L’Amour sous algorithme, un livre de Judith Duportail.
Appât ou état, son apparition change la donne. Seconde peau de première main, l’Amour est une assez vieille croyance que, quel que soit l’âge, un jour, beaucoup mangent.
La journaliste indépendante Judith Duportail a 28 ans lorsqu’elle télécharge en 2014 l’application de rencontres Tinder. On apprend dans son livre que cette application, disponible en France en 2013, a été cofondée par Sean Rad – qui voulait être acteur initialement- en 2012 aux Etats Unis.
Judith Duportail est une jeune parisienne qui, lorsqu’elle écrit ce livre, pourrait être décrite comme « émancipée », urbaine, éduquée (un niveau d’études plutôt élevé, Anglais courant) et pourvue d’humour.
Sur le papier, Judith Duportail est une personne suffisamment armée pour être aimée.
Cela pourra étonner de voir rapproché, ici, le terme « arme » de celui qui consiste à trouver ou à être trouvé par l’âme sœur… mais lorsqu’il s’agit de séduire la personne qui s’aventure à nous plaire, un simple sourire pour elle est déjà une tentative de capture. Même si sourire n’empêche pas la rupture. Hollie Cook hante cette vérité dans son titre 99 :
« Please, don’t give me your smile I Adore cause I can’t touch you no more…. » (« Je t’en supplie, ne m’adresse plus ce sourire que j’adore car je ne peux plus me rapprocher de toi »).
Hollie Cook passe cette semaine en concert au Trabendo ce vendredi 28 octobre. Il est possible que j’aille la voir.
Le fait que L’Amour sous algorithme ait été écrit par une femme (apparemment en 2019) et ait été cité par d’autres femmes (Mona Chollet et Victoire Tuaillon) préoccupées également par les relations amoureuses entre les êtres humains a son importance. Car officiellement, les hommes hétérosexuels sont des larves de l’Amour.
Et, en tant que larves des sentiments et de l’engagement, ils font beaucoup souffrir les femmes qui sont des êtres beaucoup plus évolués en matière d’engagement et de sentiment. Je l’écris ici avec un peu de provocation misogyne. Mais je résume aussi, je crois, une partie du sujet principal. Parce qu’il y a l’algorithme. Puis il y a celles et ceux qui l’utilisent et qui sont, en principe, tous, des êtres responsables.
Une Digital Native
La spécificité de Judith Duportail, qui a écrit L’Amour sous algorithme est d’être, sans doute comme Victoire Tuaillon (conceptrice du podcast et auteure du livre Les couilles sur la table, un livre de Victoire Tuaillon. Premières parties, Les Couilles sur la table, un livre de Victoire Tuaillon. 2ème partie. Ego Trip.) qui a à peu près le même âge, ce que l’on appelle une Digital Native.
Soit une personne née à partir des années 80 et très tôt familiarisée avec les environnements numériques et qui, par conséquent, peut être quotidiennement rivée à un écran d’ordinateur, de tablette numérique, de smartphone ou attachée à une console de jeux donnant généralement accès à internet avec un débit illimité.
Pour une personne Digital Native, télécharger une application telle que Tinder pour faire des rencontres fait partie du décor de son quotidien. Mais cela fait aussi partie de la norme sociale.

L’Après Meetic
Lorsque le site de rencontres Meetic fut créé en 2001, cela fut davantage un événement d’un point de vue sociétal que de s’y inscrire. Car c’était nouveau de s’y prendre de cette manière pour faire des rencontres. C’était plutôt une pratique secrète et honteuse. Il pouvait être plus facile de s’afficher comme une personne célibataire dans la vie ordinaire que de raconter que l’on avait passé plusieurs heures de sa journée ou de sa nuit à écluser un site de rencontres.
Dans les années 2000, le site Meetic était le site de rencontres dont on parlait le plus. Le site existe toujours et serait toujours un site de rencontres qui compte. Sauf que, depuis 2001, les sites de rencontres, les réseaux sociaux, la technologie informatique mais aussi la téléphonie mobile se sont beaucoup développés et ont transformé la façon de se rencontrer mais aussi d’interagir avec les autres tant d’un point vue professionnel, administratif, économique, amical qu’amoureux. En 2001, par exemple, il était impossible de consulter son compte bancaire sur son smartphone. Et, il était plutôt rare d’organiser des réunions ou des « rencontres » à distance sur Skype.
