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Apnée self-défense/ Arts Martiaux

Je ne suis pas un aventurier

 

Port Haliguen, Quiberon. Mai 2021.

 

 

 

                                               Je ne suis pas un aventurier

 

Je ne suis pas un aventurier. En janvier de cette année, j’ai prononcé cette phrase, parmi d’autres, lors de mon discours de départ de mon précédent service. Service où, à ce jour, je suis resté ancré le plus longtemps : 11 années. Trois ans de jour pour commencer, puis huit de nuit pour finir.

 

J’ai fait trois fois mon pot de départ en effectifs réduits du fait de la pandémie du Covid. J’ai dit trois fois mon discours. J’ai donc répété cette phrase trois fois : ” Je ne suis pas un aventurier”. Certaines phrases, comme les vagues, se répètent. Mais nous ne les écoutons pas toutes. Parce-qu’elles sont trop nombreuses. Parce-qu’elles se ressemblent toutes. Parce-que nous sommes des araignées emportées par les sillons de nos propres toiles. Les vagues, aussi, sont des toiles. Elles accumulent les jours et les nuits plus qu’elles ne reculent devant elles.

 

J’avais déjà travaillé de nuit ailleurs, auparavant. 

 

Dans les logements où j’ai vécu, toujours en ville, à ce jour, toujours en banlieue parisienne, j’ai un peu oublié la moyenne, mais j’y suis resté six ou sept années. Toujours dans des appartements,  exception faite du pavillon que mes parents avaient acheté à Cergy-Pontoise et où nous avions emménagé. J’avais 17 ans. Et, pour moi, alors, quitter Nanterre et notre immeuble de 18 étages, dans notre cité HLM, cela avait été l’exil. M’éloigner d’une trentaine de kilomètres de ma région natale, les Hauts de Seine, pour cette région du Val-d’Oise, alors décrétée « ville nouvelle ».

 

 

Depuis l’esplanade de Paris, à quelques minutes à pied du pavillon de mes parents, par temps clair et ciel dégagé, je pouvais apercevoir la grande Arche de la Défense. C’était tout ce qui me restait à peu près, visuellement, comme contact, de Nanterre.

 

Il suffit de quelques kilomètres de différence par rapport à notre périmètre familier pour avoir l’impression d’être en quelque sorte « excommunié » du paradis où, pourtant, plus d’une fois, on s’est senti à l’étroit. Plus que la distance que l’on met entre soi et les autres, mais aussi entre certains événements et nous, ce qui compte, c’est le choix que l’on fait et le moment de ce choix. Et, je n’avais pas choisi de partir de Nanterre. Pourtant, à 17 ans, j’y partageais ma chambre avec ma petite sœur et mon petit frère. Il y a mieux comme intimité. D’autant que j’avais été fils unique pendant les neuf premières années de ma vie.

 

A Cergy-Pontoise, et jusqu’à mon départ de chez mes parents, un départ choisi après mon service militaire, j’allais, de nouveau, avoir ma chambre pour moi. J’allais aussi découvrir le calme. Le silence. Le calme et le silence d’une maison, d’un quartier pavillonnaire, d’une presque campagne, contre le tintamarre commun de la cité et de l’immeuble HLM :

 

Le jeune qui rôde sa mobylette dans la rue et qui enfile les tours de la cité en augmentant graduellement la vitesse de son engin motorisé avec, bien-sûr, le pot d’échappement pétaradant. Le voisin qui attaque son appartement à la chignole pour du bricolage. Les autres qui claquent la porte de leur appartement car celle-ci se ferme mal. Les gens qui s’engueulent. Les représentants qui électrisent subitement l’atmosphère dans l’appartement au moyen de la sonnette de la porte. Comme s’ils étaient chez eux. Les enfants/ les copains qui, depuis la rue, crient pour appeler leur copain afin qu’il descende jouer avec eux. La musique forte :

Même si, à la maison, on écoutait aussi de la musique à un volume sonore plus ou moins élevé, le tube Où sont les femmes ? De Patrick Juvet, mis et remis en selle, par la plutôt jolie fille aînée ( plus âgée que moi) de nos voisins directs, fait partie, à jamais, de mes souvenirs de Nanterre.

 

Je ne peux même pas dire si j’ai aimé entendre cette chanson : je n’avais tout simplement pas le choix. C’était comme ça. C’était normal. Et, à Cergy-Pontoise, dans ce pavillon acheté par nos parents, c’était exactement le contraire. Bien qu’il s’agissait d’un coin « civilisé », avec marché, médiathèque, piscine et centre commercial à proximité ( même si, comparativement aux Quatre Temps de la Défense, le centre commercial Les Trois Fontaines a d’abord fait un peu « pitié »), j’ai d’abord eu l’impression d’être arrivé dans un coin paumé. Pourtant, il y avait des gens. Et des jeunes de mon âge. Mais je ne les connaissais pas. Et la densité était moindre qu’à Nanterre.

 

Depuis mon enfance, je n’ai pas trop de problème pour sympathiser avec les autres. C’est peut-être un trait de mon tempérament. Ou, aussi, une résurgence des colonies de vacances et des centres de loisirs où je suis allé dès mes six ans voire plus tôt. Dans la ville de Cergy-Pontoise, en plus de vingt ans, je ne me suis fait aucun ami en dehors du travail. Tous mes amis de Cergy-Pontoise ont un rapport avec mon travail. J’ai en grande partie rejeté cette ville et ce qu’elle pouvait m’offrir dans le domaine associatif, sportif et autre. Pourtant, j’y ai croisé des gens en bien des circonstances.

 

Si j’avais été un aventurier, en six mois à Cergy-Pontoise, je me serais reconstitué un réseau d’amis pour remplacer celui dont j’avais été séparé à Nanterre. J’aurais fait le tour du monde à vélo ou à la voile. Je serais parti vivre plusieurs années à l’étranger.

Je serais venu habiter dans Paris lorsque les prix, dans l’ancien, à l’achat, étaient encore supportables : avant l’an 2000.

 

Je suis prudent. Je peux être méticuleux. Et, je peux être, aussi, particulièrement…. lent.  Mais je suis, aussi, assez curieux dans les deux sens : un personnage étrange, pas tout à fait conforme, qui n’avance pas au même rythme. Et qui ne pense et ne s’exprime pas toujours comme on pourrait s’y attendre. Ou l’exiger. Qui semble- et qui est- en retrait des autres mais qui, contre toute attente, peut être attentif aux autres de façon plutôt surprenante.

 

Cela n’est pas calculé. Les horaires des marées hautes et basses de mes pensées suivent des lunes qui, sans doute, sont peut-être moins communes mais sont aussi faites d’écume. Ce qui peut les rendre plus difficiles à cerner comme à prévoir sur le comptoir des échanges relationnels. Or, ce qui est incompréhensible peut dérouter ou faire peur.

 

Et dans quel domaine, je travaille ? En psychiatrie et en pédopsychiatrie. Soit un domaine où les personnes, les patients mais aussi les collègues, que l’on rencontre peuvent être susceptibles d’agir comme de penser de manière….incompréhensible. On dirait presque que je le fais exprès, de dérouter mon entourage. 

 

Mais, dans la vie, aussi, nous assistons à bien des phénomènes incompréhensibles.

 

Incompréhensibles. Mais, aussi, parfois, incompressibles.

 

 

Il m’a fallu plus de dix ans entre le moment où je me suis intéressé à la plongée avec bouteille. Et le moment où je me suis lancé en Guadeloupe jusqu’à y passer mes deux premiers niveaux. Pour l’instant, j’ai effectué 39 plongées avec bouteilles dont deux ou trois à quarante mètres.

 

Il m’a fallu à peu près le même temps ( plus de dix ans) pour me décider à prendre des cours de théâtre et jouer sur scène mais aussi dans des courts-métrages. Idem pour le roller etc….

 

 

Mon univers est sans doute celui d’un homme à l’envers. Pourtant, je sais ce qu’est le fait d’avoir des Devoirs et des engagements. Je n’ai pas beaucoup de leçons à recevoir des autres en matière de Devoirs et d’engagements. Pour cela, il me suffit de considérer ma vie, certains de mes sacrifices, même si je ne les ai d’abord pas toujours reconnus comme tels, et regarder un peu comme d’autres vivent autour de moi, pour savoir que je suis très en règle avec mes Devoirs et mes engagements. Voire, peut-être trop.

 

 

La pratique de l’apnée, en club, est devenue concrète pour moi il y a quatre ou cinq ans, maintenant. Après d’autres expériences tant personnelles que professionnelles. Là, aussi, il s’est passé un certain nombre d’années entre le moment où j’ai décidé de  faire les démarches pour m’inscrire dans un club d’apnée et le jour où je l’ai fait. Evidemment, avant de faire ça, j’avais déjà lu, ou vu, sur des professionnels de l’apnée. Des « professionnels » au sens commun :

 

Des pratiquants de l’apnée médiatisés pour leurs performances hors-normes lors de certaines compétitions. Des gens que l’on surnomme souvent « L’homme-poisson », « L’homme-dauphin » etc….

Il y avait des femmes, aussi. Audrey Mestre, en particulier.

 

Si l’aspect « performance » de l’apnée a pu me séduire, comme un mannequin, un beau blouson éclairé en vitrine ou une vedette de cinéma peut aussi nous séduire, il est un autre aspect qui m’a, je crois, le plus « dragué » dans l’apnée :

 

La maitrise de soi. Le calme. La contemplation. L’apprentissage et la découverte de mes capacités. L’adaptation à un autre environnement. Adaptation, qui, ensuite, sans même y penser, se transpose, dans ma vie terrestre.

 

Des aptitudes requises mais qui peuvent aussi être développées, sollicitées, par la pratique de la plongée avec bouteille, de la psychiatrie et de la pédopsychiatrie, du théâtre, du massage bien-être, de la lecture, du journalisme cinéma, de l’écriture, du judo et de tout art martial mais aussi de tout sport de combat, diverses rencontres, la vie de couple, de famille ou le fait d’éduquer/d’essayer d’inspirer son enfant.

 

Il est courant d’opposer des disciplines qui, a priori, semblent antagonistes ou étrangères les unes aux autres. Entre ces disciplines, ces rôles et ces états, je recherche plutôt une certaine complémentarité.

 

Les personnes qui me connaissent un peu ne seront pas surprises par ce que j’avance.

 

J’ajouterai que la pratique de ces diverses disciplines – et d’autres- permet d’approfondir une certaine expérience de l’économie du geste, de la pensée, du calme, de la sincérité envers soi-même pour résumer. Et que cette pratique se réalise en « s’immergeant » en soi-même. Mais aussi en apprenant à observer et à ressentir, ce qui nous entoure (êtres, objets, éléments, événements). Et, aussi, en allant à leur rencontre dans la mesure de nos moyens, de nos limites et de nos connaissances.

 

 

Je ne suis pas un aventurier. Des quatre ou cinq jours que je viens de passer à Quiberon avec mon club d’apnée, mon troisième stage avec mon club, et mes trois seules sorties en mer de ce type, je suis revenu avec la sensation d’être un peu plus à l’aise dans l’eau en tant qu’apnéiste. Mais je ne suis pas encore autonome.

à suivre….

 

Franck Unimon, ce mardi 25 Mai 2021.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Corona Circus self-défense/ Arts Martiaux Vélo Taffe

Vélo taffe : photos du 10 Mars au 10 Mai 2021.

 

 

“Certains vélos sont faits pour rouler, le mien est fait pour pédaler“. 

 

C’est ce que je me suis dit en revoyant un usager de cette marque de vélo que, cette fois, je laisserai dans l’anonymat. Chaque fois que je croise une personne sur ce genre de vélo, tout autant mécanique que le mien, je perçois en elle une aisance qui se refuse à moi. Pourtant, cela fait trois mois maintenant, à peu près, que j’ai troqué mes trajets de métro contre un vélo pliant. Et, je ne crois pas être si hors de forme que cela. Néanmoins, je m’apparente souvent à un rétro lorsque celle ou celui qui se déplace sur un de ces prototypes le fait avec une tranquillité indifférente. Le pire, peut-être, cela a été en “soulevant” le boulevard Raspail vers la place Denfert Rochereau :

Un homme assis sur cet objet qui m’intrigue filait sans forcer tout en conversant avec une dame pratiquant elle l’escalade au moyen d’un vélo grand format. Et, moi, qui faisais de temps à autre irruption sur leur tracé, j’étais non seulement presque comme une incongruité. Mais je voyais bien qu’après chaque arrêt, j’avais plus de mal qu’eux pour me relancer. 

Je n’irai pas jusqu’à arracher les cheveux ou à crever les pneus d’une certaine catégorie de personnes. Car une certaine absence de testostérone résonne en moi pour ce genre de projet en pareilles circonstances. Mais j’ai eu le temps de gamberger. J’accepte facilement que des grandes roues ou des vélos profilés course me négligent ou me fusillent sur place. J’accepte même que des vélib’ lourdauds tractés par des mollets alcooliques me déversent des dizaines de mètres de distance dans la vue. Par contre, je me fais scrupuleux lorsque cette catégorie de vélo pliant me passe dessus ou devant. Car dans ses rayons, il y a comme un chant. Et celui-ci n’est pas bon pour mon entendement.

 

En attendant, je reste étonné de voir que, quelle que soit la marque, le style du vélo ou la pompe de celle ou celui qui l’emploie, c’est souvent la volonté de la course qui se retrouve. A part quelques touristes sans autre rendez-vous que l’instant. Assez peu, donc, posent le pied ou la cadence afin de faire le mur du temps et de prendre quelques photos.

Sur mon vélo de baltringue, dont la selle descend régulièrement et que je dois donc relever, je suis content de visiter quelques points de vue avant que ceux-ci n’aient disparu. A découvrir dans le diaporama qui suit. La musique a été choisie par ma fille. 

A bientôt !

 

Franck Unimon, ce dimanche 16 Mai 2021.

 

 

 

 

 

 

 

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Apnée self-défense/ Arts Martiaux

Préparatifs pour le stage d’apnée à Quiberon, Mai 2021

Place de la Concorde, ce matin, vers 9h.

