Catégories
Corona Circus Croisements/ Interviews Puissants Fonds/ Livres self-défense/ Arts Martiaux

Corps d’Acier/ un livre de MaĂ®tre Jean-Pierre Vignau

 

 

Corps d’Acier(La Force conquise La violence maîtrisée)un livre de J-Pierre Vignau

 

Les Fêtes de ce Noël 2020 se rapprochent. Comme chaque année, nous achèterons des objets du bonheur que nous offrirons. Nous sommes souvent prêts à payer de notre personne pour celles et ceux que nous aimons. Et pas uniquement à Noël.

 

La pandĂ©mie du Covid que nous connaissons depuis plusieurs mois, avec ses masques, ses restrictions, ses consĂ©quences sociĂ©tales, affectives, Ă©conomiques, culturelles et ses « feuilletons Â» concernant la course aux vaccins, leur fabrication et leur distribution, donne encore plus de poids Ă  ce que nous vivons de « bien Â» avec les autres.

 

Pourtant, le bonheur ne s’achète pas.

 

« Avant Â», la vie Ă©tait plus dure. « Avant Â», les clavicules obnubilĂ©es par l’étape de ma survie ou de ma libertĂ© immĂ©diate, je n’aurais pas pu m’offrir le luxe de m’épancher sur mon clavier d’ordinateur.

 

Mais, aujourd’hui, un sourire comme une décoration de Noël peut aussi être le préliminaire d’un carnage futur.

 

Avant, comme aujourd’hui, cependant, le bonheur existe.

 

Parce-que le bonheur ne s’achève pas.

 

La lecture après la rencontre :

 

 

Sauf qu’en tant qu’adultes, nous sommes souvent coupables. Soit de ne pas assez nous mouvoir. Soit d’être forts d’un Pouvoir que nous ne savons pas voir.  De mal nous protĂ©ger et de mal protĂ©ger notre entourage et notre environnement. Comme de tenir de fausses promesses. Et lorsque nous agissons et prenons certaines dĂ©cisions, nous agissons souvent comme des enfants. Les fĂŞtes de NoĂ«l et d’autres rĂ©jouissances officielles nous permettent de l’oublier. Sans doute prĂ©fĂ©rons-nous croire que c’est seulement en ces circonstances que nous nous comportons comme des enfants…..

 

Le livre Corps d’Acier La Force Conquise La violence MaitrisĂ©e de jean-Pierre Vignau publiĂ© en 1984 m’a parlĂ© parce-que le « petit Â» Vignau nĂ© en 1945 a parlĂ© Ă  l’enfant que je suis restĂ©.

 

D’ailleurs, c’est souvent comme ça lorsque l’on rencontre quelqu’un. L’enfant qu’il est ou qu’il a été parle d’abord à nos rêves près de la frontière de notre squelette.

C’est instinctif. ViscĂ©ral. C’est seulement après, lorsque c’est possible, que, nous, les « civilisĂ©s Â», laissons Ă  nos lèvres et Ă  nos oreilles le temps de parler et d’écouter.

Et, assez généralement, alors, on finit par se reconnaître un peu dans l’autre.

 

 

J’ai lu ce livre après avoir rencontrĂ© et interviewĂ© Maitre ( ou Sensei) Jean-Pierre Vignau comme je l’ai racontĂ©. ( Arts Martiaux) A Toute Ă©preuve : une interview de Maitre Jean-Pierre Vigneau ) Puis, juste après ce livre, j’ai lu son dernier ouvrage, paru en 2020, Construire sa lĂ©gende Croire en soi, ne rien lâcher et aller jusqu’au bout, qu’il a acceptĂ© de me dĂ©dicacer.

 

 Chacun ses Maitres :

Certaines et certains trouveront leurs Maitresses et leurs Maitres dans l’exemple et le parcours de personnalitĂ©s diverses. Aya Nakamura, Camille Chamoux, Booba, Kylian MbappĂ©, Donald Trump, Nicolas Sarkozy, Lilian Thuram, Zinedine Zidane, Benoit Moitessier, Olivier de Kersauson, Alain Mabanckou, Samuel Jackson, Miles Davis, Denzel Washington, Krzysztof Kieslowski, Damso, Blanche Gardin, Laure Calamy, Frantz Fanon, Robert Loyson, Jacob Desvarieux, Danyel Waro, Ann O’Aro, Cheick Tidiane Seck, Tony Allen, Amadou HampatĂ© Ba, Tony Leung Chiu Wai…

 

Certaines des quelques personnes que je viens de citer ne font pas partie de mes références mais elles le sont pour d’autres. Des artistes, des sportifs de haut niveau, des femmes et des hommes politiques….

 

On peut aussi trouver ses Maitresses ou ses Maitres chez des Maitres d’Arts Martiaux.

 

Si je suis sĂ©duit et sensible au parcours de bien des « personnalitĂ©s Â» d’hier et d’aujourd’hui, comme Ă  celui de Maitres d’Arts martiaux, j’ai, je crois, assez vite- et toujours- fait une distinction entre le titre et la personne.

 

Je choisirai toujours d’abord, si j’en ai la possibilité, la personne qui me parle personnellement. Correctement. Même si elle est sévère et exigeante. Dès l’instant où elle ou il me semblera juste.

 

Et, cela, avant son titre ou ses titres. Pour moi, une Maitresse ou un Maitre, c’est aussi celle ou celui qui a vécu. Qui a traversé des frontières. Qui a peut-être morflé. Qui s’est aussi trompé. Qui en est revenu. Qui s’en souvient. Qui peut faire corps. Et qui peut être disponible pour transmettre à d’autres ce qu’il a compris, vécu. Afin que celles-ci et ceux-ci vivent mieux, comprennent, s’autonomisent ou souffrent moins.

 

Dès les premières pages de Corps d’acier,  on apprend que Jean-Pierre Vignau, placĂ© enfant Ă  l’assistance publique, a Ă©tĂ© le dernier mĂ´me Ă  trouver une famille d’accueil dans une ferme dans le Morvan.

 

Cette famille qui l’a alors accepté, ou intercepté, c’était un peu la famille de la dernière chance. Jean-Pierre Vignau était le plus chétif du lot. Or, les familles d’accueil étaient plutôt portées sur les enfants d’apparence robuste pour aider dans les diverses tâches de la maison.

 

Vignau raconte comment, conscient que c’était sa dernière chance, il accourt vers cette femme qu’il voit pour la première fois pour plaider sa cause et la convaincre.

Il se rétame alors devant elle et le directeur, embarrassé, de l’assistance publique. Pour se relever et se plaquer contre cette adulte inconnue et, quasiment, l’implorer de le prendre….

 

 

Une fois adoptĂ© par cette femme, les ennuis mĂ©dicaux de Jean-Pierre Vignau s’amoncellent. Cirrhose du foie, problèmes pulmonaires, dĂ©calcification, colonne vertĂ©brale en dĂ©licatesse…. On est donc très loin du portrait de l’enfant « parfait Â» ou douĂ©.

 

La greffe prend entre Vignau et ses parents « nourriciers Â». Mais pas avec l’école. Il sera analphabète jusqu’à ses 28 ans et apprendra Ă  lire en prison.

 

Lors de ma rencontre avec lui fin novembre chez lui, un demi-siècle plus tard,  nous avons surtout parlĂ© d’Arts martiaux ;  un peu de son expĂ©rience de videur (durant huit ans). Et de son accident lors d’une de ses cascades qui lui a valu la pose d’une prothèse de hanche alors qu’il Ă©tait au sommet de sa forme physique.

Nous avons peu parlé de son enfance. Pourtant, il est évident que celle-ci, de par les blessures qu’elle lui a infligées, mais aussi grâce au bonheur connu près de ses parents nourriciers, l’a poussé dans les bras de bien des expériences, bonnes et mauvaises, qu’il raconte dans son Corps d’acier.

 

Je n’ai aucune idĂ©e de ce que cela peut faire de lire d’abord Construire sa lĂ©gende, son dernier ouvrage. Mais en le lisant après Corps d’acier, j’ai vu dans Construire sa lĂ©gende une forme de synthèse intellectualisĂ©e et actualisĂ©e de ce que l’on peut trouver, de façon « brute Â», dans Corps d’acier.

 

Construire sa lĂ©gende a Ă©tĂ© co-Ă©crit par Jean-Pierre Vignau et Jean-Pierre Leloup «  formateur en relations humaines en France et au Japon Â».

Jean-Pierre Leloup « anime des confĂ©rences sur le dĂ©veloppement personnel Â» nous apprend entre autres la quatrième de couverture. L’ouvrage est plus rapide Ă  lire que Corps d’Acier et le complète. Corps d’Acier, lui, compte plus de pages ( 231 contre 159) a Ă©tĂ© publiĂ© par les Ă©ditions Robert Laffont  dans la collection VĂ©cu.

 

Donc, avec Corps d’Acier, on a un récit direct d’un certain nombre d’expériences de vie de Jean-Pierre Vignau ( Assistance publique, ses parents nourriciers, sa mère, son beau-père, la découverte des Arts Martiaux, son passé d’apprenti charcutier, de serveur, de mercenaire en Afrique, son flirt avec le SAC de l’Extrême droite etc…). Dans un climat social qui peut rappeler la France de Mesrine – qu’il ne cite pas- ou du mercenaire Bob Denard qu’il ne cite pas davantage. Mais aussi à l’époque du Président Valéry Giscard D’estaing (Président de 1974 à 1981) décédé récemment voire du Président Georges Pompidou qui l’avait précédé.

 

Cette Ă©poque peut sembler Ă©trangère et très lointaine Ă  beaucoup. Et puis, on arrive Ă  des passages oĂą on se dit que, finalement, ce qui existait Ă  cette Ă©poque peut encore se retrouver aujourd’hui. Exemples :

 

Page 89 (sur son expérience de mercenaire)

 

« L’Afrique, je n’ai pas grand chose Ă  en dire (….). J’étais lĂ  pour me battre, pour oublier, si c’était possible. Pour me lancer Ă  corps perdu dans des combats auxquels, politiquement, je ne comprenais rien mais dont la violence effacerait peut-ĂŞtre Claudine de ma mĂ©moire Â».

 

Page 90 :

«  La grande majoritĂ© des gars du camp cherchaient Ă  anĂ©antir leur peur par tous les moyens, surtout grâce Ă  l’alcool. Parfois, c’était Ă  se demander pourquoi ils Ă©taient lĂ . 80% d’entre eux faisaient croire aux autres qu’ils Ă©taient lĂ  pour la paye. Les autres 20% Ă©taient lĂ , paraĂ®t-il, pour « casser du Nègre Â». En rĂ©alitĂ© tous ces bonshommes qui Ă©taient loin d’être des « supermen Â», Ă©taient larguĂ©s dans cette jungle pour des motivations semblables aux miennes. C’est-Ă -dire qu’une femme les avait laissĂ©s tomber, leur femme, leur mère, leur sĹ“ur etc…Et par dĂ©pit, ils s’étaient embarquĂ©s, comme moi, dans cette galère Â».

 

Sur sa violence au travers de son expĂ©rience de videur :

Page 173 :

 

« Donc, tous les soirs, bagarre (… ) C’était le n’importe quoi intĂ©gral, dans cette ambiance bizarre de trois quatre heures du matin, dans cette jungle pas africaine du tout ».

 

«  Quelque chose ne tournait pas rond en moi, aussi (….). Je sentais que je commençais Ă  prendre du plaisir Ă  taper sur les emmerdeurs. La violence accumulĂ©e toutes ces annĂ©es Â».

 

« Ces soirĂ©es oĂą je risquais ma vie pour que les noctambules puissent s’agiter tranquillement sur les pistes de danse Â».

 

« J’étais devenu une sorte de machine parfaitement rodĂ©e et huilĂ©e, toujours en progrès. Une machine Ă  dĂ©molir. Une machine Ă  tuer. MĂŞme quand je dormais je ne rĂŞvais que de bagarres, coups, courses dans les rues de mes rĂŞves Â».

 

Jusqu’au jour oĂą un Ă©vĂ©nement « l’éveille Â» particulièrement et l’amène Ă  changer d’attitude.  (L’évĂ©nement est relatĂ© dans le livre). A partir de lĂ , la pacification de soi qui est au cĹ“ur de la pratique des Arts Martiaux prend le dessus. Mais comme on le comprend en lisant Corps d’Acier, il a fallu que Jean-Pierre Vignau vive un certain nombre d’épreuves et d’expĂ©riences auxquelles il a survĂ©cu. Et, il lui a fallu beaucoup de travail effectuĂ© au travers des Arts Martiaux – qu’il dĂ©bute Ă  13 ou 14 ans- tel qu’il en parle, page 190.

 

 

L’importance de persĂ©vĂ©rer dans le travail sur soi :

Page 190 :

 

«  La deuxième forme de recherche, celle Ă  laquelle je consacre mon temps et ma vie, est une esthĂ©tique du mouvement. Ce qui amène Ă  une forme de logique spirituelle. Pour obtenir un rĂ©sultat, il faut travailler, travailler encore et toujours. On forme donc son corps, son endurance et la volontĂ© de son esprit. Et, sans mĂŞme la chercher, on obtient l’efficacitĂ© Â».

 

Dans ce passage, Vignau explicite que la voie martiale est assez longue. C’est donc un mode de vie. La voie martiale est le contraire d’une mode, d’un spectacle, d’un raccourci vers le chaos comme une dictature, le banditisme ou le terrorisme par exemple.

 

Par manque de travail sur soi, nos existences peuvent facilement devenir stĂ©rĂ©otypĂ©es et stĂ©riles mĂŞme si nous avons l’impression de « faire quelque chose Â» ou d’être «  quelqu’un Â». Vignau le dit Ă  sa manière, page 192 :

 

« Ici, quand je m’entrainais, c’était uniquement pour moi et pas pour aller frapper les images parlantes qui viendraient «  foutre la merde Â» le soir dans les boites Â».

Conclusion :

Pour conclure, dans Construire sa lĂ©gende Croire en soi, ne rien lâcher et aller jusqu’au bout, page 42, il y a ce passage :

 

« La rĂ©action aux situations stressantes sont de trois ordres : combat, fuite, blocage, respectivement 15%, 15%, 70 % chez l’individu lambda. Les policiers du RAID, par exemple, inversent ce rapport avec 70% pour la rĂ©action de combat. Appliquons cela Ă  Vignau Ă  travers quelques unes de ses expĂ©riences Â».

 

 

Dans Construire sa lĂ©gende, il est aussi prĂ©cisĂ© plusieurs fois qu’il est inutile d’essayer de ressembler Ă  Vignau. Ou Ă  un policier du RAID, d’abord sĂ©lectionnĂ© pour des aptitudes mentales, psychologiques et physiques particulières. Puis formĂ© et surentraĂ®nĂ© Ă  diverses mĂ©thodes de combat.  Avec et sans armes.

 

Chacune et chacun fait comme il peut. Cependant, certaines personnes, sans faire partie du RAID, savent très bien combattre. Mamoudou Gassama, le jeune Malien sans papiers, qui, le 26 Mai 2018,  avait sauvĂ© le gamin accrochĂ© dans le vide Ă  un balcon d’immeuble dans le 18ème, avait selon moi combattu. Sans pour autant faire partie du RAID. Et je ne sais mĂŞme pas s’il Ă©tait pratiquant d’Arts Martiaux.

Ce 26 Mai 2018, Mamoudou Gassama avait au moins combattu l’impuissance et l’inaction devant la chute prĂ©visible de l’enfant suspendu dans le vide. Mais aussi  certains prĂ©jugĂ©s sur les migrants sans papiers.

 

Mais seule une minoritĂ© de personnes est capable de rĂ©agir spontanĂ©ment comme l’avait fait Mamoudou Gassama en risquant sa vie ce jour-lĂ . D’ailleurs, il avait Ă©tĂ© le seul, parmi les « badauds Â» prĂ©sents, Ă  pratiquer l’escalade jusqu’au gamin. 

 

On peut trouver des Maitres, des coaches, des thérapeutes ou autres personnes de confiance et bienveillantes qui peuvent nous permettre d’inverser un peu ces pourcentages lors de situations stressantes dans notre vie quotidienne. Pas nécessairement lors d’un combat ou d’une agression dans la rue.

 

On peut aussi diversifier nos expériences pratiques et sportives dans des disciplines qui, a priori, nous effraient ou nous semblent inaccessibles. Et se découvrir, avec de l’entraînement, certaines aptitudes que l’on ignorait.

 

Le combat, cela peut être, et c’est souvent, d’abord vis-à-vis de nous mêmes qu’il se déroule. Vis-à-vis de nos propres peurs que nous acceptons de combattre ou devant lesquelles nous fuyons ou nous bloquons. Si nous acceptons de combattre certaines de nos peurs, nous pouvons changer de vie pour le meilleur au lieu de subir.

 

Corps d’Acier La force conquise La violence maitrisée et Construire sa légende Croire sa légende Ne rien lâcher et aller jusqu’au bout parlent au moins de ça. Ou, alors, j’ai lu de travers et raté mon explication de texte.

 

 

 

Franck Unimon, ce vendredi 11 décembre 2020.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Catégories
Corona Circus Croisements/ Interviews Interview self-défense/ Arts Martiaux

( Arts Martiaux) A Toute épreuve : une interview de Maitre Jean-Pierre Vigneau

Maitre Jean-Pierre Vignau chez lui, ce samedi 21 novembre 2020.

 

 » Tu as le feu vert ». Cette phrase de Jean-Pierre Vigneau, je m’en suis rappelĂ© quelques heures plus tard, hier soir (ce mardi 24 novembre 2020). 

Dans l’article Arts Martiaux : un article inspirĂ© par Maitre Jean-Pierre Vignau

j’Ă©voquais cette interview filmĂ©e de Maitre Jean-Pierre Vignau. C’Ă©tait ce samedi 21 novembre 2020. 

Hier ( mardi 24 novembre) j’ai tentĂ© de joindre Jean-Pierre avant de publier mon article. Pour le prĂ©venir. Mais aussi pour voir avec lui s’il prĂ©fĂ©rait lire l’article auparavant. RĂ©pondeur. Finalement, j’ai publiĂ© l’article. Puis, quelques heures plus tard, je lui ai envoyĂ© le lien de l’article par sms. Jean-Pierre m’a alors appelĂ©.

 » J’ai ratĂ© l’appel tout Ă  l’heure » m’a-t’il dit. Je lui ai alors expliquĂ© oĂą j’en Ă©tais et lui ai demandĂ© comment il voulait que l’on s’y prenne. Et, lĂ , la phrase de Jean-Pierre est arrivĂ©e simplement.

 

Le Feu vert.

 

Dans cette simple phrase, toute la confiance de Jean-Pierre. Nous nous sommes rencontrĂ©s une seule fois. Il n’a jamais rien lu de moi. Et, je devine qu’il ne lira peut-ĂŞtre pas l’article tout de suite s’il le fait. Il a mieux Ă  faire ailleurs. Comme, par exemple, Ă©couter dans quelques heures (ce mardi 24 novembre au soir) ce que va dire « Le PrĂ©sident » concernant le maintien ou l’assouplissement des mesures concernant le confinement Ă  propos de la pandĂ©mie du Covid. 

 

 » Le prĂ©sident ?! ». Je pense alors au PrĂ©sident de la FĂ©dĂ©ration de KaratĂ© ou des Arts Martiaux mĂŞme si je ne sais pas de qui il s’agit.

Non ! Le PrĂ©sident Macron, me rĂ©pond Jean-Pierre. Je me suis tellement « moulé » dans un certain mode de vie depuis la pandĂ©mie et les mesures de confinement. J’ai Ă©tĂ© si convaincu qu’il allait nous falloir faire montre de patience, que, depuis le tout premier discours – Mi-mars- du PrĂ©sident de la RĂ©publique, Emmanuel Macron, « notre » PrĂ©sident, je n’Ă©coute plus ses discours. 

Ou, peut-ĂŞtre, que je n’ai toujours pas digĂ©rĂ© cette ambiance de fin du monde de son premier discours Mi-Mars. Je n’ai jamais cru non plus Ă  mon statut « de hĂ©ros de la nation ». Je n’ai jamais comptĂ© sur la production expresse et miraculeuse du vaccin « magique ». Alors que je m’Ă©tais inquiĂ©tĂ© quant Ă  la perte de certaines de nos libertĂ©s. MĂŞme si je me suis rapidement « fait » Ă  cette nĂ©cessitĂ© des gestes barrières. Et Ă  un petit peu de discernement quand c’est possible. 

