
Le MaĂźtre Anarchiste Itsuo Tsuda au Dojo Tenshin avec Manon Soavi ce mardi 8 novembre 2022.
Nous grouillons de rĂȘves et dâenvies. RassurĂ©s par ces dĂ©cors que nous connaissons, et qui nous dĂ©corent aussi, comme par ce mode de vie que nous sommes encore nombreux Ă avoir pu conserver, nous continuons, souvent, comme « avant ».
MĂȘme si nous savons tout ce qui se raconte et perce au travers de certains Ă©vĂ©nements :
LâĂ©vaporation des possibilitĂ©s fossiles- et autres- de notre environnement.
Nous ne parvenons pas Ă nous empĂȘcher de rĂ©pĂ©ter les mĂȘmes erreurs car câest ainsi que nous avons appris Ă persister. Nous sommes habituĂ©s, aussi, Ă ce que les malheurs se forment un peu partout autour de nous. LâHistoire de lâHumanitĂ© est faite de cette capacitĂ© Ă continuer.
Et, puis, aussi, nous sommes munis de nos plus grandes espĂ©rances. Dont celle d’ĂȘtre Ă©pargnĂ©.
Quelques fois, ou peut-ĂȘtre souvent, je me donne la leçon avec ce genre de pensĂ©e. Je «regarde » celles et ceux qui ont agi tout Ă fait diffĂ©remment de moi lorsquâils se sont engagĂ©s tel, en ce moment, un Frantz Fanon. Je sais que ma vie nâest pas la leur. Pourtant, je ne peux mâempĂȘcher de me dire certaines fois que, comparativement Ă ces personnes, je manque dâaudace et de courage.
RĂ©signĂ©, dominĂ©, apeurĂ©, angoissĂ©, trop raisonnable, trop prudent ou trop rĂ©aliste, je sais quâune de ces caractĂ©ristiques ou toutes me dĂ©signent Ă un moment ou Ă un autre. Alors que nous vivons beaucoup de moments, seul ou Ă plusieurs, dans une seule journĂ©e. Peu mâimporte, lors de ces instants de dĂ©faillance, ce que dâautres peuvent distinguer ou ont pu distinguer de moi de plutĂŽt flatteur ou favorable. Car, alors, ma conscience mâappelle et me tranche avec mes/ses exigences.
Fort heureusement, il existe des solutions de repli, des opérations de sursis.
Un mot (« sursis») qui rime bien avec celui de la survie. Ainsi quâavec la catharsis.
To Think out of the box
« To think out of the box » : On pourrait traduire cette phrase par « Sortir des sentiers battus». Mais, dit comme ça, câest plat. Peut-ĂȘtre du fait de la plus grande variation des accents toniques dans la langue anglaise. PlutĂŽt que « Sortir des sentiers battus », je prĂ©fĂ©rerais l’expression « Sortir des barreaux ». Des barreaux intĂ©rieurs.
Ce mardi 8 novembre, jâai essayĂ© de « Think out of the box ». Pour cela, jâai Ă©tĂ© stratĂ©gique. La veille, ma cervelle avait fait en sorte que je reste chez moi. Afin de pouvoir passer du temps avec ma fille jusquâau coucher. Ainsi, le lendemain soir, jâai pu plus facilement sortir de mes remparts pour retourner au Dojo Tenshin oĂč Manon Soavi nous a prĂ©sentĂ© son premier livre :
Le MaĂźtre Anarchiste Itsuo Tsuda ( Savoir vivre lâutopie).

DĂ©chaussĂ©s dĂšs lâentrĂ©e, Dans cet espace sauvĂ© du bruit et du rĂ©duit, nous sommes un peu plus dâune cinquantaine assis, dont deux ou trois enfants dâĂ peu prĂšs dâune dizaine dâannĂ©es, ainsi que la veuve de Maitre Noro , sur le tatami du Dojo Tenshin lorsque Manon Soavi commence Ă nous parler.

Aujourdâhui, certains termes comme « ĂȘtre zen », « le Ki » et dâautres Ă©tats enseignĂ©s par les Arts Martiaux sont des recettes tombĂ©es dans lâescarcelle du libĂ©ralisme nous dit Manon Soavi. On peut ainsi lire des conseils pour « ĂȘtre zen » ou le devenir dans un magazine fĂ©minin comme Biba. A quand des sachets de zen instantanĂ©s que lâon pourra bientĂŽt trouver dans des distributeurs Ă cĂŽtĂ© de sodas et de pop corn aurait pu ironiser Manon Soavi ?!

