horaires qui leur convenaient, soir ou matin. Rappelons les horaires du soir : 13h45/21H15. Rappelons les horaires du matin : 6h45-14h15.

 

A dĂ©faut de volontaires, la Direction faisait savoir qu’elle dĂ©signerait du personnel pour se rendre dans ce service. Dans notre hĂŽpital, il manquerait deux cents infirmiers. RĂ©cemment, l’application qui propose des remplacements payĂ©s en heures sup dans d’autres services de l’hĂŽpital a Ă©tĂ© remplacĂ©e. DĂ©sormais, la nouvelle application qui «  rĂ©volutionne la gestion des ressources humaines dans la santĂ© Â»  et forte du fait que «  1500 entreprises nous font dĂ©ja confiance Â» nous signale que tel service a « besoin Â» de nous.

 

Sur ma boite mail, c’est une premiĂšre, j’ai aussi reçu un message, d’un groupe privĂ© qui recherche des aides-soignants et des infirmiers :

 

« Dans le contexte d’épidĂ©mie Covid-19 et pour accompagner nos patients et rĂ©sidents, nous avons besoin de renfort dans nos Ă©quipes soignantes au sein de nos Ehpad, Cliniques SSR et HAD.

Nous recherchons des Aides Soignant(e)s et des Infirmier(e)s pour des contrats en vacations, CDD ou CDI Â»

 

 

16 euros brut de l’heure sont annoncĂ©s pour un infirmier qui a plus de trois ans d’expĂ©rience. Ainsi qu’une prime SĂ©gur mensuelle et une prime pour tout travail effectuĂ© durant le week-end.  

 

 

« L’argent Â» et le sacrifice, ou le sacrifice et « l’argent Â» continuent d’ĂȘtre les seules façons de s’adresser aux soignants.

 

Ce matin, sur la chaine Cnews, j’ai Ă©coutĂ© une partie du dernier discours Ă  ce jour du Ministre de la SantĂ©, Olivier VĂ©ran. Il prĂ©venait que le confinement allait sĂ»rement devoir continuer. Il prĂ©cisait que le gouvernement se prĂ©occupait, aussi, de l’état de santĂ© mental des Français : peur, anxiĂ©tĂ©, angoisse, dĂ©pression etc


Et, il invitait les personnes concernĂ©es Ă  s’adresser Ă  des
. professionnels de la SantĂ©.

 

 

La pĂ©nurie des soignants qui a Ă©tĂ© constatĂ©e en mars de cette annĂ©e est pourtant la mĂȘme en novembre. Elle dure depuis vingt Ă  trente ans. Et, aujourd’hui, elle est peut-ĂȘtre pire. Pourtant, c’est Ă  ces mĂȘmes soignants que l’on demande d’ĂȘtre « volontaires Â» pour partir en renfort ailleurs. Que l’on sollicite par mail pour venir faire des vacations dans un autre Ă©tablissement (en plus de leur poste de titulaire). Ou que l’on prĂ©sente comme totalement disponibles pour toutes ces personnes qui, et cela se comprend, sont durement Ă©prouvĂ©es psychologiquement, moralement et Ă©conomiquement par cette pandĂ©mie du Covid.

 

 

Et nous n’en sommes « qu’à Â» la  deuxiĂšme  vague du Covid.

 

Nous sortirons un jour de ces tourments dus au Covid. Mais ça nous paraĂźtra long. C’est d’ailleurs dĂ©jĂ  trĂšs long pour beaucoup de personnes. Moi, y compris.

 

Par exemple, je ne supporte plus de devoir remplir une feuille de justificatif lorsque je sors de chez moi. Porter le masque, oui. Me laver les mains, oui. Etre prudent en prĂ©sence d’autres personnes, oui, mĂȘme si, lorsque le mĂ©tro est plein, je suis bien obligĂ© de rester dedans pour me rendre Ă  mon travail. Mais devoir accepter de rester chez moi alors que je souhaiterais rendre visite Ă  quelqu’un devient trĂšs contraignant. Il faut un justificatif. Il faut rester dans un pĂ©rimĂštre compris dans un kilomĂštre autour de chez soi.

 

Le pire, c’est que je rĂ©agis comme ça parce-que j’ai connu autre chose. Mais pour celles et ceux, qui, dans quelques annĂ©es, vivront confinĂ©es dĂšs leur naissance, cela paraitra normal d’ĂȘtre cloĂźtrĂ©es ou de fournir un justificatif au moindre dĂ©placement. Et, tout ça, tout en Ă©tant dĂ©jĂ  « repĂ©rĂ©s » par nos navigations sur internet ou par l’usage de nos smartphones. Ou, bientĂŽt, peut-ĂȘtre, par des drones, ou, pourquoi pas, par des automates Ă  forme humaine ou par des animaux ou des arbres artificiels.

 

 

En ce moment, en cette pĂ©riode d’hĂ©bĂ©tude, trois activitĂ©s en particulier me font beaucoup de bien en plus de mes Ă©tirements quasi-quotidiens :

 

Lire

 

Ecouter des Podcasts

 

Lire sur les Arts Martiaux, comme des ouvrages ou des interviews de Maitres.

 

 

Nos relations au travail avec nos collĂšgues, mais aussi avec certains  voisins ou commerçants se resserrent  sans doute. Ainsi qu’avec celles et ceux avec lesquels nous gardons le contact.

 

C’est sĂ»rement, ça, la bonne nouvelle. Nous devenons des adeptes du « dĂ©veloppĂ© toucher Â» en quelque sorte. Le toucher relationnel. Ou nous devenons de bons petits paranos.

 

Franck Unimon, ce vendredi 20 novembre 2020.

 

 

 

 

 

 

 

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Je suis Ă  l’Est ! un livre de Josef Schovanec

 

Je suis Ă  l’Est ! , livre paru en 2012, a Ă©tĂ© Ă©crit par Josef Schovanec ( avec Caroline Glorion).

 

J’ai pris du temps Ă  lire ce livre. Peut-ĂȘtre parce-que Josef Schovanec, comme toutes les personnes que l’on ne prend pas le temps d’écouter, avait beaucoup Ă  dire. Ou peut-ĂȘtre parce-que dans la vie ordinaire, aimantĂ© par l’affiche d’un nouveau film ( avant ces histoires de reconfinement et de covid) ou par un de mes Ă©crans, j’ai plusieurs fois laissĂ© un Josef Schovanec de cĂŽtĂ©.

 

De toute façon, en tant que professionnel de la santĂ©, ce genre de livre nous donne une tape derriĂšre la tĂȘte. Parce-que, cette fois, celui qui fait autoritĂ© en matiĂšre de connaissances et d’expĂ©riences, c’est le patient ou la victime qui a Ă©crit le livre dont je vais vous parler. Et, lĂ , je ne peux qu’écouter, rĂ©flĂ©chir et lire puisqu’il s’agit d’un tĂ©moignage, celui de Josef Schovanec. Je ne peux pas tĂ©moigner Ă  la place de Josef Schovanec. Si je m’étais senti capable de tĂ©moigner Ă  sa place, je me serais dispensĂ© de lire son Je suis Ă  l’Est !

Et puis, je ne me fais assez peu d’illusions : Ă  l’école maternelle oĂč les ennuis de Josef Schovanec ont dĂ©butĂ©, je l’aurais ignorĂ©. J’aurais prĂ©fĂ©rĂ© jouer avec les copains, taper dans une balle de tennis ou un ballon de foot. Peut-ĂȘtre, mais ce n’est mĂȘme pas sĂ»r, me serais-je abstenu de faire partie de ceux qui se seraient amusĂ©s Ă  le tirer comme un lapin avec le ballon de foot ou un autre projectile improvisĂ©, reflet de ces pensĂ©es de reptile qui nous animent par moments tout civilisĂ©s que nous prĂ©tendons ĂȘtre devant nos victimes. Car nous nous transformons vite en barbares dĂšs que nous sommes en meute.

 

Mais ce qui est bien avec Josef Schovanec, c’est qu’il est gĂ©nĂ©reux :

A peu prĂšs tout le monde en prend pour son curriculum dans son livre. Le systĂšme scolaire et Ă©ducatif français et occidental ; la sociĂ©tĂ© et ses rituels relationnels inadaptĂ©s ; les psychanalystes et psychiatres Ă  but lucratif qui ont su le raccourcir- heureusement, les effets ont Ă©tĂ© rĂ©versibles- Ă  coups  d’antipsychotiques ; certaines et certains anciens camarades de sciences Po pompeurs de ses cours hier, grandes vedettes mĂ©diatiques aussi pomponnĂ©es qu’amnĂ©siques aujourd’hui ; les associations qu’il a pu frĂ©quenter ou qui ont donnĂ© des confĂ©rences ; son exposition mĂ©diatique.

 

Avec sarcasme et humour, Josef Schovanec nous raconte une partie de son parcours personnel. Muet jusqu’à ses six ans, mais habile avec l’astronomie, l’écriture et l’Egypte antique, il a su se frayer un « destin Â» grĂące Ă  la pugnacitĂ© et  Ă  la ruse de ses parents. Mais aussi grĂące Ă  sa rĂ©sistance. Car ses mĂ©saventures morales, fonctionnelles et physiques ressemblent beaucoup Ă  celles d’un suppliciĂ©.

 

Josef Schovanec, c’est aujourd’hui 1m95 d’autisme qui nous « parle Â», Ă  nous les gens normaux. Mais c’est aussi un homme multi-diplĂŽmĂ©, Docteur en philosophie, plusieurs fois polyglotte et grand voyageur. D’ailleurs, il insiste pour ne pas ĂȘtre rĂ©sumĂ© Ă  son autisme d’asperger qui a nĂ©cessitĂ© plusieurs annĂ©es avant de finir par ĂȘtre diagnostiquĂ©. Peut-ĂȘtre parce qu’à  l’image de la schizophrĂ©nie, il y a diffĂ©rentes façons d’ĂȘtre autiste et diffĂ©rentes façons de le concevoir pour une personne extĂ©rieure.

 

 

Si Schovanec nous parle de nos travers, il nous parle aussi de certaines de ces personnes, devenues ses proches, qui ont su penser diffĂ©remment en le rencontrant ou qui Ă©taient elles-mĂȘmes diffĂ©rentes et pourtant bien dans le coup. Tel Hamou Bouakkaz,  Kabyle nĂ© en AlgĂ©rie, aveugle,  d’origine modeste, venu habiter Ă  Bezons avec sa famille et qui a su , aprĂšs de brillantes Ă©tudes dont une Maitrise en mathĂ©matiques, accĂ©der au monde de la politique.

 

En lisant Je suis Ă  l’Est !  de Schovanec, on comprend trĂšs vite que c’est plutĂŽt, ou souvent, la majoritĂ© d’entre nous qui le sommes. Mais comme nous sommes la majoritĂ© et que c’est elle qui impose souvent l’attitude gĂ©nĂ©rale, nous restons installĂ©s dans nos impasses de pensĂ©e mĂȘme si celles-ci nous implantent un peu plus dans des blocs de bĂ©ton.

 

Je trouve rĂ©confortant, alors que nous vivons cette deuxiĂšme vague du Covid et un second confinement plutĂŽt dĂ©primant, de pouvoir trouver dans ce livre de quoi se sentir un peu plus lĂ©ger. On peut bien-sĂ»r se sentir assez peu fier de soi quant Ă  nos prĂ©jugĂ©s devant certains « handicaps Â», mais on peut aussi s’estimer finalement bien plus avantagĂ© que ce que l’on croit. A condition d’ĂȘtre dotĂ© de quelques uns des atouts ou des qualitĂ©s que Schovanec a, pour lui, de toute Ă©vidence :

 

1) La curiosité

2) Le courage : il n’a attendu personne pour s’intĂ©resser Ă  certains sujets, astronomie, Egypte des pharaons, langues ou autres. Et, il ne s’est pas prĂ©occupĂ© de savoir si c’était bizarre ou non de s’intĂ©resser Ă  ces sujets alors que la majoritĂ© des enfants de son Ăąge avaient d’autres intĂ©rĂȘts.

3) La constance ou la persĂ©vĂ©rance : Il ne s’est pas contentĂ© de lire un ou deux ouvrages. Puisque le sujet l’intĂ©ressait, il a continuĂ© tant qu’il a pu trouver des informations sur ce qui lui plaisait d’apprendre.

4) L’humour et l’autodĂ©rision : on ne perçoit pas de haine, de colĂšre, d’espoir ou de projet de revanche sur celles et ceux qui lui en ont fait baver lors des diffĂ©rentes Ă©tapes de sa vie. Il raconte en s’amusant avoir Ă©tĂ© pris pour un prĂȘtre, un homosexuel
ou un agent secret.

