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Le petit fantôme bleu, Mona Chollet-Réinventer l’Amour

 Le petit fantôme bleu, Mona Chollet-Réinventer L’Amour

 

Cette nuit, j’ai retravaillé. Une de mes collègues m’a rendu la trilogie Pusher ( Pusher III : Journée de merde pour papa-poule ) de Nicholas Winding Refn que je lui avais prêtée. Trilogie qu’elle a bien aimé. Elle m’a même dit qu’elle s’attendait à « plus violent ». Qu’elle ne connaissait pas le cinéma danois.

 

Toujours disponible, avec son sourire, ma jeune collègue ne dit « rien » de plus au point que l’on peut croire que c’est à dessein. Car on peut percevoir comme elle est observatrice des autres. Se met-elle en colère ? C’est difficile à savoir.

 

C’est aussi cette nuit que, comme prévu ( Le couple de la Saint-Valentin/ La femme dans l’homme, ) elle m’a prêté son livre de Mona Chollet :

 

Réinventer l’Amour.

 

 

A la réflexion, et je le lui ai dit, j’ai trouvé ça assez « provocateur » qu’elle me prête ce livre dans un service aussi « testostéroné » que celui où nous travaillons. Elle a alors….souri et m’a répondu qu’elle me prêtait ce livre car je lui avais demandé ce qu’elle lisait en ce moment. Une réponse imparable.

 

Cette  nuit, entre 3 heures et 5 heures du matin, j’ai lu les cinquante premières pages de Réinventer l’Amour.  Avec d’autant plus d’intérêt que je savais que son contenu dénotait dans le service. Dans notre service, pour diverses raisons historiques mais aussi pour certaines nécessités concrètes, certaines valeurs et actions « viriles » ou dites « masculines » peuvent s’exprimer et prédominer. Mais aussi s’agripper à une certaine façon de penser. Moi, j’apparais sans aucun doute encore comme suspect selon certains de ces critères et pour certains collègues :

Je serais « trop gentil » ; « trop patient » ; « je discuterais trop » et manque, ou manquerais, vraisemblablement de « poigne ». Ou de réalisme. Tant physique que verbal.

Si j’ai d’abord dit à ma collègue que, dans le service, j’avais soigneusement dissimulé son livre sous des magazines plus virils consacrés à l’Aïkido et aux Arts Martiaux, je n’exclue plus de m’y montrer avec ce bouquin. Cela pourrait être drôle. 

 

Pourtant, alors que je lisais Réinventer l’Amour, je commençais à faire provision, aussi, de quelques réserves. Dont certaines se sont un peu confirmées chez moi.

 

Ce matin, en rentrant du travail, je rangeais mes affaires lorsque j’ai aperçu ma fille qui se cachait derrière la veste polaire bleue de ma compagne qui est aussi sa maman.

 

 Je l’ai vue pratiquement tout de suite. Je me suis dit que tant que ma fille continuerait de se cacher de cette façon lorsque je rentre, et à jouer à être découverte et recherchée, que ce serait bon signe. Mais aussi, peut-être, que tant que je remarquerais aussi vite en rentrant qu’elle se cache afin d’être vue.

 

Que je n’ai pas tout raté. Que je ne rate pas tout dans ma relation avec elle, au travers de l’éducation que je lui « donne » mais, aussi, lui impose.

 

Dans son livre, Réinventer L’Amour,  Mona Chollet cite deux exemples de couples « réussis » où l’Amour a tenu toute la vie.

 

Celui d’André Gorz et celui de Serge Rezvani dont je ne connais pas les œuvres.

 

Le sujet de Réinventer l’Amour porte sur L’Amour entre deux adultes consentants. Et non sur l’Amour filial.

 

Et, Mona Chollet, elle-même, relate sa joie à avoir réussi à garder une relation apaisée avec son ex-compagnon. Je peux l’envier. Je me suis déjà demandé comment faisaient les autres pour garder des relations apaisées avec leurs ex. A ce jour, je n’ai pas réussi.

 

Toutefois, je remarque qu’elle comme André Gorz et Serge Rezvani n’ont pas eu d’enfant.

 

Pas le moindre enfant. Par choix. Un choix que je peux comprendre. Si en tant que personne adulte, je considère le fait d’être père comme une expérience extraordinaire à vivre en tant qu’être humain, je comprends que d’autres puissent décider de s’abstenir de vivre cette expérience. Car pour extraordinaire que soit cette expérience, elle est aussi très personnelle.

 

Cependant, j’ai l’impression qu’il manque « quelque chose » dans Réinventer l’Amour, lorsque Chollet parle d’Amour dans le couple, alors qu’elle cite sa propre expérience et deux couples exemplaires en matière d’Amour. Sans aucun enfant à proximité de ces expériences de couple.

On peut raconter tout ce que l’on veut, de sensé, sur le couple et l’atteinte du couple par le patriarcat. Et de ce qu’il faudrait faire pour éviter la destruction de l’Amour dans le couple. Mais, pour l’instant, si je lis à la lettre son livre, je constate que pour  Chollet, les premiers couples dont l’histoire d’Amour a été aboutie qu’elle cite sont des couples sans enfants.

 

Même si je peux avoir des « choses » à corriger dans ma perception du couple et de la vie, le fait d’être parent change donc la donne dans la « durée d’action de l’Amour » au sein d’un couple.

 

Que l’on n’essaie pas de me convaincre qu’un couple avec enfant dispose exactement des mêmes atouts et de la même disponibilité pour l’autre, qu’un couple sans enfant.

 

Que l’on n’essaie pas.

 

 

Même si le fait d’avoir un enfant peut être un atout.

 

 

Je ne regrette pas, par exemple, malgré certains efforts, certaines difficultés et certains de mes doutes, d’être le père de ma fille. Même si je suis insatisfait assez régulièrement de « mes états de services » en tant que père. Même si je suis contrarié de constater mes  infirmités en tant que père et que je m’inquiète de leurs retombées sur ma fille. 

 

 

Pour ces quelques raisons, aussi, pour essayer de conjurer les éventuelles retombées de mes infirmités, je tenais, ce matin, à parler un peu de ce petit fantôme bleu qui m’attendait, ce matin, à la maison, en rentrant.

 

Petit fantôme bleu, qui, ensuite, m’a présenté/imposé le menu de son restaurant.

 

Comme je n’ai pas réagi tout de suite lorsqu’elle l’a déposé près de moi dans la salle de bain, alors que je récupérais mes affaires de piscine et d’apnée, ma fille a déplacé le dit menu et l’a rapproché de moi. J’ai compris qu’il fallait que je le voie. J’ai donc demandé à ma fille :

 

« C’est pour que je commande à manger ? ».

 

Près de moi, elle a alors acquiescé avec un sourire d’évidence.

 

On est adulte, contrarié, fatigué ou simplement concentré sur diverses pensées qui n’ont rien à voir avec notre enfant ou qui ont simplement à voir avec notre monde intérieur (penser à ranger telles affaires pour se préparer à notre nuit de travail suivante, penser à écrire tel article, ou telles idées d’articles, faire quelques étirements pour le dos car on a fait du vélo en rentrant du travail…).

 

Et votre enfant est là, immédiatement devant vous. Tel un génie dont vous avez rendu l’existence concrète. Car vous avez œuvré pour cela. Personne a priori ne vous a forcé à le faire venir. Et, désormais, pour quelques années, ce génie apparaît souvent. Vous regarde et vous écoute, sans que vous vous y attendiez toujours.

 

 

Et ce génie vous sollicite. Que votre enfant vous gratifie ou vous contrarie, votre enfant est un génie. Vous n’êtes peut-être pas – toujours-  au courant. Car ce génie s’exprime parfois ou souvent sans répit en dehors des heures ouvrables de votre tolérance et de…de votre imagination. Peu importe ce qui s’est passé la veille ou ce que vous venez de vivre. Vous avez travaillé douze heures, dehors en rentrant à vélo, il faisait 7 degrés. Tout cela n’existe pas, ne compte pas, pour lui. Il n’est pas au courant. Lui, il sait qu’il ne vous a pas vu depuis la veille, plus de 12 heures auparavant. Pour lui, c’est tout ce qui compte. Et, ça y ‘est, vous êtes là devant lui, en chair et en os. C’est le moment où jamais. Vous êtes donc disponible. Et cherche donc à renouer avec vous. Pour lui, c’est la normalité. L’anormalité pour lui, c’est d’avoir été séparé de vous. Entre adultes, il existe  parfois ce rituel préliminaire, ou, avant de vous solliciter, ce qui est de toute son intention prioritaire, l’autre vous demande :

 

« ça va ? Tu as passé une bonne journée ? ». Alors qu’en fait, l’autre n’attend qu’une chose. Vous solliciter ou vous parler d’un sujet précis qui, pour elle ou pour lui, nécessite votre pleine et immédiate attention et adhésion. L’enfant, lui, s’il va bien et se trouve dans un environnement familial où il se sent en confiance, s’épargne- et vous épargne- ce genre de salamalecs et de faux-semblant. Plus tard, peut-être, il apprendra à le faire.

 

 

Quoi de plus facile à comprendre. Pourtant, ça, vous qui êtes évolué, adulte, intégré, réfléchi, vous ne le comprenez pas tout le temps. Vous, pas forcément malheureux de votre nuit de travail, pas nécessairement rejetant, vous avez néanmoins besoin d’un certain sas entre le monde dont vous venez ; le monde, les humeurs, les diverses transhumances que vous portez en vous et dans lesquelles vous vagabondez encore. Et l’immédiateté de la demande spontanée de votre enfant que vous ne prévoyez pas. Que, malgré votre « expérience » de lui, une fois de plus, vous n’avez pas vu venir. Pour lui, ce sas dont vous avez peut-être besoin, est une abstraction ou une absurdité d’adulte.

 

Il (votre enfant, bien-sûr, nous ne parlons pas de celui des autres)  semble régulièrement croire que vous avez l’aptitude de lire l’avenir. Mais aussi à lire dans ses pensées.  Cette demande et cette croyance renouvelées sont à la fois bon signe. Et résultent aussi du fait et de l’évidence que vous faites partie de l’Histoire de votre enfant. Mais aussi que  votre enfant fait partie de la vôtre.  Et que c’est comme ça. Un cercle qui semble alors infini. Et cette Histoire, ce cercle en mouvement, durant quelques heures, vous vous en êtes extrait, vous l’avez en partie oublié. Alors que votre enfant, loyal, et toujours magnétisé par le cercle de cette Histoire, s’en souvient. Il vous en rappelle à la fois le conte, l’existence mais aussi la naissance. Votre naissance.

 

Donc, penser ou croire qu’un couple sans enfant et un couple avec enfant – qui a pourtant conçu cet enfant par amour- ont les mêmes aptitudes, ou les mêmes volontés, pour réinventer l’Amour est une erreur. Mais comme je n’en suis qu’aux cinquante premières pages du livre de Mona Chollet, il est trop tôt pour que j’affirme qu’elle laisse sous entendre ça.  Cet article aura bien-sûr une suite.

 

Franck Unimon, ce mercredi 9 mars 2022.

 

 

 

 

 

 

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Panser les attentats- un livre de Marianne Kédia

 Panser les attentats –un livre de Marianne Kédia

 

(Pour ne pas céder à la peur)

 

Détermination et bienveillance

 

 

La couverture découvre deux mains l’une dans l’autre. C’est un geste simple. On pourrait se dire qu’il concerne un adulte et un enfant. Mais il s’adresse à tous. Les derniers mots du livre de la psychologue et psychothérapeute Marianne Kédia sont « détermination et bienveillance ».

 

Une détermination et une bienveillance dont elle entoure son livre et celles et ceux qui le touchent.  Un livre paru en 2016. 2016, cela paraît loin maintenant. Il y a quelques jours encore, nous fêtions Noël 2021. Puis a suivi la nouvelle année, 2022.

L’année 2016, c’est loin alors que la pandémie du Covid reflue lors de l’hiver. Avec le variant Omicron, ses plus de trente mutations- contre moins de dix pour le variant Delta encore présent du Covid. Alors que plus de cent mille personnes attrapent le Covid tous les jours, que le gouvernement, après le passe sanitaire, aspire désormais à imposer le passe vaccinal et sans doute la vaccination anti-Covid pour les enfants de moins de 11 ans.

 

La mort kilométrique

 

 

En 2016, nous étions « ailleurs ». L’assassinat par un terroriste de l’enseignant Samuel Paty, a eu lieu le 16 d’octobre 2020. Mais, déjà,  en 2020, les attentats terroristes nous semblaient plus loin qu’ en 2016. Peut-être aussi parce-que, comme l’explique également Marianne Kédia dans son livre, avec le principe de la « mort kilométrique », notre perception de l’assassinat de Samuel Paty a t’elle été influencée par notre distance avec l’événement :

 

Plus la mort est donnée loin de nous, moins elle nous terrorise. Conflans Ste Honorine, où Samuel Paty a été assassiné, c’est une ville de banlieue distante de vingt kilomètres de Paris. Conflans Ste Honorine est une ville de banlieue parisienne moins connue que d’autres.

 

Bien que située dans les Yvelines, la ville de Conflans Ste Honorine est moins connue que Versailles ou St Germain en Laye, lesquelles, déjà, font sans doute plus partie de l’histoire- ancienne- ou du Patrimoine de France. Même si, ces derniers temps, au travers de la candidate aux élections Présidentielles de 2022, Valérie Pécresse, on entend peut-être un petit peu plus parler de ces deux villes des Yvelines :

 

Saint Germain en Laye et Versailles.

 

Pour ma part, je connais la ville de Conflans Ste Honorine au moins pour y avoir travaillé. Mais aussi pour y avoir vu le guitariste John McLaughlin en concert. Et, une de mes ex y vit sans doute encore. Donc, pour moi, la ville de Conflans Ste Honorine est bien plus qu’un simple nom sur une carte. Je sais également comment m’y rendre. D’ailleurs, j’y suis passé avant hier en train. Mais je fais ici partie d’une minorité même si cette minorité se compte en milliers de personnes.

 

Alors que les attentats du 13 novembre 2015- dont le procès se déroule encore pendant quelques mois, à Paris- avaient eu lieu en plein Paris. Ou à Saint-Denis.

Contrairement à  la ville de Conflans Ste Honorine ou de Magnanville (ville située dans l’agglomération de Mantes la Jolie, à 60 kilomètres de Paris, ou en juin 2016, un policier et sa compagne s’étaient faits  assassiner par un terroriste islamiste) Saint Denis, déjà, est une ville de banlieue proche de Paris.

 

Le 13 novembre 2015, les attentats avaient débuté dans un endroit où peuvent se retrouver beaucoup de personnes de tous les environs dont Paris : Au Stade de France qui peut accueillir un peu plus de 80 000 personnes et où se déroulent des événements sportifs de masse. Le Stade de France reçoit des événements sportifs qui bénéficient d’un retentissement médiatique mondial. C’est donc un lieu sans doute plus connu dans le monde que Conflans Ste Honorine ou Magnanville.

 

Puis, après le Stade de France, le 13 novembre 2015, les attentats avaient essaimé en plein Paris. Je me rappelle encore où j’étais cette nuit-là : au travail, dans le 18 ème arrondissement de Paris. J’avais appris la « nouvelle » des attentats par ma collègue de nuit, qui, elle-même, l’avait appris par son compagnon. Autrement, de notre côté, tout était calme. Tant dans le service que dans le quartier.

Le lendemain matin, vers 7 heures du matin, j’était rentré chez moi. On rentre chez soi différemment lorsque l’on sait que durant la nuit ont eu lieu des attentats dans la ville où l’on se trouve.

Photo prise ce 22 décembre 2021 au Spot 13, à Paris.

En 2016, quand paraît ce livre de Marianne Kédia, notre attention, tant géographiquement, psychologiquement que chronologiquement, est davantage happée par les attentats- rapprochés–  comparativement à aujourd’hui, en 2022.

Rappelons aussi qu’à Nice, le 14 juillet 2016, un attentat terroriste effectué  » au camion-bélier » sur la promenade des Anglais- donc pendant les réjouissances nationales du 14 juillet- avait fait 86 morts et plus de 400 blessés.

 

Détermination et bienveillance

 

 

En 2016, ces attentats semblaient partis pour muter sans s’arrêter. C’est dans ce contexte que Marianne Kédia a écrit ce livre, Panser les attentats.  En psychologue et psychothérapeute dont les armes sont faites de….détermination et de bienveillance. Il faut bien se rappeler que les deux termes- détermination et bienveillance– sont ici rassemblés et clôturent le livre. C’est qu’ils prononcent l’intention principale de l’ouvrage. Une personne terroriste, peu importe son idéologie, islamiste ou autre, est également déterminée. Mais elle est rarement ou exceptionnellement bienveillante pour autrui lorsqu’elle passe à l’action.

 

Selon le dernier ouvrage de Hugo Micheron, Le Jihadisme Français : Quartier, Syrie, Prisons paru en 2020 (cité comme l’ouvrage actuel de référence sur le sujet par Charlie Hebdo dans son numéro de cette semaine), la stratégie des jihadistes serait désormais de privilégier davantage l’infiltration dans la société française par le biais de l’action sociale, politique et culturelle surnommée le « soft power ».  Par ailleurs, d’autres attentats auraient été désamorcés à temps par les services dont c’est la fonction.

