
Interroger la Loi
Les lois et les règles sont nécessaires. Les limites, aussi. Mais encore faut-il qu’elles soient ajustées.
Récemment, j’ai entendu quelqu’un dire qu’il aimait beaucoup les jean’s lorsqu’ils sont tout neufs et encore à l’état de « carton ». Et qu’ils se font, peu à peu, au corps de celle ou de celui qui les portent.
Je porte très peu de jean’s. Bien que j’aie essayé, ce n’est pas mon vêtement de prédilection. Même si je lui reconnais des atouts et que je vois bien des personnes qu’il met particulièrement à leur avantage. Je manque peut-être de patience pour faire un jean’s à mon corps.
Ecologiquement, on sait aussi que la fabrication des Jean’s est loin d’être vertueuse. Donc, autant bien les choisir et « acquérir » ceux qui dureront le plus longtemps.
Après avoir « dit ça », une Loi peut, dans certaines conditions, ressembler à un jean’s.
Il convient de savoir l’adapter au mieux à une époque, aux circonstances, à celles et ceux qui la portent et vivent avec. Autrement, c’est une exigence trop rigide, entravante, meurtrière, fanatique, mutilante ou une protection dépassée et insuffisante.
Les lois sont les garantes des ligaments, des muscles, des tendons, de la moelle, des neurones, du sang, des organes, de la peau, des pensées, de l’âme de nos cultures, de nos histoires, de notre corps social mais aussi de la vie qui nous entoure et de ses expressions sous différentes formes.
Les femmes et les hommes de Loi doivent en principe s’atteler à ce genre de travail. Au maintien ou à la restauration, au mieux, de ces garanties.
Pour cela, il leur faut aussi savoir interroger la Loi. Ou apprendre à le faire. Pas seulement interroger les personnes.
Ensuite, Il faut essayer d’ajuster le Texte de la Loi. Aux circonstances. A l’époque. Aux êtres. A la vie.
C’est un travail permanent, délicat, difficile, décourageant, risqué et nuancé au résultat incertain. La réussite de ce travail est impossible à prévoir à l’avance. La réussite se mesure avec le temps. En mois et en années. Voire en siècles.
Ce jeudi 16 septembre 2021, je n’ai rien inventé de cela. Et, je n’invente rien. Ni le jean’s. Ni les Lois. Et encore moins le délire, la maladie et la mégalomanie.
Cependant, dans le réel, depuis plusieurs semaines, il est impossible d’accéder à la médiathèque de ma ville (et ailleurs) sans passe sanitaire et sans un résultat négatif récent à un test antigénique ou PCR récent. Par contre, après un recours déposé devant un tribunal, il est redevenu possible d’entrer dans un centre commercial sans passe sanitaire et sans résultat négatif récent à un test antigénique ou PCR récent. Malgré la pandémie du Covid. L’incidence actuelle de la pandémie du Covid permettrait désormais de pouvoir retourner dans un centre commercial uniquement en portant un masque anti-Covid. C’est l’explication officielle de ce changement.
Mais cette incidence actuelle de la pandémie du Covid, suffisamment à la baisse pour se rendre dans un centre commercial, resterait encore trop élévée pour s’appliquer aux conditions d’accès à une médiathèque.
Je suis un usager de médiathèque depuis mon enfance.
Chaque fois que je change de domicile, la médiathèque fait partie de ces lieux que j’ai très vite besoin de situer. Les médiathèques, depuis plusieurs années, subissent de plus en plus une certaine désaffection. Cela peut être dû à l’essor d’internet. Cela peut être dû à une transmission qui ne s’est pas faite entre parents, enseignants, éducateurs et enfants.
Mais cela peut aussi être dû à la façon dont on interroge une loi, ici, concernant la légitimité de certaines mesures sanitaires.
Il y a deux ou trois jours, j’ai envoyé un second mail à la mairie de ma ville. Concernant le fait qu’il faille toujours présenter un passe sanitaire ou le résultat négatif à un test antigénique ou PCR récent.
La même interlocutrice que la dernière fois, m’a à nouveau très rapidement répondu. Pour résumer, sa réponse a été la suivante :
« Je comprends votre mécontentement. Mais c’est la loi. C’est comme ça dans toutes les médiathèques France actuellement. Cordialement ».
Par cet article, je ne vise pas la polémique. Mais, certaines fois, on rend soi-même invisible – on se censure soi-même – certaines situations en se disant :
« ce n’est pas si grave » ou « Je n’ai pas envie de faire d’histoires ». « Je ne veux pas avoir de problèmes ». « Je ne veux pas déranger ». » Ce n’est pas important ».
Or, c’est en cumulant année après année ces petits renoncements, qu’on en arrive ensuite à devoir vivre ou à devoir faire avec des contraintes et des manquements plus grands pour soi. Alors que nos interlocuteurs, eux, ne subissent pas les conséquences de ces contraintes et de ces manquements.
Evidemment, que je peux vivre sans entrer dans une médiathèque. Je n’ai pas pris cinquante kilos sous l’effet de l’angoisse, ces quatre dernières semaines, parce-que, faute de passe sanitaire et de test antigénique et PCR valable, désormais, seule la sortie de la médiathèque s’offre à moi.
Mais laisser faire, sans rien dire de ces conditions actuelles d’entrée dans la médiathèque, c’est un peu comme si l’on laissait du sable s’inviter et s’installer régulièrement à l’entrée de notre domicile. Sans l’enlever. Et que l’on s’étonnait plusieurs années plus tard de devoir traverser un désert de sable à l’entrée de notre domicile. Juste pour pouvoir en sortir ou y entrer. Tandis qu’ailleurs, pour entrer et sortir de chez soi, il suffirait toujours de simplement ouvrir et fermer une porte. Des vies peuvent être transformées durablement- et péniblement- avec ce genre détail en prime abord insignifiant.
