Projection de presse
Contrairement Ă ce que lâon pourrait croire, il est trĂšs rare que je me rende Ă la projection de presse dâun film, un bon mois avant sa sortie en salles, avec lâune des sĆurs du rĂ©alisateur. Habituellement, je n’ai pas de lien personnel direct ou indirect avec les auteurs et les acteurs de ces films que je vois Ă part le fait d’avoir pu croiser , quelques fois, quelques unes ou quelques uns d’entre eux . Cette fois-ci, c’est diffĂ©rent.
Le film, Quâun sang impurâŠsortira le 22 janvier 2020. Il a Ă©tĂ© rĂ©alisĂ© par Abdel Raouf Dafri qui sâest fait connaĂźtre en tant que scĂ©nariste des films Un ProphĂšte ( 2009), Mesrine ( 2008) mais aussi, par exemple, pour la sĂ©rie Braquo ( Ă partir de 2011). Je parle ici des Ćuvres cinĂ©matographiques auxquelles il a participĂ© et que jâavais vues Ă leur sortie. Ma prĂ©fĂ©rence va Ă Un ProphĂšte (jâaime le cinĂ©ma dâAudiard depuis Regarde les hommes tomber) et aux deux Mesrine.
Quinze ans plus tĂŽt, peut-ĂȘtre plus, j’ignorais qu’un jour je serais dans cette situation. Pourtant, maintenant que ça me revient, j’ai dĂ©ja connu ce type de situation un peu invraisemblable :
Deux fois en faisant un stage dans le service de rĂ©animation oĂč ma mĂšre travaillait comme aide-soignante. Une fois aux urgences psychiatriques, en voyant dĂ©barquer en tant que patient, un de mes amis de promo qui m’avait racontĂ© sa fuite de l’Iran aprĂšs une marche Ă©prouvante guidĂ©e par un passeur. Une autre fois encore, dans un service d’hospitalisation psychiatrique, oĂč infirmier intĂ©rimaire, j’Ă©tais tombĂ© nez Ă nez avec un de mes anciens camarades de lycĂ©e, Ă©galement patient, alors qu’une collĂšgue infirmiĂšre titulaire, devant les images tĂ©lĂ© de la guerre du Golfe et de Saddam Hussein avait lancĂ© :
« Mais qu’ils leur foutent une bombe ! ».
Je reproche Ă la sĂ©rie Braquo – que j’ai aimĂ©e regarder- son cĂŽtĂ© un peu trop « clinquant » (pourtant, jâaime les films dâOliver Marchal) mais aussi dâĂȘtre arrivĂ©e aprĂšs la sĂ©rie Police District. Police District est une trĂšs bonne sĂ©rie française que trĂšs peu de personnes connaissent (comme la sĂ©rie Engrenages) alors quâelle Ă©tait passĂ©e en clair Ă la tĂ©lĂ© sur M6, je crois, et quâelle Ă©tait une bien meilleure gravure sociale que Braquo. Peut-ĂȘtre parce quâHugues Pagan, le scĂ©nariste de Police District, est dâabord un trĂšs bon auteur de polars aprĂšs avoir Ă©tĂ© flic. Jâai dĂ©couvert trĂšs rĂ©cemment, par hasard, quâHugues Pagan Ă©tait nĂ© en AlgĂ©rie. Ou peut-ĂȘtre l’avais-je oubliĂ©…
Tout cela, je lâĂ©cris pour moi- comme tout ce que lâon Ă©crit dâailleurs- parce-que cela me fait du bien et que jâen ai visiblement besoin mĂȘme si, fondamentalement, ça nâapporte rien a priori. Sauf, peut-ĂȘtre, pour reparler du hasard de la vie. Je suis aussi trĂšs attachĂ© au hasard. Et, comme le dit le marabout Papa Sanou au jeune « faussaire » Armand (dans le trĂšs bon film, Seules les bĂȘtes de Dominik Moll, actuellement en salles) :
« Le Hasard, il est plus grand que toi ! ».

Il est trĂšs rare aussi quâen me rendant Ă une projection de presse, je sois autant en avance (dâune bonne demie heure) et que je mâentretienne un petit peu avec une directrice de casting puis avec un programmateur de salles de cinĂ©ma :
« Comment devient-on directrice de casting vu quâil n y a pas dâĂ©tudes spĂ©cifiques ? ».
- Au dĂ©part, je travaillais dans la prod comme assistante de production puis un rĂ©alisateur mâa demandĂ© de mâoccuper de son castingâŠ.

Il est aussi trĂšs rare quâen pleine pĂ©riode de grĂšve â trĂšs suivie- des transports et dâautres corps de mĂ©tier, pour protester contre la rĂ©forme des retraites dĂ©cidĂ©e par le gouvernement, je discute (toujours avec cette mĂȘme directrice de casting) de la façon de se rendre (Ă pied) depuis le 18Ăšme arrondissement de Paris jusquâĂ cette projection de presse prĂšs des Champs ElysĂ©es. A lâentendre, cela lui avait pris trente minutes. Pour avoir effectuĂ© le trajet aprĂšs la projection de Quâun sang impur⊠(jâai mis un peu plus de 90 minutes en prenant mon temps), je me demande encore par oĂč elle est passĂ©e et Ă quelle allure elle marchait, elle qui mâavait dit avoir pris son temps.
