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Au Fair Play Sport ce samedi 26 décembre 2020

                          Au Fair Play Sport ce samedi 26 décembre 2020

Lorsque j’ai appris à ma sœur que j’allais emmener ma fille à Paris, dans le 20ème arrondissement, afin qu’elle fasse une initiation de karaté, elle a été étonnée.  J’habite à Argenteuil, en banlieue parisienne.  Il y a des clubs de karaté plus proches. Pourquoi faire autant de trajet ?!

 

Cela fait des années que je fais marrer ma sœur avec mes « excentricités ». Ou que je la déconcerte avec ma logique. Cela nous a aussi valu de sérieux accrochages. 

 

Elle n’est pas la seule personne que je  déconcerte. Cela m’a déjà desservi. Cela continue de me desservir.

 

J’ai néanmoins essayé d’expliquer à ma sœur la raison pour laquelle je tenais à ce que ma fille découvre le karaté avec Jean-Pierre Vignau. D’accord, on peut faire son apprentissage du Karaté ou de toute autre activité physique, sportive ou martiale, avec un professeur proche de chez soi. On peut aussi faire des rencontres décisives près de chez soi.

 

Cependant, les Maitres sont assez rares. Et, Jean-Pierre Vignau en est un. On pourrait penser que je suis un énième père phagocyté par sa vanité et son ego démesuré, pressé de livrer son enfant à cette espèce de « divinité » qu’est un Maitre. Dans l’attente de voir se réincarner dans le corps de ma fille une vie meilleure que toutes celles que j’ai pu rater et espérer.

 

Mais j’ai, je crois, quelques arguments pour réfuter cette idée.

 

Entre Sensei Jean-Pierre Vignau, ancien enfant chétif, placé à l’assistance publique, puis adopté dans une ferme dans le Morvan et ma fille, née chétive car grande prématurée, il y a une relation. Ma fille pesait 880 grammes à la naissance. Bien-sûr, il y a moi entre les deux, bébé bien portant de plus de 4 kilos à la naissance. Et moi, d’une certaine manière, on peut dire que j’ai adopté l’un et l’autre. Car je ne confierais pas ma fille à n’importe qui.

 

Par ailleurs, on peut peser son poids à la naissance et plus tard et être chétif. L’ignorance rend chétif. La bêtise rend chétif. Le découragement rend chétif. La peur rend chétif. La connerie rend chétif. Le manque d’estime de soi-même rend chétif. Et, ça, ce sont des sentiments et des émotions que j’ai connus et que je connais. A ceci près que, contrairement à d’autres peut-être, je m’en souviens. Quelles que soient mes « réussites » ou mon assurance supposées ou éventuelles, j’essaie d’être « meilleur » que je ne le suis ou ne l’ai été. Mes moments d’autosatisfaction existent et sont nécessaires. Mais ils sont provisoires et nécessitent d’être régulièrement réapprovisionnés.

 

En tant que père, et avant même d’être père, j’ai toujours considéré le fait de nager, d’apprendre à lire et à écrire, d’apprendre à se défendre et à faire du vélo comme des apprentissages indispensables. Il est d’autres apprentissages que je vois comme indispensables. Comme savoir prendre la parole, par exemple. Ou savoir s’affirmer. Ce qui revient à savoir se défendre.

 

Alors, il y a un peu partout des enseignants, des formateurs, des éducateurs  comme des spécialistes dans différents domaines qui sont compétents. On peut,  aussi, simplement, s’en remettre au bon sens pratique. Aller près de chez soi. Puisque c’est là que l’on habite. Et partir du principe que «  ça va le faire ». Ou que ça va suffire. Un peu comme on s’en remet au petit bonheur la chance ou, pour dire ça plus prétentieusement, comme on laisse un certain déterminisme décider à notre place. Et, ça peut « marcher ».  D’autant qu’il peut être stérile de s’agiter dans tous les sens par peur du vide ou du néant.

 

Mais on peut aussi mal tomber. Et si l’on aperçoit, quelque part ou quelqu’un, un ailleurs accessible qui peut nous « élever », autant s’accorder cet ailleurs. Plutôt que de le négliger ou de le repousser comme on repousserait un plat ou une œuvre de premier choix juste parce-que l’on a déja un sandwich ou un bouquin avec soi.

 

 

Par ailleurs, je ne crois pas que les « champions » dans une discipline soient obligatoirement les meilleurs pédagogues.  Ou les plus disponibles. Les « champions » ont souvent des « objectifs » élitistes et sont plutôt pressés. Ils sont aussi plus concentrés sur eux-mêmes.  Cela se comprend : on ne peut pas être dévoué aux autres, et tourné vers eux,  et, en même temps, vouloir se consacrer à sa carrière, ses performances et ses records.

Ce n’est pas vers le « champion » Jean-Pierre Vignau que j’ai emmené ma fille.  Mais vers l’Homme que j’ai rencontré.

 

 

Un enfant peut entendre parler de telle personne qui, à tel endroit, pratique telle discipline. Mais ce qui est assez courant, aussi, c’est que dans sa découverte du Monde et de la vie, un enfant va se référer à son environnement immédiat. A ce qu’il voit, entend et comprend de son foyer parental, la famille, l’école, le centre de loisirs, là où il habite, son voisinage. « L’Au-delà » de cet environnement immédiat est souvent un No Man’s Land à moins d’en capter quelques images au travers de media ou de quelques paroles entendues parfois ou souvent à l’insu des adultes.

 

Généralement, « L’Au-delà » de  l’environnement immédiat de l’enfant est le « territoire » des adultes et des parents. Celui des loups et de toutes les créatures qui peuvent faire peur à un enfant.  Là où les « grands » disparaissent durant quelques heures, voire quelques jours ou quelques semaines, et dont ils rapportent dans leur « gueule » ensuite, en rentrant, des paroles, des souvenirs, des objets ou des expériences plus ou moins marquantes pour un enfant. Le Père Noël et ses cadeaux, même si ce sont devenus aujourd’hui des conditionnements commerciaux, ont peut être été conçus pour récompenser les enfants d’être restés bien sagement à la maison. Loin des dangers d’une certaine vie. Même s’il peut être plus risqué pour certains enfants de rester à la maison….

 

 

Si Internet, aujourd’hui, permet peut-être d’accélérer ou de rapprocher cette expérience de « l’Au-delà » du Monde et des adultes, ces derniers, conservent encore la primauté de la répétition de « l’exercice concret » de cette expérience. A moins d’avoir des parents abattus ou reclus à domicile, et des enfants qui prennent possession de l’extérieur de la maison ou qui fuguent, ce qui existe aussi.

 

 

En faisant le trajet jusqu’à Paris, dans le dojo de Jean-Pierre Vignau, je n’ai fait que mettre à portée de ma fille, un trajet, une intention, une intuition, une personne ainsi qu’un lieu, qu’à son âge, elle n’aurait pas pu découvrir par elle-même. Ou qu’elle n’aurait pas eu l’idée d’aller « voir » ou de faire. On sait assez, comment, ensuite, avant même de devenir adultes, nous adoptons assez rapidement une attitude qui consiste à nous « contenter » des mêmes endroits, des mêmes rencontres, des mêmes façons de cuisiner, de vivre et de penser. Par automatisme. Même lorsque cela nous empêche de rêver.

 

 

C’est donc à peu près pour ces raisons qu’il m’importait de me rendre au Fair Play Sport de Jean-Pierre Vignau avec elle. Même si l’on pourrait aussi se dire qu’emmener son enfant quelque part, et observer son comportement, est aussi un bon moyen pour regarder cet endroit, ou une personne, autrement. Afin de mieux voir s’ils nous correspondent.

Mais je n’avais pas cette intention là ce samedi alors que nous allions pour la première fois au Fair Play Sport, à la cité Champagne, métro Maraîchers, dans le 20 ème arrondissement de Paris.

 

 

Comme il m’arrive d’être en retard à mes rendez-vous et que ce projet  de découverte était le mien, j’espérais être à l’heure. Mais, aussi, que ma fille maintienne sa volonté de venir. Ces deux conditions ont été réunies. Le trajet s’est déroulé calmement dans ce Paris d’après Noël. Nous avons pris les transports en commun. Il y avait moins de passagers qu’aux heures de pointe, ce samedi après-midi. Le parcours a duré environ 45 minutes.

 

Il faisait assez froid dehors. Et presque aussi froid dans le dojo où nous sommes arrivés avec une bonne demie heure d’avance. Jean-Pierre et sa femme étaient déjà présents. Ainsi que quelques pratiquants ou  des habitués.

 

Devant notre avance, Jean-Pierre nous a dit : « C’est bien, comme ça vous allez pouvoir vous mettre dans l’ambiance ». Puis, il nous a indiqué le vestiaire. Ensuite, il nous a expliqué où mettre nos chaussures et nos affaires, dans les casiers à l’entrée du tatami.  Il m’a aussi autorisé à prendre des photos comme à filmer.

Nous avons donc découvert les deux ponts dont il m’avait parlé. Lesquels symbolisent la séparation entre le monde extérieur où l’on laisse sa vie coutumière. Et le monde du dojo. Nous avons aussi fait la connaissance de ces tableaux ou représentations de combattants, ainsi que de quelques photos de Maitres que je n’ai pas reconnus.

Dans la salle de musculation, sur la gauche, deux ou trois personnes s’entraînaient. Un homme nous regardait avec curiosité. Deux jeunes étaient déjà présents. Un autre homme m’a appris pratiquer avec Jean-Pierre depuis plus de trente ans. Il m’a parlé du précédent dojo de Jean-Pierre, rue Volga, plus grand, où il pouvait y avoir jusqu’à 60 enfants sur le tatami.

 

La « froideur » du lieu et sa relative austérité ne m’ont pas dérangé. D’une part, parce qu’en plein effort, on a d’autres préoccupations que s’attarder sur la couleur du crépi ou la température de la pièce. Mais aussi parce-que je crois depuis un certain temps que les personnes sont plus importantes que les murs à l’intérieur desquels on s’exerce. Même si, évidemment, je suis sensible à l’esthétique et au confort des lieux où je transite.

 

 

Quelques minutes avant le début du cours, Jean-Pierre s’est mis en kimono. Deux groupes ont été constitués. A gauche, les avancés, plus âgés, dont une femme. A droite, les enfants, dont une fille plus petite que la mienne d’une bonne dizaine de centimètres.

 

J’ai assisté aux dix premières minutes du cours. Depuis ma première rencontre avec Jean-Pierre, j’ai commencé à me rappeler un peu de mes un ou deux ans de karaté lorsque j’avais 12 ou 13 ans. Il y a quarante ans. Nous vivions alors dans une cité HLM à Nanterre qui existe toujours avec ses immeubles de 18 étages.

Je me suis dit que je retournerais peut-être dans ce gymnase, près de mon collège, où ces cours avaient eu lieu. Je me souviens encore du prénom de mon prof de karaté. Danko ou Danco. Je n’ai jamais su de quel pays il était originaire. Je me rappelle qu’il était assez petit et qu’après son départ, il avait été remplacé par un de ses élèves.

 

Alors que Jean-Pierre donnait ses consignes, il m’a semblé retrouver des « origines » de gestes.  Il m’a semblé que certains mots me parlaient. Il est vrai que la pratique du kata m’avait plu, enfant. Et que j’avais aimé les réviser chez moi dans ma chambre. C’est peut-être ça qui m’était resté et qui me revenait un petit peu.

 

Du côté de ma fille, ça se passait « moins » bien.  Tant que nous étions tous les deux côte à côté à arpenter le tatami, tout se passait bien. Puis, juste avant le début du cours, elle avait commencé à dire : «  Je suis timide… ». C’est devenu une espèce de rituel lorsqu’elle se trouve devant une certaine nouveauté. Mais je vois dans ce rituel l’équivalent d’un sortilège auquel elle s’est habituée, avec lequel elle se berce, qui a la puissante faculté de la priver de ses moyens avant même de tenter quoique ce soit. Et alors même qu’elle se trouve en terrain « ami ».

 

Je suis à chaque fois dérouté, et passablement agacé, par la survenue, répétitive et pourtant à chaque fois surprenante, de ce que je crois pouvoir appeler un « rituel ». L’observation et la réflexion ont du bon. Je l’admets. Mais l’autocensure quasi-systématique m’est difficile à supporter.

 

Jean-Pierre ne s’est pas alarmé. Il a dit gentiment à ma fille :

 

« Soit tu regardes, soit tu fais. C’est comme tu veux. Copie sur les autres ».

 

 

De son côté, un pratiquant expérimenté, ceinture noire, a dit à ma fille avec humour :

 

« C’est normal, si tu te trompes. Si tu réussis tout, c’est qu’il y a un problème ! ».

 

 

Après quelques minutes  (dix minutes) j’ai dit à ma fille, immobile, sur le tatamis :

 

« Profite-en ». Puis, je me suis éclipsé. Pour me mettre dans un angle mort de la salle, derrière le tatami, où ma fille ne pouvait pas me voir. Mais d’où, éventuellement, je pourrais la voir si elle se décidait à s’élancer.

 

 

Comme des panneaux indiquaient explicitement que l’usage du téléphone portable était interdit à l’intérieur de l’enceinte, je suis resté là, assis, à écouter. Près des vitrines où des kimonos et du matériel de protection était exposé et en vente. Le kimono de karaté coûtait 50 euros.

 

Par moments, j’entendais Jean-Pierre placer ses instructions en Japonais ainsi que ses exclamations. A un moment, je l’ai entendu dire, sur un ton complice :

« On a moins froid quand on bouge, hein ? ». Etait-ce ma fille ? J’ai essayé de voir. Rien.

 

 

Puis, le cours s’est terminé. Ma fille avait mangé sa compote sur le tatami. Un peu de compote tâchait son manteau qu’elle avait remis.

 

 

S’adressant à ma fille, pas du tout étonné, Jean-Pierre lui a dit :

 

« Moi, aussi, j’ai été un grand timide. Lorsque j’ai débuté le karaté, je suis d’abord resté deux semaines dehors à regarder. Je n’osais pas entrer. Un jour, il s’est mis à pleuvoir. Et, c’est le prof, qui m’avait vu, qui m’a dit d’entrer ». Ma fille n’a rien répondu.

 

 

Avant de partir, nous avons dit au revoir à Jean-Pierre ainsi qu’à Tina, sa femme. J’ai remercié Jean-Pierre.

 

Dehors, ma fille m’a répondu que cela lui avait plu. Mais j’étais contrarié. Je ne savais pas quoi ressentir et penser. Devant Jean-Pierre, je ne pouvais que m’incliner. C’était lui le Maitre. Il savait mieux que moi comment réagir devant une enfant comme ma fille qui n’avait, à mon sens, pratiquement pas bougé pendant l’intégralité du cours. Hormis pour donner quelques coups de poing et quelques coups de pied, si j’avais bien compris.