 

 

Préparatifs pour le stage d’apnée à Quiberon de ce mois de Mai 2021

 

Choisir, c’est franchir :

En allant ce matin, jeudi de l’Ascension -mais aussi fin du Ramadan cette année pour les musulmans–  à la gare St Lazare, à vélo, après une nuit de travail de douze heures, j’ignorais encore que j’écrirais cet article.

 

Sur le trajet, comme à mon habitude depuis bientôt trois mois maintenant, à l’aller comme au retour, j’ai pris des clichés. Comme chaque fois qu’un endroit, une lumière ou un événement me porte.

 

J’ai « publié » certaines de ces photos sur ma page Facebook ou sur ma page instagram. Mais, la plupart du temps, j’ai réservé le plus gros de ces photos prises lors de mes trajets pour mon blog, balistiqueduquotidien.com, dans la rubrique :

 

Vélo Taffe.

 

Je ne fume pas. J’ai juste un peu crapoté, ado, sur un terrain vague, près du supermarché Sodim, à Nanterre, qui existait, alors, près de la Cité Fernand Léger, une cité d’immeubles HLM de 18 étages, où j’ai grandi jusqu’à mes 17 ans. Et, puis, ça a été tout pour ma prise de nicotine ou de substance par voie respiratoire ou pulmonaire.

 

Mais j’ai aimé l’idée du jeu de mot avec « Taf », le travail. Et le fait « d’inhaler » du vélo. Parce-que je voulais voir le fait de faire du vélo comme une respiration. Un mode de vie. Comme bien d’autres disciplines.

 

Au premier plan, à droite, le technicien que j’ai interrogé et qui m’a répondu : ” Je ne sais pas pour quel film !”. Ce matin, vers 9h.

 

Ce matin, très beau ciel bleu. Une belle lumière, dehors. Et, Place de la Concorde, le tournage d’un film. J’ai interrogé un des techniciens du film qui se dirigeait vers moi. Sans doute le technicien lumière. Celui-ci m’a répondu avec le sourire :

 

« Je ne sais pas pour quel film ! ».

 

Dans le camion, blanc, à droite, “Au P’tit coin”, lieu de détente ou de relâchement des sphincters. Ce camion fait sans doute aussi partie de la logistique du tournage, car, habituellement, il n’est pas là.

 

L’article que je suis en train d’écrire est sans aucun doute un film que je me fais et que je suis en train de tourner. Comme chaque fois que je suis inspiré pour écrire. Et que je dispose de suffisamment de temps pour le faire. Je ne vis pas de ce que j’écris. Je le fais donc dès que je peux capter un peu de temps par-ci par là, tout en composant avec ma vie de famille, de couple, de père,  de citoyen et d’employé.

 

Je dois donc concilier constamment plusieurs contraintes. Mais, ce faisant, comme la plupart des amateurs et des gens qui m’entourent et, de par le monde, j’ai ainsi accès à plusieurs vies. Chacun de mes articles est donc un tournage intime et public qui essaie de réunir, de projeter et de rendre attractives mes quelques vies d’ici et d’ailleurs. D’hier, d’aujourd’hui et de demain. Autant que je me souvienne. Pendant que j’ai encore de la mémoire, de l’envie et du plaisir.

 

A Penmarch’, en octobre 2020, lors de notre stage d’apnée avec mon club.

 

Cet article sera long. Je l’ai compris tout à l’heure en commençant à y penser chez moi. Alors, qu’au départ, il devait se contenter de faire un retour sur notre stage d’apnée à Penmarch, en Bretagne, en octobre dernier. Car j’avais pris quelques notes que j’ai facilement retrouvées tout à l’heure. J’avais aussi gardé des photos. Cet article devait être court. Il sera long. J’en suis désolé pour les lectrices et les lecteurs pressés. Pour celles et ceux qui ont besoin d’articles courts. Efficaces.

 

Je « sais » qu’écrire long est « anti-commercial ». Que c’est une mauvaise stratégie pour être beaucoup lu. Mais je ne peux pas et ne veux pas me  soumettre à toutes les pyramides des tyrannies. En particulier, à celles qui consistent à faire du buzz à tout prix. A celles qui consistent à privilégier des pensées et des sensations cosmétiques.

 

Je n’écris pas et ne travaille pas pour l’Oréal. Et, encore moins pour les vitrines des grandes surfaces qu’elles soient de luxe ou non. J’écris comme je vis. Donc, si cet article doit être long, il sera long.

 

Lors d’un des ateliers d’écriture auxquels j’avais participé à la médiathèque de Cergy-Préfecture, il y a plusieurs années ( il y a plus de dix ans) l’écrivain qui l’animait avait dit :

 

« On écrit comme on respire ».

 

Mon initiation à l’Apnée :

 

Je me suis inscrit à mon club d’apnée, à Colombes, dans les Hauts de Seine, il y a environ quatre ans, maintenant.

 

Mais je suis arrivé à la pratique de l’apnée…par la plongée avec bouteille. Discipline que j’avais découverte il y a plus de dix ans maintenant. En Guadeloupe. 

 

 

La plongée avec bouteille fait partie avec le roller de ces disciplines que j’ai découvertes et pratiquées, sur le tard. Alors que j’avais une trentaine d’années.

 

Ce sont des disciplines vers lesquelles je lorgnais depuis des années, comme j’ai aussi pu lorgner vers la pratique du théâtre pendant des années. Avant, là, aussi, de me décider à me lancer dans cette expérience avec plaisir.

 

C’est un Antillais, Jean-Charles, alors président et animateur d’un club à Cergy-Pontoise, Les Roller Eagles, qui m’a initié au sein de son club au roller. Je ne suis pas un pratiquant émérite de Roller. Mais, grâce à lui et à plusieurs sorties en club avec lui, j’ai pu faire des sorties d’une vingtaine de kilomètres sur la route, quelques randonnées, mais aussi participer à une ou deux randonnées nocturnes sur Paris. Jean-Charles a un rapport très concret aux rollers. Son enseignement visait à nous rendre aussi autonomes que possible en milieu urbain.

 

Aujourd’hui, j’ai toujours mes rollers même si je les utilise peu.

 

C’est un Corse, Stephan, qui, en Guadeloupe, dans la commune de Sainte-Rose, m’a initié à la plongée avec bouteille, dans son club : ALAVAMA.

 

Pourquoi Sainte-Rose ?

 

D’une part, parce qu’après avoir vécu une trentaine d’années en France, où je suis né, mes parents, natifs de la Guadeloupe, sont retournés vivre en Guadeloupe et se sont établis à Ste-Rose.

D’autre part, parce-que, après être allé rencontrer plusieurs dirigeants de clubs de plongée, c’est avec Stéphan, qu’humainement, je m’étais d’emblée senti le mieux.

Enfin, son club est un « petit » club. Et non une grosse usine de plongée. Cette particularité m’avait aussi plu.

 

Jean-Charles, tout comme Stephan, sont deux personnes que j’avais choisies. Or, choisir, c’est franchir….

 

Relater ça, et les origines de Jean-Charles, d’un côté, et de Stephan, d’un autre côté, est volontaire de ma part. Même si, je me répète :

 

Ce matin, au départ, en quittant mon service où je retournerai travailler cette nuit à nouveau pour douze heures, j’ignorais que j’allais écrire cet article.

 

 

Ce matin, en me rapprochant à vélo de la gare St Lazare, je suis tombé sur l’affiche d’un politicien. Son slogan était le suivant :

 

Le choix de la sécurité.

 

J’ai pris le temps de lire ce slogan alors que j’étais arrêté au feu rouge. Peu importe, pour moi, la couleur politique de cet homme. Car nous vivons dans un monde et dans un pays de frontières de toutes sortes :

 

Culturelle, sociale, ethnique, sexuelle, intellectuelle, politique, économique, religieuse, militaire, mentale….

 

Et, la pandémie du Covid, ses répercussions économiques et sociales, la géopolitique et d’autres facteurs accroissent de plus en plus les tensions autour et à propos de toutes ces frontières. Certaines frontières et tensions sont plus explicites que d’autres. Certaines sont plus directes que d’autres. Certaines sont plus visibles que d’autres.

Mais qu’on les perçoive ou non, ces frontières et ses tensions pèsent en permanence sur nos vies. Sur nos choix. 

 

 

Ce politicien n’a pas choisi ce slogan par hasard. Nous avons tous peur de quelque chose. Je ne crois pas aux gens qui n’ont- jamais- peur de rien. Même si certaines personnes ont une assurance terrifiante. Mais il n’y a qu’à voir comment finissent certains despotes, monarques ou dictateurs pour s’apercevoir ou se rappeler que lorsque le Pouvoir, qui reste du sable, leur échappe, ils ont peur et fuient comme tout un chacun.

 Enfants ou adultes. Jeunes. Vieux. Gros. Maigres. Yeux bleus, yeux marrons. Blancs ou noirs. Musulmans ou catholiques. Riches ou pauvres. Chômeurs ou travailleurs. Femmes ou hommes. Immigrés ou « nationaux ». Sportifs ou sédentaires. Propriétaires ou locataires. Résidents ou SDF. Cyclistes ou piétons, nous avons tous peur de quelque chose ou de quelqu’un à un moment ou à un autre. 

 

Sauf que si la sécurité devient la seule norme et le seul critère possible, alors, tous les replis communautaires, quels qu’ils soient, se justifient. Ainsi que la peur de l’autre. Comme la peur et le rejet pour toute expérience et toute rencontre qui sort de notre pratique et de nos connaissance familières et connues.

 

Si je n’avais fait que le choix de la sécurité, jamais, je ne me serais lancé dans la découverte du roller.

Jamais, je ne me serais lancé dans la découverte de la plongée avec bouteille. Et, jamais, je ne me serais lancé dans la découverte de l’apnée. Car ces trois disciplines ( roller, plongée avec bouteille, apnée) font peur, comportent des risques, et ne font pas partie de mon « habitat » naturel ni de mon héritage familial.

 

Penmarch’, Octobre 2020.

 

Mon héritage familial : Un héritage d’ Ultra-marins

Les Antillais peuvent aussi être dénommés « ultra-marins » : Nous venons ou sommes originaires de l’Outre-mer. Mais, « ultra-marins », ne signifie pas du tout « sous-marins ».

 

Il existe bien évidemment des Antillais parfaitement à l’aise sous l’eau, que ce soit des chasseurs sous-marins ou des plongeurs avec bouteille. Mais, d’après mon expérience personnelle et familiale, ces Antillais sont une minorité.

 

Dans ma famille, nous sommes plutôt des terriens ou des terrestres. Mes parents savent nager, d’accord. Mais, contrairement à d’autres personnes, je n’ai aucun souvenir de vacances ou de journées passées sous l’eau ou sur l’eau avec mes parents.

 

Par contre, le Foot, la course à pied, le cyclisme voire la boxe, ça, oui, ça fait partie de mon patrimoine familial et culturel. Que ce soit en tant que pratiquant ou en tant que spectateur. Mais le roller, la plongée avec bouteille ou l’apnée, certainement pas.

 

Je me rappelle encore d’un de mes grands oncles paternels, aujourd’hui décédé, tout étonné, alors que je venais de lui parler d’une sortie plongée récente, d’apprendre que, non, je n’avais pas pêché de poisson ! J’avais alors compris que son rapport à la mer était strictement nourricier. Comme, pour certains hommes, le rapport à la femme peut n’être que strictement sexuel, procréatif ou domestique.

 

Je me rappelle aussi du mari, aujourd’hui décédé, de ma tante paternelle, pêcheur, me racontant- également en Créole– qu’il avait vu, comme il me voit, certains de ses collègues, tomber à la mer et se noyer sous ses yeux. Et, si je me souviens bien, cet « oncle », très bon marcheur par ailleurs, ne savait pas nager. D’ailleurs, il n’est pas mort en mer. Mais en faisant une mauvaise chute dans des escaliers. Peut-être à cause de son alcoolisme. Plus saoul marin, donc, que sous-marin

 

Je me rappelle aussi comme, en Guadeloupe, certains locaux me regardaient comme un élément insolite, alors que depuis le club de plongée de Stephan, je figurais parmi les touristes (les blancs, pour faire simple) se dirigeant vers la mer et le bateau pour aller plonger plus loin.

 

Et, puis, je suis aussi obligé de rappeler que la mer, pour bien des ultra-marins, cela reste l’élément hostile, d’amnésie et de douleur, le récif qui nous a découpé et « séparé », de par l’esclavage, de la terre originelle : l’Afrique. Même si, depuis, l’Afrique est devenu un continent « autre ». Je connais peu, très peu d’Antillais, qui ont sillonné l’Afrique. Même moi, à ce jour, je ne suis toujours pas allé en Afrique. L’Afrique, pour beaucoup d’ultra-marins, c’est peut-être encore le continent de la défaite, du rejet, du deuil difficile ou impossible. Du reste, en occident, l’image- grossière- de l’Afrique reste régulièrement défigurée et : famine, dictatures, pauvreté, violences et, maintenant, jihadisme….

 

Par contre, nous sommes nombreux, aux Antilles ou en France, à regarder avec une certaine admiration nos “cousins” d’Amérique. Si Nelson Mandela, en tant que militant, est sûrement un leader africain estimé et reconnu aux Antilles, il me semble qu’à part lui, que nous serons souvent plus facilement inspirés pour admirer et citer des grands leader et des grands héros, noirs américains. Et, ce sera pareil pour des acteurs et des actrices noirs américains ou britanniques. Personnellement, je retiens le nom et “connais” bien plus d’acteurs et d’actrices noirs américains que d’actrices et d’acteurs africains. Cela pour dire jusqu’à quel point nous avons pu être séparés et pouvons continuer de nous séparer de l’Afrique…..

 

 

C’est donc dire à quel point, pour moi, le « Moon France » ( jeu de mot avec « Moun Frans », terme péjoratif que j’ai eu le privilège de découvrir dès mes 7 ans en Guadeloupe, pour mon premier séjour de vacances là-bas), le fait de choisir, à un moment donné, de découvrir une discipline comme la plongée avec bouteille, puis l’apnée, a nécessité que j’aille à contre-courant.

 

La facilité, la simplicité ou la lâcheté aurait évidemment consisté, pour moi, à suivre le courant. A me laisser résoudre et fabriquer selon les exemples et les modèles à ma portée immédiate :

 

D’après mes modèles familiaux et culturels. Mais aussi sociaux. Ce qui arrive encore constamment.