 

Sans doute que son entourage familial (au moins sa mĂšre et son pĂšre) plutĂŽt aidant, plutĂŽt cultivĂ© et stable lui a permis d’exprimer ces aptitudes.

On pourrait se dire que Josef Schovanec a grandi dans un milieu social plutĂŽt favorisĂ© et dans des Ă©coles plutĂŽt rĂ©putĂ©es. Mais il explique dans son livre que les Ă©coles rĂ©putĂ©es sont sans doute bien plus intolĂ©rantes que les autres puisqu’elles sont obsĂ©dĂ©es par leur rĂ©putation.

 

 

Vous ne connaissiez pas Josef Schovanec ? Moi, non plus. Pourtant, il a Ă©tĂ© vu et revu Ă  un moment donnĂ©, sans doute comme un Ă©niĂšme exemplaire de ces phĂ©nomĂšnes de cirque autiste type Rain Man ou autre au cinĂ©ma. Il parle de cette pĂ©riode entre-autres dans cette partie, page 231, et c’est lĂ  dessus que nous nous quitterons aujourd’hui :

 

«  Aujourd’hui, tout ce pan de mon passĂ© est terminĂ©. Cela fait longtemps que les gens ne me reconnaissent plus dans la rue. Joie de la paix retrouvĂ©e ! Je n’ai plus aucune responsabilitĂ© officielle dans le monde associatif. MĂȘme si je continue, pour une durĂ©e encore indĂ©terminĂ©e, Ă  participer ponctuellement Ă  tel ou tel Ă©vĂ©nement – confĂ©rences, CafĂ©s de l’association Asperger  AmitiĂ© et autres. Compagnon de route, je chemine. En attendant le moment, impossible Ă  prĂ©dire et pourtant inĂ©vitable oĂč, soudain, brutalement, les rails qui filaient en parallĂšle s’écarteront et oĂč, vu du train, je perdrai de vue en quelques secondes ceux qui furent longtemps Ă  mes cĂŽtĂ©s Â».

(Josef Schovanec dans Je suis Ă  l’Est !)

 

 

Franck Unimon, ce jeudi 12 novembre 2020.

 

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Les Chinois

Oeuvre de Thibaut Dapoigny.

 

                                                            Les Chinois

 

 

A vue d’Ɠil, il y a peu de Chinois dans ma ville. Mais, souvent, lorsque j’en vois, ils tiennent un commerce ou y sont employĂ©s :

 

Traiteur alimentaire, poissonnerie (mauvaise), salon d’esthĂ©tique, buraliste PMU, produits (alimentaires) exotiques, marchand de vĂȘtements ou de maroquinerie. 

 

Ils font partie des commerçants de la ville parmi les Kebab, opĂ©rateurs et rĂ©parateurs de tĂ©lĂ©phonie, autres restaurants et magasins de vĂȘtements, boulangeries, pharmacies, supermarchĂ©s, marchĂ©s, boucheries, marchand de primeurs, enseigne Babou, opticiens, agences immobiliĂšres, banques physiques, quelques hĂŽtels, cafĂ©s, Quicket Mac Do qui donnent sur la rue.

 

Pour parler des quelques commerces que l’on peut dĂ©couvrir lorsque, depuis la gare d’Argenteuil, on se dirige vers le centre-ville. 

 

Les Chinois vivent plutĂŽt en retrait. On n’entend pas parler d’eux. Aucun terroriste islamiste d’origine chinoise, recensĂ© Ă  ce jour. Pas de lien connu ou mĂ©diatisĂ© avec le trafic de cannabis. Aucun d’entre eux non plus parmi les figures connues des gilets jaunes. Oui, la blague est facile, presque factice et limite raciste. Mais je vais rapidement me sortir de cette ambiguĂŻtĂ© :

 

RĂ©cemment, une de mes collĂšgues m’a appris qu’un de ses amis, d’origine chinoise, s’en prend plein la tĂȘte. Celui-ci travaille en Seine et Marne- c’est en banlieue parisienne- dans un supermarchĂ© en tant qu’employĂ©. Il  s’occupe des rayons. Il se fait insulter.

 

Il lui est reprochĂ© la pandĂ©mie du Covid ! Ni plus, ni moins.

 

Rebattre les cartes de la vie ordinaire

 

En France, la pandĂ©mie du Covid a rebattu les cartes de notre vie ordinaire et de notre mĂ©moire depuis la mi-Mars 2020. Nous connaissons notre deuxiĂšme reconfinement, aprĂšs quelques jours de couvre-feu, pour cause de deuxiĂšme vague depuis le dĂ©but de ce mois de novembre. Aujourd’hui, nous sommes le dimanche 8 novembre 2020. Et une troisiĂšme et quatriĂšme vague sont dĂ©jĂ  annoncĂ©es.

 

Conclusion : en France au moins, certains Chinois n’ont pas fini d’entendre parler du Covid. On nous parle bien d’un vaccin qui nous protĂ©gerait. Mais cela prendra du temps et puis, les vaccins et la santĂ© publique sont un business comme un autre. On en trouvera peut-ĂȘtre un jour en vente libre sur les marchĂ©s et dans les supermarchĂ©s. Lorsque nous serons morts, pour celles et ceux qui peuvent lire cet article aujourd’hui, ou condamnĂ©s.

 

Nous vivons donc sous certaines contraintes qui Ă©taient inimaginables il y a encore quelques mois. J’ai tendance Ă  croire que nous pouvons connaĂźtre pire mĂȘme si, je l’espĂšre, ce ne sera pas pour tout de suite. Aux Etats-Unis, ce week-end, nous avons Ă©chappĂ© Ă  la réélection de Donald Trump. Ce qui est a priori, pour moi, un certain soulagement.  Mais si Donald Trump fait peur, on a peur pour Joe Biden.

Photo prise Ă  Argenteuil, en novembre 2018.

 

Et puis :

Imaginons un Etat constituĂ© comme la France, la Grande-Bretagne ou les Etats-Unis qui dĂ©ciderait de passer des contrats avec des terroristes, comme on peut le faire avec une boite privĂ©e :

 

Le but serait de commander les gens par la peur. De leur dicter ce qu’ils doivent manger, lire, boire, penser et consommer. A qui et quand.  De quelle heure Ă  quelle heure. Dans quelles proportions. Mais aussi, quand ils peuvent se reproduire. Et, tout cela, pour le « bien Â» de l’économie et des actionnaires. Vous avez-encore- le droit de vous dire que je vais trop loin ou que j’ai  mangĂ© beaucoup trop de foin ce matin. AprĂšs, ce sera peut-ĂȘtre trop tard.

 

En attendant, comme celles et ceux qui le peuvent encore, les Chinois bossent. Comme l’humoriste Bun Hay Mean- dont j’aime beaucoup l’humour- qui peut nous dire :

 

« Nous, les Chinois, avec notre petite bite, on vous a bien ni-quĂ©s ! Vous n’avez rien senti ! Â». 

L’extrait ci-dessous n’est pas celui auquel je pensais mais il donne une idĂ©e de l’humour de Bun Hay Mean dans un de ses spectacles rĂ©cents ( 2020 ou 2019, visiblement). 

 

 Spike Lee, aussi, nous parle des Asiatiques qui bossent. Dans son film, rĂ©alisĂ© en 1989 : Do The Right Thing. MĂȘme si, dans cet extrait, il est question d’un commerçant corĂ©en et non d’un commerçant chinois. 

 

Mais les Chinois ne sont pas les seuls Ă  bosser. Avant le film de Spike Lee, il y avait eu, en France, le trĂšs bon Pierre Desproges avec son sketch Rachid

Dans son sketch, Rachid, Desproges nous parle du racisme qui, en France, touche les Arabes. Le Front National dirigĂ© alors par Jean-Marie Le Pen obtenait alors de plus en plus de voix dans la France socialiste du PrĂ©sident François Mitterrand ( 1981-1995). Et certaines personnes considĂ©raient les Arabes comme des fainĂ©ants.  Alors, dans son sketch, Desproges « s’étonne » comme, pour des fainĂ©ants, bien des Arabes travaillent dur. Son sketch date des annĂ©es 80, probablement en 1985 ou en 1986 ( Desproges est mort le 18 avril 1988) Ă  l’époque oĂč les mĂ©diathĂšques n’étaient pas remplacĂ©es par internet. Je vous propose de le retrouver
sur internet. Et de l’écouter et de le regarder. Rire, rĂ©flexion et Ă©motion sont garantis. MĂȘme si la façon de bouger et d’occuper la scĂšne est trĂšs diffĂ©rente de celle de Bun Hay Mean. Trente ans sĂ©parent les deux humoristes. 

 

 

Vers l’oasis :

 

 

Hier matin, samedi, je suis allĂ© Ă  la mĂ©diathĂšque de ma ville. En raison de la pandĂ©mie, il Ă©tait possible de s’y rendre de 11h30 Ă  12H30 ou de 16h30 Ă  17h30 pour venir y chercher un ouvrage que l’on avait commandĂ©. En temps habituel, les samedis, la mĂ©diathĂšque est ouverte de 10h Ă  18h.

 

AprĂšs avoir discutĂ© un peu avec un des bibliothĂ©caires, comme j’avais quelques courses Ă  faire, je me suis offert un petit pĂ©riple. J’avais sur moi toutes les feuilles d’attestation de dĂ©placement provisoire. Je n’en n’ai pas rempli une seule. J’avais besoin de prendre l’air. J’en avais assez de devoir prendre le temps d’écrire sur une feuille ce que je vais faire. Et quand. Et oĂč. Et pourquoi. Et avec qui. Et dans quelle position. Et pendant combien de temps. Ce que j’écris est trĂšs grave car je donne un mauvais exemple de comportement civique en pleine pĂ©riode de pandĂ©mie. Mais c’est la premiĂšre fois que je le fais. Et, surtout, il s’agissait de marcher un peu dans ma ville Ă  l’heure de midi.

 

 

Mon masque sur le visage- oui, je porte toujours mon masque sur mon nez et ma bouche lorsque je sors !- j’ai un peu improvisĂ© dans les rues. Jusqu’à arriver devant ce magasin de produits exotiques tenus par des Chinois oĂč je n’étais pas allĂ© depuis une bonne annĂ©e. Ou plus.

 

Photo prise prĂšs du Louvre, ce 5 novembre 2020.

Il Ă©tait ouvert. Cela se voyait d’assez loin avec l’enseigne lumineuse, au dessus du magasin, qui clignotait. Dans notre monde de plus en plus fermĂ© par la peur, voir un magasin ou un lieu ouvert peut donner l’impression de se retrouver devant une oasis. Ce que bien des commerces, bien des pubs, certains programmes politiques, Ă©conomiques ou religieux nous promettent.  

 

Sur la droite de « l’oasis Â», un chien agenouillĂ© et enchaĂźnĂ©. Etait-ce l’un des chiens de l’enfer ? Il avait l’air plutĂŽt gentil. Sauf qu’il n’était pas lĂ , les derniĂšres fois.

 

AprĂšs avoir dit bonjour Ă  la dame, j’ai Ă  peine eu le temps d’aller dans les rayons que celle-ci m’a demandĂ© avec une certaine inquiĂ©tude
de mettre du gel hydro-alcoolique sur mes mains. J’ai alors vu le flacon devant elle ainsi que le mot nous invitant Ă  l’utiliser.

 

Mais il y avait plus. Lors de mes prĂ©cĂ©dentes venues, il suffisait de faire son tour et de choisir ses articles. LĂ ,  il a presque fallu que j’annonce mes intentions d’achat dĂšs le dĂ©part. Cela m’a fait penser Ă  de la rapine rĂ©pĂ©tĂ©e dont le magasin a pu avoir Ă  se plaindre.

 

J’ai apparemment su rassurer car, ensuite, la dame m’a laissĂ© fureter entre les Ă©talages.

J’étais devant le rayon des surgelĂ©s lorsque je l’ai entendue dire Ă  voix haute :

 

« Il faut mettre votre masque ! Â». Peu aprĂšs, j’ai vu dĂ©bouler un homme peut-ĂȘtre d’origine pakistanaise ou bangladaise en tenue traditionnelle longue et sandales. Il est restĂ© peu de temps.

 

La date de pĂ©remption du produit surgelĂ© que je regardais Ă©tait dĂ©passĂ©e de quelques jours : Octobre 2020. J’en ai parlĂ© Ă  la vendeuse. Elle s’en est Ă©tonnĂ©e. Un peu plus tĂŽt, elle m’avait expliquĂ© qu’en ce moment, ils avaient de moindres approvisionnements.

 

Elle m’a proposĂ© de me faire un prix. Cinq euros au lieu de six euros quatre vingts.

 

 

J’ai acceptĂ©.

 

 

Franck Unimon, ce dimanche 8 novembre 2020.

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J’ai bugĂ© !

 

 

                                                   J’ai bugĂ© ! 