 

Mais cela ne nous préserve pas pour autant définitivement d’autres attentats. Notre monde continue de se transformer. Et, ce qui se déroule par exemple en Afghanistan avec les Talibans qui ont repris le Pouvoir, ou ailleurs, peut avoir pour conséquence la réalisation d’autres attentats.

 

Les atouts et attraits de cette lecture

 

La prévention

 

Souvent, nous attendons que certains événements nous heurtent. Comme s’ils étaient à jamais improbables ou disparus pour toujours. Comme si nous devions constamment ou régulièrement découvrir ou redécouvrir que certaines violences et certaines catastrophes subsistent et existent. Alors que nous avons la possibilité mais aussi la capacité, en nous informant mais aussi en nous formant, de le savoir voire de nous y préparer.

 

Aujourd’hui, en 2022, on peut aussi lire cet ouvrage à titre préventif pour diverses situations – extrêmes- de notre vie courante. La prévention est une précaution dont on fait trop souvent l’économie. Je pars du principe qu’il y a de fausses économies :

 

A être trop sûrs de soi, certaines fois, on néglige certains domaines. Et, ensuite, il arrive de se retrouver dans l’embarras, du genre en panne sèche sur l’autoroute à cinquante kilomètres de la première station d’essence, ou en état de panique face à une situation réellement inquiétante qui, pourtant, s’était déjà produite. Dans certains pays tels le Japon, sujet aux tremblements de terre, la population est éduquée ou entraînée de façon à savoir comment réagir lorsque la terre tremble.  

 

Marianne Kédia le rappelle bien : le terrorisme a pour but de détruire la cohésion sociale.

Vu comme ça, la « cohésion sociale », peut faire penser à une chose abstraite, floue et générale, donc très distante de soi. La « cohésion sociale », on peut penser que c’est les autres à vingt ou trente kilomètres de soi. Ou que cela concerne l’assistante sociale. Même si c’est vrai, ce qui va se passer à vingt ou trente kilomètres de soi- ou plus proche de soi- aura des effets, d’une façon ou d’une autre, sur nous.

 

Si le but du terrorisme, c’est de détruire la cohésion sociale, ce qui nous tue, aussi, d’abord, tous les jours, c’est d’être de plus en plus, chacun dans son camp, étrangers les uns aux autres. Cela a ses avantages : une certaine liberté hors du jugement des autres. Sauf que si nous sommes étrangers les uns ou autres, il arrive aussi que nous soyons aussi des étrangers pour nous-mêmes.

Dans la vie sociale, nous sommes souvent plus superposés ou amenés à occuper un espace et un moment qu’ensemble. Donc, déjà, nous sommes plus ou moins quelque peu extérieurs à une certaine cohésion sociale :

 

Si une personne dans les transports en commun, ou ailleurs, se fait agresser devant plusieurs témoins qui restent passifs. Alors que ces témoins sont numériquement plus nombreux que le ou les agresseurs, c’est aussi parce-que cette personne qui se fait agresser devant eux leur est « inconnue ». Distante et inconnue. Etrangère. Le destin de cette victime leur semble d’abord n’avoir aucun rapport avec leur propre destin ou ne serait-ce qu’avec leur réputation.

 

 

Cependant, je ne passe pas mes jours et mes nuits à guetter l’attentat qui rôde. Je continue de préférer d’autres occupations que celles de « chasseur » ou de « pisteur » d’attentats. Et puis, je n’ai pas de compétences ou de dons pour détecter les attentats.

 

Par contre, j’ai trouvé dans les propos de Marianne Kédia des réponses qui peuvent s’appliquer, aussi, à bien d’autres situations que des attentats.

 

Trop souvent, la tendance est à cloisonner les disciplines comme les expériences. Alors que ce que l’on apprend dans une discipline ou dans une expérience peut se transposer dans d’autres domaines. C’est pour cela que j’ai lu l’ouvrage de Kédia autant en tant que personne qu’en tant que soignant.

Par exemple, lors de la nuit des attentats du 13 novembre 2015, après avoir appris par son compagnon que des attentats avaient lieu en plein Paris, où notre service d’hospitalisation pédopsychiatrique pour adolescents se trouve , ma collègue de nuit m’avait alors dit :

 

« J’ai envie d’allumer la télé pour regarder les infos…. »

 

Ma réaction avait été instinctive :

 

« Tu peux. Mais sans moi ! ».

 

Avant même d’allumer la télé, je savais ce sur quoi nous allions tomber. Regarder la télé, à ce moment-là, c’était se faire gaver comme des oies, en continu, avec des informations anxiogènes. Je ne voyais pas en quoi cela allait ou pouvait m’apporter quoique ce soit de bénéfique. Cette certitude me venait sans aucun doute de mes souvenirs de ces heures passées, chez mes parents, à rester cramponné, pendant des heures, à des programmes télé de plus en plus débiles à mesure que je les regardais. Je m’apercevais que je m’avançais de plus en plus sur l’autoroute du néant de la pensée. Pourtant, je restais fixé, crucifié, devant l’écran.

 

Mes souvenirs des spots d’informations répétitifs de la radio France Info, écoutés à une époque où j’ambitionnais ainsi de m’informer et me cultiver, sont sans doute aussi remontés la nuit du 13 novembre 2015. Lorsque j’ai répondu à ma collègue et amie.

 

A la fin de son livre, Marianne Kédia, donne entre-autres, comme recommandation, de limiter notre exposition à la télé en période d’attentats précisément pour éviter de connaître une anxiété galopante qui pourrait franchir toutes les frontières. A la place, elle préconise, à juste titre, de s’informer en lisant des journaux voire, en écoutant la radio (en évitant les radios qui répètent les mêmes flashes en continu).  Car la surinformation fait des dégâts comme le surarmement.  Marianne Kédia fait ainsi cette analyse :

 

Le plus souvent, lorsque des informations nous sont « données »à chaud par rapport à un événement catastrophique ou choquant, ces informations, masquent leur vide par leur répétition industrielle. Elles nous injectent principalement du bruit sonore, des suppositions, de l’agitation et du parasitage qui mettent et maintiennent en alerte. Alors que cet état d’hyper-vigilance, de peur et d’alerte maximale n’a aucune utilité pour la majorité des personnes qui écoutent ou regardent ces informations. 

 

Marianne Kédia considère que les média, lorsqu’ils se comportent de cette manière, agissent comme un « cerveau traumatisé » qui répète en boucle la même information. Je me dis ce soir qu’à comparer alors certains média à un  « cerveau traumatisé » que Kédia est encore trop indulgente. Et qu’elle pense encore en soignante bienveillante et optimiste qui peut aider à guérir.

 

Je suis peut-être moins bienveillant ou moins optimiste qu’elle car, moi, devant cette banalisation et cette hyperproduction de bruit sonore, de suppositions, d’agitation et de parasitage, je vois surtout ce avec quoi notre civilisation et notre société nous  éduque, nous nourrit et nous dirige régulièrement. Et, il faut des événements plus marquants que d’autres, tel un attentat, une pandémie ou les fêtes de Noël avec toute sa mise en scène avec les illuminations, les promotions et les réclames où, d’un seul coup, on se doit d’être joyeux coûte que coûte pour s’apercevoir de certains aspects disproportionnés et pathologiques de notre mode de vie.

 

Pedigree, pédagogie

 

Je n’avais jamais entendu parler de Marianne Kédia avant ma lecture récente de Ricochets-Un livre de Camille Emmanuelle qui la cite, entre autres. Dans son livre, Camille Emmanuelle cite aussi Patrick Pelloux, lequel avait également écrit sur son deuil après les attentats de Charlie Hebdo ( voir L’instinct de vie ). 

 

 

Marianne Kédia, spécialisée dans le traitement des psycho-traumas (ou PTSD dans son appellation anglaise) a également écrit Dissociation et mémoire traumatique et participé à la rédaction de L’aide-mémoire psycho-traumatique.

 

Par ailleurs, elle cite entre autres Bessel A. Van Del Kolk qu’elle présente comme l’un des plus grands spécialistes actuels du syndrome post-traumatique. Lequel a écrit l’ouvrage Le corps n’oublie rien.

 

Diplômée en 2003, Marianne Kédia compte déjà une certaine expérience clinique dans plusieurs univers. Dans le monde de l’entreprise, dans l’Humanitaire, dans des associations et à l’hôpital.

 

J’ai été marqué par son engagement dans son travail. Je me demande comment on peut maintenir un tel engagement, sur la durée, comme elle le fait, là où elle le fait. Son métier est autrement plus éprouvant que d’autres. Pour moi, le métier de soignant consiste à « manger de la violence et de la souffrance ».

 

Son très grand engagement vient-il de son « jeune » âge ou d’une passion comme elle le dit ?

 

Quoiqu’il en soit, dans une période de grande violence et de grande souffrance, les personnes qui savent nous divertir, nous faire rêver mais aussi celles qui visent à nous rassurer et nous soigner jouent un rôle prépondérant dans une société. On l’oublie souvent- même des soignants l’oublient- mais un soignant joue également un rôle fondateur, pacificateur, égalitaire, démocratique et stabilisateur dans une société. Soit l’opposé du terrorisme qu’il soit religieux, intellectuel, économique ou politique.  Ou de l’inquisition.

 

L’ouvrage, Panser les attentats (sans doute aussi un jeu de mot avec le verbe « penser ») de Marianne Kédia est paré de ces vertus fondatrices, pacificatrices, égalitaires, démocratiques et stabilisatrices.

 

Son livre se parcourt plutôt facilement. Il est très pédagogique. L’humour le ponctue dans certains passages. La fin me donne un peu l’impression d’avoir été écrite plus rapidement que les trois premiers quarts. Je trouve aussi qu’elle insiste beaucoup pour orienter vers son corps de métier, en cas de besoin, les psychologues.  Mais elle connaît son sujet. Son livre est à avoir, à lire et  à appliquer. Avec détermination.

 

Franck Unimon, ce dimanche 9 janvier 2022.

 

 

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Helie de Saint Marc par Laurent Beccaria

Helie de Saint Marc par Laurent Beccaria

 

 

« Tu veux être bon ?! Va où est le chaos… ».

 

Nous sommes des millions, en France, à considérer qu’à partir de ce soir ( ce vendredi 17 décembre 2021)  vont débuter les vacances de Noël. Et de nombreux préparatifs, dans cette intention, ont déjà été entamés.

 

Qu’est-ce qu’on va manger ? Avec qui on va faire la fête ? Quoi offrir ?

 

Pour certains, Noël et ses vacances sont une période joyeuse. Pour d’autres, il s’agira d’un bataillon de leurres à endurer plus que d’autres jours. Une croix à porter.

Gare de Paris St Lazare, 7 décembre 2021.

 

 

Toutes ces illuminations et ces airs de musique optimistes. Avec ces suggestions de cadeaux qui se déversent même dans  des média « sérieux ». Forêts hormonales- et de nitrates- surgies brutalement et à travers lesquelles il s’agira de cheminer comme si tout cela était normal. Et qui disparaitront ensuite pour être remplacées par d’autres ténors magistraux : les soldes, la galette des rois….

 

Hélie de Saint Marc, lui, ne fêtera pas Noël. Il est mort en 2013…à 91 ans.  Après plus de 90 Noël. C’est une longévité étonnante pour un homme qui a fait beaucoup plus que de décorer des sapins de Noël.

 

Il a envoyé quelques hommes au sapin, en a vu d’autres se faire harponner par lui. Et, lui-même, dans sa jeunesse, avait évité de peu sa transformation en sapin. C’était pendant la Seconde Guerre Mondiale, dans un camp de concentration nazi. Il avait à peu près vingt ans. Puis en Indochine. Il y avait eu, aussi, la Guerre d’Algérie….

 

Les décorations militaires qu’ Hélie de Saint Marc avait reçues ne venaient pas d’un magasin vendant des articles pour Noël.  

 

Je serai peut-être décédé bien avant mes 91 ans, moi qui bénéficie encore de la sécurité sociale, d’une certaine sécurité de l’emploi et qui réussis à manger à ma faim. Mais aussi à me plaindre, à être insatisfait. Et si, un jour, on parle un petit peu plus de moi que lui et de toutes celles et tous ceux qui lui ont ressemblé, qui lui ressemblent ou lui ressembleront, noirs, blancs, jaunes, arabes, hétérosexuels ou homosexuels, transgenres ou queer, femmes, hommes ou enfants, cela ne changera rien aux faits.

 

Les faits sont que Hélie de Saint Marc, comme celles et ceux qui lui ressemblent, pour moi, est une très grande personne. Beaucoup plus que moi. Et, obtenir plus de « popularité » que lui, si cela arrivait, n’y changera rien.

L’écrivaine Annie Ernaux, vraisemblablement en 1963.

 

Soyons précis : c’est ce que j’ai cru entrevoir chez l’homme qu’a été Hélie de Saint Marc, malgré son parcours de militaire qui me fait écrire ça. Certaines de ses…valeurs. Il aura été un homme engagé et un résistant. Il existe différentes formes de résistances. Pour moi, lorsque Annie Ernaux, dans sa nouvelle, L’événement, raconte son avortement clandestin, en 1963, alors qu’elle a une vingtaine d’années, dans le périmètre de Rouen, je vois aussi une résistante.

Et, lorsqu’en Guadeloupe, le musicien Vélo, joue du Gwo-Ka, alors que ce genre de musique est alors mal perçu ( ou le Maloya à la Réunion à une certaine époque), je vois aussi un résistant.

 

Aujourd’hui, le mot Résilience, beaucoup transmis par Boris Cyrulnik, est souvent « dicté » comme une évidence, mêlés parmi d’autres termes qui seraient nos boussoles et nos idéaux communs et immédiats :

 

Humanité, tolérance, bienveillance, être une famille, entraide, solidarité, écologie, démocratie, égalité, liberté, écoute, assistance, conseil, rebondir…

 

Les personnes résistantes sont celles qui s’aperçoivent que la pensée dominante est un échec. Et que le chaos auquel cette pensée obéit ne fera rien sortir de bon ou de meilleur chez l’être humain.

 

« Tu veux être bon ?! Va où est le chaos…. ». Cette phrase ne signifie pas :

 

« Fais-toi plaisir, écrase tout le monde autour de toi parce-que tu es très fort et que tu as beaucoup de pouvoir ».

 

Cette phrase ne signifie pas : « Bâtis un empire de carnage à ton image et prends ton pied absolu sans te retourner. Et sans jamais te préoccuper des autres ou te consacrer à eux ».

 

Contexte de lecture

 

Hélie de Saint Marc, un prénom et un nom  inconnus, aujourd’hui.

 

Comparativement au variant Omicron de la pandémie du Covid. Au rappeur Orelsan .

Gare de Paris St Lazare, 7 décembre 2021. En haut à droite, au dessus de la sortie, une affiche montrant le rappeur Orelsan pour la promotion de son nouvel album  » Civilisation ».

 

 

Pardon pour la chronologie mais j’essaie de trouver des actualités qui parlent ou parleront rapidement au plus grand nombre :

 

Ouvrage dirigé par Zineb El Razhaoui, ancienne journaliste de  » Charlie Hebdo », dans lequel elle recueille 13 témoignages de victimes ou de proches de victimes des attentats islamistes du 13 novembre 2015 à Paris. Elle fait aussi le portrait du meneur de ces attentats.

Le procès des attentats islamistes du 13 novembre 2015 ; Le candidat aux élections présidentielles polémiste-journaliste-écrivain-extrémiste de droite-futur papa Eric Zemmour ; la pénurie infirmière et médicale ;

 

 

L’hebdomadaire Télérama de ce 15 décembre 2021.

 

 

le refus du passe sanitaire et de l’obligation vaccinale en Guadeloupe et dans d’autres régions de France et d’outre-mer ;

 

 

Le journal  » Charlie Hebdo » de ce 15 décembre 2021.

 

 

la normalisation des relations de certains pays du Machrek tels le Maroc avec Israël ; L’emprise croissante de la Chine sur Hong-Kong et dans le Monde ; L’incarcération à la prison de la Santé de Claude Guéant , l’ancien Ministre de l’intérieur très sûr de lui, de l’ex Président de la République, Nicolas Sarkozy pour détournement de fonds ; L’accusation de viol portée à l’encontre de personnalités populaires ( masculines) telles que Nicolas Hulot, ancien Ministre mais aussi animateur de télé vedette, Yannick Agnel, ancien champion olympique de natation ; La Turquie qui brûle ou ampute les doigts de certains de ses écrivains afin qu’ils ne puissent plus écrire ; La sonde Parker Solar Probe, de la NASA, qui a « touché le soleil pour la première fois » (La sonde lancée en 2018  «   a franchi une bordure symbolique appelée la frontière d’Alfvèn » située à 15 millions de kilomètres de la surface du Soleil ». Article de France info publié le 16 décembre 2021) ; la sortie du « nouveau » film Matrix Résurrections ce 22 décembre 2021. La mort récente de Pierre Rabhi, écologiste modèle, homophobe et assez misogyne.  

 

 

Première page de couverture du journal  » Charlie Hebdo » de ce 8 décembre 2021. Avec, à gauche, l’homme politique, Eric Ciotti, au centre, la femme politique Valérie Pécresse, à droite, la femme politique Marine Le Pen et, allongé, à plat ventre, Eric Zemmour ex-journaliste, polémiste, écrivain qui s’est déclaré récemment candidat aux élections présidentielles de 2022.