 

On peut très bien vivre dans un pays, une région ou une ville où il existe plein de possibilités de découvertes et d’épanouissement et s’en couper complètement. Et, vivre, de façon repliée. En faisant le choix de certaines certitudes. En faisant le choix….de la sécurité :

 

Je suis resté marqué par ce jeune croisé un jour alors que je venais d’emménager dans la ville d’Argenteuil en 2007. Je cherchais alors, près de la dalle d’Argenteuil, la médiathèque. Le jeune, qui, selon moi, habitait dans le coin, m’avait répondu qu’il ne savait pas où elle se trouvait. Et puis, en tournant la tête, je m’étais aperçu qu’elle était juste là, à quelques mètres de nous. Ouverte. Offerte. Gratuite.

Ce jeune devait passer devant cette médiathèque régulièrement sans le savoir. Je suis persuadé que nous agissons bien des fois comme ce jeune en bien d’autres circonstances. Et, cela, tout au long de notre vie. Et, personnellement, cela m’attriste, voire, m’inquiète. 

 

Prendre la peur comme seul critère pour choisir de vivre et pour sélectionner son environnement comme celles et ceux que l’on va fréquenter revient, à un moment ou à un autre, à se rapprocher davantage de la peur.

Photo prise à Penmarch, lors de notre stage en octobre 2020.

 

Ce Lundi 9 Mai 2021 :

Ce Lundi 9 Mai, nous étions six à assister et à participer à cette visio-conférence organisée par Yves, le responsable de la section apnée de notre club.

 

Le but était de préparer notre stage d’apnée à Quiberon la semaine suivante (dans quelques jours).

 

Comme à son habitude, et avec simplicité, Yves a de nouveau déployé l’étendue de ses compétences.

 

Etant donné que c’est le premier club d’apnée que je connais, je n’ai pas d’élément de comparaison avec un autre club d’apnée. Mais, régulièrement, je suis admiratif de voir comme Yves, originaire de Bretagne, semble maitriser tant d’éléments :

 

Météo, maritime et terrestre, topographie des lieux, coût du carburant, planning, coût de l’hébergement, permis bateau, pêche sous-marine, cuisine et préparation de ce que nous avons pêché, matériel….

 

En outre, il semble inaltérable et infatigable. Ce qui est humainement impossible. Et, pourtant. Dernier couché, premier levé. A Penmarch’, en short et tee-shirt à manches courtes, je l’ai vu profiter d’un temps de pause pour passer la tondeuse autour de sa maison familiale alors que nous étions sortis le matin. J’étais aussi couvert qu’il était en tenue d’été ( en octobre, en Bretagne !) et plus bon pour la sieste que pour le jardinage.

 

On m’objectera que c’est son rôle. Et que c’est la moindre des choses. Peut-être.

 

Mais avec une telle aisance, tant d’un point de vue pédagogique, tant sur terre, sur bateau que sous l’eau ?

 

Hé bien, je vais affirmer que non ! Tout le monde n’est pas comme lui. Et, il faut savoir voir ce que certaines rencontres ont d’exceptionnel même si les personnes concernées s’en défendront souvent.

 

Un tel engagement, une telle compétence,  dans une discipline si technique et potentiellement, si dangereuse, si effrayante, que ce soit en piscine, en fosse ou dans un environnement naturel ? Cela serait donc si banal, que ça ?!

Je vais affirmer- quitte à l’embarrasser- qu’il ne doit pas y avoir tant d’encadrants que ça qui font ça comme lui.

 Je vais aussi affirmer que chacun d’entre nous se sentait en….sécurité alors qu’Yves, lundi ( il y a quelques jours) nous parlait, nous présentait le programme, mais, aussi, répondait à nos questions.

 

Même lorsqu’Yves, a pu nous dire à un moment que, dans tel endroit «  il peut y avoir beaucoup de courant ». Mais qu’il suffit de se mettre à tel endroit, derrière la roche, pour se mettre à l’abri.

 

Tout en l’écoutant, je me suis demandé ce qui faisait que, moi, l’un des moins expérimentés du groupe, je pouvais me sentir si peu inquiet. J’allais quand même me retrouver, lesté de plusieurs kilos, dans une eau dont la température serait comprise entre 14 et 16 degrés, en pleine mer, durant plusieurs heures. Or, tout ce que j’entrevoyais, et attendais, c’était ce moment, où, avec les autres, j’aurais ces tonnes d’eau au dessus de ma tête. Et où je convergerais vers ces cinq ou huit mètres de profondeur, ou un petit peu plus peut-être, avec pour seule réserve et liberté, l’air que j’aurais emmagasiné dans mes poumons, ma tête. Et mes rêves.

 

A Penmarch, en octobre 2020.

 

D’accord, j’avais déjà effectué deux stages d’apnée en Bretagne avec le club. Un premier à Loctudy en 2017. Puis, un autre en octobre dernier à Penmarch. Mais cela suffisait-il pour expliquer cette tranquillité que je ressentais en l’écoutant ? Alors que je « savais » que si j’avais raconté à d’autres terriens- même sportifs- que nous avions prévu, avec mon club, de partir en stage d’apnée en Bretagne la semaine prochaine, que certaines et certains d’entre eux prendraient peur ou s’inquiéteraient.

 

Le choix de la sécurité….

 

Cet article est déjà long. Dans un autre, je restituerai les notes que j’avais prises lors de notre séjour à Penmarch en octobre dernier.

 

J’ajouterai avant de conclure celui-ci qu’autour d’Yves, se trouvent donc d’autres pratiquants qui ont déjà une sacrée expérience de chasse sous-marine. Mais, aussi, le doyen du club, Jean-Pierre, plus de 67 ans, et une bonne cinquantaine d’années d’expérience dans le domaine de la chasse sous-marine. Une longévité et une aisance que l’on ne peut qu’admirer. Je me rappelle encore qu’en octobre, alors que, moi, épuisé par les couchers assez tardifs et les réveils assez matinaux, j’avais opté pour arrêter ma «plongée » après deux heures dans l’eau ( température comprise entre 12 et 14 degrés, je crois), Jean-Pierre, lui, dans une mer qui secouait un peu, voltigeait comme un gamin dans son aire de jeu préférée. En pleine forme. Cela ne m’aurait même pas surpris s’il m’avait demandé, étonné : 

“Ah, bon ? Tu rentres, déja ? Tu arrêtes de jouer ?”. 

 

Je n’aurais jamais vu ou fait ce genre d’expérience et de rencontre si, toute ma vie, je ne m’étais tenu qu’à des choix de sécurité.

 

Penmarch, octobre 2020.

 

Franck Unimon, ce jeudi 13 Mai 2021.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Lien entre l’immigration et le terrorisme : l’avis d’un homme de ménage

 

Lien entre terrorisme et immigration : L’avis d’un homme de ménage

 

Ô, Brûlot !

 

Il est devenu normal de vivre avec des écrans. L’une des différences entre un animal domestique et un écran, c’est que, souvent, nous devenons volontairement l’animal domestique de nos écrans.

 

On parle de temps à autre de l’enfer qui serait un endroit monstrueux où l’on souffrirait beaucoup. Et lentement. A petit feu. Je crois que l’enfer, c’est aussi l’endroit, la relation et l’expérience vers laquelle, on se dirige volontairement. Car son accès nous a été rendu très facile, de façon illimitée, et presque gratuite. Parce-que sa présentation est au départ suffisamment séduisante et captivante pour nous attirer. Ensuite, peu à peu, ça se gâte. Et, généralement, lorsque ça se gâte, c’est un peu plus difficile pour s’en extraire.

 

 

Ticket pour l’enfer ?

 

 

Cet article est-il mon ticket pour l’enfer ? Je devrais peut-être me contenter de faire mon ménage dans mon coin en restant discret. C’est peut-être ce qu’il y a de mieux pour mon karma. Faire le ménage. Me taire. Renifler la poussière en toute discrétion sans me faire remarquer. Et remercier je ne sais qui, je ne sais quoi, de pouvoir bénéficier, en toute tranquillité, de ce grand bonheur qu’ailleurs beaucoup m’envieraient :

 

 Vivre à peu près incognito en ayant un travail, en mangeant à ma faim, dans un pays en paix.

 

Mais il y a eu contact tout à l’heure avec un écran.

 

Peu importe que ce soit avec l’écran d’un téléviseur. Peu importe « l’émission ». Ou la chaine de télé. Ainsi que l’heure.

 

Le fait est que les écrans sont partout : consoles de jeu, smartphones, télévisions, ordinateurs, tablettes etc….

 

HD, 4K, pixels, 4G, 5G…. La résolution et la qualité de restitution des images- et du son- s’améliore régulièrement. Sensiblement. Il y a même de la sensualité dans cette expérience.

 

Le rendu de ce que l’on voit, de ce que l’on entend ou de ce que l’on filme, prend en photo ou enregistre est de plus en plus extraordinaire. Et nos moyens de diffusion, aussi.

 

Je ne vais pas m’en plaindre : j’en profite aussi en tant qu’usager ou en tant que spectateur.

 

Mais il y a un paradoxe croissant qui semble déranger assez peu. La norme est d’avoir des écrans et des images ” de contact” partout en toute circonstance, ainsi que des moyens de distribution et de diffusion de ces écrans et de ces images de « plus en plus faciles ».  

 

Ce qui m’amène à l’expérience, banale, que je viens de faire il y a quelques minutes.

En me rendant à ma séance de kiné, tout à l’heure, je suis tombé, comme lors de mes autres séances, sur la télé allumée, au fond de la salle. Laquelle, diffusait ses images, ses titres et les propos de ses différents intervenants sur le sujet du jour :

 

Lien entre immigration et terrorisme .

 

La cause de ce sujet, récemment, (vendredi dernier, je crois), à Rambouillet, dans les Yvelines, une femme flic s’est faite égorger par un homme. Cet homme serait un immigré. Et, le grand débat auquel j’ai cru assister de loin, comme spectateur, alors que j’effectuais ma séance de kiné, c’était :

 

Il faut à tout prix de nouvelles mesures pour réguler ou interdire l’immigration. Car, sans l’immigration, cet homme, la semaine dernière, n’aurait pas commis ce meurtre monstrueux qui a suscité une très « vive émotion » ou une « très forte émotion » à Rambouillet. Mais aussi ailleurs.

 

Si j’ai bien résumé.

 

 

La semaine dernière, j’avais entendu parler de ce crime. L’avis d’une de mes connaissances avait été le suivant : « Celui qui a fait ça était un enculé ! Ils ont bien fait de le fumer ! ».

Beaucoup de personnes pensent comme lui.

 

Evidemment, je trouve le meurtre de cette femme, horrible. Qu’elle soit flic ou pas.

Evidemment, je plains la famille et les proches de cette femme. Evidemment, j’ai de la compassion pour sa famille, ses proches ou voisins sans aucun doute durablement traumatisés par cette mort et les conditions de cette mort.

 

C’est après que je commence à me mêler de ce qui ne me regarde pas. Lorsque, devant cet écran de télévision, tout à l’heure, j’ai aperçu, distraitement, toutes ces personnes en train de « bêler » ou de prétendument débattre à propos du sujet du jour :

 

Lien entre terrorisme et immigration.

 

Il y a une forme de colère et d’arbitraire dans mes propos. Je n’ai pas entendu ni écouté toutes les personnes réunies autour de cette table, lors de cette « émission » sur une chaine suivie, regardée et écoutée par des millions de téléspectateurs et d’auditeurs. Et, sans aucun doute que si je l’avais fait, que parmi eux, il en est dont les propos sur le sujet m’auraient rassuré.

 

Mais ce titre, cette accroche racoleuse, destinée à faire le buzz, Lien entre terrorisme et immigration m’a, dès le départ, avant même d’écouter, placé sur orbite. Ce qui est le but de ce genre de titre et d’accroche. Car à peu près tout le monde en se fiant à sa vie immédiate et quotidienne, a un avis, ou son avis, sur ce genre de sujet. 

 

On se plaint beaucoup moins de la colonisation-volontaire- de nos consciences par les écrans et les images :

 

On se plaint régulièrement des travers du monde et de la France. Par contre, on se plaint beaucoup moins de la colonisation- volontaire, consentie et facile- de nos consciences par les écrans et les images que l’on voit, que l’on tète, et auxquelles on s’abreuve désormais jour et nuit.

 

 

On se plaint beaucoup moins de la désertification, depuis des années, des médiathèques, des lieux de réflexion, de culture,  d’enseignement, de formation de la pensée et d’analyse.

 

L’abondance et la surabondance de culture, même proche, ne suffit pas. Il faut aussi aller vers elle, ses rencontres, ses révélations et ses miracles.

 

 

C’est ultra-facile et c’est l’enfer :

 

 

Or, désormais, il suffit juste d’allumer et de regarder son écran pour se faire livrer, où que l’on se trouve, quantité d’images et d’informations. Et pour liker. Ou Disliker. Pour kiffer. Ou haïr. Pour encourager. Ou pour harceler.

 

C’est ultra-facile. Et, c’est l’enfer. Ecran tactile, clavier ergonomique, mode enregistreur, fonction vocale, rien de plus simple, rien de plus facile.

 

Il y a même tout un tas de cookies, un nom de douceur et de cuisine, que nous avons laissés entrer dans nos vies et qui sont au courant de la composition de nos navigations sur le net.

 

Un débat facile

 

 

Et, rien de plus facile, aussi, pour ces intervenants, ce matin, sur un plateau de télé, pour débattre sur ce sujet :

 

Lien entre immigration et terrorisme.

 

 

Peu importe que ce sujet, sous une autre forme, ait déjà été lancé, relancé et titillé, au siècle passé ou même plusieurs siècles auparavant.

 

Ce sujet, ou cette thématique « marche ». Fonctionne. C’est un pitch, un scénario qui suscitera toujours de l’intérêt. Et de l’émotion. Et, de l’émotion, on en a toute une nation à disposition, avec le meurtre de cette femme-flic la semaine dernière.

 

On a déjà le Covid, la gestion du Covid, les vaccins anti-Covid et ce qu’ils suscitent de craintes sanitaires et de polémiques. On va maintenant « varier » , ou faire semblant de varier, à nouveau, avec le sujet du terrorisme et y mêler, cette fois-ci, la sauce de l’immigration.