Ce dimanche soir, j’ai assez vite perçu que cela ne se passait pas comme prĂ©vu.

 

Ordinairement, depuis Argenteuil, on met entre 11 et 17 minutes par le train pour arriver Ă  Paris St Lazare. Mais ce dimanche matin, en revenant du travail, j’ai dĂ©couvert qu’il y avait des travaux sur la voie ferrĂ©e ce week-end. Et que j’allais devoir prendre une navette en passant par la gare de BĂ©con-Les-BruyĂšres.

 

Cela s’est trĂšs bien passĂ© ce dimanche matin Ă  BĂ©con-les-BruyĂšres. MĂȘme si, avec les Ă©vĂ©nements rĂ©cents, l’attentat jihadiste dans une Ă©glise catholique Ă  Nice, et la symbolique du bus, sorte de convoi possible vers la mort, je n’ai pu m’empĂȘcher d’avoir un petit peu de retenue en abordant la navette. Devant  celle-ci, un employĂ© barbu nous attendait. Oui, nous en sommes parfois un peu lĂ  avec les inconnus. Pour peu qu’une situation imprĂ©vue s’impose Ă  nous aprĂšs un Ă©vĂ©nement aussi effrayant que celui de Nice ou d’ailleurs. La mort de Samuel Paty avait aussi Ă  peine refroidi.

 

 

Ma retenue passagĂšre devant cet employĂ© avant de monter dans la navette fut le moment, ce dimanche matin, oĂč j’avais un peu bugĂ©. Ensuite, le trajet s’était fait sans encombre en une vingtaine de minutes jusqu’à la gare d’Argenteuil. Puis, j’étais rentrĂ© chez moi.

 

Ce dimanche soir, le chauffeur de la navette qui arrive Ă  la gare d’Argenteuil pour nous transporter jusqu’à la gare de BĂ©con-les-BruyĂšres est noir. Je serais Ă©videmment montĂ© mĂȘme s’il avait Ă©tĂ© Arabe. Et barbu. Mais, disons, que je suis montĂ© en toute confiance. Alors mĂȘme que je sais- en thĂ©orie- que l’on peut ĂȘtre noir et jihadiste :

 

Pour avoir lu Les Revenants ( publiĂ© en 2016) de David Thomson il y a un ou deux ans, je « sais Â» que des compatriotes antillais sont partis faire le Jihad en Syrie. Par ailleurs, certains Ă©vĂ©nements au NigĂ©ria ou au Mali nous montrent bien qu’il existe des noirs jihadistes.

 

Le jihadisme est une sorte de pĂšlerinage fait de diffĂ©rents visages et de diffĂ©rents sexes dont l’unique monument est la mort. Tout le contraire de ma vie et de mon mĂ©tier. MĂȘme si, derniĂšrement, je suis tombĂ© par hasard devant la proximitĂ© qui peut exister entre le verbe « guĂ©rir Â» et le mot «guerrier». 

 

Et ça me plait bien, ça, de me dire que celles et ceux qui essaient de guĂ©rir, que ce soit se guĂ©rir eux-mĂȘmes ou les autres, puissent ĂȘtre ou sont des guerriers.

 

MalgrĂ© les armes de destruction massive, les horreurs et les apparences, les vrais et les plus grands guerriers sont peut-ĂȘtre, finalement, toutes celles et ceux qui s’efforcent de guĂ©rir le monde plutĂŽt que de le meurtrir ou de le conquĂ©rir. Et cette guĂ©rison commence d’abord par soi-mĂȘme.

 

Nous avons tellement Ă  guĂ©rir en nous :

 

Nos peurs, nos colÚres, nos préjugés, notre ignorance, nos exigences.

 

Je ne pensais pas Ă  ça dans la navette ce dimanche soir. Nous Ă©tions une dizaine de passagers. Des Noirs et des Arabes. On me croit sans doute obsĂ©dĂ© par la couleur de peau des gens. Et, je le suis en partie. Mais, c’est pourtant un fait : dans cette navette, ce dimanche soir, en partance depuis la gare d’Argenteuil, nous Ă©tions bien principalement des Noirs et des Arabes. Aucun asiatique. Aucun blanc.

 

Peut-ĂȘtre deux femmes. Des hommes pour le reste. Cette information ethnique a pour moi plus valeur sociologique que valeur morale.

 

Si nous Ă©tions partis de la gare de St Germain en Laye, que je connais un peu, ou d’Enghien les Bains (plus proche d’Argenteuil), je veux bien croire qu’il y aurait eu, peut-ĂȘtre, un petit peu plus de mixitĂ© sociale. Et, encore, cela dĂ©pend des horaires.

Ce dimanche soir, je ne sais pas oĂč ces autres passagers se rendaient. Mais, moi,  j’allais au travail pour ma troisiĂšme nuit de suite.

 

 

A la gare de Colombes, tout allait bien. MĂȘme si j’ai Ă©tĂ© un peu Ă©tonnĂ© que le chauffeur s’arrĂȘte Ă  la gare de Colombes avant de passer par la gare Le Stade.

 

J’ai vu le chauffeur se renseigner pour la suite de l’itinĂ©raire auprĂšs d’agents de circulation, une jeune femme et un jeune homme, noirs tous les deux. Le prochain arrĂȘt semblait ĂȘtre deux ou trois rues plus loin.

 

Un jeune homme est allĂ© voir le conducteur pour lui demander s’il s’arrĂȘtait bientĂŽt. Il voulait descendre Ă  Bois-Colombes et nous Ă©tions dans Bois-Colombes. TrĂšs sĂ»r de lui, le chauffeur, dont le masque anti-covid Ă©tait baissĂ© sur le menton durant tout le trajet, lui a affirmĂ© que c’était pour bientĂŽt.

 

A la gare d’Argenteuil, j’avais vu ce jeune dĂ©gingandĂ© arriver. La vingtaine, lui et un autre passager traĂźnant une valise Ă  roulettes, s’étaient alors reconnus. Depuis le fond du bus, on les entendait discuter. Le plus jeune s’exprimant Ă  voix haute.

 

Il avait eu sa mamie au téléphone un peu plus tÎt et avait essayé de lui expliquer.

 

« J’ai  arrĂȘtĂ© l’école trĂšs tĂŽt car la rue m’a appelĂ© Â». Son copain s’était alors mis Ă  rire.

 

Puis, inquiet pour le climat politique de la France, celui qui avait appelĂ© sa mamie avait lĂąchĂ© :

 

« 2002. On est dĂ©jĂ  dans la merde, arrĂȘtez avec Lepen ! Â». Rires des autres passagers dans la navette.

 

Ensuite, leurs projets pour l’avenir avaient Ă©tĂ© exposĂ©s :

 

« Une petite femme, un petit boulot, un petit travail, et voilĂ  ! Â».

 

A ce moment, pour une raison inconnue, le chauffeur avait repris la route pour
Argenteuil. Puis, il fit ce constat Ă  voix haute :

 

« J’ai bugĂ© ! Â».

 

Dans un carrefour, il fit demi-tour. Au moins savait-il manƓuvrer le vĂ©hicule.

 

Nous Ă©tions bien avancĂ©s dans la ville d’AsniĂšres, et nous nous rapprochions de Clichy, lorsque je me suis dit qu’il fallait aller voir le chauffeur. LĂ , celui-ci m’a appris qu’il ne connaissait pas le parcours. La SNCF l’avait mandatĂ© mais ce n’était pas son trajet habituel. Il Ă©tait donc volontaire mais limitĂ©.

 

Les autres passagers sont restĂ©s plutĂŽt calmes. MĂȘme s’il a Ă©tĂ© Ă©tonnant de voir comme, mĂȘme en Ă©tant correctement renseignĂ©s, on peut comprendre une mĂȘme information diffĂ©remment. Un passager, le plus proche du conducteur, croyait par exemple que la navette allait nous emmener directement Ă  la gare St Lazare.

J’ai dĂ» apprendre Ă  certains passagers qu’il y avait la gare d’AsniĂšres sur Seine et la gare de BĂ©con les BruyĂšres. Qu’il s’agissait de deux gares diffĂ©rentes mĂȘme si toutes les deux se trouvent dans la ville d’AsniĂšres.

 

Le chauffeur de bus m’a d’abord un petit peu « rĂ©sistĂ© Â». Lorsque j’ai essayĂ© de l’orienter, je m’appuyais sur le fait que je connaissais un petit peu le coin. Non, aller Ă  gauche lĂ  oĂč il Ă©tait indiquĂ© St Denis et Clichy n’était pas notre direction.

Apercevoir assez vite un panneau montrant BĂ©con les BruyĂšres m’a rendu un peu crĂ©dible. Plus que le jeune homme « de Bois Colombes Â» qu’il a d’abord voulu consulter et qui, heureusement, a bien pris la tournure des Ă©vĂ©nements et n’a jamais tentĂ© d’avoir un rĂŽle d’éclaireur.

 

Voir un ou deux autres panneaux et les montrer au conducteur a continuĂ© de nous mettre sur la bonne voie. D’autant que, son tĂ©lĂ©phone Ă  la main, celui-ci a voulu s’en servir comme GPS. C’est bien utile, le GPS sur le tĂ©lĂ©phone. Sauf lorsqu’il vous indique la mauvaise route. Un copilote improvisĂ© avec deux yeux et une tĂȘte, et qui parle, ça peut aussi aider.

 

Nous sommes arrivĂ©s Ă  la gare de BĂ©con les BruyĂšres aprĂšs quarante bonnes minutes de route. Le chauffeur, soulagĂ©, m’a remerciĂ©. Ainsi qu’un des passagers, que je trouvais plutĂŽt assez jovial alors que nous marchions dans les rues calmes nous menant Ă  la gare de BĂ©con les BruyĂšres. Le quartier Ă©tait agrĂ©able et aussi plutĂŽt cossu.

 

 

Le train pour Paris St Lazare est arrivĂ©. Nous Ă©tions dedans depuis Ă  peine quelques minutes, lorsque, assis un peu plus loin devant moi, j’ai vu « mon Â» passager jovial apostropher une femme qui Ă©tait au tĂ©lĂ©phone avec ses Ă©couteurs :

 

« Parle plus doucement ! Sale raciste ! Tu me prends pour les blancs ?! Je te cogne, moi ! Â».

 

Debout, la femme, a d’abord tenu tĂȘte sur le ton de «  Si vous n’ĂȘtes pas content, descendez du train!». Puis, elle s’est rapidement rassise et a parlĂ© plus doucement. Notre homme qui avait arrĂȘtĂ© d’ĂȘtre jovial avait dĂ» ĂȘtre persuasif.

 

A la station Cardinet ou Clichy Levallois, deux jeunes couples sont montĂ©s dans la voiture. DĂ©tendus, souriants, ils ignoraient tout ce qui avait pu se passer depuis notre dĂ©part d’Argenteuil. Je me suis dit que la vie se dĂ©roule de cette façon tous les jours.

 

Pour rapide qu’ait Ă©tĂ© notre trajet jusqu’à St Lazare depuis BĂ©con les BruyĂšres, j’étais content d’arriver. Avant que les portes du train ne s’ouvrent sur le quai, me revoilĂ  cĂŽte Ă  cĂŽte avec « mon Â» jovial. J’essaie de lui dire quelques mots. De le raisonner. Il me rĂ©pond :

«  Je les dĂ©teste Â».

 

Avant de nous sĂ©parer, j’ai juste l’élan de lui rĂ©pondre :

 

«  La haine n’est pas la solution Â». Puis, nous nous souhaitons mutuellement une bonne soirĂ©e.

 

 

Franck Unimon, ce mercredi 4 novembre 2020.  

 

 

 

 

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Immobilier

 

                                                   Immobilier

Il claudique mais ça n’empĂȘche pas de marcher ensemble. Je l’ai connu alors qu’il Ă©tait gĂ©rant d’un supermarchĂ© prĂšs de chez moi. Il le tenait avec autoritĂ© depuis sa caisse. Avec un regard d’aigle. Il disait Ă  peine bonjour. Ou du bout des lĂšvres. Normal, pour un aigle.

 

Puis, il a arrĂȘtĂ©. Il a changĂ© de projet.  Alors, il a pris un peu plus le temps de discuter avec moi lorsque l’on a continuĂ© de se croiser. Puisque nous habitons Ă  peu prĂšs dans le mĂȘme quartier. Dans le supermarchĂ©, pendant des annĂ©es, il avait travaillĂ© de 5h Ă  21h. Il m’avait demandĂ© :

 

« Tu l’aurais fait ?! Â». Je lui avais confirmĂ© que je ne l’aurais pas fait.