Judith Duportail, amatrice de Tinder
Judith Duportail, née en 1986, Digital Native, a voulu en savoir plus sur ce qu’il y avait dans le ventre de l’application Tinder qui a le pouvoir de retourner les tripes de ses usagers. Célibataire et en perte d’amour lorsqu’elle télécharge l’application Tinder, elle a ce réflexe à la fois féministe, personnel mais aussi journalistique.
Quand paraît son livre, nous sommes aussi dans l’ère des « lanceurs d’alerte ». Et, Judith Duportail a sans aucun doute eu connaissance de l’affaire mondialement médiatisée en 2013 de l’Américain Edward Snowden (son aîné de 3 ans) ou de l’affaire Wikileaks, d’abord, en 2006 avec Julian Assange.
Des « affaires » comme l’affaire Wikileaks et l’affaire Snowden mais aussi des œuvres cinématographiques comme Matrix ( réalisé en 1999) qui ont eu des retentissements médiatiques mondiaux auront démontré que le monde numérique a non seulement des failles mais peut aussi servir des intentions malveillantes.
Une personne Digitale Native un peu soucieuse et critique vis à vis de cet environnement numérique qui lui est aussi familier que peut l’être une forêt pour un garde champêtre, peut avoir à cœur de mieux connaître ce site de rencontres à qui elle confie sa vie sentimentale mais aussi son avenir. Mais aussi disposer de suffisamment de compétences et de culture technique pour mieux comprendre comment cette entreprise numérique et commerciale marche.
En plus de ces compétences et de cette culture numérique, Judith Duportail, devenue journaliste indépendante après avoir travaillé pour Le Figaro, fait aussi montre d’une grande créativité tant relationnelle que journalistique pour rencontrer certains représentants de Tinder France. Elle réussira même à obtenir une interview-pré-programmée- même le cofondateur de Tinder, Sean Rad, qui est encore alors le PDG de Tinder. Mais aussi de Whitney Wolfe, ex-cofondatrice de Tinder. Celle qui, « a eu l’idée d’appeler l’application Tinder, qui se traduirait par « allume-feu » en Français ». (L’Amour sous algorithme, page 183).
Judith Duportail nous apprend que Whitney Wolfe, après avoir dû quitter Tinder a créé Bumble « une application de rencontre qui se présente comme féministe. Avec ses 36 millions d’utilisateurs, l’appli est maintenant le principal concurrent de Tinder, et le groupe Match cherche à la racheter. Sur Bumble, ce sont les femmes seulement qui peuvent prendre l’initiative d’engager la conversation avec les hommes ». ( page 181, de L’Amour sous algorithme).

Le rĂŞve sous algorithme
Si Duportail nous parle de Tinder et de la façon dont ce site de rencontres peut collecter une quantité invraisemblable d’informations personnelles de ses usagers, puis les revendre à d’autres entreprises, on comprend ( ou l’auteure nous l’explique) que cette « méthode » de siphonage des informations personnelles est aussi utilisée par un certain nombre des sites de rencontres et des réseaux sociaux qu’il est désormais courant d’utiliser quel que soit notre âge, notre sexualité, notre poids, notre religion, notre catégorie socio-professionnelle ou nos origines.
Le titre du livre de Judith Duportail s’appelle L’Amour sous algorithme mais il aurait pu aussi s’intituler Le rêve sous algorithme. Et le mot « algorithme » peut bien des fois se faire remplacer par le mot « cloche ».
Car l’auteure nous démontre comment sur Tinder, qui se veut démocratique, les rencontres sont orientées et quadrillées selon les résultats de certains « échanges » entre usagers mais aussi selon certaines valeurs plutôt…conventionnelles.