 

Les Djs du pire :

 

 

Certains de « nos » journalistes, mais aussi certaines de nos élites, sont des Djs du pire.  

 

Ce sont des Djs installés depuis des années, très bien payés, et qui n’ont aucune intention de quitter la scène. Puisque c’est le « public » mais aussi la loi du marché qui décide de leurs “tubes”. Et qui prime.

 

Car tout le monde a besoin, à un moment ou à un autre, d’un peu de musique pour rythmer sa vie. Pour la séquencer. La rendre moins monotone. Pour la partager.

 

On aime les mélanges. Dès l’instant où, d’un point de vue éditorial, ça fait du buzz, de l’audimat et du chiffre d’affaires. Que ce soit pour rejeter, exclure, ou pour flirter- à nouveau- avec le fantasme de la pureté:

« Lien entre immigration et terrorisme ».

 

On aime aussi les mélanges. Lorsqu’il s’agit de saluer, de se féliciter du succès, de la réussite d’une « autre », ou d’un « autre », pourvu que, là, aussi, cela nous rapporte du buzz, de l’audimat et du chiffre d’affaires :

 

Je pense, ici, bien-sûr, à tous ces enfants et toutes ces personnalités « issues de l’immigration », hier, aujourd’hui et demain, qui contribuent et contribueront à donner une « bonne image de la France ». 

« L’image d’une intégration réussie ». « L’image que la démocratie à la Française réussit et produit des miracles ».

 

Oui, la France produit des miracles

 

 

Oui, la France produit des miracles. Je le crois vraiment. Mais en matière de communication et de diffusion des idées et des pensées, la France réussit aussi des miracles de paradoxes selon moi assez meurtriers de façon directe ou indirecte. De façon consciente ou inconsciente. De façon volontaire ou involontaire.

 

 

Et, je vais citer quelques uns de ces paradoxes concernant ce thème du jour :

 

Lien entre immigration et terrorisme.

 

Il y a quelques mois, Gérald Darmanin, notre Ministre de l’intérieur actuel, était tout content d’accéder à cette nouvelle fonction ministérielle. Je le comprends. Ce nouveau poste, pour lui qui faisait déjà partie du gouvernement en tant que Ministre, était une promotion sociale et personnelle. Promotion bien plus importante, que la mienne, homme de ménage. Fonction- inventée ( je ne suis pas homme de ménage) – à laquelle, pourtant, je ferais sans doute mieux de me tenir :

 

Car on n’obtient, généralement, que des problèmes, dans sa vie, lorsque l’on sort de son rang social de subalterne. Et, je fais- vraiment- partie des subalternes dans la vie. Des personnes obéissantes qui marchent droit. Qui parlent droit. Et qui respectent tant les lois que les représentants de la loi.

 

Toute à sa joie, donc, d’avoir été nommé Ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, s’est senti autorisé à dire, librement, qu’en tant que « petit fils d’immigré », il était d’autant plus content de cette promotion.

 

On a bien lu : « petit fils d’immigré ». Alors, voilà. Pour moi, c’est très simple :

 

Gérald Darmanin, en tant que « petit fils d’immigré », n’aurait jamais dû être Ministre de l’Intérieur ni même Ministre de quoique ce soit en France. Puisqu’aujourd’hui, après le meurtre de cette femme-flic, le grand débat est :

 

Lien entre immigration et terrorisme.

 

Donc, pour moi, Darmanin, en tant que « petit fils d’immigré », aurait toujours dû être considéré comme un terroriste avéré et potentiel. Et, donc, aurait toujours dû être exclu des plus hautes fonctions qu’il occupe actuellement en France.

 

 

Et, c’est pareil pour Nicolas Sarkozy, un de nos ex-Présidents de la République, un de nos Ex-Ministres. Un de nos hommes politiques français actuels qui continue de compter dans la vie politique française depuis une bonne vingtaine d’années.

 Darmanin, notre cher Ministre de l’Intérieur actuel,  voit en Sarkozy un modèle. Mais, même, apparemment, notre Président de la République actuel, Emmanuel Macron voit en Sarkozy une personne indispensable. Car, à ce qu’il se raconte entre hommes et femmes de ménage, pour être réélu Président de la République, Emmanuel Macron, aurait forcément besoin de l’appui de Nicolas Sarkozy contre l’électorat de Marine Le pen.

Marine Le Pen est bien-sûr la présidente d’abord du FN. Lequel FN, toujours sa présidence, a été rebaptisé,  RN ( pour Rassemblement National). Marine Le Pen, est la fille de Jean-Marie Le Pen ( ex-Président du FN, pour Front National, parti d’Extrême Droite).

 

Cependant, Nicolas Sarkozy a des origines hongroises. C’est donc, aussi, un autre «  immigré d’origine ». Un “immigré d’origine”, qui, depuis des années, je crois, a ses appartements dans le 16ème arrondissement de Paris, un arrondissement de privilégiés. Mes informations sont approximatives car, je n’ai jamais habité ou eu les moyens d’habiter dans le 16èmearrondissement de Paris. Je n’ai fait que passer dans certaines rues du 16ème arrondissement ou y prendre le métro. Je ne suis pas encore allé faire le ménage chez lui. Ce qui serait sans doute, pour moi, une très haute marque de distinction sociale, peut-être l’une des plus hautes que je pourrais obtenir dans ma vie.

Sarkozy, lui, de son côté, a été Maire, pendant des années, du 16 ème arrondissement.

Jamais, en tant que personne « d’origine immigrée », Nicolas Sarkozy n’aurait dû avoir cette possibilité. Lien entre immigration et terrorisme. Le titre de ce débat, ce matin, sur une chaine de télévision de grande audience, est explicite.

 

Je repense à l’extraordinaire acteur Samuel Jackson dans le Django de Tarantino, lorsqu’en plein esclavage, il découvre le Nègre émancipé,  Django ( interprété par l’acteur Jamie Foxx), monté sur un cheval “comme les blancs”. Je me sens un petit peu comme Samuel Jackson devant Jamie Foxx en parlant des origines immigrées de Sarkozy ( ou de Darmanin) : selon les règles strictes du Lien entre immigration et terrorisme, jamais Sarkozy et Darmanin, par exemple, n’auraient dû se retrouver là où ils en sont dans la vie publique et politique française actuelle. 

 

Comparer Sarkozy et Darmanin à l’exceptionnel travail d’acteur de Samuel Jackson est peut-être trop flatteur pour eux ( en tant qu’acteurs). Mais, cela illustre mon propos et permet, en même temps, de faire une petite pause d’humour et de détente dans cet article

 

Dans la vraie vie, Nicolas Sarkozy, est actuellement condamné par la loi française, la loi de ce pays qu’il « aime » plus que tout. Nicolas Sarkozy a déclaré récemment en couverture du journal Paris Match,  un journal français plutôt bien « friqué » et largement diffusé :

« Ils ne nous détruiront pas ». “Ils”, ce sont les juges français qui l’ont jugé et condamné entre-autres à un an de prison ferme. Décision dont il a fait appel, lui, le grand amoureux de la France qui s’estime, là, être une victime des instances judiciaires de son pays de chair et de cœur qu’il aurait bien aimé diriger une seconde fois. Et, pourquoi pas, une troisième fois ?!

 

Pourtant, personne, apparemment, ne lui rappelle :

 

« Nicolas, en tant que « personne d’origine immigrée », tu t’en es plus que bien sorti dans la vie. Fais comme tous les immigrés attrapés par la justice de notre beau pays la France. Ferme-là ! Arrête de faire ton psychopathe et ton parano qui se croit toujours au dessus des Lois !  Fais ta peine ! Et sois content d’avoir vécu tout ce que tu as vécu ».

 

Au contraire, je lis que plusieurs personnalités politiques, de droite comme de gauche, lui ont envoyé des messages de soutien contre cet acharnement de la justice « française », dont il serait désormais la victime….

Je lis aussi dans cet article de Paris Match, que, s’il le faut, pour obtenir “justice”, Nicolas Sarkozy sollicitera la Cour européenne des Droits de l’homme….

En attendant, “Monsieur” Sarkozy est libre de parader et de faire la couverture de Paris Match. Tandis que n’importe quel immigré ou citoyen lambda convaincu d’un délit, et dépourvu des mêmes moyens de défense et des mêmes appuis que lui, finit en détention( ou est expulsé, s’il s’agit d’un immigré). Ou a pour seul avenir envisageable, le suicide. Combien même il ne s’agit pas d’un terroriste…

 

Ecrire plus :

 

Je pourrais écrire plus. Mais, il ne faut surtout pas écrire trop long. Or, j’ai déja écrit beaucoup trop long pour notre époque :

Cela aurait déjà été beaucoup mieux de faire une vidéo avec le même contenu. Cela aurait sûrement «apporté » bien plus de nombre de vues. Mais je suis un aigri et un loser. Ce qui est pire, peut-être, que d’être un immigré potentiellement terroriste.

Et puis, j’ai du ménage à faire chez moi. Je garde cette obsession car personne ne fera ce travail à ma place. Et, puis, c’est ma fonction.

C’est ce travail là que je fais le mieux. Ça, avec prier très fort aussi pour que la rédaction- et la diffusion- de cet article ne me dirige vers les conduits de la dépression et d’une déchéance morale, voire nationale, irréversible. J’ai les ambitions mégalomaniaques que je peux.

 

 Mais, j’ai déjà pris du retard dans mon ménage. Autrement, j’aurais aussi parlé de l’Affaire du petit Grégory. Un meurtre qui a marqué la conscience de la France. Un meurtre toujours irrésolu plus de trente ans après. Un meurtre monstrueux, aussi. Et, où, pour le peu que je sais, parmi les suspects, aucun immigré n’est concerné.

 

Je pourrais aussi mentionner le palmarès d’Olivier Fourniret, bien Français, et de son ex-compagne, la resplendissante Monique Olivier. Il ne s’agit pas de sportifs médaillés aux jeux olympiques. Mais de personnalités qui ont “accompli” des meurtres monstrueux, aussi. Là aussi, aucun immigré n’est concerné. Mais, ce n’est pas grave. Car il ne s’agit pas de terrorisme. Or, “évidemment”, tous les immigrés sont des terroristes potentiels. En attendant de revenir au sujet sous-jacent dans le sujet Lien entre immigration et terrorisme  qui est – mais, ça, c’est évidemment, cette fois, ma parano d’homme de ménage dont les pensées sont évidemment pleines de poussière et de déchets qui le croit- qui est que :

« Tous les musulmans et toutes les personnes de couleur sont évidemment des terroristes ». 

A notre époque où l’ironie et la nuance peuvent être assez mal comprises, je tiens à prévenir et à préciser que je suis ironique, ici :

Je ne crois pas que tous les musulmans et toutes les personnes de couleur de France et d’ailleurs soient des terroristes. J’utilise l’ironie car je suis véritablement en colère de voir que des élites diverses puissent continuer d’utiliser la peur du terrorisme, de l’autre, de l’étranger, mais aussi l’émotion provoquée par la mort monstrueuse d’une femme flic ou de toute autre personne, comme on peut utiliser un vulgaire produit marketing ! Et, tout ça, pour faire sa comm’, du chiffre, de l’audimat et pour assurer la suite de sa carrière….

 

Parce-que, il est patent et visible pour tout le monde, que Darmanin et Sarkozy, pour ne citer qu’eux, deux hommes « issus de l’immigration », qui ont « réussi », ne sont ni musulmans ni de couleur.

Cela aurait été quelque chose si Darmanin ou Sarkozy,  Macron, ou une personnalité politique française de premier plan ( Le Pen ? )  subitement, décidait de se convertir publiquement à L’Islam.  Ou de se mettre en ménage avec un noir ou une noire. Ou un Arabe ou une Arabe. Quel message ce serait !

 

Mais je m’égare. J’ai inhalé beaucoup trop de vapeurs d’eau de javel ces derniers temps en faisant le ménage. En nettoyant les sols et les chiottes.

Et, je m’égare encore en imaginant que toutes ces élites, politiques et autres, qui participent, sans nuances, à diffuser l’idée et l’image que immigration et terrorisme sont forcément et automatiquement liées, auront une part de responsabilité directe ou indirecte dans les prochaines bavures qui concerneront une fille ou un fils d’origine immigrée. Il leur suffira, alors, de s’indigner lorsque la bavure arrivera et sera médiatisée avec la même émotion que ne l’a été le meurtre monstrueux de cette femme policière à Rambouillet. Et, cela leur permettra de retrouver une virginité morale, et “pure”, à toute épreuve.

 

Et, je m’égare toujours – je discute trop avec mes serpillères- en pensant aussi que ces élites politiques, et autres, qui s’expriment librement, facilement, ont et auront aussi une part de responsabilité directe ou indirecte dans cette cassure  de la société française dont elles sont les premières à se plaindre. Mais aussi dont elles savent se servir -tels des marchepieds- pour se rapprocher de leurs desseins personnels.

J’ai l’esprit mal tourné en pensant ça. Et puis, pourquoi m’agiter avec tout ça, ça ne changera rien. A quoi bon me casser le dos à écrire tout ça. Mon corps sera bien plus utile pour  remplir et vider des seaux ou pour essorer la serpillère.

 

Parvenir au Pouvoir et revenir à l’époque exaltante des brûlots :

 

 

Tout cela n’a rien de nouveau. Au moyen-âge, déjà, et même avant, sans doute que bien des élites avaient déjà recours aux mêmes méthodes pourvu que celles-ci puissent leur permettre au moins deux choses :

 

Parvenir au pouvoir. Et revenir à l’époque exaltante des brûlots. ( des textos ?).

Ah, ô !,  qu’est-ce que c’est beau, un corps qui brûle sur la place publique ! Le corps d’une personnalité qui nous dérange, qui ne pensait pas comme nous, qui nous contredisait et qui nous mettait peut-être face à certaines vérités qui nous dérangeaient. Mais qui a eu le malheur de se retrouver isolée, ou lâchée, par celles et ceux qui auraient pu la sauver ou le sauver du bûcher.

 

Lorsque nous serons revenus au monde des brûlots, nous serons peut-être nombreux à regarder le spectacle depuis nos écrans à haute résolution. Nous serons peut-être au boulot. Et, nous nous dirons ou penseront peut-être :

 

« Comme c’est beau ! ».

