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C’est Comportemental !

 

«(….) Mais pas d’inquiĂ©tude : si vous n’ĂȘtes pas physiquement apte Ă  danser Ă  corps perdu, le simple fait de synchroniser de petits gestes de la main avec votre voisin suffira pour que votre cerveau baigne dans le bonheur musical » conclut Aurore Braconnier dans son article Born To Dance (P4-P11) publiĂ© dans le hors-sĂ©rie numĂ©ro 49 (dĂ©cembre 2018) consacrĂ© Ă  la danse de la trĂšs bonne revue Sport & Vie.

 

Il y’a encore quelques annĂ©es, je dansais assez rĂ©guliĂšrement dans des soirĂ©es ou dans certains de ces lieux consacrĂ©s : les boites de nuit. La danse avait dĂ©butĂ© dans l’enfance oĂč, initiĂ© par l’AutoritĂ© paternelle, plus que par ma volontĂ©, j’avais dĂ» me montrer Ă  la hauteur de ma valeur sociale, culturelle et raciale :

« DĂ©pi Ki Ou SĂ© NĂšg Ou Dwet Sav DansĂš ! » (« Tout NĂšgre se doit de savoir danser ! ») dirait un jour mon pĂšre en voyant Ă  la tĂ©lĂ© l’artiste noir amĂ©ricain James Ingram se dĂ©hancher tout en interprĂ©tant le tube Yah-Mo Be There. J’étais alors ado et MichaĂ«l Jackson, avec ses clips, ses pas de danse, sa voix et sa musique de granit, rĂ©gnait sur la musique.

Si je m’étais Ă©coutĂ©, et sans l’intervention de mon pĂšre, aux nombreuses festivitĂ©s antillaises oĂč il nous emmenait (baptĂȘmes, mariages et autres ), je serais plus souvent restĂ© assis, prenant plaisir Ă  regarder le spectacle vivant qui se dĂ©ployait devant moi , Ă  ausculter ces musiques qui prolongeaient l’existence de ce monde et , bien-sĂ»r, Ă  ingĂ©rer toutes ces spĂ©cialitĂ©s culinaires qui dĂ©filaient sur un plateau Ă  portĂ©e de bouche. Lesquelles spĂ©cialitĂ©s culinaires autant que la langue crĂ©ole, la sexualitĂ©, la musique et la famille font partie de l’identitĂ© culturelle antillaise : chaudeau, boudin, accras, colombo, salade de concombres au citron et au piment
.

A la maison, aussi, mon pĂšre maintenait une occupation musicale assez constante. A l’ñge de dix ans, il m’était impossible d’ignorer qui Ă©tait Bob Marley. Jimmy Cliff, OphĂ©lia, CoupĂ© ClouĂ©, James Brown et d’autres tubes de cĂ©lĂ©britĂ©s antillaises ignorĂ©es (sous-estimĂ©es ?) par le Français lambda m’étaient tout autant familiers mĂȘme si je n’en retenais ni les noms ni les titres.

 

J’ignore si je serais entrĂ© un jour de moi-mĂȘme dans la danse. Si j’admire une personnalitĂ© comme la navigatrice Ellen Mac Arthur qui, dans son livre Du Vent dans les RĂȘves, raconte aussi son Ă©tonnement – et sa luciditĂ© !- Ă  apercevoir Ă  17 ans des filles de son Ăąge perchĂ©es sur des talons aiguilles afin de se rendre d’un pas mal assurĂ© vers la boite de nuit du coin –un peu comme on se rend dans un abattoir social- j’ai depuis compris, aussi, la grande force en mĂȘme temps que le Savoir, que la musique et la danse peuvent transmettre Ă  un corps et Ă  une Ăąme. . Et, je regrette, enfant, de n’avoir pas pu ou pas su prendre des notes de ce que je voyais et dĂ©couvrais Ă  ces soirĂ©es antillaises comme Ă  propos de plusieurs de ces titres que j’ai pu entendre. Il est assez vraisemblable qu’avec une camĂ©ra dans les mains, enfant, j’aurais filmĂ© lors de ces soirĂ©es. Un stylo, un crayon ou un pinceau, Ă©crire, dessiner, peindre, ce sont peut-ĂȘtre les moyens du bord pour celle et celui qui ne dispose pas de camĂ©ra ou d’appareil photo et qui s’attache durablement Ă  ce qu’il voit comme Ă  ce qu’il vit mal ou bien.

