Catégories
Corona Circus Ecologie self-défense/ Arts Martiaux

Self-défense

Photo prise à Paris, lors du dernier week-end de Mai 2020.

 

 

                                                                   Self-Défense

 

 « Je vous attendais ».

 

 

Même s’il s’est mis à pleuvoir abondamment hier soir, depuis plusieurs jours, les gens sont globalement plutôt heureux de pouvoir sortir à nouveau de chez eux. Ça se voit. Je le vois en partant au travail ou en sortant de chez moi. J’aperçois des couples très amoureux. Je m’attends à ce qu’un certain nombre d’eux, rapidement, s’incitent à arrêter d’être deux. D’autres fois,  dans certains quartiers comme récemment du côté de Denfert Rochereau, avec mon masque sur le visage, j’ai l’impression d’être un spécimen ou un attardé. 

 

La deuxième vague du Covid-19 ne s’est pas faite sentir. Beaucoup de personnes en concluent que l’épidémie a disparu. Il a fait beau depuis pratiquement trois mois – même si les températures avaient pu être fraiches le matin en mars- et beaucoup de personnes en avaient assez d’être confinées depuis mi-mars. En plus, le gouvernement a décidé du déconfinement le 11 Mai (et non le 12 comme je l’ai écrit dans mon précédent article Avec ou sans masques ). Et, depuis deux ou trois jours (le 2 juin, je crois) la limitation de déplacement des 100 kilomètres a cessé d’exister. Un certain nombre de personnes sont donc parties prendre l’air en province. Sur Facebook, réseau social bien connu par les plus de vingts ans et les vieux (sourire), j’ai ainsi pu voir des photos de connaissances parties s’aérer du côté de Paimpaul en Bretagne ou en Normandie, à chaque fois près de la mer.

 Enfin, hier soir, en retournant au travail, j’ai revu pour la première fois depuis trois mois des personnes installées en terrasse d’un café ou d’une brasserie. Il y avait du monde. 

 

Photo prise à Paris en allant au travail, lors du dernier week-end de Mai 2020.

 

 

La pandémie du covid-19 a simplifié mon agenda. Je me suis très bien passé de certaines activités que j’ai du plaisir à faire : médiathèque, cinéma, pratique de l’apnée en club, librairies, achats de blu-ray, magasins de loisirs, etc…autant de déplacements que j’ai arrêté de pratiquer. Là où avant la pandémie, je me démultipliais voire me dispersais, pendant la pandémie, je me suis facilement limité à continuer d’aller au travail, continuer de prendre des photos, continuer d’écrire, être davantage avec ma fille, continuer mes étirements, être davantage avec ma compagne, contacter certaines personnes.

 

Par contre, pendant plusieurs semaines,  j’ai fait plus de vélo pour me rendre au travail. Je suis parti bien plus tôt de chez moi pour m’y rendre d’une manière générale. J’ai changé mon itinéraire pour me rendre au travail et ma façon de m’y rendre :

 

Avant la pandémie, je m’y rendais principalement en train et métro en partant de chez moi 45 ou 50 minutes plus tôt. Durant la pandémie, avec la rareté des trains,  j’y suis plusieurs fois allé à vélo, et, surtout, après avoir pris le train, j’ai beaucoup pris le bus. En partant de chez moi 90 minutes plus tôt. Et, j’ai marché aussi. J’ai continué de marcher. Je marchais déjà avant la pandémie mais moins pour me rendre au travail. Depuis deux à trois semaines, sans doute depuis le 11 Mai, je me suis relâché. Je pars maintenant plus tard de chez moi : comme avant les mesures de confinement. Mais je continue de prendre le bus le plus possible, une fois arrivé à St Lazare.

 

On voit beaucoup mieux ce qui nous entoure en prenant le bus, je trouve. Et la pandémie m’a poussé à ça:

Beaucoup regarder autour de moi. Pas uniquement par inquiétude. Mais aussi par curiosité. Cette curiosité que j’avais perdue par habitude et aussi en m’immergeant dans le métro et dans la foule qui sont souvent les cendriers de nos regards.

