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Même les souris vont au paradis/ un film d’animation de Jan Bubenicek et Denisa Grimmova

Même les souris vont au paradis/ un film d’animation de Jan Bubenicek et Denisa Grimmova

 En salles à partir de ce mercredi 27 octobre 2021. (Je présente mes excuses aux deux réalisateurs pour avoir un peu « francisé » l’orthographe de leur nom de famille).

Parfois, ma fille me demande de chanter, de pratiquer certains jeux avec elle ou de lui raconter une histoire drôle. C’est à nouveau arrivé samedi dernier alors que nous marchions vers la gare. Je lui faisais la surprise de l’emmener voir le film d’animation tchèque Même les souris vont au paradis à Paris, au cinéma Les 3 Luxembourg. Celui-ci faisait partie de la programmation du festival du cinéma tchèque qui a eu lieu du 22 au 24 octobre. Jamila Ouzahir, l’attachée de presse avec laquelle je travaille régulièrement, m’avait fait parvenir des informations concernant ce festival du cinéma tchèque qui allait se tenir. Et, La directrice du festival, Markéta Hodouskova ( je présente à nouveau mes excuses pour le fait de franciser un peu son nom ) a bien voulu nous inviter, ma fille et moi, pour cette séance.

A droite, Markéta Hodouskova ( directrice du festival du cinéma tchèque). Au milieu, le producteur Vladimir Lhotak. A gauche, le producteur Alexandre Charlet. Au cinéma Les 3 Luxembourg, 67 rue Monsieur le Prince, Paris, 6ème. Samedi 23 octobre 2021.

Adultes, avec ou sans enfants, nous pouvons souvent nous concentrer beaucoup sur ce que nous préparons. Quel que soit le projet, nous évoluons alors au moins dans deux temporalités ou dans deux dimensions qu’il s’agit de faire coïncider. Un certain nombre d’actions et de fonctions qui contribuent à la réalisation effective de notre projet. Des actions et des fonctions si familières que nous les faisons souvent sans sourciller, de manière automatique dans l’ordre ou dans le désordre : marcher, faire la vaisselle, prendre un repas, se moucher, s’habiller, se doucher, récupérer nos clés d’appartement, fermer une porte, éteindre la lumière, se brosser les dents, partir.

Tout ça pour arriver à notre action principale, proprement dite qui, ici, consistait à être à l’heure pour la séance à 15h, en se rendant au bon cinéma.

 

Puis, comme c’est le cas dans toute cette organisation usuelle, mais aussi très théorique et individuelle, arrive souvent l’imprévu. Insolite, heureux, amusant ou désagréable. Cela peut être un événement que l’on observe à la périphérie, dont on est le témoin ou la victime.

Ce peut-être aussi un événement dont on est le papa. Car un véritable enfant, et qui se comporte comme tel, même si l’on a choisi de le  concevoir, qu’on l’a voulu et qu’on l’avait donc « prévu », c’est un cortège d’imprévus à lui tout seul. Les enfants nous font régulièrement entrer dans la 3D que l’on y soit prêt ou non. Que l’on aime improviser ou pas. 

Je considère donc que lorsque l’on vit avec un enfant, que lorsque l’on est avec un enfant, qu’il faut disposer d’au minimum trois cerveaux en activité ou qui disposent de la particularité de pouvoir, assez rapidement, nous faire décoller afin de pouvoir nous transporter jusqu’au lieu ou dans la dimension où l’action et l’émotion principale culminent. 

