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Argenteuil Cinéma

Les Cinglés du cinéma à Argenteuil

A Argenteuil, dans certains endroits, on entend et on voit régulièrement une voiture de police. C’est ma fille qui me l’a fait remarquer tout à l’heure. ça me rappelle un ami parti vivre depuis à Pondichéry qui, lorsqu’il habitait encore Sarcelles ( dans une cité HLM), m’avait dit un jour :

« A Sarcelles, on entend tous les jours la sirène d’une voiture de police ! ». 

 On pourrait très facilement comptabiliser au  millimètre et à la microseconde près toutes ces incivilités et ces nuisances qui gênent ou inquiètent. Jouir du désastre que l’on observe en permanence au microscope a ses avantages :

Cela donne un très fort sentiment d’invincibilité et de supériorité. On se sent très au dessus du lot. Si tout était parfait, on se sentirait désoeuvré et inutile. Et on déprimerait rapidement. Alors que là, on a plusieurs combats à mener afin de sauver et critiquer tout le monde qui nous entoure. Même si celui-ci, bien-sûr, ne nous mérite pas.  

Mais laissons à d’autres ce genre de pensée. Pendant que la police et d’autres services ( au moins sociaux et sanitaires) opèrent dans la ville d’Argenteuil (et d’ailleurs) celle-ci reste à vivre. Prenons le temps de faire une pause. Ce week-end,  la foire internationale Les Cinglés du cinéma se déroule à nouveau à Argenteuil. Le cinéma japonais est le thème de cette 32 ème édition. Nous y avons passé trop peu de temps pour détailler l’événement. Mais assez pour prendre quelques photos. L’ambiance y était détendue et on n’y a entendu aucun bruit de sirène de police. Bientôt, aura à nouveau lieu au même endroit, toujours à Argenteuil, dans la salle des fêtes Jean Vilar, Le Salon du livre et des lecteurs. Pour y être également déja allé plusieurs fois, je crois que là aussi, on n’y entendra pas de sirène de voiture de police. Sauf si c’est prévu dans l’animation de l’événement.

 

Franck Unimon, ce samedi  25 janvier 2020. 

 

 

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Echos Statiques

Cratères de lacunes

 

 

En Rap, j’ai des cratères de lacunes. Je vois et j’entends parler de différentes cultures de Rap : elles sont si nombreuses qu’elles semblent venir d’une carrière mystérieuse. Bien-sûr, c’est tout simplement parce-que je ne suis pas à la page. Je devais faire mes courses chez Picard ou lire la notice de la machine à laver pendant toutes ces années où ces déclinaisons du Rap se sont développées.  Et puis, il y a des tempéraments.

 

Il y a le Rap conscient. Hardcore. Et celui de la réclame. Il y a le Rap domestiqué par les maisons de disques.  Celui où le mécano d’une crame hypnotique et funéraire prend les neurones des autres pour les prochaines étapes de sa chaine de vélo.  Le Rap où l’on crâne et où, sans fin, on se retape les fesses et la carrosserie comme si on était dispensé de la moindre obligation sanitaire.

 

Multiple, récidiviste et mutant, le Rap est comme l’existant. Antidote aux cellules de formol dans lequel sont capturées bien des bouches et des présences privées, plusieurs fois par jour, de parole, d’électricité et d’oxygène, le Rap est le genre musical le plus écouté en France depuis des années. Ne pas l’écouter, ne pas l’avoir écouté, ne serait-ce qu’un tout petit peu, même en se cachant en sachet, c’est être marginal, retraité ou congelé.

 

Il y a quelques jours, écouter et voir des clips de Rap m’a remonté. Et, encore plus récemment, en quittant certains amis, je me suis dit que je vivais un  certain dédoublement de personnalité car il m’était impossible de les imaginer écoutant ou dansant sur du Rap. Pourtant, j’écoute assez peu de Rap.

 

Pourtant, le Rap est l’équivalent du Blues. Du Maloya et du Gro-Ka.  Le cousin de la techno. Il bouscule le Rock. Doit quelque chose au Funk, au Reggae, au Jazz et peut-être même au Gospel pour certaines têtes. Il est un dédale en furie et une musique  dégénérée pour certains  hémisphères cérébraux. Avec le sexe, la mort, la drogue, la folie, le fanatisme, la faim, l’amour, le désespoir, la pauvreté, le nucléaire et le napalm, il n’y a peut-être pas d’expérience plus extrême et plus personnelle que la musique qui est un échantillon de tout cela et qui, en quelques mesures, nous en fait le rappel. De ce que nous sommes sur terre, de nos combines pour continuer, de ce qui nous arrête, nous pousse et nous conditionne.

 

Ce qui fait du bien à notre corps en mercure sera du cyanure pour celle ou celui d’à côté. Iconoclaste ou icônes de clash, le Rap permet le grand écart. Mais contrairement à la musique classique, la grâce n’est pas ce qui est recherchée en premier.  On entendra peut-être un jour une rappeuse ou un rappeur dérouler des entrechats avec une voix et une diction de kora.  La grâce, c’est ce que l’on voit en premier chez celles et ceux qui sont au sommet et qui pourraient aussi tomber car ils n’auront pas su bien se défendre. Et, le Rap, c’est le moment de la revanche plutôt que de la défaite. Une revanche, c’est toujours bon à prendre. Je ne connais personne qui affirme :

« Moi, surtout, ce que j’adore avant tout dans la vie, c’est perdre ! ».

 

Le Rap peut être le voisin, le collègue, le conjoint, l’ami, l’enfant  ou la police, qui, régulièrement, vient vous interrompre au plus mauvais moment pour vous.  Et vous allez devoir vous y remettre. Réinstaller les syllabes. Digérer le souffle en six balles. Parcourir des séries de typhon l’horizon. Garder sa constance entre quatre sons.

« Papa, t’étais où ?! ». Au turbin, mon enfant. J’ai essayé de fuguer. De refuser la tapine. J’ai obtenu quelques victoires même si on ne m’a jamais donné de médaille et que l’on ne me verra jamais me faire homologuer sur grand écran ou à la télé. Mais j’ai attrapé la routine. Quand tu me regardes, si tu me regardes, fais en sorte, si tu peux, avant que l’artère de la dernière thune me confisque mon dernier souffle pour un énième défaut de paiement, de voir autre chose qu’un pansement en 3D et  un adulte qui a échoué. Car ton regard sera ce qui restera de moi. Au fait, n’oublie jamais :

Le sanibroyeur du 2ème empêche de dormir au 1er et au 3ème.

Rappelle-toi aussi ce qu’a pu dire Tricky, autodidacte de la musique :

 

« Seule compte l’énergie ! ».

 

Franck Unimon

 

 

 

 

 

 

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Crédibilité

Crédibilité 3

                                                                    

 

Une gueule à connaissances

Il y a deux ans et demi (en juin ou juillet 2017), dans mon hôpital, j’ai  postulé pour travailler dans un service réputé dans le traitement des addictions.

J’ai postulé trois fois. Ma dernière candidature date de novembre 2018. Trois « échecs ».

 

Je me suis mal vendu au moins lors d’une de ces trois candidatures.

 

Mon CV est bon à ce qui m’avait été répondu lors de ma troisième et dernière  candidature à ce jour. Autrement, m’avait-il été expliqué, on m’aurait dit dès le début que mon profil ne convenait pas.

 

Aujourd’hui, j’ai effectué un peu plus de dix remplacements dans ce service. Si je le peux, je compte en effectuer davantage. Pas seulement pour des raisons financières.

 

Lors de ces remplacements- où je suis payé en heures supplémentaires comme tout(e) infirmier(e) volontaire de mon établissement venant combler une pénurie de personnel sur ses heures de repos ou sur ses congés- cela se passe plutôt bien avec les divers collègues de ce service. Ainsi que pour moi. Ni cauchemars, ni nausées.

 

Lors de ces remplacements, les échos sont bons à mon sujet. C’est, aussi, ce qui m’avait été répondu lors de ma troisième candidature il y a un peu plus d’un an.

 

 

Officiellement, ce qui me desservirait, ce serait «  mon manque d’expérience –professionnelle- dans les addictions ». Je ne crois pas à cette histoire. Mais je laisse celle qui, plusieurs fois déjà, me soumet à cette condition, se la raconter. Je suis l’outsider. Je n’ai pas le pouvoir de la contrer.

 

Mais, historiquement, je sais que ce service où j’ai postulé trois fois a embauché avant moi dans le passé- et dans un présent récent- avant moi des infirmières et des infirmiers de différents âges qui n’avaient aucune expérience professionnelle ou même personnelle, ou alors une petite, dans le domaine des addictions. Je le sais car je m’intéressais déja à ce service plusieurs années avant d’y postuler. Avant même qu’y travaille celle qui, aujourd’hui, m’explique qu’il faut impérativement une expérience dans le domaine des addictions pour pouvoir prétendre y exercer.

 

Et, je le sais aussi, parce-que j’ai discuté avec plusieurs infirmières et infirmiers qui y travaillent ou y ont travaillé. Le monde de la Santé est aussi un petit monde pour les infirmières et infirmiers. Et, en discutant, on peut découvrir qu’untel ou untel a travaillé dans tel service. Et quel avait été son parcours professionnel voire personnel auparavant.

 

Lors de ma troisième candidature, on s’était étonné l’air de rien du fait que, depuis ma première candidature, je n’avais fait aucune démarche afin de suivre une formation dans le domaine des addictions. J’avais alors répondu que j’étais « volontaire » pour suivre des formations. « L’échange » s’était arrêté là sur ce sujet. Même si on s’était empressé de me dire que cette remarque était sans conséquence particulière, j’avais pressenti que j’avais de nouveau « fauté » lors de cette nouvelle candidature. Je m’étais néanmoins exclamé :

« Mais si vous ne m’embauchez pas, je n’aurais jamais l’expertise ! ». Silence de mes deux interlocutrices. «  On te rappellera à la fin du mois mais sache qu’il y a d’autres candidats qui ont de l’expérience dans les addictions et qui ont des projets… ».

 

Dans mon service, quelques mois plus tard, on me refusait finalement la possibilité de suivre un D.U en addictologie. D’une part parce-que les budgets de formation de l’hôpital étaient de plus en plus difficiles à obtenir. Et d’autre part parce-que l’on avait appris mes intentions d’aller travailler dans ce service spécialisé dans les addictions. Aussi, ma hiérarchie estimait-elle que c’était plutôt à ce service spécialisé dans les addictions, et faisant partie du même hôpital, de me payer cette formation.

 

Selon moi, des raisons personnelles – que je ne peux pas définir avec précision pour l’instant- expliquent cette discrimination à l’embauche que je vis depuis un peu plus de deux ans dans mon hôpital lorsque je parle de ce service spécialisé dans le traitement des addictions.

 

Je ne parle pas de discrimination raciale.

 

Je crois qu’il y a quelque chose dans ma personnalité, qui a déplu, a dérangé ou effrayé lorsque je me suis présenté pour un poste dans ce service. Même si on y recherche  «  des profils atypiques ».

 

Je pense m’être très mal vendu au moins lors d’une de mes trois candidatures. J’ai sans doute exposé trop d’assurance. J’ai sans doute déstabilisé quelqu’un lors d’une ou plusieurs de mes candidatures. Il est vrai qu’avec mon expérience et mon CV, j’étais très « sûr » de moi au moins en apparence. Or, je peux aussi être bon comédien. Et, lorsque l’on est bon comédien, on réussit très bien à faire passer l’apparence pour soi-même. Même si ça peut nous desservir en dehors d’une scène de théâtre ou du plateau de tournage d’un film. Au travail comme dans la vie. Il est ensuite plus difficile voire impossible de rattraper l’image que l’on a donnée de soi. Avec laquelle on a marqué son territoire, son auditoire ou ses interlocuteurs.

 

J’ai peut-être été trop franc et trop direct. Ça peut faire peur. Après tout, il est bien des personnes rusées qui, en prime abord, font profil bas. ça plait, ça console, ça flatte et ça rassure car on estime que l’on pourra- au besoin- en disposer comme du bétail docile. Eduquer ou convertir cette personne. Parfois, une fois dans la place, le bétail docile du départ peut se révéler être fait de braises, de rocaille. Mais c’est trop tard. On fera avec puisqu’on l’a choisi. Comme en Amour, on peut rester avec une ou un partenaire que l’on a choisi même quand ça se passe mal. Et puis, on sait que dans chaque équipe, il y a un certain pourcentage de personnel plus ou moins instable. La gestion de personnel fait partie du travail.