 

Mais, dehors, et en tant que père, j’étais partagé entre l’impatience, l’incompréhension, la colère, et l’inquiétude. Parce-que s’engager physiquement, pour moi, c’était apprendre à se défendre. Et, rester spectatrice ou spectateur, c’était apprendre à être victime. Voire, pire, peut-être : choisir d’être victime. Insupportable pour moi.

 

 

A côté de moi, ma fille était sereine. Nous marchions main dans la main sur le chemin du retour.

 

 

Je n’ai pas cherché lui tirer les vers du nez. A lui faire subir un interrogatoire tel que :

« Mais pourquoi ?! ».

 

J’ai essayé d’intégrer la leçon. Car, pour moi, la façon dont cela s’était passé ainsi que la manière dont Jean-Pierre avait réagi calmement était ma leçon de karaté. Ma leçon martiale. Mes inquiétudes de père devaient céder devant la patience, l’optimisme et la confiance. Je sais que l’on peut être lent au départ d’un apprentissage et, ensuite, lorsqu’intervient le déclic, connaître une évolution tout à fait correcte. Je suis comme ça. Ma fille peut être « pire » que moi.

 

 

Par ailleurs, je me suis rappelé qu’elle avait accepté de venir sans se faire prier. En outre, en la « laissant » sur le tatami, lorsque je me suis « éclipsé », j’ai été un moment touché par cette très grande confiance que peuvent placer les enfants…dans les adultes. Les enfants peuvent accepter tant de choses des adultes qu’en retour, ceux-ci se devraient ou se doivent de faire leur possible pour être à la hauteur d’une telle confiance mais aussi d’une telle innocence.

 

 

J’étais sûr, aussi, que cette expérience avait sans aucun doute été marquante pour ma fille. Cette grande salle. Ces représentations et ces tableaux. Ces enfants en kimono. Ces termes dans une langue inconnue. Les exclamations de Jean-Pierre. Ce qu’il lui avait dit. Il en resterait forcément quelque chose. A moi de m’assurer que ce serait du « bon ».

 

 

Alors que nous nous rapprochions de la gare St Lazare, j’ai pu trouver où acheter un chocolat chaud. J’ai tendu le gobelet à ma fille. Nous avons terminé le chocolat dans le train.

 

 

Deux ou trois jours plus tard, peut-être hier lorsque j’ai commencé à écrire cet article et que ma fille est venue regarder, elle m’a demandé :

 

« Tu aimes bien, Jean-Pierre Vignau ? ».

 

J’ai répondu :

 

« Oui, je l’aime bien. Autrement, je ne t’aurais pas emmenée le rencontrer ».

 

 Elle m’a écouté. Puis, elle s’est éloignée sans dire un mot.

 

 

Franck Unimon, ce mercredi 30 décembre 2020.

 

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Sensei Jean-Pierre Vignau : Un Monde à part

 

Sensei J-Pierre Vignau, ce lundi 21 décembre 2020 dans sa salle de musculation.

 

 

Sensei Jean-Pierre Vignau : Un monde à part

 

 

Il pleuvait ce lundi 21 décembre 2020 lorsque je suis retourné voir Sensei Jean-Pierre Vignau à son domicile. Depuis notre première rencontre fin novembre, j’avais lu ses deux livres Corps d’Acier ( 1974) et Construire sa légende   (2020)  distants de 26 ans. ( Corps d’Acier/ un livre de Maître Jean-Pierre Vignau ). 

 

 

J’avais aussi rappelé Jean-Pierre plusieurs fois. A chaque fois, il avait pris le temps de me répondre.

 

Cependant, la veille ou le matin de cette seconde rencontre, Jean-Pierre m’apprend qu’il a eu entre-temps des ennuis de santé. Un AVC.  Qu’il a été hospitalisé quelques jours. Mais que ça va mieux maintenant. Je m’en étonne :

 

« Et tu ne m’as rien dit ?! ».

Jean-Pierre : « C’est que je suis un peu cachottier…. ».

 

Ce 21 décembre,  sa femme Tina est en télétravail.  Aussi, Jean-Pierre me reçoit-il cette fois dans sa salle de musculation qu’il m’avait présentée la dernière fois.

 

Dès que je sors de ma voiture, je lui explique que la « dernière fois » j’avais enlevé mon masque chirurgical de prévention anti-covid. Mais qu’au vu de ses ennuis de santé récents, je préfère le garder. Lui, toujours à visage découvert, sa casquette sur la tête, me répond :

 

« Je m’en fous ! ».

 

Ma réaction est immédiate : « Mais, moi, je ne m’en fous pas ! ». Sourire de Jean-Pierre.

 

J’ai donc gardé mon masque. Ce qui donne à ma voix ce son un peu étouffé alors que je tiens mon caméscope lors de l’interview.

 

Celle-ci débute en parlant de celui qu’il cite comme son Maitre de Karaté : Sensei Kase.

 

Cette interview filmée aurait pu s’appeler ” 3553 mouvements de base. ” Savoir ce qu’on est”. “Tu réussis ou tu te tues” .” Mettre les ego de côté”. “Ce n’est pas à moi d’exclure ou d’interdire”. “Le plus important, c’est de savoir tenir sa place”. “La compète, c’est un faux jugement”. “En six mois ou deux ans, tu n’as pas le temps de comprendre“.

 

Mais, finalement, j’ai trouvé que le titre  Un Monde à part correspondait très bien à Sensei Jean-Pierre Vignau et aussi qu’il incluait ces autres titres « délaissés ».

 

 

A la fin de l’interview,  alors que j’ai éteint mon caméscope, je parle à Jean-Pierre de ma rencontre fortuite de Sensei Léo Tamaki quelques jours plus tôt.  j’en parle dans mon article L’Apparition . Aussitôt, Jean-Pierre relève la tête et me dit :

 

« On croit que l’on décide dans la vie mais c’est le hasard qui choisit ».

 

Je lui parle de mon projet de solliciter Léo Tamaki pour une interview. Jean-Pierre cherche alors le numéro de téléphone de celui-ci et me le donne.

 

Je joins Léo Tamaki au téléphone le lendemain ou le surlendemain. Nous convenons, lui et moi de nous rencontrer début ou fin janvier 2021. Depuis, j’ai acheté le dernier numéro du magazine Yashima dans lequel il interviewe Richard Douïeb, plus haut représentant du Krav Maga en France. J’ai d’abord été un peu surpris de voir Richard Douïeb en couverture de Yashima, magazine qui traite «  des Arts Martiaux et de la Culture du Japon ».

 

 

Cependant, le Krav Maga est une discipline à laquelle je me suis aussi intéressé sans que je me décide à « l’essayer ». Il y a trois ans maintenant environ,  ou peut-être plus, je m’étais ainsi déplacé au club de Krav Maga dans le 9ème arrondissement de Paris où il arrive que Richard Douïeb intervienne. A « l’époque », pratiquer un sport de combat ne me suffisait plus. Je cherchais déjà un Maitre.

 

Aujourd’hui, ce samedi 26 décembre, j’irai voir Sensei Jean-Pierre Vignau dans son club, le Fair Play Sport, dans le 20ème arrondissement de Paris avec ma fille. Si les enfants peuvent depuis quelques jours reprendre une activité physique en club (en raison du contexte de la pandémie du Covid) , les adultes, eux, doivent encore patienter. C’est donc ma fille qui découvrira avant moi le Maitre sur le tatamis.

 

Franck Unimon, ce samedi 26 décembre 2020.

 

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L’Apparition

 

L’Apparition

 

 

J’étais très content de devoir aller dans une agence de l’opérateur Orange. Il fallait faire tester la livebox. Eventuellement en avoir une nouvelle qui marcherait mieux que celle que j’avais depuis des années.

 

Et me faire tester aussi, peut-être. J’étais parfois saisi de microcoupures. Alors, j’avais du mal à me connecter. Quand on me parlait, j’avais la parole vide. Cela devenait une idée fixe.

 

Au bout du fil, quelques jours plus tôt, Anissa, la technicienne que j’avais contactée, avait fait son possible. Elle avait fait des tests à distance. Pour conclure qu’il me fallait me rapprocher physiquement d’une agence de l’opérateur Orange. Celle de ma ville, et peut-être de ma vie, avait fermé deux ou trois ans plus tôt.

 

J’ai pris le train.

 

Cela m’a semblé plus pratique d’aller à l’agence d’Opéra. Près de l’Opéra Garnier. Internet et la téléphonie mobile côtoyaient la musique classique.  Nous habitons dans ces paradoxes en permanence. Et cela nous semble normal.

 

 

Très vite, en arrivant à Paris, je me suis retrouvé dans les décors de Noël. Il y avait du monde dans les rues et devant les magasins. Les achats de Noël. C’était une seconde raison d’être content. Cette obligation de faire la fête sur commande. De faire des achats.

 

Impossible de changer de cerveau. Aussi, tout ce que je voulais, c’était que l’on me change ma livebox. Mais le manager m’a très vite contrarié. Il m’a expliqué qu’il me fallait un bon. La technicienne ne m’en avait pas fourni. Tout ce qu’il pouvait faire, c’était tester la livebox. Il m’a demandé de patienter. Cela pouvait prendre cinq ou dix minutes.

 

Nous étions dans un sous-sol sans fenêtres et surchauffé. Un éclairage veillait à simuler la lumière du jour mais elle échouait à faire oublier notre enfermement. Enfermement auquel les  employés semblaient indifférents. Quelques ordinateurs, quelques stands, l’esprit d’équipe et une fonction définie pour quelques heures suffisaient pour oublier.

Moi, je n’oubliais pas. J’avais dû me déplacer.

 

Je suis reparti avec ma livebox. Elle marchait très bien. Le manager m’a remis le bordereau du test. Par geste commercial ou par diplomatie, il m’a remis une clé 4 G wifi provisoire valable deux mois. Il m’en a expliqué le fonctionnement très simple :

 

«  On allume là où on éteint ».

 

La bonne nouvelle, c’est que j’avais peu attendu dans l’agence.

 

Dans une rue que je n’avais aucune raison de prendre dans ce sens vu qu’elle m’éloignait de la gare du retour, j’ai croisé un homme.  Le magasin Le Printemps était sur ma gauche de l’autre côté de la rue.

 

Plus petit que moi, l’homme avançait masqué comme nous tous en cette période Covid. Il portait un catogan. Ce que j’ai perçu de son visage m’était familier. Le temps que son identité se forge dans mes pensées, il m’avait presque passé. Je me suis retourné et l’ai regardé marcher. Ses jambes étaient très arquées. Alors qu’il s’éloignait, j’ai imaginé les moqueries, plus jeune, et une de ses phrases :

« J’ai eu une jeunesse un peu compliquée » qui laissait supposer qu’il avait dû beaucoup se bagarrer, enfant.

 

Son sac sur le dos, un repas de l’enseigne Prêt à manger à la main, le voilà qui s’arrête à cinquante mètres. Il a enlevé son masque et commence à boire à la paille ce qui est peut-être une soupe. Je me rapproche.

 

Mon masque sur le visage, je le salue et lui demande :

 

« Vous êtes Léo Tamaki ? ». Mais avant même qu’il ne me le confirme, je savais.

 

Je lui ai parlé de son blog, de Jean-Pierre Vignau ( Arts Martiaux : un article inspiré par Maitre Jean-Pierre Vignau). Il m’a écouté. Je me demandais s’il était encore dans son école vu que j’avais cru comprendre qu’il était souvent en voyage. Avec le sourire, il acquiesce concernant ses voyages fréquents. Puis, me précise qu’il est toujours présent dans son école qui se trouve «  à quinze minutes à pied d’ici ». Qu’il espère rouvrir en janvier.

 

Sa question arrive vite : «  Vous avez déjà pratiqué ? ». «  J’ai pratiqué un peu de judo ».

Lorsque je lui parle de mes horaires de travail de nuit, je retrouve le tranchant de sa pensée telle que je l’ai perçue dans une vidéo où il est face à Greg MMA. Mais aussi dans ses articles pour les magazines Yashima et Self& Dragon. C’est un homme qui réagit avant même que l’on ait eu le temps de saisir les conséquences de ce que l’on formule. On imagine facilement que c’est pareil en cas d’attaque.

 

L’échange est bref. Un moment, j’enlève mon masque afin qu’il voie mon visage lorsque je me présente. Je me dis souvent que cela doit être insolite de se faire aborder par un inconnu masqué. Mais cela ne semble pas le désarmer plus que ça. C’est une question de contexte et de tranquillité d’esprit peut-être. Nous sommes en plein jour, dans une grande avenue fréquentée. Et, je suis venu calmement. Il y a quelques années, assis dans un recoin de la rue de Lappe, en soirée, j’avais aperçu l’acteur Jalil Lespert qui passait avec ses deux enfants.  C’est un acteur dont j’aime beaucoup le jeu. Dont la carrière est étonnamment discrète. Je l’avais salué à distance. Mais, à sa façon de faire avancer ses enfants, j’avais compris que je l’avais surpris et un peu effrayé. Ça m’a étonné d’apprendre récemment que Jalil Lespert, le discret, vit désormais une idylle avec Laeticia Halliday, la « veuve » de Johnny. Celle qui pleurait son « homme » il y a encore deux ans. Mais on a le droit de vivre.

 

Léo Tamaki, c’est un autre monde que Johnny, Laeticia, Jalil Lespert et le cinéma. C’est le monde de l’Aïkido et des Arts martiaux. Les deux mondes peuvent se concilier : show « bises » et Arts Martiaux. Mais pour cela, dans le désordre, il  faut avoir quelque chose de particulier qui répond à une nécessité voire des affinités et, avant cela, des lieux de fréquentation communs.

 

Franck Unimon, ce vendredi 18 décembre 2020.

 

 

 

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Corps d’Acier/ un livre de Maître Jean-Pierre Vignau

 

 

Corps d’Acier(La Force conquise La violence maîtrisée)un livre de J-Pierre Vignau

 

Les Fêtes de ce Noël 2020 se rapprochent. Comme chaque année, nous achèterons des objets du bonheur que nous offrirons. Nous sommes souvent prêts à payer de notre personne pour celles et ceux que nous aimons. Et pas uniquement à Noël.

 

La pandémie du Covid que nous connaissons depuis plusieurs mois, avec ses masques, ses restrictions, ses conséquences sociétales, affectives, économiques, culturelles et ses « feuilletons » concernant la course aux vaccins, leur fabrication et leur distribution, donne encore plus de poids à ce que nous vivons de « bien » avec les autres.

 

Pourtant, le bonheur ne s’achète pas.

 

« Avant », la vie était plus dure. « Avant », les clavicules obnubilées par l’étape de ma survie ou de ma liberté immédiate, je n’aurais pas pu m’offrir le luxe de m’épancher sur mon clavier d’ordinateur.

 

Mais, aujourd’hui, un sourire comme une décoration de Noël peut aussi être le préliminaire d’un carnage futur.

 

Avant, comme aujourd’hui, cependant, le bonheur existe.

 

Parce-que le bonheur ne s’achève pas.