 

 

Franck Unimon, ce lundi 26 avril 2021.

 

 

 

 

 

 

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Un déménagement de 22 ans

 

Un déménagement de 22 ans :

En 1999, il y a 22 ans, j’aidais Vassili, un ancien collègue, à emménager dans son nouvel appartement à Asnières.  Nous devions être quatre ou cinq.

 

Nous nous étions finalement retrouvés tous les deux, lui et moi, à transporter ses meubles depuis son appartement d’Auvers sur Oise jusqu’à son nouvel appartement à Asnières sur Seine. Près de la gare de Bécon les Bruyères. Un appartement de 60 mètres carrés ou un peu plus dans un immeuble ancien des années 30.

 

A cette époque, j’étais encore locataire. Et je n’avais encore jamais été « propriétaire » moi-même de mon propre appartement…moyennant un crédit immobilier de plusieurs années. Il m’avait fallu du temps pour accepter de changer de mentalité :

 

Pour passer de locataire où je payais un loyer mensuel. A l’idée d’un crédit immobilier que j’allais m’engager  à rembourser tous les mois pendant plus de quinze ans. Car j’avais bénéficié, pour partie, d’un prêt à taux zéro. Ce qui était une nouveauté à l’époque, pour inciter à acheter.

 

 

Je connaissais des collègues, souvent en couple avec enfants, qui avaient « acheté » leur maison depuis plusieurs années. Leur exemple et les encouragements de certains d’entre eux avaient fini par me convaincre que c’était une bonne décision, pour moi, à mon tour, bien qu’encore célibataire, « d’acheter » et de devenir propriétaire, même d’une petite surface.

 

En 1999, j’aurais été incapable d’acheter cet appartement que  venait d’acquérir Vassili. Plus âgé que moi d’environ dix années, Vassili avait aussi économisé. Vassili n’est pas du genre « coquet ». Il fait peu de dépenses. Moins que moi. Je crois aussi qu’il avait perçu un peu d’héritage. Son appartement me faisait envie pour sa surface, sa localisation et sa proximité avec Paris. Mais je crois n’avoir jamais eu les moyens de m’en acheter un pareil. A l’époque, je crois qu’il l’avait acheté – moyennant un apport financier et un crédit immobilier-  550 000 francs. A l’époque, ma capacité d’emprunt maximale était de 430 000 francs sur vingt ans. Je m’en étais tenu à un prêt de 350 000 francs pour l’appartement que j’allais acheter ensuite sur plan. Un 23 mètres carrés.  

 

J’aurais sûrement « dû » prendre une surface plus petite que son appartement en cherchant dans l’ancien comme lui. Mais, à l’époque, j’avais besoin d’acheter dans du neuf. Cela me rassurait. J’avais sûrement besoin, aussi, de rester près de ma famille à Cergy-Pontoise :

 

De ma mère, de ma sœur et de mon frère au moins. Ma sœur avait alors 22 ans et commençait à peine à travailler pour gagner sa vie. Notre frère, lycéen, avait 17 ans. Bientôt, à la demande de notre mère, j’allais finalement accepter de renoncer à ma vie de célibataire et de locataire. Afin de permettre à ma sœur et à mon frère de vivre avec moi dans un F3 que nous allions louer et obtenir de la mairie de Cergy-StChristophe en moins de trois mois. Ce qui serait impossible aujourd’hui en 2021 où toute demande de location prend facilement deux à trois ans voire plus, je crois, avant d’obtenir une réponse ou d’être satisfaite.

 

 

Enfin. En 1999, Vassili et moi en avions chié pour son déménagement. Sortir ses meubles de son appartement d’Auvers sur Oise avait été simple :

 

C’était au rez de chaussée.

 

Les monter dans son nouvel appartement avait été plus épuisant :

 

C’était au quatrième étage sans ascenseur.

 

Vers la fin,  alors que nous avions monté une bonne partie des meubles, cela en devenait comique, Vassili décrétait que tout nouveau meuble qui restait allait finir sa marche :

 

«  A la cave ! ».

 

 

J’étais sous le coup d’une rupture amoureuse. Cette rupture amoureuse m’avait donné suffisamment de motivation pour ces travaux de « force ». Mais, malgré elle, à la fin, j’avais approuvé ces décisions de fourguer ce qui restait des meubles…à la cave !

 

Après que nous ayons eus terminés, Vassili m’avait dit :

 

« Je te remercie infiniment ». Il avait aussi parlé d’une « reconnaissance éternelle ». Ces propos m’avaient un peu étonné.

 

Mais il est vrai que, même si par la suite, lui et moi nous sommes modérément revus ou appelés, notre relation est restée. Et, chaque fois que je l’ai sollicité par la suite pour un de mes déménagements, il a toujours été présent.

 

Depuis 1999, notre monde et nos vies ont plus que changé.

 

Prince et Michaël Jackson sont morts. Le Rap et internet ont essaimé.  Les réseaux sociaux, les sites de rencontres type Tinder, Tok Tok ( Tik Tok ? ), Twitter, Snapchat, Instagram et autres aussi.

 

Le Ghosting s’est normalisé au même titre que la marchandisation des rapports humains.

 

On parle des mouvements Me#too et de Balance ton porc.

 

La numéro 2 de Facebook, une Américaine, Sheryl Sandberg,  proclame :

 

« Le monde irait mieux avec les femmes aux commandes ». Mais aussi :

« Les pays gouvernés par des femmes ont eu les taux de mortalité dus au coronavirus les plus bas » (page 11 du journal « gratuit » Vingt minutes du lundi 22 mars 2021). « (….) Lorsque les hommes réussissent, les gens attribuent cela à leurs compétences. Lorsqu’une femme réussit, on attribue cela à la chance et au travail (….) ».

 

 

Toute personne qui a du succès ou une certaine réussite sociale, femme ou homme, blanche ou noire, le doit souvent, à mon avis, en plus de ses compétences, à la chance et au travail.

 

Chance d’être « arrivé » au bon moment, au bon endroit. « Chance » d’avoir rencontré les bonnes personnes au bon moment. A la place, d’autres, tout autant « compétentes » et « travailleuses » ont plutôt la malchance de rencontrer leur « fossoyeur », leur futur proxénète, leur exploiteur ou la mauvaise substance qui va les liquider.

 

Mais peu importe que ce que raconte Sheryl Sandberg puisse manquer de nuance ou occulter les travers de la firme puissante (Facebook) qu’elle représente. Comme toute personne qui a réussi (femme ou homme, de couleur blanche ou autre) ses paroles, du fait, de son « succès » auront toujours plus d’éclat et plus de légitimité que ceux de la personne lambda.

 

Même si Sheryl Sandberg – comme toute personne publique ayant réussi- raconte n’importe quoi. Cela me rappelle ces propos d’un joueur de Foot qui, après avoir rencontré Lilian Thuram, avait dit un jour à son propos :

 

« C’est un Monsieur ! ». 

 

Là encore, peu importe d’être d’accord avec les positions de Lilian Thuram à propos du racisme, ou d’autre sujets. Puisque son très bon palmarès- récent et encore dans les mémoires– de Footballeur professionnel lui attribuait une aura immédiate. Sauf que si  Lilian Thuram avait eu les mêmes idées en n’ayant qu’un CV de Footballeur de quatorzième division, le même footballeur professionnel, en le rencontrant, l’aurait sans doute à peine considéré.

 

 

Nous sommes nombreux à avoir ce genre d’attitude. Nous sommes souvent ébahis devant telle personne parce qu’elle a accompli ce que nous aimerions accomplir ou que peu ont accompli. Ce faisant, nous oublions qu’à notre niveau, nous réalisons l’impossible bien plus souvent que nous ne le croyons. Sauf que ce n’est pas médiatisé. Et que nous avons le tort, aussi, de l’oublier ou d’estimer que cela a bien moins de valeur que les actions de toutes ces « grandes personnes » surmédiatisées – souvent très bien entourées– que nous regardons. Parce-que, contrairement à elles, nous ne sommes pas le numéro un ou le numéro deux d’une émission de télé, d’une grande entreprise, d’un média réputé ou d’une équipe de Foot prestigieuse.

 

 

 

Lorsque hier matin, je me suis préparé pour aller donner un coup de main à Vassili pour ce déménagement, j’ai eu un moment de doute. Je me suis demandé pourquoi, à nouveau, j’allais me retrouver dans une situation où nous allions être si peu pour ce déménagement : Même la chaine TF1 serait absente.

En plus, la veille, j’avais commencé à avoir mal au genou au point de me demander si j’allais pouvoir être en capacité d’y participer. J’aime participer à des déménagements. Mais vingt deux ans étaient passés.

 

Pendant le déménagement, j’ai aussi connu quelques moments de flottement devant l’organisation un peu « empirique » de mon ami Vassili. Lorsqu’arrivés devant la porte du garage donnant accès au double box où nous allions entreposer ses meubles, lui-même ignorait si le camion allait « passer ». Il a aussi exposé quelques limites lorsqu’il s’agissait de piloter le dit-camion. 

 

Le camion ne pouvait pas passer. Et entrer dans le garage. Heureusement que nous avons pris le temps de vérifier tous ensemble au préalable.

 

J’ai un peu entrevu le moment où ce déménagement supposé être « light » pouvait se transformer en épopée ou en sinistre. Ou en supplice de longue durée.

 

Finalement, cela s’est bien passé. Il a fallu un peu guider notre ami de temps à autre pour bien diriger le camion. Ainsi que dans les escaliers de l’immeuble en descendant un ou deux meubles volumineux assez lourds. Ou lui rappeler, en pleine pandémie du Covid, la nécessité de porter un masque voire lui en donner un alors que nous nous retrouvions à trois, côte à côte, dans le même camion.

 

Cependant, vingt deux ans plus tard,  à nouveau, tout s’est bien déroulé.

 

Ce déménagement m’a permis de rencontrer une personne qui s’avère être scénariste de documentaires, être allé plusieurs fois en Afrique et dont la compagne est monteuse. Soit une personne que je suis en principe appelé à revoir.

 

 

Et, à la fin, notre ami Vassili, nous a  pleinement exprimé sa reconnaissance. Alors que nous n’attendions rien de particulier de lui à ce moment-là, je crois, l’autre ami et moi.

 

Il m’a semblé que tous les vaccins contre le Covid, et tout ce fatras de certitudes que nous pouvons avoir sur bien des sujets ne valaient alors pas grand chose en comparaison avec ces remerciements de Vassili, cet engagement commun de nos corps pour réaliser ce déménagement, et la concrétisation ou la confirmation de cette amitié. 

 

Sans doute parce-que je suis vieux jeu, has been mais aussi un loser. Car ce n’est certainement pas en m’y prenant comme ça que je passerai à la télé ou deviendrai numéro deux d’un grand média ou d’une grande entreprise.

 

 

Franck Unimon, ce mardi 23 mars 2021.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Rété Simp

 

                                                                Rété Simp

Ce fut le titre que je n’ai pas cité le 16 mars. Lorsque j’ai marché jusqu’au viaduc où, ce 8 mars 2021, la jeune Alisha Khalid a été battue par deux de ses camarades puis « déchargée » dans la Seine. Où son affaiblissement – du à ses blessures-  ajouté à l’hypothermie, l’impuissance et le désespoir sans doute lui ont enlevé sa vie par noyade.

 

Rété Simp ( « Reste simple »/ “Reste modeste”/ “arrête de te la péter” en créole guadeloupéen mais aussi martiniquais) est un titre de zouk de l’artiste Jean-Michel Rotin qui date des années 90 ou peut-être du début des années 2000. Il faisait alors partie du groupe Energy. Il est le deuxième en partant de la gauche sur la photo. 

 

Je n’avais pas envie de zouker quand j’ai écritMarche jusqu’au viaduc . C’est sûrement pour cela que j’ai alors « oublié » de citer Rété Simp.

 

Pourtant, ce titre, je l’avais aussi « entendu » alors que je me rapprochais du viaduc sous la A 15. Mais d’autres émotions avaient enserré le dessus de mes pensées. Des émotions que plusieurs personnes – qui ont lu l’article- m’ont aussi exprimé que ce soit par un mot sur ma page Facebook, un « signe » ou un sms.

 

Avant hier, particulièrement, j’ai passé quelques moments difficiles émotionnellement à « repenser » de près ou de loin, au meurtre d’Alisha. Il arrive aussi que depuis le train que je prends pour aller au travail, j’aperçoive au loin, furtivement, le viaduc sous lequel cela s’est passé.

 

Au vu de ma sensibilité « augmentée », je me suis demandé si j’étais proche d’un « ressenti traumatique». Mais je crois être  « simplement » névrosé. Et touché par ce qui est arrivé.

 

Les images que « j’ai »

 

 

Moi, le cinéphile, je n’ai pas revu beaucoup de films depuis quelques mois. Mais cela a plus à voir avec le contexte Covid qui a remixé nos existences- et en partie nos consciences- depuis un an, maintenant.

 

Le « nouveau » reconfinement depuis un ou deux jours, à mon avis, m’affecte nettement moins que le tout premier de l’année dernière également au mois de mars. L’année dernière, à la même date, comme la plupart, je me faisais tabasser par l’atmosphère de fin du monde qui menaçait de m’encorner pratiquement à n’importe quel moment avec la puissance du phacochère. Une époque où les masques anti-Covid étaient une denrée rare ou vite épuisée. Et où on se rendait au travail en franchissant les « tranchées » de rues vides la gueule offerte faute de masques. Lesquels ont commencé par être parachutés par milliers dans les supermarchés à partir du début du mois de Mai. J’avais réalisé quelques diaporamas ( Panorama 18 mars-19 avril 2020 )de cette « période » alors étrange et hors norme, aujourd’hui, assez banalisée : aujourd’hui tout le monde a un masque anti-Covid sur lui voire plusieurs de rechange. Et ne pas en porter est un délit. Sauf si l’on fait son footing ou que l’on se déplace à vélo. Ou que l’on est seul en voiture. Ou en famille.

 

Paris, Place de la Concorde, en allant au travail, ce vendredi ou ce samedi matin.