Le programmateur de salles de cinĂ©ma, lui, mâa fait le plaisir de me dire que le nom de mon blog, balistiqueduquotidien, lui Ă©tait familier. Je lâai fait rĂ©pĂ©ter. A moins dâĂȘtre trĂšs connu ou de savoir attirer des milliers de vues, je crois que le blogueur est une espĂšce de trĂšs courte durĂ©e (deux ou trois ans) ou un exploitĂ© du clavier performant ses actions sur les rĂ©seaux sociaux plus de douze heures par jour, sept jours sur sept. Pour ma durĂ©e de vie en tant que blogueur, ma deuxiĂšme annĂ©e a dĂ©butĂ© fin octobre, dĂ©but novembre. Et cela fait Ă peu prĂšs deux semaines que je nâai rien produit sur mon blog. Deux semaines dâabsence sur le net- mĂȘme sâil est rare que je mâabsente aussi longtemps- câest trĂšs long. Mais jâavais dâautres prioritĂ©s. Dâautres conduits vers la vie dont il mâa fallu tenir compte. Et puis, je me rappelle ce matin ce proverbe que je crois asiatique :
« Le temps ne respecte pas ce qui se fait sans lui ».
Je ne sais pas encore si ce genre de proverbe sâaccorde trĂšs bien avec une carriĂšre accomplie de blogueur ou dâartiste. Je ne suis pas trĂšs pressĂ© de le savoir mĂȘme si je trouve par moments que je donne beaucoup de mon temps â et de mon envie- Ă mon blog et que les retombĂ©es, hormis un plaisir immĂ©diat, me semblent encore abstraites :
Je suis trĂšs trĂšs loin des « royalties » des dix mille vues. Je me mĂ©fie de plus en plus de cette trĂšs forte addiction ou compulsion sociale qui nous pousse Ă participer (mĂȘme si jây contribue Ă©galement) quotidiennement Ă cette activitĂ© Ă©trange qui consiste Ă avoir « besoin » de recueillir son pain quotidien en nombre de « jâaime », de « like », de commentaires, de MMS, de mails ou de sms afin de nous sentir, « bien », « mieux » ou « un peu moins seuls ».
La spontanĂ©itĂ©, bien-sĂ»r, câest trĂšs bien. Dans la vie comme sur le net et via les sms et les MMS. Mais il est nĂ©anmoins encore difficile pour moi- mĂȘme si jâai bien repĂ©rĂ© deux ou trois cliniques qui font ça trĂšs bien apparemment- de me transformer en pieuvre et dâĂ©tendre mes multiples tentacules en mĂȘme temps sur le clavier et dans mes diverses actions quotidiennes, personnelles et professionnelles. Aussi, pour lâinstant, nâai-je pas dâautre possibilitĂ© que de continuer de prendre mon temps lorsque jâĂ©cris pour mon blog et ailleurs. Et dâĂ©crire long. Car inutile de sâinstaller dans le dĂ©ni:
Si jâaime faire certains raccourcis dans la vie comme dans mes articles, jâĂ©cris long pour le net et pour toutes ces personnes qui veulent divorcer rapidement de la lecture leurs yeux Ă peine posĂ©s sur le corpus dâun texte. Moi-mĂȘme, il est bien des journaux que je lis en zig-zag en me concentrant sur certains articles qui mâattirent dâabord. Et, je sais que jâai dĂ©ja plus de livres- et de dvds- Ă lire et Ă regarder chez moi que de vie restante.
Le caractĂšre personnel de la projection de presse de Quâun sang impur compte pour moi, je crois, parce que, dâune maniĂšre gĂ©nĂ©rale, blog ou pas blog, sms ou pas sms, internet ou pas internet, sĆur de rĂ©alisateur ou pas sĆur ( « passeur » ?) de rĂ©alisateur, projection de presse ou pas projection de presse, je suis attachĂ© Ă ce quâil y a de personnel dans la vie comme je suis attachĂ© au hasard. On peut le louer. On peut le contester. Je sais pour ma part que je ne suis pas le plus douĂ© en stratĂ©gie (je nâai mĂȘme pas pensĂ© Ă donner le nom de mon blog Ă la directrice de casting ! ), en calcul, comme en Ă©conomie quels que soient mes atouts. Et câest peut-ĂȘtre pour ces raisons que je publierai mon article ( jâen ai Ă©crit les premiĂšres lignes) sur Quâun sang impur bien avant sa sortie en salles. Soit ma façon, aussi, dâĂȘtre spontanĂ© et de laisser le hasard dĂ©cider.
Franck Unimon, ce jeudi 12 décembre 2019
Une réponse sur « Projection de presse »
[…] introduit cet article avec l’article Projection de presse . Mais on pourra Ă©galement complĂ©ter sa lecture avec l’article Les misĂ©rables […]