Me mettre à chanter…. je suis en train de penser au billet de train à acheter. A l’heure où nous aurons un train. Au temps du trajet. Au parcours que je visualise. A des calculs plus ou moins compliqués afin d’évaluer si nous serons à l’heure car ma fille a voulu , ce n’était pas prévu , aller à la médiathèque, je ne pouvais pas refuser. En descendant son vélo, ça aussi, ce n’était pas prévu, je ne pouvais pas refuser. Et, là, ma fille voudrait que je chante comme elle vient de le faire alors que nous marchons main dans la main vers la gare…

Je n’ai rien contre le fait de chanter même si, malheureusement, je chante encore très faux. Mais en entendant la requête de ma fille qui venait de m’interpréter une chanson, je me suis aussitôt retrouvé aphone. Cela me rappelle ma première thérapeute, qui, après que je lui aie raconté des moments sensibles et importants de ma vie me demandait :

« Et, qu’est-ce que tu ressens ? ». Ma voix restait alors sur place. Mon cerveau, lui, enregistrait bien sur son registre l’écho de la question. Puis, cet écho, tombait, inerte et abandonné, devant le tombeau qu’était instantanément devenu mon cerveau sans que je ne parvienne à lever le moindre petit doigt. Tandis qu’interdit, je me découvrais complètement infirme et momifié devant une question aussi simple. 

Adultes, nous sommes souvent récompensés lorsque nous avons un cerveau bien dressé.

Un enfant, un film d’animation, pour pouvoir bien se sentir avec lui ou devant lui, nécessite d’avoir encore en soi suffisamment de parties de notre cerveau non dressées.

Non, dans Même les souris vont au paradis, il n’y a pas de chant. Si vous le pensez maintenant, sans avoir vu le film, c’est parce-que je parle tellement de chant depuis le début de cet article, que, d’une certaine façon, et bien malgré moi,  j’ai presque “dressé” ou habitué votre cerveau à penser ou à croire qu’il est question de chants dans cette oeuvre. 

 

Le Cinéma les 3 Luxembourg, samedi 23 octobre 2021, Paris 6ème. Le producteur Alexandre Charlet.

 

Ceci est un paradoxe vivant : les deux expériences, « faire » un enfant, « faire un film d’animation»

( écrire un article ?),  pour qu’elles réussissent dans les grandes lignes, nécessitent tout de même au moins deux aptitudes contraires. Voire davantage.

Organiser, être dressé et dresser. Mais aussi pouvoir permettre, dans une grande confiance et avec un fort sentiment d’optimisme, l’expression de l’inverse. Le chaos, c’est peut-être lorsque l’une de ces deux actions l’emporte trop aveuglément, trop longuement et trop durement sur l’autre.

A gauche, Whizzy, face à elle, à droite, Whitbelly.

 

Samedi, après la projection de Même les souris vont au paradis, les enfants dans la salle ont aimé poser des questions aux deux producteurs présents. Même les souris vont au paradis est le résultat d’une coproduction composée de plusieurs cerveaux européens en provenance de la République tchèque, de la France, de la Belgique et de la Slovaquie. Mais j’ai aussi entendu parler d’une partie du travail qui avait été effectuée en Pologne.

 

Les producteurs Vladimir Lhotak ( tchèque) et Alexandre Charlet ( français) étaient présents, samedi. Deux hommes, deux adultes, deux professionnels, deux techniciens. Mais aussi, sans doute, deux grands enfants. Deux grands enfants qui ont pris la peine de prévenir, avant la projection :

“Certaines scènes peuvent faire peur dans Même les souris vont au paradis mais, à la fin, cela se termine bien”.

J’avais déjà eu l’occasion de croiser des réalisatrices et des réalisateurs de courts métrages d’animation. Et, je m’étais déjà demandé de quoi était fait leur ordinaire. Comment ceux-ci parvenaient-ils à vivre au quotidien en maintenant, vivante et active, en eux, une telle part d’enfance ?

Alexandre Charlet a spontanément répondu à cette question que je n’ai pas posée.J’étais peut-être redevenu parfaitement aphone sous l’effet de mon cerveau très bien dressé. D’ailleurs, après la séance, j’ai été incapable de dire autre chose que  ” J’ai bien aimé”. Je n’avais rien d’autre à dire. Je suis resté là, quelques minutes, à côté des deux producteurs et de Markéta Hodouskova, à écouter.  J’ai été totalement incapable ( ou inapte) de saisir la proposition d’interviewer les deux producteurs. Proposition que Markéta Hodouskova m’a faite à deux reprises mais que j’ai décliné en étant assez embarrassé. Au point qu’elle s’est peut-être demandée qui était ce journaliste timoré que j’incarnais.