 

 

Hélie de Saint Marc n’appartient plus à cette époque. Mais je cite ces quelques événements car je crois que connaître un peu le contexte qui entoure une lecture peut rajouter du relief et une certaine profondeur à un article.

 

La couverture de l’hebdomadaire Télérama de ce 15 décembre 2021. Le rappeur Joey Starr, un des meneurs du groupe de Rap NTM ou Suprême NTM y est montré en première page. Aujourd’hui, le groupe NTM n’existe plus. Mais un film consacré au groupe  » Les Suprêmes » d’Audrey Estrougou est sorti au cinéma le 24 novembre 2021 et marche plutôt bien en salle. Par ailleurs, Joey Starr, depuis cette photo en 1988, est depuis devenu un acteur et un comédien ( tant au cinéma qu’au théâtre) reconnus. Ce que rien en particulier ne laissait présager lorsque le groupe NTM a sorti ses premiers albums dans les années 90, Joey Starr se faisant plus « connaître » pour ses frasques ainsi que pour sa musique et ses prestations scéniques.

 

 

Ma « découverte » de Hélie de Saint Marc  :

J’avais « entendu » parler de Hélie de Saint Marc sans doute un peu avant sa mort.

 

« Tu veux être bon ?! Va où est le chaos » n’est pas de lui.

 

Le Maitre Kacem Zoughari en couverture d’un précédent numéro de la très bonne revue d’Arts martiaux, Yashima.

 

 Cette phrase- à laquelle j’ai déjà fait référence- a été prononcée par Kacem Zoughari, Maitre d’Arts martiaux, lorsqu’il avait été interviewé pour le magazine Yashima par Léo Tamaki, un autre Maitre d’Arts Martiaux. Un des Maitres d’Arts Martiaux de Kacem Zoughari , devenu un Sensei lui-même, lui avait donné un jour ce « conseil ».

 

 

 Hélie de Saint Marc n’était ni prêtre, ni rappeur, ni Maitre d’Arts Martiaux :

Il a été résistant, déporté dans un camp de concentration nazi, militaire, légionnaire parachutiste, officier. Il a avait été entaché par sa participation au putsch des généraux en Algérie en 1961 qui s’est opposé au Général de Gaulle. Condamné pour cela à faire de la prison. Puis réhabilité après plusieurs années d’incarcération. Enfin, il est devenu écrivain et ses livres, où il raconte « ses » guerres et ses époques, sont bien cotés.

Je n’en n’ai lu aucun pour l’instant par contre j’ai lu cette biographie que lui a consacré, de son vivant, un des membres de sa famille, Laurent Beccaria, historien, ainsi que cet ouvrage qui retranscrivait sa rencontre avec un ancien officier nazi :

Notre Histoire avec August Von Kageneck , conversations recueillies par Etienne de Montety.  

 

Autant que je le comprenne, Hélie de Saint Marc n’a jamais eu d’ambitions politiques et n’a jamais cherché à se montrer dans les média ou  à participer à une émission de téléréalité. Il était plutôt à l’opposé de ce mode de « vie ».

 

Ce qui le différencie complètement d’un Général de Gaulle, son aîné de plusieurs années, qui avait désobéi au Maréchal Pétain en entrant dans la Résistance, c’est son absence d’ambition et stratégie politique. C’est aussi ce qui le sépare de certains des généraux qu’il avait rejoints lors du putsch des généraux en Algérie en 1961. C’est, entre autres, ce qui ressort de cette biographie.

 

Qu’ai-je retenu de cette biographie ?

 

Si le variant Omicron de la pandémie du Covid est de aujourd’hui le variant dont on parle de plus en plus depuis le début officiel de cette pandémie en France en mars 2020, j’avais lu ou commencé à lire cet ouvrage lorsque le variant Delta de la pandémie était dominant. Peut-être avant l’obligation vaccinale comme celle du passe sanitaire décidée par le Président Macron et son gouvernement ce 12 juillet.  

 

J’ai terminé sa lecture il y a maintenant deux ou trois mois. Je me rappelle d’un jeune Hélie de Saint Marc, issu d’une famille vivant dans les environs de Bordeaux depuis plusieurs générations, plutôt d’un bon milieu social. Une famille cultivée. Catholique pratiquante. Je me rappelle d’un père (celui de Hélie de Saint Marc) avocat ou notaire, ôtant son chapeau avec respect lorsqu’il croisait des juifs forcés par le gouvernement Pétain à porter l’étoile jaune.

 

Je me souviens d’un jeune Hélie de Saint Marc plus à l’aise pour parcourir la région à vélo que pour réaliser des prouesses intellectuelles à l’école. Le travail scolaire lui demandant beaucoup d’efforts afin d’obtenir des résultats moyens ou corrects. Par contre, le jeune Hélie, qui avait au moins un frère, lisait avec admiration les récits de certains grands hommes ou aventuriers.

 

 

Lorsque l’Allemagne nazie envahit la France jusqu’à se répandre à Bordeaux, c’est la colère qui anime le jeune Hélie de Saint Marc. Dans cet ouvrage ou dans Notre Histoire, il rappellera comme il avait alors fait l’expérience douloureuse – voire traumatique- et s’en rappellera plus tard, qu’un grand empire établi et semblant parti pour durer peut péricliter en très peu de temps. La France d’aujourd’hui n’est peut-être qu’une vitrine de Noël pour touristes, consommateurs, extrémistes ou terroristes et apparaît assez souvent comme la spectatrice un peu consultée des décisions prises par les plus grandes Puissances (La Chine, les Etats Unis, la Russie, Le Japon, l’Allemagne, Israël…). Le récent raté où l’Australie a préféré, finalement, rompre le contrat par lequel elle s’était engagée à acheter des sous-marins nucléaires à la France au bénéfice des Etats-Unis et de la Grande Bretagne « prouve » à quel point la France a reculé ou recule dans le classement des Nations qui « comptent ».

 

 Mais la France des années 1940 était encore une des plus grandes Puissances mondiales. Ainsi qu’une des plus grandes Puissances coloniales. C’est dans cette France et dans sa mémoire concrète et directe qu’Hélie de Saint Marc est né et a grandi. Mémoire d’autant plus concrète qu’il était né dans l’hexagone et qu’il avait suffisamment d’aisance et de conscience sociale et intellectuelle pour en ressentir une certaine fierté.

Mes grands parents paternels et maternels, de la même génération qu’Hélie de Saint Marc, tous nés en Guadeloupe, un peu plus de cinquante ans après l’abolition de l’esclavage, dans un milieu social rural, manuel, modeste voire pauvre, avaient très certainement une autre perception de la France. Mais aussi de leur propre importance dans le monde en tant que personnes.

 

 

 

 

Extrait du journal  » Charlie Hebdo » du 15 décembre 2021 à propos du refus, en Guadeloupe, de la vaccination anti-Covid et du passe sanitaire obligatoires.

 

 

Bien-sûr, être issu d’un milieu modeste et « sinistré » n’empêche pas, malgré tout, d’être pourvu d’une certaine conscience de soi et de s’accorder de l’importance. Mais cela nécessite sûrement une très grande confiance en soi, une pulsion de vie particulièrement développée, voire hors norme, un farouche optimisme en même temps que certaines qualités ou vertus d’opportunisme. Soit des aptitudes qui peuvent être présentes en beaucoup d’entre nous. Encore faut-il s’autoriser à les exprimer. Or, ce qui opprime et refrène aussi, beaucoup, les êtres, c’est toute cette armada de censures et d’interdits qu’ils se sont copieusement entraînés à assimiler pour être acceptés ou aimés.

 

 

A telle époque et dans telle région, il s’agira d’adopter telle religion pour être bien vu ou pour éviter la mort et l’humiliation économique, sociale ou physique.

Ailleurs, ce sera telle langue plutôt qu’une autre. Ou telles mœurs. Aller à contre-courant de ces normes et de ces pensées dominantes nécessite plus que de la chance et de la « simple » volonté. C’est l’une des raisons pour lesquelles, après avoir été des fidèles croyants, nous sommes majoritairement des consommateurs et des exécutants.

 

Parce qu’être lucide en permanence, s’opposer,  résister (la créativité culturelle et artistique font partie de la résistance) ou devenir un meneur exige des efforts particuliers. Efforts qui ne sont pas toujours loués, compris, encouragés ou partagés par nos familiers ou proches. Efforts qui ne rencontrent pas toujours le succès et la reconnaissance….

 

Le contraire du mot « consommateur », c’est peut-être, dans sa version active et radicale, de devenir un transformateur. Et dans sa version plus sociable et plus indulgente, cela consiste à essayer de devenir un transmetteur.

Première page du New York Times du 8 décembre 2021.

 

 

La résistance

 

 

Résister, s’affirmer, c’est donc, à un moment ou à un autre,  être prêt, si nécessité, à s’exiler même si cela peut devenir dangereux. Parce-que s’exposer à l’inconnu et à l’isolement pour une durée indéterminée est une aventure dangereuse.

 

C’est  pourtant ce que va faire le jeune Hélie de Saint Marc. Sa connaissance de la région va d’abord faire de lui un messager opportun, et de confiance, pour la résistance française. Un univers d’hommes  plus âgés que lui. Dans un mouvement de résistance bien organisé.

En lisant ce livre, je découvrirai que si l’on a souvent une image idéalisée a posteriori de la résistance comme d’une action collective héroïque et bien structurée, qu’il était,  aussi, des mouvements de résistance si mal organisés qu’un certain nombre de leurs membres, pourtant exemplaires, se sont fait attraper ou tuer comme des amateurs. Leur tort étant d’avoir confié trop facilement leur vie à des meneurs…incompétents en termes d’organisation. Ce qui,  aujourd’hui, pourrait aussi nous faire penser à  des cadres, des entraîneurs, des conjoints, des amis, des proches, des professionnels ou des chefs d’entreprise (ou d’Etats) incompétents.

 

Dans le numéro du journal Le Parisien d’hier, je suis retombé sur ce fait divers arrivé le 8 juin 2018 à Argenteuil, dans ma ville, dans le centre commercial Côté Seine. Un centre commercial que je n’aime pas et, où, le 8 juin 2018, une mère a perdu un de ses jeunes enfants. Son erreur ? Avoir fait confiance à l’ascenseur qui permettait d’accéder à l’étage supérieur. Des ascenseurs dans des immeubles ou dans des centres commerciaux, nous en prenons tous. Celui-ci a « lâché » sur plus de deux mètres. Le môme n’a pas eu le temps de sortir. Il est mort écrasé sous les yeux de sa mère et de son jeune frère. Trois ans plus tard, aucun des responsables des diverses entreprises chargées de la maintenance de l’ascenseur n’a eu à s’expliquer devant un tribunal. Chacune des entreprises renvoie à l’autre à la responsabilité de la défaillance.

 

Voici ce que m’évoque, aujourd’hui, ces résistantes et résistants, qui, hier, comme aujourd’hui, confient ou confieront facilement leur vie à certains décideurs ou dirigeants qui, de leur côté, affirmeront que tout va bien se passer sans, par ailleurs,  prendre le temps et la précaution de véritablement s’impliquer afin que tout se déroule comme prévu ou puisse être résolu en cas d’imprévu.

 

Hélie de Saint Marc, lui-même, fera cette expérience en cherchant à s’affranchir du mouvement de résistance qui l’a initié. Il voudra s’engager davantage et tombera, comme d’autres volontaires, dans une embuscade qui le déportera dans un camp de concentration. Bien que moins robuste que d’autres, il y survivra deux fois. Une première fois grâce à l’entraide concrète dont il bénéficiera du fait de certaines amitiés et relations. Et, une seconde fois parce qu’un homme plus âgé que lui, un Lithuanien, je crois, taillé pour le travail de mineur, et aussi voleur intrépide de nourriture, décidera de le prendre sous sa protection et de partager avec lui ses vols alimentaires.

 

 

Lorsque l’on apprend déjà « ça » de Hélie de Saint Marc, comme de ceux qui l’environnent et qui vivent cela avec lui, on comprend mieux ce qu’il faut avoir comme parcours et ressources en soi pour être un résistant.

 

Mais on peut être un héros et un résistant et avoir des convictions idéologiques contraires. Cela arrivera à Hélie de Saint Marc qui croisera Jean-Marie Le Pen, « le père de », qui sera un de « ses » lieutenants et un de ses « subordonnés ». La biographie de Beccaria s’étend peu sur cette connaissance de Saint Marc en Indochine, je crois. Mais il ressort que Saint Marc ne partage pas les buts de l’OAS et, plus tard, de l’Extrême droite fasciste. Même s’il a pu connaître et combattre aux côtés de certains de ses futurs membres et meneurs.

 

Pour comprendre ce qui lui prend d’être du côté des généraux qui, en Algérie, organisent le Putsch en 1961 contre le Général de Gaulle, il faut savoir ce qui s’est passé en Indochine :

 

Lorsque la France, après avoir fait de certains asiatiques ses alliés et ses soldats (des villages), les abandonne sur place après avoir perdu la guerre, faisant d’eux les victimes des  vainqueurs.

En Algérie, l’histoire se répète avec les harkis et les tergiversations autant politiques que militaires de De Gaulle ainsi que ses visions coloniales pour ne pas dire colonialistes. Saint Marc est décrit comme un idéaliste qui s’attache aux indigènes en toute sincérité comme à leur loyauté et qui croit aussi à une réelle égalité des droits entre Algériens et pieds noirs. Alors que le gouvernement français de l’époque voudrait tantôt garder l’Algérie française telle quelle ou la « rendre » au FLN alors que, militairement, la France serait en train de gagner la guerre. Et que des soldats français, après avoir « perdu » face aux nazis et après avoir perdu la guerre d’Indochine voudraient, pour leur honneur et celui de la France, imposer cette victoire française.

 

Je ne suis pas pro-Algérie française et encore moins pro-OAS. Mais j’ai aussi appris que le FLN a aussi produit des horreurs. Et, je crois que le Martiniquais Frantz Fanon, psychiatre de référence ( sur lequel le réalisateur d’origine haïtienne Raoul Peck serait en train de réaliser un film), très engagé auprès du FLN, a eu une certaine  « chance » de mourir- jeune, à 39 ans- d’une leucémie avant l’indépendance de l’Algérie. Car l’Algérie qu’il a défendue comme d’autres, un demi siècle plus tard, n’est pas devenue la démocratie – plutôt laïque- pour laquelle il s’était battu. L’Algérie devenue indépendante en 1962, peu après sa mort,  semble l’avoir plutôt rapidement « oubliée ».

 

 

 

La jouissance du danger

 

 

Parler, un peu, de Hélie de Saint de Marc ,  c’est aussi parler de cette  «  jouissance du danger » qui pousse certaines personnes à agir comme elles le font. Cette jouissance du danger, dans sa partie la plus visible, serait d’abord propre aux résistants, combattants civils et autres, aux militaires, mais aussi sans doute à bien des membres de certains groupes d’intervention tels que le RAID, le GIGN, les SAS, la BRI, dans le banditisme et le grand  banditisme, dans les organisations terroristes.

 

 Mais, également, aussi à celles et ceux qui participent à certaines actions militantes :

 

Sea Sheperd ;

 

Txai Surui ? la jeune indigène brésilienne de 24 ans, présente à la récente COP de Glasow, en novembre, consacrée au réchauffement climatique et à l’épuisement des ressources de la planète, qui a affirmé, après la jeune suédoise, Greta Thunberg :

 

« La planète nous dit que nous n’avons plus le temps ».

 

 Nous pouvons aussi penser aux personnes qui vivent certaines passions. Mais aussi certaines addictions.

Cinquantenaire de Marmottan, à la cigale, à Paris, ce vendredi 3 décembre 2021.

 

Le 3 décembre dernier, dans la salle- remplie- de concerts de la Cigale, le service Marmottan spécialisé dans le traitement des addictions fêtait son cinquentenaire.

 

Sur place, j’ai eu l’impression qu’étaient présentes principalement des personnes préoccupées directement par le sujet des addictions. Soit en tant que professionnels de santé. Soit en tant qu’usagers s’étant sevrés ou ayant du mal- et cherchant- à se décrocher de leur(s) addiction (s).

 

 

Je ne peux pas avoir de certitude mais j’ai eu l’impression que la majorité des personnes de ce pays, la pensée dominante, se sent assez peu concernée directement par ce sujet. Et qu’entendre parler de Marmottan ou de tout autre service dévoué aux addictions n’est pas la priorité de la majorité qui dispose de la pensée dominante. A moins d’y être obligée.

J’ai bien prévu de consacrer un article sur à ce cinquentanaire de Marmottan dès que cela sera possible. Mais je m’attends à ce qu’il soit en grande partie parcouru par des professionnels de santé des addictions ou par des personnes qui ont envie d’entreprendre de mieux faire le tri parmi leurs addictions. 

 

Une addiction particulière :

 

Pourtant, l’être humain est porteur d’une addiction particulière : celle de la destruction d’autrui, de son environnement comme de sa propre autodestruction. Et, cela, peu importe son niveau intellectuel, social, politique ou son histoire.  Invariablement, l’être humain  retourne à cette addiction de destruction et d’autodestruction.