Un autre jour, il m’a appris qu’il achetait des appartements aux enchĂšres. Une fois, il m’a proposĂ© d’y aller avec lui. Au tribunal de Pontoise. J’ai dĂ©clinĂ©. Peut-ĂȘtre mes principes ou ma disponibilitĂ©. Racheter Ă  bas prix ce qui a pu constituer le projet et la vie des gens. Ou je n’étais tout simplement pas prĂȘt Ă  tenter cette aventure.

 

Je l’ai recroisĂ© tout Ă  l’heure Ă  la boulangerie. Je venais de prendre mes baguettes. Lui, il sortait de la piĂšce du boulanger. Comme s’il Ă©tait chez lui. Il m’a reconnu malgrĂ© mon masque anti-Covid. Il avait du pain dans la bouche.

 

Les murs de cette boulangerie sont restĂ©s vides pendant plusieurs annĂ©es. Une fois, j’y avais achetĂ© une confiture faite maison, payĂ©e cinq euros. Une arnaque. Une de mes collĂšgues en avait rigolĂ© avec moi. Puis, il a rachetĂ© les murs. Il m’a expliquĂ© un jour son principe : Il loue. C’est Ă  celui qui tient la boulangerie de faire en sorte que son commerce marche !

 

Alors que nous nous Ă©loignons de la boulangerie, il me demande si le pain est bon. J’ai les bras remplis de baguettes. J’ai oubliĂ© de prĂ©voir un sac. Je rĂ©ponds que le pain est trĂšs bon dans cette boulangerie.

 

Comme il me rappelle ĂȘtre seulement propriĂ©taire des murs, j’en profite pour bĂ©nĂ©ficier de sa connaissance du marchĂ© immobilier dans notre ville d’Argenteuil. RĂ©cemment, en lisant par dessus l’épaule d’une personne qui regardait son tĂ©lĂ©phone portable, j’ai appris que le journal Les Ă©chos se demandait si ce deuxiĂšme reconfinement allait faire baisser les prix. L’article des Echos expliquait qu’avant ce deuxiĂšme reconfinement, les acheteurs avaient recommencĂ© Ă  se manifester. Mais, là
.

 

Pour lui, Covid ou non, la vie continue. Il touche et dĂ©place son masque rĂ©guliĂšrement Ă  pleine main tout en me parlant. 500 euros la location pour 10 mĂštres carrĂ©s. 600 euros de loyer pour un 25-30 mĂštres carrĂ©s. Pour 38 mĂštres carrĂ©s ? 800 euros. Il m’explique qu’investir dans l’immobilier Ă  Argenteuil vaut le coup. Y habiter, non.

1200 demandes de location par jour m’apprend-t’il. Il m’approuve lorsque je dis qu’Argenteuil attire car c’est une ville proche de Paris.

Au centre, le maire de la ville d’Argenteuil, Georges Mothron, lors de la journĂ©e d’ouverture de la saison 2020-2021 au centre culturel Le Figuier Blanc.

 

 

Je pars acheter Le Canard EnchaĂźnĂ©. En premiĂšre page d’un journal, j’aperçois un article qui parle de l’attentat jihadiste rĂ©cent Ă  Vienne. Si les Viennois sont, et je le comprends facilement, sous le choc, ici, et ailleurs, on est loin de tout ça.

 

Par contre, je connais quelqu’un qui est encore sous le choc. Une commerçante prùs de chez moi.

 

Elle a ouvert son commerce il y a Ă  peine deux mois. Il a l’air d’assez bien marcher. Ce week-end, quelqu’un a essayĂ© de partir avec la caisse mais, aussi, de s’envoler avec ce qu’elle vend. De l’alimentaire. Elle m’a appris ça ce matin. J’ai d’abord pensĂ© Ă  cette pĂ©riode de plusieurs mois qui avait prĂ©cĂ©dĂ© l’ouverture de son magasin. PĂ©riode durant laquelle des travaux avaient Ă©tĂ© effectuĂ©s. Mais quand je repasse la voir, elle me dit que c’était comme si la personne connaissait les lieux et avait la clĂ©. Aucune effraction. Elle ne sait pas si elle va rester.  Je la comprends : il y a quelques semaines, elle a dĂ» coopĂ©rer avec une fuite d’eau. Et, maintenant, ce cambriolage sans effraction. Les voleurs ont rĂ©ussi Ă  ouvrir la porte de devant mais ont Ă©chouĂ© Ă  faire monter le rideau de fer.

 

Au commissariat oĂč elle est allĂ©e porter plainte, on lui a rĂ©pondu que lors de ce week-end de la Toussaint, il y avait eu beaucoup d’infractions. L’agence immobiliĂšre qui gĂšre les murs s’est contentĂ©e de lui rĂ©pondre qu’elle lui avait remis des clĂ©s et qu’elle est fermĂ©e le dimanche. La propriĂ©taire ne s’est pas manifestĂ©e.

 

 

Franck Unimon, ce mercredi 4 novembre 2020.

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La Clinique de l’Amour-d’aprĂšs un Podcast de France Inter

 

                   La Clinique de l’Amour, d’aprĂšs un podcast  de France Inter

C’est devenu une obsession. AprĂšs quelques autres obsessions. Car je fais partie des obsessionnels anonymes. Nous sommes des millions et peut-ĂȘtre des milliards Ă  porter ce type de tablier :

 

La personne « obsessionnelle Â» Ă  laquelle je pense est souvent appelĂ©e « maniaque Â» dans le langage quotidien. Dans le langage quotidien, la personne « obsessionnelle Â» ou « maniaque Â» Ă  laquelle je fais allusion est celle ou celui dont la vie semble souvent dĂ©pendre de deux ou trois dĂ©tails qui (le) tuent presque :

 

Madame ou Monsieur a trĂšs bien prĂ©parĂ© son repas. Les invitĂ©s vont arriver. Tout est parfait.  La table est mise. Tous les couverts assortis sont disposĂ©s Ă  angle droit avec des variations chromatiques Ă©tudiĂ©es selon le thĂšme astral ou le chakra de chaque convive. Un petit cadeau personnalisĂ© attend chacun. La musique frĂŽle l’intime et le sublime au vu de la crĂ©ativitĂ© des enchaĂźnements. Mais aussi du fait de l’onctuositĂ© de la restitution sonore. Le mobilier a Ă©tĂ© cirĂ©. Le mĂ©nage a Ă©tĂ© bien fait. Les meubles sont disposĂ©s selon des prĂ©ceptes bouddhistes qui invitent Ă  la dĂ©tente et Ă  la mĂ©ditation. D’ailleurs, un bĂąton d’encens se consume Ă  la façon d’un phare qui assurerait la sĂ©rĂ©nitĂ© ainsi que l’impossibilitĂ© du naufrage formel comme spirituel. Tout va bien. Madame ou Monsieur est exactement zen. Et puis, arrive le court-circuit.

 

En passant la porte de la salle de bain pour aller ouvrir aux invitĂ©s qui viennent de sonner Ă  l’interphone, Madame ou Monsieur s’aperçoit de la prĂ©sence d’une boursouflure sur le mur adjacent. C’est trois fois rien. Un demi-centimĂštre de boursouflure que personne ne remarquera. Mais, Ă  partir de ce moment, une bombe Ă  retardement s’enclenche. Bombe que Madame ou Monsieur ne parviendra pas Ă  dĂ©samorcer. Car, Madame ou Monsieur ne pensera plus qu’à cette boursouflure. Et non plus Ă  cette invitĂ©e ou cet invitĂ© qui lui a tant plu lors d’une prĂ©cĂ©dente soirĂ©e et qu’elle ou qu’il espĂšre sĂ©duire en sortant le grand jeu.

 

 Avant que le premier invitĂ© ou la premiĂšre invitĂ©e n’arrive, Madame ou Monsieur aura peut-ĂȘtre dĂ©foncĂ© le mur Ă  la masse et recevra alors dans la poussiĂšre et les gravats
..

 

 

Je caricature bien-sĂ»r lorsque je donne cet exemple « d’obsession Â». Dans cette anecdote que je viens d’inventer ce matin, il s’agit bien-sĂ»r d’une « obsession Â» grave. D’ordre psychiatrique. Mais j’ai illustrĂ© ça de cette façon, en grossissant le trait, pour mieux me faire comprendre lorsque je parle d’obsession. Mes obsessions sont bien-sĂ»r plus lĂ©gĂšres que celle que je viens de raconter. On peut reprendre son souffle ou se mettre Ă  rire.

 

 

Les Maitres, les Experts, les amis
.et les faussaires :

 

DĂ©sormais, pratiquement chaque fois que je lis les propos d’un grand Maitre d’Arts Martiaux, d’une PersonnalitĂ© ou de tout autre individu dont l’itinĂ©raire me « plait Â», je me soumets Ă  cette question :

 

Quel genre de personne est-ce lorsque son enfant, comme tous les enfants, le prend au dĂ©pourvu et dĂ©range son superbe agencement mental et moral ? La nuit ? Le jour ? Pendant qu’il est au volant ? Alors qu’il est occupĂ© ? Tandis qu’il lui parle et essaie de le convaincre ou de lui transmettre quelque chose ?

 

 

Lorsque l’on lit les interviews ou que l’on assiste Ă  des dĂ©monstrations de Maitres, d’experts ou autres, on a souvent l’impression que tout coule de source pour eux, sur le tatamis comme dans la ratatouille du quotidien. On dirait que leurs Ă©motions sont toujours leurs alliĂ©es ou leurs domestiques. Ou, qu’au pire, elles se prennent une bonne branlĂ©e lorsqu’elles tentent de les entraĂźner dans un mauvais kata ou dans un mauvais plan. Mais je sais que c’est impossible. Je sais que c’est faux. Sauf que je n’ai pas de preuves.

 

Je pourrais me rabattre sur les amis. Mais j’ai compris que parmi mes amis, connaissances, collĂšgues et autres, passĂ©s, prĂ©sents et futurs se cachent beaucoup de faussaires :

 

Du cĂŽtĂ© des mecs ou des hommes, si l’on prĂ©fĂšre, cette faussetĂ© est un composĂ© d’ignorance, de prudence et de conformisme. Je n’ai pas oubliĂ©, et sans doute ne l’ai-je toujours pas digĂ©rĂ©e, cette sorte d’hypocrisie sociale et faciale, Ă  laquelle j’ai participĂ©, de bien des hommes qui, plus jeunes, savaient me parler de cul, de leurs coups, de nanas
.alors que, secrĂštement, ils aspiraient Ă  se marier et Ă  faire des enfants.

 

Un article lu par quelles femmes et quels hommes ? :

 

 

Bien-sĂ»r, cette caricature sociale peut faire rire. Et, elle doit faire rire. Ce qui me fait faire la grimace, c’est que cette caricature et ce conformisme social nous font souvent, hommes comme femmes, passer Ă  cĂŽtĂ© du principal concernant notre vie personnelle. Voire concernant notre vie tout court. Un exemple :

 

Cet article long (comme beaucoup de mes articles) sera, Ă  mon avis, plus lu – et apprĂ©ciĂ©- par des femmes que par des hommes. Alors que les hommes ou les mecs (hĂ©tĂ©ros comme homos) sont Ă  mon avis autant concernĂ©s que les femmes par les sujets de cet article. Puisque, tous, Ă  un moment ou Ă  un autre, nous nous postons devant le sujet de l’Amour et essayons d’y rĂ©pondre avec nos moyens.

Et si des hommes lisent cet article, je m’attends Ă  ce qu’ils soient en majoritĂ© ĂągĂ©s de plus de trente ans. Parce qu’en dessous de 30 ans- c’est trĂšs schĂ©matique- mĂȘme si les hommes peuvent ĂȘtre des sentimentaux ( je suis un sentimental), nous sommes nombreux, je crois, Ă  ĂȘtre obsĂ©dĂ©s par le fait d’ĂȘtre performants sexuellement. Que ce soit en termes de nombre de conquĂȘtes ou en termes d’aptitudes particuliĂšres (longueur du pĂ©nis, durĂ©e de l’érection, capacitĂ© Ă  s’accoupler dans telle position et dans tel type d’environnement etc
.), on dirait que notre valeur personnelle est indexĂ©e ( vraiment) sur notre valeur boursiĂšre. Et, ce qui est troublant, c’est que plus un homme est « connu Â» pour ĂȘtre un tombeur, plus sa cĂŽte augmente auprĂšs d’une certaine gente fĂ©minine. Gente fĂ©minine qui peut ĂȘtre tout Ă  fait Ă©duquĂ©e, cultivĂ©e et aisĂ©e socialement et matĂ©riellement. Dans le film Extension du domaine de la lutte adaptĂ© par Philippe Harel  (avec lui-mĂȘme et JosĂ© Garcia d’aprĂšs le livre de Michel Houellebecq) il est clairement dĂ©montrĂ© que l’homme sans conquĂȘte fĂ©minine, dĂ©primĂ©, laborieux et terne est souvent cĂ©libataire contrairement Ă  celui qui « besogne Â» les femmes pour ĂȘtre direct.