 

La lecture après la rencontre :

 

 

Sauf qu’en tant qu’adultes, nous sommes souvent coupables. Soit de ne pas assez nous mouvoir. Soit d’être forts d’un Pouvoir que nous ne savons pas voir.  De mal nous protéger et de mal protéger notre entourage et notre environnement. Comme de tenir de fausses promesses. Et lorsque nous agissons et prenons certaines décisions, nous agissons souvent comme des enfants. Les fêtes de Noël et d’autres réjouissances officielles nous permettent de l’oublier. Sans doute préférons-nous croire que c’est seulement en ces circonstances que nous nous comportons comme des enfants…..

 

Le livre Corps d’Acier La Force Conquise La violence Maitrisée de jean-Pierre Vignau publié en 1984 m’a parlé parce-que le « petit » Vignau né en 1945 a parlé à l’enfant que je suis resté.

 

D’ailleurs, c’est souvent comme ça lorsque l’on rencontre quelqu’un. L’enfant qu’il est ou qu’il a été parle d’abord à nos rêves près de la frontière de notre squelette.

C’est instinctif. Viscéral. C’est seulement après, lorsque c’est possible, que, nous, les « civilisés », laissons à nos lèvres et à nos oreilles le temps de parler et d’écouter.

Et, assez généralement, alors, on finit par se reconnaître un peu dans l’autre.

 

 

J’ai lu ce livre après avoir rencontré et interviewé Maitre ( ou Sensei) Jean-Pierre Vignau comme je l’ai raconté. ( Arts Martiaux) A Toute épreuve : une interview de Maitre Jean-Pierre Vigneau ) Puis, juste après ce livre, j’ai lu son dernier ouvrage, paru en 2020, Construire sa légende Croire en soi, ne rien lâcher et aller jusqu’au bout, qu’il a accepté de me dédicacer.

 

 Chacun ses Maitres :

Certaines et certains trouveront leurs Maitresses et leurs Maitres dans l’exemple et le parcours de personnalités diverses. Aya Nakamura, Camille Chamoux, Booba, Kylian Mbappé, Donald Trump, Nicolas Sarkozy, Lilian Thuram, Zinedine Zidane, Benoit Moitessier, Olivier de Kersauson, Alain Mabanckou, Samuel Jackson, Miles Davis, Denzel Washington, Krzysztof Kieslowski, Damso, Blanche Gardin, Laure Calamy, Frantz Fanon, Robert Loyson, Jacob Desvarieux, Danyel Waro, Ann O’Aro, Cheick Tidiane Seck, Tony Allen, Amadou Hampaté Ba, Tony Leung Chiu Wai…

 

Certaines des quelques personnes que je viens de citer ne font pas partie de mes références mais elles le sont pour d’autres. Des artistes, des sportifs de haut niveau, des femmes et des hommes politiques….

 

On peut aussi trouver ses Maitresses ou ses Maitres chez des Maitres d’Arts Martiaux.

 

Si je suis séduit et sensible au parcours de bien des « personnalités » d’hier et d’aujourd’hui, comme à celui de Maitres d’Arts martiaux, j’ai, je crois, assez vite- et toujours- fait une distinction entre le titre et la personne.

 

Je choisirai toujours d’abord, si j’en ai la possibilité, la personne qui me parle personnellement. Correctement. Même si elle est sévère et exigeante. Dès l’instant où elle ou il me semblera juste.

 

Et, cela, avant son titre ou ses titres. Pour moi, une Maitresse ou un Maitre, c’est aussi celle ou celui qui a vécu. Qui a traversé des frontières. Qui a peut-être morflé. Qui s’est aussi trompé. Qui en est revenu. Qui s’en souvient. Qui peut faire corps. Et qui peut être disponible pour transmettre à d’autres ce qu’il a compris, vécu. Afin que celles-ci et ceux-ci vivent mieux, comprennent, s’autonomisent ou souffrent moins.

 

Dès les premières pages de Corps d’acier,  on apprend que Jean-Pierre Vignau, placé enfant à l’assistance publique, a été le dernier môme à trouver une famille d’accueil dans une ferme dans le Morvan.

 

Cette famille qui l’a alors accepté, ou intercepté, c’était un peu la famille de la dernière chance. Jean-Pierre Vignau était le plus chétif du lot. Or, les familles d’accueil étaient plutôt portées sur les enfants d’apparence robuste pour aider dans les diverses tâches de la maison.

 

Vignau raconte comment, conscient que c’était sa dernière chance, il accourt vers cette femme qu’il voit pour la première fois pour plaider sa cause et la convaincre.

Il se rétame alors devant elle et le directeur, embarrassé, de l’assistance publique. Pour se relever et se plaquer contre cette adulte inconnue et, quasiment, l’implorer de le prendre….

 

 

Une fois adopté par cette femme, les ennuis médicaux de Jean-Pierre Vignau s’amoncellent. Cirrhose du foie, problèmes pulmonaires, décalcification, colonne vertébrale en délicatesse…. On est donc très loin du portrait de l’enfant « parfait » ou doué.

 

La greffe prend entre Vignau et ses parents « nourriciers ». Mais pas avec l’école. Il sera analphabète jusqu’à ses 28 ans et apprendra à lire en prison.

 

Lors de ma rencontre avec lui fin novembre chez lui, un demi-siècle plus tard,  nous avons surtout parlé d’Arts martiaux ;  un peu de son expérience de videur (durant huit ans). Et de son accident lors d’une de ses cascades qui lui a valu la pose d’une prothèse de hanche alors qu’il était au sommet de sa forme physique.

Nous avons peu parlé de son enfance. Pourtant, il est évident que celle-ci, de par les blessures qu’elle lui a infligées, mais aussi grâce au bonheur connu près de ses parents nourriciers, l’a poussé dans les bras de bien des expériences, bonnes et mauvaises, qu’il raconte dans son Corps d’acier.

 

Je n’ai aucune idée de ce que cela peut faire de lire d’abord Construire sa légende, son dernier ouvrage. Mais en le lisant après Corps d’acier, j’ai vu dans Construire sa légende une forme de synthèse intellectualisée et actualisée de ce que l’on peut trouver, de façon « brute », dans Corps d’acier.

 

Construire sa légende a été co-écrit par Jean-Pierre Vignau et Jean-Pierre Leloup «  formateur en relations humaines en France et au Japon ».

Jean-Pierre Leloup « anime des conférences sur le développement personnel » nous apprend entre autres la quatrième de couverture. L’ouvrage est plus rapide à lire que Corps d’Acier et le complète. Corps d’Acier, lui, compte plus de pages ( 231 contre 159) a été publié par les éditions Robert Laffont  dans la collection Vécu.

 

Donc, avec Corps d’Acier, on a un récit direct d’un certain nombre d’expériences de vie de Jean-Pierre Vignau ( Assistance publique, ses parents nourriciers, sa mère, son beau-père, la découverte des Arts Martiaux, son passé d’apprenti charcutier, de serveur, de mercenaire en Afrique, son flirt avec le SAC de l’Extrême droite etc…). Dans un climat social qui peut rappeler la France de Mesrine – qu’il ne cite pas- ou du mercenaire Bob Denard qu’il ne cite pas davantage. Mais aussi à l’époque du Président Valéry Giscard D’estaing (Président de 1974 à 1981) décédé récemment voire du Président Georges Pompidou qui l’avait précédé.

 

Cette époque peut sembler étrangère et très lointaine à beaucoup. Et puis, on arrive à des passages où on se dit que, finalement, ce qui existait à cette époque peut encore se retrouver aujourd’hui. Exemples :

 

Page 89 (sur son expérience de mercenaire)

 

« L’Afrique, je n’ai pas grand chose à en dire (….). J’étais là pour me battre, pour oublier, si c’était possible. Pour me lancer à corps perdu dans des combats auxquels, politiquement, je ne comprenais rien mais dont la violence effacerait peut-être Claudine de ma mémoire ».

 

Page 90 :

«  La grande majorité des gars du camp cherchaient à anéantir leur peur par tous les moyens, surtout grâce à l’alcool. Parfois, c’était à se demander pourquoi ils étaient là. 80% d’entre eux faisaient croire aux autres qu’ils étaient là pour la paye. Les autres 20% étaient là, paraît-il, pour « casser du Nègre ». En réalité tous ces bonshommes qui étaient loin d’être des « supermen », étaient largués dans cette jungle pour des motivations semblables aux miennes. C’est-à-dire qu’une femme les avait laissés tomber, leur femme, leur mère, leur sœur etc…Et par dépit, ils s’étaient embarqués, comme moi, dans cette galère ».

 

Sur sa violence au travers de son expérience de videur :

Page 173 :

 

« Donc, tous les soirs, bagarre (… ) C’était le n’importe quoi intégral, dans cette ambiance bizarre de trois quatre heures du matin, dans cette jungle pas africaine du tout ».

 

«  Quelque chose ne tournait pas rond en moi, aussi (….). Je sentais que je commençais à prendre du plaisir à taper sur les emmerdeurs. La violence accumulée toutes ces années ».

 

« Ces soirées où je risquais ma vie pour que les noctambules puissent s’agiter tranquillement sur les pistes de danse ».

 

« J’étais devenu une sorte de machine parfaitement rodée et huilée, toujours en progrès. Une machine à démolir. Une machine à tuer. Même quand je dormais je ne rêvais que de bagarres, coups, courses dans les rues de mes rêves ».

 

Jusqu’au jour où un événement « l’éveille » particulièrement et l’amène à changer d’attitude.  (L’événement est relaté dans le livre). A partir de là, la pacification de soi qui est au cœur de la pratique des Arts Martiaux prend le dessus. Mais comme on le comprend en lisant Corps d’Acier, il a fallu que Jean-Pierre Vignau vive un certain nombre d’épreuves et d’expériences auxquelles il a survécu. Et, il lui a fallu beaucoup de travail effectué au travers des Arts Martiaux – qu’il débute à 13 ou 14 ans- tel qu’il en parle, page 190.

 

 

L’importance de persévérer dans le travail sur soi :

Page 190 :

 

«  La deuxième forme de recherche, celle à laquelle je consacre mon temps et ma vie, est une esthétique du mouvement. Ce qui amène à une forme de logique spirituelle. Pour obtenir un résultat, il faut travailler, travailler encore et toujours. On forme donc son corps, son endurance et la volonté de son esprit. Et, sans même la chercher, on obtient l’efficacité ».

 

Dans ce passage, Vignau explicite que la voie martiale est assez longue. C’est donc un mode de vie. La voie martiale est le contraire d’une mode, d’un spectacle, d’un raccourci vers le chaos comme une dictature, le banditisme ou le terrorisme par exemple.

 

Par manque de travail sur soi, nos existences peuvent facilement devenir stéréotypées et stériles même si nous avons l’impression de « faire quelque chose » ou d’être «  quelqu’un ». Vignau le dit à sa manière, page 192 :

 

« Ici, quand je m’entrainais, c’était uniquement pour moi et pas pour aller frapper les images parlantes qui viendraient «  foutre la merde » le soir dans les boites ».

Conclusion :

Pour conclure, dans Construire sa légende Croire en soi, ne rien lâcher et aller jusqu’au bout, page 42, il y a ce passage :

 

« La réaction aux situations stressantes sont de trois ordres : combat, fuite, blocage, respectivement 15%, 15%, 70 % chez l’individu lambda. Les policiers du RAID, par exemple, inversent ce rapport avec 70% pour la réaction de combat. Appliquons cela à Vignau à travers quelques unes de ses expériences ».

 

 

Dans Construire sa légende, il est aussi précisé plusieurs fois qu’il est inutile d’essayer de ressembler à Vignau. Ou à un policier du RAID, d’abord sélectionné pour des aptitudes mentales, psychologiques et physiques particulières. Puis formé et surentraîné à diverses méthodes de combat.  Avec et sans armes.

 

Chacune et chacun fait comme il peut. Cependant, certaines personnes, sans faire partie du RAID, savent très bien combattre. Mamoudou Gassama, le jeune Malien sans papiers, qui, le 26 Mai 2018,  avait sauvé le gamin accroché dans le vide à un balcon d’immeuble dans le 18ème, avait selon moi combattu. Sans pour autant faire partie du RAID. Et je ne sais même pas s’il était pratiquant d’Arts Martiaux.

Ce 26 Mai 2018, Mamoudou Gassama avait au moins combattu l’impuissance et l’inaction devant la chute prévisible de l’enfant suspendu dans le vide. Mais aussi  certains préjugés sur les migrants sans papiers.

 

Mais seule une minorité de personnes est capable de réagir spontanément comme l’avait fait Mamoudou Gassama en risquant sa vie ce jour-là. D’ailleurs, il avait été le seul, parmi les « badauds » présents, à pratiquer l’escalade jusqu’au gamin. 

 

On peut trouver des Maitres, des coaches, des thérapeutes ou autres personnes de confiance et bienveillantes qui peuvent nous permettre d’inverser un peu ces pourcentages lors de situations stressantes dans notre vie quotidienne. Pas nécessairement lors d’un combat ou d’une agression dans la rue.

 

On peut aussi diversifier nos expériences pratiques et sportives dans des disciplines qui, a priori, nous effraient ou nous semblent inaccessibles. Et se découvrir, avec de l’entraînement, certaines aptitudes que l’on ignorait.

 

Le combat, cela peut être, et c’est souvent, d’abord vis-à-vis de nous mêmes qu’il se déroule. Vis-à-vis de nos propres peurs que nous acceptons de combattre ou devant lesquelles nous fuyons ou nous bloquons. Si nous acceptons de combattre certaines de nos peurs, nous pouvons changer de vie pour le meilleur au lieu de subir.

 

Corps d’Acier La force conquise La violence maitrisée et Construire sa légende Croire sa légende Ne rien lâcher et aller jusqu’au bout parlent au moins de ça. Ou, alors, j’ai lu de travers et raté mon explication de texte.

 

 

 

Franck Unimon, ce vendredi 11 décembre 2020.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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La Fabrique du Monstre / Un livre de Philippe Pujol

 

 

 

 

 

Marseille a d’abord été un amour étranglé. Il m’a fallu du temps pour aimer cette ville. L’élan de l’accent, du soleil et de la mer, stoppé. Elle était blanche. J’étais noir.

 

J’aurais dû le savoir dès notre première rencontre à Paris, à la Gare du Nord. Elle partait en Irlande. Moi, en Ecosse. Elle écoutait U2 et des groupes comme Simply Red. J’écoutais Miles Davis, des groupes comme Black Uhuru mais aussi du Zouk.

 

Ses parents ne votaient peut-être pas pour le Front National mais sans doute louaient-ils certaines de ses idées.

La littérature, sujet de ses études universitaires en lettres classiques avec le Latin et le Grec, nous avait aussi rapprochés. Par « réalisme » économique et social,  quatre ans plus tôt, au lycée, j’avais renoncé à aller à la Fac. Et, peut-être qu’avec elle, je me rattrapais.

