De sable et de feu un film de Souheil Ben Barka
(en salles depuis ce 18 septembre 2019)
De Sable et de feu : Lâhistoire dâune rencontre manquĂ©e entre lâOrient et LâOccident, entre le sable et le feu ou entre le sabre et le peu.
Sorti ce mercredi 18 septembre, De Sable et de feu agrĂšge les critiques dĂ©prĂ©ciatives. Tandis que jâĂ©cris cet article, il continue sans doute dâĂȘtre dĂ©coupĂ© au sĂ©cateur et dâĂȘtre jetĂ© Ă la poubelle y compris par des journalistes en principe attachĂ©s aux thĂšmes quâil traite.
Je comprends d’abord ce parti pris.
Lorsque jâavais dĂ©couvert ce film, je mâĂ©tais dâabord, aussi, senti trĂšs Ă©conduit par mes premiĂšres impressions : De Sable et de feu ( Le rĂȘve impossible) ressemblait davantage, malgrĂ© son budget de production visiblement bien gantĂ©, Ă un feuilleton au jeu caricatural. Le hĂ©ros, Domingo Badia/ Ali Bey, qui a rĂ©ellement existĂ© comme plusieurs des protagonistes de lâHistoire (situĂ©e entre 1804 et 1812) est un Ă©quivalent «oriental » de Lawrence DâArabie ou de Donnie Brasco avec un cĂŽtĂ© James Bond. Mais dans De Sable et de feu, il est interprĂ©tĂ© par un acteur( Rodolfo Sancho) qui nous rappelle âŠ. lâhumoriste MichaĂ«l Youn. On peut bien-sĂ»r ĂȘtre un humoriste et ĂȘtre un trĂšs bon acteur dramatique. Câest trĂšs courant. (Voir des comĂ©diens comme JosĂ© Garcia dans Extension du domaine de la Lutte et Le Couperet ou Benoit Poelvoorde dans Entre ses mains). Câest souvent le contraire qui est plus rare.
Sauf que dans De Sable et de feu ( production italo-marocaine), le propos est historique, tragique et actuel. Mais le maquillage qui grime lâacteur Rodolfo Sancho (Ali Bey/Domingo Badia) et le fait quâil sâexprime dâabord en Français nous rappellent en prioritĂ© un remake dâAladin avec Kev Adams ou dâIznogoud (MichaĂ«l Youn fait partie du casting).
Si lâon reste collĂ© Ă cette devanture, les premiĂšres images de Sable et de feu nous mettent un ippon cinĂ©matographique si oppressant que lâon restera au sol pendant prĂšs des deux heures que dure le film Ă nous demander sâil sâagit dâune tarte Ă la crĂšme Ă laquelle notre karma nous aura enchaĂźnĂ© suite Ă une de nos mauvaises actions rĂ©centes.
Pourtant, De Sable et de feu est trÚs bien écrit. Les deux scénaristes, Souheil Ben Barka et Bernard Stora, ont bien creusé leur sujet. Ou la tombe de nos idées et de nos rencontres.
Ce quâils racontent, câest, Ă nouveau, la rencontre manquĂ©e entre lâOrient et lâOccident. Lâarrogance de lâOccident au 19Ăšme siĂšcle lorsque le rayonnement de sa culture et sa supĂ©rioritĂ© militaire lui donnaient dĂ©jĂ la prĂ©tention -faite dâintĂ©grisme- de pouvoir, seul, comprendre et diriger/digĂ©rer la vie et lâunivers.
De Sable et de feu raconte aussi une partie des origines de lâintĂ©grisme islamiste actuel. On y entend des phrases comme « Les vrais croyants sont les musulmans ! ». « Mon Dieu exige et punit ! » (âŠ.) « Jâattends celui qui nous parlera en vĂ©ritĂ©  ! ». Tandis que la voix dâAli Bey/ Domingo Badia rĂ©pond Ă son ex-maitresse Lady Hester Stanhope ( l’actrice Carolina Crescentini qui se distingue des autres acteurs du film), ex sujette britannique, qui s’est entretemps dĂ©baptisĂ©e et convertie Ă un Islam extrĂ©miste et se fait dĂ©sormais appeler MĂ©liki :
« Le Coran est pardon ».
On a bien-sĂ»r dĂ©ja entendu ça dans d’autres oeuvres cinĂ©matographiques mieux accueillies par le public et les critiques. Mais rappeler ces fanatismes est nĂ©cessaire.
« Le Pouvoir est un puissant aphrodisiaque » nous dit aussi De Sable et de feu. Et, tout au long du film, la recherche du Pouvoir par les armes, la ruse, la politique ainsi que par la religion, est permanente. Cette recherche coule le long de lâĂ©pine dorsale des diffĂ©rents personnages historiques que lâon voit interprĂ©tĂ©s dans cette fresque historique qui nous montre lâun des vrais visages de notre monde actuel en Occident et en Orient.
AntisĂ©mitisme, esclavage, intĂ©grismes politiques et religieux, luttes de pouvoir,  mĂ©galomanies, dĂ©sertion de la pensĂ©e et de l’autocritique, trouble identitaire et/ou impossibilitĂ© Ă faire son deuil qui trouvent un exutoire dans le fanatisme et le terrorisme….je trouve Ă De Sable et de feu de grandes vertus pĂ©dagogiques dans le tempo de notre quotidien. Sa conclusion ressemble Ă la fin tragique d’une histoire d’amour. Si sa morale m’apparaĂźt aujourd’hui moins rĂ©aliste- pour l’histoire entre Ali Bey et MĂ©liki- que celle d’un Star Wars, c’est peut-ĂȘtre parce-qu’il est plus facile de regarder en face un Star Wars que les  invraisemblances dans lesquelles nos visages et nos histoires  repoussent et continuent de s’ensabler.
Franck Unimon, ce vendredi 20 septembre 2019.
(Article revisité et complété ce mardi 24 septembre 2019).