 

S’il existe des couples de dĂ©primĂ©s, il est aussi assez courant que l’un des deux aille chercher de la lĂ©gĂšretĂ© et du rĂ©confort ailleurs. MĂȘme si c’est pour, ensuite, revenir au domicile par sĂ©curitĂ©, par espoir ou par devoir.

 

Mieux se comprendre, mieux se choisir et mieux s’aimer :

 

Je crois nĂ©anmoins que certaines femmes n’ont pas besoin qu’on leur promette des Ă©toiles (comme m’avait dit un jour un de mes cousins Don Juan il y a plusieurs annĂ©es) pour « faire le grand soleil Â» comme dirait le romancier RenĂ© Depestre.

 

Ou pour se mettre en couple.

 

Pourtant, Ă  propos du sujet de l’Amour, je crois les femmes plus sincĂšres entre elles. Pour l’aborder. Mais je ne vais pas non plus en faire des anges de clairvoyance et de droiture. Car, comme je l’ai dit ce matin avec humour et provocation devant plusieurs de mes collĂšgues femmes :

 

« Cela peut ĂȘtre difficile d’ĂȘtre d’un homme devant une femme Â». Et je ne parlais pas de compĂ©tences sexuelles en particulier. Pour ĂȘtre un homme devant une femme, il faut dĂ©jĂ  savoir ce que cette femme attend d’un homme. Mais aussi ce qu’ĂȘtre femme signifie pour elle. Et quels sont leurs vĂ©ritables projets Ă  tous les deux dans la vie. Et si ça concorde suffisamment pour tous les deux.  

 

Ça paraĂźt simple Ă©crit comme ça. Mais si c’était si simple que cela, les gens se choisiraient mieux, se comprendraient mieux et s’aimeraient mieux.

 

Je crois que, gĂ©nĂ©ralement, on continue de croire qu’il « suffit Â» de s’aimer et de se dĂ©sirer pour qu’une histoire dure.

 

Il existe, aussi, une sorte de mĂ©fiance instinctive, donc animale, entre l’homme et la femme, mais aussi entre deux personnes, dĂšs qu’elles se rencontrent, qui fait, bien des fois, que certaines personnes qui pourraient s’allier se rejettent. Pendant que d’autres qui auraient mieux fait de s’ignorer dĂ©cident de s’amalgamer.

 

Les Hommes, tous des salauds ?! Et les Femmes, toutes des salopes ?!

 

 

Comme tout le monde, j’ai entendu certaines femmes dire des hommes qu’ils sont « tous des salauds!». Et certains hommes dire que les femmes «  sont toutes des salopes ! Â».

 

Ce qui m’étonne, de maniĂšre rĂ©pĂ©tĂ©e, mĂȘme s’il y a bien-sĂ»r des « salauds Â» parmi les hommes et des « salopes Â» parmi les femmes, c’est que ces mĂȘmes personnes (femmes et hommes), lorsqu’elles croisent des gens « bien Â», les zappent ou les ignorent. C’est une constante. Je n’écris rien d’extraordinaire, ici.

 

 

Des couples volontaires : Se dire oui
et non.

 

 

Et puis, il y a cette ambivalence ou cette particularitĂ©, propre, je crois, Ă  tous les couples :

 

Lorsque l’on dĂ©cide de se mettre ensemble, on est souvent l’un et l’autre trĂšs volontaire. Car on est au moins soutenu par l’Amour, le dĂ©sir ainsi que par le souhait de rompre notre solitude.

 

Cependant, dans chaque couple, je crois, mĂȘme si l’on se dit « oui Â» (que l’on se marie ou non), il est des domaines sensibles oĂč l’on se dit non.

 

Mais on le banalise ou on l’ignore parce-que le regard et le corps de l’autre produisent alors des atomes qui propulsent notre univers personnel dans un espace-temps qui s’ouvre seulement pour nous. Et cela nous rend extraordinairement optimistes. Ou exaltĂ©s.

 

Et, nous aussi, nous produisons des atomes auxquels l’autre est alors particuliĂšrement sensible. Cela la rend ou le rend aussi extraordinairement optimiste ou exaltĂ©( Ă©).

 

 Alors, nous dĂ©collons ensemble vers un ailleurs sans toujours bien prendre le temps de bien vĂ©rifier la validitĂ© de tout l’équipement affectif que nous emportons. Mais aussi ses rĂ©elles compatibilitĂ©s avec l’équipement affectif, moral et psychologique de l’autre. Car notre vie est ainsi faite :

 

De vĂ©rifications mais aussi d’élans et de spontanĂ©itĂ©s. Certains de nos Ă©lans et de nos spontanĂ©itĂ©s sont inspirĂ©s par des reflets de nous-mĂȘmes
.sauf qu’un reflet, c’est le contraire de l’autre. C’est notre regard sur lui.

SĂ©rie  » La Flamme » sur la chaine Canal + que je n’ai malheureusement pas encore pu voir.

 

 

Moi, thĂ©rapeute de couple ?!

 

 

A ce stade de cet article, on peut peut-ĂȘtre croire que je ma la pĂšte :

 

Que j’ai tout vu et tout entendu. Et que je sais tout concernant le couple. Que je maitrise mon sujet. Ce serait plutĂŽt, un peu le contraire. Je m’applique seulement Ă  ĂȘtre aussi sincĂšre que possible. Aux potins, ragots et autres articles de psychologie « de cuisine Â» oĂč l’on donne des « trucs Â»,  je prĂ©fĂšre  donner la prioritĂ© Ă  un certain vĂ©cu, Ă  certaines rĂ©flexions. Et Ă  les transmettre. Parce-que j’ai aussi eu la chance, quand mĂȘme, d’avoir des discussions ouvertes, ou d’ĂȘtre le tĂ©moin direct de certaines situations affectives sensibles.

 

NĂ©anmoins, j’ai aussi lu des articles de psychologie « facile Â». Et, j’en lirai sans doute d’autres. J’ai aussi Ă©coutĂ© des potins et des ragots mĂȘme si ce n’est pas mon point fort.

 

Car, évidemment, comme pour tout le monde, tout a commencé dans mon enfance.

 

 

 

Le modĂšle de mes parents :

Je suis largement l’aĂźnĂ© des enfants de mes parents. A voir mes relations passionnelles et rapidement explosives avec mon pĂšre, je reste devant un mystĂšre. Je me demande encore quel genre de pĂšre il Ă©tait lorsque je ne m’en souviens pas :

 

Lors de mes quatre premiĂšres annĂ©es de vie. Lorsque j’écoute ma mĂšre, que j’ai dĂ©jĂ  questionnĂ©e et re-questionnĂ©e, mon pĂšre aurait Ă©tĂ© un pĂšre tout ce qu’il y a de plus « ordinaire Â» Ă  mon Ă©gard. Mais je ne le crois pas. Je crois que ma mĂšre, pour dĂ©fendre l’image de mon pĂšre et aussi parce qu’elle s’y retrouvait en tant que femme et en tant que mĂšre, avec moi, n’attendait pas trop de « choses Â» de mon pĂšre, lorsque j’étais petit.

 

Si bien des femmes se sentent peu maternelles, il existe aussi nĂ©anmoins beaucoup de femmes, sans doute selon un certain modĂšle traditionnel, qui se sentent d’autant plus femmes qu’elles deviennent mĂšres. Et qu’elles s’occupent de la petite ou du petit. Ce modĂšle de mĂšre ou de maman n’attendra pas de l’homme ou du pĂšre qu’il se lĂšve la nuit lorsque le bĂ©bĂ© ou l’enfant se rĂ©veille. Ni que l’homme ou le pĂšre change les couches, prĂ©pare les biberons ou garde l’enfant Ă  la maison. Pour ce « genre Â» de maman, si le pĂšre ou le papa est important, en pratique, celui-ci est un personnage assez secondaire lors des premiĂšres annĂ©es de vie.  Or, les relations que l’on a dĂšs les premiĂšres annĂ©es de vie avec notre enfant mais aussi avec nos frĂšres et nos sƓurs engagent nos relations futures.

 

Lorsque je vois Ă  quel point et avec quelle rapiditĂ©, quelques Ă©changes avec mon pĂšre suffisent Ă  ce que nous soyons chien et chat, ou, plutĂŽt, deux coqs face Ă  face, j’ai beaucoup de mal Ă  croire qu’il ait pu ĂȘtre si « affectueux Â» Ă  mon Ă©gard lors de mes premiĂšres annĂ©es de vie. MĂȘme si je ne doute pas de son amour comme de son implication- musclĂ©e et obsessionnelle- ensuite dans mon Ă©ducation.

 

 

L’enfance est une carrosserie : diffĂ©rences entre la chirurgie et la psychiatrie

 

 

AĂźnĂ© de mes parents, par contre, je me rappelle bien avoir Ă©tĂ© le tĂ©moin direct et contraint de leurs diffĂ©rends. Et ce n’était pas toujours trĂšs beau. Des propos tenus en ma prĂ©sence.

Des confidences que ma mĂšre a pu me faire. Confidences qui m’ont appris le sens et l’importance de la discrĂ©tion et des mots. Ainsi que la solidaritĂ©. Sauf que j’étais trop jeune lorsque cet apprentissage a dĂ©butĂ©. J’avais moins de dix ans.

 

L’enfance, c’est une carrosserie. Pendant des annĂ©es, l’enfance permet d’absorber un certain nombre de chocs et d’accidents. Les parents parfaits n’existent pas. MĂȘme si chaque parent, je crois, essaie de rĂ©parer et de faire mieux ou un peu mieux que ses propres parents.

 

Mais la vie parfaite n’existe pas. Et nous sommes faits et constituĂ©s de maniĂšre Ă  pouvoir encaisser un certain nombre d’accrochages. Sauf que les coups que nous prenons sont invisibles et laissent des traces invisibles. C’est une des grosses diffĂ©rences entre la chirurgie et la psychiatrie et la psychologie.

 

Lorsque l’on se fracture une jambe en faisant du ski, de la danse, de la Gym ou du Foot, on a des signes physiques visibles. Cela se voit Ă  la radio. On peut rĂ©parer. Je crois de plus en plus que beaucoup de nos blessures sportives arrivent souvent , aussi, dans un certain contexte affectif et psychologique mĂȘme si la fatigue physique et le surentraĂźnement ou la mĂ©forme peuvent augmenter les risques de blessures. Mais, retenons dans notre exemple ce que je veux surtout dĂ©montrer. La chirurgie permet de rĂ©parer et de rĂ©duire des dommages physiques et physiologiques « visibles Â», dĂ©tectables. Incontestables. Le terme « incontestables Â» a une grande importance.

Le terme « DĂ©montrables Â», aussi. On se fracture une jambe, il est trĂšs facile de le dĂ©montrer. Il suffit de toucher. De regarder Ă  l’Ɠil nu. C’est souvent gonflĂ©, chaud, froid, etc
.

 

En psychiatrie et en psychologie, il y a aussi des signes cliniques variĂ©s :

 

Perte d’appĂ©tit, perte de sommeil, boulimie, anorexie, conduites Ă  risques, pensĂ©es particuliĂšres,  idĂ©es de mort, dĂ©lires etc
.

Sauf qu’entre le moment oĂč un Ă©vĂ©nement traumatique a lieu et « dĂ©clenche Â» l’état psychiatrique ou psychologique- physique et social- visible et dĂ©tectable, il peut se passer plusieurs annĂ©es. En pĂ©dopsychiatrie, on a des mĂŽmes de dix, onze ans voire moins. Ça fait trĂšs « petit Â» pour ĂȘtre hospitalisĂ© dans des services de pĂ©dopsychiatrie ou pour consulter dans un centre mĂ©dico-psychologique ou dans un CMPP. Ou pour rencontrer un psychologue. Mais ça fait combien d’annĂ©es que la « carrosserie Â» de ces mĂŽmes se mange des chocs et des accrochages ? Depuis leur naissance ? Avant leur naissance ?

 

Dans un garage, on peut vous dire : ça fera tant et tel nombre d’heures pour rĂ©parer la carrosserie. La voiture est un objet inerte. L’ĂȘtre humain est le contraire d’un objet. Et l’ĂȘtre humain est tout sauf inerte. L’ĂȘtre humain, c’est de la matiĂšre vivante. RĂ©ceptive Ă  ce qui l’environne, qu’elle s’en rende compte ou non. Partout, tout le temps. Lorsqu’elle dort. Lorsqu’elle Ă©coute de la musique. Lorsqu’elle passe devant une rĂ©clame publicitaire. Lorsqu’on la touche. Ça n’a rien Ă  voir avec une carrosserie de voiture ou avec une fracture que l’on va rĂ©duire au bout de quelques semaines ou quelques mois.