 

Les fêtes de ce Noël, et d’autres festivités, permettront à certaines et certains de vivre la courte trêve de cette addiction.

Paris, décembre 2021.

 

 

Donc, finalement, avec ou sans sapin, ces fêtes de Noël ont du bon. De même que la lecture de cette biographie d’Hélie de Saint Marc.

 

 

Franck Unimon, ce samedi 18 décembre 2021.

 

 

 

 

 

 

 

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Ricochets-Un livre de Camille Emmanuelle

                             Ricochets– un livre de Camille Emmanuelle

Black Fridays

 

La Black Fridays de ce mois de novembre 2021 se termine dans quelques heures. On reparle peu à peu de la pandémie du Covid qui reprend. En Autriche et en Australie, des mesures gouvernementales ont été prises pour obliger les non vaccinés à se vacciner contre le Covid. Confinement forcé, peines d’emprisonnement, contrôles de police sur la route. Dans le New York Times de ce mercredi 17 novembre, j’ai appris que les non-vaccinés étaient rendus responsables de la reprise de la pandémie du Covid. Pandémie qui nous a fait vivre notre premier confinement pour raisons sanitaires en France en mars 2020. Mais j’ai l’impression que la perspective d’un reconfinement et la peur du Covid semblent très loin des attentions des Français dans l’Hexagone. Même si la troisième dose du vaccin commence à s’étendre aux moins de 65 ans. Environ 80 pour cent de la population dans l’Hexagone est vaccinée contre le Covid. Nous sommes encore nombreux à porter des masques. J’ai l’impression que peu de personnes en France envisagent ou acceptent l’idée d’être à nouveau confinées. Depuis fin aout à peu près, le sujet de la pandémie du Covid s’est dissous. Et, cette nouvelle remontée du Covid associée à une pénurie de lits dans les hôpitaux mais aussi à une accentuation de la pénurie soignante ( 1200 postes infirmiers seraient inoccupés en région parisienne), semblent encore très loin de la portée du plus grand nombre.

 

Les attentats islamistes, c’est un petit peu pareil. Le procès des attentats du 13 novembre 2015 a débuté en septembre. Il durera jusqu’en Mai 2022. Cependant, à part certaines personnes directement concernées ou touchées, et assidues, le sujet apparaît moins présent dans la conscience immédiate de la majorité. D’abord, pour l’instant, et récemment, il y a eu moins – ou pas- d’attentats islamistes à proximité. Ensuite, nous avons aussi envie et besoin d’air. Donc de « voir » et de « vivre » autre chose que des attentats et du Covid.

 

A priori. 

 

Psycho-traumatologie

 

A ceci près que, parmi mes sujets « d’intérêt », il y a ce que l’on appelle la psycho-traumatologie. « Tu aimes vraiment ce qui est médico-légal » m’a redit récemment mon collègue- cadre au travail, sans doute après m’avoir vu avec le livre Ricochets de Camille Emmanuelle.

 

Il est arrivé que ma compagne se moque de moi en voyant les films ou les livres, assez « chargés », que je regarde et lis pendant mes heures de repos. J’aime la poésie et la fantaisie. Je peux être très naïf. Très ou trop gentil. Et même niais. Puis, il y a une partie de moi, restée dans la noirceur, dont la mèche s’allume quelques fois et que je suis. Jusqu’à la psychose ou ailleurs. Ce n’est pas très bien défini. Mais je sais que cela fait partie de ma normalité et sûrement aussi de ma mémoire. C’est sans doute cela qui m’a mené à Camille Emmanuelle.

 

Je ne « connaissais » pas Camille Emmanuelle.  J’ai tendance à croire que si elle et moi, nous nous étions croisés avant la lecture de son ouvrage, que cela aurait fait flop. Je le crois car en lisant son Ricochets, il est une partie d’elle et de son monde qui m’a rappelé comme je suis extérieur à certaines élites ainsi qu’à certaines réussites. Je ne devrais pas mentionner ça. Parce-que, fondamentalement, et moralement, au vu du sujet de son ouvrage, cela est déplacé. Là, je donne le premier rôle à mon ego alors que le premier rôle, c’est foncièrement elle et ce qu’elle a donné, ce qu’elle nous a donné de sa vie, avec son ouvrage. Mais je le fais car cela fait aussi partie des impressions que j’ai pu avoir en la lisant. Je me dis que d’autres personnes pourraient aussi avoir ces impressions. Et qu’une fois que j’aurai exprimé ça, je pourrais d’autant mieux faire ressortir tout ce que son livre apporte.

 

Elites et réussites

 

J’ai parlé « d’élites » et de « réussites » car, jusqu’au 7 janvier 2015 (et aussi un peu avant lors d’un événement traumatique antérieur), son parcours personnel et le mien me semblent deux opposés. Elle, belle jeune femme, milieu social aisé, bonne élève, aimée, assurée, encouragée à partir à l’assaut de ses aspirations à Paris. Clopes, alcool, à l’aise dans son corps, soirées parisiennes, les bonnes rencontres au bon moment pour sa carrière professionnelle. Moi, banlieusard, corseté par les croyances traditionnalistes de mes parents, antillais d’origine modeste et rurale immigrés en métropole, refugiés dans l’angoisse du Monde extérieur et dans la méfiance vis-à-vis du blanc (alors, la femme blanche !) pas si à l’aise que ça dans mon corps. Malgré ce que mes origines antillaises «Vas-y Francky, c’est bon ! » pourraient laisser prétendre ou supposer.

 

On aime dire que les « contraires s’attirent ». Mais il ne faut pas exagérer.

 

Devant une Camille Emmanuelle dans une soirée ou ailleurs, je me fais « confiance » pour me présenter à mon désavantage ou m’éteindre complètement. Il n’y aurait qu’en ignorant la présence ou le regard d’une personne pareille que je pourrais véritablement être moi-même, au meilleur. De ce fait, je n’ai pas évolué dans les domaines où elle a pu évoluer même si j’en ai eu ou en ai le souhait. Ce n’est pas de son fait. Mais parce-que je me suis plein de fois censuré tout seul et que je continue de le faire studieusement en « bon » élément qui a bien appris comment échouer avant d’atteindre certains horizons. 

 

Je parle aussi « d’élites » parce-que, lorsque le 7 janvier 2015, deux terroristes sont venus tuer plusieurs personnes dans les locaux du journal Charlie Hebdo, ils sont aussi venus s’en prendre à des élites intellectuelles et/ou artistiques ou culturelles. Et, ça, je crois que c’est assez oublié.

 

Charlie Hebdo

 

Je lis Le Canard Enchainé depuis plus de vingt ans. Le Canard Enchainé est un peu le cousin de Charlie Hebdo. Les deux hebdomadaires ont bien sûr leur identité propre. Mais ils ont en commun leur indépendance d’esprit. Un certain humour et une certaine capacité critique (supérieure à la moyenne) envers le monde qui nous entoure et celles et ceux qui le dirigent.

 

Avant le 7 janvier 2015, j’avais acheté une fois Charlie Hebdo. Pour essayer. Philippe Val en était encore le rédacteur chef. Je n’avais pas aimé le style. Les articles. J’ai peut-être gardé ce numéro malgré tout parmi d’autres journaux.

 

Les caricatures de Mahomet, les menaces de mort, les pressions sur Charlie Hebdo mais aussi au Danemark m’étaient passées plutôt au dessus de la tête. Je n’avais pas d’avis particulier. J’étais spectateur de ce genre d’informations comme pour d’autres informations.

 

Le 7 janvier 2015, c’était le premier jour des soldes. Chez nous, je crois, ma compagne m’apprend l’attentat « de » Charlie Hebdo. Je lui réponds aussitôt :

 

« C’est très grave ! ».

 

Le 11 janvier, je n’étais pas à la manifestation pour soutenir Charlie Hebdo pour deux raisons. Je « savais » qu’il y aurait beaucoup de monde. Donc, j’ai estimé que Charlie Hebdo bénéficierait de « suffisamment » de soutien dehors.

 

Ensuite, il était évident pour moi que cet engouement se dégonflerait. Et que soutenir Charlie Hebdo, cela signifiait le faire sur la durée. A partir de là, j’ai commencé à acheter chaque semaine Charlie Hebdo. Et à le lire. Je me suis étonné de voir que les articles me plaisaient. Soit j’étais devenu un autre lecteur. Soit la qualité des articles avait changé. J’ai trouvé le niveau des articles tellement bon qu’il m’est arrivé de les trouver meilleurs que ceux du Canard Enchainé. J’ai attribué ça à un réflexe de survie de la part de la rédaction de Charlie Hebdo. On se rappelle que l’équipe rédactionnelle qui restait avait d’autant plus tenu à maintenir la survie de l’hebdomadaire en continuant de paraître malgré tout. Et que le numéro d’après l’attentat avait été publié dans un tirage augmenté et avait été disponible pendant plusieurs semaines. Les gens faisaient la queue pour « avoir » son numéro de Charlie Hebdo. Voire se battaient.

 

Je ne me suis pas battu pour avoir ce numéro. J’ai attendu. Et, un jour, une collègue amie m’en a acheté un numéro. Il est même possible que j’aie deux fois ce numéro de Charlie Hebdo.

 

Je n’ai pas écrit ou mis sur ma page Facebook ou autre : Je suis Charlie. Si je crois à la sincérité de celles et ceux qui l’ont dit ou écrit, pour moi, on peut être « pour » Charlie sans le dire. Même si je ne suis pas toujours d’accord ou n’ai pas toujours été d’accord avec certains points de vue de Charlie Hebdo. Mais je ne suis pas toujours d’accord avec ma famille, mes amis ou mes collègues, non plus.

Et puis, l’expérience d’un attentat, ça change beaucoup la perception que l’on a des autres et de soi-même. Charlie Hebdo vit désormais sans doute dans au moins deux bunkers. Celui qui le protège des menaces extérieures. Et celui, sûrement plus épais, à l’intérieur duquel se sont soudés celles et ceux qui ont vécu l’attentat du 7 janvier 2015.

 

Hormis le dessinateur Cabu qui officiait autant dans Charlie Hebdo que dans Le Canard Enchainé, je n’avais pas de journaliste de Charlie Hebdo auquel j’aurais pu être « habitué » ou particulièrement attaché. Il en est un, néanmoins, que j’avais rencontré une ou deux fois, des années avant l’attentat, car il était l’ami d’une amie. Ou même l’ami de deux amies : Philippe Lançon, l’auteur de Le Lambeau.

 

Je veux bien croire que je me souvenais bien plus de lui que lui, de moi. Envers Philippe Lançon, j’avais des sentiments contrariés. Pour moi, lors de cette rencontre il y a plus de vingt ans, il était mûr de trop d’assurance. Sauf qu’il avait réussi là où j’aurais aimé réussir. Dans le journalisme. Je trouvais qu’il écrivait très bien. Mais nous n’étions déjà plus du même monde lorsque nous nous étions croisés. L’élite, déjà. J’aurais peut-être pu, par le biais d’une de nos deux amies communes, le solliciter. Mais je n’en n’avais pas envie. J’ai compris seulement récemment que j’étais un peu comme mon grand-père paternel, ancien maçon, décédé aujourd’hui. Mon grand-père paternel avait construit sa maison pratiquement tout seul. A Petit-Bourg, en Guadeloupe. Je n’aime pas contracter de dette morale envers autrui. Je préfère construire ma « maison » seul même si cela va me compliquer l’existence. Sauf que dans les domaines professionnels où j’aurais voulu construire, seul, même travailleur et plus ou moins doué, on n’arrive à rien. Il faut entrer dans un réseau. S’en faire accepter. Il faut savoir se faire aimer. Ce que je ne sais pas ou ne veux pas faire. Je suis peut-être trop névrosé.

 

Dans son livre, Camille Emmanuel évoque Philippe Lançon. Ainsi que son frère, Arnaud. Je les ai vus tous les deux il y a quelques mois à l’anniversaire d’une amie commune. Je n’avais pas prévu, en lisant l’ouvrage de Camille Emmanuel, qu’elle allait aussi les évoquer. Et, les quelques passages où elle parle d’eux m’ont donc d’autant plus « parlé ».

 

D’un côté, il y avait ce que je « savais » de l’événement de Charlie Hebdo. De l’autre côté, il y avait la rencontre humaine et directe, lors de cet anniversaire, où il n’a jamais été fait mention, par quiconque, du 7 janvier 2015. « Mieux » : lors de cet anniversaire, j’ai en quelque sorte « sympathisé » avec Arnaud, sans arrière pensée. Pour découvrir plus ou moins ensuite, lors de l’arrivée de celui-ci, qu’il était le frère de Philippe. Je me rappelle de la façon dont Arnaud a salué son frère à l’arrivée de celui-ci. De quelques échanges avec l’un et l’autre. Ce fut humainement agréable. Ma contrariété- rentrée- envers Philippe n’était plus ou n’avait plus de raison d’être. Le voir, là, pour cette amie, en « sachant » ce qu’il avait reçu le 7 janvier 2015. Et puis, j’avais aussi changé. On s’accroche par moments à des impressions ou à un certain ressentiment dont on fait une complète vérité. Alors que l’on a à peine aperçu celle ou celui que l’on juge.

 

Ricochets :

 

En tant qu’infirmier en psychiatrie et en pédopsychiatrie, j’ai travaillé avec quelques psychiatres et pédopsychiatres. Un des pédopsychiatres que j’ai le plus admiré avait dit un jour que, même dans les milieux favorisés, il y a des gens qui souffrent. J’ai parlé « d’élites », de « réussites » concernant Camille Emmanuelle parce-que j’estime ne pas faire partie de son élite ou ne pas avoir connu certaines de ses réussites.

 

Cela dit, à aucun moment, je ne l’ai perçue comme une « pleureuse ». Je n’envie pas ce qu’elle a vécu le 7 janvier 2015 et ensuite. Et dont elle nous fait le récit. Car le 7 janvier 2015, elle est déjà la femme de Luz, l’un des dessinateurs de Charlie Hebdo. Celui dont c’était l’anniversaire et qui est arrivé en retard, ce jour-là. Ce qui lui a sauvé la vie : les deux terroristes quittaient le journal lorsqu’il arrivait. Il les a vus tirer en l’air dehors et sans doute crier : « On a vengé le prophète ! ».

 

Je « connaissais » à peine Luz avant le 7 janvier 2015.

 

Je ne connaissais pas l’appellation « Ricochets » ou « victime par ricochet » avant ce témoignage de Camille Emmanuelle. Quelques semaines avant de me retrouver devant son livre dans une médiathèque, j’avais lu un article sur son livre.

 

Sur son livre, on la voit en photo. Je me suis demandé et me demande la raison pour laquelle on voit sa photo. Pour faire face ? Pour lui donner un visage en tant que victime ? Et, donc, pour la personnaliser, l’humaniser ?

 

Je ne me suis pas posé ces questions lorsque j’ai lu l’ouvrage que Patrick Pelloux, -qu’elle mentionne aussi- a écrit après l’attentat de Charlie Hebdo. (Voir  L’instinct de vie ). 

 

Comme Camille Emmanuelle est une belle femme, je me suis aussi dit que c’était peut-être une manière de montrer qu’il peut y avoir un abîme entre l’image et son vécu traumatique. Nous sommes dans une société d’images et de vitrines. Son livre vient éventrer quelques vitrines. Dans son livre, assez vite, elle va parler de son addiction au vin comme une conséquence de son mal être. Ce qui, immédiatement, me faire penser à Claire Touzard, la journaliste. Celle-ci, pourtant, n’a pas un vécu traumatique dû à un attentat. Mais je n’ai pas pu m’empêcher de « rapprocher » leurs deux addictions à l’alcool. Addictions que je vois aussi comme les addictions de femmes « modernes », occidentales, libérées ou officiellement libérées, éduquées, parisiennes ou urbanisées, plutôt jeunes, plutôt blanches, et souvent attractives et très performantes socialement.

 

Quelques impressions et remarques sur Ricochets :

 

Assez vite, en lisant Ricochets, je me suis avisé que pour que son histoire d’amour avec Luz soit aussi forte au moment de l’attentat, c’est qu’elle devait être récente. Peu après, Camille Emmanuelle nous apprend qu’ils étaient mariés depuis un an à peu près. Se mariant assez vite après leur rencontre.

L’Amour permet de combattre ensemble bien des épreuves. C’est ce que l’on peut se dire en lisant son témoignage. Pourtant, il est des amours qui, même sincères, ne tiennent pas devant certaines épreuves. Camille Emmanuelle cite ce couple qu’elle rencontre, Maisie et Simon, particulièrement esquinté par l’attentat du Bataclan. Physiquement et psychologiquement. Au point que la rupture est un moment envisagée par Maisie.

 

Si les décès et les sévères « injures » physiques dus aux attentats causent des traumas, l’ouvrage de Camille Emmanuelle « réhabilite » la légitimité de la psychologie et de la psychiatrie à aider et soigner après des événements comme un attentat. Puisque ce sont deux des disciplines reconnues pour soigner ces « blessures invisibles » qui, parce qu’elles le sont – dans notre monde où seul ce qui se « voit », se « montre » et se « compte » est prioritaire – restent minimisées ou niées. Or, ces blessures peuvent persister très longtemps. Dans un article que j’ai lu il y a une ou deux semaines maintenant, le témoignage d’une des victimes de l’attentat du bataclan, non blessée physiquement, était cité.