 

Je pourrais aussi me dire que mon échec est un acte manqué car j’étais encore trop indécis : que je me suis rendu au moins à ma première candidature avec une certaine ambivalence. Que celle-ci m’a fait « déjouer », m’a rendu moins attractif et fait rater mon casting. 

 

 Je suis aussi allé jusqu’à me demander si, lors de mes candidatures, mes interlocuteurs et futurs cadres et collègues potentiels, telles des puissances extralucides surnaturelles, avaient pu percevoir en moi un potentiel addict ou celui qui, plutôt que de postuler comme infirmier, ferait peut-être mieux de consulter comme client ou patient.

 

Je me suis aussi demandé si j’étais apte à travailler dans ce genre de discipline. Je suis peut-être trop lisse. Trop normal. Trop déformé par la psychiatrie.

On peut très bien vouloir travailler dans un service prestigieux et ne pas disposer des capacités personnelles suffisantes. Ou ne plus être fait pour cela.  Je ne peux pas prétendre tout connaître de moi et, d’ailleurs, j’ai toujours affiché lors de mes candidatures ma grande ignorance dans le domaine des addictions. Et je le croyais sincèrement. Même si c’est faux.

 

En deux ans et demi, un peu à la façon des thèmes astrologiques,  j’ai eu le temps de laisser infuser dans ma tête le thème des addictions. Les addictions sont multiples. Le plus souvent, on pense d’abord aux addictions avec substance. Alors que l’on sait que se sont développées les addictions aux écrans,  aux dépenses en tout genre en ligne comme dans les magasins physiques que ce soit lors des périodes des soldes comme en ce moment ou en dehors de ces périodes, au sucre, au sexe etc….

 

Donc, que ce soit passivement ou en tant qu’acteur et consommateur, j’ai évidemment comme tout citoyen « normal » mes expériences personnelles en tant qu’addict. Et comme tout citoyen « normal » qui veut se faire bien voir, lors de ma première candidature, j’en ai eu honte. J’ai alors affirmé sans chercher à comprendre que, non, moi, Franck Unimon, je n’avais pas d’addiction !

 

Mais cela est plus comique que rédhibitoire à mon avis. Personnellement, ce déni me fait sourire lorsque j’y repense.  Aussi, je ne crois pas que ce soit là que je me sois le plus mal vendu en tant que postulant.

En attendant, je considère comme peu crédible et très ambivalente cette croyance ou ce principe selon lesquels, pour être embauché, seule me manquerait une formation en addiction.

Parce-que, par ailleurs, mon CV est « bon ». Et, je suis un professionnel rassurant lorsque je viens effectuer des remplacements. « Cela me rassure que ce soit toi » m’a t’il par exemple été dit lors d’un de mes derniers remplacements. Juste après avoir fait la découverte suivante : « Unimon, c’est toi?!». Ce jour-là, après mes trois candidatures pour rien et ma dizaine de remplacements, j’ai fini par reconnaître :

 

« Oui, Unimon,  c’est moi ! ».  « Je suis content de savoir que je te rassure ! ».  Mimique pincée de mon interlocutrice qui a alors tenu à m’assurer de sa sincérité ! C’était il y a deux ou trois mois.

 

Un an plus tôt environ, après ma troisième candidature, et voyant que personne ne me rappelait comme on s’y était engagé,  j’avais un moment fini par me changer en colère. Puis, avec le concours de ma compagne, je m’étais raisonné. Me mettre en colère n’allait rien changer. Par contre, je pouvais continuer de me former en retournant effectuer des remplacements dans ce service où j’avais plaisir à me rendre lorsque je le pouvais.  Cela me permettrait par ailleurs de continuer de m’assurer que je ne suis bien à ma place et dans mon rôle dans un service d’addiction en tant que professionnel. Et, aussi, d’étoffer mon CV.

 

Mais il fallait quand même, à un moment donné, suivre une formation dans le domaine des addictions. Pour moi. Plus que pour me plier à cette obligation de formation théorique qui rassure et flatte surtout celle qui m’a servi cet argument ou ce prétexte :

 

Mon parcours personnel et professionnel en tant qu’infirmier (mais aussi au moins en tant que journaliste et en tant que comédien)  dit tout le contraire de cette obligation de formation très très scolaire.

 

Initialement, je suis infirmier diplômé en soins généraux. Ce qui signifie que si l’on regarde scolairement mon diplôme, on m’enverrait travailler dans un service de soins généraux en médecine ou chirurgie. Même si, lors de nos études et même après l’obtention de notre diplôme, nous comprenons très vite, en pratique, que nous avons beaucoup à apprendre. Comme tout étudiant d’une école de cinéma ou tout élève de conservatoire de théâtre s’aperçoit très vite qu’il a peut-être un très beau diplôme d’un institut prestigieux mais, sur le terrain, il va devoir se modeler sur son nouvel environnement professionnel, à de nouveaux rôles et à de nouvelles situations prévus et imprévus. Et s’y frotter.

Une fois diplômé en tant qu’infirmier, et après avoir tenté plusieurs fois l’expérience dans différents services par intérim, de nuit comme de jour, je m’étais aperçu que le milieu général me bouchait l’horizon en tant qu’individu. Je me suis rappelé de mes bonnes impressions lors d’un de mes stages en psychiatrie adulte. C’est comme ça que j’ai débuté ma carrière d’infirmier en psychiatrie adulte il y a bientôt trente ans. Malgré les inquiétudes répétées de ma mère qui craignait que je devienne « fou » et qui m’exhortait, aussi, à reprendre ma licence d’Anglais à la Fac. Pour la licence d’Anglais, j’aurais dû l’écouter mais j’avais été dépité par l’enseignement de l’Anglais, à la Fac, où l’on nous demandait beaucoup de technique, beaucoup de théorie et, aussi, beaucoup de par cœur. J’ignorais que cela pouvait s’arranger ensuite. Et, je me sentais très bien dans le milieu de la psychiatrie adulte. Personnellement. Professionnellement. J’avais un poste attitré et je gagnais ma vie correctement en effectuant des trajets confortables pour me rendre au travail.

 

Puis est arrivé le « virage » en pédopsychiatrie. Là aussi, j’aurais pu dire, et je l’ai dit d’ailleurs, que je n’y connaissais rien en pédopsychiatrie comme en psychiatrie adulte à mes débuts. Et comme pour les addictions. Là aussi, même s’il m’a fallu me former et affiner, c’était faux :

je savais des choses dans le domaine de la pédopsychiatrie comme dans le domaine de la psychiatrie adulte. Mais j’ai dû apprendre d’autres enseignements. D’autres codes relationnels. Ce que j’ai fait au contact des autres. Mes collègues. Les patients. J’ai aussi suivi quelques formations théoriques. J’ai également lu par moi-même. Je crois beaucoup au fait que certaines lectures, expériences, rencontres et découvertes que l’on peut faire dans différents domaines a priori très éloignés les uns des autres peuvent se recouper. Et que cela nous permet de mieux assimiler et pratiquer une discipline. Peut-être davantage qu’en subissant un cours théorique mécanique et informe dont certains  enseignants  semblent autant subir le corps et la durée que celles et ceux qui y assistent et y participent en tant qu’élèves et étudiants.  

Question un peu tendancieuse :

Un « bon » dealer doit-il obtenir un D.U en addictologie ou un diplôme d’une bonne école de commerce  pour réussir ? Ou apprend-t’il son métier par transmission et par entraînement au contact- répété- d’un certain milieu et de certaines connaissances ?

La réponse se passe, je crois, de démonstration. Mais si l’on doit parler de faire et de suivre des études théoriques, je suis preneur.

 

Pourvu que le menu des études résulte de mon choix, J’ai un assez grand plaisir à manger de la connaissance. Certaines personnes sont des « gueules à cannes ( à sucre) ». Je fais partie des personnes qui- dans certains domaines- ont une gueule à connaissances :

Théorique, intuitive mais aussi par le biais des rencontres, des discussions, de l’observation et de la réflexion. Même si je peux être très lent, aussi.

Mon problème n’est pas de rechigner à faire des études. Mon problème serait plutôt que j’ai encore le vif ressentiment que j’aurais pu, que j’aurais dû, plus jeune, et même aujourd’hui, prétendre à de plus longues études. Les projets d’études sont donc loin d’être rares dans mon esprit y compris dans d’autres univers que celui de la Santé. Et, mon blog, je crois, en donne un aperçu. 

 

J’ai donc un moment envisagé de payer ma formation pour obtenir ce diplôme universitaire en addictologie . Je me suis déjà payé une autre formation il y a plusieurs années. Pour un Brevet d’Etat d’éducateur sportif dont j’avais suivi le cursus sur mes congés personnels. Même si, à ce jour, je m’en suis très peu servi, je ne l’ai jamais regretté.  L’avantage, lorsque l’on paie soi-même sa formation, c’est que l’on ne doit rien à personne. Et que l’on évite aussi toutes ces convulsions administratives qui rendent bien des démarches et bien des initiatives aussi fastidieuses que l’activité d’un transit intestinal hautement colonisé et pourtant obstinément constipé.

 

Près de 2000 euros pour ce diplôme universitaire en addictologie. Et, je suis moins « riche » qu’auparavant.

 

Une responsable à la formation des ressources humaines de mon établissement – que j’ai rencontrée à la fin de l’année dernière- m’a expliqué que ce serait dommage de fournir un tel effort financier. Elle m’a aussi dit qu’à son avis, la motivation importait plus qu’une formation quelconque dans le domaine des addictions pour exercer dans un service d’addictologie. Elle m’a néanmoins encouragé, dès que je le pouvais, à profiter des formations- courtes- qui pouvaient m’être accordées en addictologie. J’avais déjà accepté d’aller suivre la formation en addictologie de quelques jours que mon service m’avait concédé. Depuis, je me suis renseigné sur ces formations internes à mon hôpital et auxquelles je peux accéder sans débourser un sou, sauf pour le déjeuner.

 

 

Ce samedi, après une nuit de travail, lorsque je me rends à cette nouvelle « formation »,  j’ai déja suivi d’autres formations courtes dans le domaine des addictions dans mon hôpital. Dont une, organisée par ce service où j’ai postulé. Service où je suis revenu effectuer un 13ème remplacement, lors de la journée du 25 décembre. Après avoir agréablement et sobrement fêté Noël en famille jusqu’à  trois heures du matin ou plus. La grève des transports se poursuivant depuis le 5 décembre afin de protester contre « la réforme » des retraites décidée par le gouvernement Macron-Philippe, je m’y étais rendu à vélo.

 

Ce samedi matin, je ne crois pas du tout au fait que cette nouvelle formation, pas plus que les précédentes et les suivantes, m’ouvrira davantage les pores de ce service d’addiction où j’avais postulé pour la première fois deux ans et demi plus tôt.  Je suis même devenu ambivalent envers ce service : je veux bien y retourner pour y effectuer des remplacements et continuer d’apprendre. Je crois que je serais désormais assez embarrassé si l’on m’y proposait un poste.

 

Je vais donc à cette formation pour moi. Pour mon plaisir. Mon plaisir est aussi assez agressif car, même si je recroisais ( ce qui est déja arrivé entre-temps en me rendant à une autre formation) celle qui m’a affirmé qu’il me manque de l’expérience et une formation dans les addictions, et que je ne peux donc pas faire partie de ce club très sélect que constitue ce service prestigieux à ses yeux, je sais que je ne lui parlerai pas de ces formations- formelles et informelles- que j’ai commencées à ajouter  ici et là à mon tableau de chasse. Car, oui, de banal candidat à un poste, dans un service, la situation répétée, d’irrespect à mon égard, a fait de moi un chasseur. Et ma proie n’est pas celle que l’on croit.

 

« Transfert et contre-transfert dans les addictions ». Voici ma proie, ce matin-là. Et, elle apparaît à partir de 9h30. A quelques minutes à pied des nouveaux locaux où mon service a emménagé cette semaine, le temps que les locaux originels de notre service  soient rénovés. On estime que les travaux prendront un an. Peut-être plus.

 

Franck Unimon, mercredi 22 janvier 2020.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Ecologie Puissants Fonds/ Livres

Croire aux fauves

 

                                                      Croire aux fauves

Terminer un livre. Il n y a pas plus illusoire. Il y a l’idée d’une victoire. Alors que chaque livre devrait nous éjecter de ce genre de croyance. Etre une frontière, une trajectoire. Et nous rapprocher du rêve.

 

Mais nous ne rêvons plus, nous dit Nastassja Martin dans son livre, Croire aux fauves. Nous laissons les atomes et les pixels de nos vies modernes rêver des traces à notre place.

 

A la fin de ma lecture de Croire aux fauves, il y a quelques jours, j’étais hébété :

 

J’étais incapable de me sortir -d’en parler- de ce livre de 151 pages de taille moyenne.