 

Je fus prêt à venir m’installer à Marseille. J’avais prévu de postuler à l’hôpital Edouard Toulouse ou dans n’importe quel autre établissement hospitalier. Elle m’en dissuada.

 

Après une première « séparation » et quelques années, comme tant d’autres qui vivent par espoir et par amour, je finis par être déshérité par cette histoire de rejet.

 

Notre première rencontre datait du 20 ème siècle. En 1990. Deux de mes amis, une femme et un homme, elle, parisienne blanche, lui, Arabe originaire d’Algérie qui, enfant, avait connu les bidonvilles de Nanterre, ne croyaient pas à cette histoire de couleur de peau.

 

Je n’ai jamais douté de cette histoire. Il a toujours été évident pour moi que tout sacrifice de sa part en faveur de notre relation me serait reproché plus tard.

 

Je rencontrais néanmoins ses parents. Et cela se passa bien. Je pris une chambre d’hôtel avec vue sur le Vieux-Port. Ce fut pour son mariage avec un autre. Un Marseillais comme elle avec lequel la rencontre avait coulé de source.

 

Quelques années plus tard, nous nous sommes brouillés officieusement. Peut-être définitivement. J’imagine que, pour elle, c’est du fait de ma connerie.

 

Depuis, je suis retourné à Marseille. Sans l’appeler.

 

J’ai appris avec cette histoire que l’Amour partagé et sincère ne suffit pas.

 

 

Philippe Pujol a quarante et un ans lorsqu’il écrit La Fabrique du Monstre, paru en 2016.

Ce livre a un sous-titre : «  10 ans d’immersion dans les quartiers nord de Marseille, parmi les plus inégalitaires de France ».

 

Pujol aime Marseille qu’il qualifie de «  plus jolie ville de France » à la fin de son livre. Mais lorsqu’il  parle de Marseille, l’Amour n’est pas son seul atout.

 

Pujol s’est fait connaître pour d’autres ouvrages. Il a obtenu le prix Albert Londres de l’année 2014 «  pour sa série d’articles Quartiers Shit publiés dans le quotidien régional La Marseillaise » nous apprend la quatrième de couverture.

 

C’est sans doute ce prix Albert Londres, un de ses ouvrages relatif à Marseille ou celui qu’il a consacré à son cousin fasciste qui m’a permis d’entendre parler de Philippe Pujol pour la première fois il y a deux ou trois ans.

 

Je croyais que Pujol, d’origine corse nous apprend-t’il, était né à Marseille. Il est né à Paris dans le 12èmearrondissement selon Wikipédia. Par contre, il a grandi et vit à Marseille depuis sa petite enfance. Au gré de certaines de ses connaissances qu’il nous présente, on devine qu’il a dû grandir dans un milieu social moyen ou au contact de personnes d’un milieu social moyen et modeste avec lesquelles il a su rester en relation. J’aurais peut-être pu devenir un petit peu comme lui si j’étais resté vivre dans ma cité HLM de Nanterre. Pas en faisant une école de journaliste. Mais en rencontrant d’abord comme je l’ai fait et comme je continue de le faire différentes sortes de personnes de par mon métier d’infirmier en psychiatrie et en pédopsychiatrie.

 

La ville de Marseille que Pujol raconte dans La Fabrique du Monstre est celle des tranchées. Peut-être, aussi, celle des trachées. On y respire moins bien qu’en terrasse ou au bord de la plage où l’on vit débranché de ce que Pujol raconte.

 

En cherchant un peu, on apprend vite que Pujol a tenu pendant des années la colonne fait divers d’un journal de Marseille. Et qu’il a appris à écrire de cette manière. De ses débuts de journaliste-reporter, Pujol peut dire lui-même qu’il faisait « pitié » question écriture.

Alors que je rédige cet article, je me dis qu’il y a un peu du David Simon (l’auteur de Sur Ecoute, Treme…..) chez Philippe Pujol. Pour cette façon qu’il a de coller ses branchies, ses six-trouilles et son cerveau dans certains milieux de Marseille tapis dans l’hostilité ou la clandestinité où il vaut mieux être accepté. Et pour pouvoir en parler ensuite dans ses livres.

 

Pujol a sans aucun d’autres modèles que Simon et il en cite quelques uns à la fin de son livre. Mais je ne crois pas qu’il me reprochera de le rapprocher- un peu- de David Simon.

 

Car son La Fabrique du Monstre est un travail de pelleteuse lorsqu’il parle de Marseille. Il retourne la ville pour nous l’expliquer. Tantôt en sociologue ou en historien, tantôt en expert comptable ou comme un auteur de polars. Qu’il parle des petits trafiquants de shit, des règlements de compte, d’autres trafics ; du monde politique marseillais depuis ces trente dernières années (Gaudin, Guérini…) ; des alliances politiques avec le Front National ; des immeubles insalubres, des difficultés de logement, de cafards à cinq centimes et de Mac Do ; des projets immobiliers discordants, du clientélisme ; de certains bandits qui investissent ou s’arrangent avec de grandes entreprises, de racket, d’un certain «bordel » concernant la conduction des projets ; de la mainmise du syndicat F0 sur certaines transactions… Pujol décrit presque Marseille comme s’il s’agissait d’une simple cité (une cité faite d’un certain nombre de villages). Et qu’il en connaissait presque chaque atour. Ainsi que les murmures et les rumeurs qui vont avec.

 

 

La ville qu’il « enseigne », je l’ai à peine effleurée. Et, l’on se dit que toute personne qui souhaiterait venir s’installer à Marseille pourrait être bien inspirée de lire son ouvrage. Selon son projet de vie, y aller seule, investir dans l’immobilier ou y faire grandir ses enfants, celle ou celui qui lira son livre aura de quoi éviter de s’illusionner sur le côté en prime abord décontracté de la ville. Même si Pujol souligne aussi qu’il y a des personnes qui réussissent à venir habiter à Marseille. Et à y rester.

 

 

En parcourant La Fabrique du Monstre, on apprend que Marseille, cela reste loin, pour le gouvernement parisien. D’où cette espèce de « carte blanche »  laissée aux différents acteurs économiques et politiques de la ville et de la région abonnés aux excès. Au détour d’une anecdote, on croise ainsi le mépris aujourd’hui lointain d’un Lionel Jospin, alors Ministre, qui, sollicité pour intervenir sur un dossier marseillais réplique en quelque sorte qu’il a d’autres mistrals à fouetter. Sa future défaite aux élections présidentielles peut-être….

 

Pujol précise que, malgré le soleil, la mer et diverses réalisations qui ont fait du bien à l’image de Marseille, celle-ci reste pour beaucoup une ville «  en voie de développement ». D’autres parlent d’une paupérisation de ses classes sociales moyennes et modestes. Ce qui l’amène à voir Marseille comme un condensé de la France où, de plus en plus, les pauvres vivent avec les pauvres, et les riches avec les plus riches. 

 

 

Néanmoins, Pujol souligne que deux ou trois grandes avancées pour Marseille viennent de l’Etat ou de l’Europe :

 

Le TGV qui a mis Marseille à trois heures de Paris. Le projet Euroméditerranée.

Marseille, ville européenne de la Culture 2013.

 

 

Pour conclure, Pujol salue la grande aptitude des Marseillais à continuer de se parler. J’ai été agréablement étonné d’apprendre qu’il existe à Marseille un militantisme  antifasciste actif qui a plus d’une fois pris le dessus sur certaines initiatives du Front National.

Plus tôt, il a affirmé que Marseille a plus une culture du grand banditisme que du terrorisme islamiste.  

Pour lui, Marseille n’est pas le monstre régulièrement présenté dans certains média. Mais la France telle qu’elle peut être dans d’autres régions. Sauf que sa misère et ses travers se voient davantage en plein soleil que coulés dans le béton et dans certaines banlieues plus ou moins éloignées.  

 

Franck Unimon, ce jeudi 3 décembre 2020.

 

 

 

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( Arts Martiaux) A Toute épreuve : une interview de Maitre Jean-Pierre Vigneau

Maitre Jean-Pierre Vignau chez lui, ce samedi 21 novembre 2020.

 

” Tu as le feu vert”. Cette phrase de Jean-Pierre Vigneau, je m’en suis rappelé quelques heures plus tard, hier soir (ce mardi 24 novembre 2020). 

Dans l’article Arts Martiaux : un article inspiré par Maitre Jean-Pierre Vignau

j’évoquais cette interview filmée de Maitre Jean-Pierre Vignau. C’était ce samedi 21 novembre 2020. 

Hier ( mardi 24 novembre) j’ai tenté de joindre Jean-Pierre avant de publier mon article. Pour le prévenir. Mais aussi pour voir avec lui s’il préférait lire l’article auparavant. Répondeur. Finalement, j’ai publié l’article. Puis, quelques heures plus tard, je lui ai envoyé le lien de l’article par sms. Jean-Pierre m’a alors appelé.

” J’ai raté l’appel tout à l’heure” m’a-t’il dit. Je lui ai alors expliqué où j’en étais et lui ai demandé comment il voulait que l’on s’y prenne. Et, là, la phrase de Jean-Pierre est arrivée simplement.

 

Le Feu vert.

 

Dans cette simple phrase, toute la confiance de Jean-Pierre. Nous nous sommes rencontrés une seule fois. Il n’a jamais rien lu de moi. Et, je devine qu’il ne lira peut-être pas l’article tout de suite s’il le fait. Il a mieux à faire ailleurs. Comme, par exemple, écouter dans quelques heures (ce mardi 24 novembre au soir) ce que va dire “Le Président” concernant le maintien ou l’assouplissement des mesures concernant le confinement à propos de la pandémie du Covid. 

 

” Le président ?!”. Je pense alors au Président de la Fédération de Karaté ou des Arts Martiaux même si je ne sais pas de qui il s’agit.

Non ! Le Président Macron, me répond Jean-Pierre. Je me suis tellement “moulé” dans un certain mode de vie depuis la pandémie et les mesures de confinement. J’ai été si convaincu qu’il allait nous falloir faire montre de patience, que, depuis le tout premier discours – Mi-mars- du Président de la République, Emmanuel Macron, “notre” Président, je n’écoute plus ses discours. 

Ou, peut-être, que je n’ai toujours pas digéré cette ambiance de fin du monde de son premier discours Mi-Mars. Je n’ai jamais cru non plus à mon statut “de héros de la nation”. Je n’ai jamais compté sur la production expresse et miraculeuse du vaccin “magique”. Alors que je m’étais inquiété quant à la perte de certaines de nos libertés. Même si je me suis rapidement “fait” à cette nécessité des gestes barrières. Et à un petit peu de discernement quand c’est possible. 

Mon “indifférence” actuelle envers le Président Emmanuel Macron vient peut-être aussi du fait que, même s’il prend la parole et essaie de paraître comme celui qui reste le chef d’orchestre,  j’ai fini par considérer que la pandémie est depuis quelques mois devenue notre véritable présidente installée.

Une “Présidente” Covid autour de laquelle sont très vite venus graviter quelques parasites, dont “notre” Président, alors qu’elle ne devait être que passagère. A la suite de cela, j’ai en quelque sorte “flouté” l’image de “notre” Président actuel, persuadé de sa propre impuissance.

Mais j’ai sûrement tort de banaliser Emmanuel Macron et celles et ceux qui gouvernent avec lui et les autres. Mon manque de clairvoyance à leur sujet vient certainement du fait que je n’ai aucune compétence politique. Que je vis un peu au jour le jour et avec une  perspective assez limitée. Ce confinement et cette distanciation sociale ont des effets abortifs sur notre imaginaire.  Sauf pour certains qui continuent d’agir, d’entreprendre et de décider. L’épreuve du Vendée Globe est là pour nous le rappeler. Si certains concurrents en tête peinent, à certains moments, à récupérer le vent qui les fera avancer de nouveau, ils sont néanmoins toujours en mer, en avance sur d’autres. Et, lorsque le vent “rejaillit”, ils sont, à nouveau, bien plus avancés que d’autres qui traînent derrière.

Lorsque la pandémie du covid régressera pour de bon, et que l’horizon se dégagera, on devrait voir apparaître, installées à des fonctions clé, pour notre époque et notre société, certaines personnes que l’on avait jusque là ignorées ou sous-estimées. Ces personnes auront su profiter du contexte du Covid pour entreprendre ou bien se placer.

De mon côté, c’est parce-que, depuis Mi-Mars,  j’ai toujours respecté les gestes barrières que je me suis autorisé à aller rencontrer Jean-Pierre chez lui ce samedi 21 novembre. Cela a été mon Vendée Globe. Pour cela, il m’a suffi de dépasser la distance kilométrique “autorisée” de un kilomètre autour de chez soi.  J’en avais besoin et j’étais inspiré. Parce-que je me suis dit qu’en temps ordinaire, il aurait été plus été difficile d’obtenir aussi rapidement une telle rencontre avec Jean-Pierre, à son domicile.

Dans ce “feu vert” qu’il m’a  donné, je mesure à la fois la responsabilité, pour moi, de faire au mieux. Mais je me demande aussi, si moi-même, il m’arrive de donner mon feu vert aussi facilement et aussi rapidement autour de moi. J’ai du mal à le croire. 

 

Mais ce feu vert, où cette autorisation, correspond aussi très bien à Jean-Pierre. Car, comme on pourra le voir et l’entendre dans ces images, il est particulièrement vert. J’ai donné comme titre à cette interview A Toute épreuve. Je crois qu’il sera facile de comprendre la ou les raisons de ce titre.

Ps : je rappelle qu’une fois chez Jean-Pierre et Tina, après avoir obtenu leur accord pour l’interview, j’ai posé mon caméscope de poche sur la table et l’ai laissé filmer tant qu’il pouvait (un peu plus d’une heure). L’interview n’était pas prévue. Elle était seulement véhiculée par ma tête dès que Jean-Pierre m’avait proposé de venir chez lui pour acheter son livre Construire sa Légende. Mais encore fallait-il, une fois sur place, que lui et Tina acceptent l’interview. 

Lors de l’interview, Tina reste hors champ. J’estime que cela préserve sa tranquillité. Et, que, d’autre part, ses interventions- hors champ, donc- ajoutent une plus value à l’interview. 

Franck Unimon, ce mercredi 25 novembre 2020. ( Pour regarder l’interview, cliquer sur le lien vimeo ci-dessous).

https://vimeo.com/482901714

 

 

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Arts Martiaux : un article inspiré par Maitre Jean-Pierre Vignau

Jean-Pierre Vignau, chez lui, ce samedi 21 novembre 2020.

 

           Arts Martiaux : un article inspiré par Maitre  Jean-Pierre Vignau

 

L’inconnu :

 

 Jean-Pierre Vignau, pratiquant d’Arts Martiaux au moins depuis 1958, Maitre (ou Sensei) depuis plusieurs décennies  m’était inconnu il y a encore sept mois. Son école d’Arts Martiaux, le Fair Play Sport, se trouve dans le 20 ème arrondissement de Paris.