 

 

Ce Mercredi, avant ce nouveau « reconfinement » déclaré,  je suis donc allé faire provision de nouveaux blu-ray dans un des magasins où je « m’alimente » près du centre Georges Pompidou. Ce ravitaillement n’a rien à voir avec le nouveau confinement alors encore hypothétique. J’étais alors dans le coin et cela faisait plusieurs mois que je n’étais pas allé dans ce magasin où l’on peut trouver des Blu-Ray et des dvds neufs en promotion.

 

Les images que j’ai, ces derniers jours, sont principalement faites de ces moments que je vis au quotidien avec mes proches ou d’autres, au travail ou ailleurs. Mais aussi de ces photos que je prends et dont j’ai commencé à parler dans la nouvelle rubrique Vélo Taffe Vélo Taffe : une histoire de goudron). C’est peut-être le monde tel que j’aspire encore à le voir.

 

Il y a peu de livres, aussi, qui m’apportent des images en ce moment. Ainsi, je n’ai pas réussi à terminer Verre cassé d’Alain Mabanckou, livre que j’avais pourtant commencé à lire il y a bientôt deux mois. Alors qu’il me reste seulement trente pages à lire et que je l’ai aimé par endroits. Mais je reste un assidu du Canard Enchaîné  et du Télérama que je parcours par « strates ». Et du journal gratuit quand je tombe dessus.

 

Plusieurs fois par semaine, aussi, depuis plusieurs semaines, j’écoute des podcasts. Pour cela, je peux remercier la technique de plus en plus performante en matière de stockage et de téléchargement de nos smartphones que nous payons si chers. Même si les conditions d’extractions des minerais nécessaires à la construction de nos « doudous-portables » en font aussi l’équivalent de doudous de sang. Surtout en en changeant au bout de quelques mois ou chaque année.  

 

Enfin, grâce à un podcast consacré au photographe «  de guerre » Patrick Chauvel -que je ne connaissais pas- je vais peut-être recommencer à lire. Car il a écrit :

 

Rapporteur de guerre, Sky et un autre livre que j’ai réussi à trouver d’occasion sur le net.

 

 

« Tu veux être bon,  va où est le carnage » :

 

Le Maitre d’Arts martiaux Kacem Zoughari a cité cette phrase – en Japonais- d’un de ses anciens Maitres japonais.

 

J’avais cité cette phrase lors de mon pot de départ pendant mon discours il y a un peu plus de deux mois maintenant dans mon précédent service :

 

«  Tu veux être bon, va où est le carnage ».

 

 

 Après l’article Marche jusqu’au viaduc, je peux maintenant m’apercevoir un peu plus à quel point j’étais raccord avec cette phrase. Et ce n’est peut-être que le début.

 

Je n’ai jamais aimé le mois de  Mars. Pourtant, le mois de Mars, si je réfléchis maintenant, c’est bien le mois ou le Dieu de la guerre.

 

Lorsque ce mois de mars a commencé cette année, je me suis dit qu’il allait passer vite compte-tenu de mes divers projets. Et c’est vrai. Même si je ne m’attendais pas à certains événements dans ma ville et dans ma vie comme la mort de la jeune Alisha que je ne connaissais pas.

 

 Aujourd’hui, nous sommes déja le premier jour du printemps, le 21 mars 2021.

 

Reste simple :

 

Jean-Michel Rotin, un temps surnommé «  le Michaël Jackson » du Zouk, est beaucoup moins connu que le groupe Kassav’ ou le « fameux »…..Francky Vincent. Mais il a apporté une nouveauté en mélangeant la « r’n’b » et le « Rap » avec le zouk dans les années 90. Kassav’ avait frappé plusieurs fois à coups de maillet à partir du milieu des années 80 sur la production musicale antillaise mais aussi mondiale. Scellant l’envolée du Zouk. En Afrique, en Amérique du sud et jusqu’au aux Etats-Unis où un Miles Davis, « un peu » condescendant, avait pu faire la « leçon » à un journaliste :

«  Cette musique, ça s’appelle le Zouk. Kassav’, vous connaissez ? ».

 

Dans les années 90, sans atteindre l’envergure internationale de Kassav’, Rotin était apparu avec son style qui le démarquait d’autres artistes de zouk qui rejouaient la « formule » Zouk sans trop de particularités.

 

Aujourd’hui, Jean-Michel Rotin fait partie des « vieux » artistes ( les années 90-2000, c’est « loin ») et je ne sais pas si on peut encore le trouver novateur. Mais, à une époque, certains artistes de zouk bonifiaient leur musique lorsque Rotin se retrouvait impliqué à  la partition ou dans la production.

 

Il y a quelques mois, j’ai trouvé une interview  de lui. Elle date de plusieurs années, avant la pandémie du Covid. Dans cette interview, il exprimait une certaine amertume envers l’industrie du disque. Il estimait s’être fait arnaquer au moins économiquement du fait de sa « naïveté » et de son « ignorance » lors de sa période fastueuse. Il faisait aussi part de cette période où sa principale activité, comme l’artiste Prince (qu’il cite) était de créer un titre par jour. Mais aussi qu’on lui aurait « dit » qu’il allait « trop loin » dans sa recherche musicale. Cela aurait eu pour effet de brider sa production musicale. D’autant qu’il avait pu lui être reproché d’avoir « dénaturé » le Zouk. Je suis sûr que d’autres personnes –artistes ou non- ailleurs dans le monde pourraient retrouver une partie de leur vie dans ce témoignage. L’artiste Cédric Myton de l’ancien groupe de Reggae Congo ne raconte pas autre chose que Jean-Michel Rotin dans le documentaire Inna De Yard : The Soul of Jamaica réalisé en 2018-2019 par Peter Webber

 

Quoiqu’il en soit, aujourd’hui, Rotin a son public. Et ce public comporte plusieurs générations.

 

Jean-Michel Rotin a d’autres titres bien plus connus que Rété Simp : Lé Ou Lov’ , par exemple, a été un de ses premiers gros tubes. Ou Adié An Nou.  Il y a pu aussi y avoir le titre Stop qui, dans sa version studio, m’avait moyennement plu, mais qui sur scène prenait toute sa force. Plus récemment, même si ça date de plusieurs années maintenant, sa reprise du titre Begui Begui Bang avait bien marché à ce que j’avais compris. Et il a fait d’autres tubes.

 

 

 

Un ou une compatriote « opiniâtro- Rotinophile » me reprochera sûrement d’avoir omis une quantité astronomique des tubes produits par Jean-Michel Rotin. Et me fera sûrement remarquer qu’une sérieuse formation de remise à niveau s’impose de manière urgente- et critique- pour moi.

 

Mais ma priorité, ici, est de parler de Jean-Michel Rotin et de contribuer, selon mes moyens, à le faire connaître un petit peu plus. Je rappelle qu’en France, comme d’autres artistes antillais, Rotin reste bien moins connu que Francky Vincent.

 

Francky Vincent a aussi œuvré pour la musique antillaise et est loin d’être le grand « niais » ou l’animateur « pour virées tropicales » façon Club Med qu’il a l’air d’être pour certains amies  et amis « métros ». Francky Vincent a aussi pu composer des titres engagés sur la société antillaise. Mais, même si je suis très loin d’être à jour, il  y a d’autres artistes qui « comptent » en dehors de Francky Vincent et de Kassav’ lorsque l’on parle de Zouk aux Antilles. Jeunes et moins jeunes. Comme le groupe Akiyo dont Kassav’ a utilisé un des titres pour l’ouverture de ses concerts il y a deux ou trois ans. A la fête de l’Humanité par exemple : 

Kassav’  et Quelques photos de la fête de l’Huma 2019 

 

Cependant, pour reparler de Jean-Michel Rotin, je trouve que le titre Mwen Ni To reste sous-estimé. Mais je n’étais pas « au pays » à sa sortie pour pouvoir être péremptoire.

 

Les clips des chanteurs et chanteuses de Zouk peuvent apparaître très kitsch, clichés ou ridicules. Plusieurs révolutions de la pellicule sont sans doute nécessaires.

 

Toutefois, il faut alors se rappeler que le but du Zouk n’est pas de rivaliser avec le cinéma d’un Wong-Kar-Wai ou d’un Lars Von Trier. Ni de se préparer à effectuer des études de philo ou de sociologie à la fac en réfléchissant à la pensée d’un Cioran ou d’un Durkheim. Mais d’abord de trouver et de donner de la force et du plaisir pour vivre et être ensemble malgré la dureté de la vie.  Et, cela part du corps et du bassin. Ce que le groupe Kassav’énonce dans son titre Zouk La Sé Sel Médikaman Nou Ni, un de ses nombreux tubes. Mais aussi au moins…. le réalisateur Quentin Dupieux alias Mr Oizo à travers Duke le flic ripoux- et mélomane- de son film Wrong Cops que l’on put d’abord voir dans une version court-métrage ( 2012-2013). Film dans lequel on peut voir le chanteur Marilyn Manson hilarant dans son rôle de David Dolores Frank.

 

Le titre Zouk La Sé Sel Médikaman Nou Ni est peut-être moins connu – pour certains « jeunes » et moins jeunes- que le Djadja d’Aya Nakamura. Mais c’est néanmoins un tube mondial. Et presque aussi intergénérationnel que le Sex Machine de James Brown lâché dans les oreilles….en 1966. Si je ne me trompe pas.  

https://youtu.be/1UzZUfFUnxY

 

Enfin, rappelons que Jocelyn Béroard, une des meneuses du groupe Kassav’, faisait partie des chœurs lors de l’enregistrement du titre Rété Simp de Jean-Michel Rotin.

Un Art suprême :

 

 

John Coltrane a composé entre autres le titre A Love Supreme.

 

 

Pour moi, la musique fait partie des Arts suprêmes. Avant et devant le cinéma. Si les images nous parlent, la musique, elle, est l’étincelle qui peut nous déclencher avec très peu. Qu’un titre ait deux jours, cinq mois ou cinquante ans, si le cuivre dont est fait son rythme, son horizon ou son poids, sont calibrés pour nous, ils peuvent nous suivre jusqu’à la mort. Ou semblent nous avoir toujours attendus.

 

Parfois, ce même titre parlera aussi à d’autres. Parfois, pas. Mais ça ne changera rien pour nous. Il fera toujours partie de notre appareil vestibulaire et de notre vestiaire. Il sera toujours à notre adresse.

 

Bien-sûr, tous les arts comptent. Mais un monde sans musiques….

 

La musique que l’on aime écouter brûle l’horreur. Elle nous aide à la soutenir, à la convertir et à la contourner. Bob Marley a pu chanter :

 

« Hit me with Music ! ». Il n’a pas chanté : « Frappez-moi avec des mathématiques ! ». Ou « Frappez-moi avec les concepts spécifiques à la Phénoménologie ! ». Même si ces disciplines ont bien-sûr leur rôle à jouer.

 

La musique peut nous aider à nous redresser. Elle nous entraîne afin de continuer- à vivre- même lorsque l’horreur et la tristesse nous passent et nous repassent dessus.

 

 

Pour moi, le rire est pareil. C’est aussi notre révolution : on ne passe pas notre temps qu’à subir et à se réduire. On réagit, aussi. On crée son Big Bang. On anticipe.

 

Cela ne fait pas de nous des Dieux, des super-héros ou des super puissances. Mais on existe. On apprend à supporter notre matière et les tourments qui peuvent aller avec.

 

Le rire et la musique nous donnent le droit d’exister. Ce droit n’est pas donné à tout le monde. Il y a des personnes qui en sont privées. Et d’autres qui s’en détournent.

 

Ce dimanche 21 mars 2021, je ne vais pas me priver.

 

Depuis quelques jours, je « découvre » Georges Brassens. Jusqu’à maintenant, je n’aimais ni sa voix ni son rythme. Mais, il y a quelques jours, par le titre Je me suis fait tout petit, je crois avoir trouvé une entrée, mon entrée, dans son œuvre. Là où des alpinistes vont trouver une-nouvelle- voie pour escalader une montagne.

 

 

 

Il faut quelques fois un titre pour trouver son propre passage vers un artiste. Comme il faut quelques fois son moment particulier pour trouver son passage vers quelqu’un ou vers une nouvelle discipline.

 

Ensuite, chef d’œuvre, raté, meurtre, ou massacre, le résultat dépend de la co-composition – ou co-création- des uns et des autres.

 

De ce que l’on est capable de détecter et de fabriquer. Des ressources que l’on peut –accepter- trouver chez d’autres. Ou leur apporter.

 

Après  Brassens, il y aura le titre Hear my Train A Comin’ de Jimi Hendrix car, pour moi, c’est l’un des meilleurs alliés du titre de John Lee Hooker Oh, Come back, Baby, Please Don’t Go… One More Time.

 

( il existe différentes versions souvent plus étendues du titre ” Hear My Train A Coming”).

 

 

 

Une autre fois, je parlerai peut-être de Dub,  de Maloya ou de Miles (Davis).

Paris, ce vendredi 19 mars ou samedi 20 mars 2021, le matin.

 

 

Franck Unimon, dimanche 21 mars 2021.

 

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Marche jusqu’au viaduc

 

                                           Marche jusqu’au viaduc

Elles ont probablement pris le bus 361. On peut le trouver à la gare d’Argenteuil d’où il part. C’est à une dizaine de minutes, en marchant bien, depuis le lycée Cognac-Jay.

 

Si elles sont parties du lycée, elles ont peut-être même pris le bus depuis le centre-ville d’Argenteuil, avenue Gabriel Péri, pour aller jusqu’à la gare. Et puis, attendre et prendre le bus 361 ensuite jusqu’à l’arrêt Belvédère. Là où Argenteuil se rapproche de la ville d’Epinay sur Seine.

L’arrêt ” Belvédère” du bus 361 où Alisha est peut-être descendue avec sa camarade, le 8 mars.

 

 

En partant depuis la gare d’Argenteuil jusqu’à l’arrêt Belvédère, près du viaduc qui passe sous l’autoroute A15,  en bus, cela doit prendre une dizaine de minutes.

 

Ce trajet peut même se faire à pied. C’est ce que je viens de faire, ce matin, après avoir emmené ma fille à l’école. Même si le bus 361 a un arrêt près de chez nous.