Dans ce témoignage, cette femme racontait qu’au départ, elle s’estimait quasi-chanceuse par rapport aux autres, décédés ou gravement blessés. Sauf que, six ans plus tard, elle n’avait pas pu reprendre son travail du fait de son stress post-traumatique.

 

Etre soignant

 

En lisant Ricochets et le mal que Camille Emmanuelle s’est donnée pour « sauver » son mari, j’ai bien sûr pensé au métier de soignant. On résume souvent le rôle de soignant à celle ou celui dont c’est le métier. Or, ce qu’entreprend Camille Emmanuelle, au quotidien – et d’autres personnes désormais appelées « personnes aidantes » – c’est un travail de soignant. On pourrait se dire qu’il est donc « normal » qu’elle flanche à certains moments vu que ce n’est pas son métier. Sauf que je n’ai aucun problème pour admettre qu’il puisse exister des personnes non-formées qui peuvent être de très bons soignants dans certains domaines : les études ne nous apprennent pas l’empathie ou à être sensibles et réceptifs à certaines relations ou situations.

 

Et puis, dans tous les couples et dans toutes les familles, il y a des personnes qui sont des « soignants » ou des « personnes aidantes » officieuses. La différence, c’est qu’avec son mari, Camille Emmanuelle découvre ce rôle de manière intensive. « Intrusive ».

 

Il est toujours très difficile-ou impossible- de faire concilier sa vie affective amoureuse ou amicale avec un rôle de soignant dans son couple. Une absence d’empathie crée une froideur affective assez incompatible avec l’acte soignant. Mais trop d’empathie crée une surcharge de responsabilités et expose à ce que connaît Camille Emmanuelle :

 

Une trop grande identification à ce que ressent son mari. Des angoisses. La dépression….

Dans Ricochets, un psychiatre lui explique que la relation fusionnelle de leur couple cause aussi ses tourments.

Dans notre métier de soignant, nous sommes « sensibilisés » à la nécessité de mettre certaines « limites » ou un certain « cadre » entre l’autre et nous. Même si – ou surtout si- nous avons spontanément une grande empathie pour l’autre que nous « soignons » ou essayons d’aider.

 

Au travail, j’aime me rappeler de temps en temps le nombre d’intervenants que nous sommes. Car être à plusieurs nous permet, aussi, de nous répartir la charge émotionnelle d’une « situation ». Seule à la maison avec son mari, puis avec leur fille, Camille Emmanuelle a moins cette possibilité d’être relayée. Mais l’aurait-elle eue qu’elle l’aurait probablement refusée. Si l’Amour peut aider à surmonter certaines épreuves, le sens du Devoir permet, aussi, de le croire. Surtout lorsque l’on est dans l’action.

 

 

Etre dans l’action

Vers la fin de son livre, Camille Emmanuelle « rencontre » (soit via Skype ou en consultation) un psychiatre ou une psychologue qui lui explique que son Hyper-vigilance post attentat 2015 s’explique très facilement. La menace de mort a persisté bien après le 7 janvier 2015. Sauf que l’hyper-vigilance, ça use.

 

C’est seulement lorsque le journaliste Philippe Lançon a commencé à aller mieux que son frère , Arnaud, qui venait le voir tous les jours à l’hôpital, s’était autorisé à s’occuper de lui. Et à consulter pour lui. Camille Emmanuelle a également ressenti ça. Et, moi, je me suis aperçu en lisant Ricochets que j’avais ressenti ça pour ma fille, prématurée, qui avait passé deux mois et demi à l’hôpital dès sa naissance. Tous les jours, nous allions la voir à l’hôpital.  C’est trois à quatre ans après cette période que j’ai commencé à penser à consulter. Et que je me suis dit que nous aurions dû le faire bien plus tôt. Dans la situation de ma compagne et moi, il n’y avait pas eu d’attentat mais il y avait bien eu un trauma : il y a des naissances plus heureuses et plus simples. Or, nous avions compté sur nos propres forces, ma compagne et moi, pour cette naissance difficile.

 

Et, il y a un autre point commun, ici, entre notre expérience et celles de certaines victimes d’attentats : si  parmi les gens qui nous entourent, certains ont d’abord exprimé une réelle empathie, ensuite, la situation a en quelque sorte  été  rapidement « classifiée » pour eux. Ils sont restés extérieurs à l’expérience, pensant que cela coulait de source pour nous, et ont vaqué à leurs occupations. Parce-que ce n’est pas la première fois qu’il y a eu un attentat. Qu’il y a la « résilience ». Ou que l’on est suffisamment « fort » et que l’on va « rebondir ». Ou être « proactif ». Ou, aussi, parce-que cette situation les mettait mal à l’aise ou leur faisait peur : «  Je ne sais pas quoi dire… ».

 

Comme Camille Emmanuelle, sans doute, avec son mari après les attentats, je n’ai pas recherché et n’aurais pas aimé que l’on me plaigne à la naissance de ma fille. En outre, je mentionne ici sa prématurité mais ordinairement je ne le mentionne pas. Je n’aimerais pas devoir en permanence parler de ce sujet. Et, c’est sûrement pour lui échapper que je me suis beaucoup impliqué en reprenant des cours de théâtre au conservatoire un peu avant sa naissance (environ dix heures de cours par semaine). Et que trois ans plus tard, alors que ma fille allait mieux, j’ai perdu de façon étonnante ce « besoin » de faire du théâtre.

 

On peut trouver indécent que je rapproche de cette expérience d’attentats ce que j’ai pu vivre avec la naissance de ma fille. Moi, je crois que certaines expériences de vie ont en quelque sorte des « troncs communs ». Et que, même si certaines situations sont bien sûr plus extrêmes que d’autres, qu’elles ont néanmoins une certaine parenté avec d’autres situations de vie. Dans son livre, Camille Emmanuelle relève bien que l’expérience traumatique de son viol par soumission chimique, en 2012, aux Etats-Unis, l’a sans doute préparée à pouvoir d’autant plus facilement se mettre à la place de son mari après les attentats du 7 Janvier 2015. Même si, évidemment, elle se serait bien passée de ce viol. Même si son mari n’a pas été violé et a toujours conservé son intégrité corporelle intacte.

Elle nomme aussi les trois attitudes adoptées par l’être humain face à un stress ou un danger extrême:

Fight, Flight or Freeze : Se battre, fuir ou se figer.

Une psychiatre ou une psychologue qu’elle interroge explique que ces trois attitudes humaines sont normales. Et que se battre, selon les situations, n’est pas toujours l’attitude qui permet de rester en vie.

 

Une sorte de conclusion :

 

L’ouvrage de Camille Emmanuelle m’a plusieurs fois fait penser au livre Je ne lui ai pas dit au revoir : Des enfants de déportés parlent de Claudine Vegh, paru en 1996, seul ouvrage, je crois, à ce jour, de cette…pédopsychiatre.

 

Des attentats, une enfant prématurée, la déportation…on peut se demander quels rapports ces sujets ont-ils à voir ensemble.

 

Le Deuil.

 

D’ailleurs, pour moi, à plusieurs reprises, l’attentat « de » Charlie Hebdo a imposé à celles et ceux qui sont restés, un deuil impossible. Initialement, d’ailleurs, avant de commencer à écrire cet article, j’avais prévu de commencer par ça :

 

Par écrire Le Deuil impossible.

 

Mais ce n’est pas ce que raconte Camille Emmanuelle dans son livre. Ce n’est pas ce que l’existence de ma fille raconte, non plus. Claudine Vegh, par contre… mais son ouvrage est à lire.

 

Camille Emmanuelle donne aussi des conseils pour celles et ceux qui se retrouveraient dans la même situation qu’elle. Si elle rencontre des avocats, d’autres victimes directes ou par ricochets, des psychiatres, psychologues, mais aussi d’autres personnes, ce qui lui permet, aussi, de reposer un peu sa conscience, elle donne quelques coups de pouce.

 

Elle conseille de ne pas recourir à l’alcool ou à une quelconque substance (cannabis ou autre) peu de temps après un événement traumatique. Pour cause de risque d’addiction.

Même la prescription classique de lexomil serait à éviter. Il semblerait que la prescription de bêta bloquants pourrait être préconisée selon les individus.

 

Elle conseille d’éviter de se livrer dans les média. Pour cause d’amplification d’un effet boomerang de nos propos sous l’effet de l’émotion. Elle fait aussi un travail de recherche sur les effets des réseaux sociaux (ou les média) après qu’un de ses articles ait été lu plus de …600 000 fois après l’attentat de Charlie Hebdo.

 

Elle raconte aussi les désaffections de certaines personnes proches, et les simples connaissances devenues des proches. 

 

J’ai retenu, dans ce qui l’avait aidé et qui l’aide :

 

Ecrire, regarder (ou lire) des fictions, faire du Yoga, faire de la boxe anglaise, consulter, déménager, quitter Paris, trouver un endroit calme, faire l’amour avec son mari/ou sa femme (lorsque c’est possible), dormir, reprendre le travail…

 

Elle cite aussi plusieurs auteurs ou psychologues ou psychiatres reliés au trauma. J’ai mémorisé en particulier l’ouvrage Panser les attentats de Marianne Kédia.

 

Franck Unimon, ce dimanche 21 novembre 2021.

 

 

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Béatrice Dalle, trois fois.

 

 

Béatrice Dalle, trois fois.

 

Puisque c’est toujours de la faute des autres, tout est parti d’un cd du groupe Sonic Youth.

 

Je n’ai pas revu les films, ces forêts, où on la trouve. Je suis seul avec mes pensées, ces vieillesses condamnées sur lesquelles il faut apprendre à veiller. Si l’on tient à prévenir le déclin de notre humanité.

 

Béatrice Dalle, trois fois. Béatrice Dalle, pourquoi. Ma prudence me répète que je ne la connais pas. Mais, déja, pour la première fois dans mon blog, je crée une rubrique uniquement pour elle. Parce-que parler d’elle m’évoque peut-être le cheval de Troie. 

Le physique de charme est un fusil de chasse. Mais cette arme a une particularité dangereuse : partout où elle passe, on la repère au lointain. Sa détentrice- ou son détenteur- doit savoir s’en servir ou la quitter. Sinon, cette arme sera son enterrement ou sa rétention. Et, elle sera le trophée de celle ou celui qui la brandira. Qui la tisonnera.  

 

Je me rappelle un peu d’une partie de sa cinématographie. Dans son livre Que Dalle un livre sur l’actrice et comédienne Béatrice Dalle / Béatrice DalleLouvrier nous apprend qu’hormis avec les réalisateurs Jim Jarmusch et Abel Ferrara, elle a fait peu d’efforts pour connaître une carrière aux Etats-Unis. Parce qu’elle ne parle pas Anglais. 

 

Si tu cours longtemps et vite, et que tu es sur la défensive devant la moindre limite, comment te suivre, Béatrice Balle ? Il faut un certain recul pour atteindre quelqu’un. Mais aussi pour l’attendre.

 

Louvrier parle du Rap et de Joey Starr. Mais il y a d’autres musiques. Peut-être du Free Jazz ou ne serait-ce que du Free…gaz.

 

En 1986, Dalle est dans 37°2. Après les Punks (que Louvrier cite). Après Nina Hagen, le Reggae de Police(groupe de Reggae blanc influencé par le Punk), la mort de Bob Marley. La lecture de Que Dalle nous informe que Sting, l’auteur des tubes du groupe Police, était « fou » d’elle et voulait la rencontrer. Mais « dans » la France de Mitterrand et de Jack Lang, elle avait d’autres évidences.

 

Dans la France de Giscard, je ne vois pas de place pour 37°2. Et puis, rester dans les années 70 et 80, c’est se tenir très loin d’aujourd’hui et de demain.

 

Récemment, à l’anniversaire d’une amie, à Levallois (oui, grâce à Louvrier, je sais qu’à une époque, Dalle a vécu à Levallois) en parlant de mon blog, j’ai répondu à quelqu’un avec qui je sympathisais que j’avais, entre-autres, écrit sur Béatrice Dalle. Il a été un peu étonné. Sûr de moi, j’ai alors avancé, tel un attaché de presse bien au fait de ses projets :

 

« Elle fait toujours des films ».

 

 

J’étais néanmoins dans la salle pour voir le  film Lux Aeterna de Gaspar Noé. Un réalisateur dont j’ai vu plusieurs des films depuis Seul Contre tous avec « feu » Philippe Nahon. Au contraire de Seul contre tous (un chef-d’œuvre, selon moi) je n’ai pas souscrit à l’intégralité de Lux Aeterna. J’ai pour l’instant renoncé à écrire dessus. Mais il m’en reste quelque chose. De même pour Climax.

 

 

Dans le Que Dalle de Pascal Louvrier, il est plusieurs fois fait état de sa bouche. Cet organe aurait été perçu comme « trop » grand chez elle au début de sa carrière. Presqu’un naufrage.

 

J’ai oublié.

 

Sa bouche est la graine que nulle gravité n’aliène. Pourtant, dans J’ai pas sommeil, l’acteur Alex Descas- dont je parlerai un jour-  s’en prend à elle :

 

« Tu ne seras jamais prête ! ».

 

Devant sa nudité inquiète, mes articles, aussi, sans doute, ne seront jamais prêts.

 

 

Franck Unimon, ce mardi 6 juillet 2021.

 

 

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Béatrice Dalle

 

Béatrice Dalle

 

(cet article est une variation de l’article Que Dalle un livre sur l’actrice et comédienne Béatrice Dalle).

 

 

 

Béatrice Dalle, aujourd’hui, fait moins parler qu’il y a « longtemps » : il y a dix ou vingt ans.

 

J’ai acheté ce livre parce que Béatrice Dalle me « parlait ». Comme un conflit pourrait parler à des vieux qui y avaient participé en tant que simple appelés ou appuis militaires. Ce qu’ils sont devenus ensuite, c’est un autre problème. Et, avant tout, et surtout, le leur. Ce que je raconte ensuite, ici, c’est peut-être aussi, avant tout, et surtout, mon problème.

 

Lorsque j’avais acheté ce livre consacré à Béatrice Dalle, je faisais déjà partie des vieux. Mais, bien entendu, je ne l’avais pas vu comme ça, ce jour-là. Aujourd’hui, je suis un peu plus réaliste :

 

Même si, en apparence, j’ai encore un look assez jeune, je vois bien que je fais partie des vieux. On peut être myope et visionnaire.

 

Ainsi, je vais spontanément vers des musiques – mais aussi vers des pratiques- qui montrent bien que je ne suis plus jeune. Récemment, lors d’une rencontre professionnelle, celle qui m’a reçu m’a dit :

 

« De toute façon, si vous m’envoyez un mail, je le recevrai sur mon portable ». Le fait que je sois autrement plus qualifié qu’elle pour le travail que j’effectuerai peut-être pour sa « boite »,  est ici accessoire. J’avais compris à cette simple phrase que j’étais vieux. Tant pour ces valeurs et ce mode de vie que cette « jeune » justifie et défend. Que pour cette façon d’offenser sans même s’en apercevoir.

 

J’ai regardé dans les yeux ma jeune interlocutrice. Ses beaux yeux bleus. Mais je n’étais pas amoureux. J’avais bien plus d’expérience qu’elle et voire qu’elle n’en n’aurait jamais pour ce travail pour lequel je la rencontrais. Pourtant, c’était elle qui dirigeait l’entretien.   Très certainement, m’a-t’elle trouvé l’abord froid et rigide de celui qui borde un monde qu’elle ne connaît pas. Elle ne sait pas qu’une grande partie de ma vie comme celle d’autres que je connais ou ai connus, se dévalue à mesure qu’elle devient un exemple à suivre. Et, j’en suis aussi en partie responsable :

J’ai refusé de devenir responsable de ce monde qu’elle défend.

 

Béatrice Dalle, dans l’ouvrage de Louvrier, est un moment comparée à Brigitte Bardot et à Marilyn Monroe. Régulièrement, se succèdent des personnalités et des idoles de toutes sortes qui en rappellent d’autres. Et si cela se perpétue, c’est parce-que cela rend plus polis certains de nos échecs. Que l’on soit jeunes ou vieux.

 

Mentionner Bardot, Monroe et Dalle, c’est additionner les sex-symbol. Un sex-symbol, c’est festif. Ça met en alerte. Ça donne envie de consommer. De se transformer en superlatif.

 

Mais c’est une histoire triste. Telle qu’elle m’a racontée. Celle d’une enfant d’une famille nombreuse sacrifiée parmi d’autres. Bonne élève d’une école dont elle a dû se retirer à l’école primaire. Afin de s’occuper de frères et de sœurs plus jeunes. Mais, aussi, pour faire la cuisine. Pourquoi elle plus qu’une autre ? Et, en quoi, cela aurait-il été plus juste qu’une autre soit choisie ?

 

 

Ma mère est une femme gentille. Comme aurait pu l’être le personnage joué par l’acteur Tim Robbins dans Mystic River réalisé par Clint Eastwood.