Mon « indiffĂ©rence » actuelle envers le PrĂ©sident Emmanuel Macron vient peut-ĂŞtre aussi du fait que, mĂŞme s’il prend la parole et essaie de paraĂ®tre comme celui qui reste le chef d’orchestre,  j’ai fini par considĂ©rer que la pandĂ©mie est depuis quelques mois devenue notre vĂ©ritable prĂ©sidente installĂ©e.

Une « PrĂ©sidente » Covid autour de laquelle sont très vite venus graviter quelques parasites, dont « notre » PrĂ©sident, alors qu’elle ne devait ĂŞtre que passagère. A la suite de cela, j’ai en quelque sorte « flouté » l’image de « notre » PrĂ©sident actuel, persuadĂ© de sa propre impuissance.

Mais j’ai sĂ»rement tort de banaliser Emmanuel Macron et celles et ceux qui gouvernent avec lui et les autres. Mon manque de clairvoyance Ă  leur sujet vient certainement du fait que je n’ai aucune compĂ©tence politique. Que je vis un peu au jour le jour et avec une  perspective assez limitĂ©e. Ce confinement et cette distanciation sociale ont des effets abortifs sur notre imaginaire.  Sauf pour certains qui continuent d’agir, d’entreprendre et de dĂ©cider. L’Ă©preuve du VendĂ©e Globe est lĂ  pour nous le rappeler. Si certains concurrents en tĂŞte peinent, Ă  certains moments, Ă  rĂ©cupĂ©rer le vent qui les fera avancer de nouveau, ils sont nĂ©anmoins toujours en mer, en avance sur d’autres. Et, lorsque le vent « rejaillit », ils sont, Ă  nouveau, bien plus avancĂ©s que d’autres qui traĂ®nent derrière.

Lorsque la pandĂ©mie du covid rĂ©gressera pour de bon, et que l’horizon se dĂ©gagera, on devrait voir apparaĂ®tre, installĂ©es Ă  des fonctions clĂ©, pour notre Ă©poque et notre sociĂ©tĂ©, certaines personnes que l’on avait jusque lĂ  ignorĂ©es ou sous-estimĂ©es. Ces personnes auront su profiter du contexte du Covid pour entreprendre ou bien se placer.

De mon cĂ´tĂ©, c’est parce-que, depuis Mi-Mars,  j’ai toujours respectĂ© les gestes barrières que je me suis autorisĂ© Ă  aller rencontrer Jean-Pierre chez lui ce samedi 21 novembre. Cela a Ă©tĂ© mon VendĂ©e Globe. Pour cela, il m’a suffi de dĂ©passer la distance kilomĂ©trique « autorisĂ©e » de un kilomètre autour de chez soi.  J’en avais besoin et j’Ă©tais inspirĂ©. Parce-que je me suis dit qu’en temps ordinaire, il aurait Ă©tĂ© plus Ă©tĂ© difficile d’obtenir aussi rapidement une telle rencontre avec Jean-Pierre, Ă  son domicile.

Dans ce « feu vert » qu’il m’a  donnĂ©, je mesure Ă  la fois la responsabilitĂ©, pour moi, de faire au mieux. Mais je me demande aussi, si moi-mĂŞme, il m’arrive de donner mon feu vert aussi facilement et aussi rapidement autour de moi. J’ai du mal Ă  le croire. 

 

Mais ce feu vert, oĂą cette autorisation, correspond aussi très bien Ă  Jean-Pierre. Car, comme on pourra le voir et l’entendre dans ces images, il est particulièrement vert. J’ai donnĂ© comme titre Ă  cette interview A Toute Ă©preuve. Je crois qu’il sera facile de comprendre la ou les raisons de ce titre.

Ps : je rappelle qu’une fois chez Jean-Pierre et Tina, après avoir obtenu leur accord pour l’interview, j’ai posĂ© mon camĂ©scope de poche sur la table et l’ai laissĂ© filmer tant qu’il pouvait (un peu plus d’une heure). L’interview n’Ă©tait pas prĂ©vue. Elle Ă©tait seulement vĂ©hiculĂ©e par ma tĂŞte dès que Jean-Pierre m’avait proposĂ© de venir chez lui pour acheter son livre Construire sa LĂ©gende. Mais encore fallait-il, une fois sur place, que lui et Tina acceptent l’interview. 

Lors de l’interview, Tina reste hors champ. J’estime que cela prĂ©serve sa tranquillitĂ©. Et, que, d’autre part, ses interventions- hors champ, donc- ajoutent une plus value Ă  l’interview. 

Franck Unimon, ce mercredi 25 novembre 2020. ( Pour regarder l’interview, cliquer sur le lien vimeo ci-dessous).

https://vimeo.com/482901714

 

 

Catégories
Corona Circus Croisements/ Interviews self-défense/ Arts Martiaux

Arts Martiaux : un article inspiré par Maitre Jean-Pierre Vignau

Jean-Pierre Vignau, chez lui, ce samedi 21 novembre 2020.

 

           Arts Martiaux : un article inspirĂ© par Maitre  Jean-Pierre Vignau

 

L’inconnu :

 

 Jean-Pierre Vignau, pratiquant d’Arts Martiaux au moins depuis 1958, Maitre (ou Sensei) depuis plusieurs dĂ©cennies  m’était inconnu il y a encore sept mois. Son Ă©cole d’Arts Martiaux, le Fair Play Sport, se trouve dans le 20 ème arrondissement de Paris.

Sur cette photo ci-dessus que j’ai prise chez lui ce samedi après-midi, Jean-Pierre Vignau a l’allure d’un gentil papy tranquille. Cela s’explique par le sens de l’accueil avec lequel sa femme Tina et lui m’ont reçu. Et, avant ça, cela s’explique aussi par le fait que lorsque cette photo a Ă©tĂ© prise, nous en Ă©tions Ă  la fin de notre rencontre. D’abord, je suis convaincu qu’avant mĂŞme que je ne me dĂ©place pour venir chez lui, qu’il savait dĂ©ja que je n’Ă©tais pas un ennemi. Je crois que certaines personnes savent « lire » ou percevoir les rĂ©elles intentions de celles et ceux qui les entourent et les sollicitent.

 

Il est quantitĂ© de gens qui se pensent douĂ©s et perspicaces lorsqu’il s’agit de dĂ©coder ou de jauger les autres et qui s’illusionnent. Je ne mettrais Jean-Pierre ni dans cette catĂ©gorie de personnes et encore moins dans cette illusion. Pourtant, j’Ă©tais dĂ©tendu en sa prĂ©sence. Et,  je me suis rendu chez lui et sa femme en toute confiance. L’arme posĂ©e sur la table Ă  cĂ´tĂ© de lui n’est pas un objet de dĂ©coration que Jean-Pierre aurait achetĂ©e dans une brocante pour se faire plaisir. Pas plus qu’elle n’est lĂ  pour ouvrir le courrier des factures d’Ă©lectricitĂ© ou afin d’Ă©plucher les pommes de terre pour faire des frites. Jean-Pierre est allĂ© la chercher pour m’illustrer le mot d’une arme que je ne connaissais pas. Pour avoir un peu eu cette arme dans la main, je peux certifier qu’elle pèse son poids. Ce n’est pas du liège. Ni un jouet en aluminium. 

Jean-Pierre Vignau est «  9ème Dan I.B.A Hanshi Â». Je l’écris parce-que j’ai l’information sous les yeux lors de la rĂ©daction de cet article. Car le grade du Maitre a une importance formelle et est aussi un gage de lĂ©gitimitĂ© officielle. L’équivalent d’un « diplĂ´me Â» reconnu. MĂŞme si un grade, ou un Dan, est sĂ»rement plus qu’un diplĂ´me. Ce n’est pas son nombre de Dan, pourtant, qui m’a donnĂ© envie d’aller vers Jean-Pierre Vignau.

 

Son interview par LĂ©o Tamaki – dans le numĂ©ro 7 du magazine Self & Dragon– m’a appris son existence.

MalgrĂ© la petite faute de frappe sur le nom, il s’agit bien du mĂŞme homme que celui que j’ai pris en photo. Sauf qu’il est lĂ  en pleine dĂ©monstration.

 

Avant notre premier confinement, en fĂ©vrier, j’avais eu la possibilitĂ© de dĂ©couvrir un cours de Self-DĂ©fense dispensĂ© par Sifu Roger Itier, que je rencontrais pour la première fois. La seule fois Ă  ce jour. Mais quelques semaines après cet essai, qui m’avait plu, une certaine douleur persistante m’avait obligĂ© Ă  me rendre Ă  cette  Ă©vidence : Je m’étais blessĂ© et j’allais devoir en passer par un kinĂ©. Puis, le premier confinement dĂ» Ă  la pandĂ©mie du Covid-19, ses fermetures, ses peurs et ses inconnues,  Ă©tait arrivĂ© mi-Mars.

 

Par chance, près de mon travail, se trouve un centre de presse resté ouvert pendant le confinement. Centre où j’ai pris l’habitude de me procurer des journaux relatifs aux actualités. Et où, en prenant le temps de passer dans les rayons, j’ai aperçu les magazines Yashima, Self & Dragon, Taichi Chuan mais aussi Self & Dragon Special Aikido.Inspiré par un certain besoin d’Arts Martiaux, j’ai commencé à acheter régulièrement leurs numéros.

 

J’avais entendu parler de Roger Itier, Maitre en Arts Martiaux chinois, en suivant deux ou trois ans plus tĂ´t une formation Massage bien-ĂŞtre au centre Tao situĂ© dans le 19ème arrondissement. Formation que j’ai « terminĂ©e Â» Ă  ce jour. Lors de cette formation, de façon plus ou moins intuitive, influencĂ© sans doute par mes prĂ©cĂ©dentes expĂ©riences  sportives, erreurs incluses, j’avais commencĂ© Ă  percevoir l’importance du souffle. On nous avait sensibilisĂ© Ă  l’importance de nos gestes, de notre rythme, de notre prĂ©sence, mais aussi du placement comme du balancement de notre corps dans l’espace par rapport Ă  l’autre. Afin d’éviter de nous Ă©puiser le moins possible. Mais aussi, afin de ne pas nous faire du mal Ă  nous-mĂŞmes. La personne qui pratique le massage pour le bien-ĂŞtre d’autrui est aussi supposĂ©e faire attention Ă  sa personne lorsqu’elle pratique.  Je crois que l’on peut retrouver ça dans un Art Martial.

 

Pendant cette formation massage bien-être, j’avais été étonné de finir par comprendre que dans bien des pratiques sportives, et depuis des années, ne serait-ce que pour faire de simples étirements, peu d’attention était apportée à notre respiration. A travers le sport, trop de fois, notre rapport au corps est un rapport raide, brutal et mécanique. Machinal. Il est plus que courant de voir des sportives et des sportifs tirer sur des extrémités de leur corps sans y penser et sans tenir compte de leur respiration après ou avant une séance d’entraînement. On leur a dit ou ils ont appris qu’il faut faire ça, alors, elles et ils font ça. J’ai fait partie de cette population. Et j’en fais sûrement encore partie.

J’ai pris du temps pour m’apercevoir que la plus grande partie des Ă©tirements que nous « faisons Â» dĂ©coule souvent de postures de yoga oĂą savoir bien respirer est indispensable.

 

Si ce comportement que nous avons adoptĂ© envers notre corps et notre respiration a d’abord des incidences telles que des blessures diverses – physiques et morales-  par entĂŞtement, nĂ©gligence, imprudence ou ignorance, ce comportement a aussi des retombĂ©es sur nos rapports avec les autres comme avec le monde. Mais j’écris ça maintenant. Je n’ai pas racontĂ© tout ce bla-bla Ă  Roger Itier ce jour oĂą je l’avais rencontrĂ©. Lui, il savait dĂ©jĂ  tout ça largement.

 

J’ai fait mon essai. A la fin du cours, je me suis rhabillĂ© après avoir pris le temps de me doucher et de discuter. Je me suis ensuite aperçu que je m’étais blessĂ©. Le confinement est arrivĂ©. Et, lĂ , j’ai fait comme tout le monde. A ceci près que j’ai fait partie de celles et ceux qui ont continuĂ© de se rendre Ă  leur travail comme si «  de rien n’était Â» pendant la première vague du Covid. Puisque ma profession de soignant fait partie des professions en activitĂ© tous les jours de l’annĂ©e et sur toutes les « branches Â» horaires de jour comme de nuit. Et, durant le premier confinement, donc, après mes nuits de travail, le centre de presse a en quelque sorte remplacĂ© la mĂ©diathèque de ma ville.

 

 

Dans le Self & Dragon numĂ©ro 7,  LĂ©o Tamaki m’avait permis de dĂ©couvrir Jean-Pierre Vignau. LĂ©o Tamaki, aussi, m’était inconnu. Aujourd’hui, je peux Ă©crire son prĂ©nom et son nom de tĂŞte car je me suis dĂ©sormais un peu mieux familiarisĂ© avec eux. Je « sais Â» que LĂ©o Tamaki est un Maitre d’AĂŻkido, qu’il a Ă©tĂ© un Ă©lève de Jean-Pierre Vignau,  qu’il travaille, aussi,  en tant que journaliste, pour le magazine Yashima. Qu’il tient un blog. Qu’il a créé son Ă©cole d’AĂŻkido, KinshikaĂŻ. Et que plus de deux cents jours par an, de par le monde, il dispense des cours d’AĂŻkido.

 

Mais soyons- Ă  peu près- concis :  

 

A mesure que je parcourais ces divers magazines traitant des arts martiaux asiatiques,   j’apprenais l’existence d’un certain nombre de Maitres d’Arts Martiaux semblant, d’un seul coup, sortir d’une mĂŞme boite tels ces automates meurtriers d’allure enfantine dans l’adaptation cinĂ©matographique de l’œuvre de Philippe K.Dick : Planète Hurlante.

 

 

 

Sauf que ces Maitres d’Arts martiaux ne criaient pas sur le papier. C’était principalement des hommes. Asiatiques ou occidentaux. La plupart avaient Ă  leur actif vingt Ă  trente annĂ©es, en moyenne, de pratique cumulĂ©e dans diffĂ©rentes disciplines martiales.  Plusieurs de ces pratiquants Ă©taient des Maitres enseignant depuis plusieurs dĂ©cennies.  Jean-Pierre Vignau fait partie de ces « derniers Â».

Un certain nombre de ces Maitres Ă©taient passĂ©s ou enseignaient dans des villes, Paris et des villes de la banlieue parisienne par exemple, oĂą je ne comptais plus mes allĂ©es et venues. Et, moi, « amateur Â» d’Arts Martiaux depuis des annĂ©es, plutĂ´t sportif, Ă  peu près ouvert et curieux, attachĂ© Ă  une certaine polyvalence, j’étais passĂ© Ă  cĂ´tĂ©.

 

C’était Ă  se demander oĂą j’avais vĂ©cu, par quelles vitrines je m’étais laissĂ© happer et, aussi, qui j’avais rencontrĂ© pendant toutes ces annĂ©es.  

 

Je sais avoir fait et continué de faire des rencontres importantes en dehors des Arts Martiaux.

 

Pourtant, plusieurs fois, en lisant Yashima, Self & Dragon, Self & Dragon spĂ©cial AĂŻkido, TaĂŻ Chi Chuan ou TaĂŻ Chi Mag, j’ai eu le sentiment d’avoir ratĂ© une partie de ma vie.  En « occultant Â» tous ces Maitres et tous ces enseignements dont j’entrevoyais les traits -au travers de persiennes – dans ces articles que je lisais.

 

Si tout dans la vie peut être Art Martial et que la pratique d’un Art Martial ne se résume par à la satisfaction ressentie dans un dojo ou sur un tatamis, il y a quand même, pour moi, un sentiment de gâchis, dans le fait d’avoir ignoré des personnes (Maitres, pratiquantes et pratiquants d’Arts Martiaux) pendant tant d’années.

 

 

 

Aujourd’hui, si je cite Conor McGregor, vedette du MMA prĂ©sentĂ© par Google comme un « pratiquant d’Art Martial Â» ou Aya Nakamura, il y a des chances pour qu’une certaine partie de la jeunesse masculine et fĂ©minine de France sache de qui je parle. Il y a une vingtaine d’annĂ©es, les « Ă©quivalents Â» de Conor McGregor avaient aussi une certaine notoriĂ©tĂ©. Les Gracie, FĂ©dor Emelianenko, Bertrand Amoussou, JĂ©rome Le Banner, Gilles Arsène, Andy Hug et d’autres concernant le MMA et l’UFC.  Et, n’oublions pas dans le registre de la boxe, Mike Tyson. Je les « connaissais Â» eux et d’autres : j’avais vu des vidĂ©os ou lu Ă  leur propos.

 

Photo prise Ă  la gare de Paris St Lazare, ce 25 novembre 2020.

 

Si je cite Aya Nakamura, plus chanteuse de son Ă©tat que combattante de MMA, mĂŞme si l’on peut comparer son succès mĂ©diatique et ses punchlines  Ă  ceux de certaines vedettes de MMA, c’est parce-que, comme Conor McGregor, ses vidĂ©os sur Youtube ou sur les rĂ©seaux sociaux totalisent gĂ©nĂ©ralement beaucoup plus de vues, et de loin, que les vidĂ©os montrant Jean-Pierre Vignau ou d’autres Maitres d’Arts Martiaux en dĂ©monstration sur youtube.

 

C’est un peu l’histoire du Blues ou du Jazz, ou d’une « quelconque Â» musique ou Ĺ“uvre artistique, par exemple, qui se rĂ©pète. Aujourd’hui, des grandes vedettes de Rock, de Pop ou de Rap doivent beaucoup Ă  leurs aĂ®nĂ©s du Blues ou du Jazz. Pourtant, ce sont les vedettes de Rock de Pop ou de Rap dont on connaĂ®t le plus les Ĺ“uvres, les spectacles, l’image ou le succès. Et ce sont leurs concerts qui affichent complet dans des salles gigantesques dont le prix d’accès peut ĂŞtre excessif tandis que les plus « anciens Â» et les moins « people Â» jouent dans des salles plus modestes pour des sommes pouvant ĂŞtre deux Ă  trois fois moins Ă©levĂ©es. Aujourd’hui, la pandĂ©mie du Covid, sorte d’ogre sanitaire qui annihile et dĂ©vore nos volontĂ©s, empĂŞche les concerts. Mais lorsqu’il se sera un peu Ă©loignĂ©,  de mĂŞme que la menace terroriste, on peut s’attendre Ă  ce que, pour compenser, beaucoup d’entre nous aurons besoin de se distraire dans toutes formes de rĂ©jouissances et de festivitĂ©s immĂ©diates et extĂ©rieures. Dont des concerts et des festivals.  

 

J’aime Ă©couter la musique d’Aya Nakamura comme il m’est arrivĂ© de regarder des combats de Conor McGregor et d’autres combattants ou d’aller Ă  des concerts et des festivals. Je m’étonne simplement d’avoir pu ĂŞtre en partie captivĂ© par une certaine partie du « spectre Â» des possibilitĂ©s qui nous est offert en permanence sur internet ou ailleurs. Au dĂ©triment des Arts Martiaux par exemple. Parce-que, je me crois et me croyais assez ouvert.

 

C’est ouvert :

 

 J’avais entendu parler de Maitre Henry PlĂ©e de son vivant (celui-ci est dĂ©cĂ©dĂ© en 2014 Ă  l’âge de 91 ans).  J’ai pratiquĂ© un peu de judo. J’ai lu, il y a une vingtaine d’annĂ©es, La Pierre et le Sabre d’ Eiji Yoshikawa, roman inspirĂ© de la vie de Miyamoto Musashi. Une fois, dans ma vie, grâce Ă  une amie, je suis allĂ© au Japon. C’était en 1999, l’annĂ©e de la sortie du film Matrix des frères Wachowski, avant qu’ils ne deviennent deux femmes, film que j’avais tenu Ă  aller revoir au Japon dans une salle de cinĂ©ma. Avec cette amie, j’étais allĂ© assister Ă  un tournoi de Sumo Ă  Tokyo.

 

Comme nous le savons, nous disposons aujourd’hui d’un très grand accès- quasiment illimité- à l’information et aux connaissances.

Mais tout dĂ©pend de ce que nous cherchons.  Et comment nous le cherchons. Nous disposons de plus en plus facilement « d’armes Â» de plus en plus puissantes. Mais nous rĂ©gressons peut-ĂŞtre de plus en plus concernant la Maitrise de nos Ă©motions, de nos jugements comme de nos actions. Nous manquons peut-ĂŞtre, de plus en plus, d’éducation. Me concernant, par exemple, il est Ă©vident que si, aujourd’hui, je retournais au Japon, que j’irais y chercher autre chose qu’il y a une vingtaine d’annĂ©es. Et ce serait sans doute pareil pour les autres destinations oĂą je me suis dĂ©jĂ  rendu de par le passĂ©.