 

Depuis, j’ai cherché un autre médicament, commencé à tourner d’autres pages sans réussir à me décider vraiment :

 

Les Chamans ( Hier et Aujourd’hui) de Jean-Patrick Costa.

 

L’Apothéose des vaincus ( Philosophie et champ jazzistique) de Christian Béthune.

 

Catherine Ringer Et les Rita Mitsouko de Stan Cuesta (avec une préface d’Alfredo Arias)

 

Ecrit sur la bouche de Claude Olievenstein

 

Deep de James Nestor

 

L’An V de la Révolution algérienne de Frantz Fanon dont Abdel Raouf Dafri m’a parlé lors de son interview pour son film Qu’un sang impur… qui sort demain ( Interview en apnée avec Abdel Raouf Dafri ). 

 

Mon père, ce tueur de Thierry Crouzet

 

 

Alors, je passe un peu d’un livre à un autre, comme un alpiniste passerait d’une montagne à une autre. Dans le Ecrit sur la bouche d’Olivenstein, publié en 1995, il y a cette phrase, page 15 : « La bouche garde le souvenir de notre passé (…) ».

Cela peut correspondre avec ce qu’écrit Nastassja Martin en 2019 dans son livre Croire aux fauves, page 113 :

 

«  Le fauve mord la mâchoire pour rendre la parole ».

 

 

Dans Deep, je suis tombé sur ce passage qui raconte que le Capitaine Cook avait embarqué pour un de ses voyages, le chef d’une tribu «  primitive ». Non seulement, celui-ci lui avait fait découvrir un certain nombre de « mondes » (d’autres contrées)  en les lui montrant sur la carte. Mais, quel que soit l’endroit où ils se trouvaient sur la mer, ce « chef » restait capable de situer exactement sur la carte l’endroit où se trouvait son « pays ».

Toujours dans le même livre, James Nestor nous parle d’une autre tribu (aborigène ?) qui, dans son langage quotidien, intégrait en permanence les points cardinaux : nord, sud, ouest, est.

 

Si je me fie à ma pensée cartésienne d’occidental parisien éduqué, « normal », borné et « responsable » de 2020, je dirais que ces sujets et ces livres font partie de mes envies d’exotisme du moment en pleine période des soldes d’hiver. Et que Nastassja Martin, anthropologue, brillante étudiante, élève de Philippe Descola, formée à la psychanalyse, sûrement une très belle femme à «  l’origine », très bonne alpiniste, russophone et sans doute capable de parler d’autres langues en plus du Français,  d’un ( très) bon milieu social, guidée par son arrogance et son sentiment de supériorité, s’est à nouveau  aventurée sur un territoire encore sauvage, dans les montagnes du Kamtchatka ; a fait le voyage de trop en aout 2015 et est tombée sur un ours qui l’a défigurée. Elle lui a résisté et, les yeux fermés, avec son piolet, a réussi à le blesser. Autrement, il l’aurait sans doute tuée. L’ours s’est échappé. Nastassja Martin est une combattante et une survivante. Elle raconte ce que cette rencontre lui a donné dans la peur et dans la douleur. Sans voyeurisme et sans exhibitionnisme.

 

Si je laisse tomber cette corde de pensée, je dirais que je suis en ce moment incapable de regarder un film et de me fixer sur un livre parce-que la poussée animiste du livre de Nastassja Martin m’épouse et me rappelle une histoire perdue qui vient de loin. Mais je ne l’ai pas encore écrite :

Nous sommes surtout doués, désormais, pour savoir nous repérer et nous répéter dans des administrations et des magasins. Pour nous cantonner à certaines de nos fonctions et  à certaines actions à des horaires et des périodes paramétrés. Alors que pour vivre nous devrions plus nous inspirer de nos rêves que des murs qui nous regardent.

 

 

Nastassja Martin, encore, dans son Croire aux fauves, page 121 :

 

 

«  (….) personne n’a écouté Antonin Artaud qui, pourtant, avait raison. Il faut sortir de l’aliénation que produit notre civilisation. Mais la drogue, l’alcool, la mélancolie et in fine la folie et/ou la mort ne sont pas une solution, il faut trouver autre chose. C’est ce que j’ai cherché dans les forêts du nord, ce que je n’ai que partiellement trouvé, ce que je continue de traquer ».

 

 

 

Franck Unimon, ce mardi 21 janvier 2020.

 

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Cinéma Interview

Interview en apnée avec Abdel Raouf Dafri

 

 

Cela faisait quelques années que j’avais envie d’interviewer Abdel Raouf Dafri. Avant la création de balistiqueduquotidien.com. Depuis Un Prophète ( 2009), Mesrine ( 2008), la série Braquo (à partir de 2011)

 

Lorsque Qu’un sang impur…., son premier film en tant que réalisateur, s’est présenté en projection de presse à la fin de l’année dernière, j’ai filé pour aller le voir : Qu’un sang impur…

J’ai eu la chance d’être resté en contact avec Jamila Ouzahir, l’attachée de presse qui s’occupe du film. La même que j’avais recroisée dans le métro parisien un été il y a bientôt deux ans et qui m’avait tout de suite encouragé lorsque mon blog était encore à l’état d’idée. Jamila fait partie des attachées de presse que j’ai rencontré(es) du             « temps» de Brazil. Le mensuel de cinéma papier qui m’a fait entrer dans le journalisme cinéma.

 

 

A gauche de l’affiche, suspendus, certains des costumes utilisés pour le film.

Finalement, lorsqu’est venue la possibilité de le rencontrer, à propos de Qu’un sang impur…,  j’ai hésité. Préparer une interview, c’est du travail. La retranscrire, aussi. Et, au milieu, on peut rater l’exercice même si on n’en meurt pas. En plus, Abdel Raouf Dafri est le frère de quelqu’un que je connais « bien ». ( Projection de presse ) Quelqu’un qui, il y a bientôt vingt ans, m’avait dit un jour :

« Son rêve, c’est d’être scénariste… ».

 

Depuis la fin de parution du mensuel Brazil après le festival de Cannes de 2011, je n’avais plus interviewé de réalisateur de long métrage. Après Brazil, pendant deux à trois ans, j’avais fait la découverte du journalisme cinéma du côté des court-métrages avec le site Format Court.

Ma plus récente interview datait de trois ou quatre ans : avec l’ami Eddy, nous avions interviewé un couple d’apnéistes. Lui, à la photo, à la caméra et au montage. Moi, au texte et à la voix. 

 

Quatre jours avant cette journée presse ( ce jeudi 16 janvier 2020) où allaient se dérouler les interviews à propos de Qu’un sang impur…, du texte m’est venu. J’ai alors su que je pouvais rencontrer Abdel Raouf Dafri.

Cette interview est imparfaite. Je débite mes phrases au début et j’articule mal. Je lis un peu trop. D’un point de vue corporel, je peux mieux faire. On dirait que ma tête tient sur un ressort. 

C’est ainsi que l’on ne comprend pas au début de l’interview que je parle du réalisateur Raoul Peck qui est sûrement actuellement en train de tourner un film sur Frantz Fanon. Et, un peu plus tard, c’est bien-sûr le titre Peau noire, masques blancs de Frantz Fanon auquel Abdel Raouf Dafri fait référence. Quant au fichier vidéo que je livre finalement de cette interview, son format pour le blog me satisfait moyennement. Mais c’est tout ce que j’ai pour l’instant sous la main après plusieurs essais de conversion. 

Cependant, cette interview aura toujours ceci de particulier que c’est avec elle que j’aurai repris le trajet des interviews. 

 

Arrivé avant l’heure, j’ai pu discuter avec Abdel Raouf Dafri. Nous avons parlé du Japon, de certaines actualités et bien-sûr de cinéma.

Puis, en attendant mon tour pour l’interviewer, j’ai pu discuter un peu avec un correspondant du journal algérien El Watan ( Cela veut dire  » Nation » m’a-t’il été expliqué). El Watan a été créé en 1990. On peut le trouver à la vente dans les kiosques au moins de la région parisienne en langue française. 

Mais le mieux, bien-sûr, puisque c’est le « jus » de cet article,  c’est de vous faire votre propre idée de la rencontre avec Abdel Raouf Dafri. Après l’interview, suit le lien vers le teaser du film. Qu’un sang impur…. sort au cinéma ce 22 janvier 2020. 

 

 

 

 

QUUN-SANG-IMPUR_TEASER_HD_H264_VFSTF

 

ps : Merci à mon cousin Christophe ainsi qu’à Michel pour leur réactivité et leurs conseils « techniques ». J’ai aussi une pensée particulière pour mon ami Driss. 

Franck Unimon, jeudi 16 janvier 2020

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Echos Statiques

Sans Pardon

                                                         Sans Pardon

Seuls des parents peuvent apprendre le pardon à leurs enfants pour eux-mêmes et pour les autres. Et, ce faisant, ils leur évitent peut-être bien des prisons. C’est ce que ma fille m’a rappelé tout à l’heure alors que je venais de me lever. Debout plus tôt ce matin afin de l’emmener à l’école (cette fois-ci, en dépit  de la grève et du service minimum actif dans bien des écoles publiques, la maitresse de ma fille ne fait pas grève A l’école de ma fille )  je pensais à mes articles :

 

Je me disais que, pour l’époque, mes articles manquent de Rap, de Slam,  de théâtre, d’Opéra, de sport, d’images et de jeux vidéos, de montages sonores et visuels, d’images de synthèse, de musique, de jeux de rôles et aussi de réseaux sociaux numériques mais aussi humains. Et d’écologie. 

Même si le nombre de lectrices et de lecteurs augmente sur mon blog, je me dis qu’alors que j’aime rencontrer des gens, je dois être vraiment particulièrement névrosé, plus qu’incompétent- et très  très méfiant – lorsqu’il s’agit de commettre un  « buzz », ou, plus simplement, de savoir partager avec d’autres certaines arcanes de mes comètes  mentales. Il est vrai que j’ai cette tendance depuis l’enfance : seuls certaines et certains élus ont (eu) mes faveurs pour le pire et le meilleur.

 

Lire quelques articles du site Urban Track’z  (créé par Zez Shalmani) pour lequel j’écris principalement dans la rubrique 7ème art m’avait déjà donné à  appréhender certains de mes manquements sociaux. Mais, en plus, hier soir, avant de me coucher, j’ai lu plusieurs articles sur le média en ligne BB qui a plus à voir avec le Bondy Blog  qu’avec BB King ou Brigitte Bardot.

 

Je connaissais le Bondy Blog de nom depuis des années mais je n’avais jamais pris le temps de lire autant de ses articles. C’est en tombant hier sur la page Facebook de Jamila Ouzahir, attachée de presse,  d’un article du Bondy Blog consacré au premier film réalisé par Abdel Raouf Dafri qui sortira ce 22 janvier ( Qu’un sang impur…) que cela m’a donné envie de lire plus d’articles du Bondy Blog.

 

J’ai beaucoup aimé la patte de l’article de la journaliste Latifa Oulkhouir :

Dafri, tonton flingueur.

Laquelle Latifa Oulkhouir s’est avérée être celle qui dirige maintenant le Bondy Blog.

Car après avoir lu son article et l’interview qu’elle a réalisée, avec Audrey Pronesti, d’Abdel Raouf Dafri, j’ai ensuite pris le temps de cliquer sur Qui sommes nous ? et de regarder les photos des rédactrices et des rédacteurs du BB comme de lire la façon dont ils se présentent.

 

Avec un peu de soulagement, j’ai constaté que très peu d’entre eux étaient sur Instagram en plus de Facebook alors que j’ai quand même un compte Instagram. Même si je le néglige (balistiqueinstagram). J’ai constaté la «panoplie » de profils des unes et des autres, leur niveau d’études et de compétences, ainsi que l’humour de certaines présentations.  

 

Je n’ai pu que noter la brièveté de leurs articles par rapport aux miens. Ce qui donne à coup sûr un caractère pratique à leur lecture.

 

C’est ainsi que j’en suis arrivé à aimer lire :

L’interview du rappeur Dinos – que je ne connaissais pas mais j’ai plusieurs cratères de lacunes dans le Rap- réalisée par Félix Mubenga : Le succès arrivera quand il doit arriver.

 

L’article de Nesrine Slaoui Djebril Zonga, jamais deux vies sans trois sur l’acteur Djebril Zonga (qui joue dans le film Les Misérables de Ladj Ly Les misérables 2ème partie ) mais aussi, toujours de Nesrine Slaoui, l’article A la finale d’Eloquentia, le poids des bons mots.

 

Soumaya, l’histoire vraie (qui dérange) d’une citoyenne française, rédigé par Chahira Bakhtaoui.