 

Avant la pandémie, j’avais commencé à lire La Dernière étreinte de l’éthologue Franz de Waal. Un très bon livre, très agréable, emprunté à la médiathèque de ma ville et que j’ai toujours.

Avec la pandémie, j’ai perdu ma lecture. Bercé par l’étreinte de la pandémie, je n’ai pas pu remettre ma tête à cette lecture même si je sais en théorie que son contenu aurait très bien servi à décrypter ce que nous avons vécu et continuons de vivre depuis la pandémie.

Par contre, j’ai lu beaucoup plus de journaux que d’habitude durant la pandémie. Cela a été instinctif. Une mesure d’autoprotection personnelle : à l’anxiété générale relayée par la télé, les réseaux sociaux, les collègues, les amis et les proches, j’ai assez vite préféré le Savoir du papier, la diversité des journaux et des langues ainsi que l’expérience physique du déplacement jusqu’au point presse. J’ai eu de la chance :

Il y a un point presse près de mon travail qui est resté ouvert pendant toute la pandémie et, cela, dès 7h30 jusqu’à 20h.

 

Lorsque l’on parle de self-défense, on s’arrête souvent à la définition standard : on pense d’abord au fait d’apprendre à se défendre physiquement d’une attaque menée par un ou plusieurs agresseurs.

Il y a quelques jours, une nuit, sur un réseau social que tout le monde connaît et sur lequel beaucoup de monde exprime ses états d’âmes et ses certitudes, moi y compris, une copine a posté une vidéo d’un cours de self-défense. Cela m’a étonné venant de cette copine que je connais comme étant une très grande intellectuelle et qui était assez peu portée, officiellement, sur ce genre de discipline la dernière fois que nous nous étions rencontrés. C’était il y a plusieurs années.

 

J’ai regardé la vidéo d’autant que la self-défense, les sports de combats et les arts martiaux font aussi partie, depuis des années, de mes centres d’intérêt.

Dans un gymnase, un instructeur aguerri que j’ai découvert, faisait ses démonstrations devant ses «élèves ». La cinquantaine rugissante, en Jeans, tee-shirt et baskets, il en imposait à ses trente ou quarante élèves. Et chacun de ses partenaires se retrouvait évidemment au sol, immobilisé ou contré, au moyen d’une clé ou d’une soumission, d’une percussion. Ça ne traînait pas. Collant le plus possible à des situations réelles, son but était à l’évidence de pouvoir proposer à ses élèves ou à ses stagiaires des méthodes efficaces, rapides à assimiler et à reproduire, avec un minimum d’entraînement.

Si je devais comparer son enseignement à la façon dont nous essayons de soigner en santé mentale, je dirais que son enseignement était plus proche de la thérapie brève et comportementale que de la psychanalyse. Avec la self-défense, on est dans l’urgence, le comportementalisme, dans l’efficacité et dans l’action. Et non dans la masturbation intellectuelle et dans le bla-bla. Je peux d’autant plus l’écrire que je suis très attaché à la psychanalyse.

Si je devais comparer son enseignement à la façon dont on apprend le jeu d’acteur, je dirais qu’il était plus proche de ce que je comprends de l’actor’s studio et de toute formation où l’on engage le corps et où on lui fait acquérir- ou désinhiber- des réflexes dont l’être humain, en tant qu’être animal, est doté en principe s’il veut pouvoir survivre et se défendre. A moins d’avoir été « castré », tellement détruit et humilié, qu’il n’a plus la moindre force, volonté ou aspiration à se révolter. Ou à moins de tout intellectualiser en permanence et de tout miser, en tant qu’acteur, sur la diction d’un texte.

 

La particularité de toutes ces démonstrations de self-défense, de sports de combats ou d’arts martiaux auxquelles nous assistons en direct ou via une vidéo, c’est qu’elles tournent souvent à l’avantage de l’instructeur. Et ça donne envie. Ou ça suscite l’admiration. On se dit :

« J’aimerais bien apprendre ce qu’il enseigne pour pouvoir me défendre en cas de besoin ou pour pouvoir défendre celles et ceux à qui je tiens ».