 

Mais si nous sommes de plus en plus agressifs envers les autres et envers nous-mĂŞmes, c’est sans doute, aussi, parce-que, dans le fond, malgrĂ© les  « progrès Â»,  notre sentiment d’insĂ©curitĂ© personnel a  Ă©galement augmentĂ©.

 

 

Ma rencontre ce week-end avec Jean-Pierre Vignau est peut-ĂŞtre une tentative de dĂ©but de rĂ©ponse Ă  cette question :

 

Qu’est-ce qu’un Maitre ?

 

 

Qu’est-ce que l’on recherche chez lui ?

 

Est-ce celle ou celui auquel on se soumet parfois ou souvent aveuglement, jusqu’à l’étranglement, en l’échange d’un peu de (sa) protection ?  

 

Est-ce celle ou celui qui nous permet de devenir rĂ©sistants et autonomes quelles que soient les difficultĂ©s ou les handicaps que nous rencontrerons dans la vie ?

 

Pour certains, Le Maitre est celui qui vous forme, qui vous dĂ©livre un permis de tuer et d’intimider qui sera le moyen de devenir cĂ©lèbre en mĂŞme temps que meurtrier et terroriste.  Ou mercenaire. Je ne recherche pas ce genre de Maitre. J’ai « lu Â» cependant que Jean-Pierre Vignau avait Ă©tĂ© un temps, mercenaire.

 

Pour d’autres, le Maitre ou la Maitresse est celle ou celui qui vous isole et vous protège du Monde comme de tous ses dangers et de ses perversitĂ©s et vous «  aide ( ?!!) Â» Ă  vous en « purifier Â» en vous sĂ©parant de toutes vos possessions matĂ©rielles, spirituelles mais aussi de vos vies relationnelles acquises dans notre Monde « malsain Â». Ce n’est pas pour moi.

Pour d’autres, le Maitre ou la Maitresse est celle ou celui qui vous promettra un Etat militaire et policier. La paix dans les rues. La torture et la censure derrière les murs. Je ne veux pas de ce genre de Maitre, non plus.

 

Il est aussi des Maitres et des Maitresses qui acquièrent une très forte position sociale et Ă©conomique qui se mesure aussi Ă  l’étendue des possessions matĂ©rielles. Disposer d’une voiture luxueuse, d’un château ou d’une villa Ă  montrer ne m’a pas conquis. Cette « absence Â» d’ambition, dans un monde oĂą avoir des « relations Â»  peut ĂŞtre bien plus avantageux que les compĂ©tences et la bonne volontĂ© m’a sĂ»rement desservi. Mais cela n’empĂŞche pas d’apprendre et de s’en tenir Ă  certaines prioritĂ©s :  

 

On ne « voit Â» pas un Maitre ou une Maitresse dans une vidĂ©o, sur un site ou dans un article. On les rencontre. Au mĂŞme titre que si l’on se contente de voir sa vie plutĂ´t que de l’expĂ©rimenter, on se contente alors de l’envisager. Tel le fumeur de shit devant son joint,  le buveur devant son verre, l’escroc devant sa combine,  le tueur devant son arme, l’agresseur devant sa victime.

 

L’exigence vis-Ă -vis de soi mĂŞme :

 

Si je suis exigeant envers moi-même, Jean-Pierre Vignau l’est sans doute encore beaucoup plus envers lui-même. Et depuis bien plus longtemps que moi.

 

C’est sans doute, pour moi, une des différences nécessaires entre un Maitre et un élève. Et c’est parce-que cette différence se perçoit concrètement que se créent l’autorité, la légitimité et l’écoute du Maitre.

 

Si certaines valeurs aujourd’hui se « perdent Â» ou semblent se perdre, c’est peut-ĂŞtre, aussi,  parce qu’elles sont d’un cĂ´tĂ© rĂ©servĂ©es, telles des places de parking, Ă  quelques titulaires avant mĂŞme leur naissance. Tandis que ces mĂŞmes valeurs continuent d’être livrĂ©es telles des jolies phrases ou des emballages sous vide Ă  d’autres qui doivent se contenter de parpaings pour sommiers lorsqu’ils s’endorment le soir. Après que ces derniers se soient faits « arnaquer Â» un certain nombre de fois, certains d’entre eux finissent par se mĂ©fier de tout y compris des meilleures volontĂ©s qu’ils rencontrent peut-ĂŞtre trop tard.

 

Il y a aussi des histoires de « clan Â» peut-ĂŞtre de plus en plus ancrĂ©es. Des histoires et des croyances hĂ©rĂ©ditaires qui guident, qui brident, et qui nous disent que lorsque l’on fait partie d’un clan, d’un quartier ou d’une famille, qu’il est impossible de faire partie d’un autre ou de plusieurs autres. Mais il y a peut-ĂŞtre aussi cette revendication identitaire jusque-boutiste et suicidaire  qui consiste Ă  vouloir absolument retrouver ailleurs ce que l’on vit et pense tous les jours chez soi. MĂŞme si on y tourne en rond et que cela nous dĂ©truit, nous et notre entourage.

 

On choisit de rencontrer une Maitresse ou un Maitre plutôt qu’un (e ) autre selon là où on est. Parce qu’elle ou lui nous semble la personne la plus crédible mais aussi la plus accessible et la mieux disponible pour nous aider à nous éloigner ou nous sortir de certaines impasses.

 

Une Maitresse ou un Maitre est une personne exigeante. Lorsque l’on se prĂ©sente devant elle ou lui, nous venons avec nos aptitudes, notre potentiel mais, aussi, avec certaines  attitudes et ignorances qui nous maintiennent dans une certaine incomplĂ©tude. Nos ambitions et la façon que nous avons de nous percevoir font aussi partie de nos habitudes et de nos ignorances.

 

L’exigence, l’exemple, autant que l’empathie, la persévérance, l’optimisme mais, aussi, l’autocritique font, selon moi, partie de la panoplie du Maitre. Même si, bien-sûr, toute Maitresse et tout Maitre est aussi un être humain avec ses faiblesses. Et que si certains Maitres ont plus de réussite avec certains élèves, certains élèves ont aussi plus de réussite avec certains Maitres.

 

Dans son interview, lors de notre rencontre,  Jean-Pierre Vignau le dit :

 

« Mon but, c’est de dĂ©courager… Â». Et, il explique que, pendant les trois premières annĂ©es de pratique, il s’emploie Ă  dĂ©courager l’élève. Cela a de quoi intimider. Trois ans, dans notre vie oĂą beaucoup doit ĂŞtre obtenu rapidement ou aller vite, c’est très long.

 

J’ai connu un kinĂ© sportif, il y a plusieurs annĂ©es, qui m’avait presque tenu les mĂŞmes propos que Jean-Pierre Vignau. Il m’avait expliquĂ© que lorsqu’un sportif venait le voir pour une rééducation, il le mettait « minable ! Â» pendant les sĂ©ances. Mais qu’en contrepartie, celui-ci se remettait sur pied. Dans d’autres expĂ©riences, on peut retrouver ce genre d’exigence. On peut bien-sĂ»r penser Ă  l’armĂ©e. Mais aussi Ă  une Ă©cole prestigieuse rĂ©servĂ©e Ă  une Ă©lite. Pour moi, une Ă©lite, cela peut ĂŞtre aussi bien une très bonne Ă©cole de menuiserie, de pâtisserie, de boulangerie, de mĂ©canique ou de cuisine. Pas uniquement une Ă©cole d’intellos. L’intellect, le fait d’avoir une certaine aisance pour le verbe, la culture, les concepts et la thĂ©orie,  mĂŞme si j’y souscris, cela ne fait pas tout.

 

On peut s’inscrire dans un club d’art martial sans faire partie d’une élite. On peut être un modèle sans être un intello.

 

Dans son livre, paru en 2016, La Fabrique du Monstre, (10 ans d’immersion dans les quartiers nord de Marseille, parmi les plus inĂ©galitaires de France) que je suis en train de lire, le journaliste Philippe Pujol nous explique que certains- une minoritĂ©- sont prĂŞts Ă  vendre du shit, Ă  faire des braquages mais aussi Ă  tuer pour… « rĂ©ussir Â» Ă  exister socialement de façon expresse. Rapidement. MĂŞme si leur vie et celle des autres autour d’eux doit ĂŞtre courte.

 

Jean-Pierre Vignau, pour exigeant qu’il soit, est le contraire d’un Monstre. Dans l’interview que je fais de lui, on pourra ainsi entendre, Ă  un moment donnĂ©, le  peu d’estime qu’il peut se porter.

 

« Analphabète jusqu’à ses 28 ans Â», il fait partie de celles et ceux qui ont beaucoup vĂ©cu, beaucoup vu et entendu, qui continuent de pratiquer et qui, selon moi, sont un exemple. D’abord, parce qu’ils sont toujours vivants. Ensuite, parce-que, si l’on vient les rencontrer avec les « bonnes Â» intentions, simplicitĂ© et honnĂŞtetĂ©, je crois que ces gens-lĂ , nous recevrons bien et ne nous raconterons pas de bobards. MĂŞme si, et c’est normal, ils garderont leurs secrets. Car Les secrets s’éliminent Ă  mesure que l’on fait ses preuves. Or, on peut mourir sans jamais faire ses preuves. Comme on peut passer Ă  cĂ´tĂ© d’elles toute notre vie durant.

 

Construire sa légende

 

Le numĂ©ro de tĂ©lĂ©phone portable de Jean-Pierre Ă©tait notĂ© en bas de l’annonce pour son club, Fair Play– dans le 20ème arrondissement de Paris- Ă  la fin du magazine Self-DĂ©fense. Je crois ĂŞtre passĂ© devant son club l’annĂ©e dernière en me rendant pour la première fois chez un ami. Je vĂ©rifierai.

 

Lorsque la semaine dernière,  j’ai composĂ© le numĂ©ro de tĂ©lĂ©phone de Jean-Pierre la première fois, je pensais tomber sur un rĂ©pondeur. J’ai eu Jean-Pierre directement. J’avais lu qu’il dĂ©dicaçait son dernier ouvrage, Construire sa LĂ©gende, paru en 2020.

 

C’était il y a plus d’un mois. Je me rappelle que dans le magazine Self & Dragon, Vignau rĂ©pondait Ă  un moment donnĂ© Ă  LĂ©o Tamaki :

 

« Moi, pour certaines personnes qui pratiquent le KaratĂ©, je fais partie des malades mentaux. Je pratique et j’enseigne des techniques qui se rapprochent de la rĂ©alitĂ©, mais en les dosant Ă©videmment». (page 28 de Self & Dragon numĂ©ro 7). Ce genre de propos ainsi que le reste m’ont sans doute parlĂ©.

 

Lorsque je l’ai appelĂ©, j’en Ă©tais Ă  l’étape oĂą je cherchais la rencontre. Après ĂŞtre restĂ© des annĂ©es sous cloche en quelque sorte. La rencontre des Maitres. Mais aussi celle de la vie loin du Covid et du second confinement que nous «connaissons Â». Ou que nous apprenons Ă  connaĂ®tre :

 

Au nom du Covid, nous acceptons un certain mode de vie que nous aurions refusĂ© il y a encore quelques mois. Cette semaine, en partant chercher ma fille au centre de loisirs, j’ai croisĂ© la mère d’un de ses copains. Celle-ci, comme nous, quittait le centre de loisirs avec son fils et sa fille. Une fois en dehors du centre de loisirs, cette mère, infirmière comme moi (elle, en soins somatiques, moi en pĂ©dopsychiatrie) avait très vite retirĂ© son masque et l’avait fait enlever Ă  ses enfants. Elle m’avait expliquĂ© :

 

« Dès que je peux, je leur fais retirer leur masque ! Â». A cĂ´tĂ© d’elle, moi, qui, il y a encore un mois, acceptais tranquillement de sortir avec ma fille sans que celle-ci porte un masque anti-covid, jusqu’à ce que l’école et le centre de loisirs rendent son port obligatoire, j’ai confessĂ©, plutĂ´t penaud :

 

« Moi, je ne sais plus ce qu’il faut faire… Â». J’approuvais totalement la rĂ©action de cette mère et « collègue Â». Mais je considĂ©rais aussi que cela ne pouvait pas faire de « mal Â» Ă  ma fille- vu qu’elle entendait parler du Covid depuis des mois- de garder son masque jusqu’à la maison. Sauf qu’imposer le masque sur le visage Ă  nos enfants lorsque cela est injustifiĂ©, c’est comme leur poser sur le visage l’équivalent d’une muselière. Et, dĂ©jĂ , d’une certaine façon, dès leur plus jeune âge et avec notre complicitĂ©, c’est leur apprendre Ă  ĂŞtre dociles voire imbĂ©ciles. Ou Ă  devenir, plus tard, des enragĂ©s.

 

Me refuser à ma part imbécile

 

Lorsque Jean-Pierre Vignau m’a proposĂ© de venir chez lui pour lui acheter son livre au lieu de le commander sur internet, j’ai aussitĂ´t acceptĂ©.  Cela signifiait sans doute aussi pour moi que je pouvais, encore, jusqu’à un certain point, me refuser Ă  ma part imbĂ©cile.

Je m’en serais voulu si j’avais refusĂ© ou si j’avais prĂ©fĂ©rĂ© commander son livre comme une pizza  sur internet.

 

J’étais serein en prenant la route. Ma compagne était à la maison avec notre fille. Je n’avais pas à penser à l’heure du retour pour aller chercher notre fille à la sortie de l’école ou du centre.

 

A mon arrivée, je me suis garé devant le domicile d’un des voisins de Jean-Pierre.

Jean-Pierre m’a proposé de me garer dans l’enceinte de son parking extérieur. Il m’a guidé alors que j’effectuais ma marche arrière. En sortant de ma voiture, j’avais mis mon masque anti-Covid. Lui, m’a d’emblée reçu à visage découvert. Sa femme Tina, aussi. Lorsque j’ai abordé le sujet du masque avec Jean-Pierre, celui-ci m’a rapidement fait comprendre que je pouvais enlever le mien.

 

En me tenant à distance bien-sûr, j’ai donc enlevé mon masque. C’est de cette façon que la rencontre s’est faite. Si je crois bien-sûr que l’on peut se dire beaucoup avec nos yeux, il était pour moi inconcevable de garder mon masque, donc de cacher mon visage, alors que Jean-Pierre et Tina, qui me voyaient pour la première fois, et étaient sans masque, m’admettaient chez eux.

 

 Cette interview, samedi après-midi, Ă©tait informelle. Quelque peu improvisĂ©e. Si, officiellement, je venais acheter le dernier livre de Jean-Pierre, c’est une fois sur place que je lui ai demandĂ© si je pouvais filmer pour mon blog. Bien-sĂ»r, dès qu’il m’a proposĂ© de venir chez lui, je me suis dit que je me devais de l’interviewer.

 

Jean-Pierre en a parlĂ© Ă  son Ă©pouse. J’ai obtenu leur accord. Jean-Pierre Ă©tait dĂ©jĂ  assis. J’ai posĂ© mon camĂ©scope de poche, l’ai allumĂ© et l’ai laissĂ© filmer comme ça venait. Tant qu’il pouvait.  J’ai effectuĂ© deux incises dans le montage. Mes remarques auraient pu ĂŞtre mieux prĂ©parĂ©es et l’on m’entend moyennement lorsque je parle. J’aurais prĂ©fĂ©rĂ©, idĂ©alement, avoir une meilleure Ă©locution, moins bafouiller. En somme, lorsque je regarde et Ă©coute ces images, j’aurais aimĂ© mieux faire l’acteur et le comĂ©dien.  Maquiller mes interventions afin que ça passe « mieux Â» comme dans un clip d’Aya Nakamura ou lors d’une provocation de Conor McGregor sans doute. Mais je n’étais pas venu pour fabriquer mon rĂ´le ou pour tourner mon clip. Et,  on entend très bien les rĂ©ponses, fournies, de Jean-Pierre comme celles de sa femme. Donc, pour moi, le principal est prĂ©sent et bien audible.

 

 

Cela a duré un peu plus d’une heure. L’interview en images s’arrête brutalement mais je crois qu’il y a suffisamment de matière. Quel que soit ce que ce que j’ai été capable de retenir de ces moments, je suis persuadé d’avoir appris quelque chose ce samedi. Par exemple, en reprenant aujourd’hui cet article depuis le début pour la quatrième fois, je sais y avoir incorporé des idées qui m’ont été inspirées par notre rencontre il y a maintenant deux jours (trois jours maintenant). Et d’autres arriveront sans doute après la publication de cet article et de cette interview.

 

Je n’ai pas encore lu le dernier livre de Jean-Pierre, Construire sa lĂ©gende.

 

Dans le numĂ©ro 9 du magazine Yashima d’octobre 2020, page 8,  LĂ©o Tamaki mentionne la biographie de Jean-Pierre Vignau, Corps d’acier  (je l’ai achetĂ©e d’occasion via le net) . Ainsi que le documentaire Le maĂ®tre et le batard qui lui est consacrĂ©. L. Tamaki encourage surtout Ă  « un moment de pratique avec lui Â» ( Jean-Pierre Vignau).

LĂ©o Tamaki prĂ©sente Jean-Pierre Vignau comme «  simple et direct Â». C’est ce Ă  quoi je m’attendais. Et c’est ce que j’ai vĂ©cu et qui se retrouve, je crois, dans ce que mon camĂ©scope, qui a sa vie propre, a filmĂ©.  

 

Je suis convaincu que Jean-Pierre et Tina, samedi après-midi, m’ont donné quelque chose.

 

J’espère, Ă©videmment, que cet article et, plus tard, la vidĂ©o de mon interview leur rendra la pareille. Ainsi qu’à d’autres. Pour l’instant, mon ordinateur « rame Â» pour exporter ce que j’ai filmĂ©. C’est peut-ĂŞtre mieux comme ça pour le moment. En attendant, je publie dĂ©jĂ  cet article. Parce-que je pense qu’il prĂ©pare un peu Ă  l’interview filmĂ©e de Jean-Pierre. Et, peut-ĂŞtre, je le souhaite, parce qu’il contribuera un peu, Ă  bien ou mieux apprĂ©hender les Arts Martiaux d’une certaine façon.  

 

Cet article est long. Peut-ĂŞtre trop long. Il dĂ©couragera sans doute un certain nombre de lectrices et de lecteurs. Mais sa longueur est peut-ĂŞtre aussi une forme de « protection Â» contre ce Big Bang permanent du « clash et du buzz Â» qui constelle et Ă©parpille dĂ©sormais  nos existences. Big Bang dont tout et n’importe quoi peut sortir Ă  n’importe quel moment. Le pire comme le meilleur. Alors que si je parle- un peu- d’Arts Martiaux, je tiens particulièrement Ă  ce que ce soit le meilleur qui ressorte et qui soit retenu par celles et ceux qui liront cet article et qui verront- ou non- l’interview de Sensei Jean-Pierre Vignau lorsque je la posterai.

 

Franck Unimon, ce mardi 24 novembre 2020.

 

 

Catégories
Argenteuil Corona Circus self-défense/ Arts Martiaux

M

 

                                                               M

Je devrais ĂŞtre couchĂ©. Il est cinq heures du matin. Je « dormais Â». J’ai bien des lâchetĂ©s et bien des faiblesses. Mais lorsque j’ai un texte ou un article Ă  Ă©crire, je me lève. C’est l’avantage de ces mĂ©langes entre le sommeil et les pensĂ©es : cela nous met des phrases dans la tĂŞte.

Ensuite, c’est à nous qu’il revient de choisir. Nous censurer et nous rendormir. Ou nous lever et les exprimer.

 

 

Ce n’est pas la première fois que je me lève en pleine nuit. Ou en plein jour.

 

 

Nous avons revu M, sans doute cet Ă©tĂ©, dans son nouvel appartement.  Dans une nouvelle ville. Avec son nouveau compagnon. Et son second enfant. Nous la voyons beaucoup moins qu’avant lorsqu’elle habitait dans la mĂŞme ville que nous.

 

Auparavant, il nous arrivait de nous croiser près de la gare d’Argenteuil lorsqu’elle revenait du travail ou dans la ville, carrément. M fait partie de ces personnes que l’on pouvait rencontrer dans une des rues d’Argenteuil en allant faire une course. Il suffit que deux ou trois personnes de ce profil s’en aillent pour que, très vite, on se sente plus seuls dans une ville. E, par exemple, travaillait à la médiathèque du Val d’Argenteuil. Mais je l’avais connue au club de boxe française où, pendant un temps, elle avait été assidue.