Ailleurs, nous dit aussi Manon Soavi, « lâAnarchie » est devenue synonyme de « chaos ».
Manon Soavi nous explique que lâexpĂ©rience concrĂšte de ces termes et de ces pratiques est trĂšs Ă©loignĂ©e de ce qui en est prĂ©sentĂ© rĂ©guliĂšrement sur la place publique et publicitaire. Ce faisant, elle nous rappelle dâune certaine façon la diffĂ©rence qui existe entre un pratiquant et un consommateur.
Lâun et lâautre se font des destins trĂšs diffĂ©rents aprĂšs une rencontre.
En quittant le Dojo Tenshin plus tard ce mardi soir, je serai particuliĂšrement « content », en reprenant le mĂ©tro, de tomber sur cette publicitĂ© que jâavais prĂ©alablement repĂ©rĂ©e et rencontrĂ©e. PrĂ©sente depuis quelques jours dans notre environnement, le message de cette publicitĂ© qui se veut sĂ»rement antiraciste et moderne car une femme noire y figure est au moins une incitation Ă la dĂ©pendance, ainsi quâun rappel que la femme ( se) doit dâĂȘtre une mĂšre disponible pour ses enfants.

Cette pub qui se veut « cool » et qui est facilement visible et accessible contrefait complÚtement certaines finalités du Zen. Mais elle convaincra sûrement certaines personnes.
Les personnes crĂ©dules qui prendront le contenu de cette publicitĂ© au pied de la lettre feront une autre expĂ©rience du Zen que celle vĂ©cue par RĂ©gis Soavi, le pĂšre de Manon Soavi, lorsque celui-ci, pratiquant dâArts Martiaux depuis des annĂ©es, avait rencontrĂ© Itsuo Tsuda, le Japonais « nĂ© en CorĂ©e », dans les annĂ©es 70.

Cette rencontre, nous dit Manon Soavi avant hier soir, a tout changé pour Régis Soavi. Mais, cela peut sans doute se comprendre au moins pour deux raisons :
RĂ©gis Soavi, un homme dĂ©ja en rupture, a rencontrĂ© en Itsuo Tsuda un autre homme en rupture qui, comme lui, voire plus que lui, Ă©tait allĂ© encore plus loin dans la rupture avec ce quâil refusait du monde ou de la sociĂ©tĂ©. En 1970, Ă lâĂąge de 56 ans, Itsuo Tsuda avait ainsi rompu avec son emploi de salariĂ© pour se lancer davantage dans lâaventure du Ki, du Katsugen Undo (ou mouvement rĂ©gĂ©nĂ©rateur) comme de leur enseignement.
Une rupture favorable Ă la vie et Ă lâĂȘtre humain.
Dans cette attitude ou cette posture de rupture, nous sommes donc Ă lâopposĂ© de celle du consommateur ou du citoyen qui obĂ©it, se laisse berner, affaiblir, diluer ou soumet son corps, son travail, sa vie, son entourage et son salaire Ă des dĂ©cisions qui peuvent ĂȘtre prises sans lui en Ă©change dâune sĂ©curitĂ© et dâune prĂ©servation supposĂ©es qui lui seraient alors, de fait, garanties. MĂȘme lorsque ce qui est ou sera exigĂ© de lui est contraire Ă ses valeurs.
Nous vivons dans un monde qui nous pousse à la dissociation. Un monde qui nous apprend réguliÚrement à adorer et à préférer la peur.
Dâun cĂŽtĂ©, il nous est dit que nous sommes libres, Ă©gaux et responsables et plein de possibilitĂ©s. Dâun autre cĂŽtĂ©, nous vivons dans des sentiments dâimpasse et dâimpuissance qui contredisent ces messages.
Itsuo Tsuda, lui, a trĂšs tĂŽt refusĂ© ce mode de vie. En rupture Ă lâĂąge de seize ans avec son pĂšre, riche entrepreneur, comme avec les horreurs de la Seconde Guerre Mondiale portĂ©es par les Japonais en CorĂ©e, il est parti vivre en France une premiĂšre fois dans les annĂ©es 30, en plein Front populaire.