 

De son côté, l’instructeur se doit d’être convaincant lors de ses démonstrations. Pas uniquement d’un point de vue technique. Mais aussi de par son attitude, son réalisme, et, voire, par son éthique. Et l’instructeur en question mettait tant de conviction devant ses élèves, si volontaires et si inexpérimentés de toute évidence d’un point de vue pugilistique, que cela donnait l’impression qu’il passait vraisemblablement sa vie à penser combat, self-défense, combat, self-défense. Cela en devenait un peu comique. Mieux vaut rire que mourir.

Mais attention : je ne critique pas. J’ai appris qu’il valait mieux  être à même de savoir se défendre en certaines circonstances plutôt que de compter sur des amabilités et sur la chance. Sauf qu’il faut savoir quand se défendre, comment, contre qui, dans quelles proportions et où. Et Avoir aussi, une conscience. De soi, de nos actes, des autres, de notre environnement. 

 

En regardant cette vidéo de « stage », j’avais l’impression que l’instructeur s’entraînait et se préparait depuis des années au combat :

La majorité des instructeurs, profs, enseignants et maitres de combats, de self-défense et d’arts martiaux  parmi les plus connus et reconnus, à ce que j’ai constaté, sont généralement des pratiquants très expérimentés depuis dix, vingt années ou davantage dans plusieurs disciplines de défense et d’auto-défense.  

 

Et, l’instructeur de la vidéo  donnait l’impression que c’était comme s’il n’attendait que ça parce qu’au fond, sans combat,  il s’ennuyait :

C’était donc comme s’il attendait tous les jours que quelqu’un, enfin, vienne le « chercher » à la sortie de son travail, dans son sommeil, dans un magasin de vélo ou sur la route pour l’agresser. Et j’avais aussi l’impression que la majorité des stagiaires, en le voyant aussi affûté et percutant, n’avait qu’une envie (et moi aussi) en découvrant la somme de travail et de vécu à engranger pour lui ressembler :

 

Devenir son ami ou l’avoir comme ami dans la vie ou sur Facebook afin, qu’en cas de besoin, il vienne nous défendre rapidement.

 

 

 

En matière de self-défense, je me demande ce qui a manqué à Georges Floyd aux Etats-Unis ou à Adama Traoré et à tous les autres, arabes, asiatiques, femmes, enfants, personnes âgées, citoyens lambdas, homosexuels, trans, juifs, arméniens, les Amérindiens, les pauvres etc lorsqu’ils rencontrent leur prédateur.

 

 

Je parle du noir américain Georges Floyd et du Français Adama Traoré car ils font désormais partie de l’actualité funèbre maintenant que l’on n’a plus peur du Covid-19. Mais je crois qu’il faut aussi penser à bien d’autre victimes et c’est pour ça que j’ai ajouté ces autres « catégories » de personnes qui font souvent partie des victimes que ce soit dans une dictature ou dans une démocratie.

 

 

Dans le monde animal, la biche ou le cerf ne se fait pas toujours attraper par son prédateur. Mais il est quand même un certain nombre de proies et de gibiers qui se font dévorer. Georges Floyd et Adama Traoré font désormais partie de ces victimes qui se sont faites “dévorer”.

 

J’ai ressenti une grande lassitude en apprenant « l’histoire » de Georges Floyd. Comment elle s’est terminée après celle d’Adama Traoré il y a quatre ans. Ce sentiment de lassitude m’a interrogé. Je me suis demandé si j’étais devenu indifférent.  Plus jeune, j’aurais été en colère.

 

 

Je me suis demandé si je me sentais au dessus de ce qui leur était arrivé ou si je les rendais responsables de leur propre mort.

 

 

Je ne crois pas être indifférent à leur mort.