 

VoilĂ©e, convertie Ă  l’Islam, et alors cĂ©libataire, E  habitait encore plus près de chez nous. Je la croisais rĂ©gulièrement dans la ville Ă©galement. Ou Ă  la mĂ©diathèque oĂą, hilare, elle prolongeait facilement la durĂ©e de mes prĂŞts. Pour nous saluer, nous nous serrions la main. Nous rigolions et discutions bien ensemble, en toute intelligence.

 

Puis, un jour, j’ai Ă  peine reconnu E. Elle s’avançait en direction de la gare alors que je m’en Ă©loignais. MaquillĂ©e, dĂ©voilĂ©e, portant une jupe, E s’était sĂ©parĂ©e de l’Islam. Elle m’avait fait la bise.

En quelques mots, elle m’avait racontĂ© s’être faite « humilier Â» en tant que femme lors de sa pratique de l’Islam. Depuis, elle s’était mise en couple avec quelqu’un qu’elle connaissait depuis des annĂ©es. Peu après, E a quittĂ© Argenteuil pour le VĂ©sinet ou Chatou oĂą elle a retrouvĂ© un emploi de bibliothĂ©caire.

 

Ensuite, elle est devenue mère. Aujourd’hui, elle a deux enfants et vit avec son compagnon à la Rochelle d’où, de temps à autre, elle envoie des photos qui donnent envie. Un jardin, un potager, de l’espace, la mer.

 

 

Avant, je rencontrais K, aussi. Comédienne, metteure en scène, prof de théâtre. Elle et moi, nous étions rencontrés en thérapie de groupe, à Argenteuil. A une époque, où, après une énième rupture amoureuse, je m’étais dit qu’une thérapie s’imposait.

K, aussi, a quitté Argenteuil avec son compagnon et père de leurs deux enfants. Pour Cormeilles en Parisis. C’est plus près que la Rochelle. Mais on se voit beaucoup moins. Peut-être une fois par an. Quand je me rends à la journée des associations d’Argenteuil qui se déroule chaque année sur le parking de la salle des fêtes Jean Vilar ainsi que dans la salle des fêtes Jean Vilar. Laquelle salle des fêtes Jean Vilar est menacée d’être détruite. Le maire Georges Mothron et son équipe ont pour projet de mettre à la place un hôtel de luxe, quelques commerces, dont une Fnac, ainsi qu’une salle de cinéma afin de rendre la ville plus attractive. Si ce projet se réalisait, la librairie Presse Papier (restée ouverte malgré le confinement) située à l’entrée de la ville serait aussitôt concurrencée par la Fnac. Et le centre culturel Le Figuier Blanc, qui projette des films, pourrait l’être par la salle de cinémas.

 

 

K m’a un jour rĂ©pondu avoir quittĂ© Argenteuil car elle en avait « marre Â» des pauvres. Ce ne sont pas les pauvres en eux-mĂŞmes dont K a eu marre, Ă  Argenteuil. Je pense que c’est plutĂ´t des incivilitĂ©s rĂ©gulières. De certains comportements. Du bruit.  Sans doute de certains trafics, aussi.

 

Locataire en appartement Ă  Argenteuil, K et son compagnon sont devenus propriĂ©taires Ă  Cormeilles En Parisis. Comme certains parents des copains et des copines de l’école maternelle de ma fille qui ont rapidement fait le nĂ©cessaire pour faire admettre leurs enfants dans l’école privĂ©e Ste-Geneviève de la ville, M, K et E font partie de ces forces vives qui, pour diverses raisons, un jour, se retirent d’un endroit. Ensuite, mĂŞme si l’on peut faire d’autres rencontres, et que l’on connaĂ®t d’autres personnes toujours prĂ©sentes dans notre environnement immĂ©diat, c’est une affaire entre soi et soi. De choix et d’espoir. Mais tout dĂ©part, comme toute sĂ©paration, nous Ă©loigne et nous sĂ©pare un peu de nous-mĂŞmes.

 

 

Cet Ă©tĂ©, après environ quarante minutes de route, nous sommes arrivĂ©s dans le nouvel habitat de M.  C’est un ensemble d’immeubles avec parking. Nous avions du mal Ă  trouver oĂą nous garer. Car beaucoup de places Ă©taient privĂ©es. En m’approchant de M, descendue Ă  notre rencontre, j’hĂ©sitais sur l’attitude Ă  avoir concernant…. Â« les gestes barrières Â». M a tranchĂ© :

 

« C’est bon ! Â». Et nous nous sommes fait la bise. Je n’ai pas cherchĂ© Ă  contredire M. Je n’en n’avais mĂŞme pas envie. M, c’est un char d’assaut. Et, Ă  propos de la vie et de la mort, M est la mĂ©moire directe, et la plus proche, de cette expĂ©rience que nous avons connue ensemble concernant ces sujets. On pourra toujours argumenter que notre attitude a Ă©tĂ© parfaitement irresponsable en pleine pĂ©riode du Covid et alors que nous avons des enfants plutĂ´t jeunes. Mais chaque rencontre dicte ses règles.

 

M et nous, nous nous sommes rencontrĂ©s Ă  la maternitĂ© de l’hĂ´pital d’Argenteuil. Tout le monde a entendu parler de la maternitĂ©, de la grossesse, d’un accouchement et de la naissance d’un enfant. Le plus souvent, ça se passe « plutĂ´t bien Â» lorsque la grossesse se rĂ©alise. Pour M et nous, la grossesse a effectivement eu lieu. Mais l’accouchement  a Ă©tĂ© prĂ©maturĂ©. Nos deux filles ont Ă©tĂ© de grandes prĂ©maturĂ©es. La prĂ©maturitĂ©, c’est devenu banal quand on en parle. Une personne m’avait par exemple dit :

« Je connais quelqu’un qui a eu un enfant prĂ©maturĂ© Â». Et quelqu’un d’autre m’avait dit aussi : «  Ma nièce, Ă  sa naissance, pesait 540 grammes. Elle Ă©tait Ă  peine plus grosse qu’un steak. Aujourd’hui, elle va très bien, elle a deux ( ou quatre) enfants Â». C’était des marques de sympathie et d’encouragement.

 

La prĂ©maturitĂ© de nos filles, cependant, cela a Ă©tĂ© un petit peu notre VendĂ©e Globe Ă©motionnel. Un mois et demi d’hĂ´pital en rĂ©animation puis en soins intensifs pour la fille de M. Deux mois et demi pour la nĂ´tre. Des visites quotidiennes. Des appels tĂ©lĂ©phoniques quotidiens. Soit le contraire d’une vie «normale Â» oĂą, souvent, après quelques jours d’hospitalisation, la mère repart Ă  la maison avec son enfant ou ses enfants. Puis, ensuite, la « rĂ©adaptation Â» Ă  la maison et Ă  la vie extĂ©rieure pour tout le monde Ă  la sortie du bĂ©bĂ© de l’hĂ´pital.

 

M reprĂ©sente ça pour nous. Et, sans doute que nous reprĂ©sentons ça aussi pour elle. Nous discutons ou avons assez peu discutĂ© de cette « Ă©poque Â», elle et nous. Ou, alors, j’étais absent Ă  ce moment-lĂ . Mais il est facile de concevoir que cette « Ă©poque Â», nous l’avons encore dans la peau. D’une façon ou d’une autre. Alors, il Ă©tait impossible de ne pas nous faire la bise en nous revoyant.

 

Nous avons passé une bonne après-midi chez M et son nouveau compagnon, avec leurs enfants.

 

Franck Unimon, ce samedi 21 novembre 2020. 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Catégories
Corona Circus Crédibilité

Santé Mentale

 

                                                 SantĂ© Mentale

Lorsque l’on se prĂ©occupe des autres, on oublie parfois de s’occuper de soi. Il est des personnes dont c’est le mĂ©tier et aussi la volontĂ© de s’oublier.  On peut prĂ©fĂ©rer s’ignorer ou estimer que notre vie peut attendre. Les autres, d’abord. Ensuite, on verra bien pour soi. S’il reste encore un peu de place dans la glace que l’on regarde.

 

Covid-19, deuxième prise. Nous sommes au mois de novembre 2020. Je suis un privilégié. Je travaille. J’ai touché une prime Covid. J’ai un salaire. Je n’ai pas été malade du Covid. Mes proches, non plus. Mon métier de soignant n’a peut-être jamais été aussi important.

Ah, oui, j’allais oublier : nous avons obtenu une augmentation salariale. 183 euros en deux temps.  Beaucoup de personnes en France aimeraient percevoir cette somme en plus sur leur salaire Ă  la fin du mois.

 

Comme la majorité, à partir de mars, j’ai été matraqué lors des premières semaines du confinement numéro un au mois de mars. Par l’anxiété, l’angoisse et la peur. Au début du confinement en mars, j’ai cru qu’à n’importe quel moment, dans un couloir de métro, le virus pouvait me sauter dessus. Et me tuer en quelques secondes. Comme une bombe insecticide peut tuer un cafard.

 

 

J’ai aussi été exposé comme d’autres au manque de masques chirurgicaux les premières semaines. Dans mon service, j’ai oublié quand nous en avons eu. Mais nous en avons eus pour travailler.

 

Puis,  dans le monde extĂ©rieur, les masques sont arrivĂ©s dĂ©but Mai. Tels des millions de parachutes de NoĂ«l dans les supermarchĂ©s. Aujourd’hui, on peut trouver des paquets de masques bradĂ©s. J’en ai achetĂ© hier, dans la pharmacie, oĂą, en fĂ©vrier, un pharmacien m’avait vendu deux ou trois masques FFP2 Ă  3,99 euros l’unitĂ©. Avant que l’épidĂ©mie, le confinement de Mars et la pĂ©nurie de masque ne nous tombent dessus. Jusqu’en Mai.

Hier, Ă  la pharmacie, j’ai « seulement Â» payĂ© cinq euros pour une boite de cinquante masques jetables. Il m’en a coĂ»tĂ© « seulement Â» cinq euros la boite.

 

Il m’a fallu quatre mois, entre mars et juillet, pour débloquer mes neurones. Pour redevenir capable de lire des livres. Partir en vacances mi-juillet pendant une dizaine de jours m’a bien aidé. Je fais partie des privilégiés qui ont pu partir en vacances à la mer cet été.

 

Depuis Mai, je porte un masque sur le visage chaque fois que je sors. Et, Ă©videmment, au travail. Depuis mes vacances d’étĂ©, j’écoute ce qui a trait au Covid de « loin Â». Je m’en tiens Ă  quelques règles principales :

 

Porter mon masque sur mon nez et ma bouche. Eviter de le masturber. En changer rĂ©gulièrement. Me laver les mains avec du savon quand je rentre dans un endroit. Lorsque je sors des toilettes. Avant de manger. AĂ©rer les pièces oĂą je me trouve. Embrasser seulement ma compagne et notre fille. Je me permets quelques fois de poser ma main sur certaines personnes mais c’est court. Je m’autorise certaines fois Ă  ĂŞtre Ă  visage dĂ©couvert en prĂ©sence d’autres mais Ă  un ou deux mètres. J’ai acceptĂ© de prendre ma collègue M-J dans mes bras le lendemain de sa dernière nuit de travail, avant son dĂ©part Ă  la retraite. J’ai posĂ© ma main un instant sur l’Ă©paule d’une collègue qui venait de m’apprendre avoir perdu sa grand-mère de 94 ans. Ce matin, j’ai aussi posĂ© ma main sur l’Ă©paule de ma collègue de nuit après que nous soyons restĂ©s discuter un peu dans la rue, devant le service, au moment de nous dire au revoir. Lorsque je me prĂ©sente Ă  un nouveau patient ou Ă  une nouvelle patiente, j’enlève mon masque afin que celui-ci ou celle-ci voie mon visage mĂŞme si c’est Ă  un ou deux mètres. 

 

 

Accepter d’être près de quelqu’un physiquement n’a peut-ĂŞtre jamais Ă©tĂ© autant synonyme d’affection,  de sympathie ou de « rĂ©volte Â» qu’aujourd’hui. Puisqu’il existe un risque et un interdit sanitaire.

 

 

A l’école de ma fille, nous avions dĂ©jĂ  Ă  composer avec le plan Vigipirate toujours actif dans notre dĂ©partement. Depuis, nous devons faire avec nos masques sur nos visages. MĂŞme ma fille  y a maintenant droit dans l’enceinte de l’école et du centre de loisirs. Comme ses copines et ses copains.

 

Les échanges téléphoniques et les réunions en visio-conférence pour le conseil de l’école sont en passe de devenir la norme à l’école de ma fille.

 

Cette semaine a eu lieu le premier conseil de l’école avec les enseignants et les parents d’élèves. En écoutant parler untel ou untel, je me suis étonné de mon incapacité à comprendre ce qui se racontait. Je me sentais plus que ralenti tant j’avais de mal à saisir les propos tenus. Des propos pourtant simples et largement à ma portée.

Ensuite, ma connexion internet est devenue mauvaise. Je voyais les images fixes de mes interlocuteurs mais sans le son. Ou alors, le son était haché. J’ai dû renoncer à participer. Je sais bien que mon désistement n’affecte pas en soi notre présence auprès de notre fille et ni ses résultats. Mais je n’ai pas pu m’empêcher de voir dans ma déconnection une sorte de décrochage scolaire alors que les autres participants, une majorité de femmes, semblaient parfaitement à l’aise avec ce nouveau dispositif.

 

 

Il y a deux ou trois semaines, maintenant, je suis arrivé en retard d’une demi-heure à une réunion à mon travail. J’avais pris le temps d’attendre que ma compagne et notre fille rentrent pour les voir. Mais j’avais mal anticipé la diminution du nombre de trains desservant Paris du fait de la pandémie.

 

Au travail, personne ne m’en a voulu pour mon « retard Â». J’étais quand mĂŞme arrivĂ© avec une heure d’avance avant ma deuxième nuit de travail.

 

Pour cette réunion, nous étions plusieurs dans la salle d’attente attenante au bureau du médecin-chef. Il était là ainsi que deux ou trois autres collègues et notre cadre de pôle. Nous étions tous masqués. Nous étions sagement assis sur nos sièges. Environ un mètre nous séparait les uns des autres. Sur l’écran de l’ordinateur du médecin-chef, on pouvait voir la tête de nos autres collègues qui, depuis leur domicile, assistaient et participaient également à la réunion.

 

Ce soir-là, parmi les collègues présents physiquement, il y avait M-J. C’était sa dernière nuit avant son départ à la retraite.

Quand je suis arrivĂ©, le sujet concernait le Covid. Les mesures Ă  prendre par rapport au Covid. Masques, lavage des mains, aĂ©rer les pièces, nombre de personnes.  

Nous avons aussi Ă©tĂ© briefĂ©s Ă  propos du fait que, malades, sous certaines conditions, nos pouvions ou devions venir travailler. MasquĂ©s Ă©videmment. Et en respectant- formule dĂ©sormais familière – «  les gestes barrières Â». Voire, selon les situations, après avoir observĂ© une pĂ©riode de confinement chez soi de sept ou huit jours.

 

Il n y avait rien de rĂ©volutionnaire ou de choquant dans ces « nouvelles Â». En fait, mon retard m’avait fait rater le plus « choquant Â». Je l’appris plus tard par une de mes collègues :

 

La Direction de notre hĂ´pital faisait appel Ă  des volontaires afin de se rendre dans un service oĂą la majoritĂ© des patients avait le Covid et oĂą, beaucoup de soignants, l’avaient Ă©galement attrapĂ©. Ce service avait besoin de renforts. Il se trouvait Ă  une bonne heure en transports de notre service dans un dĂ©partement d’île de France. Les « volontaires Â» pouvaient choisir les horaires qui leur convenaient, soir ou matin. Rappelons les horaires du soir : 13h45/21H15. Rappelons les horaires du matin : 6h45-14h15.

 

A dĂ©faut de volontaires, la Direction faisait savoir qu’elle dĂ©signerait du personnel pour se rendre dans ce service. Dans notre hĂ´pital, il manquerait deux cents infirmiers. RĂ©cemment, l’application qui propose des remplacements payĂ©s en heures sup dans d’autres services de l’hĂ´pital a Ă©tĂ© remplacĂ©e. DĂ©sormais, la nouvelle application qui «  rĂ©volutionne la gestion des ressources humaines dans la santĂ© Â»  et forte du fait que «  1500 entreprises nous font dĂ©ja confiance Â» nous signale que tel service a « besoin Â» de nous.

 

Sur ma boite mail, c’est une première, j’ai aussi reçu un message, d’un groupe privĂ© qui recherche des aides-soignants et des infirmiers :

 

« Dans le contexte d’épidĂ©mie Covid-19 et pour accompagner nos patients et rĂ©sidents, nous avons besoin de renfort dans nos Ă©quipes soignantes au sein de nos Ehpad, Cliniques SSR et HAD.

Nous recherchons des Aides Soignant(e)s et des Infirmier(e)s pour des contrats en vacations, CDD ou CDI Â»

 

 

16 euros brut de l’heure sont annoncĂ©s pour un infirmier qui a plus de trois ans d’expĂ©rience. Ainsi qu’une prime SĂ©gur mensuelle et une prime pour tout travail effectuĂ© durant le week-end.  

 

 

« L’argent Â» et le sacrifice, ou le sacrifice et « l’argent Â» continuent d’être les seules façons de s’adresser aux soignants.

 

Ce matin, sur la chaine Cnews, j’ai Ă©coutĂ© une partie du dernier discours Ă  ce jour du Ministre de la SantĂ©, Olivier VĂ©ran. Il prĂ©venait que le confinement allait sĂ»rement devoir continuer. Il prĂ©cisait que le gouvernement se prĂ©occupait, aussi, de l’état de santĂ© mental des Français : peur, anxiĂ©tĂ©, angoisse, dĂ©pression etc…

Et, il invitait les personnes concernées à s’adresser à des…. professionnels de la Santé.

 

 

La pĂ©nurie des soignants qui a Ă©tĂ© constatĂ©e en mars de cette annĂ©e est pourtant la mĂŞme en novembre. Elle dure depuis vingt Ă  trente ans. Et, aujourd’hui, elle est peut-ĂŞtre pire. Pourtant, c’est Ă  ces mĂŞmes soignants que l’on demande d’être « volontaires Â» pour partir en renfort ailleurs. Que l’on sollicite par mail pour venir faire des vacations dans un autre Ă©tablissement (en plus de leur poste de titulaire). Ou que l’on prĂ©sente comme totalement disponibles pour toutes ces personnes qui, et cela se comprend, sont durement Ă©prouvĂ©es psychologiquement, moralement et Ă©conomiquement par cette pandĂ©mie du Covid.

 

 

Et nous n’en sommes « qu’à Â» la  deuxième  vague du Covid.

 

Nous sortirons un jour de ces tourments dus au Covid. Mais ça nous paraîtra long. C’est d’ailleurs déjà très long pour beaucoup de personnes. Moi, y compris.

 

Par exemple, je ne supporte plus de devoir remplir une feuille de justificatif lorsque je sors de chez moi. Porter le masque, oui. Me laver les mains, oui. Etre prudent en présence d’autres personnes, oui, même si, lorsque le métro est plein, je suis bien obligé de rester dedans pour me rendre à mon travail. Mais devoir accepter de rester chez moi alors que je souhaiterais rendre visite à quelqu’un devient très contraignant. Il faut un justificatif. Il faut rester dans un périmètre compris dans un kilomètre autour de chez soi.

 

Le pire, c’est que je rĂ©agis comme ça parce-que j’ai connu autre chose. Mais pour celles et ceux, qui, dans quelques annĂ©es, vivront confinĂ©es dès leur naissance, cela paraitra normal d’être cloĂ®trĂ©es ou de fournir un justificatif au moindre dĂ©placement. Et, tout ça, tout en Ă©tant dĂ©jĂ  « repĂ©rĂ©s » par nos navigations sur internet ou par l’usage de nos smartphones. Ou, bientĂ´t, peut-ĂŞtre, par des drones, ou, pourquoi pas, par des automates Ă  forme humaine ou par des animaux ou des arbres artificiels.

 

 

En ce moment, en cette pĂ©riode d’hĂ©bĂ©tude, trois activitĂ©s en particulier me font beaucoup de bien en plus de mes Ă©tirements quasi-quotidiens :

 

Lire

 

Ecouter des Podcasts

 

Lire sur les Arts Martiaux, comme des ouvrages ou des interviews de Maitres.

 

 

Nos relations au travail avec nos collègues, mais aussi avec certains  voisins ou commerçants se resserrent  sans doute. Ainsi qu’avec celles et ceux avec lesquels nous gardons le contact.

 

C’est sĂ»rement, ça, la bonne nouvelle. Nous devenons des adeptes du « dĂ©veloppĂ© toucher Â» en quelque sorte. Le toucher relationnel. Ou nous devenons de bons petits paranos.

 

Franck Unimon, ce vendredi 20 novembre 2020.