 

Lyna Khoudri, destin d’actrice, mémoires d’Algérie, encore par Nesrine Slaoui.

 

Aya à l’Huma : alliage improbable, succès indéniable par Fleury Vuadiambo.

 

La Tornade Megan Thee Stallion est passée à Paris ( et ça valait le détour) par Sylsphée Bertili.

 

Le Festival Ciné-Palestine, un regard tendre et juste sur Gaza  par Arno Pedram.

 

Ta-Nehisi Coates : Trump ou la revanche des suprémacistes blancs par Hélèna Berkaoui.

 

Trois femmes, trois résistantes, trois héroïnes de la guerre d’Algérie par Kab Niang.

 

François Beaune : «  Mon boulot, c’est que la réalité te prenne en pleine figure » ( à propos de son livre Omar et Greg) par Jimmy Saint-Louis.

 

 

Pourtant, je ne crois pas que la longueur variable de mes articles soit aujourd’hui le point faible principal de mon blog, balistiqueduquotidien.com, pour plus et mieux le faire connaître.

 

 

Ce matin, je pensais aussi à mon article sur le livre Bravo Two Zero d’Andy MacNab ( Bravo Two Zero ). Je me disais qu’il allait me falloir écrire qu’il me faisait aussi penser au personnage joué par Sean Penn dans le film Mystic River réalisé par Clint Eastwood en 2003. Et je remarquais que le nom de « Penn » rime facilement avec le nom de la ville Phnom Penn. Puis, ma fille m’a appelé dans le noir. J’ai répondu : «  Oui ? ». Alors qu’elle est venue jusqu’à moi, j’ai fait un pas où deux pour me rapprocher d’elle. Elle est venue se mettre contre moi. Nous nous sommes embrassés. Puis, elle est repartie avec le sourire. Je ne m’y attendais pas.

 

Mais il est des enfants qui grandissent sans pardon. Et se barricader a plus à voir avec le rhum arrangé qu’avec une solution pour éviter le danger.

 

En allant voir ma fille pour la préparer pour l’école, je me suis dit que j’allais envoyer cet article au Bondy Blog dans leur partie Contactez-nous. J’hésitais encore sur la forme à donner à ce courrier :

 

Sous forme de lien numérique en provenance de mon blog  (le plus probable ), sous format Word (au cas où ils craindraient un lien manutentionné par de mauvaises intentions) ou sous une forme verbale de type podcast comme je l’ai fait pour Descartes ? ( Descartes)

 

Franck Unimon, ce jeudi 9 janvier 2020.

 

 

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Echos Statiques

Entre le rêve et le sel

                                            Entre le rêve et le sel

«  Alors, Roybon, on ravage ?! ». Après bien des efforts têtus au sortir de ma sieste, j’ai fini par retrouver et ressortir cette ancre disparue, cette fin de phrase aperçue lors de ma lecture il y a deux ou trois mois du livre Mes rêves avaient un goût de sel  de Jean-Pierre Roybon, ancien nageur de combat de la marine.

 

Chacun ses obsessions.

 

Dans son New York Vertigo, ( Rentrée des classes)Patrick Declerck raconte bien avoir tenu, à New York  en septembre 2012, à prendre le temps de lire «  lentement » le nom des 2983 victimes des attentats terroristes. Soit, comme il le décompte scrupuleusement, «  les 2977 victimes des quatre attaques du 11 septembre aux deux tours, au pentagone, et dans le vol United Airlines 93  qui s’est écrasé en Pennsylvanie, plus les 6 tués lors de la première tentative du 26 février 1993. Cette lecture lui prend «  un peu plus d’une heure et demie ». Il estime que cela n’est pas beaucoup de temps même si son action ne sert sans doute à rien.

 

Cet article-ci, comme d’autres de mes articles, ne sert sans doute à rien non plus. Il est salvateur, aussi, de savoir se regarder avec autant de précision que de dérision. Mais je crois de plus en plus à la vertu d’écrire au sortir du sommeil sans trop se circonscrire. Amadou Hampaté Ba. Amadou Hampaté Ba. Lorsque je l’aurai vu, il faudra aussi que j’écrive sur le film Grigris réalisé en 2013 par Mahamet Saleh-Haroun. Quand j’avais interviewé Mahamet Saleh-Haroun pour le mensuel Brazil à propos de son film Un homme qui crie, je me souviens comme je l’avais beaucoup touché lorsque je lui avais dit à propos du personnage principal, maitre-nageur dans un hôtel de luxe au Tchad, ancien champion de natation :

«  On dirait qu’il liquide sa descendance ». 

Je crois pouvoir affirmer, même si cela ne regarde que moi et qu’il me sera sûrement impossible de le démontrer, que le réalisateur Mahamat Saleh-Haroun, avait alors répété ma phrase comme s’il assimilait une nouvelle donnée de son personnage principal ou cette autre façon de le décrire. 

 

 

J’estime avoir mal parlé du livre de J-Pierre Roybon dans mon article d’il y a quelques mois Mes rêves avaient un goût de sel. J’ai trop parlé de moi et je continue. Mais il y a plusieurs façons de parler d’un livre. Notre inspiration varie selon les jours. Pour le livre Bravo Two Zero d’Andy MacNab, aussi, j’aurais pu m’y prendre autrement ( Bravo Two Zero ). D’ailleurs, je vais refaire quelques corrections dans mon article :

Si le numéro de Télérama de cette semaine a mis l’actrice américaine Scarlett Johansson en couverture avec le titre Star innée, je crois avoir un peu trop forcé en parlant de l’élite des combattants et des forces de police comme des individus qui ont des capacités « innées ». Des capacités physiques et mentales hors-normes, oui. Innées, pas forcément.

Jean-Pierre Roybon, au départ, avant de s’engager dans l’armée un peu avant ses 18 ans, n’était pas particulièrement sportif par exemple. Mais il rêvait des nageurs de combat et de l’armée depuis très jeune. Dans un autre univers, Ellen Mac Arthur, la navigatrice, a beaucoup rêvé de la mer, enfant, avant de commencer à prendre des cours de navigation. Contrairement à un Jean-Pierre Roybon né au bord de la mer, à Toulon, Ellen Mac Arthur, elle, a d’abord vécu dans les terres. Si l’on peut, évidemment, avoir des aptitudes innées hors-normes, il est bien des personnes qui se transcendent le moment venu après des années de maturation, de formation et de rêve. Que ce soit dans les études, dans une carrière, dans une pratique sportive ou dans une activité quelconque. On peut souhaiter que cela soit aussi pour le « bien » d’autrui. Mais c’est souvent, d’abord, pour soi-même. 

 

«  Alors, Roybon, on ravage ? ».

 

C’était ce qu’un des instituteurs disait avec un peu d’ironie au jeune Roybon qui devait se contenter d’une pêche de seconde main au bord de l’eau. Alors que l’instituteur, lui, partait en mer sur son bateau personnel. Dans son livre, Roybon raconte que ces rencontres assez fréquentes et quelques peu « taquines » avec son instituteur, avaient eu peu d’incidence ascensionnelle sur ses notes scolaires. On peut facilement imaginer la scène avec l’instituteur qui s’adresse sur un ton un peu sarcastique et hautain, de manière répétitive, avec l’accent du sud, au minot qu’il toise un peu et qu’il laisse sur place avec l’écume en prenant le large avec son bateau ou en revenant du large, le regard et le visage pleins d’embruns.

 

Pourtant, quelques années plus tard, ce minot allait d’abord découvrir- avec l’autorisation et l’encouragement de ses parents- la plongée sous-marine vers ses 15 et 16 ans en compagnie d’adultes expérimentés. Puis s’engager dans l’armée et, par étapes, à force d’entraînement, devenir un nageur de combat de la marine et faire partie des élites du «  corps » militaire.

 

On peut peut-être affirmer que son instituteur qui, pendant plusieurs années, avait rencontré quantités d’élèves, a pu être surpris plus d’une fois en apprenant plus tard, lorsqu’il l’a appris, ce qu’avaient pu « devenir » certaines et certains de ses élèves passés. Et, à travers le parcours militaire d’un Jean-Pierre Roybon, plus que le soldat qui acquiert la capacité et le droit de détruire et de tuer, je souligne ici la discipline à laquelle on est spontanément capable de s’astreindre tous les jours dès lors que l’on a un rêve, un projet ou une ambition. Même si ça ne sert à rien pour faire encore de l’humour noir. D’écrire. De faire de la musique. Du sport. De faire rire. De chanter. De dessiner. De croire en quelque chose. De croire en quelqu’un. Cela ne sert à rien si l’on tient seulement, tout le temps et tout de suite, à obtenir un retour sur investissement. Du succès. De la reconnaissance. Une explication. Une réponse. Un résultat. A être une star innée. Et chaque fois que l’on nous demande «Comment vas-tu ? », toujours, nous devrions répondre : « ça ne sert à rien ». Chaque fois que l’on nous fait un compliment, nous devrions aussi ajouter : «  ça ne sert à rien ».

 

Je suis maintenant à peu près réveillé et c’est désormais que certains ennuis commencent car il me faut trouver du sens à ce que je viens d’écrire. Alors que ça ne sert à rien.

 

Franck Unimon, ce mercredi 8 janvier 2020.

 

 

 

 

 

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Puissants Fonds/ Livres

Bravo Two Zero

Andy McNab ne devrait pas être un héros. Mais il l’est. Et c’est ce qui me donne mauvaise conscience. C’est la raison pour laquelle je parle de son livre Bravo Two Zero maintenant alors que j’en avais terminé la lecture une bonne semaine avant de commencer à lire New York Vertigo  écrit par Patrick Declerck, ouvrage dont j’ai déjà parlé hier à ma manière.( Rentrée des classes )

 

Les deux livres se recoupent sûrement dans l’Histoire. Mais les deux hommes,  leurs intentions et leurs actions, diffèrent. On pourrait parler de Devoir pour le premier et de choix pour le second. Mais Andy McNab, comme tout héros, a  la franchise pour lui. Patrick Declerck, aussi, est fait de franchise. Alors, on dira que l’on prendra pour modèle le héros de sa préférence si les conditions sont réunies :

 

D’un côté, Andy McNab, Militaire au sein du SAS lors de « la guerre du Golfe » (débutée en Aout 1990) contre Saddam Hussein. Officiellement, selon Georges Bush, le Président américain de l’époque, pour  » défendre la démocratie » ( le prétexte de rechercher et d’éliminer  » des armes de destruction massive » en Irak sera employé en 2002)  alors que bien des occidentaux moyens avaient compris que le but était au moins d’assurer aux pays occidentaux l’approvisionnement en pétrole nécessaire à leur suffisance et à leur croissance.

De l’autre côté, Patrick Declerck, anthropologue et psychanalyste, longtemps connu pour son travail sur les SDF, et qui considère que l’espèce humaine  » est pourrie ». 

 

Dans son livre, je ne me rappelle pas qu’Andy McNab nous dise en préambule qu’il considère l’espèce humaine comme  » pourrie ». Nous apprenons qu’il a été un enfant adopté et aussi que lorsque débute son récit, il a une trentaine d’années et a divorcé trois fois. Jill est sa nouvelle compagne et ils ont une fille.

 

Vu que j’ai « dû » me rabattre sur un livre d’occasion dans sa version originale, en Anglais, parue en 1993, j’aurais été incapable de donner une explication précise du SAS. Même si dès le début de son livre -très bien écrit- où Andy McNab nous raconte les préparatifs avant son départ en mission en Irak, il est évident que lui et « ses » 7 hommes sont beaucoup plus que des simples appelés que l’on envoie au front afin d’y effectuer leurs classes.

En 1990, en France, le service militaire était encore obligatoire. Et, deux ans plus tard, lors de mes classes à Beynes, dans un camp militaire semi-disciplinaire, tout appelé avait la possibilité de s’engager afin d’aller prendre part à la guerre en ex-Yougoslavie. La solde passait à 2000 francs par mois contre un peu plus de 500 francs pour l’appelé ordinaire que j’étais. Personne, parmi les appelés qui effectuaient leur service militaire comme moi, ne s’était porté volontaire. Nous ignorions tous l’affiche qui nous informait de cette possibilité quelque part près des douches collectives et froides en ce mois  de décembre 1992. Cela avait fait ricaner un caporal : 

 

«  Personne ne veut partir en Bosnie ?! ».

 

 

SAS ou Special Air Service signifie Forces spéciales des forces armées britanniques (source Wikipédia). Je m’y connais mal dans les différentes catégories d’armées mais pour avoir lu Bravo Two Zero et vu quelques films, je dirais qu’Andy McNab et « ses » 7 hommes sont bien chacun des équivalents de James Bond ou de Jason Bourne. Et davantage des Jason Bourne pour le côté réaliste comme pour, autant que possible, le fait de s’appliquer au maximum, à se fondre dans le décor et à ne pas laisser trop de traces de son passage. 