 

Parce qu’avant Georges Floyd et Adama Traoré, pour moi, lorsque j’avais 17 ans, il y avait eu le noir américain Georges Jackson et les frères de Soledad. Ainsi que, bien-sûr, le souvenir de Martin Luther King, Malcolm X, les Black Panthers. Plusieurs de mes modèles pour mon adolescence. Un groupe de Reggae comme Steel Pulse a composé un titre en mémoire de Georges Jackson. Le Reggae peut être perçu comme une musique juste festive pour l’été ou pour s’amuser alors que c’est une musique très militante.

 

Parmi mes modèles, adolescent, il y avait aussi eu Nelson Mandela. Et Steve Biko dont on parle beaucoup moins que Mandela et qui a, lui, été vraisemblablement assassiné lors de son emprisonnement:

Officiellement, Steve Biko aurait glissé en prenant une douche. Le groupe Steel Pulse mais aussi Peter Gabriel ont composé une chanson en son hommage.

 

Je me suis demandé pour quelle raison Biko avait été oublié et pour quelle raison, lui, contrairement à Mandela, n’avait pas survécu à son emprisonnement. Jusqu’à ce que j’apprenne, très récemment, que Steve Biko était bien plus critique que Nelson Mandela envers l’Apartheid. Qu’il était même critique envers l’ANC de Mandela. Et qu’il était aussi, plus isolé, médiatiquement, que Mandela.

 

Bien-sûr, adolescent, parmi mes modèles, il y avait aussi eu au moins les auteurs noirs américains : Richard Wright, Chester Himes, James Baldwin. Tous parlaient du racisme anti-noir aux Etats-Unis d’une façon ou d’une autre. Je connaissais aussi l’histoire du boxeur Cassius Clay, devenu Muhammad Ali. Mon père avait un livre sur lui dans le salon de notre appartement HLM. Je l’avais lu plus jeune comme cette préface qui parlait du noir John Henry qui, avec ses deux masses, avait été plus fort que la machine du blanc pour creuser un trou dans la terre. Et qui, après avoir remporté son pari, était rentré chez lui, s’était douché, avait fait sa prière, s’était couché pour ne plus se relever. 

Je connaissais aussi l’histoire des Jeux olympiques de Mexico en 1968. Le poing noir levé des athlètes noirs américains sur le podium : Lee Evans, Ron Freeman, John Carlos. Je connaissais aussi d’autres histoires également plus vieilles que moi d’athlètes que je n’avais jamais vu à la télé ( Zatopek, Wladimir Kuts, Peter Snell, Lasse Viren, Herb Elliot…). Je les avais lues dans les magazines de sport de mon père. 

 

Et j’avais entendu parler de l’esclavage bien plus tôt (avant mes dix ans) : mon père m’avait raconté. Et, pour lui, le Blanc de France, était “l’ennemi”.

Mon père ne m’a pas parlé de la Négritude. Adolescent, j’avais entendu parler de la Négritude, de Césaire, Senghor et de Gontran Damas peut-être à la bibliothèque de Nanterre, endroit sacré que notre instituteur de CE2, Mr Pambrun, un jour, nous avait fait découvrir en nous y emmenant à pied depuis notre école publique, l’école Robespierre.  

 

La différence entre un Martin Luther King, un Malcolm X, certains meneurs des Black Panthers, un George Jackson, un Georges Floyd, un Adama Traoré et un Nelson Mandela qui meurt libre, et en symbole de Paix international,  tient peut-être aussi dans ces deux mots :

 

Self-défense.

 

Nelson Mandela ne pratiquait pas, je crois, de sport de combat. Je ne crois pas non plus qu’il portait d’arme sur lui. Même s’il a été, un temps, un adepte de la lutte armée.

Sans doute Nelson Mandela a-t’il eu la « chance » d’arriver au  bon moment  dans l’Histoire de l’Afrique du sud et dans l’histoire géopolitique internationale pour, finalement, après une vingtaine d’années d’emprisonnement, parvenir à rester un interlocuteur incontournable. Ne pas oublier, aussi, l’engagement de son ex-femme, Winnie Mandela, et la menace qu’elle représentait pour le gouvernement sud-africain même si, par la suite, certains faits ont été reprochés à Winnie Mandela. Ne pas oublier non plus que Nelson Mandela était entouré de soutiens infaillibles (avocats, d’autres militants incarcérés comme lui, un soutien international…).