 

Le couple, continuitĂ© de  notre enfance :

Le couple, c’est la continuitĂ© de notre enfance. MĂȘme adultes, nous restons des enfants.

Beaucoup de personnes croient qu’une fois adultes, elles se sont complĂštement sĂ©parĂ©es de leur enfance. Elles ont Ă©voluĂ©, oui. Si on leur propose une tĂ©tine ou un biberon pour bĂ©bĂ©, c’est Ă©vident, qu’elles n’en voudront pas. Mais les tĂ©tines et les biberons ont aussi Ă©voluĂ©. Eux aussi sont devenus grands. Mais avant de devenir adultes, on passe par l’adolescence. Une pĂ©riode assez critique. On critique le monde, les autres, soi. On fait les comptes de ce que l’on a compris et assimilĂ© de la vie, les bons aspects comme les mauvais.

 

Il existe un Ăąge thĂ©orique pour l’adolescence, grossiĂšrement entre 12 et 20 ans, selon les personnes, les sexes et les cultures. Mais c’est trĂšs thĂ©orique. Cela varie selon les expĂ©riences de vie, les tempĂ©raments et les personnes.

L’adolescence est la pĂ©riode des virages sensibles. On n’est plus un enfant physiquement, mentalement, intellectuellement au sens oĂč les adultes n’ont plus le mĂȘme pouvoir d’autoritĂ© ou de dissuasion sur nous. Ils n’ont plus le monopole de l’expĂ©rience et du Savoir aussi, et c’est encore plus vrai avec l’informatique et les nouvelles technologies qui ringardisent de plus en plus rapidement les plus « vieux Â».

 

MĂȘme si, en tant qu’ados,  on craint certains  » vieux ». MĂȘme si on en admire d’autres. MĂȘme si on recherche d’autres. Ouvertement ou secrĂštement.

 

Le couple, qui, en principe, est l’un des « trophĂ©es Â» ou l’apanage de l’adulte, permet Ă  l’adolescente et Ă  l’adolescent de passer Ă  l’action. De mettre en pratique sa vision du monde. Ses convictions. L’adolescente ou l’adolescent se croit souvent plus libre que l’adulte qui peut ĂȘtre criblĂ© de dĂ©fauts. Du cĂŽtĂ© des adultes, on peut aussi trĂšs mal vivre ou trĂšs mal supporter ces « jeunes Â» qui nous dĂ©rangent, qui nous cherchent ou nous provoquent. Mais il y a de l’adolescent en chaque adulte et de l’adulte en chaque adolescent. Et, bien-sĂ»r, il y a de l’enfance dans les deux. Sauf que cette enfance n’est pas vĂ©cue, protĂ©gĂ©e ou sacrifiĂ©e de la mĂȘme maniĂšre selon les circonstances et les choix des uns et des autres. Il est ados qui font des  choix de vie dont bien des adultes seront incapables. Il est aussi des ados qui font des choix de vie qui feront d’eux des adultes suppliciĂ©s et dĂ©primĂ©s alors qu’ils avaient pour eux certains atouts. D’autres, ados ou adultes, deviendront des criminels, des SDF
je ne vais pas rĂ©inventer la vie. Elle est devant nous, tous les jours.

Un Adolescent :

 

 

Adolescent, je voulais devenir pĂšre Ă  vingt ans. Comme ma « mĂšre Â». Tout est parti de la naissance de ma sƓur, neuf ans aprĂšs moi. Puis de celle de notre frĂšre, cinq ans plus tard.

 

Au dĂ©part, j’avais trĂšs mal supportĂ© la prĂ©sence de ma petite sƓur ainsi que ses diverses sollicitations. Puis, je m’étais « acclimatĂ© Â». De toute façon, je n’avais pas le choix :

 

Lorsque ma mĂšre partait Ă  l’hĂŽpital pendant douze heures dans le service de rĂ©animation oĂč elle Ă©tait aide-soignante, et que c’était le week-end, notre pĂšre considĂ©rait qu’il avait mieux Ă  faire. Et, il me laissait m’occuper de ma sƓur et de mon frĂšre Ă  la « place Â» de maman.

 

J’y ai pris goĂ»t. MĂȘme si, certaines fois, j’aurais bien aimĂ© pouvoir sortir pour m’amuser avec les copains ou pour aller Ă  mon club d’athlĂ©tisme. Un de mes cousins m’avait surnommĂ©, en se marrant : «  La nounou ! Â».

 

La Nounou

 

 

A vingt ans, Ă©tudiant infirmier, comme ma mĂšre aurait souhaitĂ© le devenir, j’ai croisĂ© une femme dans un mes stages Ă  l’hĂŽpital. Elle Ă©tait aide-soignante, Ă©tait plus ĂągĂ©e que moi de six ans et avait un enfant. Simplement, sincĂšrement, elle m’a fait comprendre qu’elle aimerait bien avoir une histoire avec moi. Elle Ă©tait plutĂŽt jolie. Elle m’était sympathique et rassurante. J’avais Ă©tĂ© touchĂ© par sa dĂ©claration. Elle m’avait expliquĂ© que le pĂšre de son enfant, dont elle Ă©tait sĂ©parĂ©e, Ă©tait quelqu’un de gentil mais de pas trĂšs adulte.

 

 

Son offre Ă©tait tentante. Jeune adulte assez rĂ©cemment dĂ©niaisĂ© sexuellement et bien Ă©videmment tournĂ© vers les prodigieux gisements de l’orgasme, j’ai probablement entrevu le trĂšs grand potentiel sexuel d’une union avec elle. Mais je savais aussi ce que celle-ci impliquait :

Avec elle, je n’avais aucun doute quant au fait que je serais rapidement devenu pĂšre. Et, elle,  Ă  nouveau, une mĂšre.

 

Enfant, puis ado, j’avais pu voir et revoir ce schĂ©ma trĂšs courant parmi bien des couples de ma famille antillaise, Ă  commencer par mes propres parents :

 

Des jeunes adultes, qui, trĂšs vite, dĂšs qu’ils commencent Ă  travailler, font des enfants. Des femmes qui, jeunes, Ă©taient belles et sveltes, et qui, en devenant mĂšres, s’alourdissaient de kilos en kilos avec les annĂ©es. Des hommes qui, gĂ©nĂ©ralement, Ă©taient plutĂŽt machos et se prĂ©occupaient assez peu de psychologie. Contrairement Ă  moi, on l’aura compris.

 

 

Je tiens Ă  prĂ©ciser que lorsque cette femme, plus mĂ»re que moi, m’avait abordĂ©, je n’avais pas d’intention particuliĂšre Ă  son sujet. Si je regardais les femmes au point d’ĂȘtre amoureux de certaines, j’étais beaucoup dans l’idĂ©alisation de la femme. J’avais aussi un sacrĂ© handicap, voire plusieurs, pour rencontrer des femmes et avoir des relations intimes avec elles.

 

 

Mes handicaps au sortir de l’adolescence :

 

Au dessus de ma tĂȘte et dans ma tĂȘte, Ă©tait plantĂ©e l’interdiction paternelle de la Femme blanche. Dans un pays oĂč les gens sont majoritairement blancs, ça compliquait un peu la donne.

 

Ma mĂšre, aide-soignante dans un service de rĂ©animation, m’avait plantĂ© dans la tĂȘte l’interdiction de la mobylette et de la moto. Interdiction dont je ne me suis toujours pas relevĂ© mĂȘme si j’ai pu ĂȘtre passager plutĂŽt facilement et avec plaisir derriĂšre des conducteurs de deux roues. Mais, mon pĂšre, lui, c’était l’interdiction de la Femme blanche.

 

Si j’avais Ă©tĂ© un « queutard Â», j’aurai pu contourner l’interdit. Parce-que Monsieur Papa, lui-mĂȘme, a bien aimĂ© « rencontrer » quelques femmes blanches. Mais, peut-ĂȘtre du fait de ma solidaritĂ© enfantine avec ma mĂšre, je ne suis pas un queutard. Or, un queutard s’intĂ©resse avant tout Ă  son propre plaisir. Et, n’importe qui, n’importe quand, voire, dans n’importe quelles circonstances peut-ĂȘtre, lui « va Â».

 

J’avais peur de mettre une femme enceinte. MĂȘme si la contraception (pilule et prĂ©servatif) existait bien-sĂ»r et Ă©tait dĂ©jĂ  normalisĂ©e. Sauf que j’avais sans doute une mentalitĂ© de campagnard traditionnel Ă  l’image de mes propres parents. Et, je savais dĂ©jĂ  assez concrĂštement qu’avoir un enfant ou faire un enfant Ă©tait une responsabilitĂ©. On comprend assez facilement vu ce que j’ai pu raconter de mon adolescence. Si plusieurs de mes amis (femmes et hommes) ont dĂ©couvert vers 25 ou 26 ans, ou plus tard, ont dĂ©couvert, en devant mĂšres ou pĂšres, ce que ça faisait de s’occuper d’un bĂ©bĂ©, moi, je l’avais dĂ©couvert environ dix ans plus tĂŽt. Et quelque peu par la contrainte. J’en ai eu des bĂ©nĂ©fices. Si, aujourd’hui, j’ai plutĂŽt de bonnes relations avec ma sƓur et mon frĂšre, aujourd’hui adultes et mĂšres et pĂšres de famille, cela vient sans aucun doute de mes « aptitudes Â» Ă©galement maternelles lorsque je me suis occupĂ© d’eux. NĂ©anmoins, une partie de mon adolescence a Ă©tĂ© un peu malmenĂ©e, en particulier lorsque notre pĂšre m’imposait de tenir  son rĂŽle lorsque notre mĂšre Ă©tait au travail et qu’il partait vadrouiller pour son bon plaisir pendant l’intĂ©gralitĂ© du week-end. Soit un homme et un adulte trĂšs exigeant mais pas trĂšs juste avec moi. Ce qui explique ma colĂšre assez facilement « Ă©rectile Â» envers lui encore aujourd’hui.

 

« Enfin Â», et c’est Ă  peu prĂšs tout,  j’avais aussi peur du Sida. Car la fin des annĂ©es 80, c’était l’épidĂ©mie du Sida. EpidĂ©mie qui existe toujours mais face Ă  laquelle, aujourd’hui, nous disposons de plus d’armes. Aujourd’hui, ce serait plutĂŽt la pandĂ©mie du Coronavirus et celle du terrorisme jihadiste vis-Ă -vis desquels nous manquons d’armes. Ainsi que face au rĂ©chauffement climatique et Ă  la montĂ©e des extrĂ©mismes du maniĂšre gĂ©nĂ©rale, politiques comme religieux. Cela fait aujourd’hui partie de notre routine de la peur.

 

 

Une femme et un homme : routine ou normalitĂ© sociale et conjugale

 

AprĂšs avoir croisĂ© cette femme plus ĂągĂ©e que moi, j’ai bien-sĂ»r appris que la « routine Â» ou normalitĂ© conjugale et sociale qu’elle m’avait proposĂ©e  se retrouve dans bien d’autres cultures.

 

Mais cette femme Ă©tait d’origine antillaise comme moi. Sans doute que cela m’a d’autant plus alertĂ© et poussĂ© Ă  dĂ©serter. J’avais donc dĂ©clinĂ© poliment ses propositions malgrĂ© l’insistance, aussi, de sa jeune sƓur, laquelle me plaisait encore plus mais avait dĂ©jĂ  un compagnon.

 

J’avais dĂ©clinĂ© sa proposition car, depuis mon adolescence, je savais que je ne voulais pas faire partie de ces hommes qui font des mĂŽmes sans penser Ă  l’avenir. Et, je savais aussi, sans doute, que je refusais une relation de mensonge :

 

J’aurais pu faire mine d’accepter le projet conjugal de cette femme, coucher avec elle pendant un certain temps, me faire dorloter par elle. Puis m’enfuir. C’est un classique. S’il est assez classique que des hommes quittent une femme aprĂšs lui avoir fait un ou plusieurs enfants, il est aussi certaines femmes dont la prioritĂ© est d’ « avoir Â» un ou plusieurs enfants. Comme si l’enfant prĂ©sent permettait de remplacer un ou plusieurs membres qui manquent Ă  la mĂšre.

 

La psychiatrie adulte Ă  vingt cinq ans :

AprĂšs mon diplĂŽme d’infirmier, ma mĂšre a essayĂ© un temps de me dissuader d’aller travailler en psychiatrie. Elle avait peur que je devienne fou. Cette fois-ci, sa peur de la psychiatrie m’a moins parlĂ© que sa peur de la moto.

 

 

A vingt cinq ans,  aprĂšs mon service militaire que j’avais rĂ©ussi effectuer en tant qu’infirmier dans un service de psychiatrie adulte, j’ai commencĂ© Ă  travailler dans un service de psychiatrie adulte.