 

 

 

 

 

 

 

Catégories
Corona Circus Puissants Fonds/ Livres

Je suis Ă  l’Est ! un livre de Josef Schovanec

 

Je suis Ă  l’Est ! , livre paru en 2012, a Ă©tĂ© Ă©crit par Josef Schovanec ( avec Caroline Glorion).

 

J’ai pris du temps à lire ce livre. Peut-être parce-que Josef Schovanec, comme toutes les personnes que l’on ne prend pas le temps d’écouter, avait beaucoup à dire. Ou peut-être parce-que dans la vie ordinaire, aimanté par l’affiche d’un nouveau film ( avant ces histoires de reconfinement et de covid) ou par un de mes écrans, j’ai plusieurs fois laissé un Josef Schovanec de côté.

 

De toute façon, en tant que professionnel de la santĂ©, ce genre de livre nous donne une tape derrière la tĂŞte. Parce-que, cette fois, celui qui fait autoritĂ© en matière de connaissances et d’expĂ©riences, c’est le patient ou la victime qui a Ă©crit le livre dont je vais vous parler. Et, lĂ , je ne peux qu’écouter, rĂ©flĂ©chir et lire puisqu’il s’agit d’un tĂ©moignage, celui de Josef Schovanec. Je ne peux pas tĂ©moigner Ă  la place de Josef Schovanec. Si je m’étais senti capable de tĂ©moigner Ă  sa place, je me serais dispensĂ© de lire son Je suis Ă  l’Est !

Et puis, je ne me fais assez peu d’illusions : Ă  l’école maternelle oĂą les ennuis de Josef Schovanec ont dĂ©butĂ©, je l’aurais ignorĂ©. J’aurais prĂ©fĂ©rĂ© jouer avec les copains, taper dans une balle de tennis ou un ballon de foot. Peut-ĂŞtre, mais ce n’est mĂŞme pas sĂ»r, me serais-je abstenu de faire partie de ceux qui se seraient amusĂ©s Ă  le tirer comme un lapin avec le ballon de foot ou un autre projectile improvisĂ©, reflet de ces pensĂ©es de reptile qui nous animent par moments tout civilisĂ©s que nous prĂ©tendons ĂŞtre devant nos victimes. Car nous nous transformons vite en barbares dès que nous sommes en meute.

 

Mais ce qui est bien avec Josef Schovanec, c’est qu’il est gĂ©nĂ©reux :

A peu près tout le monde en prend pour son curriculum dans son livre. Le système scolaire et Ă©ducatif français et occidental ; la sociĂ©tĂ© et ses rituels relationnels inadaptĂ©s ; les psychanalystes et psychiatres Ă  but lucratif qui ont su le raccourcir- heureusement, les effets ont Ă©tĂ© rĂ©versibles- Ă  coups  d’antipsychotiques ; certaines et certains anciens camarades de sciences Po pompeurs de ses cours hier, grandes vedettes mĂ©diatiques aussi pomponnĂ©es qu’amnĂ©siques aujourd’hui ; les associations qu’il a pu frĂ©quenter ou qui ont donnĂ© des confĂ©rences ; son exposition mĂ©diatique.

 

Avec sarcasme et humour, Josef Schovanec nous raconte une partie de son parcours personnel. Muet jusqu’à ses six ans, mais habile avec l’astronomie, l’écriture et l’Egypte antique, il a su se frayer un « destin Â» grâce Ă  la pugnacitĂ© et  Ă  la ruse de ses parents. Mais aussi grâce Ă  sa rĂ©sistance. Car ses mĂ©saventures morales, fonctionnelles et physiques ressemblent beaucoup Ă  celles d’un suppliciĂ©.

 

Josef Schovanec, c’est aujourd’hui 1m95 d’autisme qui nous « parle Â», Ă  nous les gens normaux. Mais c’est aussi un homme multi-diplĂ´mĂ©, Docteur en philosophie, plusieurs fois polyglotte et grand voyageur. D’ailleurs, il insiste pour ne pas ĂŞtre rĂ©sumĂ© Ă  son autisme d’asperger qui a nĂ©cessitĂ© plusieurs annĂ©es avant de finir par ĂŞtre diagnostiquĂ©. Peut-ĂŞtre parce qu’à  l’image de la schizophrĂ©nie, il y a diffĂ©rentes façons d’être autiste et diffĂ©rentes façons de le concevoir pour une personne extĂ©rieure.

 

 

Si Schovanec nous parle de nos travers, il nous parle aussi de certaines de ces personnes, devenues ses proches, qui ont su penser diffĂ©remment en le rencontrant ou qui Ă©taient elles-mĂŞmes diffĂ©rentes et pourtant bien dans le coup. Tel Hamou Bouakkaz,  Kabyle nĂ© en AlgĂ©rie, aveugle,  d’origine modeste, venu habiter Ă  Bezons avec sa famille et qui a su , après de brillantes Ă©tudes dont une Maitrise en mathĂ©matiques, accĂ©der au monde de la politique.

 

En lisant Je suis Ă  l’Est !  de Schovanec, on comprend très vite que c’est plutĂ´t, ou souvent, la majoritĂ© d’entre nous qui le sommes. Mais comme nous sommes la majoritĂ© et que c’est elle qui impose souvent l’attitude gĂ©nĂ©rale, nous restons installĂ©s dans nos impasses de pensĂ©e mĂŞme si celles-ci nous implantent un peu plus dans des blocs de bĂ©ton.

 

Je trouve rĂ©confortant, alors que nous vivons cette deuxième vague du Covid et un second confinement plutĂ´t dĂ©primant, de pouvoir trouver dans ce livre de quoi se sentir un peu plus lĂ©ger. On peut bien-sĂ»r se sentir assez peu fier de soi quant Ă  nos prĂ©jugĂ©s devant certains « handicaps Â», mais on peut aussi s’estimer finalement bien plus avantagĂ© que ce que l’on croit. A condition d’être dotĂ© de quelques uns des atouts ou des qualitĂ©s que Schovanec a, pour lui, de toute Ă©vidence :

 

1) La curiosité

2) Le courage : il n’a attendu personne pour s’intĂ©resser Ă  certains sujets, astronomie, Egypte des pharaons, langues ou autres. Et, il ne s’est pas prĂ©occupĂ© de savoir si c’était bizarre ou non de s’intĂ©resser Ă  ces sujets alors que la majoritĂ© des enfants de son âge avaient d’autres intĂ©rĂŞts.

3) La constance ou la persĂ©vĂ©rance : Il ne s’est pas contentĂ© de lire un ou deux ouvrages. Puisque le sujet l’intĂ©ressait, il a continuĂ© tant qu’il a pu trouver des informations sur ce qui lui plaisait d’apprendre.

4) L’humour et l’autodĂ©rision : on ne perçoit pas de haine, de colère, d’espoir ou de projet de revanche sur celles et ceux qui lui en ont fait baver lors des diffĂ©rentes Ă©tapes de sa vie. Il raconte en s’amusant avoir Ă©tĂ© pris pour un prĂŞtre, un homosexuel…ou un agent secret.

 

Sans doute que son entourage familial (au moins sa mère et son père) plutôt aidant, plutôt cultivé et stable lui a permis d’exprimer ces aptitudes.

On pourrait se dire que Josef Schovanec a grandi dans un milieu social plutôt favorisé et dans des écoles plutôt réputées. Mais il explique dans son livre que les écoles réputées sont sans doute bien plus intolérantes que les autres puisqu’elles sont obsédées par leur réputation.

 

 

Vous ne connaissiez pas Josef Schovanec ? Moi, non plus. Pourtant, il a Ă©tĂ© vu et revu Ă  un moment donnĂ©, sans doute comme un Ă©nième exemplaire de ces phĂ©nomènes de cirque autiste type Rain Man ou autre au cinĂ©ma. Il parle de cette pĂ©riode entre-autres dans cette partie, page 231, et c’est lĂ  dessus que nous nous quitterons aujourd’hui :

 

«  Aujourd’hui, tout ce pan de mon passĂ© est terminĂ©. Cela fait longtemps que les gens ne me reconnaissent plus dans la rue. Joie de la paix retrouvĂ©e ! Je n’ai plus aucune responsabilitĂ© officielle dans le monde associatif. MĂŞme si je continue, pour une durĂ©e encore indĂ©terminĂ©e, Ă  participer ponctuellement Ă  tel ou tel Ă©vĂ©nement – confĂ©rences, CafĂ©s de l’association Asperger  AmitiĂ© et autres. Compagnon de route, je chemine. En attendant le moment, impossible Ă  prĂ©dire et pourtant inĂ©vitable oĂą, soudain, brutalement, les rails qui filaient en parallèle s’écarteront et oĂą, vu du train, je perdrai de vue en quelques secondes ceux qui furent longtemps Ă  mes cĂ´tĂ©s Â».

(Josef Schovanec dans Je suis Ă  l’Est !)

 

 

Franck Unimon, ce jeudi 12 novembre 2020.

 

Catégories
Argenteuil Corona Circus Echos Statiques self-défense/ Arts Martiaux

Les Chinois

Oeuvre de Thibaut Dapoigny.

 

                                                            Les Chinois

 

 

A vue d’œil, il y a peu de Chinois dans ma ville. Mais, souvent, lorsque j’en vois, ils tiennent un commerce ou y sont employĂ©s :

 

Traiteur alimentaire, poissonnerie (mauvaise), salon d’esthĂ©tique, buraliste PMU, produits (alimentaires) exotiques, marchand de vĂŞtements ou de maroquinerie. 

 

Ils font partie des commerçants de la ville parmi les Kebab, opérateurs et réparateurs de téléphonie, autres restaurants et magasins de vêtements, boulangeries, pharmacies, supermarchés, marchés, boucheries, marchand de primeurs, enseigne Babou, opticiens, agences immobilières, banques physiques, quelques hôtels, cafés, Quicket Mac Do qui donnent sur la rue.

 

Pour parler des quelques commerces que l’on peut dĂ©couvrir lorsque, depuis la gare d’Argenteuil, on se dirige vers le centre-ville. 

 

Les Chinois vivent plutĂ´t en retrait. On n’entend pas parler d’eux. Aucun terroriste islamiste d’origine chinoise, recensĂ© Ă  ce jour. Pas de lien connu ou mĂ©diatisĂ© avec le trafic de cannabis. Aucun d’entre eux non plus parmi les figures connues des gilets jaunes. Oui, la blague est facile, presque factice et limite raciste. Mais je vais rapidement me sortir de cette ambiguĂŻtĂ© :

 

RĂ©cemment, une de mes collègues m’a appris qu’un de ses amis, d’origine chinoise, s’en prend plein la tĂŞte. Celui-ci travaille en Seine et Marne- c’est en banlieue parisienne- dans un supermarchĂ© en tant qu’employĂ©. Il  s’occupe des rayons. Il se fait insulter.

 

Il lui est reprochĂ© la pandĂ©mie du Covid ! Ni plus, ni moins.

 

Rebattre les cartes de la vie ordinaire

 

En France, la pandémie du Covid a rebattu les cartes de notre vie ordinaire et de notre mémoire depuis la mi-Mars 2020. Nous connaissons notre deuxième reconfinement, après quelques jours de couvre-feu, pour cause de deuxième vague depuis le début de ce mois de novembre. Aujourd’hui, nous sommes le dimanche 8 novembre 2020. Et une troisième et quatrième vague sont déjà annoncées.

 

Conclusion : en France au moins, certains Chinois n’ont pas fini d’entendre parler du Covid. On nous parle bien d’un vaccin qui nous protĂ©gerait. Mais cela prendra du temps et puis, les vaccins et la santĂ© publique sont un business comme un autre. On en trouvera peut-ĂŞtre un jour en vente libre sur les marchĂ©s et dans les supermarchĂ©s. Lorsque nous serons morts, pour celles et ceux qui peuvent lire cet article aujourd’hui, ou condamnĂ©s.

 

Nous vivons donc sous certaines contraintes qui Ă©taient inimaginables il y a encore quelques mois. J’ai tendance Ă  croire que nous pouvons connaĂ®tre pire mĂŞme si, je l’espère, ce ne sera pas pour tout de suite. Aux Etats-Unis, ce week-end, nous avons Ă©chappĂ© Ă  la réélection de Donald Trump. Ce qui est a priori, pour moi, un certain soulagement.  Mais si Donald Trump fait peur, on a peur pour Joe Biden.

Photo prise Ă  Argenteuil, en novembre 2018.

 

Et puis :

Imaginons un Etat constituĂ© comme la France, la Grande-Bretagne ou les Etats-Unis qui dĂ©ciderait de passer des contrats avec des terroristes, comme on peut le faire avec une boite privĂ©e :

 

Le but serait de commander les gens par la peur. De leur dicter ce qu’ils doivent manger, lire, boire, penser et consommer. A qui et quand.  De quelle heure Ă  quelle heure. Dans quelles proportions. Mais aussi, quand ils peuvent se reproduire. Et, tout cela, pour le « bien Â» de l’économie et des actionnaires. Vous avez-encore- le droit de vous dire que je vais trop loin ou que j’ai  mangĂ© beaucoup trop de foin ce matin. Après, ce sera peut-ĂŞtre trop tard.

 

En attendant, comme celles et ceux qui le peuvent encore, les Chinois bossent. Comme l’humoriste Bun Hay Mean- dont j’aime beaucoup l’humour- qui peut nous dire :

 

« Nous, les Chinois, avec notre petite bite, on vous a bien ni-quĂ©s ! Vous n’avez rien senti ! Â». 

L’extrait ci-dessous n’est pas celui auquel je pensais mais il donne une idĂ©e de l’humour de Bun Hay Mean dans un de ses spectacles rĂ©cents ( 2020 ou 2019, visiblement). 

 

 Spike Lee, aussi, nous parle des Asiatiques qui bossent. Dans son film, rĂ©alisĂ© en 1989 : Do The Right Thing. MĂŞme si, dans cet extrait, il est question d’un commerçant corĂ©en et non d’un commerçant chinois. 

 

Mais les Chinois ne sont pas les seuls à bosser. Avant le film de Spike Lee, il y avait eu, en France, le très bon Pierre Desproges avec son sketch Rachid

Dans son sketch, Rachid, Desproges nous parle du racisme qui, en France, touche les Arabes. Le Front National dirigĂ© alors par Jean-Marie Le Pen obtenait alors de plus en plus de voix dans la France socialiste du PrĂ©sident François Mitterrand ( 1981-1995). Et certaines personnes considĂ©raient les Arabes comme des fainĂ©ants.  Alors, dans son sketch, Desproges « s’étonne » comme, pour des fainĂ©ants, bien des Arabes travaillent dur. Son sketch date des annĂ©es 80, probablement en 1985 ou en 1986 ( Desproges est mort le 18 avril 1988) Ă  l’époque oĂą les mĂ©diathèques n’étaient pas remplacĂ©es par internet. Je vous propose de le retrouver…sur internet. Et de l’écouter et de le regarder. Rire, rĂ©flexion et Ă©motion sont garantis. MĂŞme si la façon de bouger et d’occuper la scène est très diffĂ©rente de celle de Bun Hay Mean. Trente ans sĂ©parent les deux humoristes. 

 

 

Vers l’oasis :

 

 

Hier matin, samedi, je suis allé à la médiathèque de ma ville. En raison de la pandémie, il était possible de s’y rendre de 11h30 à 12H30 ou de 16h30 à 17h30 pour venir y chercher un ouvrage que l’on avait commandé. En temps habituel, les samedis, la médiathèque est ouverte de 10h à 18h.

 

Après avoir discuté un peu avec un des bibliothécaires, comme j’avais quelques courses à faire, je me suis offert un petit périple. J’avais sur moi toutes les feuilles d’attestation de déplacement provisoire. Je n’en n’ai pas rempli une seule. J’avais besoin de prendre l’air. J’en avais assez de devoir prendre le temps d’écrire sur une feuille ce que je vais faire. Et quand. Et où. Et pourquoi. Et avec qui. Et dans quelle position. Et pendant combien de temps. Ce que j’écris est très grave car je donne un mauvais exemple de comportement civique en pleine période de pandémie. Mais c’est la première fois que je le fais. Et, surtout, il s’agissait de marcher un peu dans ma ville à l’heure de midi.

 

 

Mon masque sur le visage- oui, je porte toujours mon masque sur mon nez et ma bouche lorsque je sors !- j’ai un peu improvisĂ© dans les rues. Jusqu’à arriver devant ce magasin de produits exotiques tenus par des Chinois oĂą je n’étais pas allĂ© depuis une bonne annĂ©e. Ou plus.

 

Photo prise près du Louvre, ce 5 novembre 2020.

Il Ă©tait ouvert. Cela se voyait d’assez loin avec l’enseigne lumineuse, au dessus du magasin, qui clignotait. Dans notre monde de plus en plus fermĂ© par la peur, voir un magasin ou un lieu ouvert peut donner l’impression de se retrouver devant une oasis. Ce que bien des commerces, bien des pubs, certains programmes politiques, Ă©conomiques ou religieux nous promettent.  

 

Sur la droite de « l’oasis Â», un chien agenouillĂ© et enchaĂ®nĂ©. Etait-ce l’un des chiens de l’enfer ? Il avait l’air plutĂ´t gentil. Sauf qu’il n’était pas lĂ , les dernières fois.

 

Après avoir dit bonjour à la dame, j’ai à peine eu le temps d’aller dans les rayons que celle-ci m’a demandé avec une certaine inquiétude…de mettre du gel hydro-alcoolique sur mes mains. J’ai alors vu le flacon devant elle ainsi que le mot nous invitant à l’utiliser.

 

Mais il y avait plus. Lors de mes prĂ©cĂ©dentes venues, il suffisait de faire son tour et de choisir ses articles. LĂ ,  il a presque fallu que j’annonce mes intentions d’achat dès le dĂ©part. Cela m’a fait penser Ă  de la rapine rĂ©pĂ©tĂ©e dont le magasin a pu avoir Ă  se plaindre.

 

J’ai apparemment su rassurer car, ensuite, la dame m’a laissé fureter entre les étalages.

J’étais devant le rayon des surgelĂ©s lorsque je l’ai entendue dire Ă  voix haute :

 

« Il faut mettre votre masque ! Â». Peu après, j’ai vu dĂ©bouler un homme peut-ĂŞtre d’origine pakistanaise ou bangladaise en tenue traditionnelle longue et sandales. Il est restĂ© peu de temps.

 

La date de pĂ©remption du produit surgelĂ© que je regardais Ă©tait dĂ©passĂ©e de quelques jours : Octobre 2020. J’en ai parlĂ© Ă  la vendeuse. Elle s’en est Ă©tonnĂ©e. Un peu plus tĂ´t, elle m’avait expliquĂ© qu’en ce moment, ils avaient de moindres approvisionnements.

 

Elle m’a proposé de me faire un prix. Cinq euros au lieu de six euros quatre vingts.

 

 

J’ai accepté.

 

 

Franck Unimon, ce dimanche 8 novembre 2020.

Catégories
Argenteuil Corona Circus Croisements/ Interviews

J’ai bugĂ© !

 

 

                                                   J’ai bugĂ© ! 

Ce dimanche soir, j’ai assez vite perçu que cela ne se passait pas comme prévu.

 

Ordinairement, depuis Argenteuil, on met entre 11 et 17 minutes par le train pour arriver à Paris St Lazare. Mais ce dimanche matin, en revenant du travail, j’ai découvert qu’il y avait des travaux sur la voie ferrée ce week-end. Et que j’allais devoir prendre une navette en passant par la gare de Bécon-Les-Bruyères.

 

Cela s’est très bien passĂ© ce dimanche matin Ă  BĂ©con-les-Bruyères. MĂŞme si, avec les Ă©vĂ©nements rĂ©cents, l’attentat jihadiste dans une Ă©glise catholique Ă  Nice, et la symbolique du bus, sorte de convoi possible vers la mort, je n’ai pu m’empĂŞcher d’avoir un petit peu de retenue en abordant la navette. Devant  celle-ci, un employĂ© barbu nous attendait. Oui, nous en sommes parfois un peu lĂ  avec les inconnus. Pour peu qu’une situation imprĂ©vue s’impose Ă  nous après un Ă©vĂ©nement aussi effrayant que celui de Nice ou d’ailleurs. La mort de Samuel Paty avait aussi Ă  peine refroidi.

 

 

Ma retenue passagère devant cet employé avant de monter dans la navette fut le moment, ce dimanche matin, où j’avais un peu bugé. Ensuite, le trajet s’était fait sans encombre en une vingtaine de minutes jusqu’à la gare d’Argenteuil. Puis, j’étais rentré chez moi.