 

Ma mère est donc l’opposée d’une Béatrice Dalle. Si l’une et l’autre ont quitté leurs parents avant leur majorité, leur tempérament les sépare.  Béatrice Dalle a pu « se prendre la gueule » avec des femmes et des hommes, connus ou inconnus. Elle a aussi connu la rue. Eté punk. Elle peut baptiser des injures et professer des menaces qui ont valeur de futur. Ma mère n’a jamais prononcé le moindre gros mot devant moi. Elle a fait baptiser ses enfants.

 

Dans le livre qu’il a consacrée à Béatrice Dalle, le journaliste Pascal Louvrier relate que celle-ci a pu faire penser à une « panthère ». Ma mère n’a rien de la panthère. Mais j’aurais aimé qu’elle le soit. Qu’elle puisse l’être. Qu’elle sache l’être. Qu’elle puisse griffer. Elle ne le fera jamais. Au lieu de griffer, elle priera. Béatrice Dalle est croyante à sa façon, parle de Jésus-Christ mais elle et ma mère ne sont pas faites de la même ferveur religieuse. J’attends de voir Béatrice Dalle dans un film de Bruno Dumont.

 

Ma mère a été et est une très belle femme. C’est une femme capable. A son âge, beaucoup aimeraient avoir sa forme physique. Sa souplesse. Son endurance. Son dynamisme.

Mais elle est une de ces multiples femmes- déployées et employées- qui ont trop accepté un peu tout et n’importe quoi. Piégées sans doute par leur trop grande endurance, leur naïveté et leur indéfectible indulgence pour leurs peurs.

 

 

Certaines réussites sont là pour masquer certains échecs.  Normalement, ma mère a réussi. Son mariage. Ses enfants. Sa maison. Ses activités. Elle peut parler. Discrètement. Mais elle a plus subi de vérités qu’elle n’en n’a dit.

 

 

Béatrice Dalle, c’est le contraire.

 

 

Ça tombe très bien qu’aujourd’hui, on parle moins de Béatrice Dalle comme sex-symbol.

 

Parce-que toutes ces histoires de sexe, de drogue et de frasques (des histoires de jeunes)  m’empêchaient sans doute de comprendre qu’au cinéma, ou ailleurs, ce qui pouvait me déranger chez Béatrice Dalle mais aussi me donner envie d’aller la voir, c’était de pouvoir m’imaginer un peu ce que ma mère aurait pu être ou faire de différent.

 

Je vais peut-être au cinéma afin de pouvoir imaginer des différences. Et, pour moi, Béatrice Dalle permet ça.

Franck Unimon, Dimanche 4 juillet 2021.

 

 

 

 

 

 

 

 

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Que Dalle un livre sur l’actrice et comédienne Béatrice Dalle

 

                Que Dalle un livre sur l’actrice et comédienne Béatrice Dalle

 

                         Ecrit par Pascal Louvrier et Béatrice Dalle

 

 

Hésiter entre la lecture de UCHIDESHI Dans Les Pas du Maitre (Apprendre ce qui ne peut être enseigné)  de Maitre Jacques Payet, 8 ème Dan, Shihan, au sein de l’organisation Aikido Yoshinkan. Et la lecture du livre sur l’actrice et comédienne Béatrice Dalle.

 

Opter pour ce dernier. Et se sentir d’abord éclaboussé par de la poussière de honte. Une fois de plus, avoir cédé aux séductions de la forme. Au lieu de déterrer de soi ces peurs qui nous martèlent les vertèbres.

 

Nos peurs sont des productions incessantes. Les combattants sont celles et ceux qui, jour après jour, les voient s’amonceler sur leur compteur. Et qui ont appris et apprennent de leurs peurs. Et qui répètent des gestes, parfois des incantations, ou des Savoirs, en vue de leur répondre.

 

Ce sont des voix qui leur parlent, à toute heure,  à eux seuls, et que personne d’autre n’entend, d’abord. Du moins ont-ils souvent cette impression.

 

Pas de combattant sans peur.

 

Mais comparer une actrice ou un acteur, Dalle ou autre, à un combattant tel que Maitre Jacques Payet, c’est aussi tenter de vouloir parer un miroir des mêmes mérites et des mêmes héritages que le diamant.

 

La différence entre les deux reste quand même que, une fois « choisi », l’un (l’actrice ou l’acteur) est si puissamment éclairé, entouré, stylisé, entraîné, conseillé qu’il est presque condamné à réussir.

Je repense à l’actrice Adèle Exarchopoulos tellement mise en valeur par Kechiche dans La Vie d’Adèle ( 2013)  que je m’étais dit :

 

 « Si après ça, elle ne réussit pas une belle carrière au cinéma, elle ne pourra pas dire qu’elle n’a pas été aidée ».

 

 

La combattante ou le combattant, longtemps, est bien moins entouré que l’actrice ou l’acteur. C’est peut-être, aussi, ce qui le pousse à surgir. Car, soit il restera victime, oublié, dominé ou enfermé. Soit il vivra. En se mettant à vivre, la combattante ou le combattant commence à éblouir celles et ceux qui l’entourent.  Parce que vivre, c’est notre histoire à tous. Sauf que pour beaucoup, vivre reste une intention ou une tentation. Alors que pour la combattante ou le combattant, vivre est une action.

 

L’actrice et l’acteur se mettent à vivre lorsque l’on dit : « Action ! ». La combattante et le combattant vivent parce qu’ils agissent. En dehors du combat. Au cours du combat. Mais, aussi, après le combat.

 

Le combat, c’est le temps absolu. L’extrême. Aucun faux semblant possible.

 

Il y a maintenant un jeu de mot très facile à faire : le contraire du combat, plus que la défaite, c’est le coma. Etre dans le coma, c’est bien-sûr être allongé dans un lit d’hôpital dans un service de réanimation. Peut-être en mourir. Peut-être en sortir. Peut-être en revenir diminué, paralysé ou transformé.

 

Mais le coma, c’est aussi laisser quelqu’un d’autre ou une substance agir ou faire des rêves à notre place. Puis exécuter au détail près. Comme des rails nous menant vers une destination préétablie par quelqu’un d’autre que nous et à laquelle nous accepterions de nous rendre sans conditions.  

 

 

A ce stade de cet article, par lequel je me suis laissé « détourner », il faudrait maintenant  vraiment parler du livre.

Normalement, ce que j’ai écrit m’a déjà disculpé concernant le fait d’avoir « préféré » d’abord lire cet ouvrage sur Béatrice Dalle. Mais la normalité peut aussi être une folie souvent acceptée par le plus grand nombre. Alors, je vais prendre mes précautions et m’en tenir à ce que j’avais prévu de mettre en préambule.

 

La lecture de la « biographie » de l’acteur Saïd TAGHMAOUI, SAÏD TAGHMAOUI De La Haine A Hollywood dont j’ai rendu compte il y a quelques jours m’a influencé. Saïd Taghmaoui/ De la Haine A Hollywood

 

Dans son livre, TAGHMAOUI ne dit pas un mot sur Béatrice Dalle et Joey Starr. Pourtant, il est impossible qu’ils ne se soient croisés.

 

Ils ont à peu près le même âge. Sont entrés dans le grand bal de la scène médiatique à peu près au même moment même si Dalle fait un peu figure « d’aînée » avec 37°2  de Beineix, sorti en 1986.

Ils ont eu des amis et des intérêts communs : Au moins Le Rap, Les Tags, les graffitis, la banlieue parisienne défavorisée ( Taghmaoui, Morville) Benoit Magimel, les frères Cassel ( Vincent et/ou Rockin’ Squat).

 

Si leur adresse et leur réussite artistique (TAGHMAOUI, DALLE, Joey Starr/ Morville) doivent à leur présence physique ainsi qu’à leurs origines sociales et personnelles, elles doivent aussi à leur intelligence particulière (du jeu, du texte, pour faire certaines rencontres existentielles et décisives) ainsi qu’à leur travail d’avoir duré alors, qu’au début, dans leur vie mais aussi comme lors de leur arrivée dans le milieu de la musique ou du cinéma, rien ne le garantissait.

 

Pour le dire simplement et sans mépris : Aucun des trois ne venait d’un milieu social et intellectuel privilégié et, d’une façon ou d’une autre, tous les trois ont connu ce que l’on appelle la « zone ». Que ce soit la prison, les gardes à vue, la drogue, la rue. Dans un pays officiellement démocratique et universel comme la France, celles et ceux qui réussissent et sont aux avant postes de la société ont généralement d’autres profils, d’autres CV,  voire d’autres prénoms, que ces trois-là.

 

Et, avec ces trois-là, aussi, le même « miracle » s’est plus ou moins répété (davantage avec Dalle et Joey Starr en France, toutefois) :

 

Une fois que chacun de ces trois-là a réussi à bien planter sa tente dans le décor avide de la réussite artistique, économique, commerciale et Jet Set de ce pays, ils sont devenus désirables. Respirables. Par le plus grand nombre. Spectateurs et parasites compris.

 

Je ne fais pas exception. Au début du livre, avant sa toute première rencontre avec elle, Pascal Louvrier raconte son appréhension vis-à-vis des réactions de Béatrice Dalle qui avait pour réputation d’être imprévisible et, bien-sûr, d’être peu fréquentable. Une fétichiste des options racaille. Ces appréhensions, je les ai longtemps eues vis-à-vis d’elle comme vis-à-vis de Joey Starr . Et les jugements moraux dépréciatifs définitifs -fondés bien-sûr sur des éclats médiatiques et certaines de leurs attitudes- que d’autres ont pu avoir sur eux, je les ai eus aussi.

 

Et, cela va dans les deux sens : Dalle, pour parler d’elle, ne brille pas non plus par une tolérance de tous les instants pour autrui. Même si elle est capable de gentillesse ou de prendre la défense de celles et ceux qu’elle perçoit comme victime. Lors d’un tournage comme dans la vie.

Car, Dalle « vomit » aussi les tièdes. Et les méritants. Toutes celles et tous ceux qui font de leur mieux et qui, à ses yeux, sont « faibles » ou ne valent pas qu’on s’attarde sur eux : les gens sans particularité évidente, monocordes et lambda qui se fondent dans le décor social comme dans une boite à chaussures.

 

Ce faisant, elle répète comme d’autres, y compris comme celles et ceux qui l’adorent, certaines injustices et certains préjugés, que, comme ses adorateurs,  elle condamnera ailleurs. Et en d’autres circonstances selon des critères sélectionnés par eux. Et par elle.

Cela, c’est le paradoxe permanent du « Star Système » que l’on évolue dans le cinéma hautement commercial ou dans le cinéma d’auteur :

 

Pour peu que l’on soit admiré et aimé par des personnalités du monde du spectacle, de l’art ou de l’intellect, on sera excusé et défendu contre les bien-pensants et les bons élèves besogneux qui, les abrutis ! , ne peuvent rien faire de mieux- et de plus- que de réfléchir de travers. Comme on pisse sur le sol en ratant l’urinoir ou la cuvette des toilettes. Avant, évidemment, de partir prestement et lâchement, en laissant tout en l’état sans même se laver les mains. 

 

C’est mon principal reproche au livre de Louvrier : cette façon de mettre Dalle sur un piédestal et de, pratiquement, tout justifier et tout accepter de certains de ses actes « déflagrants ».

 

Je vais néanmoins m’abstenir de frimer dans ces quelques lignes. Au tout début du livre, je me suis bien dit :

« J’aurais pu mieux écrire ». «  J’aurais pu mieux faire ».

 

Mais, par la suite, je me suis avisé que Louvrier a effectué un très gros et très bon travail de recherche. Que ce soit dans les archives mais aussi auprès de Dalle et de quelques personnes qui ont travaillé avec elle et dont certaines sont devenues des proches :

 

Dominique Besnehard, l’agent qui l’a découverte et qui est aussi un de ses protecteurs et un de ses proches. Un protecteur dévoué et idéal.

Besnehard a aussi été l’agent de TAGHMAOUI. Mais à lire celui-ci, sa rencontre avec Besnehard a nettement moins été à son avantage.

 

Du reste, pour avoir lu- avec plaisir- l’ autobiographie Casino d’Hiver de Besnehard ( parue en 2014), je « sais » que TAGHMAOUI ne figure pas parmi les rencontres qui ont le plus marqué Besnehard, humainement et artistiquement. Au contraire de Béatrice Dalle, Jean-Claure Brialy, Nathalie Baye, Marlène Jobert ou Maurice Pialat par exemple.

 

Je garde d’ailleurs un très bon souvenir de ses pages sur Pialat.

 

La réalisatrice Claire Denis est aussi « convoquée » pour parler de Béatrice Dalle dans Que Dalle.

 

Tout comme le photographe  Richard Aujard.

 

Ainsi que le réalisateur Jean-Jacques Beineix, bien-sûr, dont j’avais aimé lire l’autobiographie parue en 2006 : Les Chantiers de la Gloire.

 

Ma seconde excuse pour avoir choisi de lire Que Dalle avant celui de Sensei Payet est que le livre de celui-ci est sorti récemment. En 2021 pour la version française. Celui consacré à Dalle, en 2008 puis en 2013. Je crois l’avoir acheté en 2013. Cela fait donc huit ans que je l’avais parmi plein d’autres livres. Sur le cinéma et d’autres thèmes.

 

Entre les années 80-90 et le « récit » parcellaire, de sa relation à ressorts et à sorts avec Joey Starr/ Didier ou avec son premier mari et ses autres amants et mari(s) sans omettre certaines parties judiciaires de sa trajectoire, et les années qui ont suivi, j’ai appris à mieux regarder Dalle et celles et ceux qui lui ressemblent. Pour tout dire : je l’avais toujours fait. Car il n’y a aucune raison pour que, subitement, je sois devenu plus sensé. Elephant Man

 

 

Même si je me distingue des mâles alpha et de ces personnes « destroy » ou « rock’n’roll » (femmes ou hommes) qui captent tant le regard de Béatrice Dalle et l’imaginaire des réalisateurs et des photographes comme des stylistes de toutes sortes, ma vie normale et mentale, comme celle de beaucoup d’autres, est moins monocorde et plate qu’elle ne le paraît. Sauf que je le garde pour moi. Par précaution. Par peur.

 

Mais, aussi, pour protéger les autres.

 

Car c’est aussi, ça, l’un des très grands secrets de beaucoup de gens normaux : avoir cette capacité, trop grande sans doute, de tenir en laisse certaines folies. Et laisser à d’autres l’initiative de se jeter dans les gueules mais aussi dans les trous de diverses folies que l’on a pu soi-même, suivre, observer, tuyauter, tutoyer, dissimuler. Ou condamner.

 

Les gens normaux peuvent être de très grands comédiens. Ils le sont tant qu’ils jouent leur vie puis l’oublient. La folie, psychiatrique, comme la dépression, bien-sûr, est régulièrement proche à trop souvent se renier.

 

Alors, quelques fois, lorsque les gens normaux tombent sur une Béatrice Dalle, ou une autre ou un autre, ça peut aussi leur donner envie de se rapprocher. Mais pas trop près. Car ça leur rappelle quelqu’un. Peut-être, aussi,  que ça leur rappelle leur adolescence. L’époque des révoltes, des mutations et des rêves les plus excessifs. Lorsque ça bouge et que ça s’agite. Parce-que, c’est bien connu, le calme, le quotidien et l’immobilité, c’est l’extinction et la soumission assurées. Et, ça, c’est bien-sûr pour les faibles et les moins que rien.

 

Franck Unimon, ce vendredi 2 juillet 2021.

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Corps d’Acier/ un livre de Maître Jean-Pierre Vignau

 

 

Corps d’Acier(La Force conquise La violence maîtrisée)un livre de J-Pierre Vignau

 

Les Fêtes de ce Noël 2020 se rapprochent. Comme chaque année, nous achèterons des objets du bonheur que nous offrirons. Nous sommes souvent prêts à payer de notre personne pour celles et ceux que nous aimons. Et pas uniquement à Noël.

 

La pandémie du Covid que nous connaissons depuis plusieurs mois, avec ses masques, ses restrictions, ses conséquences sociétales, affectives, économiques, culturelles et ses « feuilletons » concernant la course aux vaccins, leur fabrication et leur distribution, donne encore plus de poids à ce que nous vivons de « bien » avec les autres.

 

Pourtant, le bonheur ne s’achète pas.

 

« Avant », la vie était plus dure. « Avant », les clavicules obnubilées par l’étape de ma survie ou de ma liberté immédiate, je n’aurais pas pu m’offrir le luxe de m’épancher sur mon clavier d’ordinateur.

 

Mais, aujourd’hui, un sourire comme une décoration de Noël peut aussi être le préliminaire d’un carnage futur.

 

Avant, comme aujourd’hui, cependant, le bonheur existe.

 

Parce-que le bonheur ne s’achève pas.

 

La lecture après la rencontre :

 

 

Sauf qu’en tant qu’adultes, nous sommes souvent coupables. Soit de ne pas assez nous mouvoir. Soit d’être forts d’un Pouvoir que nous ne savons pas voir.  De mal nous protéger et de mal protéger notre entourage et notre environnement. Comme de tenir de fausses promesses. Et lorsque nous agissons et prenons certaines décisions, nous agissons souvent comme des enfants. Les fêtes de Noël et d’autres réjouissances officielles nous permettent de l’oublier. Sans doute préférons-nous croire que c’est seulement en ces circonstances que nous nous comportons comme des enfants…..

 

Le livre Corps d’Acier La Force Conquise La violence Maitrisée de jean-Pierre Vignau publié en 1984 m’a parlé parce-que le « petit » Vignau né en 1945 a parlé à l’enfant que je suis resté.