Sur cette photo ci-dessus que j’ai prise chez lui ce samedi après-midi, Jean-Pierre Vignau a l’allure d’un gentil papy tranquille. Cela s’explique par le sens de l’accueil avec lequel sa femme Tina et lui m’ont reçu. Et, avant ça, cela s’explique aussi par le fait que lorsque cette photo a été prise, nous en étions à la fin de notre rencontre. D’abord, je suis convaincu qu’avant même que je ne me déplace pour venir chez lui, qu’il savait déja que je n’étais pas un ennemi. Je crois que certaines personnes savent “lire” ou percevoir les réelles intentions de celles et ceux qui les entourent et les sollicitent.

 

Il est quantité de gens qui se pensent doués et perspicaces lorsqu’il s’agit de décoder ou de jauger les autres et qui s’illusionnent. Je ne mettrais Jean-Pierre ni dans cette catégorie de personnes et encore moins dans cette illusion. Pourtant, j’étais détendu en sa présence. Et,  je me suis rendu chez lui et sa femme en toute confiance. L’arme posée sur la table à côté de lui n’est pas un objet de décoration que Jean-Pierre aurait achetée dans une brocante pour se faire plaisir. Pas plus qu’elle n’est là pour ouvrir le courrier des factures d’électricité ou afin d’éplucher les pommes de terre pour faire des frites. Jean-Pierre est allé la chercher pour m’illustrer le mot d’une arme que je ne connaissais pas. Pour avoir un peu eu cette arme dans la main, je peux certifier qu’elle pèse son poids. Ce n’est pas du liège. Ni un jouet en aluminium. 

Jean-Pierre Vignau est «  9ème Dan I.B.A Hanshi ». Je l’écris parce-que j’ai l’information sous les yeux lors de la rédaction de cet article. Car le grade du Maitre a une importance formelle et est aussi un gage de légitimité officielle. L’équivalent d’un « diplôme » reconnu. Même si un grade, ou un Dan, est sûrement plus qu’un diplôme. Ce n’est pas son nombre de Dan, pourtant, qui m’a donné envie d’aller vers Jean-Pierre Vignau.

 

Son interview par Léo Tamaki – dans le numéro 7 du magazine Self & Dragon– m’a appris son existence.

Malgré la petite faute de frappe sur le nom, il s’agit bien du même homme que celui que j’ai pris en photo. Sauf qu’il est là en pleine démonstration.

 

Avant notre premier confinement, en février, j’avais eu la possibilité de découvrir un cours de Self-Défense dispensé par Sifu Roger Itier, que je rencontrais pour la première fois. La seule fois à ce jour. Mais quelques semaines après cet essai, qui m’avait plu, une certaine douleur persistante m’avait obligé à me rendre à cette  évidence : Je m’étais blessé et j’allais devoir en passer par un kiné. Puis, le premier confinement dû à la pandémie du Covid-19, ses fermetures, ses peurs et ses inconnues,  était arrivé mi-Mars.

 

Par chance, près de mon travail, se trouve un centre de presse resté ouvert pendant le confinement. Centre où j’ai pris l’habitude de me procurer des journaux relatifs aux actualités. Et où, en prenant le temps de passer dans les rayons, j’ai aperçu les magazines Yashima, Self & Dragon, Taichi Chuan mais aussi Self & Dragon Special Aikido.Inspiré par un certain besoin d’Arts Martiaux, j’ai commencé à acheter régulièrement leurs numéros.

 

J’avais entendu parler de Roger Itier, Maitre en Arts Martiaux chinois, en suivant deux ou trois ans plus tôt une formation Massage bien-être au centre Tao situé dans le 19ème arrondissement. Formation que j’ai « terminée » à ce jour. Lors de cette formation, de façon plus ou moins intuitive, influencé sans doute par mes précédentes expériences  sportives, erreurs incluses, j’avais commencé à percevoir l’importance du souffle. On nous avait sensibilisé à l’importance de nos gestes, de notre rythme, de notre présence, mais aussi du placement comme du balancement de notre corps dans l’espace par rapport à l’autre. Afin d’éviter de nous épuiser le moins possible. Mais aussi, afin de ne pas nous faire du mal à nous-mêmes. La personne qui pratique le massage pour le bien-être d’autrui est aussi supposée faire attention à sa personne lorsqu’elle pratique.  Je crois que l’on peut retrouver ça dans un Art Martial.

 

Pendant cette formation massage bien-être, j’avais été étonné de finir par comprendre que dans bien des pratiques sportives, et depuis des années, ne serait-ce que pour faire de simples étirements, peu d’attention était apportée à notre respiration. A travers le sport, trop de fois, notre rapport au corps est un rapport raide, brutal et mécanique. Machinal. Il est plus que courant de voir des sportives et des sportifs tirer sur des extrémités de leur corps sans y penser et sans tenir compte de leur respiration après ou avant une séance d’entraînement. On leur a dit ou ils ont appris qu’il faut faire ça, alors, elles et ils font ça. J’ai fait partie de cette population. Et j’en fais sûrement encore partie.

J’ai pris du temps pour m’apercevoir que la plus grande partie des étirements que nous « faisons » découle souvent de postures de yoga où savoir bien respirer est indispensable.

 

Si ce comportement que nous avons adopté envers notre corps et notre respiration a d’abord des incidences telles que des blessures diverses – physiques et morales-  par entêtement, négligence, imprudence ou ignorance, ce comportement a aussi des retombées sur nos rapports avec les autres comme avec le monde. Mais j’écris ça maintenant. Je n’ai pas raconté tout ce bla-bla à Roger Itier ce jour où je l’avais rencontré. Lui, il savait déjà tout ça largement.

 

J’ai fait mon essai. A la fin du cours, je me suis rhabillé après avoir pris le temps de me doucher et de discuter. Je me suis ensuite aperçu que je m’étais blessé. Le confinement est arrivé. Et, là, j’ai fait comme tout le monde. A ceci près que j’ai fait partie de celles et ceux qui ont continué de se rendre à leur travail comme si «  de rien n’était » pendant la première vague du Covid. Puisque ma profession de soignant fait partie des professions en activité tous les jours de l’année et sur toutes les « branches » horaires de jour comme de nuit. Et, durant le premier confinement, donc, après mes nuits de travail, le centre de presse a en quelque sorte remplacé la médiathèque de ma ville.

 

 

Dans le Self & Dragon numéro 7,  Léo Tamaki m’avait permis de découvrir Jean-Pierre Vignau. Léo Tamaki, aussi, m’était inconnu. Aujourd’hui, je peux écrire son prénom et son nom de tête car je me suis désormais un peu mieux familiarisé avec eux. Je « sais » que Léo Tamaki est un Maitre d’Aïkido, qu’il a été un élève de Jean-Pierre Vignau,  qu’il travaille, aussi,  en tant que journaliste, pour le magazine Yashima. Qu’il tient un blog. Qu’il a créé son école d’Aïkido, Kinshikaï. Et que plus de deux cents jours par an, de par le monde, il dispense des cours d’Aïkido.

 

Mais soyons- à peu près- concis :  

 

A mesure que je parcourais ces divers magazines traitant des arts martiaux asiatiques,   j’apprenais l’existence d’un certain nombre de Maitres d’Arts Martiaux semblant, d’un seul coup, sortir d’une même boite tels ces automates meurtriers d’allure enfantine dans l’adaptation cinématographique de l’œuvre de Philippe K.Dick : Planète Hurlante.

 

 

 

Sauf que ces Maitres d’Arts martiaux ne criaient pas sur le papier. C’était principalement des hommes. Asiatiques ou occidentaux. La plupart avaient à leur actif vingt à trente années, en moyenne, de pratique cumulée dans différentes disciplines martiales.  Plusieurs de ces pratiquants étaient des Maitres enseignant depuis plusieurs décennies.  Jean-Pierre Vignau fait partie de ces « derniers ».

Un certain nombre de ces Maitres étaient passés ou enseignaient dans des villes, Paris et des villes de la banlieue parisienne par exemple, où je ne comptais plus mes allées et venues. Et, moi, « amateur » d’Arts Martiaux depuis des années, plutôt sportif, à peu près ouvert et curieux, attaché à une certaine polyvalence, j’étais passé à côté.

 

C’était à se demander où j’avais vécu, par quelles vitrines je m’étais laissé happer et, aussi, qui j’avais rencontré pendant toutes ces années.  

 

Je sais avoir fait et continué de faire des rencontres importantes en dehors des Arts Martiaux.

 

Pourtant, plusieurs fois, en lisant Yashima, Self & Dragon, Self & Dragon spécial Aïkido, Taï Chi Chuan ou Taï Chi Mag, j’ai eu le sentiment d’avoir raté une partie de ma vie.  En « occultant » tous ces Maitres et tous ces enseignements dont j’entrevoyais les traits -au travers de persiennes – dans ces articles que je lisais.

 

Si tout dans la vie peut être Art Martial et que la pratique d’un Art Martial ne se résume par à la satisfaction ressentie dans un dojo ou sur un tatamis, il y a quand même, pour moi, un sentiment de gâchis, dans le fait d’avoir ignoré des personnes (Maitres, pratiquantes et pratiquants d’Arts Martiaux) pendant tant d’années.

 

 

 

Aujourd’hui, si je cite Conor McGregor, vedette du MMA présenté par Google comme un « pratiquant d’Art Martial » ou Aya Nakamura, il y a des chances pour qu’une certaine partie de la jeunesse masculine et féminine de France sache de qui je parle. Il y a une vingtaine d’années, les « équivalents » de Conor McGregor avaient aussi une certaine notoriété. Les Gracie, Fédor Emelianenko, Bertrand Amoussou, Jérome Le Banner, Gilles Arsène, Andy Hug et d’autres concernant le MMA et l’UFC.  Et, n’oublions pas dans le registre de la boxe, Mike Tyson. Je les « connaissais » eux et d’autres : j’avais vu des vidéos ou lu à leur propos.

 

Photo prise à la gare de Paris St Lazare, ce 25 novembre 2020.

 

Si je cite Aya Nakamura, plus chanteuse de son état que combattante de MMA, même si l’on peut comparer son succès médiatique et ses punchlines  à ceux de certaines vedettes de MMA, c’est parce-que, comme Conor McGregor, ses vidéos sur Youtube ou sur les réseaux sociaux totalisent généralement beaucoup plus de vues, et de loin, que les vidéos montrant Jean-Pierre Vignau ou d’autres Maitres d’Arts Martiaux en démonstration sur youtube.

 

C’est un peu l’histoire du Blues ou du Jazz, ou d’une « quelconque » musique ou œuvre artistique, par exemple, qui se répète. Aujourd’hui, des grandes vedettes de Rock, de Pop ou de Rap doivent beaucoup à leurs aînés du Blues ou du Jazz. Pourtant, ce sont les vedettes de Rock de Pop ou de Rap dont on connaît le plus les œuvres, les spectacles, l’image ou le succès. Et ce sont leurs concerts qui affichent complet dans des salles gigantesques dont le prix d’accès peut être excessif tandis que les plus « anciens » et les moins « people » jouent dans des salles plus modestes pour des sommes pouvant être deux à trois fois moins élevées. Aujourd’hui, la pandémie du Covid, sorte d’ogre sanitaire qui annihile et dévore nos volontés, empêche les concerts. Mais lorsqu’il se sera un peu éloigné,  de même que la menace terroriste, on peut s’attendre à ce que, pour compenser, beaucoup d’entre nous aurons besoin de se distraire dans toutes formes de réjouissances et de festivités immédiates et extérieures. Dont des concerts et des festivals.  

 

J’aime écouter la musique d’Aya Nakamura comme il m’est arrivé de regarder des combats de Conor McGregor et d’autres combattants ou d’aller à des concerts et des festivals. Je m’étonne simplement d’avoir pu être en partie captivé par une certaine partie du « spectre » des possibilités qui nous est offert en permanence sur internet ou ailleurs. Au détriment des Arts Martiaux par exemple. Parce-que, je me crois et me croyais assez ouvert.

 

C’est ouvert :

 

 J’avais entendu parler de Maitre Henry Plée de son vivant (celui-ci est décédé en 2014 à l’âge de 91 ans).  J’ai pratiqué un peu de judo. J’ai lu, il y a une vingtaine d’années, La Pierre et le Sabre d’ Eiji Yoshikawa, roman inspiré de la vie de Miyamoto Musashi. Une fois, dans ma vie, grâce à une amie, je suis allé au Japon. C’était en 1999, l’année de la sortie du film Matrix des frères Wachowski, avant qu’ils ne deviennent deux femmes, film que j’avais tenu à aller revoir au Japon dans une salle de cinéma. Avec cette amie, j’étais allé assister à un tournoi de Sumo à Tokyo.

 

Comme nous le savons, nous disposons aujourd’hui d’un très grand accès- quasiment illimité- à l’information et aux connaissances.

Mais tout dépend de ce que nous cherchons.  Et comment nous le cherchons. Nous disposons de plus en plus facilement « d’armes » de plus en plus puissantes. Mais nous régressons peut-être de plus en plus concernant la Maitrise de nos émotions, de nos jugements comme de nos actions. Nous manquons peut-être, de plus en plus, d’éducation. Me concernant, par exemple, il est évident que si, aujourd’hui, je retournais au Japon, que j’irais y chercher autre chose qu’il y a une vingtaine d’années. Et ce serait sans doute pareil pour les autres destinations où je me suis déjà rendu de par le passé.

 

Mais si nous sommes de plus en plus agressifs envers les autres et envers nous-mêmes, c’est sans doute, aussi, parce-que, dans le fond, malgré les  « progrès »,  notre sentiment d’insécurité personnel a  également augmenté.

 

 

Ma rencontre ce week-end avec Jean-Pierre Vignau est peut-être une tentative de début de réponse à cette question :

 

Qu’est-ce qu’un Maitre ?

 

 

Qu’est-ce que l’on recherche chez lui ?

 

Est-ce celle ou celui auquel on se soumet parfois ou souvent aveuglement, jusqu’à l’étranglement, en l’échange d’un peu de (sa) protection ?  

 

Est-ce celle ou celui qui nous permet de devenir résistants et autonomes quelles que soient les difficultés ou les handicaps que nous rencontrerons dans la vie ?

 

Pour certains, Le Maitre est celui qui vous forme, qui vous délivre un permis de tuer et d’intimider qui sera le moyen de devenir célèbre en même temps que meurtrier et terroriste.  Ou mercenaire. Je ne recherche pas ce genre de Maitre. J’ai « lu » cependant que Jean-Pierre Vignau avait été un temps, mercenaire.

 

Pour d’autres, le Maitre ou la Maitresse est celle ou celui qui vous isole et vous protège du Monde comme de tous ses dangers et de ses perversités et vous «  aide ( ?!!) » à vous en « purifier » en vous séparant de toutes vos possessions matérielles, spirituelles mais aussi de vos vies relationnelles acquises dans notre Monde « malsain ». Ce n’est pas pour moi.