Malgré la présentation « jeune » et « décontractée » affichée par les représentants et le discours de la « boite » Tinder, les entrailles des algorithmes, lorsque passées au scalpel de l’enquête de Duportail se montrent beaucoup moins novatrices.
Lorsque l’auteure questionne Sean Rad, alors PDG de Tinder, quant à la tendance consumériste des rencontres sur le site d’applications, celui-ci répond que beaucoup de personnes leur écrivent pour les remercier de leur avoir permis de trouver leur bonheur sur Tinder. Ce genre d’histoires existe bien-sûr. Mais pas pour d’autres et, cela, dans une proportion difficile à définir. Car des millions d’usagers persistent à se connecter telles des souris de laboratoire enfermées dans une cage- ou sous une cloche- qui continuent de faire tourner la même roue qui est la route du cash pour un site comme Tinder.
« Chaque jour, se produisent 2 milliards de matchs sur Tinder. L’application, présente dans 190 pays revendique être à la base d’un million de dates par semaine. Un million ! Le succès de Tinder est indéniable. C’est un outil incroyable ». ( page 219 de L’Amour sous algorithme ).
L’addiction à la connexion
Dans L’Amour sous algorithme, Duportail nous parle de l’addiction à la connexion au site qu’elle compare entre-autres à celle des joueurs de casino. Très vite, elle nous a parlé, lors de ses débuts sur Tinder, du fait que son ego a pu être rapidement boosté à recevoir un certain nombre de matches. Avant ensuite de déchanter devant ce besoin recomposé de recevoir de nouveaux shoots de matches mais aussi devant la désillusion que lui font vivre ses rencontres. Lorsqu’elle nous raconte certaines de ses rencontres et déconfitures, on se croit par moments dans un mauvais sketch de Blanche Gardin, de Tania Dutel ou de Marina Rollman.
Boire, fumer, draguer et coucher avec qui, quand et comme on veut, plus ou moins bien gagner sa vie, vivre chez soi ou en coloc, conduire une moto ou une voiture, avoir son réseau d’amis, sortir la nuit, découcher, danser, voyager, dire des gros mots ou ce que l’on pense quand on le pense, bien s’exprimer, avoir de la répartie et un humour supersonique, avoir un très bon niveau d’études, une certaine réussite sociale, cela ressemble à une vie d’adulte émancipée. Mais cela n’empêche pas la claudication alternative devant l’alerte de La rencontre.
La dépendance affective
Après nous avoir parlé de l’addiction au site, Judith Duportail fait bien de souligner l’engrenage de la dépendance affective qu’entretient un site (tout site ?) de rencontres. Car les comportements d’addiction et la dépendance affective sont attachés. Et, lorsque l’on se retrouve imbriqué entre les deux, on peut avoir du mal à réellement s’émanciper de certaines conduites d’échecs lors de nos rencontres sentimentales :
« (….) Selon John Bowlby, la moitié des adultes dans le monde occidental souffrent d’un trouble de l’attachement plus ou moins prononcé. Certains arriveront à bien vivre avec, ou n’en seront pas trop handicapés. Car attention, toute relation sentimentale à un autre, tout attachement, induit une forme de dépendance. On dit bien à ses amis :
« Je peux compter sur toi » ou « Je suis là pour toi », ce qui signifie qu’on a besoin les uns des autres, qu’on se félicite d’honorer cette interdépendance. Une dépendance consentie, cadrée. Dans le cas des dépendants affectifs, le regard de l’autre prend trop de place, trop d’importance. Car ils cherchent à l’extérieur d’eux-mêmes comment soigner leur blessure initiale ». (page 139 de L’Amour sous algorithme).
A ce jour, je n’ai pas lu d’ouvrage de John Bowlby. Mais j’aimerais bien savoir quelles sont les causes, selon lui, de ce « trouble de l’attachement plus ou moins prononcé » dont « la moitié des adultes dans le monde occidental souffrent ». J’imagine que certains modes de vie doivent y être pour quelque chose. Même si le trouble de l’attachement « plus ou moins prononcé » a sans doute toujours existé en occident mais aussi ailleurs.