 

D’ailleurs, c’est souvent comme ça lorsque l’on rencontre quelqu’un. L’enfant qu’il est ou qu’il a été parle d’abord à nos rêves près de la frontière de notre squelette.

C’est instinctif. Viscéral. C’est seulement après, lorsque c’est possible, que, nous, les « civilisés », laissons à nos lèvres et à nos oreilles le temps de parler et d’écouter.

Et, assez généralement, alors, on finit par se reconnaître un peu dans l’autre.

 

 

J’ai lu ce livre après avoir rencontré et interviewé Maitre ( ou Sensei) Jean-Pierre Vignau comme je l’ai raconté. ( Arts Martiaux) A Toute épreuve : une interview de Maitre Jean-Pierre Vigneau ) Puis, juste après ce livre, j’ai lu son dernier ouvrage, paru en 2020, Construire sa légende Croire en soi, ne rien lâcher et aller jusqu’au bout, qu’il a accepté de me dédicacer.

 

 Chacun ses Maitres :

Certaines et certains trouveront leurs Maitresses et leurs Maitres dans l’exemple et le parcours de personnalités diverses. Aya Nakamura, Camille Chamoux, Booba, Kylian Mbappé, Donald Trump, Nicolas Sarkozy, Lilian Thuram, Zinedine Zidane, Benoit Moitessier, Olivier de Kersauson, Alain Mabanckou, Samuel Jackson, Miles Davis, Denzel Washington, Krzysztof Kieslowski, Damso, Blanche Gardin, Laure Calamy, Frantz Fanon, Robert Loyson, Jacob Desvarieux, Danyel Waro, Ann O’Aro, Cheick Tidiane Seck, Tony Allen, Amadou Hampaté Ba, Tony Leung Chiu Wai…

 

Certaines des quelques personnes que je viens de citer ne font pas partie de mes références mais elles le sont pour d’autres. Des artistes, des sportifs de haut niveau, des femmes et des hommes politiques….

 

On peut aussi trouver ses Maitresses ou ses Maitres chez des Maitres d’Arts Martiaux.

 

Si je suis séduit et sensible au parcours de bien des « personnalités » d’hier et d’aujourd’hui, comme à celui de Maitres d’Arts martiaux, j’ai, je crois, assez vite- et toujours- fait une distinction entre le titre et la personne.

 

Je choisirai toujours d’abord, si j’en ai la possibilité, la personne qui me parle personnellement. Correctement. Même si elle est sévère et exigeante. Dès l’instant où elle ou il me semblera juste.

 

Et, cela, avant son titre ou ses titres. Pour moi, une Maitresse ou un Maitre, c’est aussi celle ou celui qui a vécu. Qui a traversé des frontières. Qui a peut-être morflé. Qui s’est aussi trompé. Qui en est revenu. Qui s’en souvient. Qui peut faire corps. Et qui peut être disponible pour transmettre à d’autres ce qu’il a compris, vécu. Afin que celles-ci et ceux-ci vivent mieux, comprennent, s’autonomisent ou souffrent moins.

 

Dès les premières pages de Corps d’acier,  on apprend que Jean-Pierre Vignau, placé enfant à l’assistance publique, a été le dernier môme à trouver une famille d’accueil dans une ferme dans le Morvan.

 

Cette famille qui l’a alors accepté, ou intercepté, c’était un peu la famille de la dernière chance. Jean-Pierre Vignau était le plus chétif du lot. Or, les familles d’accueil étaient plutôt portées sur les enfants d’apparence robuste pour aider dans les diverses tâches de la maison.

 

Vignau raconte comment, conscient que c’était sa dernière chance, il accourt vers cette femme qu’il voit pour la première fois pour plaider sa cause et la convaincre.

Il se rétame alors devant elle et le directeur, embarrassé, de l’assistance publique. Pour se relever et se plaquer contre cette adulte inconnue et, quasiment, l’implorer de le prendre….

 

 

Une fois adopté par cette femme, les ennuis médicaux de Jean-Pierre Vignau s’amoncellent. Cirrhose du foie, problèmes pulmonaires, décalcification, colonne vertébrale en délicatesse…. On est donc très loin du portrait de l’enfant « parfait » ou doué.

 

La greffe prend entre Vignau et ses parents « nourriciers ». Mais pas avec l’école. Il sera analphabète jusqu’à ses 28 ans et apprendra à lire en prison.

 

Lors de ma rencontre avec lui fin novembre chez lui, un demi-siècle plus tard,  nous avons surtout parlé d’Arts martiaux ;  un peu de son expérience de videur (durant huit ans). Et de son accident lors d’une de ses cascades qui lui a valu la pose d’une prothèse de hanche alors qu’il était au sommet de sa forme physique.

Nous avons peu parlé de son enfance. Pourtant, il est évident que celle-ci, de par les blessures qu’elle lui a infligées, mais aussi grâce au bonheur connu près de ses parents nourriciers, l’a poussé dans les bras de bien des expériences, bonnes et mauvaises, qu’il raconte dans son Corps d’acier.

 

Je n’ai aucune idée de ce que cela peut faire de lire d’abord Construire sa légende, son dernier ouvrage. Mais en le lisant après Corps d’acier, j’ai vu dans Construire sa légende une forme de synthèse intellectualisée et actualisée de ce que l’on peut trouver, de façon « brute », dans Corps d’acier.

 

Construire sa légende a été co-écrit par Jean-Pierre Vignau et Jean-Pierre Leloup «  formateur en relations humaines en France et au Japon ».

Jean-Pierre Leloup « anime des conférences sur le développement personnel » nous apprend entre autres la quatrième de couverture. L’ouvrage est plus rapide à lire que Corps d’Acier et le complète. Corps d’Acier, lui, compte plus de pages ( 231 contre 159) a été publié par les éditions Robert Laffont  dans la collection Vécu.

 

Donc, avec Corps d’Acier, on a un récit direct d’un certain nombre d’expériences de vie de Jean-Pierre Vignau ( Assistance publique, ses parents nourriciers, sa mère, son beau-père, la découverte des Arts Martiaux, son passé d’apprenti charcutier, de serveur, de mercenaire en Afrique, son flirt avec le SAC de l’Extrême droite etc…). Dans un climat social qui peut rappeler la France de Mesrine – qu’il ne cite pas- ou du mercenaire Bob Denard qu’il ne cite pas davantage. Mais aussi à l’époque du Président Valéry Giscard D’estaing (Président de 1974 à 1981) décédé récemment voire du Président Georges Pompidou qui l’avait précédé.

 

Cette époque peut sembler étrangère et très lointaine à beaucoup. Et puis, on arrive à des passages où on se dit que, finalement, ce qui existait à cette époque peut encore se retrouver aujourd’hui. Exemples :

 

Page 89 (sur son expérience de mercenaire)

 

« L’Afrique, je n’ai pas grand chose à en dire (….). J’étais là pour me battre, pour oublier, si c’était possible. Pour me lancer à corps perdu dans des combats auxquels, politiquement, je ne comprenais rien mais dont la violence effacerait peut-être Claudine de ma mémoire ».

 

Page 90 :

«  La grande majorité des gars du camp cherchaient à anéantir leur peur par tous les moyens, surtout grâce à l’alcool. Parfois, c’était à se demander pourquoi ils étaient là. 80% d’entre eux faisaient croire aux autres qu’ils étaient là pour la paye. Les autres 20% étaient là, paraît-il, pour « casser du Nègre ». En réalité tous ces bonshommes qui étaient loin d’être des « supermen », étaient largués dans cette jungle pour des motivations semblables aux miennes. C’est-à-dire qu’une femme les avait laissés tomber, leur femme, leur mère, leur sœur etc…Et par dépit, ils s’étaient embarqués, comme moi, dans cette galère ».

 

Sur sa violence au travers de son expérience de videur :

Page 173 :

 

« Donc, tous les soirs, bagarre (… ) C’était le n’importe quoi intégral, dans cette ambiance bizarre de trois quatre heures du matin, dans cette jungle pas africaine du tout ».

 

«  Quelque chose ne tournait pas rond en moi, aussi (….). Je sentais que je commençais à prendre du plaisir à taper sur les emmerdeurs. La violence accumulée toutes ces années ».

 

« Ces soirées où je risquais ma vie pour que les noctambules puissent s’agiter tranquillement sur les pistes de danse ».

 

« J’étais devenu une sorte de machine parfaitement rodée et huilée, toujours en progrès. Une machine à démolir. Une machine à tuer. Même quand je dormais je ne rêvais que de bagarres, coups, courses dans les rues de mes rêves ».

 

Jusqu’au jour où un événement « l’éveille » particulièrement et l’amène à changer d’attitude.  (L’événement est relaté dans le livre). A partir de là, la pacification de soi qui est au cœur de la pratique des Arts Martiaux prend le dessus. Mais comme on le comprend en lisant Corps d’Acier, il a fallu que Jean-Pierre Vignau vive un certain nombre d’épreuves et d’expériences auxquelles il a survécu. Et, il lui a fallu beaucoup de travail effectué au travers des Arts Martiaux – qu’il débute à 13 ou 14 ans- tel qu’il en parle, page 190.

 

 

L’importance de persévérer dans le travail sur soi :

Page 190 :

 

«  La deuxième forme de recherche, celle à laquelle je consacre mon temps et ma vie, est une esthétique du mouvement. Ce qui amène à une forme de logique spirituelle. Pour obtenir un résultat, il faut travailler, travailler encore et toujours. On forme donc son corps, son endurance et la volonté de son esprit. Et, sans même la chercher, on obtient l’efficacité ».

 

Dans ce passage, Vignau explicite que la voie martiale est assez longue. C’est donc un mode de vie. La voie martiale est le contraire d’une mode, d’un spectacle, d’un raccourci vers le chaos comme une dictature, le banditisme ou le terrorisme par exemple.

 

Par manque de travail sur soi, nos existences peuvent facilement devenir stéréotypées et stériles même si nous avons l’impression de « faire quelque chose » ou d’être «  quelqu’un ». Vignau le dit à sa manière, page 192 :

 

« Ici, quand je m’entrainais, c’était uniquement pour moi et pas pour aller frapper les images parlantes qui viendraient «  foutre la merde » le soir dans les boites ».

Conclusion :

Pour conclure, dans Construire sa légende Croire en soi, ne rien lâcher et aller jusqu’au bout, page 42, il y a ce passage :

 

« La réaction aux situations stressantes sont de trois ordres : combat, fuite, blocage, respectivement 15%, 15%, 70 % chez l’individu lambda. Les policiers du RAID, par exemple, inversent ce rapport avec 70% pour la réaction de combat. Appliquons cela à Vignau à travers quelques unes de ses expériences ».

 

 

Dans Construire sa légende, il est aussi précisé plusieurs fois qu’il est inutile d’essayer de ressembler à Vignau. Ou à un policier du RAID, d’abord sélectionné pour des aptitudes mentales, psychologiques et physiques particulières. Puis formé et surentraîné à diverses méthodes de combat.  Avec et sans armes.

 

Chacune et chacun fait comme il peut. Cependant, certaines personnes, sans faire partie du RAID, savent très bien combattre. Mamoudou Gassama, le jeune Malien sans papiers, qui, le 26 Mai 2018,  avait sauvé le gamin accroché dans le vide à un balcon d’immeuble dans le 18ème, avait selon moi combattu. Sans pour autant faire partie du RAID. Et je ne sais même pas s’il était pratiquant d’Arts Martiaux.

Ce 26 Mai 2018, Mamoudou Gassama avait au moins combattu l’impuissance et l’inaction devant la chute prévisible de l’enfant suspendu dans le vide. Mais aussi  certains préjugés sur les migrants sans papiers.

 

Mais seule une minorité de personnes est capable de réagir spontanément comme l’avait fait Mamoudou Gassama en risquant sa vie ce jour-là. D’ailleurs, il avait été le seul, parmi les « badauds » présents, à pratiquer l’escalade jusqu’au gamin. 

 

On peut trouver des Maitres, des coaches, des thérapeutes ou autres personnes de confiance et bienveillantes qui peuvent nous permettre d’inverser un peu ces pourcentages lors de situations stressantes dans notre vie quotidienne. Pas nécessairement lors d’un combat ou d’une agression dans la rue.

 

On peut aussi diversifier nos expériences pratiques et sportives dans des disciplines qui, a priori, nous effraient ou nous semblent inaccessibles. Et se découvrir, avec de l’entraînement, certaines aptitudes que l’on ignorait.

 

Le combat, cela peut être, et c’est souvent, d’abord vis-à-vis de nous mêmes qu’il se déroule. Vis-à-vis de nos propres peurs que nous acceptons de combattre ou devant lesquelles nous fuyons ou nous bloquons. Si nous acceptons de combattre certaines de nos peurs, nous pouvons changer de vie pour le meilleur au lieu de subir.

 

Corps d’Acier La force conquise La violence maitrisée et Construire sa légende Croire sa légende Ne rien lâcher et aller jusqu’au bout parlent au moins de ça. Ou, alors, j’ai lu de travers et raté mon explication de texte.

 

 

 

Franck Unimon, ce vendredi 11 décembre 2020.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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La Fabrique du Monstre / Un livre de Philippe Pujol

 

 

 

 

 

Marseille a d’abord été un amour étranglé. Il m’a fallu du temps pour aimer cette ville. L’élan de l’accent, du soleil et de la mer, stoppé. Elle était blanche. J’étais noir.

 

J’aurais dû le savoir dès notre première rencontre à Paris, à la Gare du Nord. Elle partait en Irlande. Moi, en Ecosse. Elle écoutait U2 et des groupes comme Simply Red. J’écoutais Miles Davis, des groupes comme Black Uhuru mais aussi du Zouk.

 

Ses parents ne votaient peut-être pas pour le Front National mais sans doute louaient-ils certaines de ses idées.

La littérature, sujet de ses études universitaires en lettres classiques avec le Latin et le Grec, nous avait aussi rapprochés. Par « réalisme » économique et social,  quatre ans plus tôt, au lycée, j’avais renoncé à aller à la Fac. Et, peut-être qu’avec elle, je me rattrapais.

 

Je fus prêt à venir m’installer à Marseille. J’avais prévu de postuler à l’hôpital Edouard Toulouse ou dans n’importe quel autre établissement hospitalier. Elle m’en dissuada.

 

Après une première « séparation » et quelques années, comme tant d’autres qui vivent par espoir et par amour, je finis par être déshérité par cette histoire de rejet.

 

Notre première rencontre datait du 20 ème siècle. En 1990. Deux de mes amis, une femme et un homme, elle, parisienne blanche, lui, Arabe originaire d’Algérie qui, enfant, avait connu les bidonvilles de Nanterre, ne croyaient pas à cette histoire de couleur de peau.

 

Je n’ai jamais douté de cette histoire. Il a toujours été évident pour moi que tout sacrifice de sa part en faveur de notre relation me serait reproché plus tard.

 

Je rencontrais néanmoins ses parents. Et cela se passa bien. Je pris une chambre d’hôtel avec vue sur le Vieux-Port. Ce fut pour son mariage avec un autre. Un Marseillais comme elle avec lequel la rencontre avait coulé de source.

 

Quelques années plus tard, nous nous sommes brouillés officieusement. Peut-être définitivement. J’imagine que, pour elle, c’est du fait de ma connerie.

 

Depuis, je suis retourné à Marseille. Sans l’appeler.

 

J’ai appris avec cette histoire que l’Amour partagé et sincère ne suffit pas.

 

 

Philippe Pujol a quarante et un ans lorsqu’il écrit La Fabrique du Monstre, paru en 2016.

Ce livre a un sous-titre : «  10 ans d’immersion dans les quartiers nord de Marseille, parmi les plus inégalitaires de France ».

 

Pujol aime Marseille qu’il qualifie de «  plus jolie ville de France » à la fin de son livre. Mais lorsqu’il  parle de Marseille, l’Amour n’est pas son seul atout.

 

Pujol s’est fait connaître pour d’autres ouvrages. Il a obtenu le prix Albert Londres de l’année 2014 «  pour sa série d’articles Quartiers Shit publiés dans le quotidien régional La Marseillaise » nous apprend la quatrième de couverture.

 

C’est sans doute ce prix Albert Londres, un de ses ouvrages relatif à Marseille ou celui qu’il a consacré à son cousin fasciste qui m’a permis d’entendre parler de Philippe Pujol pour la première fois il y a deux ou trois ans.

 

Je croyais que Pujol, d’origine corse nous apprend-t’il, était né à Marseille. Il est né à Paris dans le 12èmearrondissement selon Wikipédia. Par contre, il a grandi et vit à Marseille depuis sa petite enfance. Au gré de certaines de ses connaissances qu’il nous présente, on devine qu’il a dû grandir dans un milieu social moyen ou au contact de personnes d’un milieu social moyen et modeste avec lesquelles il a su rester en relation. J’aurais peut-être pu devenir un petit peu comme lui si j’étais resté vivre dans ma cité HLM de Nanterre. Pas en faisant une école de journaliste. Mais en rencontrant d’abord comme je l’ai fait et comme je continue de le faire différentes sortes de personnes de par mon métier d’infirmier en psychiatrie et en pédopsychiatrie.