La technique des films d’animation, d’une façon générale, me livre à ma petitesse. Je ne suis pas technicien. Je ne prétends pas avoir ce genre de compétences. Je ne sais pas dessiner. Je suis épaté par les mondes mais aussi le coup d’oeil que peuvent proposer des dessinateurs “traditionnels”. Alors, des réalisateurs et des concepteurs de films d’animation….

J’ai besoin de croire dans les questions que je pose. Or, avec les films d’animation, on est souvent entre deux ou trois extrêmes : d’un côté, une très haute technicité et une très grande habilité. Au milieu, une très forte créativité. Et, à l’autre bout de la chaine, de l’émotion et de l’enfance en grandes quantités et sur de grandes surfaces : celles que l’on peut se permettre de voir et de retrouver en soi. 

Il y a sans doute des gens, qui, comme lorsqu’ils se rendent à l’opéra, y vont comme s’il s’agissait d’une expérience ordinaire qui consiste à manger des chips, des cacahuètes ou à appuyer sur une chasse d’eau dans les toilettes. Je crois vivre ce genre d’expérience, mais aussi mes relations dans la vraie vie en général, un petit peu différemment. Je les prends assez frontalement. Soit je me barricade , m’illusionne,  ou ne vois d’abord rien. Soit cela m’étreint tout de suite de près, et, ensuite, si je veux pouvoir écrire, j’ai d’abord besoin d’assimiler ce que j’ai vécu. Je n’ai pas l’aptitude mondaine-  oui, c’est une aptitude– de certaines personnes à parler de tout et de rien. Cela se voit tout de suite que je ne suis pas dans le sujet dont on discute ou que je ne suis pas raccord. 

Au cinéma les 3 Luxembourg, le producteur Alexandre Charlet, Paris 6ème. samedi 23 octobre 2021.

 

Le producteur français de Même les souris vont au paradis, Alexandre Charlet, la quarantaine, m’a touché lorsqu’il a dit être triste de voir que le film d’animation Le sommet des dieux réalisé par Patrick Imbert ( sorti en salles le 21 septembre 2021) était aussi peu vu. Une affiche de ce film d’animation était visible dans le cinéma en sortant de la salle. Cela m’a rappelé que j’avais lu de très bons échos à son propos et, aussi, que je ne l’avais pas vu. 

J’ai aussi été surpris lorsqu’Alexandre Charlet a dit, après la projection, avoir à nouveau eu les larmes aux yeux, lorsque, dans Même les souris vont au paradis, le renard Whitbelly se « jette » devant la trop arrogante et inconsciente Whizzy pour la protéger lors d’un certain passage. Car Alexandre Charlet a dû voir et détailler ce film un certain nombre de fois. En tant que producteur, technicien et en tant que personne. Donc, entendre qu’il continuait de ressentir une telle émotion devant ce passage était pour moi surprenant. 

 

J’ai déjà pleuré devant un film. Je n’ai pas pleuré devant Même les souris vont au paradis. De même que je ne suis pas parvenu à chanter en prenant le train avec ma fille pour la séance. Mon cerveau trop bien dressé l’a sans doute emporté, ce samedi.  Mais il m’a aussi permis, malgré ma fatigue, samedi -car j’étais fatigué- de nous faire arriver à l’heure à la séance de Même les souris vont au paradis.

 

J’ai aimé ce film d’animation qui parle de nos peurs, du courage, du sacrifice, du deuil, de la mémoire, de l’amour pour nos parents mais aussi pour nos enfants, de la loyauté, de l’amitié, de l’inconnu, de la mort, de la vie après la mort, de l’existence d’une seconde chance pour tenter de raccommoder nos erreurs et nos pensées passées. 