Faire le ménage dans nos méninges et nos névroses
Le mirage des sites de rencontres et des réseaux sociaux, qui sont des média plutôt extraordinaires à l’origine, c’est de nous abonner à la croyance qu’ils peuvent très facilement « nous aider » à gommer ce qui nous dérange dans notre vie ordinaire et nous faire vivre des miracles répétés. En nous offrant leurs « services ».
Alors qu’il faudrait d’abord, au préalable, vérifier dans quelle disposition mentale et affective on se trouve, et faire le ménage dans nos méninges et nos névroses, lorsque l’on se rend dans ce genre d’endroits :
Les sites de rencontres et les réseaux sociaux.
Après tout, toute personne qui va se lancer dans une aventure vérifie d’abord son matériel, sa condition physique et mentale, mais aussi la viabilité de son projet auparavant. Et, pour cela, le plus souvent, même si ensuite elle décide de tenter l’aventure, elle sait d’abord se faire entourer et conseiller par des spécialistes, des professionnels ou par des personnes qui ont tenté cette aventure avant elle.
C’est pourtant le contraire qui se passe avec les sites de rencontres. Appâtés par le miracle qui nous attend après quelques mouvements de doigts, nous nous muons en Indiana Jones de la rencontre et sautons les étapes.
Lorsque j’avais connu l’expérience du site de rencontres Meetic à la fin des années 2000, j’étais célibataire, plus ou moins déprimé et en recherche d’une histoire d’Amour. Mais j’allais bien mieux que d’autres. Je n’étais ni sous anti dépresseurs et pas sous le coup d’une rupture toute fraiche de quelques minutes. J’avais besoin d’élargir mon cercle de rencontres. Et Meetic était une nouvelle façon pour peut-être élargir ce cercle.
En outre, le fait d’être actif dans la recherche, avait au départ quelque chose de sans doute valorisant. Agir plutôt que subir. Essayer cette nouvelle façon de faire au lieu de la dénigrer d’emblée. Pour ces raisons, au départ, l’expérience Meetic fut une expérience d’ouverture. Car toutes mes rencontres jusqu’alors s’étaient faites sans passer par un site.
J’ai oublié combien de temps j’étais resté inscrit sur Meetic. Peut-être à peu près deux ans. A l’époque, le site de rencontres était exclusivement payant pour les hommes. Et gratuit pour les femmes. Cela m’a toujours paru injustifié.
J’ai toujours eu le sentiment que le fait de pouvoir s’inscrire gratuitement maintenait la plupart des femmes du site dans la position passive des princesses qui passaient leur temps à attendre le prétendu prince charmant. Car j’avais été édifié de lire sur bien des annonces de femmes inscrites, qui se présentaient comme des femmes ayant la trentaine tout au plus, qu’elles recherchaient le « prince charmant ».
Que ce soit dans la vraie vie ou sur un site de rencontres, pour moi, celle ou celui qui recherche le prince charmant, consciemment ou inconsciemment, ne le trouvera pas.
En tout cas, moi, je ne me vois pas comme un prince charmant. Et, je perçois cette attente comme une dictature. Une telle attente me donne plutôt envie de me comporter de manière très provocante.
Et, j’avais peut-ĂŞtre eu tort alors, mais chaque fois que j’avais vu mentionnĂ©e cette quĂŞte ou cette attente du « prince charmant », j’avais fui. Je ne correspondais ni au portrait-robot ni au portrait-mental d’un prince charmant. Et, c’est toujours le cas aujourd’hui.
Pourtant, je cherchais véritablement une histoire d’Amour sur Meetic. Et je sais qu’il y a des hommes qui cherchent aussi à vivre une sincère histoire d’Amour avec des femmes. Il reste donc énigmatique pour moi que des femmes instruites comme Duportail, Tuaillon et Chollet, et celles qui leur ressemblent, puissent avoir eu tant de mal à croiser ces hommes qu’elles ont cherché ou cherchent.