Si le personnage de Jason Bourne a des problèmes de mémoire et est poursuivi par son passé et son identité qu’il reconstitue avec le feu des affrontements, la mémoire fait dès le départ partie des armes et des stratégies de combat d’Andy McNab et de ses hommes pour cette mission en Irak qu’ils préparent avec autant de minutie que l’on manipule un explosif. D’autant que le but de leur mission est d’aller détruire des rampes de lancement de missiles SCUD irakiens dirigés vers des cibles stratégiques israéliennes.

 

Je parle des personnages de James Bond et de Jason Bourne pour que la lectrice ou le lecteur qui lira cet article puisse facilement situer le niveau poussé de formation militaire- l’élite- d’Andy McNab et de ses hommes. Mais il est possible que je sois encore  loin de la vérité en matière de réalisme :

 

Dans Bravo Two Zero, à plusieurs reprises, Andy McNab nous explique avec pédagogie que, souvent, au cinéma, on voit telle action de combat se dérouler d’une certaine façon, tout en « finesse » en quelque sorte. Alors que dans les faits, cela se passe très différemment. Et il nous explique très bien les faits. Tant d’un point de vue des préparatifs, de l’adaptation au terrain de la mission, de la fuite, puis lors de la période de captivité et de tortures par l’armée irakienne jusqu’à la fin de cette période de captivité. Après cette mission racontée dans Bravo Two Zero, Andy McNab a réalisé d’autres missions militaires. Depuis, il a raccroché et est devenu, à ce que j’ai pu lire, un auteur reconnu. Et je le crois facilement après avoir lu ce premier ouvrage de lui qui combine connaissance pratique et tactique du terrain, maitrise de la psychologie de combat, très bonne connaissance des armes, mais aussi de la physiologie du corps humain. Humour et qualité d’écriture sont aussi de la partie. Il y a donc plein d’atouts dans son récit.

 

Ma mauvaise conscience concernant le contenu de Bravo Two Zero  vient du fait qu’avec Andy McNab nous sommes, à nouveau, du côté des occidentaux et des vainqueurs dans cette guerre du Golfe. Bien-sûr, Saddam Hussein était un dictateur. Et, oui, il faut bien des hommes comme Andy McNab pour faire la guerre et la « gagner ». Et, oui, devant ce que nous raconte Andy McNab des séances de torture répétées qu’il a subis et du comportement de plusieurs de ses tortionnaires, notre empathie lui est très vite acquise. Et, à la façon d’un Patrick Declerck qui, dans New York Vertigo, se demande, lui qui s’estime si lâche et si mou, ce qu’il aurait fait le 22 décembre 2001 lors du vol Paris-Miami face au terroriste Richard Reid, je me pose évidemment la même question tant face au terroriste Richard Reid ( finalement, une hôtesse qui l’avait repéré prend l’initiative de lui sauter dessus puis d’autres personnes se joignent à elle pour le maitriser) qu’à la place d’Andy McNab et de ses hommes.

 

«  Mais en de semblables circonstances, qu’aurais-je fait moi ? Voilà ce à quoi je pense, assis dans mon fauteuil pour schtroumpfs ? » se demande Patrick Declerck, anthropologue, psychanalyste et écrivain, en 2012 ( page 45, de New York Vertigo).

 

 

Ma mauvaise conscience devant Bravo Two Zero provient du fait, qu’évidemment, j’aurais été incapable de partir volontairement en mission comme Andy McNab. Si j’en avais été capable ou si je l’avais souhaité, je me serais engagé pour partir « faire la guerre » en Bosnie fin 1992.

Malgré mon attachement à l’effort sportif, contrairement à un Patrick Declerck me semble-t’il, je m’entraîne à me résigner ce constat : les groupes et les troupes d’élite, que ce soit dans les armées, dans le civil, dans les forces de police du monde entier ou dans le privé, sont généralement constitués par des individus ( femmes, hommes comme animaux) aux capacités physiques et mentales hors-normes donc durement sélectionnés. Et durement formés. Même des personnes volontaires pour ce genre de vie et d’action échouent en cours de formation ou  parfois y décèdent. J-Pierre Roybon en parle un peu dans son livre Mes rêves avaient un goût de sel. ( Mes rêves avaient un goût de sel ).

 

 

Pour ces quelques raisons, critiquer depuis mon salon l’engagement militaire et personnel d’un Andy McNab, de ses hommes et de toutes celles et ceux qui leur ressemblent de par le monde me donne mauvaise conscience :

 

Je devrais soit me contenter de les remercier. Soit me taire. Ou les deux en même temps si c’est possible. Parce que ces hommes – et ces femmes- militaires, des forces de police, prennent des risques et meurent afin que je puisse tranquillement continuer ma petite vie civile et seulement me préoccuper de l’heure à laquelle mon bus ou mon train va arriver et si je vais pouvoir y trouver une place assise. Tandis que dans d’autres pays, c’est souvent la guerre, et les civils rasent les murs et les frontières, afin d’essayer de trouver une vie meilleure et plus calme, comme en France, dans d’autres pays occidentaux ou ailleurs.  

 

Sauf que des Irakiens civils comme militaires auxquels les occidentaux ont décidé de faire la guerre en 1990 rappellent eux aussi dans le livre d’Andy McNab qu’ils en ont assez que les occidentaux viennent leur voler leurs matières premières telles que le pétrole. Qu’ils en ont assez que les occidentaux tuent leurs femmes et leurs enfants lorsqu’ils refusent cette relation post coloniale qui leur est imposée. Et que Saddam Hussein, leur grand leader ou leur grand guide, va les sauver et redonner de la Grandeur à leur vie et à leur pays. En France, on a un parti politique et une pensée intellectuelle, tendance extrême droite, qui a grosso modo les mêmes propos depuis une bonne dizaine d’années ou davantage. Et les représentants de l’un comme l’autre passent facilement à la télé comme à la radio et sont bien rémunérés. Leurs livres, lorsqu’ils paraissent, se vendent plutôt bien et bénéficient d’une promotion plutôt favorable. Leurs armes de destruction massive sont leur présence permanente qui « veille » sur nos consciences ou rôde autour d’elles:

Par les patrouilles de leurs paroles, de leurs slogans, de leur image, de leur pouvoir intellectuel, politique et économique avec lesquels s’arrangent certains média, les autres classes politiques, d’autres personnes de pouvoir. Et ça passe. On vit et mange avec ça. On grandit avec ça. On élève nos enfants avec ça. Nous nous faisons coloniser mentalement par ces façons de penser. Lentement et sûrement.

Et on continue de pointer exclusivement du doigt les gens d’ailleurs, et celles et ceux qui, à nos yeux,  leur « ressemblent » car tout est de leur faute. Ils seraient apparus sur Terre tout seuls un beau jour :  Saddam Hussein, Khadafi, Ben Laden, leurs semblables,  l’intégrisme islamiste, les terroristes islamistes qu’il faut tous éliminer.

 

 «  Those pieces of shit ! » comme le dit Patrick Declerck dans New York Vertigo à une femme flic à la « poitrine ballon » qui aurait fait rêver le réalisateur Russ Meyer ( réalisateur pour lequel, j’ai aussi une grande sympathie lorsque je pense à ses films tels que Vixen ou Super Vixen par exemple).

Et la femme flic à la poitrine-ballon, le jour de la commémoration du 11 septembre 2001, en septembre 2012,  répond à Patrick Declerck : « Oh Yeah ! ».

Je comprends l’émotion de Patrick Declerck le jour de cette commémoration en 2012 surtout en présence de cette femme flic à la « poitrine ballon ». Un an plus tôt, mais en octobre, je m’étais par hasard retrouvé au même endroit. Et, subitement, toutes ces images que j’avais vues en boucle à la télé le 11 septembre 2001- j’étais au travail dans le service de pédopsychiatrie où je travaillais alors dans les Yvelines- m’ont « parlé ».

J’ai « entendu » les cris de certaines de ces personnes qui s’étaient jetées dans le vide et dont Patrick Declerck sait très bien parler dans son New York Vertigo. C’étaient évidemment des cris fantômes.

Durant mon enfance et mon adolescence, moi, le jeune antillais occidentalisé et influencé par la culture américaine dès sa naissance, j’avais idéalisé la ville de New-York puis m’en étais éloigné. Et lorsque je la découvrais véritablement en 2011, à 43 ans, avec celle qui, originaire de l’île de la Réunion, allait devenir ma femme, c’était plusieurs années après le 11 septembre 2001. Après l’ouragan Katrina à la Nouvelle Orléans. Après avoir connu, en 1990 en pleine guerre du Golfe, mon premier contrôle d’identité au faciès à la Défense, quartier où j’avais collecté des bons souvenirs depuis mon enfance jusqu’à  mon adolescence.  Si la couleur des souvenirs n’était pas contrôlée pendant la Guerre du Golfe, celle de ma peau l’a été. Peut-être aussi parce-que j’avais eu le tort vraisemblable d’être vêtu d’un survêtement.

 La femme d’environ une trentaine d’années,  blanche, vêtue d’un tailleur, chaussée de talons aiguilles, qui sortait comme moi du RER A à la Défense, et me précédait d’à peine deux mètres avait pu prendre l’escalator. Elle avait pu s’élever vers la surface sans supporter le moindre contrôle d’identité et peut-être, aussi, sans même soupçonner mon existence derrière elle. 

 

 

Peut-être que sans la Guerre du Golfe que raconte très bien Andy McNab dans son Bravo Two Zero et d’autres guerres importées par l’occident au Moyen-Orient et dans d’autres régions du monde au vingtième siècle mais aussi lors des siècles précédents, Patrick Declerck n’aurait pas écrit son New York Vertigo.  Mais il y aurait eu d’autres guerres. Pour Andy McNab et ses hommes, et tous les autres qui leur ressemblent, cela n’aurait rien changé. Ils y seraient allés. Parce qu’ils ont besoin de ces guerres :

Stan, originaire d’Afrique du Sud, un des « hommes » d’Andy McNab, était au départ étudiant en médecine. Il a mis un terme à sa carrière médicale pour s’enrôler dans le SAS.  

 

Dans Bravo Two Zero, Andy McNab peut bien rappeler que le Saddam Hussein idéalisé par plusieurs de ses tortionnaires est celui qui a fait gazer des enfants iraniens, à mon avis, il aurait de toute façon été volontaire pour sa mission en Irak même sans ça. Parce qu’il est des êtres humains « faits » pour la guerre militaire. Pour tuer. Même si McNab justifie son engagement militaire en écrivant à deux ou trois reprises qu’il est « payé pour ça ». Personne ne le paie, à la fin de Bravo Two Zero, pour nous apprendre que lui et ses 7 hommes ont abattu «  250 personnes » au cours de cette mission.

On est évidemment de son côté et du côté de ses hommes- et des autres soldats occidentaux- lorsqu’ils se font torturer (sur le sujet des tortures, Bravo Two Zero, se déroule sur une bonne centaine de pages) et humilier par des militaires irakiens. On peut aussi s’étonner du grand nombre de soldats irakiens présents lors de ces séances de torture et les voir comme des espèces de planqués très contents de leur avantage militaire sur leurs prisonniers désarmés, diminués, en infériorité numérique et blessés. Mais à part lorsqu’un soldat irakien  s’en prend  à Andy McNab, après la perte de son fils, celui-ci n’exprime aucune empathie pour les hommes, les femmes et les enfants irakiens qui ont subi cette guerre du Golfe. Donc, pour moi, autant que héros, Andy McNab, est aussi un psychopathe comme cela peut être compris grossièrement : seuls comptent son camp, sa vision, sa tribu. Sa mission. Les siens. Ses priorités. Par certains aspects, il me fait penser au personnage incarné par Sean Penn dans le film Mystic River réalisé en 2003 par Clint Eastwood ( un très bon film à propos duquel j’écrirai peut-être un jour).

Evidemment, c’est parce-qu’il est celui qu’il est qu’Andy McNab a été un très bon soldat et un héros et, encore mieux, un survivant. Evidemment, en cas de conflit, d’agression, ou dans un environnement hostile et inconnu,  il vaut mieux être avec un Andy McNab qu’avec un bisounours ou un binoclard intellectuel prétentieux comme moi qui sera tétanisé, invalide, et demandera très vite où se trouvent le coin toilettes et aussi quand le film se termine.