 

Sans qu’un mot ne se soit jamais Ă©changĂ© sur le sujet entre mon pĂšre et moi, alors qu’ado, j’entamais ma croissance en tant qu’amateur de musique, lui, cessait d’en Ă©couter comme de se procurer des magazines tels que Rock&Folk ou Rolling Stones. Peut-ĂȘtre avait-il renoncĂ© Ă  rĂȘver ? Et, peut-ĂȘtre, est-ce, sensiblement au mĂȘme Ăąge, que j’ai, Ă  mon tour, arrĂȘtĂ© de danser dans quelques lieux ou soirĂ©es, il y’a quelques annĂ©es. Bien que mon attrait pour la musique et la dĂ©couverte de nouveaux genres musicaux et de nouveaux titres soient conservĂ©s. Lorsque j’y rĂ©flĂ©chis, j’ai l’impression que je n’ai plus faim. Et qu’il faut avoir faim d’espaces et de gestes pour avoir envie et besoin de danser. Comme il faut avoir faim pour apprendre Ă  penser autrement ou autre chose. Si l’on est repu, dĂ©sabusĂ© ou dĂ©primĂ©, on se lasse devant le moindre apprentissage et l’on s’en tient Ă  un minimum d’actions et de pensĂ©es.

 

« (
.) Le danseur intĂšgre en effet perpĂ©tuellement des gestes inhabituels et abstraits, ce que les autres espĂšces ne font pas ou exceptionnellement » nous confirme Aurore Braconnier, toujours dans le mĂȘme article ( Page 9) du hors-sĂ©rie numĂ©ro 49 de la revue Sport& Vie mentionnĂ©e au dĂ©but de cet article.

 

Ce dimanche du mois d’octobre dernier, il serait plus qu’exagĂ©rĂ© de dire que j’intĂ©grais des gestes inhabituels et abstraits. J’effectuais certes « les mĂȘmes petits gestes avec la main » que certains de mes voisins directs, prĂ©cĂ©dents ou ultĂ©rieurs, avaient produit ou rĂ©aliseraient, mais je ne me reconnaitrais pas dans l’expression : « (
.) Votre cerveau baigne dans le bonheur musical ». Si j’y avais mis un peu du mien en Ă©coutant de la musique, comme cela se fait dĂ©sormais couramment, au moyen d’un casque ou d’oreillettes, peut-ĂȘtre me serais-je un peu introduit dans le bonheur musical dĂ©crit dans cet article d’Aurore Braconnier. Mais je n’étais pas dans ces dispositions ce jour-lĂ  mĂȘme si tout allait plutĂŽt bien. Comme j’empruntais mon trajet habituel de travail afin de venir- volontairement- effectuer des heures supplĂ©mentaires (rĂ©munĂ©rĂ©es) dans mon service. Et, « les mĂȘmes petits gestes avec la main » que, comme mes voisins, j’effectuais ce jour-lĂ , consistaient au moins Ă  sortir mon Pass Navigo afin de franchir les portes de validation.