Pour moi, l’explication ne tient pas uniquement dans le patriarcat. Mais aussi dans le fait que certaines femmes dites émancipées le sont bien moins qu’elles ne le croient ou l’affirment. Et, un certain nombre d’entre elles continuent de suivre celle ou celui qui sera le mieux doué(e) pour leur jouer la comédie. Puisque dès lors que quelqu’un nous « fait quelque chose » ou nous « fait vibrer », on aime bien se raconter, même si assez vite cette personne honore très mal ses promesses ou ses engagements, que, malgré tout, cela vaut le coup. Et que cela vaut aussi le cul, par la même occasion.
Le grand remplacement
Sur Meetic, j’avais connu une histoire de cinq mois qui m’a fait un effet durable puisque je me rappelle toujours du prénom et du nom de cette personne comme de certains moments vécus avec elle près de quinze ans plus tard.
Mais j’avais aussi été très influencé par le côté supermarché du site.
Et, lorsque étaient apparues des tensions entre elle et moi, j’avais été rapidement agacé par ce que je voyais comme des caprices de petite fille. Me disant que si notre relation se terminait que je retrouverais rapidement- sur le site- quelqu’un d’autre de « bien » qui me ferait moins chier. Ma future ex de Meetic s’était sûrement comportée comme une personne capricieuse, quelque peu immature et tyrannique, exigeant de moi des gages d’Amour qui me déconcertaient mais aussi mettant en doute la sincérité de mon attachement. Peut-être que notre relation était-elle réellement privée de futur. Néanmoins, si elle et moi nous étions rencontrés dans mes conditions de vie habituelles (ce qui aurait été assez peu probable étant donné que nous évoluions et avons sans doute continué d’évoluer dans des univers culturels, économiques et professionnels très différents ), je crois que j’aurais été plus tolérant.
Je n’aurais pas eu ce réflexe, très vite acquis en étant inscrit sur le site alors que je n’avais pas rencontré tant de personnes que ça avant elle, de me dire que je pourrais très vite la remplacer. Et, lorsqu’elle m’avait fait sa « crise » d’autorité ou de caprice, je l’avais déposée en voiture là où elle me l’avait demandé/exigé. Afin de lui laisser cette assurance que, oui, je la considérais vraiment. Elle, qui aurait voulu qu’à notre retour de Normandie, je la dépose devant chez elle, à Paris, rue du Bac, en voiture. Pour qu’ensuite, je retourne chez moi toujours en voiture chez moi à Cergy le Haut où j’habitais alors. J’avais refusé de me retrouver inféodé au rôle de l’homme qui conduit sa compagne jusqu’au pas de sa porte et qui ne compte pas les kilomètres, le temps et l’essence pour ensuite retourner chez lui. Cette erreur-là , en plus de celle d’avoir refusé de rencontrer sa mère, me fut fatale.
Ma future ex de Meetic eut quelques pleurs. M’affirma sans doute que je n’avais pas de sentiments pour elle. De mon cĂ´tĂ©, je refusais que nous restions « amis » comme elle me le proposait. Nouvelle erreur stratĂ©gique de ma part. On croit que je parle d’une jeune femme d’Ă peine 18 ans ? Si j’avais bien 7 ou 8 ans de plus qu’elle, ma future ex avait alors près de trente ans. Ce qui n’excluait pas, visiblement, de pouvoir se comporter en certaines circonstances comme une adolescente d’Ă peine 18 ans.
Notre sĂ©paration devint dĂ©finitive. Sans doute par orgueil, ainsi que dans la douleur, elle s’emmura dans sa dĂ©cision, « conseillĂ©e », je crois, au moins par certaines de ses amies qui pensaient comme elle. Nous nous revĂ®mes elle et moi au moins deux fois, dont une fois dans cet appartement qu’elle avait achetĂ© dans le 14ème arrondissement et qui faisait deux fois la superficie de mon studio de banlieue. Une autre fois, lorsque nous allâmes ensemble au festival de musique Rock en Seine clĂ´turĂ© avec maestria par Björk, elle avait rencontrĂ© quelqu’un.
Plusieurs années plus tard, j’appris par hasard sur Facebook qu’elle s’était mariée. Elle me répondit une première fois pour ne plus me répondre.