Ce mardi 8 novembre 2022, au Dojo Tenshin, devant nous, Manon Soavi continue de dĂ©rouler devant nous une partie de lâhistoire dâItsuo Tsuda comme celle des quelques rencontres quâil y a faites et qui ont changĂ© sa vie en France ou ailleurs. Tel Marcel MaussâŠ
Plus tard, Itsuo Tsuda rencontrera Ueshiba sensei et deviendra un de ses Ă©lĂšves Ă©tudiant lâAikido avec celui-ci jusquâĂ sa mort en 1969. Itsuo Tsuda apprendra aussi le Seitai et le Katsugen Undo ( ou mouvement rĂ©gĂ©nĂ©rateur) avec Maitre Noguchi mais aussi le NĂŽ avec Maitre Hosada.
Dix annĂ©es durant, par la suite, RĂ©gis Soavi deviendra un des Ă©lĂšves de Maitre Itsuo Tsuda. Maitre faisant partie des Kage Shihan ( Maitres de lâombre) selon Maitre Henri PlĂ©e. Manon Soavi mentionne cette affirmation de Maitre Henri PlĂ©e dans son livre que jâai feuilletĂ© ce mardi soir avant de lâacheter.
On peut ĂȘtre lâĂ©lĂšve dâun Maitre dâArts Martiaux ou de toute autre discipline ou rester celui de rĂ©clames publicitaires permanentes et renouvelĂ©es.
Certaines de nos relations et rencontres peuvent ĂȘtre des rĂ©clames publicitaires permanentes et renouvelĂ©es.
Mais, viendra peut-ĂȘtre le moment, un jour, oĂč lâon deviendra un Maitre soi-mĂȘme dans un domaine quelconque quâil sâagisse de celui de lâillusion ou de lâĂ©ducation.
Une éducation hors systÚme

Avant lâĂ©dition de ce livre, Manon Soavi a dĂ©butĂ© lâAĂŻkido Ă lâĂąge de six (elle en a dĂ©sormais quarante) avec son pĂšre et fait lâapprentissage dâautres Arts martiaux. Elle a connu une Ă©ducation hors du systĂšme scolaire, une carriĂšre de concertiste de piano pendant dix ans. Le Dojo Tenshin, d’ailleurs, accueille rĂ©guliĂšrement des enfants Ă©duquĂ©s en dehors du systĂšme scolaire ( Un sujet qui m’interpelle et dont je n’ai pas encore pris le temps de discuter avec RĂ©gis et Manon Soavi).
Câest peut-ĂȘtre pour cela quâil y a sans doute une continuitĂ© dans le fait que ce soit quelquâun comme elle qui, un jour, se soit dĂ©cidĂ©e Ă Ă©crire sur Itsuo Tsuda.
Au dĂ©but, lâintention de Manon Soavi Ă©tait dâĂ©crire un article sur Itsuo Tsuda. Lâarticle est devenu un livre.

Lorsque ce mardi, jâai demandĂ© Ă Manon Soavi combien de temps lui avait Ă©tĂ© nĂ©cessaire pour Ă©crire ce livre, elle mâa rĂ©pondu :
« Il y a deux réponses ».
Un an et demi pour la rédaction. Rédaction facilitée par le confinement dû à la pandémie du Covid.
Et plus de trente ans si lâon considĂšre le fait que, dĂšs sa naissance, elle a baignĂ© dans les enseignements dâItsuo Tsuda qui ont marquĂ© le temps et lâexistence de son pĂšre et de sa mĂšre.
Manon Soavi avait deux ans lorsque Itsuo Tsuda est mort en 1984. Il lâa prise dans ses bras mais elle ne sâen souvient pas. Elle connaĂźt de lui ce que « la lĂ©gende familiale » lui a racontĂ© mâa tâelle prĂ©cisĂ© en souriant. Le reste, elle est allĂ©e le chercher et lâa en partie trouvĂ©. Car Itsuo Tsuda nâa pas tout dit.
Celles et ceux qui comptent nous disent rarement tout. Câest souvent Ă nous de raconter ce qui reste.
LâAnarchie
Sur le tatami, ce mardi, Manon Soavi nous dit quâil y a de la provocation dans le titre de son livre car les termes « Maitre » et « Anarchiste » ne collent pas ensemble. Lâanarchie vise Ă Ă©chapper Ă toutes formes de domination autant comme personne dominĂ©e que comme personne dominatrice. Elle nous parle des consĂ©quences du patriarcat. De la nĂ©cessitĂ© de lâ « empowerment ». Plus tard, aprĂšs sa parole, jâai vu que, dans son livre, elle cite des extraits dâouvrages de Mona Chollet, une auteure fĂ©ministe ( J’ai lu RĂ©inventer l’Amour de Mona Chollet ). Dâailleurs, du 27 septembre au 16 novembre de cette annĂ©e, une de ses Ćuvres, SorciĂšres, a Ă©tĂ© lue sur scĂšne.
Une commémoration
AprĂšs sa prĂ©sentation, Manon Soavi rĂ©pondra quâau Japon, Itsuo Tsuda, est un inconnu. TrĂšs en rupture avec les instances officielles du Japon, cette indĂ©pendance lui a aussi valu lâanonymat dans son pays. MalgrĂ© ce quâil a pu connaĂźtre et accomplir de son vivant tant en termes de pratiques, dâenseignement que de parutions.