 

Mais la chance et le soutien médiatique et autre ne font pas tout. Mandela a su faire et a pu faire les bons choix stratégiques à certains moments.

Angela Davis, aussi, à sa façon, lorsqu’elle avait été déclarée ennemie publique numéro un des Etats-Unis, a aussi été en mesure de pratiquer une self-défense qui lui a sauvé la vie. Et, cela est d’abord passé par la fuite par exemple. Une fuite durant laquelle elle avait été bien entourée. Car il faut pouvoir échapper au FBI ou à la CIA.  Angela Davis aussi avait été soutenue y compris de manière internationale.

 

 

Je me demande donc ce qui a manqué à Georges Floyd et à Adama Traoré en self-défense pour survivre. Le même genre de soutien qu’un Nelson Mandela ou qu’une Angela Davis ?

 

Pour Georges Floyd, il faut se rappeler que les Etats-Unis sont ce pays où des millions d’Amérindiens ont été exterminés par les colons européens afin de prendre la tête du pays. Et, il est même possible que des noirs enrôlés dans l’armée « américaine » aient participé à cette extermination contre la promesse par exemple de leur émancipation ou de leur naturalisation américaine. Lorsqu’un tel pays, les Etats-Unis, devient ensuite la première puissance Mondiale et une référence culturelle mondiale, on peut s’attendre à ce que certains de ses citoyens considèrent en 2020 pouvoir continuer de faire avec des noirs ce qui a pu être fait dans le passé en toute impunité avec des millions d’Amérindiens mais aussi durant la période de l’esclavage. D’autant plus dans un pays où dans certains Etats il est parfaitement légal et normal d’acheter et de posséder plusieurs armes létales. 

Le journal ” Le New York Times” de ce jeudi 4 juin 2020.

Aujourd’hui, aux Etats-Unis, si les Noirs font partie des plus touchés par l’épidémie du Covid-19, certains territoires amérindiens, aussi…   

 

 

 

Pareil pour la France, ex grande Puissance coloniale, et pays encore très côté à travers le monde :

Il doit bien y avoir, aussi, un certain nombre de personnes qui estiment que ce qui a pu être fait par la France « avant » dans les colonies peut se refaire aujourd’hui et demain.

 

En France, je refuse pourtant de raser les murs quand je sors. Bien-sûr, si je sais qu’une région ou une zone est une menace pour les personnes de ma couleur de peau, je ferai attention ou essaierai de l’éviter. Et si je sais qu’une certaine attitude peut m’attirer des ennuis, je ferai en sorte de m’en dispenser. ( Lire l’article C’est Comportemental ! ) Mais ça n’est pas toujours possible.

 

Il y a une  forme de mathématique mortuaire qui veut que si une proie se trouve un certain nombre de fois en contact avec son prédateur ou son agresseur potentiel, le risque de pressions et d’agressions augmente. C’est donc, finalement, un choix ou une incompétence au moins politique de permettre ou d’augmenter ce nombre de contacts, cette promiscuité, entre “chiens et chats”. Et, certains, chiens comme chats, préfèrent mourir au combat plutôt que de se laisser faire. Pendant ce temps-là, les maitres et les maitresses des « chiens et des chats », eux, s’en battent les mains. Ils peuvent se permettre de partir en week-end au bord de la mer ou d’aller voir ailleurs et d’être informés- de temps en temps- par quelques observateurs ou intermédiaires. Et d’intervenir et de faire de la communication lorsque ça peut faire du bien à leur image et à leur carrière.

 

Par découragement ou par lassitude, on se dit que l’Histoire des meurtres au moins racistes se répète.