 

Ce dimanche soir, le chauffeur de la navette qui arrive Ă  la gare d’Argenteuil pour nous transporter jusqu’à la gare de BĂ©con-les-Bruyères est noir. Je serais Ă©videmment montĂ© mĂŞme s’il avait Ă©tĂ© Arabe. Et barbu. Mais, disons, que je suis montĂ© en toute confiance. Alors mĂŞme que je sais- en thĂ©orie- que l’on peut ĂŞtre noir et jihadiste :

 

Pour avoir lu Les Revenants ( publiĂ© en 2016) de David Thomson il y a un ou deux ans, je « sais Â» que des compatriotes antillais sont partis faire le Jihad en Syrie. Par ailleurs, certains Ă©vĂ©nements au NigĂ©ria ou au Mali nous montrent bien qu’il existe des noirs jihadistes.

 

Le jihadisme est une sorte de pèlerinage fait de diffĂ©rents visages et de diffĂ©rents sexes dont l’unique monument est la mort. Tout le contraire de ma vie et de mon mĂ©tier. MĂŞme si, dernièrement, je suis tombĂ© par hasard devant la proximitĂ© qui peut exister entre le verbe « guĂ©rir Â» et le mot «guerrier». 

 

Et ça me plait bien, ça, de me dire que celles et ceux qui essaient de guérir, que ce soit se guérir eux-mêmes ou les autres, puissent être ou sont des guerriers.

 

Malgré les armes de destruction massive, les horreurs et les apparences, les vrais et les plus grands guerriers sont peut-être, finalement, toutes celles et ceux qui s’efforcent de guérir le monde plutôt que de le meurtrir ou de le conquérir. Et cette guérison commence d’abord par soi-même.

 

Nous avons tellement Ă  guĂ©rir en nous :

 

Nos peurs, nos colères, nos préjugés, notre ignorance, nos exigences.

 

Je ne pensais pas Ă  ça dans la navette ce dimanche soir. Nous Ă©tions une dizaine de passagers. Des Noirs et des Arabes. On me croit sans doute obsĂ©dĂ© par la couleur de peau des gens. Et, je le suis en partie. Mais, c’est pourtant un fait : dans cette navette, ce dimanche soir, en partance depuis la gare d’Argenteuil, nous Ă©tions bien principalement des Noirs et des Arabes. Aucun asiatique. Aucun blanc.

 

Peut-ĂŞtre deux femmes. Des hommes pour le reste. Cette information ethnique a pour moi plus valeur sociologique que valeur morale.

 

Si nous étions partis de la gare de St Germain en Laye, que je connais un peu, ou d’Enghien les Bains (plus proche d’Argenteuil), je veux bien croire qu’il y aurait eu, peut-être, un petit peu plus de mixité sociale. Et, encore, cela dépend des horaires.

Ce dimanche soir, je ne sais pas oĂą ces autres passagers se rendaient. Mais, moi,  j’allais au travail pour ma troisième nuit de suite.

 

 

A la gare de Colombes, tout allait bien. Même si j’ai été un peu étonné que le chauffeur s’arrête à la gare de Colombes avant de passer par la gare Le Stade.

 

J’ai vu le chauffeur se renseigner pour la suite de l’itinéraire auprès d’agents de circulation, une jeune femme et un jeune homme, noirs tous les deux. Le prochain arrêt semblait être deux ou trois rues plus loin.

 

Un jeune homme est allé voir le conducteur pour lui demander s’il s’arrêtait bientôt. Il voulait descendre à Bois-Colombes et nous étions dans Bois-Colombes. Très sûr de lui, le chauffeur, dont le masque anti-covid était baissé sur le menton durant tout le trajet, lui a affirmé que c’était pour bientôt.

 

A la gare d’Argenteuil, j’avais vu ce jeune dégingandé arriver. La vingtaine, lui et un autre passager traînant une valise à roulettes, s’étaient alors reconnus. Depuis le fond du bus, on les entendait discuter. Le plus jeune s’exprimant à voix haute.

 

Il avait eu sa mamie au téléphone un peu plus tôt et avait essayé de lui expliquer.

 

« J’ai  arrĂŞtĂ© l’école très tĂ´t car la rue m’a appelĂ© Â». Son copain s’était alors mis Ă  rire.

 

Puis, inquiet pour le climat politique de la France, celui qui avait appelĂ© sa mamie avait lâchĂ© :

 

« 2002. On est dĂ©jĂ  dans la merde, arrĂŞtez avec Lepen ! Â». Rires des autres passagers dans la navette.

 

Ensuite, leurs projets pour l’avenir avaient Ă©tĂ© exposĂ©s :

 

« Une petite femme, un petit boulot, un petit travail, et voilĂ  ! Â».

 

A ce moment, pour une raison inconnue, le chauffeur avait repris la route pour…Argenteuil. Puis, il fit ce constat Ă  voix haute :

 

« J’ai bugĂ© ! Â».

 

Dans un carrefour, il fit demi-tour. Au moins savait-il manœuvrer le véhicule.

 

Nous étions bien avancés dans la ville d’Asnières, et nous nous rapprochions de Clichy, lorsque je me suis dit qu’il fallait aller voir le chauffeur. Là, celui-ci m’a appris qu’il ne connaissait pas le parcours. La SNCF l’avait mandaté mais ce n’était pas son trajet habituel. Il était donc volontaire mais limité.

 

Les autres passagers sont restés plutôt calmes. Même s’il a été étonnant de voir comme, même en étant correctement renseignés, on peut comprendre une même information différemment. Un passager, le plus proche du conducteur, croyait par exemple que la navette allait nous emmener directement à la gare St Lazare.

J’ai dû apprendre à certains passagers qu’il y avait la gare d’Asnières sur Seine et la gare de Bécon les Bruyères. Qu’il s’agissait de deux gares différentes même si toutes les deux se trouvent dans la ville d’Asnières.

 

Le chauffeur de bus m’a d’abord un petit peu « rĂ©sistĂ© Â». Lorsque j’ai essayĂ© de l’orienter, je m’appuyais sur le fait que je connaissais un petit peu le coin. Non, aller Ă  gauche lĂ  oĂą il Ă©tait indiquĂ© St Denis et Clichy n’était pas notre direction.

Apercevoir assez vite un panneau montrant BĂ©con les Bruyères m’a rendu un peu crĂ©dible. Plus que le jeune homme « de Bois Colombes Â» qu’il a d’abord voulu consulter et qui, heureusement, a bien pris la tournure des Ă©vĂ©nements et n’a jamais tentĂ© d’avoir un rĂ´le d’éclaireur.

 

Voir un ou deux autres panneaux et les montrer au conducteur a continué de nous mettre sur la bonne voie. D’autant que, son téléphone à la main, celui-ci a voulu s’en servir comme GPS. C’est bien utile, le GPS sur le téléphone. Sauf lorsqu’il vous indique la mauvaise route. Un copilote improvisé avec deux yeux et une tête, et qui parle, ça peut aussi aider.

 

Nous sommes arrivés à la gare de Bécon les Bruyères après quarante bonnes minutes de route. Le chauffeur, soulagé, m’a remercié. Ainsi qu’un des passagers, que je trouvais plutôt assez jovial alors que nous marchions dans les rues calmes nous menant à la gare de Bécon les Bruyères. Le quartier était agréable et aussi plutôt cossu.

 

 

Le train pour Paris St Lazare est arrivĂ©. Nous Ă©tions dedans depuis Ă  peine quelques minutes, lorsque, assis un peu plus loin devant moi, j’ai vu « mon Â» passager jovial apostropher une femme qui Ă©tait au tĂ©lĂ©phone avec ses Ă©couteurs :

 

« Parle plus doucement ! Sale raciste ! Tu me prends pour les blancs ?! Je te cogne, moi ! Â».

 

Debout, la femme, a d’abord tenu tĂŞte sur le ton de «  Si vous n’êtes pas content, descendez du train!». Puis, elle s’est rapidement rassise et a parlĂ© plus doucement. Notre homme qui avait arrĂŞtĂ© d’être jovial avait dĂ» ĂŞtre persuasif.

 

A la station Cardinet ou Clichy Levallois, deux jeunes couples sont montés dans la voiture. Détendus, souriants, ils ignoraient tout ce qui avait pu se passer depuis notre départ d’Argenteuil. Je me suis dit que la vie se déroule de cette façon tous les jours.

 

Pour rapide qu’ait Ă©tĂ© notre trajet jusqu’à St Lazare depuis BĂ©con les Bruyères, j’étais content d’arriver. Avant que les portes du train ne s’ouvrent sur le quai, me revoilĂ  cĂ´te Ă  cĂ´te avec « mon Â» jovial. J’essaie de lui dire quelques mots. De le raisonner. Il me rĂ©pond :

«  Je les dĂ©teste Â».

 

Avant de nous sĂ©parer, j’ai juste l’élan de lui rĂ©pondre :

 

«  La haine n’est pas la solution Â». Puis, nous nous souhaitons mutuellement une bonne soirĂ©e.

 

 

Franck Unimon, ce mercredi 4 novembre 2020.  

 

 

 

 

Catégories
Argenteuil Corona Circus Croisements/ Interviews

Immobilier

 

                                                   Immobilier

Il claudique mais ça n’empêche pas de marcher ensemble. Je l’ai connu alors qu’il était gérant d’un supermarché près de chez moi. Il le tenait avec autorité depuis sa caisse. Avec un regard d’aigle. Il disait à peine bonjour. Ou du bout des lèvres. Normal, pour un aigle.

 

Puis, il a arrĂŞtĂ©. Il a changĂ© de projet.  Alors, il a pris un peu plus le temps de discuter avec moi lorsque l’on a continuĂ© de se croiser. Puisque nous habitons Ă  peu près dans le mĂŞme quartier. Dans le supermarchĂ©, pendant des annĂ©es, il avait travaillĂ© de 5h Ă  21h. Il m’avait demandĂ© :

 

« Tu l’aurais fait ?! Â». Je lui avais confirmĂ© que je ne l’aurais pas fait.

Un autre jour, il m’a appris qu’il achetait des appartements aux enchères. Une fois, il m’a proposé d’y aller avec lui. Au tribunal de Pontoise. J’ai décliné. Peut-être mes principes ou ma disponibilité. Racheter à bas prix ce qui a pu constituer le projet et la vie des gens. Ou je n’étais tout simplement pas prêt à tenter cette aventure.

 

Je l’ai recroisé tout à l’heure à la boulangerie. Je venais de prendre mes baguettes. Lui, il sortait de la pièce du boulanger. Comme s’il était chez lui. Il m’a reconnu malgré mon masque anti-Covid. Il avait du pain dans la bouche.

 

Les murs de cette boulangerie sont restĂ©s vides pendant plusieurs annĂ©es. Une fois, j’y avais achetĂ© une confiture faite maison, payĂ©e cinq euros. Une arnaque. Une de mes collègues en avait rigolĂ© avec moi. Puis, il a rachetĂ© les murs. Il m’a expliquĂ© un jour son principe : Il loue. C’est Ă  celui qui tient la boulangerie de faire en sorte que son commerce marche !

 

Alors que nous nous éloignons de la boulangerie, il me demande si le pain est bon. J’ai les bras remplis de baguettes. J’ai oublié de prévoir un sac. Je réponds que le pain est très bon dans cette boulangerie.

 

Comme il me rappelle être seulement propriétaire des murs, j’en profite pour bénéficier de sa connaissance du marché immobilier dans notre ville d’Argenteuil. Récemment, en lisant par dessus l’épaule d’une personne qui regardait son téléphone portable, j’ai appris que le journal Les échos se demandait si ce deuxième reconfinement allait faire baisser les prix. L’article des Echos expliquait qu’avant ce deuxième reconfinement, les acheteurs avaient recommencé à se manifester. Mais, là….

 

Pour lui, Covid ou non, la vie continue. Il touche et dĂ©place son masque rĂ©gulièrement Ă  pleine main tout en me parlant. 500 euros la location pour 10 mètres carrĂ©s. 600 euros de loyer pour un 25-30 mètres carrĂ©s. Pour 38 mètres carrĂ©s ? 800 euros. Il m’explique qu’investir dans l’immobilier Ă  Argenteuil vaut le coup. Y habiter, non.

1200 demandes de location par jour m’apprend-t’il. Il m’approuve lorsque je dis qu’Argenteuil attire car c’est une ville proche de Paris.

Au centre, le maire de la ville d’Argenteuil, Georges Mothron, lors de la journĂ©e d’ouverture de la saison 2020-2021 au centre culturel Le Figuier Blanc.

 

 

Je pars acheter Le Canard Enchaîné. En première page d’un journal, j’aperçois un article qui parle de l’attentat jihadiste récent à Vienne. Si les Viennois sont, et je le comprends facilement, sous le choc, ici, et ailleurs, on est loin de tout ça.

 

Par contre, je connais quelqu’un qui est encore sous le choc. Une commerçante près de chez moi.

 

Elle a ouvert son commerce il y a Ă  peine deux mois. Il a l’air d’assez bien marcher. Ce week-end, quelqu’un a essayĂ© de partir avec la caisse mais, aussi, de s’envoler avec ce qu’elle vend. De l’alimentaire. Elle m’a appris ça ce matin. J’ai d’abord pensĂ© Ă  cette pĂ©riode de plusieurs mois qui avait prĂ©cĂ©dĂ© l’ouverture de son magasin. PĂ©riode durant laquelle des travaux avaient Ă©tĂ© effectuĂ©s. Mais quand je repasse la voir, elle me dit que c’était comme si la personne connaissait les lieux et avait la clĂ©. Aucune effraction. Elle ne sait pas si elle va rester.  Je la comprends : il y a quelques semaines, elle a dĂ» coopĂ©rer avec une fuite d’eau. Et, maintenant, ce cambriolage sans effraction. Les voleurs ont rĂ©ussi Ă  ouvrir la porte de devant mais ont Ă©chouĂ© Ă  faire monter le rideau de fer.

 

Au commissariat où elle est allée porter plainte, on lui a répondu que lors de ce week-end de la Toussaint, il y avait eu beaucoup d’infractions. L’agence immobilière qui gère les murs s’est contentée de lui répondre qu’elle lui avait remis des clés et qu’elle est fermée le dimanche. La propriétaire ne s’est pas manifestée.

 

 

Franck Unimon, ce mercredi 4 novembre 2020.

Catégories
Addictions Corona Circus Echos Statiques self-défense/ Arts Martiaux

La Clinique de l’Amour-d’après un Podcast de France Inter

 

                   La Clinique de l’Amour, d’après un podcast  de France Inter

C’est devenu une obsession. Après quelques autres obsessions. Car je fais partie des obsessionnels anonymes. Nous sommes des millions et peut-ĂŞtre des milliards Ă  porter ce type de tablier :

 

La personne « obsessionnelle Â» Ă  laquelle je pense est souvent appelĂ©e « maniaque Â» dans le langage quotidien. Dans le langage quotidien, la personne « obsessionnelle Â» ou « maniaque Â» Ă  laquelle je fais allusion est celle ou celui dont la vie semble souvent dĂ©pendre de deux ou trois dĂ©tails qui (le) tuent presque :

 

Madame ou Monsieur a très bien prĂ©parĂ© son repas. Les invitĂ©s vont arriver. Tout est parfait.  La table est mise. Tous les couverts assortis sont disposĂ©s Ă  angle droit avec des variations chromatiques Ă©tudiĂ©es selon le thème astral ou le chakra de chaque convive. Un petit cadeau personnalisĂ© attend chacun. La musique frĂ´le l’intime et le sublime au vu de la crĂ©ativitĂ© des enchaĂ®nements. Mais aussi du fait de l’onctuositĂ© de la restitution sonore. Le mobilier a Ă©tĂ© cirĂ©. Le mĂ©nage a Ă©tĂ© bien fait. Les meubles sont disposĂ©s selon des prĂ©ceptes bouddhistes qui invitent Ă  la dĂ©tente et Ă  la mĂ©ditation. D’ailleurs, un bâton d’encens se consume Ă  la façon d’un phare qui assurerait la sĂ©rĂ©nitĂ© ainsi que l’impossibilitĂ© du naufrage formel comme spirituel. Tout va bien. Madame ou Monsieur est exactement zen. Et puis, arrive le court-circuit.

 

En passant la porte de la salle de bain pour aller ouvrir aux invités qui viennent de sonner à l’interphone, Madame ou Monsieur s’aperçoit de la présence d’une boursouflure sur le mur adjacent. C’est trois fois rien. Un demi-centimètre de boursouflure que personne ne remarquera. Mais, à partir de ce moment, une bombe à retardement s’enclenche. Bombe que Madame ou Monsieur ne parviendra pas à désamorcer. Car, Madame ou Monsieur ne pensera plus qu’à cette boursouflure. Et non plus à cette invitée ou cet invité qui lui a tant plu lors d’une précédente soirée et qu’elle ou qu’il espère séduire en sortant le grand jeu.

 

 Avant que le premier invitĂ© ou la première invitĂ©e n’arrive, Madame ou Monsieur aura peut-ĂŞtre dĂ©foncĂ© le mur Ă  la masse et recevra alors dans la poussière et les gravats…..

 

 

Je caricature bien-sĂ»r lorsque je donne cet exemple « d’obsession Â». Dans cette anecdote que je viens d’inventer ce matin, il s’agit bien-sĂ»r d’une « obsession Â» grave. D’ordre psychiatrique. Mais j’ai illustrĂ© ça de cette façon, en grossissant le trait, pour mieux me faire comprendre lorsque je parle d’obsession. Mes obsessions sont bien-sĂ»r plus lĂ©gères que celle que je viens de raconter. On peut reprendre son souffle ou se mettre Ă  rire.

 

 

Les Maitres, les Experts, les amis….et les faussaires :

 

DĂ©sormais, pratiquement chaque fois que je lis les propos d’un grand Maitre d’Arts Martiaux, d’une PersonnalitĂ© ou de tout autre individu dont l’itinĂ©raire me « plait Â», je me soumets Ă  cette question :

 

Quel genre de personne est-ce lorsque son enfant, comme tous les enfants, le prend au dĂ©pourvu et dĂ©range son superbe agencement mental et moral ? La nuit ? Le jour ? Pendant qu’il est au volant ? Alors qu’il est occupĂ© ? Tandis qu’il lui parle et essaie de le convaincre ou de lui transmettre quelque chose ?

 

 

Lorsque l’on lit les interviews ou que l’on assiste à des démonstrations de Maitres, d’experts ou autres, on a souvent l’impression que tout coule de source pour eux, sur le tatamis comme dans la ratatouille du quotidien. On dirait que leurs émotions sont toujours leurs alliées ou leurs domestiques. Ou, qu’au pire, elles se prennent une bonne branlée lorsqu’elles tentent de les entraîner dans un mauvais kata ou dans un mauvais plan. Mais je sais que c’est impossible. Je sais que c’est faux. Sauf que je n’ai pas de preuves.

 

Je pourrais me rabattre sur les amis. Mais j’ai compris que parmi mes amis, connaissances, collègues et autres, passĂ©s, prĂ©sents et futurs se cachent beaucoup de faussaires :

 

Du côté des mecs ou des hommes, si l’on préfère, cette fausseté est un composé d’ignorance, de prudence et de conformisme. Je n’ai pas oublié, et sans doute ne l’ai-je toujours pas digérée, cette sorte d’hypocrisie sociale et faciale, à laquelle j’ai participé, de bien des hommes qui, plus jeunes, savaient me parler de cul, de leurs coups, de nanas….alors que, secrètement, ils aspiraient à se marier et à faire des enfants.

 

Un article lu par quelles femmes et quels hommes ? :

 

 

Bien-sĂ»r, cette caricature sociale peut faire rire. Et, elle doit faire rire. Ce qui me fait faire la grimace, c’est que cette caricature et ce conformisme social nous font souvent, hommes comme femmes, passer Ă  cĂ´tĂ© du principal concernant notre vie personnelle. Voire concernant notre vie tout court. Un exemple :

 

Cet article long (comme beaucoup de mes articles) sera, à mon avis, plus lu – et apprécié- par des femmes que par des hommes. Alors que les hommes ou les mecs (hétéros comme homos) sont à mon avis autant concernés que les femmes par les sujets de cet article. Puisque, tous, à un moment ou à un autre, nous nous postons devant le sujet de l’Amour et essayons d’y répondre avec nos moyens.