 

ArrivĂ© Ă  la gare St-Lazare, je me dirigeais vers l’endroit oĂč j’allais rejoindre la correspondance pour prendre le mĂ©tro. Un trajet que j’avais Ă©tudiĂ© et fini par sĂ©lectionner parmi plusieurs. Le plus direct. Le moins de pas gaspillĂ©s. Je le prenais dĂ©sormais sans rĂ©flĂ©chir. Lorsque les portes de validation ont refusĂ© de me laisser passer, je ne me suis pas formalisĂ©. Assez rĂ©guliĂšrement, Ă  cet endroit, il arrive que ces portes de validation soient capricieuses. Mais je finis toujours par passer. AprĂšs plusieurs passages de mon Pass Navigo sur la borne, Ă  un moment donnĂ©, la porte de validation me laisse entrer. Lorsque l’on se rend au travail ou Ă  un rendez-vous, l’enjeu d’un parcours le plus fluide possible est simple : Moins on perd de temps pour passer d’un endroit d’une gare Ă  un autre, et moins on prend le risque de rater notre correspondance et de devoir attendre sur le quai des minutes supplĂ©mentaires dont on aurait pu se passer. Et, j’avais finalement choisi ce trajet pour cette raison.

Mais ce dimanche, ça ne passe pas pour moi malgrĂ© plusieurs tentatives avec mon Pass Navigo tout Ă  fait valide. Finalement, un autre usager qui passe aprĂšs moi rĂ©ussit, lui, Ă  passer. TrĂšs poliment, il me retient la porte afin que je puisse passer Ă  mon tour. Je le remercie. Je passe et commence Ă  descendre les marches. Et, lĂ , un homme en civil peu aimable avec un brassard autour du bras se dirige vers moi. Avec autoritĂ©, il me demande une piĂšce d’identitĂ©. Je m’exĂ©cute tout en lui expliquant tout de suite : « Les machines ne marchent pas ». L’homme ne me rĂ©pond pas. Ma carte d’identitĂ© dans la main, je comprends qu’il me sĂ©questre alors qu’il m’intime de le suivre un peu plus loin oĂč, prĂšs d’un mur, dans un angle oĂč il est impossible de les apercevoir lorsque l’on se trouve prĂšs des portes de validation, se trouvent des contrĂŽleurs en tenue. Le flic, car, pour moi, il ne peut s’agir que d’un agent de police, remet ma piĂšce d’identitĂ© Ă  un des contrĂŽleurs sans prendre la peine de restituer un seul des mots que je viens de lui Ă©noncer et qui sont, pourtant, des faits :

Ces portes de validation marchent quand elles « veulent » et quand elles peuvent. Je peux en tĂ©moigner puisqu’il s’agit de mon trajet habituel de travail.

Une fois sa mission effectuĂ©e avec « efficacitĂ© » (interpeller toute personne qui franchit les portes “sans” valider son titre de transport), le flic repart se mettre Ă  son poste. Comme si je n’avais jamais existĂ©. Je n’aurai du reste plus le moindre contact avec lui.

Pour moi, c’est dĂ©cidĂ© dĂšs le dĂ©but de mon « interpellation » : Je refuse de payer une quelconque amende pour des machines qui dysfonctionnent !

J’explique au contrĂŽleur que j’ai bien prĂ©cisĂ© Ă  l’agent de police que les portes de validation ne marchent pas. Celui-ci m’écoute un petit peu. ContrĂŽle mon Pass Navigo. Puis, constatant qu’il est en rĂšgle, me dit trĂšs vite :

« C’est un Pass Navigo. Je ne vous le fais pas ! ». Traduction : « Je ne vous mets pas d’amende». Mais je suis encore sous le coup de l’agression de cette interpellation absurde et bornĂ©e : Plusieurs agents de la police et de la RATP (environ une dizaine) sont lĂ , en embuscade, en contrebas de ces marches d’escaliers afin de harponner des usagers fraudeurs. Mais aucun d’entre eux ne se prĂ©occupe du bon Ă©tat de fonctionnement des portes de validation comme du confort des usagers qui, comme moi, sont en rĂšgle, et doivent pourtant rĂ©guliĂšrement se farcir les dĂ©sagrĂ©ments occasionnĂ©s par des dĂ©rĂšglements techniques qui sont de la responsabilitĂ© au moins de la SNCF et de la RATP. Entreprises que les usagers- comme moi- paient. Cela, j’essaie de l’expliquer au contrĂŽleur.