Je ne me suis pas endormi pendant la séance. J’ai vu ma fille pleurer silencieusement à deux reprises. J’ai mémorisé la première fois et ce qui se passait alors sur l’écran. J’ai aussi pris la main de ma fille dans la mienne. Plus tard, elle m’a confirmé avoir beaucoup aimé ce film d’animation.

Le producteur Alexandre Charlet explique ce que c’est que filmer en stop motion avant la projection de ” Même les souris vont au paradis”. Ce samedi 23 octobre 2021 au cinéma Les 3 Luxembourg, Paris 6ème. A droite, Markéta Hodouskova.

 

Même les souris vont au paradis a été réalisé principalement en stop motion. Le producteur Alexandre Charlet avait expliqué en quoi cela consistait avant le début de la projection. Le film d’animation comporte plus de 120 000 images a-t’il été répondu lors du débat qui a suivi.

 

 

Le résumé de Même les souris vont au paradis  dans le programme du festival commence ainsi :

 

« Après un malencontreux accident, une jeune souris au caractère bien trempé et un renardeau plutôt renfermé se retrouvent au paradis des animaux. Dans ce monde nouveau, ils doivent se débarrasser de leurs instincts naturels et suivre un parcours semé d’embûches vers une vie nouvelle ».

 

Le seul aspect qui me dérange dans l’histoire comme dans ce résumé, c’est le principe de se débarrasser «  de leurs instincts naturels ». J’ai déjà vu ce concept dans un autre film d’animation et j’ai du mal à y croire. Alors, je préfère remplacer les termes « instincts naturels » par le mot «préjugés». Cela me semble plus juste et plus réaliste. Parce-que c’est à cela que mon cerveau dressé d’adulte peut croire. Je ne vais quand même pas raconter à ma fille qu’elle peut devenir amie avec une hyène dans la société humaine ou dans la nature. Je vais plutôt essayer de lui apprendre à la reconnaître sous ses différents aspects et ses différentes intonations. Et, autant que possible, comment échapper à la hyène ou se défendre contre elle. 

A gauche, Markéta Hodouskova et le producteur tchèque, samedi 23 octobre 2021, au cinéma les 3 Luxembourg, Paris 6ème, lors du festival du cinéma tchèque.

 

Hormis ça, je suis bien sûr content d’ être venu. Cette année, je n’avais pas la disponibilité pour voir d’autres oeuvres qui ont été projetées lors de ce festival du cinéma tchèque.

Je suis aussi content d’avoir un peu entendu parler Tchèque après la projection. Même si je ne connais pas cette langue et ne suis jamais allé dans ces régions où l’on parle Tchèque.

Je recommande d’aller voir Même les souris vont au paradis que l’on soit un enfant ou un adulte. Et, cela, qu’on aille le découvrir avec ou sans enfants.

Adulte, on peut préférer aller le voir tout seul. Surtout que certains enfants sont capables de vous demander de chanter pendant la séance. Ou, d’autres, de vous regarder pleurer et de vous demander ensuite de manière très désagréable :

«  Mais qu’est-ce qui t’arrive ?! ».

 

Mais, entraîné par mon cerveau dressé pour composer cet article, j’avais déja oublié presque le principal dans cet article. J’avais demandé à ma fille de faire un dessin ou de m’écrire ce qu’elle avait pensé de Même les souris vont au paradis.Voici ce qu’elle avait écrit le lendemain  : 

«  C’est sympa de voir une souris qui est amie avec un renard. Mais c’est triste de voir Gros Croc tuer le père de Whizzy. Mais si j’étais Whitebelly, je saurais déjà qu’être attaché à Whizzy, je pense que ce ne serait pas pratique du tout. » ( Emmi).

Franck Unimon, ce mercredi 27 octobre 2021. ( avec la participation d’Emmi). 

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