 

La ville de Marseille que Pujol raconte dans La Fabrique du Monstre est celle des tranchées. Peut-être, aussi, celle des trachées. On y respire moins bien qu’en terrasse ou au bord de la plage où l’on vit débranché de ce que Pujol raconte.

 

En cherchant un peu, on apprend vite que Pujol a tenu pendant des années la colonne fait divers d’un journal de Marseille. Et qu’il a appris à écrire de cette manière. De ses débuts de journaliste-reporter, Pujol peut dire lui-même qu’il faisait « pitié » question écriture.

Alors que je rédige cet article, je me dis qu’il y a un peu du David Simon (l’auteur de Sur Ecoute, Treme…..) chez Philippe Pujol. Pour cette façon qu’il a de coller ses branchies, ses six-trouilles et son cerveau dans certains milieux de Marseille tapis dans l’hostilité ou la clandestinité où il vaut mieux être accepté. Et pour pouvoir en parler ensuite dans ses livres.

 

Pujol a sans aucun d’autres modèles que Simon et il en cite quelques uns à la fin de son livre. Mais je ne crois pas qu’il me reprochera de le rapprocher- un peu- de David Simon.

 

Car son La Fabrique du Monstre est un travail de pelleteuse lorsqu’il parle de Marseille. Il retourne la ville pour nous l’expliquer. Tantôt en sociologue ou en historien, tantôt en expert comptable ou comme un auteur de polars. Qu’il parle des petits trafiquants de shit, des règlements de compte, d’autres trafics ; du monde politique marseillais depuis ces trente dernières années (Gaudin, Guérini…) ; des alliances politiques avec le Front National ; des immeubles insalubres, des difficultés de logement, de cafards à cinq centimes et de Mac Do ; des projets immobiliers discordants, du clientélisme ; de certains bandits qui investissent ou s’arrangent avec de grandes entreprises, de racket, d’un certain «bordel » concernant la conduction des projets ; de la mainmise du syndicat F0 sur certaines transactions… Pujol décrit presque Marseille comme s’il s’agissait d’une simple cité (une cité faite d’un certain nombre de villages). Et qu’il en connaissait presque chaque atour. Ainsi que les murmures et les rumeurs qui vont avec.

 

 

La ville qu’il « enseigne », je l’ai à peine effleurée. Et, l’on se dit que toute personne qui souhaiterait venir s’installer à Marseille pourrait être bien inspirée de lire son ouvrage. Selon son projet de vie, y aller seule, investir dans l’immobilier ou y faire grandir ses enfants, celle ou celui qui lira son livre aura de quoi éviter de s’illusionner sur le côté en prime abord décontracté de la ville. Même si Pujol souligne aussi qu’il y a des personnes qui réussissent à venir habiter à Marseille. Et à y rester.

 

 

En parcourant La Fabrique du Monstre, on apprend que Marseille, cela reste loin, pour le gouvernement parisien. D’où cette espèce de « carte blanche »  laissée aux différents acteurs économiques et politiques de la ville et de la région abonnés aux excès. Au détour d’une anecdote, on croise ainsi le mépris aujourd’hui lointain d’un Lionel Jospin, alors Ministre, qui, sollicité pour intervenir sur un dossier marseillais réplique en quelque sorte qu’il a d’autres mistrals à fouetter. Sa future défaite aux élections présidentielles peut-être….

 

Pujol précise que, malgré le soleil, la mer et diverses réalisations qui ont fait du bien à l’image de Marseille, celle-ci reste pour beaucoup une ville «  en voie de développement ». D’autres parlent d’une paupérisation de ses classes sociales moyennes et modestes. Ce qui l’amène à voir Marseille comme un condensé de la France où, de plus en plus, les pauvres vivent avec les pauvres, et les riches avec les plus riches. 

 

 

Néanmoins, Pujol souligne que deux ou trois grandes avancées pour Marseille viennent de l’Etat ou de l’Europe :

 

Le TGV qui a mis Marseille à trois heures de Paris. Le projet Euroméditerranée.

Marseille, ville européenne de la Culture 2013.

 

 

Pour conclure, Pujol salue la grande aptitude des Marseillais à continuer de se parler. J’ai été agréablement étonné d’apprendre qu’il existe à Marseille un militantisme  antifasciste actif qui a plus d’une fois pris le dessus sur certaines initiatives du Front National.

Plus tôt, il a affirmé que Marseille a plus une culture du grand banditisme que du terrorisme islamiste.  

Pour lui, Marseille n’est pas le monstre régulièrement présenté dans certains média. Mais la France telle qu’elle peut être dans d’autres régions. Sauf que sa misère et ses travers se voient davantage en plein soleil que coulés dans le béton et dans certaines banlieues plus ou moins éloignées.  

 

Franck Unimon, ce jeudi 3 décembre 2020.

 

 

 

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Renaître/ un livre écrit avec Marion Bartoli

   

 

        Renaître/ un livre écrit avec Marion Bartoli

« Bartolir : prendre une décision irréfléchie ». 7 ans plus tard, ce néologisme porté sur un réseau social ( Twitter ou instagram) par un lettré médiatisé continue à ne pas me revenir.

 

C’était fin 2013, après la victoire de la joueuse de tennis Marion Bartoli à Wimbledon. Celle-ci venait d’annoncer sa retraite sportive. Et, Bernard Pivot, référence littéraire en France depuis les années 70 avec l’émission Apostrophes, s’était exprimé.

 

J’ai grandi « avec » Apostrophes. Même si j’ai peu regardé cette émission, je savais que c’était une institution intellectuelle. Même Mohammed Ali était passé à Apostrophes. Lycéen et ensuite, si j’avais pu, j’aurais aimé écrire un livre ou pouvoir susciter l’intérêt des pointures qui s’y sont présentées. Comme de Bernard Pivot.

 

Evidemment, comme la majorité des lycéens et des spectateurs, cela n’est jamais arrivé. Je me suis rabattu sur L’école des fans de Jacques Martin où je ne suis jamais passé non plus.

 

Puis, ça m’était passé. Bernard Pivot et Apostrophes ou sa dictée ne faisaient plus partie de cette lucarne de but où je cherchais à entrer. Ou peut-être aussi, que comme la majorité, je m’étais résigné au babyfoot.

 

Aujourd’hui, on dirait plutôt : « Comme la majorité, je m’étais résigné à la console de jeux et aux réseaux sociaux ». Après avoir obtenu un travail, m’être inséré, fait des amis, quelques voyages, j’avais trouvé ailleurs et avec d’autres de quoi me regarder.

 

« Bartolir ».

 

Visiblement, en 2013, Bernard Pivot continuait de compter pour moi.

Lorsque j’avais lu ce mot, je m’étais dit que j’aurais bien voulu le voir, le Bernard Pivot, en short et chaussettes, avec une raquette de tennis, se mangeant les séances d’entraînement massives et quotidiennes de Marion Bartoli !

 

J’en ai beaucoup voulu à ce lanceur de dictée. Je me suis rappelé de ma lecture d’un article racontant sa « rencontre » avec le navigateur Eric Tabarly. Pivot, l’intello de plateau, y avait été décrit comme une sorte d’animateur prenant Tabarly de haut, car incapable de s’ajuster au fait que cet homme des vagues se tenait là sans se prêter à l’eau pâle des alexandrins et des cotillons verbaux. 

 

En 2013, amateur de sport, comme Bernard Pivot, j’imaginais pourtant facilement l’usure mentale et physique de celle qui s’était engagée mais aussi esquintée en pratiquant le sport à très haut niveau. C’était peut-être dû aux séquelles de mes propres blessures de sportif amateur depuis mon adolescence. A ce que j’avais fini par en apprendre.

 

C’était peut-être dû à la lecture de quelques articles dans les journaux concernant Marion Bartoli. Ou à celle d’ouvrages d’anciens joueurs de tennis de haut niveau :

 

Déclassée de l’ancienne numéro un française Cathy Tanvier m’avait sans doute beaucoup éduqué.

 

Plus jeune, adolescent, je me marrais devant les défaites répétées de Cathy Tanvier pendant les tournois de tennis. En apprenant qu’elle avait été « éliminée » dès les premiers tours de tel tournoi du grand Chelem, « notre » numéro vingt mondial.

 

 Puis, j’avais lu son Déclassée, (paru en 2007). Non seulement, il était très bien écrit, m’avait ému. Mais, en plus, ce livre m’avait remis à ma place.

 

En découvrant la vie personnelle de Cathy Tanvier, j’avais compris que le parcours professionnel de haut niveau qu’elle avait tracé en parallèle avait nécessité des efforts gigantesques. Et que ces efforts qu’elle avait dû produire en « surcharge » avaient sûrement plus d’une fois fait la différence avec les autres championnes qui gagnaient les finales car, délestées, elles, de ces contraintes. Mais aussi de certaines blessures physiques. Car Cathy Tanvier avait participé à certains de matches en étant blessée.

 

 

Open écrit par André Agassi (paru en 2009) m’avait aussi éduqué. Si la carrière tennistique d’André Agassi a bien sûr été plus triomphale que celle de Cathy Tanvier, il existe pourtant des points communs entre leurs carrières et celle…d’une Marion Bartoli dont « le » livre, Renaître, est paru en 2019. Aujourd’hui, Marion Bartoli, née en 1984, a 36 ans.

 

La précocité :

Marion Bartoli a quatre ou cinq ans lorsqu’elle tient sa première raquette de tennis en main. Contrairement à un André Agassi et une Cathy Tanvier qui se révèlent très tôt particulièrement doués, dans Renaître, Marion Bartoli répète qu’elle avait seulement pour elle une concentration supérieure à la normale ainsi qu’une certaine rage.

 

 

Modèle et environnement familial :

J’ai oublié comment Cathy Tanvier en était arrivée à jouer au tennis. Mais je me rappelle que le père d’André Agassi avait d’abord voulu faire de son frère et de sa sœur aînée des champions de tennis. En vain. Avant de s’apercevoir que le « dernier », André, avait des aptitudes particulières : dont un certain coup d’œil pour évaluer la trajectoire de la balle.

 

C’est en regardant son père et son frère Franck, de neuf ans son aîné, jouer au tennis que Marion Bartoli eu envie de participer.

 

Pendant toute sa carrière, Cathy Tanvier n’a eu de cesse de courir après les balles de tennis et les tournois afin de compenser les infidélités conjugales et les pertes financières de son père.

 

André Agassi a eu à faire avec un père tyrannique, d’origine arménienne, déterminé et imposant.

 

Le Clan des Bartoli :

 

Marion Bartoli, elle, nous parle d’un clan familial obligé de partir de Marseille, leur ville de chair, en se coupant du reste du monde afin d’aller s’établir à Retournac, petit village pépère de 2500 habitants.

« Papa » Walter Bartoli a perdu sa mère lorsqu’il avait deux ans. Son père a refait sa vie sans lui. « Maman » Sophie, elle, est manifestement brouillée également avec sa propre famille. Mais la petite Marion ignore la raison de ces différends. Papa, maman, Franck et Marion Bartoli partent s’installer à Retournac et vivent en clan.

Retournac se trouve en Auvergne. L’Auvergne est une très jolie région. Mais cela n’a rien à voir avec le climat et l’ambiance de Marseille.

 

Dans la région d’Auvergne, donc, les Bartoli forment un clan d’amour où la rudesse économique est perceptible. Papa Bartoli est médecin libéral. Maman, ancienne infirmière de nuit, est la secrétaire. En été, pendant les vacances, la famille s’en sort financièrement. Autrement, il y a deux ou trois fois moins de travail pour le Dr Bartoli et donc moins d’argent pour la famille. 

 

A lire Renaître, il semblerait aussi que « Les » Bartoli soient un clan fermé : apparemment, aucun cousin, cousine, tonton ou tata du côté du père comme de la mère n’est présent dans le cadre de la maison.

 

La petite Marion Bartoli est très bonne élève. Elle aime être la première de la classe et ne sourcille pas lorsque son père lui demande de prendre de l’avance sur ses cours. En outre, au vu des difficultés concernant les fins de mois, elle s’applique à être exemplaire.

 

Le tennis va devenir un cocon pour faire plaisir, pour exister, pour prendre une revanche mais, aussi, pour donner une certaine revanche aux parents.

 

Construire ses matches comme on construit les marches de son  destin :

Le goût de la compétition, de l’effort, ainsi que l’envie de rendre les parents fiers, vont petit à petit gagner du terrain. Le père et la fille, au moins, vont de plus en plus se prendre au jeu. Marion, pour réussir et donner cette réussite à sa famille. Le père, pour être présent et soutenir sa fille mieux et plus que son propre père ne l’a fait pour lui.

Le frère aîné va s’engager dans l’armée. Marion, elle, va devenir un soldat volontaire de l’entraînement. Pour réussir, elle apprend très vite qu’il lui faut travailler bien plus que les autres.

 

Une critique du système éducatif dans son ensemble :

 

Dit comme ça, on pourrait penser que ce tandem que va former Marion Bartoli avec son père est « juste » l’histoire de deux personnes qui pansent leurs plaies à travers l’autre. Ou  l’histoire d’une enfant qui fait son possible pour sauver ses parents d’une certaine détresse.

 

Mais la carrière de Marion Bartoli, « peu douée pour le tennis », est aussi une critique du système éducatif dans son ensemble. Même si, dans Renaître, Marion Bartoli s’en prend principalement à la Fédération Française du Tennis qui, à plusieurs reprises, s’obstine à vouloir faire d’elle une simple exécutante de la balle jaune. Alors que, très tôt, celle-ci a été l’associée de son père et entraîneur. Et que c’est par lui et avec lui qu’elle s’est sortie du lot des joueuses jusqu’à se faire remarquer, du fait de ses résultats, par cette même Fédération Française du Tennis.

 

Dans son livre, on est marqué par le très grand manque de compétence psychologique de plusieurs personnalités, pourtant émérites, de la Fédération Française de Tennis. Et, on se dit qu’il doit y avoir bien d’autres fois, ou en d’autres circonstances, et dans d’autres institutions, où ce genre de situation arrive :

 

Des cadres qui ont le Pouvoir- et dont la carrière et le palmarès font autorité -s’estiment légitimes pour disqualifier les méthodes d’apprentissage d’un athlète ou d’un candidat dont les performances font pourtant partie du plus haut niveau. Un peu comme si un professeur de guitare au conservatoire méprisait la façon dont un jeune Jimi Hendrix avait appris à jouer des notes.

 

 Il faut attendre Amélie Mauresmo, un profil peut-être « différent » ou hors norme de par sa vie personnelle en tant que femme homosexuelle affirmée, pour trouver une interlocutrice plus ouverte. Ou, peut-être aussi que lorsque cette rencontre survient entre Amélie Mauresmo, capitaine de l’équipe de France de Tennis, que Marion Bartoli est alors mieux disposée pour s’affranchir de son père.

 

La retraite sportive et la vraie vie :

Avec sa retraite sportive, on retrouve cette « petite » mort déjà racontée par d’autres.  A la fin de la carrière intense et des jets d’adrénaline, pousse un vide et un sentiment de surplace sans limites qu’il faut remplir. Marion Bartoli peine à digérer son « départ » à la retraite mais aussi sa sortie du cocon familial qu’a été sa relation en particulier avec son père au travers du tennis.

 

Pendant des années, au travers du tennis, Marion Bartoli a vécu dans un cocon. Dans ce cocon, sa famille, son clan, était constamment présent grâce au cordon qui la reliait à son père. Sa retraite sportive coïncide avec l’âge où elle quitte ses parents. Ça fait beaucoup.

 

S’ensuit une sévère dépression. Pour Marion Bartoli, ça passe à la fois par des troubles alimentaires… mais aussi par une relation sentimentale « banque-cale » avec un homme.  Puisqu’il en faut un pour essayer de colmater l’absence de papa. Ou de maman.

 

Cela a pu arriver à d’autres y compris dans des professions rigoureuses comme espionnes (Les Espionnes racontent, un livre de Chloé Aeberhardt, paru en 2017).

 

Car l’armature et la très haute habilité affective que l’on peut avoir sur un terrain de sport ou dans un environnement professionnel ne suit pas forcément dans la vie intime. Les règles et les limites y sont plus floues et plus incertaines. Sur un court de tennis, lorsque la balle est dans le filet  ou dans le couloir, il y a faute et le jeu s’arrête. Dans la vraie vie, le jeu peut malgré tout continuer. La vie intime est tel un hymen docile. S’offrir  à l’autre, en vue de rester avec lui ou de le garder, est le contraire de la performance. Dans une performance, on cherche à annuler, bloquer, détourner, dépasser, déstabiliser ou détruire l’autre.

 

Dans Renaître, on lit et on entend l’humour et l’autodérision « connues » de Marion Bartoli. J’ai eu un grand plaisir à lire ce livre dans lequel elle nous parle aussi un peu de quelques à-côtés du Tennis de haut niveau : Serena Williams, Maria Sharapova….

 

Aujourd’hui, ce ne sont plus les mêmes joueuses de tennis qui dominent autant le Tennis mondial (à part peut-être Serena Williams encore un peu), mais il en est sûrement quelques unes et quelques uns qui ont connu ou vont connaître les mêmes états que Marion Bartoli. Dans le monde du Tennis ou ailleurs.

 

Franck Unimon, ce mardi 17 novembre 2020.