 

Depuis l’obtention de mon diplĂŽme d’Etat d’infirmier, quatre ans plus tĂŽt, je m’étais  aperçu que cela ne me correspondait pas d’aligner des tĂąches Ă  la chaĂźne dans un hĂŽpital dans un service de soins gĂ©nĂ©raux. Comme si je travaillais sur une chaĂźne de montage dans une usine. C’était au dĂ©but des annĂ©es 1990.

 

Si l’on Ă©tait en pleine Ă©pidĂ©mie du Sida, on ne parlait pas, alors, de la pandĂ©mie du Covid qui a atterri dans notre systĂšme solaire et mental en mars 2020. Mais on parlait dĂ©jĂ  de pĂ©nurie infirmiĂšre. Avant de devenir infirmier titulaire Ă  vingt cinq ans dans ce service de psychiatrie adulte, j’avais aussi Ă©tĂ© vacataire et infirmier intĂ©rimaire dans des cliniques mais aussi dans des hĂŽpitaux publics en Ăźle de France. De jour comme de nuit.

 

 

Dans mon « nouveau Â» service, en psychiatrie adulte, j’ai Ă©tĂ© le plus jeune infirmier pendant deux ou trois ans. Plusieurs de mes collĂšgues Ă©taient mariĂ©s avec enfants ou vivaient en couple. J’étais tout le contraire mais j’avais des principes et des certitudes concernant l’amour et le couple.

 

J’avais donc Ă©tĂ© trĂšs choquĂ© en apprenant que tel collĂšgue, mariĂ©, avait trompĂ© sa femme avec telle autre collĂšgue, mariĂ©e Ă©galement mais aussi mĂšre de famille. J’avais Ă©tĂ© si choquĂ© moralement  que j’avais envisagĂ© de quitter le service devant cette dĂ©bauche morale, pour moi,  Ă©vidente.

 

Puis, j’étais restĂ©. Je me sentais trĂšs bien professionnellement et humainement dans ce service. Je m’y sentais si bien que j’ai d’ailleurs fini par m’y sentir comme chez moi. Au point de devenir incapable de le quitter mĂȘme si je sentais que c’était pourtant ce qu’il fallait faire.  Cela  a eu plus tard des incidences personnelles et professionnelles qui m’ont obligĂ© et poussĂ© plus tard- enfin- Ă  partir. Et Ă  comprendre que l’affectif, mĂȘme s’il est important avec nos collĂšgues, doit rester secondaire sur notre lieu de travail.

 

Mais, dans ce service, en apprenant Ă  connaĂźtre ces collĂšgues, je compris un peu plus que la vie adulte et la vie de couple avaient leurs impasses.

 

Couper le cordon avec nos parents :

 

 

Le modĂšle du couple de mes parents et de membres de ma famille m’avait bien-sĂ»r dĂ©jĂ  donnĂ© des indices. Mais on ne fait pas toujours le rapprochement entre le modĂšle de nos parents et de notre famille et celui que l’on va suivre pour notre propre vie affective. Assez souvent, on suit Ă  peu prĂšs le mĂȘme modĂšle que nos parents. MĂȘme si, en apparence, on a l’impression d’ĂȘtre diffĂ©rent. D’avoir coupĂ© le cordon avec nos parents. Et cela se comprend facilement : 

MĂȘme si nous pouvons nous montrer aussi critiques que des ados envers nos parents, ceux-ci n’ont pas tout ratĂ© dans leur vie. Il est mĂȘme des aspects de leur vie que nous serions incapables de supporter ou de rĂ©aliser. Je me suis dĂ©ja demandĂ© par exemple, si, Ă  la place de mes parents, j’aurais eu la capacitĂ©, comme eux, de quitter mon pays natal pour la France.  A la fin des annĂ©es 60, mon pĂšre et ma mĂšre ont quittĂ© la Guadeloupe. Ils ont ainsi rompu avec une certaine tradition ainsi qu’une partie du cordon qui les reliait Ă  leurs aĂźnĂ©s depuis plusieurs gĂ©nĂ©rations depuis l’arrivĂ©e de leurs ancĂȘtres, du fait de l’esclavage, en Guadeloupe. Esclavage qui a Ă©tĂ© aboli en Guadeloupe en 1848. Je le rappelle. Car il est encore des personnes instruites et de bonne foi en France qui ignorent que la prĂ©sence de la majoritĂ© des Antillais par exemple en Guadeloupe ou en Martinique rĂ©sulte de la traite nĂ©griĂšre occidentale qui a durĂ© environ deux cents ans. 

En 1966 et 1967,  mon pĂšre avait 22 ans et ma mĂšre, 19 ans.  MĂȘme s’ils sont arrivĂ©s en « MĂ©tropole » avec la nationalitĂ© française, il existait alors un tel dĂ©calage culturel- qui subsiste- entre la Guadeloupe et la France, ainsi qu’un certain handicap de couleur de peau, que, pour moi, leur venue « en » France a bien des points communs avec celle de beaucoup d’immigrĂ©s. C’est comme cela que je m’explique ma comprĂ©hension assez « intuitive » de certaines difficultĂ©s d’intĂ©grations de jeunes français d’origine arabe ou maghrĂ©bine par exemple. Et, je ne vois aucun hasard dans le fait que mon meilleur ami soit d’origine algĂ©rienne. MĂȘme si j’ai appris depuis que dans certains quartiers, il arrive qu’Arabes et noirs ( africains ou antillais) soient les pires ennemis les uns pour les autres. 

 

 

Et puis, il y a une frontiĂšre que l’on ne franchit pas vis Ă  vis de ses parents lorsque l’on est mature :

 

Leur sexualitĂ© nous est interdite. Ce n’est pas Auchan ou une salle de cinĂ©ma. Nous n’avons pas de droit de regard dessus. Alors que l’on peut plus facilement s’autoriser Ă  franchir cette frontiĂšre en « regardant Â» ou en imaginant la sexualitĂ© de tels collĂšgues ensemble. J’ai dĂ©jĂ  entendu parler de ragots Ă  propos des coucheries ou de la relation sentimentale entre deux collĂšgues. Je n’ai jamais entendu parler de ragots Ă  propos de la sexualitĂ© de mes parents lorsqu’ils s’accouplaient :

 

 Il doit ĂȘtre trĂšs rare que des enfants, entre eux, se racontent les derniers potins concernant les derniers vibratos Ă©jaculatoires et clitoridiens de leurs parents.

 

 

En quittant ce premier service de psychiatrie, quelques annĂ©es plus tard,  pour un autre service, mon regard sur le couple, l’amour et certaines normes conjugales avait changĂ©. J’avais par exemple compris, je crois, que dĂ©sirer et aimer quelqu’un ne suffit pas pour ĂȘtre heureux ensemble. MĂȘme si ce dĂ©sir et cet amour sont partagĂ©s. Et qu’ils comptent bien-sĂ»r dans la construction d’un couple ou d’une relation. Du moins, Ă  mon avis.

 

Un quasi-expert dans les relations sentimentales Ă  la mords-moi-le-nƓud :

 

 

Pour  apprendre ça, j’avais payĂ© de ma personne :

 

J’étais devenu un quasi-expert dans les relations sentimentales Ă  la « mords-moi-le-nƓud Â».

 

Si j’ai connu des histoires d’amour avant de travailler dans ce service puis ensuite, j’ai aussi vĂ©cu l’échec final : ce que l’on appelle la rupture sentimentale. J’ai connu la rupture sentimentale, les ruptures sentimentales. Mais je n’avais toujours pas coupĂ© le cordon avec mes parents. Donc, j’étais dans ce que l’on appelle
la rĂ©pĂ©tition.

 

 J’ai Ă©tĂ© quittĂ©. J’ai aussi quittĂ©. Peu importe la sincĂ©ritĂ© de dĂ©part de l’un ou de l’autre.

 

A celles et ceux qui ont pu me dire, Ă  un moment donnĂ© que je manquais de chance, j’ai fini par rĂ©pondre :

 

« Non ! Je ne suis pas douĂ© pour le bonheur Â».

 

 

A une collĂšgue, en couple, qui avait pu me dire que cela l’angoissait d’ĂȘtre seule, j’avais rĂ©pondu :

 

« Moi, c’est d’ĂȘtre en couple qui m’angoisse Â».

 

 

Et, c’est vrai que, cĂ©libataire, j’ai connu un certain nombre de moments oĂč j’étais vraiment trĂšs content d’ĂȘtre tout seul chez moi.

Mais il y a eu aussi d’autres moments moins drĂŽles. OĂč je devais partir Ă  la chasse d’affection. Au point qu’un certain nombre de fois, j’ai pu ĂȘtre trop prĂ©sent auprĂšs de certaines personnes. Aux mauvais moments. De la mauvaise façon. Avec les « mauvaises Â» personnes : celles qui Ă©taient indisponibles.

 

Une certaine addiction :

 

A la RĂ©pĂ©tition d’histoires sentimentales Ă  la mords-moi le nƓud, s’est ajoutĂ©e sa cousine ou sa jumelle : Une certaine Addiction aux histoires Ă  la mords-moi-le-nƓud.

 

 

Aujourd’hui, je peux parler « d’addiction Â» parce-que depuis que je m’intĂ©resse d’un peu plus prĂšs au sujet des addictions depuis environ quatre ans, j’ai compris que l’on peut ĂȘtre aussi « addict Â» Ă  un certain type de comportements qui nous sont nĂ©fastes. Parce-que ces comportements nous dirigent et nous transportent vers des situations que l’on connaĂźt bien. MĂȘme si ces situations nous dĂ©posent toujours, Ă  un moment ou Ă  un autre, sur un matelas hĂ©rissĂ© de tessons ou de clous dans lequel on s’enroule, seul.

 

 

Entre l’obsession et l’addiction, il y a aussi des points communs. Nous sommes nombreux Ă  avoir des obsessions. Nous sommes aussi nombreux Ă  avoir certaines addictions. Mais nous nous en sortons diffĂ©remment selon les lieux, selon notre entourage et aussi selon notre capacitĂ© Ă  le voir ou Ă  le nier.

 

 

Je me maintenais dans des histoires Ă  la mords-moi-le-nƓud parce-que l’inconnu me faisait peur. L’inconnu d’ĂȘtre dans une histoire sentimentale stable et simple. La peur de me conformer Ă  une histoire conjugale « normale Â» et routiniĂšre comme mes parents oĂč le Devoir et le sacrifice semblent l’emporter, l’ont emportĂ©, avant tout.

 

Avant que les gens ne prennent de l’ñge, de l’arthrose, ne s’avachissent sous les kilos, le poids de leurs artĂšres et de leurs colĂšres contre l’autre, ils ont Ă©tĂ© beaux. Ils ont Ă©tĂ© souriants en rencontrant l’autre. Et, ils ont cru Ă  leur histoire mĂȘme si celle-ci a peu durĂ© et que l’artifice a trĂšs vite disparu. Dans le monde animal, il n’y a aucun drame car c’est comme ça que cela doit se passer. Il n’y a pas de rancune particuliĂšre, je crois. Mais dans le monde des ĂȘtres humains, cela se passe diffĂ©remment. Il y a de la mĂ©moire, des rancunes, des espoirs et  des comptes Ă  rendre Ă  l’autre :

 

 A soi-mĂȘme, Ă  notre entourage ainsi qu’à nos aĂźnĂ©s mais aussi Ă  notre descendance.

 

Ça fait beaucoup. Et cette histoire se perpĂ©tue.

 

Le mensonge et les normes sociales :

 

 

Je suis devenu pĂšre et me suis mariĂ© tard. J’avais quarante cinq ans. Je connaissais dĂ©jĂ  la sĂ©curitĂ© sociale et Ă©conomique. En me mariant avec ma compagne mais aussi en devenant pĂšre, j’ai dĂ©couvert la sĂ©curitĂ© affective :

 

Cette prĂ©sence quotidienne et aimante qui vous attend et vous reçoit quelle que soit la journĂ©e que vous avez passĂ©e. Quels que soient vos travers et vos humeurs. Tout ce que vous avez Ă  faire pour cela, c’est rentrer chez vous, passer un coup de tĂ©lĂ©phone ou envoyer un sms et quelqu’un, votre compagnon ou votre compagne, voire votre enfant, gĂ©nĂ©ralement, vous rĂ©pond plutĂŽt favorablement. Vous ĂȘtes souvent le bienvenu ou la bienvenue. Vous bĂ©nĂ©ficiez assez souvent d’une attention particuliĂšre.