Mais il n’est pas de mon avis.

Il me rĂ©pond qu’il y’a d’autres portes de validation en cas de problĂšme. Il ajoute :

« C’est comportemental. Si des usagers vous voient faire ça, ça les poussera Ă  faire pareil ». Son argument se tient. Mais oĂč se trouvent ces autres portes de validation dont il me parle ?! J’aimerais bien qu’il me les montre vu qu’il s’agit quand mĂȘme de mon trajet de travail et que je n’ai jamais remarquĂ© ces autres portes dont il me parle ! Et, menant le geste Ă  la parole, je lui indique de me montrer ! Et, il me montre.

En effet, Ă  deux ou trois mĂštres sur la gauche des portes de validation que j’emprunte habituellement, je dĂ©couvre d’autres portes de validation.   Sur le panneau indicatif qui les surplombe, sont signalĂ©es d’autres lignes de mĂ©tro que la mienne. Ce qui est sans doute la raison pour laquelle, si un jour – lors de mes premiers passages- j’avais portĂ© un vague regard sur ce panneau indicatif, mon cerveau avait rapidement Ă©liminĂ© cet itinĂ©raire et cette information. Sans prendre la peine de venir regarder, contrĂŽler, de prĂšs. Sauf que lĂ , “guidĂ©” en quelque sorte par le contrĂŽleur qui vient de contredire mes affirmations et mon expĂ©rience d’usager, je prends le temps d’aller regarder oĂč mĂšnent ces portes de validation dont il vient de me parler.

Le suspense est trĂšs court :  Je me rapproche. Et, en prenant le temps de les regarder, je dĂ©couvre qu’en passant par ces portes de validation, je peux ensuite facilement rejoindre mon itinĂ©raire de travail.  Jusqu’alors, je ne l’avais jamais remarquĂ© et je n’y avais jamais pensĂ©. Je m’Ă©tais persuadĂ© que si je prenais cet itinĂ©raire, donc ces autres portes de validation situĂ©es Ă  deux ou trois mĂštres Ă  gauche de celles que je prends habituellement, que cela serait impossible. J’Ă©tais convaincu que ce trajet Ă©tait sĂ©parĂ© de mon trajet par un mur. Sauf que le mur Ă©tait, dans les faits, dans ma tĂȘte. C’Ă©tait une construction de mon esprit. Et, j’Ă©tais restĂ© focalisĂ© sur mon seul trajet.  Sur “mes” portes de validation habituelles . Celles que j’avais sĂ©lectionnĂ©es de maniĂšre dĂ©finitive.  Et,  une fois celles-ci  sĂ©lectionnĂ©s, face Ă  un problĂšme de dysfonctionnement de leur part, au lieu d’essayer d’élargir mon champ d’horizon, de pensĂ©e et d’action, je m’Ă©tais obstinĂ© Ă  rester dans la mĂȘme logique : passer uniquement par ces portes de validation habituelles. Un peu comme si j’Ă©tais mariĂ© avec elles pour la vie. Pour le meilleur et pour le pire. Et qu’il m’avait Ă©tĂ© impossible de concevoir de leur faire une petite “infidĂ©litĂ©” en quelque sorte. De prendre un peu de libertĂ© par rapport Ă  leur fermeture rigide et obstinĂ©e. En cela, avant d’ĂȘtre confrontĂ© Ă  ce contrĂŽleur, je m’Ă©tais montrĂ© aussi rigide et aussi obstinĂ©, aussi butĂ©, que ces portes de validation. 

J’ai failli ĂȘtre sanctionnĂ© d’une amende, voire de plus si je m’Ă©tais agitĂ© ou rebellĂ©, parce-que je suis un usager des transports “fidĂšle”…Ă  des portes de validation qui ne me calculaient pas.  