Itsuo Tsuda a écrit une dizaine de livres en Français. Son premier livre, Le Non-Faire , est paru en 1973.
Inconnu ou ignorĂ© au Japon, Manon Soavi nous a parlĂ©, aussi, de son initiative, en 2013, dâorganiser Ă Paris une commĂ©moration pour les cent ans de la naissance dâItsuo Tsuda (nĂ© en 1914).
Elle avait alors rĂ©ussi Ă contacter des anciens Ă©lĂšves dâItsuo Tsuda. Et, trĂšs vite, ceux-ci lui avaient assurĂ© quâils seraient prĂ©sents. Alors que prĂšs de trente annĂ©es Ă©taient passĂ©es depuis le dĂ©cĂšs de « lâinconnu » Itsuo Tsuda. Cette rĂ©action spontanĂ©e de plusieurs de ses anciens Ă©lĂšves, puis leurs tĂ©moignages ensuite, ont attestĂ© de lâimportance quâil avait pu avoir pour eux.
Je me demande maintenant quelle rĂ©clame publicitaire -ou quel article que jâai pu acheter- il y a trente ans a pu avoir sur moi, le mĂȘme effet. Pourtant, en trente ans, jâai vu, « connu » et « aimĂ© » un certain nombre de rĂ©clames publicitaires et dâarticles que jâai pu acheter dans un de nos innombrables temples de la consommation.
Toujours dans ces prĂ©paratifs afin de commĂ©morer Itsuo Tsuda, un ou une de ses ancien(ne)s Ă©lĂšves a donnĂ© Ă Manon Soavi le numĂ©ro de tĂ©lĂ©phone dâune ancienne Ă©lĂšve :
Madeleine D. Laquelle, durant une annĂ©e hĂ©bergea Itsuo Tsuda et sa femme chez elle et son mari, en rĂ©gion parisienne. Car Itsuo Tsuda fut pendant une annĂ©e en situation irrĂ©guliĂšre dâun point de vue administratif. Et, il avait alors obligation de quitter le territoire de la France.
En hĂ©bergeant Itsuo Tsuda et sa femme, cette ancienne Ă©lĂšve et son mari, furent aussi des personnes de « rupture ». Et, Ă travers eux, on pense Ă©videmment Ă des rĂ©sistants ou Ă tout individu, qui, lors dâune guerre ou dâun pĂ©ril imminent, a protĂ©gĂ© et cache chez lui des personnes vulnĂ©rables ou grandement exposĂ©es aux travers de certaines Lois.
En « donnant » Ă Manon Soavi une des calligraphies dâItsuo Tsuda en lui disant « Continuez », cette ancienne Ă©lĂšve (Madeleine D.) a perpĂ©tuĂ© le travail de transmission du Katsugen UndĆ.

LâĂ©dition dâun livre
Si Itsuo Tsuda a écrit à peu prÚs une dizaine de livres (tous écrits en Français), Manon Soavi voit dans la parution de son propre livre Le Maitre Anarchiste Itsuo Tsuda, une transposition du Non-Faire professé par celui-ci.

Une annĂ©e durant, elle avait sollicitĂ© des maisons dâĂ©dition sans suite. Puis, finalement, un nouveau membre du Dojo a parlĂ© de ce projet Ă un Ă©diteur avec lequel il faisait zazen.
Et, câest finalement lâĂ©diteur, intĂ©ressĂ©, qui a relancĂ© Manon Soavi. La suite de cette histoire sâest probablement enclenchĂ©e ce mardi depuis le dojo Tenshin.
Jâavais pratiquement fini dâĂ©crire cet article deux jours aprĂšs cette soirĂ©e au Dojo Tenshin. Puis, un dĂ©faut de connexion Ă internet mâa empĂȘchĂ© de le publier avant aujourdâhui. Entretemps, ce lundi ( il y a trois jours) Ă une projection de presse, je suis allĂ© voir le prochain film de Davy Chou qui se dĂ©roule en CorĂ©e du sud : Retour Ă SĂ©oul. Retour Ă SĂ©oul sortira au cinĂ©ma le 25 janvier 2023. Itsuo Tsuda, Japonais, Ă©tait nĂ© en CorĂ©e. Câest cette coĂŻncidence qui mâinterpelle maintenant alors que jâai dĂ©jĂ Ă©crit mon article sur ce film ( Retour Ă SĂ©oul un film de Davy Chou au cinĂ©ma le 25 janvier 2023). Une coĂŻncidence que jâavais oubliĂ©e en allant voir le film ce lundi.
Franck Unimon, ce jeudi 17 novembre 2022.