Pour d’autres, le Maitre ou la Maitresse est celle ou celui qui vous promettra un Etat militaire et policier. La paix dans les rues. La torture et la censure derrière les murs. Je ne veux pas de ce genre de Maitre, non plus.

 

Il est aussi des Maitres et des Maitresses qui acquièrent une très forte position sociale et économique qui se mesure aussi à l’étendue des possessions matérielles. Disposer d’une voiture luxueuse, d’un château ou d’une villa à montrer ne m’a pas conquis. Cette « absence » d’ambition, dans un monde où avoir des « relations »  peut être bien plus avantageux que les compétences et la bonne volonté m’a sûrement desservi. Mais cela n’empêche pas d’apprendre et de s’en tenir à certaines priorités :  

 

On ne « voit » pas un Maitre ou une Maitresse dans une vidéo, sur un site ou dans un article. On les rencontre. Au même titre que si l’on se contente de voir sa vie plutôt que de l’expérimenter, on se contente alors de l’envisager. Tel le fumeur de shit devant son joint,  le buveur devant son verre, l’escroc devant sa combine,  le tueur devant son arme, l’agresseur devant sa victime.

 

L’exigence vis-à-vis de soi même :

 

Si je suis exigeant envers moi-même, Jean-Pierre Vignau l’est sans doute encore beaucoup plus envers lui-même. Et depuis bien plus longtemps que moi.

 

C’est sans doute, pour moi, une des différences nécessaires entre un Maitre et un élève. Et c’est parce-que cette différence se perçoit concrètement que se créent l’autorité, la légitimité et l’écoute du Maitre.

 

Si certaines valeurs aujourd’hui se « perdent » ou semblent se perdre, c’est peut-être, aussi,  parce qu’elles sont d’un côté réservées, telles des places de parking, à quelques titulaires avant même leur naissance. Tandis que ces mêmes valeurs continuent d’être livrées telles des jolies phrases ou des emballages sous vide à d’autres qui doivent se contenter de parpaings pour sommiers lorsqu’ils s’endorment le soir. Après que ces derniers se soient faits « arnaquer » un certain nombre de fois, certains d’entre eux finissent par se méfier de tout y compris des meilleures volontés qu’ils rencontrent peut-être trop tard.

 

Il y a aussi des histoires de « clan » peut-être de plus en plus ancrées. Des histoires et des croyances héréditaires qui guident, qui brident, et qui nous disent que lorsque l’on fait partie d’un clan, d’un quartier ou d’une famille, qu’il est impossible de faire partie d’un autre ou de plusieurs autres. Mais il y a peut-être aussi cette revendication identitaire jusque-boutiste et suicidaire  qui consiste à vouloir absolument retrouver ailleurs ce que l’on vit et pense tous les jours chez soi. Même si on y tourne en rond et que cela nous détruit, nous et notre entourage.

 

On choisit de rencontrer une Maitresse ou un Maitre plutôt qu’un (e ) autre selon là où on est. Parce qu’elle ou lui nous semble la personne la plus crédible mais aussi la plus accessible et la mieux disponible pour nous aider à nous éloigner ou nous sortir de certaines impasses.

 

Une Maitresse ou un Maitre est une personne exigeante. Lorsque l’on se présente devant elle ou lui, nous venons avec nos aptitudes, notre potentiel mais, aussi, avec certaines  attitudes et ignorances qui nous maintiennent dans une certaine incomplétude. Nos ambitions et la façon que nous avons de nous percevoir font aussi partie de nos habitudes et de nos ignorances.

 

L’exigence, l’exemple, autant que l’empathie, la persévérance, l’optimisme mais, aussi, l’autocritique font, selon moi, partie de la panoplie du Maitre. Même si, bien-sûr, toute Maitresse et tout Maitre est aussi un être humain avec ses faiblesses. Et que si certains Maitres ont plus de réussite avec certains élèves, certains élèves ont aussi plus de réussite avec certains Maitres.

 

Dans son interview, lors de notre rencontre,  Jean-Pierre Vignau le dit :

 

« Mon but, c’est de décourager… ». Et, il explique que, pendant les trois premières années de pratique, il s’emploie à décourager l’élève. Cela a de quoi intimider. Trois ans, dans notre vie où beaucoup doit être obtenu rapidement ou aller vite, c’est très long.

 

J’ai connu un kiné sportif, il y a plusieurs années, qui m’avait presque tenu les mêmes propos que Jean-Pierre Vignau. Il m’avait expliqué que lorsqu’un sportif venait le voir pour une rééducation, il le mettait « minable ! » pendant les séances. Mais qu’en contrepartie, celui-ci se remettait sur pied. Dans d’autres expériences, on peut retrouver ce genre d’exigence. On peut bien-sûr penser à l’armée. Mais aussi à une école prestigieuse réservée à une élite. Pour moi, une élite, cela peut être aussi bien une très bonne école de menuiserie, de pâtisserie, de boulangerie, de mécanique ou de cuisine. Pas uniquement une école d’intellos. L’intellect, le fait d’avoir une certaine aisance pour le verbe, la culture, les concepts et la théorie,  même si j’y souscris, cela ne fait pas tout.

 

On peut s’inscrire dans un club d’art martial sans faire partie d’une élite. On peut être un modèle sans être un intello.

 

Dans son livre, paru en 2016, La Fabrique du Monstre, (10 ans d’immersion dans les quartiers nord de Marseille, parmi les plus inégalitaires de France) que je suis en train de lire, le journaliste Philippe Pujol nous explique que certains- une minorité- sont prêts à vendre du shit, à faire des braquages mais aussi à tuer pour… « réussir » à exister socialement de façon expresse. Rapidement. Même si leur vie et celle des autres autour d’eux doit être courte.

 

Jean-Pierre Vignau, pour exigeant qu’il soit, est le contraire d’un Monstre. Dans l’interview que je fais de lui, on pourra ainsi entendre, à un moment donné, le  peu d’estime qu’il peut se porter.

 

« Analphabète jusqu’à ses 28 ans », il fait partie de celles et ceux qui ont beaucoup vécu, beaucoup vu et entendu, qui continuent de pratiquer et qui, selon moi, sont un exemple. D’abord, parce qu’ils sont toujours vivants. Ensuite, parce-que, si l’on vient les rencontrer avec les « bonnes » intentions, simplicité et honnêteté, je crois que ces gens-là, nous recevrons bien et ne nous raconterons pas de bobards. Même si, et c’est normal, ils garderont leurs secrets. Car Les secrets s’éliminent à mesure que l’on fait ses preuves. Or, on peut mourir sans jamais faire ses preuves. Comme on peut passer à côté d’elles toute notre vie durant.

 

Construire sa légende

 

Le numéro de téléphone portable de Jean-Pierre était noté en bas de l’annonce pour son club, Fair Play– dans le 20ème arrondissement de Paris- à la fin du magazine Self-Défense. Je crois être passé devant son club l’année dernière en me rendant pour la première fois chez un ami. Je vérifierai.

 

Lorsque la semaine dernière,  j’ai composé le numéro de téléphone de Jean-Pierre la première fois, je pensais tomber sur un répondeur. J’ai eu Jean-Pierre directement. J’avais lu qu’il dédicaçait son dernier ouvrage, Construire sa Légende, paru en 2020.

 

C’était il y a plus d’un mois. Je me rappelle que dans le magazine Self & Dragon, Vignau répondait à un moment donné à Léo Tamaki :

 

« Moi, pour certaines personnes qui pratiquent le Karaté, je fais partie des malades mentaux. Je pratique et j’enseigne des techniques qui se rapprochent de la réalité, mais en les dosant évidemment». (page 28 de Self & Dragon numéro 7). Ce genre de propos ainsi que le reste m’ont sans doute parlé.

 

Lorsque je l’ai appelé, j’en étais à l’étape où je cherchais la rencontre. Après être resté des années sous cloche en quelque sorte. La rencontre des Maitres. Mais aussi celle de la vie loin du Covid et du second confinement que nous «connaissons ». Ou que nous apprenons à connaître :

 

Au nom du Covid, nous acceptons un certain mode de vie que nous aurions refusé il y a encore quelques mois. Cette semaine, en partant chercher ma fille au centre de loisirs, j’ai croisé la mère d’un de ses copains. Celle-ci, comme nous, quittait le centre de loisirs avec son fils et sa fille. Une fois en dehors du centre de loisirs, cette mère, infirmière comme moi (elle, en soins somatiques, moi en pédopsychiatrie) avait très vite retiré son masque et l’avait fait enlever à ses enfants. Elle m’avait expliqué :

 

« Dès que je peux, je leur fais retirer leur masque ! ». A côté d’elle, moi, qui, il y a encore un mois, acceptais tranquillement de sortir avec ma fille sans que celle-ci porte un masque anti-covid, jusqu’à ce que l’école et le centre de loisirs rendent son port obligatoire, j’ai confessé, plutôt penaud :

 

« Moi, je ne sais plus ce qu’il faut faire… ». J’approuvais totalement la réaction de cette mère et « collègue ». Mais je considérais aussi que cela ne pouvait pas faire de « mal » à ma fille- vu qu’elle entendait parler du Covid depuis des mois- de garder son masque jusqu’à la maison. Sauf qu’imposer le masque sur le visage à nos enfants lorsque cela est injustifié, c’est comme leur poser sur le visage l’équivalent d’une muselière. Et, déjà, d’une certaine façon, dès leur plus jeune âge et avec notre complicité, c’est leur apprendre à être dociles voire imbéciles. Ou à devenir, plus tard, des enragés.

 

Me refuser à ma part imbécile

 

Lorsque Jean-Pierre Vignau m’a proposé de venir chez lui pour lui acheter son livre au lieu de le commander sur internet, j’ai aussitôt accepté.  Cela signifiait sans doute aussi pour moi que je pouvais, encore, jusqu’à un certain point, me refuser à ma part imbécile.

Je m’en serais voulu si j’avais refusé ou si j’avais préféré commander son livre comme une pizza  sur internet.

 

J’étais serein en prenant la route. Ma compagne était à la maison avec notre fille. Je n’avais pas à penser à l’heure du retour pour aller chercher notre fille à la sortie de l’école ou du centre.

 

A mon arrivée, je me suis garé devant le domicile d’un des voisins de Jean-Pierre.

Jean-Pierre m’a proposé de me garer dans l’enceinte de son parking extérieur. Il m’a guidé alors que j’effectuais ma marche arrière. En sortant de ma voiture, j’avais mis mon masque anti-Covid. Lui, m’a d’emblée reçu à visage découvert. Sa femme Tina, aussi. Lorsque j’ai abordé le sujet du masque avec Jean-Pierre, celui-ci m’a rapidement fait comprendre que je pouvais enlever le mien.

 

En me tenant à distance bien-sûr, j’ai donc enlevé mon masque. C’est de cette façon que la rencontre s’est faite. Si je crois bien-sûr que l’on peut se dire beaucoup avec nos yeux, il était pour moi inconcevable de garder mon masque, donc de cacher mon visage, alors que Jean-Pierre et Tina, qui me voyaient pour la première fois, et étaient sans masque, m’admettaient chez eux.

 

 Cette interview, samedi après-midi, était informelle. Quelque peu improvisée. Si, officiellement, je venais acheter le dernier livre de Jean-Pierre, c’est une fois sur place que je lui ai demandé si je pouvais filmer pour mon blog. Bien-sûr, dès qu’il m’a proposé de venir chez lui, je me suis dit que je me devais de l’interviewer.

 

Jean-Pierre en a parlé à son épouse. J’ai obtenu leur accord. Jean-Pierre était déjà assis. J’ai posé mon caméscope de poche, l’ai allumé et l’ai laissé filmer comme ça venait. Tant qu’il pouvait.  J’ai effectué deux incises dans le montage. Mes remarques auraient pu être mieux préparées et l’on m’entend moyennement lorsque je parle. J’aurais préféré, idéalement, avoir une meilleure élocution, moins bafouiller. En somme, lorsque je regarde et écoute ces images, j’aurais aimé mieux faire l’acteur et le comédien.  Maquiller mes interventions afin que ça passe « mieux » comme dans un clip d’Aya Nakamura ou lors d’une provocation de Conor McGregor sans doute. Mais je n’étais pas venu pour fabriquer mon rôle ou pour tourner mon clip. Et,  on entend très bien les réponses, fournies, de Jean-Pierre comme celles de sa femme. Donc, pour moi, le principal est présent et bien audible.

 

 

Cela a duré un peu plus d’une heure. L’interview en images s’arrête brutalement mais je crois qu’il y a suffisamment de matière. Quel que soit ce que ce que j’ai été capable de retenir de ces moments, je suis persuadé d’avoir appris quelque chose ce samedi. Par exemple, en reprenant aujourd’hui cet article depuis le début pour la quatrième fois, je sais y avoir incorporé des idées qui m’ont été inspirées par notre rencontre il y a maintenant deux jours (trois jours maintenant). Et d’autres arriveront sans doute après la publication de cet article et de cette interview.

 

Je n’ai pas encore lu le dernier livre de Jean-Pierre, Construire sa légende.

 

Dans le numéro 9 du magazine Yashima d’octobre 2020, page 8,  Léo Tamaki mentionne la biographie de Jean-Pierre Vignau, Corps d’acier  (je l’ai achetée d’occasion via le net) . Ainsi que le documentaire Le maître et le batard qui lui est consacré. L. Tamaki encourage surtout à « un moment de pratique avec lui » ( Jean-Pierre Vignau).

Léo Tamaki présente Jean-Pierre Vignau comme «  simple et direct ». C’est ce à quoi je m’attendais. Et c’est ce que j’ai vécu et qui se retrouve, je crois, dans ce que mon caméscope, qui a sa vie propre, a filmé.  

 

Je suis convaincu que Jean-Pierre et Tina, samedi après-midi, m’ont donné quelque chose.

 

J’espère, évidemment, que cet article et, plus tard, la vidéo de mon interview leur rendra la pareille. Ainsi qu’à d’autres. Pour l’instant, mon ordinateur « rame » pour exporter ce que j’ai filmé. C’est peut-être mieux comme ça pour le moment. En attendant, je publie déjà cet article. Parce-que je pense qu’il prépare un peu à l’interview filmée de Jean-Pierre. Et, peut-être, je le souhaite, parce qu’il contribuera un peu, à bien ou mieux appréhender les Arts Martiaux d’une certaine façon.  

 

Cet article est long. Peut-être trop long. Il découragera sans doute un certain nombre de lectrices et de lecteurs. Mais sa longueur est peut-être aussi une forme de « protection » contre ce Big Bang permanent du « clash et du buzz » qui constelle et éparpille désormais  nos existences. Big Bang dont tout et n’importe quoi peut sortir à n’importe quel moment. Le pire comme le meilleur. Alors que si je parle- un peu- d’Arts Martiaux, je tiens particulièrement à ce que ce soit le meilleur qui ressorte et qui soit retenu par celles et ceux qui liront cet article et qui verront- ou non- l’interview de Sensei Jean-Pierre Vignau lorsque je la posterai.