 

 

En dĂ©couvrant cette expĂ©rience, j’ai aussi eu la confirmation que certains de mes proches et de mes connaissances qui m’affirmaient avoir moins de temps pour me voir ou me rappeler, m’avaient menti. Le mensonge fait aussi partie des normes sociales. Le mensonge envers les autres. Mais aussi vis Ă  vis de soi-mĂȘme :

 

Si l’on a moins de temps lorsque l’on se met en couple et que l’on dĂ©cide ensuite de « faire Â» un enfant, on peut, si on le veut vĂ©ritablement, joindre untel ou untel. Ou prendre le temps de le rencontrer. Cela nĂ©cessite plus de prĂ©paration pour une durĂ©e plus courte. Mais c’est possible.

 

Cet article est imparfait et biaisé bien-sûr mais je le crois sincÚre. Je le vois comme le contraire de certains mensonges sociaux.

 

 

Mais il y a d’autres mensonges qui subsistent. Lorsque l’on se met en couple, que l’on se marie ou non, on se dit oui. Sauf que, mĂȘme en se disant ouvertement oui, il y a d’autres points sur lesquels on se dit non. Mais comme on est plein d’amour et de dĂ©sir l’un pour l’autre, on n’y fait pas attention. On banalise ces quelques points qui peuvent ou vont devenir beaucoup plus sensibles Ă  mesure que l’on va se rapprocher l’un de l’autre dans le quotidien mais aussi dans la vie intime.

 

 

La Clinique de l’Amour : une Ă©mission de France Inter

 

 

Cette trĂšs longue introduction pour expliquer ce qui a pu me donner envie de dĂ©couvrir et d’écouter cette Ă©mission de France Inter appelĂ©e La Clinique de l’Amour. Une Ă©mission qui raconte en plusieurs Ă©pisodes (cinq ou six) d’une vingtaine de minutes l’évolution de plusieurs couples qui font une thĂ©rapie.

 

L’émission m’a « plu Â». MĂȘme si je lui reprocherais le fait que, par moments, pour moi, les thĂ©rapeutes sont trop intervenus. Cela peut faire sourire aprĂšs tout ce que j’ai Ă©crit avant de vous parler, finalement, de ce podcast de France Inter qui date de fĂ©vrier 2020.

 

Le thĂ©rapeute masculin par exemple. Il est certaines fois oĂč, Ă  mon avis, les deux thĂ©rapeutes auraient dĂ» davantage « protĂ©ger Â» la parole de celle ou de celui qui s’exprime  et le laisser parler. Au lieu de le laisser ou de la laisser se faire « pilonner Â» verbalement par l’autre.

 

Je crois que ça aurait Ă©tĂ© « bien Â» d’expliciter :

 

De dire par exemple Ă  telle personne qu’elle semble trĂšs déçue ; qu’elle avait apparemment une trĂšs haute vision ou une vision diffĂ©rente de ce que son mari ou sa compagne allait ĂȘtre dans la vie de couple ou de famille.

 

 

Un des couples a trois enfants. Je crois que cela aurait Ă©tĂ© bien de demander pourquoi trois enfants ? Pourquoi pas deux ? Pourquoi pas un seul ?

Vu que j’ai compris que bien des couples font des enfants en pensant que faire des enfants rapproche et va aider le couple Ă  se « soigner Â».

 

Alors que je crois que cela peut ĂȘtre le contraire : lorsque l’on fait un enfant, nos tripes prennent facilement ou peuvent facilement prendre le dessus sur tout ce que l’on essaie d’ĂȘtre ou de faire de maniĂšre rationnelle. Et l’on peut alors s’apercevoir Ă  quel point on est trĂšs diffĂ©rent de sa « moitiĂ© Â» voire opposĂ© Ă  elle. MĂȘme si on peut aussi devenir complĂ©mentaire.

 

 

J’ai aussi Ă©tĂ©  Ă  nouveau assez agacĂ© par certaines phrases typiques du vocabulaire professionnel de mes « collĂšgues Â»:

 

Ma remarque est sĂ»rement trĂšs dĂ©placĂ©e. Car le principal est bien-sĂ»r que ces thĂ©rapeutes aient fourni leur prĂ©sence, leur constance et leur empathie Ă  ces couples. Mais je vois Ă  nouveau dans ces tics de vocabulaire et de langage de mes « collĂšgues Â» thĂ©rapeutes un certain manque de spontanĂ©itĂ© : un trop haut degrĂ© d’intellectualisation ; une certaine carence affective. Comme s’ils s’en tenaient Ă  un texte ou Ă  un protocole appris par cƓur qui les empĂȘche d’improviser. Comme s’ils s’exprimaient de maniĂšre scolaire.

 

 

Hormis ces quelques remarques, j’ai bien aimĂ© cette Ă©mission.

 

 

J’aimerais pouvoir ensuite traduire cet article en Anglais voire peut-ĂȘtre en Espagnol quand je le pourrai.

 

Apparemment, pour l’instant, je n’arrive pas Ă  intĂ©grer le lien vers ce podcast dans cet article. Mais on le trouve facilement. DĂšs que je le pourrai, je l’intĂ©grerai Ă  l’article.

https://podcasts.apple.com/fr/podcast/1-partir-ou-rester/id1498194259?i=1000465403252

 

 

Je le prĂ©cise assez peu dans mes articles mais la plupart des photos prises dans la rue ou dans le mĂ©tro sont de moi.  

Franck Unimon, ce jeudi 29 octobre 2020. Puis, ce lundi 2 novembre 2020 oĂč j’ai ajoutĂ© un certain nombre de propos et de pages depuis l’article initial.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Transmettre une histoire

                                                    Transmettre une histoire

 

Trois conditions me semblent nĂ©cessaires afin de pouvoir transmettre nos gĂšnes :

 

Nous avons besoin d’une autre personne qui nous donne le sourire. Soit parce qu’elle nous plait physiquement et/ou qu’elle a des valeurs qui nous attirent.

 

Cette personne nous permet de rompre notre solitude. Car nous avons ce besoin de rompre notre solitude.

 

Et, nous, nous avons un peu ou beaucoup l’ambition d’ĂȘtre le sauveur( qu’elle ou qu’il accepte)
ou le prĂ©dateur de cette personne.

 

Je crois que l’HumanitĂ© tient sur ce trĂ©pied. TrĂ©pied auquel il faut ajouter un quatriĂšme pied qui consiste Ă  vouloir transmettre une Histoire. Car l’ĂȘtre humain se sĂ©pare de son monde animal de par sa volontĂ© d’écrire son histoire, de la raconter comme de s’en rappeler mais aussi de l’anticiper. Comme certains poissons qui naissent Ă  un endroit, l’ĂȘtre humain peut passer sa vie Ă  nager Ă  contre courant pour essayer de remonter jusqu’à ses origines.

 

Jusqu’à l’Histoire de sa famille, de son clan, de sa tribu, de sa sociĂ©tĂ©, de sa culture, de sa langue. Mais aussi celle de ses dĂ©faites comme de ses victoires et de ses espoirs.

 

 

Sauveurs ou prĂ©dateurs, nous transmettons nos gĂšnes et nos histoires. Sur les scĂšnes de crimes, au sein de nos victimes ainsi que dans le relief  et le renouvellement de notre entourage intime et limitrophe.

 

Fait de chair et d’os, en se disloquant, l’ĂȘtre humain laisse ses histoires dans le berceau du regard et du corps des autres. MĂȘme si ces histoires s’accrochent Ă  la roche, il est impossible de prĂ©voir exactement ce qu’il restera de ces diffĂ©rentes trajectoires. Comment elles prendront leur essor et inspireront celles et ceux qui les entendent ou les dĂ©couvrent. Ce que l’on sait, c’est que le pire cĂŽtoiera le meilleur dans des proportions imprĂ©vues et invraisemblables. Car il faut beaucoup d’histoires pour faire une vie.

 

Aujourd’hui, en France, nous avons de quoi prĂ©dire le pire :

 

La pandĂ©mie du Covid circule toujours et s’amplifie. Nous sommes en automne et nous nous rapprochons des jours les plus gris et les plus courts. On a presque l’impression d’entrer un peu dans l’univers de la sĂ©rie Game of Thrones avec son ambiance  » Winter is coming »….

Demain, mercredi, afin de rĂ©sister aux marcheurs blancs du Covid, peut-ĂȘtre que le PrĂ©sident Macron va-t’il nous annoncer un nouveau reconfinement.

 

En tout cas, nous avons dĂ©jĂ  compris, d’aprĂšs les quelques communiquĂ©s du gouvernement, que la tendance est Ă  plus de restrictions pour des raisons sanitaires. En plus du couvre-feu de 21H Ă  6H dĂ©cidĂ© il y a quelques jours.

 

Pour diluer cette ambiance « festive Â», Erdogan, le dirigeant de la Turquie, suivi du Maroc et du Pakistan, condamne la France car celle-ci dĂ©fend les caricatures du journal Charlie Hebdo qui blasphĂšme et tourne en dĂ©rision, entre-autres, le prophĂšte et le Dieu « des Â» musulmans.

Quelques jours aprĂšs l’assassinat de l’enseignant Samuel Paty Ă  Conflans Ste Honorine par un terroriste islamiste, Erdogan aurait affirmĂ© que le PrĂ©sident Macron doit se faire soigner mentalement. Et, Ă  la tĂ©lĂ©, on a su nous montrer des images de Palestiniens, Ă  Gaza, brĂ»lant des pancartes comportant le portrait du PrĂ©sident Macron.

 

On peut relever que cette attitude d’Erdogan, suivi par les dirigeants du Maroc et du Pakistan, a lieu Ă  quelques jours du rĂ©sultat des Ă©lections prĂ©sidentielles amĂ©ricaines. Soit Ă  un moment oĂč le trĂšs fort alliĂ© militaire amĂ©ricain a sĂ»rement d’autres prioritĂ©s que la Turquie d’Erdogan et cette « histoire Â» de caricatures de Charlie Hebdo. MĂȘme si en janvier 2015, beaucoup de personnes Ă©taient Charlie Hebdo, y compris des PrĂ©sidents du Monde entier qui s’étaient dĂ©placĂ©s.

En France, aprĂšs les attentats de Janvier 2015, des gens faisaient la queue devant les kiosques Ă  journaux ou se battaient pour pouvoir acheter leur numĂ©ro « historique Â» de Charlie Hebdo d’aprĂšs l’attentat du 7 janvier. Depuis, des messages de haine et de menaces de mort continuent de suivre Charlie Hebdo. Ainsi que des messages de sympathie et d’encouragements.

 

Les Ă©lections prĂ©sidentielles amĂ©ricaines nous diront si Donald Trump, PrĂ©sident des ExtrĂȘmes, du dĂ©ni du rĂ©chauffement climatique, du racisme et de la banalisation de la pandĂ©mie du Covid, est rĂ©elu. Ou s’il est battu par Joe Biden. AprĂšs la PrĂ©sidence de Barack Obama pendant huit ans qui avait pu plaire ou dĂ©plaire, la PrĂ©sidence de Donald Trump nous a jetĂ© en pleine figure le fait que les Etats-Unis, qui sont encore la PremiĂšre Puissance Mondiale, est le Pays des ExtrĂȘmes :

 

Le pire comme le meilleur s’y cîtoie.

 

Avant la PrĂ©sidence de Donald Trump, en Europe ou ailleurs, on pouvait peut-ĂȘtre encore se lover dans ce que l’on appelle le « rĂȘve amĂ©ricain Â». Alors que celui-ci, dĂšs ses origines, s’est bĂąti sur le gĂ©nocide et la destruction culturelle des millions d’AmĂ©rindiens qui y vivaient.  Ainsi que sur l’esclavage de populations africaines comme sur l’immigration europĂ©enne et asiatique (chinoise, en particulier).

 

Avec la PrĂ©sidence de Donald Trump, je crois qu’il est difficile d’ignorer que les Etats-Unis sont loin d’ĂȘtre aussi unis que ça.

 

 En attendant, en France, d’autres attentats islamistes sont donc Ă  « prĂ©voir Â». Et l’on peut s’en inquiĂ©ter. MĂȘme si un nouveau reconfinement aurait aussi l’avantage de protĂ©ger des attentats celles et ceux qui restent chez eux. Exception faite des femmes et des enfants battus par leurs conjoints et parents.

En attendant que le danger s’éloigne vraiment, on peut dĂ©cider de se taire. De se faire discret ou de laisser des blancs lorsque l’on s’exprime.

 

Sauf que si on laisse des blancs pour parler de tout ce qui nous concerne et nous prĂ©occupe, ces blancs finiront par ĂȘtre traduits par des personnes qui transmettront nos histoires comme elles les voient. Si elles les voient.  Alors que ces histoires, plus qu’une « simple Â» vue de l’esprit, sont notre vie.

 

Il faut beaucoup d’histoires pour faire une seule vie. Nous avons besoin de beaucoup d’histoires. Une seule histoire est une passoire.

 

Ps : cet article est la suite de Certaines idĂ©es. Lequel Ă©tait la suite de DĂ©connectĂ©

Franck Unimon, mardi 27 octobre 2020.