 

Mais il est donné à une minorité de personnes de compter parmi ses proches un Andy McNab ou de pouvoir, le moment venu, lui ressembler. C’est autant une mauvaise nouvelle qu’une bonne nouvelle. Le Ying et le Yang. Ni tout noir ni tout blanc. Avant d’y être, personne ne peut véritablement savoir de quoi il est véritablement fait et de quoi il est capable. Et combien de temps. Femme, homme. Adolescent(e) ou enfant.

 

Surtout, qu’un des autres points forts de Bravo Two Zero, malgré mes réserves, est qu’Andy McNab ne roule pas des mécaniques. Lorsqu’il a peur, il l’écrit sans réserve. Et cela arrive plus d’une fois lors de la période des tortures. «  Fear was everything ». Lorsqu’il doute, il l’écrit aussi de bout en bout. Pour cela aussi, son ton trancherait avec le récit de Chris Ryan, un de « ses » hommes lors de cette mission. Je n’ai pas encore lu le récit de Chris Ryan. Je lirai d’autres livres d’Andy McNab. Avoir lu Bravo Two Zero en Anglais, malgré mes limites linguistiques par moments, a sûrement été un plus.

 

Franck Unimon, ce mardi 7 janvier 2020. 

 

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Rentrée des classes

 

                                                    Rentrée des classes

La rentrée des classes s’est bien passée ce matin. Il y avait du givre sur le pare-brise de certaines voitures. Il faisait plus froid que ce à quoi je m’attendais.

 

Nous sommes arrivés avec environ cinq minutes d’avance. D’autres parents, une majorité de mamans, étaient déjà présents.

 

Hébété devant l’école, et sûrement aussi par mes pensées alors que je regardais ma fille s’éloigner dans la cour, je n’ai pas tout de suite entendu lorsque la maman d’une des copines de ma fille m’a salué et souhaité «  Bonne année ! ». La petite était également là, souriante. J’ai remercié la maman et lui ai aussi adressé les mêmes vœux. J’avais oublié ce rituel social auquel je suis pourtant attaché.

 

C’est également par surprise que la maitresse de ma fille m’a en quelque sorte adressé ses meilleurs vœux. Je voulais juste lui dire bonjour et, comme elle avait eu quelques mots pour ma fille venue à sa rencontre, m’assurer que tout allait bien. Et puis, devant moi, avec son sourire et son attention amplifiées, à en être illuminée, j’ai compris que mes quelques mots de politesse étaient pour elle une extraordinaire source d’encouragement et de sympathie. C’était le premier jour de la rentrée des classes, ce lundi 6 janvier 2020, après les vacances de Noël, et, déjà, par son attitude, la maitresse de ma fille signalait qu’elle était présente au poste et prête à repartir à l’assaut de l’enseignement avec le sourire. Quelles que soient les difficultés ! Quel que soit le mal infligé et refait à l’école publique !

 

Je me suis tu. Je me suis contenté d’acquiescer en souriant. Et de partir. En rentrant, j’ai retrouvé la longue file de voitures qui attendait au feu rouge en bas de chez nous. Et j’ai vu filer sur la gauche vers le feu, en short, casque et sac à dos, sur son vélo, un homme noir qui partait sans doute au travail.

 

 

J’avais prévu d’écrire la troisième partie ( Crédibilité 2 )  de Crédibilité : A L’assaut des Pyrénées   tout en me demandant si cela aurait un intérêt particulier pour d’autres. Il a suffi de cette rentrée de classe de tout à l’heure pour que j’opte de parler d’abord du livre New York Vertigo  de Patrick Declerck que j’ai pris le temps de terminer hier soir avant de me coucher.

Ce qui venait de se passer en ramenant ma fille à l’école m’avait peut-être donné ma réponse devant son pessimisme envers l’Humanité ( «  L’espèce est pourrie ») qu’il justifiait- à nouveau- simplement et magistralement dans les 120 petites pages de son dernier ouvrage à ce jour.

 

 

 

Avant de lire New York Vertigo  paru en 2018 que j’avais acheté sans doute à sa sortie, j’avais lu quelques commentaires sur le net sur plusieurs de ses livres. Le dithyrambe côtoyait le sarcasme et la menace fantôme.

 

 

Patrick Declerck fait partie des personnalités que j’ai très vite pensé interviewer pour mon blog balistiqueduquotidien.com. Mais je me suis aussi rapidement dit qu’avant d’essayer de le faire, qu’il faudrait d’abord que mon blog ait du fond. Et, du fond, pour moi, cela peut-être autant bien étudier l’œuvre et la vie de la personne que l’on souhaite interviewer que, soi-même, poser sur la table une partie de son bagage personnel qui va donner envie à la personne interviewé(e) de nous rencontrer et de se livrer. Beaucoup trop d’interviews voire de rencontres se résument à un échange de balles de ping-pong, où, d’un côté, une personne répond à des  demandes et à des sollicitations formulées par des centaines ou des milliers d’anonymes, qui, dans les grandes lignes, malgré toute leur sincérité et leurs efforts d’originalité, restent des stéréotypes. Cet échange, plutôt qu’une rencontre, se limite donc souvent à une fonction promotionnelle. Si toute campagne de promotion compte pour la réussite de nos projets (pour être embauché quelque part ou pour aborder et séduire une personne qui nous plait, il faut bien d’abord commencer par réussir sa promotion personnelle) les véritables rencontres, pour s’établir, et durer, ont besoin de plus que des compliments, des promesses et des sourires.  Mais, bien-sûr, tout est affaire de moment, de tempérament et de priorité : certaines personnes préfèrent privilégier, en toutes circonstances, leur promotion et leur satisfaction personnelle. D’autres, peut-être par ignorance ou par faiblesse, vont chercher à bâtir des rencontres. Y compris, parfois, dans les pires conditions.

 

 

Patrick Declerck avait pu faire « parler » de lui en 2001 avec son livre Les Naufragés de la terre- avec les clochards de Paris. Psychanalyste et anthropologue, il consacrait alors une grosse partie de son temps à la question des SDF. Il a écrit d’autres livres :

Garanti sans moraline, Socrate dans la nuit, ou Crâne sur son intervention chirurgicale, alors qu’il était éveillé, pour exfiltrer une tumeur.

 

New York Vertigo est le seul livre que j’ai lu de lui. Les Naufragés de la terre et Garanti sans moraline sont pourtant dans ma bibliothèque depuis des années. Plus de dix ans en ce qui concerne son livre Les Naufragés de la terre. Depuis, sur le sujet des SDF, un médecin-psychiatre spécialisé dans le traitement des addictions m’a conseillé l’ouvrage De la précarité sociale à l’auto-exclusion : une conférence debat écrit par Jean Furtos. Je l’ai aussi acheté mais je ne l’ai pas encore lu.

 

 

«  C’est trop tard ! » avait dit Patrick Declerck. 

 

 

Ce jour-là, Patrick Declerck, grand et massif, avait mis dans le magnétoscope une cassette VHS. Sur le téléviseur, avec lui, nous avions découvert un entretien. Un SDF était interviewé par quelqu’un. Sitôt l’interview lancée, Patrick Declerck s’était installé par terre, devant le téléviseur, nous tournant pratiquement le dos. Déjà crâne rasé, Il portait un long manteau en laine épaisse de couleur sombre. Sortant un calepin, il avait commencé à prendre des notes. C’était la première fois que je voyais ça. C’était sûrement la première fois que nous voyions, tous, quel que soit notre âge un des intervenants venant nous faire cours avoir ce genre de comportement. Ordinairement, tous les autres intervenants nous faisaient cours en nous faisant face. La plupart du temps, assis sur une chaise ou debout.

 

C’était il y a trente ans. Peut-être un peu plus. Et nous étions une vingtaine d’élèves-infirmiers (âgés de 18-19 ans à 30 ans) avec lui dans la salle de cours de l’hôpital de Nanterre qui s’appelait encore la Maison de Nanterre et qui était une ancienne prison pour femmes à ce que m’avait dit ma mère. La Maison de Nanterre, où ma mère et deux de mes tantes ont travaillé comme femmes de ménage (ASH) puis comme aides-soignantes, a longtemps été sous la tutelle de la Préfecture de Paris. Je l’ai connue dès mon enfance avec ses SDF stationnés à l’arrêt du bus 304 mais aussi avec ses SDF devenus « résidents » permanents à l’hôpital. Avec son pain qui était fait sur place et auquel nous avions droit pendant des années alors que ma mère y travaillait.

 

 

«  C’est trop tard ! ».

 

 

 

C’était trop tard selon Patrick Declerck parce-que l’intervieweur avait trop attendu pour poser au SDF la bonne question.

 

Il me reste peu de souvenirs du contenu du cours de Patrick Declerck. Je crois l’avoir recroisé ensuite, ou avant,  lors de mon stage de quelques semaines au CASH dirigé alors par le Dr Patrick Henry et qui proposait des soins, une consultation sociale et un hébergement aux SDF qui le souhaitaient. Je me rappelle que la majorité des SDF rencontrés, transportés depuis Paris dans des bus de la RATP, préféraient retourner à la rue. Et aussi que l’un d’entre eux qui portait des lunettes, d’origine vietnamienne pour moitié, avait à son poignet une montre à aiguilles de grande valeur. Cet homme « présentait » plutôt bien. Il n’avait rien du pochtron ambulant. Il n’était pas- encore- marqué physiquement par l’alcool ou par la vie dans la rue. J’avais alors entre 19 et 21 ans et avant ces études d’infirmier, je venais du lycée, Bac B, option Economie.  

 

 

Maintenant, et, depuis des années, pour Patrick Declerck, «  l’espèce (humaine) est pourrie ». Il ne parle pas des SDF. Je sais qu’il a écrit «  Je les hais autant que je les aime ». Je sais aussi qu’il dit préférer leur proximité et celle de bien des marginaux à celle de tant de personnes bien propres sur elles. Son humour noir à la Cioran ou à la Pierre Desproges est une carie morale pour d’autres. Trop de pessimisme et de cynisme dépriment et découragent. La princesse Leïa le rappelle dans le dernier Star Wars épisode IX : l’Ascension de Skylwalker de J.J Abrams, film où mon passage préféré est celui sur l’étoile morte.

Bien des survivalistes affirmeront sûrement aussi que pour s’en sortir, garder le moral fait partie des conditions nécessaires. Par l’humour, par l’art, par toute activité et récréation morale, intellectuelle, spirituelle ou physique qui permet de maintenir tout élan vital et toute forme d’espoir.

Mais avec son aplomb, son expérience de professionnel de terrain underground et sa culture de phacochère, les arguments de Patrick Declerck nous encornent plusieurs fois. Et, à ce jour, je ne connais pas de matador, qui, dans l’arène ou dans la jungle, se soit présenté face à un rhinocéros.

 

 

La Religion ? «  Une illusion pleine d’avenir » selon Freud, son maitre à penser. Et dans son New York Vertigo, Patrick Declerck, à travers le 11 septembre 2001, nous reparle, précisément et techniquement, voire de façon balistique, des attentats islamistes.

De mon côté, même s’il est parfaitement autonome, je peux l’aider question religion en tant qu «  illusion pleine d’avenir ».

Ce week-end, alors que j’écrivais Crédibilité 2,  ma compagne m’a appris « l’histoire » de « Madame Desbassayns » ou Marie Anne Thérèse Ombline Desbassayns née Gonneau-Montbrun de l’île de la Réunion.

 

Riche héritière, cette demoiselle Gonneau-Montbrun, en devenant la femme de « Monsieur Desbassayns », est ensuite devenue, une fois veuve, «  une grande propriétaire foncière de l’île de la Réunion ». Grâce aussi à ses esclaves.

 

Selon le site wikipédia, on peut lire que son image est controversée à la Réunion.

Elle aurait été une féroce esclavagiste. Pourtant «  Dès le XIXème siècle, ses invités et ses proches politiques la couvrent d’éloges. Le gouverneur Milius la surnomme même «  la seconde providence ». Et, toujours sur le site wikipédia, on peut lire que «  Madame Desbassayns » était «  d’une ferveur religieuse intense ».  Mais aussi qu’elle a connu le privilège supplémentaire de décéder (à 91 ans !) deux ans avant l’abolition de l’esclavage à la Réunion ainsi qu’aux Antilles. En lisant ça, comme Patrick Declerck, je me suis aussi dit que «  la religion est une illusion pleine d’avenir » et que «  l’espèce (humaine) est pourrie ».

 

Je crois que la religion ou internet sont, j’allais dire, de très bonnes inventions. Et que la science, aussi, permet de très bonnes inventions. Mais qu’ensuite, malheureusement, ça tourne mal car ce qui fait la différence, c’est ce que l’on en fait. Ce qui fait la différence, c’est nos intentions lorsque l’on dispose de tels instruments de pouvoir et de contrôle.