Et si des hommes lisent cet article, je m’attends Ă  ce qu’ils soient en majoritĂ© âgĂ©s de plus de trente ans. Parce qu’en dessous de 30 ans- c’est très schĂ©matique- mĂŞme si les hommes peuvent ĂŞtre des sentimentaux ( je suis un sentimental), nous sommes nombreux, je crois, Ă  ĂŞtre obsĂ©dĂ©s par le fait d’être performants sexuellement. Que ce soit en termes de nombre de conquĂŞtes ou en termes d’aptitudes particulières (longueur du pĂ©nis, durĂ©e de l’érection, capacitĂ© Ă  s’accoupler dans telle position et dans tel type d’environnement etc….), on dirait que notre valeur personnelle est indexĂ©e ( vraiment) sur notre valeur boursière. Et, ce qui est troublant, c’est que plus un homme est « connu Â» pour ĂŞtre un tombeur, plus sa cĂ´te augmente auprès d’une certaine gente fĂ©minine. Gente fĂ©minine qui peut ĂŞtre tout Ă  fait Ă©duquĂ©e, cultivĂ©e et aisĂ©e socialement et matĂ©riellement. Dans le film Extension du domaine de la lutte adaptĂ© par Philippe Harel  (avec lui-mĂŞme et JosĂ© Garcia d’après le livre de Michel Houellebecq) il est clairement dĂ©montrĂ© que l’homme sans conquĂŞte fĂ©minine, dĂ©primĂ©, laborieux et terne est souvent cĂ©libataire contrairement Ă  celui qui « besogne Â» les femmes pour ĂŞtre direct.

 

S’il existe des couples de déprimés, il est aussi assez courant que l’un des deux aille chercher de la légèreté et du réconfort ailleurs. Même si c’est pour, ensuite, revenir au domicile par sécurité, par espoir ou par devoir.

 

Mieux se comprendre, mieux se choisir et mieux s’aimer :

 

Je crois nĂ©anmoins que certaines femmes n’ont pas besoin qu’on leur promette des Ă©toiles (comme m’avait dit un jour un de mes cousins Don Juan il y a plusieurs annĂ©es) pour « faire le grand soleil Â» comme dirait le romancier RenĂ© Depestre.

 

Ou pour se mettre en couple.

 

Pourtant, Ă  propos du sujet de l’Amour, je crois les femmes plus sincères entre elles. Pour l’aborder. Mais je ne vais pas non plus en faire des anges de clairvoyance et de droiture. Car, comme je l’ai dit ce matin avec humour et provocation devant plusieurs de mes collègues femmes :

 

« Cela peut ĂŞtre difficile d’être d’un homme devant une femme Â». Et je ne parlais pas de compĂ©tences sexuelles en particulier. Pour ĂŞtre un homme devant une femme, il faut dĂ©jĂ  savoir ce que cette femme attend d’un homme. Mais aussi ce qu’être femme signifie pour elle. Et quels sont leurs vĂ©ritables projets Ă  tous les deux dans la vie. Et si ça concorde suffisamment pour tous les deux.  

 

Ça paraît simple écrit comme ça. Mais si c’était si simple que cela, les gens se choisiraient mieux, se comprendraient mieux et s’aimeraient mieux.

 

Je crois que, gĂ©nĂ©ralement, on continue de croire qu’il « suffit Â» de s’aimer et de se dĂ©sirer pour qu’une histoire dure.

 

Il existe, aussi, une sorte de méfiance instinctive, donc animale, entre l’homme et la femme, mais aussi entre deux personnes, dès qu’elles se rencontrent, qui fait, bien des fois, que certaines personnes qui pourraient s’allier se rejettent. Pendant que d’autres qui auraient mieux fait de s’ignorer décident de s’amalgamer.

 

Les Hommes, tous des salauds ?! Et les Femmes, toutes des salopes ?!

 

 

Comme tout le monde, j’ai entendu certaines femmes dire des hommes qu’ils sont « tous des salauds!». Et certains hommes dire que les femmes «  sont toutes des salopes ! Â».

 

Ce qui m’étonne, de manière rĂ©pĂ©tĂ©e, mĂŞme s’il y a bien-sĂ»r des « salauds Â» parmi les hommes et des « salopes Â» parmi les femmes, c’est que ces mĂŞmes personnes (femmes et hommes), lorsqu’elles croisent des gens « bien Â», les zappent ou les ignorent. C’est une constante. Je n’écris rien d’extraordinaire, ici.

 

 

Des couples volontaires : Se dire oui…et non.

 

 

Et puis, il y a cette ambivalence ou cette particularitĂ©, propre, je crois, Ă  tous les couples :

 

Lorsque l’on décide de se mettre ensemble, on est souvent l’un et l’autre très volontaire. Car on est au moins soutenu par l’Amour, le désir ainsi que par le souhait de rompre notre solitude.

 

Cependant, dans chaque couple, je crois, mĂŞme si l’on se dit « oui Â» (que l’on se marie ou non), il est des domaines sensibles oĂą l’on se dit non.

 

Mais on le banalise ou on l’ignore parce-que le regard et le corps de l’autre produisent alors des atomes qui propulsent notre univers personnel dans un espace-temps qui s’ouvre seulement pour nous. Et cela nous rend extraordinairement optimistes. Ou exaltés.

 

Et, nous aussi, nous produisons des atomes auxquels l’autre est alors particulièrement sensible. Cela la rend ou le rend aussi extraordinairement optimiste ou exalté( é).

 

 Alors, nous dĂ©collons ensemble vers un ailleurs sans toujours bien prendre le temps de bien vĂ©rifier la validitĂ© de tout l’équipement affectif que nous emportons. Mais aussi ses rĂ©elles compatibilitĂ©s avec l’équipement affectif, moral et psychologique de l’autre. Car notre vie est ainsi faite :

 

De vérifications mais aussi d’élans et de spontanéités. Certains de nos élans et de nos spontanéités sont inspirés par des reflets de nous-mêmes….sauf qu’un reflet, c’est le contraire de l’autre. C’est notre regard sur lui.

SĂ©rie  » La Flamme » sur la chaine Canal + que je n’ai malheureusement pas encore pu voir.

 

 

Moi, thĂ©rapeute de couple ?!

 

 

A ce stade de cet article, on peut peut-ĂŞtre croire que je ma la pète :

 

Que j’ai tout vu et tout entendu. Et que je sais tout concernant le couple. Que je maitrise mon sujet. Ce serait plutĂ´t, un peu le contraire. Je m’applique seulement Ă  ĂŞtre aussi sincère que possible. Aux potins, ragots et autres articles de psychologie « de cuisine Â» oĂą l’on donne des « trucs Â»,  je prĂ©fère  donner la prioritĂ© Ă  un certain vĂ©cu, Ă  certaines rĂ©flexions. Et Ă  les transmettre. Parce-que j’ai aussi eu la chance, quand mĂŞme, d’avoir des discussions ouvertes, ou d’être le tĂ©moin direct de certaines situations affectives sensibles.

 

NĂ©anmoins, j’ai aussi lu des articles de psychologie « facile Â». Et, j’en lirai sans doute d’autres. J’ai aussi Ă©coutĂ© des potins et des ragots mĂŞme si ce n’est pas mon point fort.

 

Car, évidemment, comme pour tout le monde, tout a commencé dans mon enfance.

 

 

 

Le modèle de mes parents :

Je suis largement l’aĂ®nĂ© des enfants de mes parents. A voir mes relations passionnelles et rapidement explosives avec mon père, je reste devant un mystère. Je me demande encore quel genre de père il Ă©tait lorsque je ne m’en souviens pas :

 

Lors de mes quatre premières annĂ©es de vie. Lorsque j’écoute ma mère, que j’ai dĂ©jĂ  questionnĂ©e et re-questionnĂ©e, mon père aurait Ă©tĂ© un père tout ce qu’il y a de plus « ordinaire Â» Ă  mon Ă©gard. Mais je ne le crois pas. Je crois que ma mère, pour dĂ©fendre l’image de mon père et aussi parce qu’elle s’y retrouvait en tant que femme et en tant que mère, avec moi, n’attendait pas trop de « choses Â» de mon père, lorsque j’étais petit.

 

Si bien des femmes se sentent peu maternelles, il existe aussi nĂ©anmoins beaucoup de femmes, sans doute selon un certain modèle traditionnel, qui se sentent d’autant plus femmes qu’elles deviennent mères. Et qu’elles s’occupent de la petite ou du petit. Ce modèle de mère ou de maman n’attendra pas de l’homme ou du père qu’il se lève la nuit lorsque le bĂ©bĂ© ou l’enfant se rĂ©veille. Ni que l’homme ou le père change les couches, prĂ©pare les biberons ou garde l’enfant Ă  la maison. Pour ce « genre Â» de maman, si le père ou le papa est important, en pratique, celui-ci est un personnage assez secondaire lors des premières annĂ©es de vie.  Or, les relations que l’on a dès les premières annĂ©es de vie avec notre enfant mais aussi avec nos frères et nos sĹ“urs engagent nos relations futures.

 

Lorsque je vois Ă  quel point et avec quelle rapiditĂ©, quelques Ă©changes avec mon père suffisent Ă  ce que nous soyons chien et chat, ou, plutĂ´t, deux coqs face Ă  face, j’ai beaucoup de mal Ă  croire qu’il ait pu ĂŞtre si « affectueux Â» Ă  mon Ă©gard lors de mes premières annĂ©es de vie. MĂŞme si je ne doute pas de son amour comme de son implication- musclĂ©e et obsessionnelle- ensuite dans mon Ă©ducation.

 

 

L’enfance est une carrosserie : diffĂ©rences entre la chirurgie et la psychiatrie

 

 

Aîné de mes parents, par contre, je me rappelle bien avoir été le témoin direct et contraint de leurs différends. Et ce n’était pas toujours très beau. Des propos tenus en ma présence.

Des confidences que ma mère a pu me faire. Confidences qui m’ont appris le sens et l’importance de la discrétion et des mots. Ainsi que la solidarité. Sauf que j’étais trop jeune lorsque cet apprentissage a débuté. J’avais moins de dix ans.

 

L’enfance, c’est une carrosserie. Pendant des années, l’enfance permet d’absorber un certain nombre de chocs et d’accidents. Les parents parfaits n’existent pas. Même si chaque parent, je crois, essaie de réparer et de faire mieux ou un peu mieux que ses propres parents.

 

Mais la vie parfaite n’existe pas. Et nous sommes faits et constitués de manière à pouvoir encaisser un certain nombre d’accrochages. Sauf que les coups que nous prenons sont invisibles et laissent des traces invisibles. C’est une des grosses différences entre la chirurgie et la psychiatrie et la psychologie.

 

Lorsque l’on se fracture une jambe en faisant du ski, de la danse, de la Gym ou du Foot, on a des signes physiques visibles. Cela se voit Ă  la radio. On peut rĂ©parer. Je crois de plus en plus que beaucoup de nos blessures sportives arrivent souvent , aussi, dans un certain contexte affectif et psychologique mĂŞme si la fatigue physique et le surentraĂ®nement ou la mĂ©forme peuvent augmenter les risques de blessures. Mais, retenons dans notre exemple ce que je veux surtout dĂ©montrer. La chirurgie permet de rĂ©parer et de rĂ©duire des dommages physiques et physiologiques « visibles Â», dĂ©tectables. Incontestables. Le terme « incontestables Â» a une grande importance.

Le terme « DĂ©montrables Â», aussi. On se fracture une jambe, il est très facile de le dĂ©montrer. Il suffit de toucher. De regarder Ă  l’œil nu. C’est souvent gonflĂ©, chaud, froid, etc….

 

En psychiatrie et en psychologie, il y a aussi des signes cliniques variĂ©s :

 

Perte d’appĂ©tit, perte de sommeil, boulimie, anorexie, conduites Ă  risques, pensĂ©es particulières,  idĂ©es de mort, dĂ©lires etc….

Sauf qu’entre le moment oĂą un Ă©vĂ©nement traumatique a lieu et « dĂ©clenche Â» l’état psychiatrique ou psychologique- physique et social- visible et dĂ©tectable, il peut se passer plusieurs annĂ©es. En pĂ©dopsychiatrie, on a des mĂ´mes de dix, onze ans voire moins. Ça fait très « petit Â» pour ĂŞtre hospitalisĂ© dans des services de pĂ©dopsychiatrie ou pour consulter dans un centre mĂ©dico-psychologique ou dans un CMPP. Ou pour rencontrer un psychologue. Mais ça fait combien d’annĂ©es que la « carrosserie Â» de ces mĂ´mes se mange des chocs et des accrochages ? Depuis leur naissance ? Avant leur naissance ?

 

Dans un garage, on peut vous dire : ça fera tant et tel nombre d’heures pour rĂ©parer la carrosserie. La voiture est un objet inerte. L’être humain est le contraire d’un objet. Et l’être humain est tout sauf inerte. L’être humain, c’est de la matière vivante. RĂ©ceptive Ă  ce qui l’environne, qu’elle s’en rende compte ou non. Partout, tout le temps. Lorsqu’elle dort. Lorsqu’elle Ă©coute de la musique. Lorsqu’elle passe devant une rĂ©clame publicitaire. Lorsqu’on la touche. Ça n’a rien Ă  voir avec une carrosserie de voiture ou avec une fracture que l’on va rĂ©duire au bout de quelques semaines ou quelques mois.

 

Le couple, continuitĂ© de  notre enfance :

Le couple, c’est la continuité de notre enfance. Même adultes, nous restons des enfants.

Beaucoup de personnes croient qu’une fois adultes, elles se sont complètement séparées de leur enfance. Elles ont évolué, oui. Si on leur propose une tétine ou un biberon pour bébé, c’est évident, qu’elles n’en voudront pas. Mais les tétines et les biberons ont aussi évolué. Eux aussi sont devenus grands. Mais avant de devenir adultes, on passe par l’adolescence. Une période assez critique. On critique le monde, les autres, soi. On fait les comptes de ce que l’on a compris et assimilé de la vie, les bons aspects comme les mauvais.

 

Il existe un âge théorique pour l’adolescence, grossièrement entre 12 et 20 ans, selon les personnes, les sexes et les cultures. Mais c’est très théorique. Cela varie selon les expériences de vie, les tempéraments et les personnes.

L’adolescence est la pĂ©riode des virages sensibles. On n’est plus un enfant physiquement, mentalement, intellectuellement au sens oĂą les adultes n’ont plus le mĂŞme pouvoir d’autoritĂ© ou de dissuasion sur nous. Ils n’ont plus le monopole de l’expĂ©rience et du Savoir aussi, et c’est encore plus vrai avec l’informatique et les nouvelles technologies qui ringardisent de plus en plus rapidement les plus « vieux Â».

 

MĂŞme si, en tant qu’ados,  on craint certains  » vieux ». MĂŞme si on en admire d’autres. MĂŞme si on recherche d’autres. Ouvertement ou secrètement.

 

Le couple, qui, en principe, est l’un des « trophĂ©es Â» ou l’apanage de l’adulte, permet Ă  l’adolescente et Ă  l’adolescent de passer Ă  l’action. De mettre en pratique sa vision du monde. Ses convictions. L’adolescente ou l’adolescent se croit souvent plus libre que l’adulte qui peut ĂŞtre criblĂ© de dĂ©fauts. Du cĂ´tĂ© des adultes, on peut aussi très mal vivre ou très mal supporter ces « jeunes Â» qui nous dĂ©rangent, qui nous cherchent ou nous provoquent. Mais il y a de l’adolescent en chaque adulte et de l’adulte en chaque adolescent. Et, bien-sĂ»r, il y a de l’enfance dans les deux. Sauf que cette enfance n’est pas vĂ©cue, protĂ©gĂ©e ou sacrifiĂ©e de la mĂŞme manière selon les circonstances et les choix des uns et des autres. Il est ados qui font des  choix de vie dont bien des adultes seront incapables. Il est aussi des ados qui font des choix de vie qui feront d’eux des adultes suppliciĂ©s et dĂ©primĂ©s alors qu’ils avaient pour eux certains atouts. D’autres, ados ou adultes, deviendront des criminels, des SDF…je ne vais pas rĂ©inventer la vie. Elle est devant nous, tous les jours.

Un Adolescent :

 

 

Adolescent, je voulais devenir père Ă  vingt ans. Comme ma « mère Â». Tout est parti de la naissance de ma sĹ“ur, neuf ans après moi. Puis de celle de notre frère, cinq ans plus tard.

 

Au dĂ©part, j’avais très mal supportĂ© la prĂ©sence de ma petite sĹ“ur ainsi que ses diverses sollicitations. Puis, je m’étais « acclimatĂ© Â». De toute façon, je n’avais pas le choix :

 

Lorsque ma mère partait Ă  l’hĂ´pital pendant douze heures dans le service de rĂ©animation oĂą elle Ă©tait aide-soignante, et que c’était le week-end, notre père considĂ©rait qu’il avait mieux Ă  faire. Et, il me laissait m’occuper de ma sĹ“ur et de mon frère Ă  la « place Â» de maman.

 

J’y ai pris goĂ»t. MĂŞme si, certaines fois, j’aurais bien aimĂ© pouvoir sortir pour m’amuser avec les copains ou pour aller Ă  mon club d’athlĂ©tisme. Un de mes cousins m’avait surnommĂ©, en se marrant : «  La nounou ! Â».

 

La Nounou

 

 

A vingt ans, étudiant infirmier, comme ma mère aurait souhaité le devenir, j’ai croisé une femme dans un mes stages à l’hôpital. Elle était aide-soignante, était plus âgée que moi de six ans et avait un enfant. Simplement, sincèrement, elle m’a fait comprendre qu’elle aimerait bien avoir une histoire avec moi. Elle était plutôt jolie. Elle m’était sympathique et rassurante. J’avais été touché par sa déclaration. Elle m’avait expliqué que le père de son enfant, dont elle était séparée, était quelqu’un de gentil mais de pas très adulte.

 

 

Son offre Ă©tait tentante. Jeune adulte assez rĂ©cemment dĂ©niaisĂ© sexuellement et bien Ă©videmment tournĂ© vers les prodigieux gisements de l’orgasme, j’ai probablement entrevu le très grand potentiel sexuel d’une union avec elle. Mais je savais aussi ce que celle-ci impliquait :

Avec elle, je n’avais aucun doute quant au fait que je serais rapidement devenu père. Et, elle,  Ă  nouveau, une mère.

 

Enfant, puis ado, j’avais pu voir et revoir ce schĂ©ma très courant parmi bien des couples de ma famille antillaise, Ă  commencer par mes propres parents :

 

Des jeunes adultes, qui, très vite, dès qu’ils commencent à travailler, font des enfants. Des femmes qui, jeunes, étaient belles et sveltes, et qui, en devenant mères, s’alourdissaient de kilos en kilos avec les années. Des hommes qui, généralement, étaient plutôt machos et se préoccupaient assez peu de psychologie. Contrairement à moi, on l’aura compris.

 

 

Je tiens à préciser que lorsque cette femme, plus mûre que moi, m’avait abordé, je n’avais pas d’intention particulière à son sujet. Si je regardais les femmes au point d’être amoureux de certaines, j’étais beaucoup dans l’idéalisation de la femme. J’avais aussi un sacré handicap, voire plusieurs, pour rencontrer des femmes et avoir des relations intimes avec elles.

 

 

Mes handicaps au sortir de l’adolescence :

 

Au dessus de ma tĂŞte et dans ma tĂŞte, Ă©tait plantĂ©e l’interdiction paternelle de la Femme blanche. Dans un pays oĂą les gens sont majoritairement blancs, ça compliquait un peu la donne.

 

Ma mère, aide-soignante dans un service de réanimation, m’avait planté dans la tête l’interdiction de la mobylette et de la moto. Interdiction dont je ne me suis toujours pas relevé même si j’ai pu être passager plutôt facilement et avec plaisir derrière des conducteurs de deux roues. Mais, mon père, lui, c’était l’interdiction de la Femme blanche.

 

Si j’avais Ă©tĂ© un « queutard Â», j’aurai pu contourner l’interdit. Parce-que Monsieur Papa, lui-mĂŞme, a bien aimĂ© « rencontrer » quelques femmes blanches. Mais, peut-ĂŞtre du fait de ma solidaritĂ© enfantine avec ma mère, je ne suis pas un queutard. Or, un queutard s’intĂ©resse avant tout Ă  son propre plaisir. Et, n’importe qui, n’importe quand, voire, dans n’importe quelles circonstances peut-ĂŞtre, lui « va Â».