 

Franck Unimon, ce mardi 24 novembre 2020.

 

 

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Argenteuil Corona Circus self-défense/ Arts Martiaux

M

 

                                                               M

Je devrais être couché. Il est cinq heures du matin. Je « dormais ». J’ai bien des lâchetés et bien des faiblesses. Mais lorsque j’ai un texte ou un article à écrire, je me lève. C’est l’avantage de ces mélanges entre le sommeil et les pensées : cela nous met des phrases dans la tête.

Ensuite, c’est à nous qu’il revient de choisir. Nous censurer et nous rendormir. Ou nous lever et les exprimer.

 

 

Ce n’est pas la première fois que je me lève en pleine nuit. Ou en plein jour.

 

 

Nous avons revu M, sans doute cet été, dans son nouvel appartement.  Dans une nouvelle ville. Avec son nouveau compagnon. Et son second enfant. Nous la voyons beaucoup moins qu’avant lorsqu’elle habitait dans la même ville que nous.

 

Auparavant, il nous arrivait de nous croiser près de la gare d’Argenteuil lorsqu’elle revenait du travail ou dans la ville, carrément. M fait partie de ces personnes que l’on pouvait rencontrer dans une des rues d’Argenteuil en allant faire une course. Il suffit que deux ou trois personnes de ce profil s’en aillent pour que, très vite, on se sente plus seuls dans une ville. E, par exemple, travaillait à la médiathèque du Val d’Argenteuil. Mais je l’avais connue au club de boxe française où, pendant un temps, elle avait été assidue.

 

Voilée, convertie à l’Islam, et alors célibataire, E  habitait encore plus près de chez nous. Je la croisais régulièrement dans la ville également. Ou à la médiathèque où, hilare, elle prolongeait facilement la durée de mes prêts. Pour nous saluer, nous nous serrions la main. Nous rigolions et discutions bien ensemble, en toute intelligence.

 

Puis, un jour, j’ai à peine reconnu E. Elle s’avançait en direction de la gare alors que je m’en éloignais. Maquillée, dévoilée, portant une jupe, E s’était séparée de l’Islam. Elle m’avait fait la bise.

En quelques mots, elle m’avait raconté s’être faite « humilier » en tant que femme lors de sa pratique de l’Islam. Depuis, elle s’était mise en couple avec quelqu’un qu’elle connaissait depuis des années. Peu après, E a quitté Argenteuil pour le Vésinet ou Chatou où elle a retrouvé un emploi de bibliothécaire.

 

Ensuite, elle est devenue mère. Aujourd’hui, elle a deux enfants et vit avec son compagnon à la Rochelle d’où, de temps à autre, elle envoie des photos qui donnent envie. Un jardin, un potager, de l’espace, la mer.

 

 

Avant, je rencontrais K, aussi. Comédienne, metteure en scène, prof de théâtre. Elle et moi, nous étions rencontrés en thérapie de groupe, à Argenteuil. A une époque, où, après une énième rupture amoureuse, je m’étais dit qu’une thérapie s’imposait.

K, aussi, a quitté Argenteuil avec son compagnon et père de leurs deux enfants. Pour Cormeilles en Parisis. C’est plus près que la Rochelle. Mais on se voit beaucoup moins. Peut-être une fois par an. Quand je me rends à la journée des associations d’Argenteuil qui se déroule chaque année sur le parking de la salle des fêtes Jean Vilar ainsi que dans la salle des fêtes Jean Vilar. Laquelle salle des fêtes Jean Vilar est menacée d’être détruite. Le maire Georges Mothron et son équipe ont pour projet de mettre à la place un hôtel de luxe, quelques commerces, dont une Fnac, ainsi qu’une salle de cinéma afin de rendre la ville plus attractive. Si ce projet se réalisait, la librairie Presse Papier (restée ouverte malgré le confinement) située à l’entrée de la ville serait aussitôt concurrencée par la Fnac. Et le centre culturel Le Figuier Blanc, qui projette des films, pourrait l’être par la salle de cinémas.

 

 

K m’a un jour répondu avoir quitté Argenteuil car elle en avait « marre » des pauvres. Ce ne sont pas les pauvres en eux-mêmes dont K a eu marre, à Argenteuil. Je pense que c’est plutôt des incivilités régulières. De certains comportements. Du bruit.  Sans doute de certains trafics, aussi.

 

Locataire en appartement à Argenteuil, K et son compagnon sont devenus propriétaires à Cormeilles En Parisis. Comme certains parents des copains et des copines de l’école maternelle de ma fille qui ont rapidement fait le nécessaire pour faire admettre leurs enfants dans l’école privée Ste-Geneviève de la ville, M, K et E font partie de ces forces vives qui, pour diverses raisons, un jour, se retirent d’un endroit. Ensuite, même si l’on peut faire d’autres rencontres, et que l’on connaît d’autres personnes toujours présentes dans notre environnement immédiat, c’est une affaire entre soi et soi. De choix et d’espoir. Mais tout départ, comme toute séparation, nous éloigne et nous sépare un peu de nous-mêmes.

 

 

Cet été, après environ quarante minutes de route, nous sommes arrivés dans le nouvel habitat de M.  C’est un ensemble d’immeubles avec parking. Nous avions du mal à trouver où nous garer. Car beaucoup de places étaient privées. En m’approchant de M, descendue à notre rencontre, j’hésitais sur l’attitude à avoir concernant…. « les gestes barrières ». M a tranché :

 

« C’est bon ! ». Et nous nous sommes fait la bise. Je n’ai pas cherché à contredire M. Je n’en n’avais même pas envie. M, c’est un char d’assaut. Et, à propos de la vie et de la mort, M est la mémoire directe, et la plus proche, de cette expérience que nous avons connue ensemble concernant ces sujets. On pourra toujours argumenter que notre attitude a été parfaitement irresponsable en pleine période du Covid et alors que nous avons des enfants plutôt jeunes. Mais chaque rencontre dicte ses règles.

 

M et nous, nous nous sommes rencontrés à la maternité de l’hôpital d’Argenteuil. Tout le monde a entendu parler de la maternité, de la grossesse, d’un accouchement et de la naissance d’un enfant. Le plus souvent, ça se passe « plutôt bien » lorsque la grossesse se réalise. Pour M et nous, la grossesse a effectivement eu lieu. Mais l’accouchement  a été prématuré. Nos deux filles ont été de grandes prématurées. La prématurité, c’est devenu banal quand on en parle. Une personne m’avait par exemple dit :

« Je connais quelqu’un qui a eu un enfant prématuré ». Et quelqu’un d’autre m’avait dit aussi : «  Ma nièce, à sa naissance, pesait 540 grammes. Elle était à peine plus grosse qu’un steak. Aujourd’hui, elle va très bien, elle a deux ( ou quatre) enfants ». C’était des marques de sympathie et d’encouragement.

 

La prématurité de nos filles, cependant, cela a été un petit peu notre Vendée Globe émotionnel. Un mois et demi d’hôpital en réanimation puis en soins intensifs pour la fille de M. Deux mois et demi pour la nôtre. Des visites quotidiennes. Des appels téléphoniques quotidiens. Soit le contraire d’une vie «normale » où, souvent, après quelques jours d’hospitalisation, la mère repart à la maison avec son enfant ou ses enfants. Puis, ensuite, la « réadaptation » à la maison et à la vie extérieure pour tout le monde à la sortie du bébé de l’hôpital.

 

M représente ça pour nous. Et, sans doute que nous représentons ça aussi pour elle. Nous discutons ou avons assez peu discuté de cette « époque », elle et nous. Ou, alors, j’étais absent à ce moment-là. Mais il est facile de concevoir que cette « époque », nous l’avons encore dans la peau. D’une façon ou d’une autre. Alors, il était impossible de ne pas nous faire la bise en nous revoyant.

 

Nous avons passé une bonne après-midi chez M et son nouveau compagnon, avec leurs enfants.

 

Franck Unimon, ce samedi 21 novembre 2020. 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Renaître/ un livre écrit avec Marion Bartoli

   

 

        Renaître/ un livre écrit avec Marion Bartoli

« Bartolir : prendre une décision irréfléchie ». 7 ans plus tard, ce néologisme porté sur un réseau social ( Twitter ou instagram) par un lettré médiatisé continue à ne pas me revenir.

 

C’était fin 2013, après la victoire de la joueuse de tennis Marion Bartoli à Wimbledon. Celle-ci venait d’annoncer sa retraite sportive. Et, Bernard Pivot, référence littéraire en France depuis les années 70 avec l’émission Apostrophes, s’était exprimé.

 

J’ai grandi « avec » Apostrophes. Même si j’ai peu regardé cette émission, je savais que c’était une institution intellectuelle. Même Mohammed Ali était passé à Apostrophes. Lycéen et ensuite, si j’avais pu, j’aurais aimé écrire un livre ou pouvoir susciter l’intérêt des pointures qui s’y sont présentées. Comme de Bernard Pivot.

 

Evidemment, comme la majorité des lycéens et des spectateurs, cela n’est jamais arrivé. Je me suis rabattu sur L’école des fans de Jacques Martin où je ne suis jamais passé non plus.

 

Puis, ça m’était passé. Bernard Pivot et Apostrophes ou sa dictée ne faisaient plus partie de cette lucarne de but où je cherchais à entrer. Ou peut-être aussi, que comme la majorité, je m’étais résigné au babyfoot.

 

Aujourd’hui, on dirait plutôt : « Comme la majorité, je m’étais résigné à la console de jeux et aux réseaux sociaux ». Après avoir obtenu un travail, m’être inséré, fait des amis, quelques voyages, j’avais trouvé ailleurs et avec d’autres de quoi me regarder.

 

« Bartolir ».

 

Visiblement, en 2013, Bernard Pivot continuait de compter pour moi.

Lorsque j’avais lu ce mot, je m’étais dit que j’aurais bien voulu le voir, le Bernard Pivot, en short et chaussettes, avec une raquette de tennis, se mangeant les séances d’entraînement massives et quotidiennes de Marion Bartoli !

 

J’en ai beaucoup voulu à ce lanceur de dictée. Je me suis rappelé de ma lecture d’un article racontant sa « rencontre » avec le navigateur Eric Tabarly. Pivot, l’intello de plateau, y avait été décrit comme une sorte d’animateur prenant Tabarly de haut, car incapable de s’ajuster au fait que cet homme des vagues se tenait là sans se prêter à l’eau pâle des alexandrins et des cotillons verbaux. 

 

En 2013, amateur de sport, comme Bernard Pivot, j’imaginais pourtant facilement l’usure mentale et physique de celle qui s’était engagée mais aussi esquintée en pratiquant le sport à très haut niveau. C’était peut-être dû aux séquelles de mes propres blessures de sportif amateur depuis mon adolescence. A ce que j’avais fini par en apprendre.

 

C’était peut-être dû à la lecture de quelques articles dans les journaux concernant Marion Bartoli. Ou à celle d’ouvrages d’anciens joueurs de tennis de haut niveau :

 

Déclassée de l’ancienne numéro un française Cathy Tanvier m’avait sans doute beaucoup éduqué.

 

Plus jeune, adolescent, je me marrais devant les défaites répétées de Cathy Tanvier pendant les tournois de tennis. En apprenant qu’elle avait été « éliminée » dès les premiers tours de tel tournoi du grand Chelem, « notre » numéro vingt mondial.

 

 Puis, j’avais lu son Déclassée, (paru en 2007). Non seulement, il était très bien écrit, m’avait ému. Mais, en plus, ce livre m’avait remis à ma place.

 

En découvrant la vie personnelle de Cathy Tanvier, j’avais compris que le parcours professionnel de haut niveau qu’elle avait tracé en parallèle avait nécessité des efforts gigantesques. Et que ces efforts qu’elle avait dû produire en « surcharge » avaient sûrement plus d’une fois fait la différence avec les autres championnes qui gagnaient les finales car, délestées, elles, de ces contraintes. Mais aussi de certaines blessures physiques. Car Cathy Tanvier avait participé à certains de matches en étant blessée.

 

 

Open écrit par André Agassi (paru en 2009) m’avait aussi éduqué. Si la carrière tennistique d’André Agassi a bien sûr été plus triomphale que celle de Cathy Tanvier, il existe pourtant des points communs entre leurs carrières et celle…d’une Marion Bartoli dont « le » livre, Renaître, est paru en 2019. Aujourd’hui, Marion Bartoli, née en 1984, a 36 ans.

 

La précocité :

Marion Bartoli a quatre ou cinq ans lorsqu’elle tient sa première raquette de tennis en main. Contrairement à un André Agassi et une Cathy Tanvier qui se révèlent très tôt particulièrement doués, dans Renaître, Marion Bartoli répète qu’elle avait seulement pour elle une concentration supérieure à la normale ainsi qu’une certaine rage.

 

 

Modèle et environnement familial :

J’ai oublié comment Cathy Tanvier en était arrivée à jouer au tennis. Mais je me rappelle que le père d’André Agassi avait d’abord voulu faire de son frère et de sa sœur aînée des champions de tennis. En vain. Avant de s’apercevoir que le « dernier », André, avait des aptitudes particulières : dont un certain coup d’œil pour évaluer la trajectoire de la balle.

 

C’est en regardant son père et son frère Franck, de neuf ans son aîné, jouer au tennis que Marion Bartoli eu envie de participer.

 

Pendant toute sa carrière, Cathy Tanvier n’a eu de cesse de courir après les balles de tennis et les tournois afin de compenser les infidélités conjugales et les pertes financières de son père.

 

André Agassi a eu à faire avec un père tyrannique, d’origine arménienne, déterminé et imposant.

 

Le Clan des Bartoli :

 

Marion Bartoli, elle, nous parle d’un clan familial obligé de partir de Marseille, leur ville de chair, en se coupant du reste du monde afin d’aller s’établir à Retournac, petit village pépère de 2500 habitants.

« Papa » Walter Bartoli a perdu sa mère lorsqu’il avait deux ans. Son père a refait sa vie sans lui. « Maman » Sophie, elle, est manifestement brouillée également avec sa propre famille. Mais la petite Marion ignore la raison de ces différends. Papa, maman, Franck et Marion Bartoli partent s’installer à Retournac et vivent en clan.

Retournac se trouve en Auvergne. L’Auvergne est une très jolie région. Mais cela n’a rien à voir avec le climat et l’ambiance de Marseille.

 

Dans la région d’Auvergne, donc, les Bartoli forment un clan d’amour où la rudesse économique est perceptible. Papa Bartoli est médecin libéral. Maman, ancienne infirmière de nuit, est la secrétaire. En été, pendant les vacances, la famille s’en sort financièrement. Autrement, il y a deux ou trois fois moins de travail pour le Dr Bartoli et donc moins d’argent pour la famille. 