Hors bord relationnel
Après elle, je ne connus pas d’autre relation aussi notable d’un point de vue affectif en passant par Meetic. J’en avais aussi assez de passer mon temps sur le site telle une personne en recherche permanente d’emploi devant adresser d’innombrables CV qui ne débouchaient sur rien.
Pour être suffisamment inspiré et susciter l’intérêt d’une femme, il me fallait avoir le moral et être inspiré lorsque j’écrivais un message que je devais multiplier pour pouvoir, mathématiquement, provoquer une réaction ou deux favorables. Or, pour cela, il fallait passer du temps sur le site. Et, plus je passais du temps sur le site, plus je me démoralisais devant le vide numérique qui revenait constamment à ma rencontre. En prenant son temps, c’est à dire le mien. Mon temps qui était associé à mon espoir de « trouver » quelqu’un.
Je peux imaginer que mon ex de Meetic, apprenant cela, aurait vu dans mes déboires un châtiment juste et mérité pour mon « comportement » à son égard. Alors que je crois qu’il y a surtout eu de l’incompréhension entre elle et moi. Mais aussi, pour moi, une sorte de décalage, ou une forme de sentiment de dissociation, entre la réalité de cette relation sentimentale, car j’avais des sentiments pour elle contrairement à ce qu’elle a cru ou eu besoin de croire, et sa soudaineté.
Les rencontres via les sites abrègent beaucoup la durée du temps de rencontre. Si certaines personnes sont des adeptes du coup de foudre ou des rencontres flash, j’ai plutôt besoin d’une certaine « maturation » de la rencontre et du sentiment pour être « dans » l’histoire. Si j’avais été bien sûr content de rencontrer mon ex de Meetic et que nous avions une réelle connivence, je crois, sur certains sujets, le fait d’avoir « obtenu » cette rencontre aussi improbable, aussi « facilement », m’a empêché de me mettre dans les vraies conditions de la rencontre. Pour employer une image grossière, une fois la rencontre faite, j’avais sans doute l’impression que notre relation était une péniche, qu’il y avait le temps. Alors que j’étais sur un hors bord.
Je fus aussi très étonné par le gâchis fait par ces usagères du site soit par manque de sincérité ou par manque de maturité. Car le côté supermarché des sites de rencontre vaut aussi pour les femmes. Ce ne sont pas seulement certains hommes qui vont sur les sites de rencontres comme on se rend dans un supermarché.

Les croyances d’un vieux à propos des rencontres
Près de quinze années environ après mon expérience Meetic, la lecture facile et plaisante de l’ouvrage de Judith Duportail confirme mes anciennes impressions. Et, cela ne me donne pas du tout envie de retourner faire le mur un jour sur un site de rencontres.
Aujourd’hui, pour rencontrer quelqu’un, je recommanderais plutôt le cercle de connaissances et d’amis ; la découverte de nouvelles associations ou de clubs culturels sportifs ; le lieu de travail ou les voyages ; ou la fréquentation répétée de tout endroit qui permet des rencontres sociales et personnelles viables, agréables et autres que celles que l’on connaît déja.
Je connais par exemple un couple qui s’est formé dans mon club d’apnée. Tous deux séparés de leur côté, chacun mère et père. Je sais qu’elle, qui faisait au départ de la plongée dans le club a ensuite rejoint la section apnée lorsqu’elle l’a aperçu. C’est elle qui me l’a raconté.
Mais avant toute rencontre, il y a d’abord le préalable indispensable d’être d’abord véritablement « disposé » pour s’engager dans une relation intime. Parce-que si l’on a peur de partager son intimité ou si l’on préfère conserver exclusivement son territoire à soi et pour soi, on peut rencontrer un certain nombre de personnes tout à fait recommandables et très bien s’arranger pour leur tourner leur dos ou les dissuader de s’approcher.
Je crois que ces dernières précautions restes valables même si l’on préfère ou si l’on ajoute les sites de rencontres, les forums ou les réseaux sociaux pour accroître ses chances de rencontrer quelqu’un et ainsi déjouer l’algorithme de l’accablement sentimental.
Franck Unimon, ce lundi 24 octobre 2022.