 

J’avais peur de mettre une femme enceinte. MĂŞme si la contraception (pilule et prĂ©servatif) existait bien-sĂ»r et Ă©tait dĂ©jĂ  normalisĂ©e. Sauf que j’avais sans doute une mentalitĂ© de campagnard traditionnel Ă  l’image de mes propres parents. Et, je savais dĂ©jĂ  assez concrètement qu’avoir un enfant ou faire un enfant Ă©tait une responsabilitĂ©. On comprend assez facilement vu ce que j’ai pu raconter de mon adolescence. Si plusieurs de mes amis (femmes et hommes) ont dĂ©couvert vers 25 ou 26 ans, ou plus tard, ont dĂ©couvert, en devant mères ou pères, ce que ça faisait de s’occuper d’un bĂ©bĂ©, moi, je l’avais dĂ©couvert environ dix ans plus tĂ´t. Et quelque peu par la contrainte. J’en ai eu des bĂ©nĂ©fices. Si, aujourd’hui, j’ai plutĂ´t de bonnes relations avec ma sĹ“ur et mon frère, aujourd’hui adultes et mères et pères de famille, cela vient sans aucun doute de mes « aptitudes Â» Ă©galement maternelles lorsque je me suis occupĂ© d’eux. NĂ©anmoins, une partie de mon adolescence a Ă©tĂ© un peu malmenĂ©e, en particulier lorsque notre père m’imposait de tenir  son rĂ´le lorsque notre mère Ă©tait au travail et qu’il partait vadrouiller pour son bon plaisir pendant l’intĂ©gralitĂ© du week-end. Soit un homme et un adulte très exigeant mais pas très juste avec moi. Ce qui explique ma colère assez facilement « Ă©rectile Â» envers lui encore aujourd’hui.

 

« Enfin Â», et c’est Ă  peu près tout,  j’avais aussi peur du Sida. Car la fin des annĂ©es 80, c’était l’épidĂ©mie du Sida. EpidĂ©mie qui existe toujours mais face Ă  laquelle, aujourd’hui, nous disposons de plus d’armes. Aujourd’hui, ce serait plutĂ´t la pandĂ©mie du Coronavirus et celle du terrorisme jihadiste vis-Ă -vis desquels nous manquons d’armes. Ainsi que face au rĂ©chauffement climatique et Ă  la montĂ©e des extrĂ©mismes du manière gĂ©nĂ©rale, politiques comme religieux. Cela fait aujourd’hui partie de notre routine de la peur.

 

 

Une femme et un homme : routine ou normalitĂ© sociale et conjugale

 

Après avoir croisĂ© cette femme plus âgĂ©e que moi, j’ai bien-sĂ»r appris que la « routine Â» ou normalitĂ© conjugale et sociale qu’elle m’avait proposĂ©e  se retrouve dans bien d’autres cultures.

 

Mais cette femme était d’origine antillaise comme moi. Sans doute que cela m’a d’autant plus alerté et poussé à déserter. J’avais donc décliné poliment ses propositions malgré l’insistance, aussi, de sa jeune sœur, laquelle me plaisait encore plus mais avait déjà un compagnon.

 

J’avais dĂ©clinĂ© sa proposition car, depuis mon adolescence, je savais que je ne voulais pas faire partie de ces hommes qui font des mĂ´mes sans penser Ă  l’avenir. Et, je savais aussi, sans doute, que je refusais une relation de mensonge :

 

J’aurais pu faire mine d’accepter le projet conjugal de cette femme, coucher avec elle pendant un certain temps, me faire dorloter par elle. Puis m’enfuir. C’est un classique. S’il est assez classique que des hommes quittent une femme après lui avoir fait un ou plusieurs enfants, il est aussi certaines femmes dont la prioritĂ© est d’ « avoir Â» un ou plusieurs enfants. Comme si l’enfant prĂ©sent permettait de remplacer un ou plusieurs membres qui manquent Ă  la mère.

 

La psychiatrie adulte Ă  vingt cinq ans :

Après mon diplôme d’infirmier, ma mère a essayé un temps de me dissuader d’aller travailler en psychiatrie. Elle avait peur que je devienne fou. Cette fois-ci, sa peur de la psychiatrie m’a moins parlé que sa peur de la moto.

 

 

A vingt cinq ans,  après mon service militaire que j’avais rĂ©ussi effectuer en tant qu’infirmier dans un service de psychiatrie adulte, j’ai commencĂ© Ă  travailler dans un service de psychiatrie adulte.

 

Depuis l’obtention de mon diplĂ´me d’Etat d’infirmier, quatre ans plus tĂ´t, je m’étais  aperçu que cela ne me correspondait pas d’aligner des tâches Ă  la chaĂ®ne dans un hĂ´pital dans un service de soins gĂ©nĂ©raux. Comme si je travaillais sur une chaĂ®ne de montage dans une usine. C’était au dĂ©but des annĂ©es 1990.

 

Si l’on Ă©tait en pleine Ă©pidĂ©mie du Sida, on ne parlait pas, alors, de la pandĂ©mie du Covid qui a atterri dans notre système solaire et mental en mars 2020. Mais on parlait dĂ©jĂ  de pĂ©nurie infirmière. Avant de devenir infirmier titulaire Ă  vingt cinq ans dans ce service de psychiatrie adulte, j’avais aussi Ă©tĂ© vacataire et infirmier intĂ©rimaire dans des cliniques mais aussi dans des hĂ´pitaux publics en Ă®le de France. De jour comme de nuit.

 

 

Dans mon « nouveau Â» service, en psychiatrie adulte, j’ai Ă©tĂ© le plus jeune infirmier pendant deux ou trois ans. Plusieurs de mes collègues Ă©taient mariĂ©s avec enfants ou vivaient en couple. J’étais tout le contraire mais j’avais des principes et des certitudes concernant l’amour et le couple.

 

J’avais donc Ă©tĂ© très choquĂ© en apprenant que tel collègue, mariĂ©, avait trompĂ© sa femme avec telle autre collègue, mariĂ©e Ă©galement mais aussi mère de famille. J’avais Ă©tĂ© si choquĂ© moralement  que j’avais envisagĂ© de quitter le service devant cette dĂ©bauche morale, pour moi,  Ă©vidente.

 

Puis, j’étais restĂ©. Je me sentais très bien professionnellement et humainement dans ce service. Je m’y sentais si bien que j’ai d’ailleurs fini par m’y sentir comme chez moi. Au point de devenir incapable de le quitter mĂŞme si je sentais que c’était pourtant ce qu’il fallait faire.  Cela  a eu plus tard des incidences personnelles et professionnelles qui m’ont obligĂ© et poussĂ© plus tard- enfin- Ă  partir. Et Ă  comprendre que l’affectif, mĂŞme s’il est important avec nos collègues, doit rester secondaire sur notre lieu de travail.

 

Mais, dans ce service, en apprenant à connaître ces collègues, je compris un peu plus que la vie adulte et la vie de couple avaient leurs impasses.

 

Couper le cordon avec nos parents :

 

 

Le modèle du couple de mes parents et de membres de ma famille m’avait bien-sĂ»r dĂ©jĂ  donnĂ© des indices. Mais on ne fait pas toujours le rapprochement entre le modèle de nos parents et de notre famille et celui que l’on va suivre pour notre propre vie affective. Assez souvent, on suit Ă  peu près le mĂŞme modèle que nos parents. MĂŞme si, en apparence, on a l’impression d’être diffĂ©rent. D’avoir coupĂ© le cordon avec nos parents. Et cela se comprend facilement : 

MĂŞme si nous pouvons nous montrer aussi critiques que des ados envers nos parents, ceux-ci n’ont pas tout ratĂ© dans leur vie. Il est mĂŞme des aspects de leur vie que nous serions incapables de supporter ou de rĂ©aliser. Je me suis dĂ©ja demandĂ© par exemple, si, Ă  la place de mes parents, j’aurais eu la capacitĂ©, comme eux, de quitter mon pays natal pour la France.  A la fin des annĂ©es 60, mon père et ma mère ont quittĂ© la Guadeloupe. Ils ont ainsi rompu avec une certaine tradition ainsi qu’une partie du cordon qui les reliait Ă  leurs aĂ®nĂ©s depuis plusieurs gĂ©nĂ©rations depuis l’arrivĂ©e de leurs ancĂŞtres, du fait de l’esclavage, en Guadeloupe. Esclavage qui a Ă©tĂ© aboli en Guadeloupe en 1848. Je le rappelle. Car il est encore des personnes instruites et de bonne foi en France qui ignorent que la prĂ©sence de la majoritĂ© des Antillais par exemple en Guadeloupe ou en Martinique rĂ©sulte de la traite nĂ©grière occidentale qui a durĂ© environ deux cents ans. 

En 1966 et 1967,  mon père avait 22 ans et ma mère, 19 ans.  MĂŞme s’ils sont arrivĂ©s en « MĂ©tropole » avec la nationalitĂ© française, il existait alors un tel dĂ©calage culturel- qui subsiste- entre la Guadeloupe et la France, ainsi qu’un certain handicap de couleur de peau, que, pour moi, leur venue « en » France a bien des points communs avec celle de beaucoup d’immigrĂ©s. C’est comme cela que je m’explique ma comprĂ©hension assez « intuitive » de certaines difficultĂ©s d’intĂ©grations de jeunes français d’origine arabe ou maghrĂ©bine par exemple. Et, je ne vois aucun hasard dans le fait que mon meilleur ami soit d’origine algĂ©rienne. MĂŞme si j’ai appris depuis que dans certains quartiers, il arrive qu’Arabes et noirs ( africains ou antillais) soient les pires ennemis les uns pour les autres. 

 

 

Et puis, il y a une frontière que l’on ne franchit pas vis Ă  vis de ses parents lorsque l’on est mature :

 

Leur sexualitĂ© nous est interdite. Ce n’est pas Auchan ou une salle de cinĂ©ma. Nous n’avons pas de droit de regard dessus. Alors que l’on peut plus facilement s’autoriser Ă  franchir cette frontière en « regardant Â» ou en imaginant la sexualitĂ© de tels collègues ensemble. J’ai dĂ©jĂ  entendu parler de ragots Ă  propos des coucheries ou de la relation sentimentale entre deux collègues. Je n’ai jamais entendu parler de ragots Ă  propos de la sexualitĂ© de mes parents lorsqu’ils s’accouplaient :

 

 Il doit ĂŞtre très rare que des enfants, entre eux, se racontent les derniers potins concernant les derniers vibratos Ă©jaculatoires et clitoridiens de leurs parents.

 

 

En quittant ce premier service de psychiatrie, quelques annĂ©es plus tard,  pour un autre service, mon regard sur le couple, l’amour et certaines normes conjugales avait changĂ©. J’avais par exemple compris, je crois, que dĂ©sirer et aimer quelqu’un ne suffit pas pour ĂŞtre heureux ensemble. MĂŞme si ce dĂ©sir et cet amour sont partagĂ©s. Et qu’ils comptent bien-sĂ»r dans la construction d’un couple ou d’une relation. Du moins, Ă  mon avis.

 

Un quasi-expert dans les relations sentimentales Ă  la mords-moi-le-nĹ“ud :

 

 

Pour  apprendre ça, j’avais payĂ© de ma personne :

 

J’étais devenu un quasi-expert dans les relations sentimentales Ă  la « mords-moi-le-nĹ“ud Â».

 

Si j’ai connu des histoires d’amour avant de travailler dans ce service puis ensuite, j’ai aussi vĂ©cu l’échec final : ce que l’on appelle la rupture sentimentale. J’ai connu la rupture sentimentale, les ruptures sentimentales. Mais je n’avais toujours pas coupĂ© le cordon avec mes parents. Donc, j’étais dans ce que l’on appelle…la rĂ©pĂ©tition.

 

 J’ai Ă©tĂ© quittĂ©. J’ai aussi quittĂ©. Peu importe la sincĂ©ritĂ© de dĂ©part de l’un ou de l’autre.

 

A celles et ceux qui ont pu me dire, Ă  un moment donnĂ© que je manquais de chance, j’ai fini par rĂ©pondre :

 

« Non ! Je ne suis pas douĂ© pour le bonheur Â».

 

 

A une collègue, en couple, qui avait pu me dire que cela l’angoissait d’être seule, j’avais rĂ©pondu :

 

« Moi, c’est d’être en couple qui m’angoisse Â».

 

 

Et, c’est vrai que, célibataire, j’ai connu un certain nombre de moments où j’étais vraiment très content d’être tout seul chez moi.

Mais il y a eu aussi d’autres moments moins drĂ´les. OĂą je devais partir Ă  la chasse d’affection. Au point qu’un certain nombre de fois, j’ai pu ĂŞtre trop prĂ©sent auprès de certaines personnes. Aux mauvais moments. De la mauvaise façon. Avec les « mauvaises Â» personnes : celles qui Ă©taient indisponibles.

 

Une certaine addiction :

 

A la RĂ©pĂ©tition d’histoires sentimentales Ă  la mords-moi le nĹ“ud, s’est ajoutĂ©e sa cousine ou sa jumelle : Une certaine Addiction aux histoires Ă  la mords-moi-le-nĹ“ud.

 

 

Aujourd’hui, je peux parler « d’addiction Â» parce-que depuis que je m’intĂ©resse d’un peu plus près au sujet des addictions depuis environ quatre ans, j’ai compris que l’on peut ĂŞtre aussi « addict Â» Ă  un certain type de comportements qui nous sont nĂ©fastes. Parce-que ces comportements nous dirigent et nous transportent vers des situations que l’on connaĂ®t bien. MĂŞme si ces situations nous dĂ©posent toujours, Ă  un moment ou Ă  un autre, sur un matelas hĂ©rissĂ© de tessons ou de clous dans lequel on s’enroule, seul.

 

 

Entre l’obsession et l’addiction, il y a aussi des points communs. Nous sommes nombreux à avoir des obsessions. Nous sommes aussi nombreux à avoir certaines addictions. Mais nous nous en sortons différemment selon les lieux, selon notre entourage et aussi selon notre capacité à le voir ou à le nier.

 

 

Je me maintenais dans des histoires Ă  la mords-moi-le-nĹ“ud parce-que l’inconnu me faisait peur. L’inconnu d’être dans une histoire sentimentale stable et simple. La peur de me conformer Ă  une histoire conjugale « normale Â» et routinière comme mes parents oĂą le Devoir et le sacrifice semblent l’emporter, l’ont emportĂ©, avant tout.

 

Avant que les gens ne prennent de l’âge, de l’arthrose, ne s’avachissent sous les kilos, le poids de leurs artères et de leurs colères contre l’autre, ils ont Ă©tĂ© beaux. Ils ont Ă©tĂ© souriants en rencontrant l’autre. Et, ils ont cru Ă  leur histoire mĂŞme si celle-ci a peu durĂ© et que l’artifice a très vite disparu. Dans le monde animal, il n’y a aucun drame car c’est comme ça que cela doit se passer. Il n’y a pas de rancune particulière, je crois. Mais dans le monde des ĂŞtres humains, cela se passe diffĂ©remment. Il y a de la mĂ©moire, des rancunes, des espoirs et  des comptes Ă  rendre Ă  l’autre :

 

 A soi-mĂŞme, Ă  notre entourage ainsi qu’à nos aĂ®nĂ©s mais aussi Ă  notre descendance.

 

Ça fait beaucoup. Et cette histoire se perpétue.

 

Le mensonge et les normes sociales :

 

 

Je suis devenu père et me suis mariĂ© tard. J’avais quarante cinq ans. Je connaissais dĂ©jĂ  la sĂ©curitĂ© sociale et Ă©conomique. En me mariant avec ma compagne mais aussi en devenant père, j’ai dĂ©couvert la sĂ©curitĂ© affective :

 

Cette présence quotidienne et aimante qui vous attend et vous reçoit quelle que soit la journée que vous avez passée. Quels que soient vos travers et vos humeurs. Tout ce que vous avez à faire pour cela, c’est rentrer chez vous, passer un coup de téléphone ou envoyer un sms et quelqu’un, votre compagnon ou votre compagne, voire votre enfant, généralement, vous répond plutôt favorablement. Vous êtes souvent le bienvenu ou la bienvenue. Vous bénéficiez assez souvent d’une attention particulière.

 

 

En dĂ©couvrant cette expĂ©rience, j’ai aussi eu la confirmation que certains de mes proches et de mes connaissances qui m’affirmaient avoir moins de temps pour me voir ou me rappeler, m’avaient menti. Le mensonge fait aussi partie des normes sociales. Le mensonge envers les autres. Mais aussi vis Ă  vis de soi-mĂŞme :

 

Si l’on a moins de temps lorsque l’on se met en couple et que l’on dĂ©cide ensuite de « faire Â» un enfant, on peut, si on le veut vĂ©ritablement, joindre untel ou untel. Ou prendre le temps de le rencontrer. Cela nĂ©cessite plus de prĂ©paration pour une durĂ©e plus courte. Mais c’est possible.

 

Cet article est imparfait et biaisé bien-sûr mais je le crois sincère. Je le vois comme le contraire de certains mensonges sociaux.

 

 

Mais il y a d’autres mensonges qui subsistent. Lorsque l’on se met en couple, que l’on se marie ou non, on se dit oui. Sauf que, même en se disant ouvertement oui, il y a d’autres points sur lesquels on se dit non. Mais comme on est plein d’amour et de désir l’un pour l’autre, on n’y fait pas attention. On banalise ces quelques points qui peuvent ou vont devenir beaucoup plus sensibles à mesure que l’on va se rapprocher l’un de l’autre dans le quotidien mais aussi dans la vie intime.

 

 

La Clinique de l’Amour : une Ă©mission de France Inter

 

 

Cette très longue introduction pour expliquer ce qui a pu me donner envie de découvrir et d’écouter cette émission de France Inter appelée La Clinique de l’Amour. Une émission qui raconte en plusieurs épisodes (cinq ou six) d’une vingtaine de minutes l’évolution de plusieurs couples qui font une thérapie.

 

L’émission m’a « plu Â». MĂŞme si je lui reprocherais le fait que, par moments, pour moi, les thĂ©rapeutes sont trop intervenus. Cela peut faire sourire après tout ce que j’ai Ă©crit avant de vous parler, finalement, de ce podcast de France Inter qui date de fĂ©vrier 2020.

 

Le thĂ©rapeute masculin par exemple. Il est certaines fois oĂą, Ă  mon avis, les deux thĂ©rapeutes auraient dĂ» davantage « protĂ©ger Â» la parole de celle ou de celui qui s’exprime  et le laisser parler. Au lieu de le laisser ou de la laisser se faire « pilonner Â» verbalement par l’autre.

 

Je crois que ça aurait Ă©tĂ© « bien Â» d’expliciter :

 

De dire par exemple Ă  telle personne qu’elle semble très déçue ; qu’elle avait apparemment une très haute vision ou une vision diffĂ©rente de ce que son mari ou sa compagne allait ĂŞtre dans la vie de couple ou de famille.

 

 

Un des couples a trois enfants. Je crois que cela aurait Ă©tĂ© bien de demander pourquoi trois enfants ? Pourquoi pas deux ? Pourquoi pas un seul ?

Vu que j’ai compris que bien des couples font des enfants en pensant que faire des enfants rapproche et va aider le couple Ă  se « soigner Â».

 

Alors que je crois que cela peut ĂŞtre le contraire : lorsque l’on fait un enfant, nos tripes prennent facilement ou peuvent facilement prendre le dessus sur tout ce que l’on essaie d’être ou de faire de manière rationnelle. Et l’on peut alors s’apercevoir Ă  quel point on est très diffĂ©rent de sa « moitiĂ© Â» voire opposĂ© Ă  elle. MĂŞme si on peut aussi devenir complĂ©mentaire.

 

 

J’ai aussi Ă©tĂ©  Ă  nouveau assez agacĂ© par certaines phrases typiques du vocabulaire professionnel de mes « collègues Â»:

 

Ma remarque est sĂ»rement très dĂ©placĂ©e. Car le principal est bien-sĂ»r que ces thĂ©rapeutes aient fourni leur prĂ©sence, leur constance et leur empathie Ă  ces couples. Mais je vois Ă  nouveau dans ces tics de vocabulaire et de langage de mes « collègues Â» thĂ©rapeutes un certain manque de spontanĂ©itĂ© : un trop haut degrĂ© d’intellectualisation ; une certaine carence affective. Comme s’ils s’en tenaient Ă  un texte ou Ă  un protocole appris par cĹ“ur qui les empĂŞche d’improviser. Comme s’ils s’exprimaient de manière scolaire.

 

 

Hormis ces quelques remarques, j’ai bien aimé cette émission.

 

 

J’aimerais pouvoir ensuite traduire cet article en Anglais voire peut-être en Espagnol quand je le pourrai.

 

Apparemment, pour l’instant, je n’arrive pas à intégrer le lien vers ce podcast dans cet article. Mais on le trouve facilement. Dès que je le pourrai, je l’intégrerai à l’article.

https://podcasts.apple.com/fr/podcast/1-partir-ou-rester/id1498194259?i=1000465403252

 

 

Je le prĂ©cise assez peu dans mes articles mais la plupart des photos prises dans la rue ou dans le mĂ©tro sont de moi.  

Franck Unimon, ce jeudi 29 octobre 2020. Puis, ce lundi 2 novembre 2020 où j’ai ajouté un certain nombre de propos et de pages depuis l’article initial.