 

 

«  Pouvoir et contrôle » sont les deux carburants, les deux aimants, du tueur en série m’avait en quelque sorte résumé un jour Stéphane Bourgoin, spécialiste des tueurs en série. Mais, contrairement à des chefs religieux, à des industriels ou à des hommes politiques, les tueurs en série sont généralement privés de projets pour le monde et la société. Pour ce que j’ai compris des tueurs en série, leur priorité est leur « petite » entreprise de destruction qui a déjà suffisamment de répercussions douloureuses sur leurs victimes et leurs proches.

 

Les chefs religieux, les industriels et les hommes politiques, eux, prévoient leurs projets sur une grande échelle : une échelle de masse. Et ça marche. Ça a marché et ça marchera encore, nous affirme Patrick Declerck dans son New York Vertigo. Et on est obligé de le croire. Car on « sait » qu’il a des arguments. Et les quelques uns dont il nous fait l’obole dans son livre sont intraitables et incurables.

 

Patrick Declerck, homme de connaissances autant que d’expériences de l’être humain, me fait penser à des personnalités comme les avocats Jacques Verges (qui était réunionnais) et Eric Dupont-Moretti. Des personnes qui, à un moment de leur vie, me donnent l’impression d’avoir vécu l’expérience «  de trop » qui les a déroutés de manière définitive de certaines illusions concernant l’espèce humaine. Peut-être que mes comparaisons sont mauvaises et que cela me sera reproché par les deux vivants qui restent (Declerck et Dupont-Moretti) par leurs détracteurs, par leurs proches ou  leurs admirateurs.

 

« L’espèce humaine est pourrie ». Et, pourtant, j’aimerais savoir, si un jour je rencontre Patrick Declerck et Eric Dupont-Moretti, ce qui les maintient encore en vie. Et dans le plaisir. J’imagine facilement Patrick Declerck me répondre laconiquement qu’il lui manque tout simplement le courage de se suicider. Ou qu’il cultive une sorte de léthargie et de jouissance morbide, sorte de protubérance parallèle à sa conscience, à être témoin de cette « débauche générale ».

 

Et puis, j’ai emmené ma fille à l’école tout à l’heure. Puis, je suis revenu de l’école.

 

 

 

Dans New-York Vertigo, Patrick Declerck se moque aussi, étude clinique à l’appui, du président américain actuel, Donald Trump et «  l’exhorte » à appuyer sur le bouton rouge car il y aura bientôt dix milliards d’êtres humains en 2050. Soit dix milliards de représentants de cette espèce, notre espèce, qui détruit la planète, tue, viole, massacre.

 

L’humour du désespoir.

 

Si Patrick Declerck avait écrit son livre ce mois-ci, il aurait sûrement parlé de la fuite récente, méprisable et cocasse du Japon de Carlos Ghosn, PDG de Renault-Nissan, alors qu’il était libéré sous caution en attente de son jugement là-bas. Pendant ce temps-là, en France, le gouvernement Macron-Philippe manœuvre pour détruire la résistance sociale. Oui, «  l’espèce est pourrie ».

 

 

Il y aura donc dix milliards d’êtres humains sur Terre en 2050. Et la Chine sera peut-être alors la Première Puissance mondiale incontestée. Pour l’instant, les Etats-Unis sont encore cette Première Puissance mondiale. S’il y a encore une Terre dans trente ans. S’il y a encore des êtres humains vivants sur Terre dans trente ans. Si je suis aussi obsédé par la Chine depuis quelques temps, c’est parce-que j’ai perdu ce regard fasciné et sentimental que je pouvais avoir avant sur la Chine et sa culture. Si la culture de la Chine existe bien-sûr et est aussi admirable que bien d’autres cultures, je perçois aujourd’hui davantage ce que la Chine recèle comme capitalisme et régime politique et social effrayants.

 

Pourtant, je crois ça : face à ces horreurs dont est capable l’être humain, les enfants sont les champions du moment présent. Nous, les adultes, à force d’extrapoler, de penser au passé et à ce qui pourrait arriver de pire, nous en arrivons à détruire notre propre présent. Parce- que nous nous faisons déformer et tabasser en permanence dès notre enfance. Et même avant. Parce-que c’est un combat titanesque que de sauvegarder, quotidiennement, une once d’enfance saine en soi et de lui éviter la spéculation financière et commerciale comme la benne à ordures. Et qu’une fois adultes, il arrive que nous perdions ce combat titanesque. Aucun adulte ne peut s’exclamer, comme quelques rares boxeurs, qu’il compte uniquement des victoires dans son parcours personnel.

 

Et je crois aussi que si nous continuons à vivre, à faire des enfants, à nous multiplier sur la Terre, malgré tous les signaux alarmants qui proviennent de nos propres comportements, c’est parce qu’il existe une raison- qui nous dépasse- qui fait de nous des êtres doués pour la vie quelles que soient les conditions.

 

Ce qui est très difficile à accepter pour l’être humain d’aujourd’hui, c’est le tri sélectif.

 

Malgré ou à cause de toute sa science, de toute son érudition, de toutes ses solutions, l’être humain voudrait pouvoir décider de tout et avoir le choix absolu. Or, il doit continuer d’apprendre que ses possibilités de choix et de libertés restent fugaces, volatiles, imprécises et limitées.  Qu’il suffit parfois d’une rue, d’une décimale, d’une seconde, d’une virgule, d’un regard, d’un mot, pour qu’un tri s’impose à lui  violemment.

A ses choix,  à sa vie ou à celles et ceux de ses voisins et de ses proches. Et, cela,  selon des critères pour lesquels, rien ni personne ne lui demandera son avis.  Notre vie moderne nous fait oublier constamment cet enseignement : nous sommes des corps soumis à un tri plutôt que des fantômes et cela a un prix.

 

Ce prix peut être insupportable. Car nous croyons en cette illusion que, forts de nos savoirs, de nos connaissances et de notre puissance, que nous pouvons décider de ce prix ou le négocier. Parce-que, d’une certaine façon, nous nous croyons éternels ou irremplaçables sur Terre. Et, ça, c’est aussi une sacrée illusion humaine pleine d’avenir. Contre ça, crier et pleurer peut peut-être soulager pendant quelques temps. Puis, il faudra vivre, si on le peut, parce-que c’est tout ce qui nous restera.

 

 

Franck Unimon, ce lundi 6 janvier 2020.

 

 

 

 

 

 

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Crédibilité

Crédibilité 2

 

Certaines personnes sont payées pour tuer et en sont fières. Le personnel infirmier est généralement payé pour s’exécuter.

 

J’écris et je pense parce que je ne peux pas m’en passer. Mais mes moyens sont limités. L’envie, la bonne volonté, le travail, l’humour- noir- et le sens du devoir peuvent être insuffisants pour convaincre.

En certaines circonstances, ces dispositions pourraient même empêcher de convaincre.

 

 

Les deux premières banques mondiales sont chinoises. La troisième est HSBC, une banque britannique, avant que le Brexit devienne bientôt effectif. Je l’ai appris par notre future conseillère bancaire qui a travaillé une dizaine d’années à HSBC. J’aurais probablement pu l’apprendre par moi-même en lisant un journal comme Les Echos par exemple ou un site qui parle d’économie. Mais ce genre d’informations me passe souvent au dessus de la tête. Je fais partie de toutes ces personnes qui ignorent à quel point les changements et les évolutions dans le monde de l’économie et de la finance ont une conséquence directe à court et moyen terme sur ma propre vie. Au lycée, j’avais pourtant suivi des cours d’économie. Et, dans ma propre vie, je connais et  ai pourtant plusieurs fois rencontré et croisé des gens qui l’avaient très bien et très tôt compris. Au point de décider d’en faire un métier et/ou une priorité. Mais je suis aussi le passager de mes alarmes personnelles. Et une fois que ces alarmes m’ont estimé à l’abri en termes de sécurité de l’emploi, de satisfaction au travail, et de salaire pour subvenir à mes « besoins », une fois adulte célibataire parti de chez de ses parents, ces alarmes se sont tues. Pendant des années. Et je suis dans l’impossibilité d’affirmer si cet article est une alarme que je m’adresse à moi-même.

 

 

Pendant ce premier rendez-vous avec notre future conseillère bancaire, une femme d’une cinquantaine d’années, celle-ci avait voulu savoir ce que nous attendions d’une banque. Et si ma compagne et moi étions le genre de clients qui exigent un contact et une réponse rapides par mail ou par sms et capables de quitter une banque au bout d’un ou deux ans sitôt qu’ils ont trouvé de meilleures conditions bancaires ailleurs. C’était la première fois pour ma part qu’une conseillère bancaire m’entreprenait de cette manière.

« Notre » autre conseillère bancaire dans cette agence que nous allons quitter est une femme d’à peine une trentaine d’années, arrivée à l’agence il y a bientôt deux ans, avec laquelle notre relation est lapidaire. J’ai toujours eu l’impression d’être un dossier, une fonction, un protocole ou un chiffre bas lors de nos quelques « contacts » que ce soit en direct ou par mail. Et, même de cette façon, ses compétences en termes de « conseil » me semblent assez insolites. Elles pourraient peut-être inspirer une étude comportementale ou ethnographique.

 

Ma compagne et moi avons un compte commun depuis sept ans dans cette banque que nous allons quitter. Cette banque nous avait fait la meilleure offre pour un prêt immobilier destiné à durer vingt ans à l’origine. Le prêt immobilier classique du couple qui se forme, s’officialise, décide de faire vie commune et d’avoir un enfant. J’écris que c’est le « prêt immobilier classique » en essayant de me mettre à la place du conseiller bancaire voire de l’agent immobilier lambda qui prendrait connaissance notre projet.

 

Depuis la création de notre compte commun dans cette banque il y a bientôt sept ans, nous avons eu trois conseillers bancaires. L’actuelle conseillère est la troisième. A part peut-être la première conseillère bancaire qui nous avait « obtenu » notre prêt bancaire, le second conseiller, avec lequel les relations étaient correctes et qui faisait montre d’une compétence franche et tranquille, avait quitté l’agence sans nous en informer.

 

Je suis dans cette banque que nous allons quitter depuis 1987. Nous allons la quitter parce qu’en passant par une femme courtier recommandée par un couple d’amis, « notre » nouvelle banque va nous permettre de gagner un an sur notre prêt immobilier. Bien-sûr, au préalable, j’avais à nouveau sollicité notre banque actuelle. De par le passé, j’avais pu obtenir une renégociation de notre prêt immobilier. Pas cette fois.

 

L’homme le plus riche du monde s’appelle encore Jeff Bezos et il est Américain. C’est le PDG du site de vente en ligne, Amazon. Pendant quelques heures ou quelques jours, un Français (Pinault ou Arnault, je les confonds et je n’ai même pas envie de vérifier la bonne orthographe de leur nom de famille) a été l’homme le plus riche du monde. C’était son ambition suprême dans sa vie, alors: devenir l’homme le plus riche du monde.  C’est peut-être encore sa plus grande ambition. Devenir le plus grand Picsou de la terre.

 

Pinault ou Arnault (que je « sais » être deux ennemis jurés) a aujourd’hui  été « rétrogradé » à la troisième place de l’homme le plus riche du monde derrière Jeff Bezos et Bill Gates. Bill Gates, également américain, est devenu également riche grâce à la forte croissance ces vingt ou trente dernières années de l’industrie et de l’économie numérique.

 

La richesse de ces trois hommes se compte en milliards d’euros ou de dollars. Celles et ceux qui les « suivent » dans ce classement des plus riches du monde, aussi. Leur niveau de « richesse » et de puissance dépasse mon entendement. En terme de salaire, lorsque je commence à penser à une somme de 4000 à 4500 euros par mois, environ, je perds un peu « pied » :

Je ne sais pas ce que cela ferait de « toucher » autant d’argent. Je « sais » et m’imagine qu’en gagnant autant d’argent -et plus- que l’on peut « accéder » à certaines expériences particulières et que l’on peut aussi « acquérir » d’autres objets plus chers et aussi habiter dans de meilleurs quartiers. Bénéficier, quand ça se passe bien, de meilleurs conseils – pour soi comme pour les siens- dans différents domaines.

Je « sais » qu’il y a un certain nombre de personnes riches qui gagnent bien plus que 4000 euros par mois que ce soit par des moyens légaux ou illégaux. Mais, pour moi, actuellement, en France, ce samedi 4 janvier 2020, si l’on venait m’apprendre- ça n’arrivera pas- qu’à partir de maintenant, je toucherais 4000 euros au minimum tous les mois, j’aurais besoin d’un peu de temps pour bien saisir. Aujourd’hui, ce samedi 4 janvier 2020, si je cherche, en faisant un certain effort, je crois que je peux compter sur les doigts de mes mains, le nombre de personnes, parmi mes proches, que j’estime ou imagine toucher 4000 euros au minimum tous les mois. C’est ce que j’imagine. Ces personnes ne me le diront pas. Je ne le leur demanderai pas. Et ça me va très bien comme ça.