 

On peut dire beaucoup Ă  propos de cette expĂ©rience. D’abord, ce flic, pour moi, reste un individu et un professionnel qui suscite la colĂšre. Une attitude comme la sienne, transposĂ©e dans un autre mĂ©tier, aussi terre Ă  terre, aussi butĂ©e, suscitera de la colĂšre chez d’autres personnes. Mais comme c’est un flic, toute personne qui, Ă  ma place, se serait rĂ©voltĂ©e physiquement ou verbalement au delĂ  de ce qui est « tolĂ©rable » sur un espace public en prĂ©sence d’un reprĂ©sentant de la loi ou de l’ordre, se serait retrouvĂ©e malmenĂ©e au moins physiquement. Fort heureusement pour moi, lors de cette situation d’interpellation, en dĂ©pit du stress de la situation, j’ai pu rester calme, confiant et capable de me maitriser et de m’exprimer « convenablement » : de façon policĂ©e et assez facilement comprĂ©hensible et supportable. Mon comportement a donc demandĂ© assez peu d’efforts d’adaptation intellectuelle, morale, culturelle, psychologique et physique Ă  mes interlocuteurs policier, et contrĂŽleur.

Ce contrĂŽleur « comportementaliste », on peut avoir envie de le critiquer. D’autant que celui-ci n’a pas compris mon insistance lorsque j’ai essayĂ© de lui faire comprendre ce qu’il pouvait y avoir de violent dans le fait de se faire interpeller par le flic comme je l’ai Ă©tĂ© alors que je suis en rĂšgle. Et que je n’ai fait que m’adapter quant Ă  moi au dysfonctionnement d’une machine dont je ne suis pas responsable. Ce contrĂŽleur ne semble pas non plus avoir compris que je me sois aussi exprimĂ© pour de futurs usagers Ă©ventuels qui, comme moi, alors qu’ils auront un Pass Navigo ou un titre de transport en rĂšgle, ne penseront pas Ă  se rendre vers les autres portes de validation, et se comporteront comme moi si celles-ci bloquent. Ce qu’il m’a traduit de la façon suivante : « Je suis gentil, je ne vous mets pas d’amende et vous essayez encore de nĂ©gocier ! Sinon, ça ferait 60 euros Ă  payer sur place ! ». Je lui ai rĂ©pondu que je voyais bien le geste de gentillesse. Mais que j’essayais de lui faire comprendre que j’étais de bonne foi ! La bonne foi, il la percevait bien m’a-t’il rĂ©pondu. Mais sa perception demeurait comportementaliste. Nous nous sommes sĂ©parĂ©s sur un « Bon week-end » sans amende.

 

Quel est le rapport avec ces articles sur la danse ?

Le plus facile pour moi qui Ă©tais en colĂšre serait de spontanĂ©ment dĂ©clarer que cet agent de police qui m’a contrariĂ© a Ă©tĂ© incapable « d’intĂ©grer perpĂ©tuellement » des gestes mais aussi des pensĂ©es inhabituels. Il m’a vu passer Ă  la suite d’un autre usager et en a dĂ©duit que j’étais en fraude. Par contre, il n’a pas vu ou il lui a Ă©tĂ© impossible de concevoir que j’aie pu essayer au moins cinq fois – en changeant de porte de validation- de passer au moyen de mon Pass Navigo parfaitement valide. Cela pour la version la plus optimiste.

Car la version la plus pessimiste donnerait ceci : Cet agent de police savait que les portes de validation Ă©taient dĂ©fectueuses. Mais, sciemment, afin de faire du chiffre en termes de contrĂŽle et se donner et donner l’illusion d’une efficacitĂ©, il a interceptĂ© toutes les personnes qui, comme moi, ce jour-lĂ , ont eu le mĂȘme comportement.

Personnellement, je crois à la version optimiste qui est déjà suffisamment irritante.