C’est l’une des raisons pour laquelle, je crois, je me suis obligé à envoyer un premier mail à la mairie de ma ville. Et pour laquelle, ce mercredi 15 septembre 2021, après avoir découvert la réponse qui avait été faite à mon nouveau mail, j’ai envoyé cette réponse que j’ai copiée-collée. Réponse que l’on pourra lire ci-dessous avec ses erreurs grammaticales et syntaxiques incluses car il m’a manqué du temps pour bien le relire avant de l’envoyer.
Je n’ai pas pour habitude de faire des tracts, de manifester ou de polémiquer.
J’admets le le professionnalisme et l’implication de mon interlocutrice comme de la mairie de ma ville en termes de projets divers. Et, ce, malgré mes critiques qui sont exprimées dans mon mail. Ce que je mets plutôt en doute, c’est le sérieux avec lequel a été pris en compte mes remarques. Remarques qui sont, je crois, plus que justifiées :
Depuis mon premier mail, la Loi n’a pas été interrogée comme il se doit.
La photo que je mets avec cet article n’est pas la photo que j’ai envoyée avec ce mail ci-dessous envoyé ce 15 septembre 2021 avant que ne je parte travailler de nuit. Je ne suis pas sûr que la photo que j’ai adressée en pièce jointe avec mon mail soit parvenue à mon interlocutrice.
« Bonjour,
Merci pour votre réponse.
Toutefois, vous avez bien conscience que c’est une aberration ?
Que, d’un côté, on puisse accéder plus facilement à un centre commercial ou même à une enseigne également commerciale telle que la Fnac ( des Halles par exemple, où je suis passé tout à l’heure) fréquenté par beaucoup plus de monde ( adultes et enfants inclus) qu’à la médiathèque d’Argenteuil, par exemple. Alors que le port du masque reste obligatoire tant dans les médiathèques que dans ces enseignes commerciales.
La loi, ce n’est évidemment pas vous qui la faites. Ce qui m’étonne, c’est qu’au vu de ces constatations et de l’évolution des conditions d’accès aux centres commerciales que la mairie d’Argenteuil ne fasse a priori rien pour interroger la loi. Pour faire remonter le fait qu’il y a quand même des contradictions très dérangeantes.
Parce-que, en quoi une médiathèque expose-t’elle plus à un risque de contamination du virus du Covid qu’un centre commercial ?
Les seules conclusions à ma portée sont, surtout, qu’un centre commercial représente un poids économique et rapporte des bénéfices. Une médiathèque, non.
Et, aussi, que les centres commerciaux dans le Val D’Oise sont redevenus « accessibles » sans passe sanitaire et sans avoir à fournir un résultat négatif récent à un test PCR et antigénique suite à un recours devant un tribunal. Vous comprenez ce que signifie ? Qu’il faudrait donc peut-être devoir en passer par un tribunal pour rectifier ce qui devrait déja l’être. Je ne crois pas vous apprendre grand chose.
Et, je trouve donc que la mairie d’Argenteuil défend là d’une drôle de manière sa politique culturelle. En tant que citoyen, je ne devrais même pas avoir à relancer la mairie à ce sujet. Il y a un préjudice évident d’accès à la culture en imposant de telles conditions pour entrer dans une médiathèque à Argenteuil. Et, cela ne devrait pas être. Et, me rappeler que c’est pareil dans d’autres médiathèques et dans d’autres villes n’est certainement pas un argument. Avant que le centre commercial Côté Seine redevienne aussi « accessible », il était déja et toujours possible ailleurs d’entrer dans une Fnac par exemple. Si les personnes qui ont effectué le recours devant le tribunal s’était tenues à l’argument selon lequel » ailleurs, aussi, les centres commerciaux ne sont accessibles qu’en présentant un passe sanitaire et un résultat négatif à un test PCR et antigénique négatif », aujourd’hui, le même centre commercial Côté Seine d’Argenteuil nécessiterait toujours qu’on présente à l’entrée un passe sanitaire et le reste. Là, aussi, je ne crois pas vous apprendre grand chose. Ou, en tout cas, je ne devrais pas vous apprendre quoique ce soit, que ce soit à vous ou à n’importe quel représentant de la mairie d’Argenteuil.
Il y a bientôt un mois maintenant, j’ai vu un jeune d’une vingtaine d’années être « recalé » à l’entrée de la médiathèque parce-que le résultat de son test PCR avait expiré depuis moins de deux heures. Là, aussi, on n’a fait qu’appliquer la loi. Le jeune est reparti tranquillement. Comme moi et d’autres, nous nous plions aux directives de la loi concernant les conditions d’accès à la médiathèque. Mais c’est vraiment parce-que nous sommes très polis, très patients et très conciliants. En attendant, je me répète, en tant que citoyen qui paie ses impôts et qui voit ce qui se passe ailleurs avec les conditions d’accès dans un centre commercial, je considère qu’il y a un préjudice.
Je n’ai pas du tout l’intention de faire un recours devant un tribunal. Par contre, je rappelle, je crois, des évidences, que je ne devrais même pas avoir à rappeler.
Merci de vraiment bien vouloir prendre en compte le contenu de mon mail. Et, si vous m’adressez de nouveau une réponse (vous ou quelqu’un d’autre) de ne pas vous contenter de vous « cacher » derrière une loi qui présente des contradictions et des aberrations plus qu’évidentes.
Cordialement
Franck Unimon »