 

Les réseaux sociaux ont beaucoup de travers : beaucoup de personnes qui s’y expriment y sont expertes sur à peu près tout puisqu’il est facile et gratuit de s’y exprimer. Et on y livre quantité d’informations personnelles qui régalent des entreprises déjà multimilliardaires (les GAFA et autres) ainsi que nos divers gouvernements qui, durant la pandémie, ont dû faire le plein d’informations pour des décennies concernant notre façon de réagir et d’inter-réagir en période de pandémie, d’inquiétude et de confinement. Je l’ai fait et le fais comme tout le monde. 

Mais les réseaux sociaux expriment aussi ce souhait, notre souhait idéalisé et répété, de faire partie d’une communauté. Sauf que, pour l’instant, ce souhait est souvent boiteux car nous avons beaucoup de mal à nous écouter et à nous accepter. Nous préférons encore trop trancher et décider quand  les autres ont tort et qui a tort. Tandis que nous, nous estimons être du côté de la raison et de la lucidité. Nous sommes donc encore un peu trop nombreux à être des dictateurs au moins virtuels ou digitaux. Peut-être qu’avec le temps et certaines expériences, nous finirons par être un peu moins dictateurs et à former un peu mieux cette communauté vivante (humaine et non-humaine) que, très maladroitement et très brutalement, nous essayons de créer et vers laquelle nous tâtonnons.

 

 

 

Je n’ai pas parlé de ça hier matin, à la jeune vendeuse du Relay  de la gare d’Argenteuil. J’étais venu acheter le dernier numéro du Canard Enchaîné lorsque j’ai vu que même le Relay, maintenant, vendait des masques de self-défense contre le covid-19. Un mois et demi plus tôt, environ, cette jeune vendeuse, comme ses collègues, travaillait sans aucune protection. Je m’en étais étonné sans insister. Comprenant que leur employeur était responsable de cette négligence, je m’étais abstenu de tout commentaire bruyant afin d’éviter de l’accabler davantage.

Deux ou trois semaines plus tard, la même vendeuse, d’autorité, se pointait à la sortie du Relay avec son flacon de gel hydro-alcoolique. C’était sa self-défense sanitaire et elle était déterminée à sauver sa peau. Comme les autres clients présents, je m’étais soumis à la leçon du gel hydro-alcoolique même si, à mon avis, j’étais suffisamment renseigné sur le sujet du fait de mon métier de soignant en pédopsychiatrie (ce qu’elle ignore). Et puis, par expérience, je reproche au gel hydro-alcoolique d’abîmer les mains. Je lui préfère donc le savon qui n’a pas attendu la fabrication  et la diffusion du gel hydro-alcoolique pour nous donner une hygiène respectable.

 

Hier matin, non seulement le flacon de gel hydro-alcoolique était  à disposition de façon facultative devant l’entrée du Relay mais la jeune vendeuse, non-masquée, derrière la protection plastifiée de sa caisse, dansait en reprenant les paroles d’un tube qui passait.

 

J’ai reconnu Aya Nakamura alors que la vendeuse répétait :

 « Ah, je m’en tape ! Si tu veux qu’on le fasse!».

 

Quand je lui ai demandé des renseignements concernant les masques réutilisables (2 pour 4, 40 euros. Une affaire ! ) elle n’a pas compris tout de suite. Ce n’est pas la première fois qu’elle réagit de cette manière. Mais avec la musique en plus, cette fois-ci, sérieuse, elle a tendu l’oreille comme une jeune femme qui vaque dans une boite de nuit et que j’aurais essayé de draguer comme un plouc.  J’ai eu l’impression de revenir plusieurs années-lumière en arrière. Et d’être transformé malgré moi en l’homme à tête de chou de Gainsbourg. Chanson que cette jeune n’a peut-être jamais écoutée. Et elle s’en battrait sans doute les couilles si elle le faisait.

 

« Il n’y a plus de masques réutilisables » a fini par me lâcher la jeune vendeuse totalement indifférente à mon corps. Elle a néanmoins fait l’effort de me répondre rapidement qu’elle ne savait pas quand il y ‘ en aurait. Peut-être la semaine prochaine. Après ça, elle était au maximum de son accomplissement commercial. Et elle a repris le refrain de sa chanson. 

 

Franck Unimon, jeudi 4 juin 2020.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.