Je pourrais aussi avancer que le contrÎleur « comportementaliste », aussi, a eu du mal à

« intĂ©grer» une pensĂ©e et des gestes inhabituels. Sauf que, dans cette histoire, il est aussi celui qui a pris la dĂ©cision de ne pas me donner d’amende. Et de dĂ©sarmer tout de suite la crise ou l’injustice Ă©ventuelle. Ce en quoi, j’ai eu de la chance. Et, je l’en remercie encore. Car si je m’étais trouvĂ© face Ă  un contrĂŽleur aussi bornĂ© que l’agent de police, il m’aurait Ă©tĂ© plus difficile d’éviter une amende.

En outre, le contrĂŽleur que j’ai croisĂ© m’a dĂ©montrĂ©/rappelĂ©, qu’au lieu de foncer tĂȘte baissĂ©e vers les mĂȘmes portes de validation et vers les mĂȘmes dĂ©cisions qu’il importe, aussi, de savoir prendre le temps de regarder un peu autour de soi. Aussi, je dois conclure que, dans cette expĂ©rience, j’ai aussi eu beaucoup de mal, au moins par habitude, Ă  « intĂ©grer perpĂ©tuellement des gestes inhabituels et abstraits ». Cette habitude vient aussi de notre façon d’apprendre.

 

Toujours dans ce numĂ©ro de la revue Science & Vie que j’ai citĂ©, il est aussi dit : « (
..) Les chercheurs Timothy Lee, Stephan Swinnen et Sabine Verschueren ont montrĂ© en 1995 que, mĂȘme aprĂšs soixante essais pratiques, le cerveau ira toujours dans le sens des mouvements qu’il connaĂźt. Ce n’est qu’aprĂšs 180 essais qu’il reproduira systĂ©matiquement le nouveau schĂ©ma de mouvements » (interview de Deborah Bull, ancienne ballerine du Royal Ballet de Londres, par Aurore Braconnier, P24-31 dans Sport & Vie Hors sĂ©rie numĂ©ro 49).

 

 

 

Et, Ă©galement dans cette interview de Deborah Bull, nous apprenons que, selon Paul Fitts et Michael Posner, nous savons depuis 1967 que l’apprentissage d’une habiletĂ© motrice se dĂ©roule en « trois Ă©tapes » : D’abord, « la phase cognitive ». « A ce stade, les erreurs sont frĂ©quentes et, bien que l’on sache gĂ©nĂ©ralement que l’on fait quelque chose de mal, on ignore comment le corriger ». Puis, vient « la phase associative oĂč on commence Ă  associer certains indices au mouvement. Les normes de performance deviennent un peu plus cohĂ©rentes et on commence Ă  dĂ©tecter certaines de nos erreurs ». Enfin, « AprĂšs une pratique sĂ©rieuse et soutenue – qui peut prendre de nombreuses annĂ©es- certaines personnes (pas toutes) entrent dans la troisiĂšme phase, la phase autonome. Maintenant, la compĂ©tence est devenue presque automatique. On n’a plus besoin de penser Ă  ce que l’on fait et on peut souvent effectuer une autre tĂąche en mĂȘme temps – comme parler Ă  une camĂ©ra pendant que l’on danse ou tenir une conversation pendant que l’on conduit. C’est le mode pilotage automatique. On possĂšde tous un vaste rĂ©pertoire de compĂ©tences quotidiennes que l’on exĂ©cute automatiquement ».

 

J’ai Ă©tĂ© suffisamment autonome pour me rendre jusqu’à ces portes de validation en « mode pilotage automatique ». L’incident causĂ© par ce double contrĂŽle (policier et contrĂŽleur ) m’a donnĂ© la possibilitĂ© de me rappeler comment, finalement, cette forme de confort peut aussi faire perdre
une certaine autonomie de pensĂ©e et d’action et me rendre hors-service.

Lorsque je suis repassé aprÚs ma journée de travail, une affiche spécifiait que les portes de validation en question étaient hors-service.

 

 

Je prends toujours le mĂȘme trajet. Il ne m’est plus arrivĂ© la mĂȘme mĂ©saventure depuis.

 

Franck, ce lundi 21 janvier 2019. ,

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