 

A lire Renaître, il semblerait aussi que « Les » Bartoli soient un clan fermé : apparemment, aucun cousin, cousine, tonton ou tata du côté du père comme de la mère n’est présent dans le cadre de la maison.

 

La petite Marion Bartoli est très bonne élève. Elle aime être la première de la classe et ne sourcille pas lorsque son père lui demande de prendre de l’avance sur ses cours. En outre, au vu des difficultés concernant les fins de mois, elle s’applique à être exemplaire.

 

Le tennis va devenir un cocon pour faire plaisir, pour exister, pour prendre une revanche mais, aussi, pour donner une certaine revanche aux parents.

 

Construire ses matches comme on construit les marches de son  destin :

Le goût de la compétition, de l’effort, ainsi que l’envie de rendre les parents fiers, vont petit à petit gagner du terrain. Le père et la fille, au moins, vont de plus en plus se prendre au jeu. Marion, pour réussir et donner cette réussite à sa famille. Le père, pour être présent et soutenir sa fille mieux et plus que son propre père ne l’a fait pour lui.

Le frère aîné va s’engager dans l’armée. Marion, elle, va devenir un soldat volontaire de l’entraînement. Pour réussir, elle apprend très vite qu’il lui faut travailler bien plus que les autres.

 

Une critique du système éducatif dans son ensemble :

 

Dit comme ça, on pourrait penser que ce tandem que va former Marion Bartoli avec son père est « juste » l’histoire de deux personnes qui pansent leurs plaies à travers l’autre. Ou  l’histoire d’une enfant qui fait son possible pour sauver ses parents d’une certaine détresse.

 

Mais la carrière de Marion Bartoli, « peu douée pour le tennis », est aussi une critique du système éducatif dans son ensemble. Même si, dans Renaître, Marion Bartoli s’en prend principalement à la Fédération Française du Tennis qui, à plusieurs reprises, s’obstine à vouloir faire d’elle une simple exécutante de la balle jaune. Alors que, très tôt, celle-ci a été l’associée de son père et entraîneur. Et que c’est par lui et avec lui qu’elle s’est sortie du lot des joueuses jusqu’à se faire remarquer, du fait de ses résultats, par cette même Fédération Française du Tennis.

 

Dans son livre, on est marqué par le très grand manque de compétence psychologique de plusieurs personnalités, pourtant émérites, de la Fédération Française de Tennis. Et, on se dit qu’il doit y avoir bien d’autres fois, ou en d’autres circonstances, et dans d’autres institutions, où ce genre de situation arrive :

 

Des cadres qui ont le Pouvoir- et dont la carrière et le palmarès font autorité -s’estiment légitimes pour disqualifier les méthodes d’apprentissage d’un athlète ou d’un candidat dont les performances font pourtant partie du plus haut niveau. Un peu comme si un professeur de guitare au conservatoire méprisait la façon dont un jeune Jimi Hendrix avait appris à jouer des notes.

 

 Il faut attendre Amélie Mauresmo, un profil peut-être « différent » ou hors norme de par sa vie personnelle en tant que femme homosexuelle affirmée, pour trouver une interlocutrice plus ouverte. Ou, peut-être aussi que lorsque cette rencontre survient entre Amélie Mauresmo, capitaine de l’équipe de France de Tennis, que Marion Bartoli est alors mieux disposée pour s’affranchir de son père.

 

La retraite sportive et la vraie vie :

Avec sa retraite sportive, on retrouve cette « petite » mort déjà racontée par d’autres.  A la fin de la carrière intense et des jets d’adrénaline, pousse un vide et un sentiment de surplace sans limites qu’il faut remplir. Marion Bartoli peine à digérer son « départ » à la retraite mais aussi sa sortie du cocon familial qu’a été sa relation en particulier avec son père au travers du tennis.

 

Pendant des années, au travers du tennis, Marion Bartoli a vécu dans un cocon. Dans ce cocon, sa famille, son clan, était constamment présent grâce au cordon qui la reliait à son père. Sa retraite sportive coïncide avec l’âge où elle quitte ses parents. Ça fait beaucoup.

 

S’ensuit une sévère dépression. Pour Marion Bartoli, ça passe à la fois par des troubles alimentaires… mais aussi par une relation sentimentale « banque-cale » avec un homme.  Puisqu’il en faut un pour essayer de colmater l’absence de papa. Ou de maman.

 

Cela a pu arriver à d’autres y compris dans des professions rigoureuses comme espionnes (Les Espionnes racontent, un livre de Chloé Aeberhardt, paru en 2017).

 

Car l’armature et la très haute habilité affective que l’on peut avoir sur un terrain de sport ou dans un environnement professionnel ne suit pas forcément dans la vie intime. Les règles et les limites y sont plus floues et plus incertaines. Sur un court de tennis, lorsque la balle est dans le filet  ou dans le couloir, il y a faute et le jeu s’arrête. Dans la vraie vie, le jeu peut malgré tout continuer. La vie intime est tel un hymen docile. S’offrir  à l’autre, en vue de rester avec lui ou de le garder, est le contraire de la performance. Dans une performance, on cherche à annuler, bloquer, détourner, dépasser, déstabiliser ou détruire l’autre.

 

Dans Renaître, on lit et on entend l’humour et l’autodérision « connues » de Marion Bartoli. J’ai eu un grand plaisir à lire ce livre dans lequel elle nous parle aussi un peu de quelques à-côtés du Tennis de haut niveau : Serena Williams, Maria Sharapova….

 

Aujourd’hui, ce ne sont plus les mêmes joueuses de tennis qui dominent autant le Tennis mondial (à part peut-être Serena Williams encore un peu), mais il en est sûrement quelques unes et quelques uns qui ont connu ou vont connaître les mêmes états que Marion Bartoli. Dans le monde du Tennis ou ailleurs.

 

Franck Unimon, ce mardi 17 novembre 2020.

 

 

 

 

 

 

 

 

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Les Chinois

Oeuvre de Thibaut Dapoigny.

 

                                                            Les Chinois

 

 

A vue d’œil, il y a peu de Chinois dans ma ville. Mais, souvent, lorsque j’en vois, ils tiennent un commerce ou y sont employés :

 

Traiteur alimentaire, poissonnerie (mauvaise), salon d’esthétique, buraliste PMU, produits (alimentaires) exotiques, marchand de vêtements ou de maroquinerie. 

 

Ils font partie des commerçants de la ville parmi les Kebab, opérateurs et réparateurs de téléphonie, autres restaurants et magasins de vêtements, boulangeries, pharmacies, supermarchés, marchés, boucheries, marchand de primeurs, enseigne Babou, opticiens, agences immobilières, banques physiques, quelques hôtels, cafés, Quicket Mac Do qui donnent sur la rue.

 

Pour parler des quelques commerces que l’on peut découvrir lorsque, depuis la gare d’Argenteuil, on se dirige vers le centre-ville. 

 

Les Chinois vivent plutôt en retrait. On n’entend pas parler d’eux. Aucun terroriste islamiste d’origine chinoise, recensé à ce jour. Pas de lien connu ou médiatisé avec le trafic de cannabis. Aucun d’entre eux non plus parmi les figures connues des gilets jaunes. Oui, la blague est facile, presque factice et limite raciste. Mais je vais rapidement me sortir de cette ambiguïté :

 

Récemment, une de mes collègues m’a appris qu’un de ses amis, d’origine chinoise, s’en prend plein la tête. Celui-ci travaille en Seine et Marne- c’est en banlieue parisienne- dans un supermarché en tant qu’employé. Il  s’occupe des rayons. Il se fait insulter.

 

Il lui est reproché la pandémie du Covid ! Ni plus, ni moins.

 

Rebattre les cartes de la vie ordinaire

 

En France, la pandémie du Covid a rebattu les cartes de notre vie ordinaire et de notre mémoire depuis la mi-Mars 2020. Nous connaissons notre deuxième reconfinement, après quelques jours de couvre-feu, pour cause de deuxième vague depuis le début de ce mois de novembre. Aujourd’hui, nous sommes le dimanche 8 novembre 2020. Et une troisième et quatrième vague sont déjà annoncées.

 

Conclusion : en France au moins, certains Chinois n’ont pas fini d’entendre parler du Covid. On nous parle bien d’un vaccin qui nous protégerait. Mais cela prendra du temps et puis, les vaccins et la santé publique sont un business comme un autre. On en trouvera peut-être un jour en vente libre sur les marchés et dans les supermarchés. Lorsque nous serons morts, pour celles et ceux qui peuvent lire cet article aujourd’hui, ou condamnés.

 

Nous vivons donc sous certaines contraintes qui étaient inimaginables il y a encore quelques mois. J’ai tendance à croire que nous pouvons connaître pire même si, je l’espère, ce ne sera pas pour tout de suite. Aux Etats-Unis, ce week-end, nous avons échappé à la réélection de Donald Trump. Ce qui est a priori, pour moi, un certain soulagement.  Mais si Donald Trump fait peur, on a peur pour Joe Biden.

Photo prise à Argenteuil, en novembre 2018.

 

Et puis :

Imaginons un Etat constitué comme la France, la Grande-Bretagne ou les Etats-Unis qui déciderait de passer des contrats avec des terroristes, comme on peut le faire avec une boite privée :

 

Le but serait de commander les gens par la peur. De leur dicter ce qu’ils doivent manger, lire, boire, penser et consommer. A qui et quand.  De quelle heure à quelle heure. Dans quelles proportions. Mais aussi, quand ils peuvent se reproduire. Et, tout cela, pour le « bien » de l’économie et des actionnaires. Vous avez-encore- le droit de vous dire que je vais trop loin ou que j’ai  mangé beaucoup trop de foin ce matin. Après, ce sera peut-être trop tard.

 

En attendant, comme celles et ceux qui le peuvent encore, les Chinois bossent. Comme l’humoriste Bun Hay Mean- dont j’aime beaucoup l’humour- qui peut nous dire :

 

« Nous, les Chinois, avec notre petite bite, on vous a bien ni-qués ! Vous n’avez rien senti ! ». 

L’extrait ci-dessous n’est pas celui auquel je pensais mais il donne une idée de l’humour de Bun Hay Mean dans un de ses spectacles récents ( 2020 ou 2019, visiblement). 

 

 Spike Lee, aussi, nous parle des Asiatiques qui bossent. Dans son film, réalisé en 1989 : Do The Right Thing. Même si, dans cet extrait, il est question d’un commerçant coréen et non d’un commerçant chinois. 

 

Mais les Chinois ne sont pas les seuls à bosser. Avant le film de Spike Lee, il y avait eu, en France, le très bon Pierre Desproges avec son sketch Rachid

Dans son sketch, Rachid, Desproges nous parle du racisme qui, en France, touche les Arabes. Le Front National dirigé alors par Jean-Marie Le Pen obtenait alors de plus en plus de voix dans la France socialiste du Président François Mitterrand ( 1981-1995). Et certaines personnes considéraient les Arabes comme des fainéants.  Alors, dans son sketch, Desproges « s’étonne » comme, pour des fainéants, bien des Arabes travaillent dur. Son sketch date des années 80, probablement en 1985 ou en 1986 ( Desproges est mort le 18 avril 1988) à l’époque où les médiathèques n’étaient pas remplacées par internet. Je vous propose de le retrouver…sur internet. Et de l’écouter et de le regarder. Rire, réflexion et émotion sont garantis. Même si la façon de bouger et d’occuper la scène est très différente de celle de Bun Hay Mean. Trente ans séparent les deux humoristes. 

 

 

Vers l’oasis :

 

 

Hier matin, samedi, je suis allé à la médiathèque de ma ville. En raison de la pandémie, il était possible de s’y rendre de 11h30 à 12H30 ou de 16h30 à 17h30 pour venir y chercher un ouvrage que l’on avait commandé. En temps habituel, les samedis, la médiathèque est ouverte de 10h à 18h.

 

Après avoir discuté un peu avec un des bibliothécaires, comme j’avais quelques courses à faire, je me suis offert un petit périple. J’avais sur moi toutes les feuilles d’attestation de déplacement provisoire. Je n’en n’ai pas rempli une seule. J’avais besoin de prendre l’air. J’en avais assez de devoir prendre le temps d’écrire sur une feuille ce que je vais faire. Et quand. Et où. Et pourquoi. Et avec qui. Et dans quelle position. Et pendant combien de temps. Ce que j’écris est très grave car je donne un mauvais exemple de comportement civique en pleine période de pandémie. Mais c’est la première fois que je le fais. Et, surtout, il s’agissait de marcher un peu dans ma ville à l’heure de midi.

 

 

Mon masque sur le visage- oui, je porte toujours mon masque sur mon nez et ma bouche lorsque je sors !- j’ai un peu improvisé dans les rues. Jusqu’à arriver devant ce magasin de produits exotiques tenus par des Chinois où je n’étais pas allé depuis une bonne année. Ou plus.

 

Photo prise près du Louvre, ce 5 novembre 2020.

Il était ouvert. Cela se voyait d’assez loin avec l’enseigne lumineuse, au dessus du magasin, qui clignotait. Dans notre monde de plus en plus fermé par la peur, voir un magasin ou un lieu ouvert peut donner l’impression de se retrouver devant une oasis. Ce que bien des commerces, bien des pubs, certains programmes politiques, économiques ou religieux nous promettent.  

 

Sur la droite de « l’oasis », un chien agenouillé et enchaîné. Etait-ce l’un des chiens de l’enfer ? Il avait l’air plutôt gentil. Sauf qu’il n’était pas là, les dernières fois.

 

Après avoir dit bonjour à la dame, j’ai à peine eu le temps d’aller dans les rayons que celle-ci m’a demandé avec une certaine inquiétude…de mettre du gel hydro-alcoolique sur mes mains. J’ai alors vu le flacon devant elle ainsi que le mot nous invitant à l’utiliser.

 

Mais il y avait plus. Lors de mes précédentes venues, il suffisait de faire son tour et de choisir ses articles. Là,  il a presque fallu que j’annonce mes intentions d’achat dès le départ. Cela m’a fait penser à de la rapine répétée dont le magasin a pu avoir à se plaindre.

 

J’ai apparemment su rassurer car, ensuite, la dame m’a laissé fureter entre les étalages.

J’étais devant le rayon des surgelés lorsque je l’ai entendue dire à voix haute :

 

« Il faut mettre votre masque ! ». Peu après, j’ai vu débouler un homme peut-être d’origine pakistanaise ou bangladaise en tenue traditionnelle longue et sandales. Il est resté peu de temps.

 

La date de péremption du produit surgelé que je regardais était dépassée de quelques jours : Octobre 2020. J’en ai parlé à la vendeuse. Elle s’en est étonnée. Un peu plus tôt, elle m’avait expliqué qu’en ce moment, ils avaient de moindres approvisionnements.

 

Elle m’a proposé de me faire un prix. Cinq euros au lieu de six euros quatre vingts.

 

 

J’ai accepté.

 

 

Franck Unimon, ce dimanche 8 novembre 2020.