 

 

«  Vous savez combien gagne une infirmière ? » demande  une infirmière hilare et saoule, agenouillée près de lui, au flic ripoux qui vient de se réveiller dans le dernier film du Japonais Takashi Miike : First Love. Le Dernier Yakuza.

J’ai vu le film hier. Après Cats réalisé par Tom Hooper. Après avoir vu la veille, Star Wars, épisode IX : l’Ascension Skylwalker, réalisé par J.J Abrams.

 

J’aurais pu répondre – gratuitement- à l’infirmière du dernier film- très féministe- de Takashi Miike mais elle ne m’aurait pas entendu. Et les spectateurs dans la salle (j’ai été surpris qu’il y ait autant de femmes) auraient été surpris.

Il y a quelques jours, une de mes collègues m’a appris qu’une de nos collègues plus jeune, diplômée depuis dix ans, touche 1600 ou 1700 euros par mois. Une autre, diplômée depuis cinq ou six ans : 1500 euros.

Comme j’en parlais déjà un peu dans la première partie de cet article ( Crédibilité ) pour lequel je n’avais pas prévu de suite, il est des heures de travail qui tardent à être payées par notre hôpital employeur :

 

Des heure de travail effectuées durant les week-end ou en heures supplémentaires.

 

Notre collègue qui fait fonction de cadre-infirmier a appris à une de mes collègues qu’il en était pour l’instant à devoir solliciter à nouveau l’administration de notre hôpital pour qu’elle paie des heures de travail supplémentaires effectuées en aout de l’année dernière. Cela fait donc deux ou trois mois, facilement, dans notre service que nous sommes plusieurs à voir notre salaire amputé chaque mois de cent à trois cents euros en moyenne.

 

A cela s’ajoute la grève des transports en commun ( Jours de grève ) en région parisienne depuis ce 5 décembre pour protester contre la réforme de la retraite telle que tient à la faire le gouvernement Macron-Philippe : une « retraite universelle », « pareille » pour « tous » quel que soit le type de travail que l’on aura effectué si j’ai bien compris. Désormais, on parle bien plus de la grève des transports dans les média et entre nous que du mouvement des gilets jaunes qui a débuté il y a plus d’un an.

 

Le gouvernement actuel Macron-Philippe (Emmanuel Macron, pour le Président de la République/ Edouard Philippe, pour le Premier Ministre), comme d’autres gouvernements avant eux, entend à la fois repousser l’âge du départ à la retraite mais aussi, avec sa « retraite universelle », éliminer les avantages dont disposent certaines professions concernant l’âge de départ à la retraite. Ainsi que la façon dont est calculée le montant des pensions de retraite. Ce serait selon eux ( Macron et Philippe) une retraite plus « juste ».

 

Si on est infirmier en catégorie B, en catégorie  » active » , on pouvait auparavant partir à la retraite, si on le souhaitait, à partir de 57 ou 59 ans, à condition d’avoir accompli un certain nombre de trimestres travaillés (180 ?). Cet âge de départ à la retraite a été repoussé ou va l’être à 62 ans. Puis, à 63 ou 64 ans. Si l’on est infirmier en catégorie A, en catégorie « sédentaire », ce qui est le cas pour tout (es) les jeunes infirmier(es) diplômé(es) ou pour celles et ceux qui avaient choisi d’être dans cette catégorie, le départ à la retraite est plutôt prévu pour…67 ans.

Chaque métier a ses contraintes et ses pénibilités spécifiques. Je n’aimerais pas être caissier, manutentionnaire, ouvrier sur un chantier ou policier comme « agent de la paix » dans la rue depuis vingt ans.

 

Le métier d’infirmier consiste à manger de la souffrance et de la violence en permanence lors de nos heures de travail.  Qu’est-ce que tu manges ? De l’avocat ? Non, des angoisses de mort dont la date de péremption est illisible.

Et toi ? Moi ?  Juste une petite guimauve paranoïaque incestueuse récidiviste. 

 

Dans les offres de poste d’infirmier en psychiatrie , il est fréquent de lire les mises en garde suivantes:

 » Risque d’agression physique et verbale lors d’un contact avec certains patients en situation de crise et d’agitation et/ou des familles en état d’agressivité.

Risque de contamination par contact avec des virus lors de la manipulation du matériel souillé (piqûre, coupure, projection, griffures, morsures….)

Risque de contamination parasitaire du fait des soins quotidiens auprès des patients ( poux, gale…)

Développement de troubles musculo-squelettiques ( TMS) par non-respect ou méconnaissance des manutentions, gestes ou postures…. » 

 

 

 

En retranscrivant partiellement et en relisant cette offre d’emploi récente ( novembre 2019) sur laquelle je suis tombé hier, j’ai l’impression de lire l’affiche d’un film d’horreur à l’entrée d’une centrale nucléaire, d’un lieu d’expérimentations médicales ou de tout autre lieu dangereux. On pourrait presque exiger de notre part de signer une décharge lorsque l’on accepte d’aller travailler dans ce genre de service.  On a l’impression que les infirmières et les infirmiers qui s’aventurent dans ces endroits sont des intrépides aguerris. Or, la raison principale, à  l’hôpital et en clinique, du métier d’infirmier consiste à assurer une présence et une compétence tous les jours et toutes les nuits au cours de l’année, jours fériés inclus.

Pour cela, je considère que ce métier devrait, comme pour une carrière militaire auparavant, faire partie de ces professions où après 15 ou 20 ans de service, la professionnelle ou le professionnel  qui le souhaite peut prendre sa retraite et être aidé(e) à une reconversion professionnelle.

Depuis trente ans, je lis et entends dire que la « durée de vie d’un infirmier » serait de 6 ou de 7 ans. Je ne sais toujours pas d’où vient ce chiffre, à quoi il correspond et ce qu’il veut dire. J’en ai encore discuté avec des collègues il y a quelques mois. Certains m’ont dit connaître ou avoir connu des infirmiers qui avaient changé de profession. En trente ans, la majorité des personnes que j’ai connues infirmières, si elles sont encore en activité- et vivantes- aujourd’hui, le sont toujours….

 

Le dernier film de Takashi Miike, First Love. Le Dernier Yakuza est au moins une critique du conservatisme de la société japonaise. Le gouvernement Macron-Philippe, et d’autres avant eux, et celles et ceux qui exécutent leurs décisions, sont aussi faits d’un certain conservatisme en ce qui concerne, au moins, la retraite et la profession infirmière. Mais il y a trente ans, un Emmanuel Macron et un Edouard Philippe, même s’ils en avaient peut-être déjà l’ambition, étaient très loin du Pouvoir qu’ils ont aujourd’hui. Il y a au moins trente ans, puis, année après année, car suffisamment rassuré, rassasié  et entouré par d’autres priorités, je m’en suis laissé conter dans certains domaines sans entrevoir le reste. Pendant ce temps-là, d’autres, formés, auto-didactes et payés pour ça, inventaient de grands projets pour le monde et la société.

 

En 2002 ou 2003, comme mes collègues dans mon service d’alors,  nous avons vu partir « Georgette » à la retraite, notre cadre-infirmière, avant ses 60 ans : Ce qu’elle avait vu se profiler pour l’avenir de la profession l’avait décidée à prendre sa retraite. Cela restait pour moi abstrait. Georgette a vingt ans de plus que moi. Et je garde de son pot de départ plutôt le souvenir d’une grande et très agréable fête dans un jardin d’un des services de l’hôpital qui m’employait alors.

 

Cinq ans plus tard, dans un autre service et dans un autre hôpital, j’étais à nouveau présent lors du pot de départ de notre cadre-infirmier. La soixantaine et également en bonne santé, G…  dans son discours, avait dit être embarrassé. A la fois, il savait  partir au bon moment car que ce qui se dessinait comme conditions de travail à l’hôpital était très sombre. Mais  nous, avait-il ajouté, nous restions-là.

 

Il y a bientôt cinq ans maintenant, dans mon service actuel, notre cadre sup infirmière partait, elle, à la retraite, en affirmant à des collègues : «  Protégez-vous ! ». Elle ne parlait ni du Sida, ni du réchauffement climatique, ni du terrorisme islamiste ou de la catastrophe de Fukushima. Elle parlait des projets futurs pour le service et l’hôpital.

Popeyette, une de mes anciennes collègues infirmières, d’un précédent service, aujourd’hui à la retraite, ne me parlait pas non plus de Fukushima ou des attentats terroristes lorsqu’elle m’a affirmé:

 

« Si tu peux, change de métier ! ».

 

De son côté, Milotchka, ancienne collègue retraitée, et amie, veuve de l’ami Scapin décédé d’un cancer deux ou trois ans avant sa retraite, a été obligée de continuer de travailler en tant qu’infirmière pour des raisons financières. Elle semble plutôt bien s’ y faire.

 

Dans mon service, la grève des transports en commun depuis le 5 décembre, a contraint certaines et certains à rester chez eux. Ou à s’adapter. Plusieurs sont venus et viennent à vélo, en trottinette, en voiture,  en bus  quand il y en a, à pied depuis une gare ou une station de métro stratégique lorsqu’y circule un engin roulant et habilité à transporter des passagers.

 

 

 

Cette semaine, une de nos collègues est arrivée dans le service plusieurs jours de suite à 5h30. Elle commençait à 6h45. Le dernier jour de la semaine, pour venir au travail, elle a fini par prendre un UBER. Coût de la course : 29 euros. «  Les prix ont baissé » lui a dit une de nos collègues.

Une autre collègue nous a parlé d’une application, blabla line,  qui permet le covoiturage. Le conducteur est rétribué par la région d’île de France.

 

 

L’allocution présidentielle d’Emmanuel Macron était visiblement attendue à la fin de l’année ou au début de l’année. Je l’ai appris il y a quelques jours au travail, en discutant avec deux jeunes hospitalisées et scolarisées. L’une d’elle a expliqué qu’Emmanuel Macron s’était dit décidé à faire appliquer cette réforme des retraites. Une autre a dit qu’il s’était exprimé comme celui qui «  va faire le bien de tous même si tout le monde l’ignore ».

Je me suis abstenu d’ajouter que j’avais lu ailleurs que le projet sous-jacent du gouvernement Macron/Philippe était d’offrir au secteur privé des assurances le marché juteux des retraites complémentaires. Car même si soigner- et éduquer- est aussi souvent un engagement politique, même si on l’envisage autrement, il y a des limites à ce que l’on peut dire et expliquer à des patients.

 

Par contre, je peux écrire dans cet article que « l’admiration » souvent portée au personnel infirmier est un sentiment très différent de celui du «  respect ».

 

Dans notre pays et dans notre culture, en France, quoiqu’on en dise, on respecte en priorité celles et ceux qui gagnent beaucoup d’argent : les deux premières banques mondiales qui sont chinoises, HSBC, Pinault, Bezos, Gates…

 

Le métier d’infirmier ne fait pas partie des métiers qui permettent de gagner beaucoup d’argent. Même si le salaire d’une infirmière ou d’un infirmier est supérieur au salaire d’autres métiers et professions. Et, je crois que, généralement, lorsque l’on décide de faire ce métier, c’est rarement pour gagner beaucoup d’argent. Cela se passe bien ou plutôt bien tant que l’on reste célibataire et sans enfant ou que l’on peut se contenter de projets qui nécessitent un engagement financier moyen ou modéré. Par contre, dès que l’on devient mère ou père,  dès que l’on aspire à acheter un appartement ou une maison, ou à se loger dans certains endroits, on s’aperçoit très vite que malgré toute l’admiration qui nous est prodiguée ici ou là,  cela ne suffit pas à la fin du mois.

 

 

Offrez comme salaire à un Bill Gates, un Jeff Bezos, un Emmanuel Macron, un Edouard Philippe ou aux cadres dirigeants des premières banques mondiales le salaire d’une infirmière ou d’une infirmier et multipliez-le par deux ou trois. Malgré toute leur admiration pour le métier d’infirmier, il est plausible qu’ils ne voudront et ne pourront pas l’exercer :

On devient riche et puissant lorsque l’on réussit à faire faire par d’autres un métier ou un travail que l’on serait incapable de réaliser soi-même, que l’on refuserait de faire ou que l’on n’a plus envie de faire.

 

Franck Unimon, ce samedi 4 janvier 2020.