 

Intérieur-Extérieur

 

Il y a quelques nuits, au travail, j’ai eu un moment de déprime, en sourdine, venu sans prévenir. C’est passé. Personne n’a rien vu. Ni au travail. Ni chez moi. Je suis comme beaucoup de monde : j’ai un extérieur. Et un intérieur. Entre les deux, je filtre. Je fais le tri entre ce que je choisis de montrer et d’exprimer selon le moment, selon l’interlocuteur que j’ai en face de moi, selon la situation, et, bien-sûr, selon la gravité que j’attribue à ce que je ressens ou pense.

 

Une histoire de confiance

 

Bien-sûr, il y a aussi une histoire de confiance. Certaines personnes se racontent facilement voire à n’importe qui par la voire orale. Je dirais que je sélectionne assez strictement celles et ceux à qui je me confie.  Mais, aussi, que je n’aime pas inquiéter mon entourage d’une manière générale. Des coups durs et des contrariétés, on peut en vivre à peu près tous les jours.

 

Apprendre à encaisser et à esquiver

 

Pour vivre, Il faut donc, aussi, apprendre à encaisser et à esquiver. Mais, aussi, à  alerter des personnes ad hoc, ou qui l’on peut, lorsque cela devient vraiment nécessaire.

 

S’il est certaines menaces et certains dangers que l’on ignore ou que l’on néglige, il est, aussi, trop de fausses urgences ou trop de fois où l’on va brasser beaucoup de forces pour presque rien. On me dira : mieux vaut prévenir que guérir. Bien-sûr. Mais ça peut-être utile, aussi, pour d’autres qui peuvent véritablement en avoir besoin, d’apprendre soi-même la différence entre une vraie urgence et ce qui l’est moins.

 

Le même père

 

A mon travail, donc, il y a quelques jours, personne n’a su, je crois, que j’ai eu un petit passage à vide. A la maison, non plus, pour les mêmes raisons. Ce matin, je suis resté le même père qui engueule sa fille avant de l’emmener à l’école parce qu’elle traînait. Alors que j’avais tout préparé avec elle une bonne vingtaine de minutes plus tôt pour éviter ce genre de situation. Lors du trajet vers l’école, après quelques minutes de marche, ma fille a mis sa main dans la mienne. Bien-sûr, je l’ai prise. Il arrivera un jour où nous ne nous donnerons plus la main, elle et moi. D’ici là, j’espère être parvenu à lui apprendre ce qu’est une vraie urgence, mais aussi à se défendre et à avoir confiance en elle.

 

Si Alisha, ce 8 mars 2021….

 

 

Si Alisha Khalid, ce 8 mars 2021, avait effectué le trajet jusqu’au viaduc en marchant, j’ai envie de croire que sa mort aurait pu être esquivée. 

Ce trajet jusqu’au viaduc où elle a été tabassée puis d’où elle a été jetée dans la Seine, je viens de le faire à pied à l’aller comme au retour. Bien-sûr, là-bas, personne ne m’attendait pour me faire la peau ou me foutre le feu.

 

A l’aller, comme j’avais du mal à situer où ça se trouvait, j’ai dû demander mon chemin à plusieurs personnes.

 

 

14 ans

 

En Mai, cela fera 14 ans que j’habite dans cette ville. Pourtant, je ne m’étais jamais rendu à cet endroit.

 

Il y a 14 ans, Alisha venait à peine de naître. Ses deux meurtriers avaient un an tout au plus. Cela nous rappelle qu’il s’en passe du temps, avant de devenir meurtrier. Dans mon premier article ( Alisha, 14 ans, morte dans la Seine ce 8 mars 2021), j’ai écrit que « trois » personnes avaient tué Alisha. Deux garçons et une fille. J’ai dû mal comprendre ou peut-être que c’est une information qui a au début circulé. 

J’ai décidé de laisser cette erreur dans cet article.

 

Deux visages

 

Cette erreur de « récit » ne change rien : Alisha est morte après s’être faite piégée. On peut aussi se dire que le garçon qui l’a frappé avait, comme nous tous (femmes ou hommes), au moins deux visages. Celui, le plus connu, du garçon tranquille et “sans histoire” ( qu’est-ce que ça veut dire, “être sans histoire” ? Nous avons tous une histoire). Et,  ce 8 mars 2021, celui de l’agresseur qui a attendu sa victime qui lui a été apportée en sacrifice sur un plateau. 

 

On peut bien-sûr avoir deux visages, un visage public et un visage plus intime ou plus secret, sans être pour autant un meurtrier ou un criminel.

 

Mais il se trouve que pour Alisha, le deuxième visage de ce  jeune garçon et de sa complice, a été celui, le 8 mars 2021, de deux meurtriers.

 

 

Erreur de récit et nombre d’agresseurs

 

 

Cette erreur de récit concernant le nombre d’agresseurs d’Alisha ne change rien :

 

Lorsque des événements subits nous arrivent, nous recomposons et interprétons partiellement, difficilement, et souvent avec des erreurs, les informations que nous recevons.

Parce qu’émotionnellement et intellectuellement, nous sommes limités et qu’il nous faut un temps plus ou moins long pour nous ajuster à l’événement. Pour bien et mieux comprendre. Lorsque nous sommes capables de bien reconstituer le puzzle :

Le trauma et la perte d’un être proche – ou non- peuvent nous empêcher de « comprendre » et de reconstituer le puzzle des événements.

 

 

Contributions à la réussite du/d’un crime :

 

Le 8 mars,  le trajet en bus- s’il a eu lieu– a contribué à la réussite du crime. Pour la rapidité du trajet. Car il aurait fallu environ trente minutes, à pied, pour aller jusqu’au viaduc depuis la gare d’Argenteuil. Et un peu plus depuis le lycée. Tout dépend bien-sûr de là où elles sont parties et de là où elles se sont rencontrées pour aller “ensemble” jusqu’au viaduc. 

 

En trente minutes, il faut pouvoir tenir son rôle afin d’endormir la vigilance de la future victime. La complice du jeune agresseur et co-meurtrier avait peut-être la capacité à faire bonne figure. Mais, en trente minutes, on peut, un peu plus facilement à un moment ou à un autre, instinctivement sentir que quelque chose « cloche » dans l’attitude de la personne qui nous accompagne.

 

A ce moment-là, ce qui permet, ou non, la suite du scénario jusqu’à la mort, c’est peut-être l’optimisme,l’incrédulité ou la naïveté de la victime. Mais, sûrement, d’abord, le sentiment de confiance que la victime ressentait vis-à-vis de celle qui l’accompagnait. Ce sentiment de confiance a suffisamment pris le dessus sur les éventuels doutes que la victime ( Alisha, ici) a pu avoir à un moment donné, lors du trajet.

Car elle « connaissait » celle qui l’accompagnait. Et, à ce que j’ai appris, les lieux où elles se sont rendues toutes les deux étaient pour elle des lieux familiers qui entretiennent aussi la confiance.

 

Le sentiment de confiance :

 

 

Je pourrais être le père ou l’éducateur de ces trois jeunes, d’Alisha, et des deux meurtriers. Je suis un homme plutôt en bonne santé et que l’on décrit plutôt comme une personne que, spontanément, on ne va pas aller provoquer ou menacer dans la rue. Mais je suis aussi un trouillard. J’ai aussi été un ado. Et, je sais qu’ado, on aime bien avoir ses coins à soi, avec des personnes de notre âge, à l’écart des adultes où l’on fait notre vie : on y a notre intimité avec des gens de notre âge ou à peu près. 

 

Je suis incapable de dire, si, ado, j’aurais pu me rendre là où Alisha et l’autre jeune fille se sont rendues ensemble ce 8 mars. Par contre, en m’y rendant tout à l’heure pour la première fois là, je me suis dit qu’il fallait vraiment se sentir en confiance pour y aller. Même en plein jour.

 

Il faut passer à droite pour rejoindre les berges de Seine. C’est par là que j’ai vu descendre un cycliste alors que j’arrivais.

 

 

 

 

Même si, avant de m’engager dans cet endroit, j’ai vu passer un cycliste qui semblait un habitué de ce trajet.

 

Vers les berges de Seine en descendant.

 

 

Ce que l’on voit derrière soi, quand on se retourne, quand on descend vers les berges de Seine.

 

 

 

 

On peut sûrement passer de très bons moments et avoir de bons souvenirs ici. Mais ça fait aussi un peu “coupe-gorge”, non ? Et lorsque ces photos ont été prises, nous étions en plein jour ce mardi matin entre 9h et 9h30.

 

En sortant du petit tunnel.

 

 

Je n’ai pas compris tout de suite, en apercevant ce graf’ sur le viaduc qu’il concernait Alisha.

 

Là, non plus, je n’avais pas encore déchiffré le prénom d’Alisha. On peut me trouver Te-bê, mais il faut bien comprendre que je découvrais l’endroit dans des circonstances émotionnelles particulières. Le lieu est loin d’être paradisiaque et a plus eu tendance à mobiliser ma vigilance que mes facultés pour le décryptage et la méditation.

 

Les bouquets de fleurs m’ont aidé à voir.

 

 En bas du viaduc, devant les fleurs posées en mémoire d’Alisha, j’ai ensuite croisé un jogger, qui, en s’approchant, avec ses baskets de la marque Hoka, et en apercevant ces fleurs, a d’abord secoué la tête en signe de désapprobation puis s’est détendu pour me répondre :

 

La direction prise par le cycliste vers St-Denis. Le jogger a pris la direction inverse. Vers moi. Le viaduc est alors pratiquement derrière moi.

 

De là d’où il venait, le long de la Seine, on pouvait aller loin. Jusqu’à la ville de Saint-Denis ! Et, selon lui, le chemin dans cette direction était meilleur pour faire des footing. Puis, il est reparti sans peine.

 

Meurtres glaçants :

Ce matin, avant d’emmener ma fille à l’école, j’ai essayé de trouver de nouvelles informations. Car j’avais vraiment du mal à « voir » où pouvait bien se trouver ce viaduc !

 

Tout ce que j’ai pu trouver comme article remontait à dimanche. Le 14 mars. Il y a deux jours. J’ai compris que pour les média, l’essentiel avait été fait. Couvrir l’événement jusqu’à la marche blanche. Figer les informations. Puis, passer à d’autres sujets. Comme d’autres fois. Comme images ou photos du Viaduc, je trouvais toujours les mêmes. Mais rien pour m’indiquer précisément où cela se trouvait.

 

Du meurtre, on l’a décrit comme « glaçant ». Même le journaliste Harry Roselmack a employé ce terme. C’était il y a quelques jours. Oui, ce meurtre est « glaçant ». Parce qu’il a fini dans la Seine, dans la noyade et dans le sang.

 

Mais on parle beaucoup moins de tous ces meurtres, sans traces de sang,  sans scène de crime, bien mieux prémédités, où l’on licencie des personnes par centaines et par milliers pour assurer à des actionnaires et à des privilégiés leur marge de profit annuelle.

 

 

Cela n’a rien à voir avec le meurtre d’Alisha, vraiment ?!

 

Il s’agit pourtant de meurtres d’autant plus « glaçants » qu’ils sont routiniers et invisibles. Parlez-en aux proches de celles et ceux qui se font licencier. Ou aux personnes licenciées. Expliquez-leur que tout va bien pour elles et eux. Qu’ils n’ont pas été piégés. Que, personne, n’a endormi leur vigilance. Que, eux, au moins, ils sont vivants. Et qu’ils peuvent rebondir.

Pendant qu’on nous montre, et c’est normal, ce meurtre d’Alisha, on passe sous silence, tous ces meurtres de notre vie quotidienne, que nous subissons et acceptons en bons citoyens éduqués, civilisés, apeurés et désarmés.

 

Photo prise “derrière” le graf. Depuis là, où, vraisemblablement, Alisha a été frappée puis jetée dans la Seine. J’ai dû rester là deux à trois minutes. Pas plus. C’est de là que j’ai aperçu le “foyer” du SDF, sur la droite. Mais je ne l’ai pas vu. Le sentiment dominant que j’ai alors ressenti a été la peur. La peur du vide.

 

 

Rebondir

 

 Je ne supporte pas ce terme prémâché et formolé.” Rebondir”….telle une balle de tennis à Roland-Garros.

 

Mais, Alisha, c’est certain, n’a pas pu rebondir le 8 mars. Une fois sur place, tout à l’heure, là où sa vie s’est terminée, je me suis d’abord senti subitement seul ( avant de passer “derrière” le graf et le béton).  On ne réagit pas tous avec la même lucidité ni avec la même combattivité lorsque l’on se sent subitement seul. Quel que soit l’endroit, le moment ou les personnes avec lesquelles on se trouve.

 

Sur le papier, en théorie, ou lorsque l’on se sait entouré de personnes de confiance solides et fortes, on peut peut-être se reposer sur elles ou s’inspirer de leur exemple. Mais, lorsque c’est tout le contraire. Et que l’on est véritablement, et soudainement seul, face à soi-même. Et que toutes les apparences, tous les maquillages et tous les mensonges- les nôtres et ceux de nos agresseurs- qui nous préservent et nous dissimulent disparaissent d’un seul coup, comment fait-on ?

 

Il fallait vraiment se sentir en confiance, être un(e)  habitué(e) de l’endroit ou avoir des intentions pacifiques pour ne pas se sentir menacé sous cette autoroute.

 

J’ai vu ce qui était sans doute le « domicile » du SDF qui se trouve près de là où Alisha a été passée à tabac. J’ai vu, je crois, les traces de sang que le SDF a désignées quand il a témoigné. J’avais vu la vidéo de son témoignage sur le net.

 

Je ne l’ai pas rencontré. Mais j’ai vu ses paires de chaussures, l’aménagement de son lieu de vie. J’ai même vu sa paire de gants de boxes accrochée. J’aurais voulu discuter un peu avec lui. Savoir comment on fait pour continuer de vivre après « ça ». Mais aussi, le connaître un peu. Connaître sa vie. Ce qui l’a amené jusqu’à venir vivre ici. Cependant, je n’insisterai pas car je n’ai pas envie de l’enquiquiner ou de faire le voyeur. Et, c’est pour ces raisons que je ne montre pas de photos de son « foyer » ou des traces de sang supposées d’Alisha sur le sol.

 

Biographie brève des deux jeunes meurtriers :

 

 

A ce que j’ai compris un peu de la biographie des deux jeunes meurtriers, ceux-ci ont en commun de ne pas avoir connu leur père. Ou de l’avoir perdu. Alisha était tout le contraire : c’était, à entendre une partie du discours de sa mère, une adolescente heureuse dans une famille plutôt unie, avec un père, et une bonne élève. Elle était aussi jolie.

 

« Le » meurtrier, lui, n’a pas connu son père et avait beaucoup d’absentéisme scolaire. Même si, une fois à l’école, il semblait plutôt content et dans le coup d’un point de vue scolaire d’après le témoignage de sa mère. Ses absences scolaires semblaient principalement dues au fait qu’il jouait beaucoup aux jeux vidéos. Mais bien d’autres jeunes qui préfèrent passer leur temps devant des jeux vidéos, au lieu d’aller à l’école, ne deviennent pas des meurtriers.

 

« L’autre » meurtrière, j’ai oublié, si elle était bonne élève. Mais elle était aussi sans père. C’est aussi une jolie fille, apparemment, et celle qui est devenue la petite amie du « meurtrier ». Après qu’Alisha ait eu une histoire amoureuse « d’une semaine » avec lui.

 

D’après ce que j’ai « lu » ou « entendu » en glanant sur le net, j’en déduis que le tandem qui a tué Alisha était fusionnel.

 

 

Devant l’obstacle : préméditation et acharnement

 

 

A un moment donné, Alisha, pour eux, a sans doute pris l’apparence de celle qui pouvait devenir un obstacle à leur fusion. Un obstacle, ça s’évite, ou ça se détruit. Ou ça se jette dans la Seine ou dans le vide.

 

On parle de « préméditation ». On apprendra plus tard peut-être jusqu’à quel point. Pour l’instant, je crois que ce qui a été prémédité, c’est surtout l’embuscade, le passage à tabac ou le règlement de comptes. Ensuite, je veux bien croire que, pour se « débarrasser » du problème, ou sous l’effet de la colère, et parce-que l’endroit s’y « prêtait, qu’Alisha a « fini » dans la Seine. Dans un autre endroit, dans un parc, par exemple, loin d’un fleuve, Alisha ne serait peut-être pas morte de noyade. Mais peut-être d’une autre forme d’acharnement.

 

 

Une colère et une tristesse aveugles qui viennent de loin :

 

J’explique cet acharnement des deux jeunes par une colère et une tristesse – aveugles- qui viennent de loin. De plusieurs années. D’avant leur rencontre avec Alisha au lycée Cognac-Jay. Une colère et une tristesse invisibles, indicibles, qu’ils portaient en eux depuis leur histoire personnelle.

 

Une colère qu’ils ont « mutualisée » en fusionnant et, dont, la personne et le corps d’Alisha, sont devenus la cible. Je raisonne bien-sûr en « psy Babou »  ou en “psy de supermarché ».  Je n’ai pas de certitudes sur la façon dont ça s’est passé. Je compose avec ce que j’ai attrapé comme informations à droite, à gauche. Mais je sais que lorsque les mots échouent, les coups peuvent tuer.

 

 

Etre puissants :

Je crois, que, lorsqu’ils ont frappé, les deux jeunes meurtriers, ont estimé qu’ils leur fallait frapper fort et être « puissants » pour se guérir ou se libérer d’une offense ou d’une menace qui avait les traits d’Alisha.

 

Ensuite, après le déferlement ou la bouffée d’adrénaline, est arrivée la redescente sur terre et la prise de conscience. Le : «  J’ai fait une bêtise ». Sauf que ce n’était plus une bêtise d’un enfant de cinq ans qui a cassé la jolie tasse de maman ou de papa sous l’effet de la colère. Une tasse que l’on peut réparer, racheter ou oublier.

 

Non. C’était une personne, cette fois, qui avait pris ou bu la tasse. Après avoir été tabassée. C’était plus grave. Une bêtise de « grand » : de quelqu’un qui a grandi, qui a désormais plutôt une apparence et une force d’adulte mais qui, dans le fond, doit encore apprendre à devenir adulte et à se maitriser. A savoir faire la part des choses entre son intérieur et son extérieur. On a toute une vie pour apprendre ça. Sans prendre pour autant la vie des autres. C’est un travail difficile. Plein de personnes ne réussissent pas à réaliser ce travail. Et, on ne touche pas de salaire pour l’effectuer.

 

Une heure et quinze minutes :

 

 

Sous ce viaduc, après avoir pris des photos et filmé, après avoir fait « le tour », d’un seul coup, je ne savais plus quoi faire de mes mains. C’était le moment pour moi de partir. Je n’avais plus rien à faire là.

 

Un peu plus tôt, en arrivant et en m’approchant des bouquets de fleurs, comme je l’ai écrit, je me suis senti seul. Et, j’ai entendu un peu un titre de John Lee Hooker où celui-ci confirme à quelqu’un qu’il est seul. Peut-être ce titre où il chante Oh, Come back, Baby, Let’s Talk it Over… One More Time.

 

On trouvera peut-être que j’en ai trop fait avec ce « fait divers » ( Alisha, 14 ans, morte dans la Seine ce 8 mars 2021Harcèlement et réseaux sociaux : la démocratisation et la sophistication des guillotines). Qu’il m’obsède par rapport à ma fille  ou que je suis excessif. Ou, limite timbré et paranoïaque. Mais, ce n’est pas grave. En tout et pour tout, cela m’a pris 1h15 pour faire l’aller et retour à pied jusqu’à cet endroit.

 

Je ne vois pas en quoi donner 1h15 de mon temps pour cette marche m’a privé de quoique ce soit. Je ne vois pas pourquoi passer 1H15 dans les rayons d’un supermarché ou pour regarder un énième dvd ou pour zoner sur internet à la place aurait eu plus de valeur.   

 

Je suis désolé si je donne l’impression d’être morbide :

 

Mais si l’agonie d’Alisha jusqu’à sa mort a sûrement été longue, son passage à tabac puis son rejet dans la Seine a sûrement pris beaucoup moins de temps qu’une heure et quinze minutes.

 

 

 

En m’éloignant du viaduc

En commençant à m’éloigner du viaduc, ce qui devait arriver est arrivé :

 

Je me suis mis à pleurer.

 

 

Mais je n’étais pas détruit. J’ai pensé au navigateur Jean Le Cam lors du dernier Vendée Globe. Lorsqu’il avait compris, vers la fin de la course que son navire, endommagé, aurait pu couler et, lui, mourir avec. Une fois arrivé sain et sauf, à terre, il avait expliqué sur le plateau télé que l’être humain était « bien fait ». Car, pleurer lui avait d’abord fait du bien. Ensuite, il s’était repris.

 

Je me suis rapidement arrêté de pleurer en m’éloignant du viaduc.

 

Alors que je marchais dans la rue d’Epinay pour rentrer, la colère que j’ai ressentie, il m’a semblé que rien ne pourrait l’arrêter. Lorsque je suis comme ça, personne, jamais, à ce jour, n’est venu m’enquiquiner.

 

Une fois, chez moi, j’ai jeté mon masque anti-Covid, j’ai changé de chaussures et je me suis mis à écrire.

 

Depuis, j’essaie aussi d’écouter  un album d’Agnès Obel en me disant que cela ne peut que me faire du bien. 

 

Franck Unimon, ce mardi 16 mars 2021.

 

 

 

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Harcèlement et réseaux sociaux : la démocratisation et la sophistication des guillotines

Avenue Gabriel Péri, à Argenteuil, ce dimanche 14 mars 2021. L’Avenue Gabriel Péri est un des moyens d’accès et de sortie de la ville d’Argenteuil en prenant le pont d’Argenteuil, au bout, qui surplombe la Seine. C’est aussi une avenue qui traverse le centre-ville et qui mène, au bout ( derrière nous) vers la mairie actuelle d’Argenteuil. A gauche, sur la photo, on peut lire ” Alisha. Non, au harcèlement”. Sur la droite de la photo, la fresque que l’on voit orne un des bâtiments du conservatoire départemental d’Argenteuil. Ordinairement, l’Avenue Gabriel Péri est évidemment très passante d’autant que le dimanche est un jour de marché, le marché d’Héloïse, “derrière” le conservatoire. Enfin, en face de nous, au loin, on peut apercevoir sur le pont d’Argenteuil, le barrage policier réalisé pour la circonstance de la marche blanche d’Alisha. Rappelons qu’Argenteuil compte plus de 100 000 habitants.

 

 

 

 

Harcèlement et réseaux sociaux : la démocratisation et la sophistication des guillotines

 

 

« Harcèlement » était l’un des chaînons manquants dans mon article ( Alisha, 14 ans, morte dans la Seine ce 8 mars 2021). C’est en décidant finalement de me rendre hier à la marche blanche (ce dimanche 14 mars 2021)  que je l’ai « découvert ». Arrivé un peu après 14h, je suis reparti vers 14h40 avant le discours de la mère d’Alisha que j’ai partiellement entendu tout à l’heure.

 

Dans la ville d’Argenteuil, dont l’entrée par le pont vers l’avenue Gabriel Péri et quelques rues près du lycée étaient bouclées, le mot «  harcèlement » était affiché sur quelques murs. Mais aussi sur quelques tee-shirts comportant une photo d’Alisha. On pouvait aussi lire, inspiré de la phrase reprise après les attentats « de » Charlie Hebdo, ce qui suit :

 

« Je suis Alisha ».

 

Devant le lycée Cognac-Jay, ce dimanche 14 mars 2021. L’avenue Gabriel-Péri, qui traverse le centre-ville et mène à la mairie, passe derrière le lycée.

 

 

Des personnes des deux sexes, masculin et féminin, portaient ce tee-shirt. Il faut le souligner et l’encadrer dans une ville, ou, comme ailleurs, certains apparats religieux entendent marquer les frontières, les corps – et les esprits- entre les hommes et les femmes.

 

Il y avait foule hier devant le lycée Cognac-Jay  pour Alisha et ses parents. La foule était masculine et féminine. Adolescente et adulte. Il y avait même des enfants et quelques voisins qui regardaient depuis leur fenêtre ou leur balcon l’attroupement en « bas de chez eux ».

 

 

Dans la rue, j’ai entendu le chiffre de « 2000 personnes » concernant la foule. Il y avait des journalistes, des caméramen et aussi plein de smartphones qui prenaient des photos ou filmaient. Je n’ai pas aperçu de drones. Mais, peut-être étaient-ils cachés ?

 

Devant le lycée Cognac-Jay, toujours à Argenteuil, ce dimanche 14 mars 2021.

 

 

C’est une des curiosités de notre époque et aussi de notre espèce humaine que d’avoir la capacité de filmer et de prendre des photos de notre espace, comme à peu près de tout ce que l’on veut quand on le veut avec précision. Sans pour autant toujours nous sentir obligés de faire attention à celles et ceux que l’on filme.

 

Si une image peut aider à faire rêver, à libérer et à éduquer, il arrive aussi qu’elle opprime. Tout dépend du projet et de l’intention de celle ou de celui qui s’en sert et du public et de l’époque auxquels elle ou il s’adresse.

 

Au cinéma, il y a déja eu des débats concernant la responsabilité morale de celle ou de celui qui filme. Comme de ce que l’on a le droit de montrer. Quand et à qui.

Dans le monde de la photographie, aussi, cette question existe. En littérature, aussi. Chaque fois que l’on témoigne ou que l’on va rendre public une histoire ou une image sur un sujet sensible ou considéré comme sensible.

 

Il y a celles et ceux qui estiment que l’on peut pratiquement tout dire et tout montrer. Ou que seule «  la fin justifie les moyens ». Tant qu’une image peut faire vendre et donner de la renommée à son autrice ou à son auteur. D’autres qui sont là pour secouer les esprits. Ou pour les enterrer.

 

On pourrait reparler des caricatures puisque je fais le parallèle avec le journal Charlie Hebdo dans cet article. Sauf qu’une caricature, malgré ses défauts, ne lapide pas, ne jette personne au dessus d’un pont ou sous un train. Elle ne fait sauter aucun immeuble ni aucun squelette. Une caricature ne poursuit pas une personne nuit et jour jusqu’à chez elle. Elle ne commet pas non plus d’attentat suicide.

 

 

Notre caricature

 

 

Chaque fois que nous les employons, les réseaux sociaux peuvent devenir une caricature de certains de nos travers.

 

Ils ont aussi du bon. Ils permettent de rester en contact, de rencontrer ou de retrouver des personnes qui comptent. Ils sont le pivot ou la lance de rampement de certaines carrières artistiques et professionnelles.

 

Mais les réseaux sociaux peuvent aussi être le lance-flammes qui, à l’image du chien de combat, peut causer énormément de torts si son propriétaire ou son usager le jette sur une proie ou une cible qui ne peut faire le poids. Et qu’il ne lâche pas.

 

Ils peuvent aussi devenir la béquille sans laquelle nous nous effondrons si nous leur donnons toute notre vie.  

 

Si l’on parle de « harcèlement », alors il faut parler de « l’emprise ». Car les deux vont ensemble. Sauf que des situations « d’emprise », nous en connaissons tous. Certaines sont volontaires, d’autres moins. Certaines plus nocives que d’autres. Etre sous l’emprise de l’alcool ou de la peur n’a pas les mêmes effets que d’être sous l’emprise de la lecture.

 

Près de l’avenue Gabriel Péri, ce dimanche 14 mars 2021.

 

 

Edward Snowden, dans son livre Mémoires vives ( 2019) rappelle cette époque où, adolescent, il a découvert un internet permettant de « converser » avec n’importe qui à l’autre bout du monde partageant le même centre d’intérêt. Cet internet-là,  a été une école alternative ou parallèle et l’est peut-être resté pour certaines et certains. Sauf qu’à cette époque, internet « se méritait » en quelque sorte explique Snowden :

 

Il fallait avoir de sérieuses compétences informatiques pour parvenir à se connecter sur le net. C’était peut-être cette époque, avant l’essor de la téléphonie mobile, où les téléphones fixes à fil à domicile étaient La règle. Et où, chaque fois que l’on tentait de joindre une internaute ou un internaute à son domicile, cela était impossible si celle-ci ou celui-ci était « connecté(e). Car la ligne téléphonique restait alors systématiquement occupée. Aujourd’hui, il est banal de pouvoir être joint sur son smartphone alors que l’on navigue sur le net.

 

Snowden relate aussi certains travers que lui-même a pu avoir, sous couvert de pseudo, adolescent, sur certains forums, où il avait pu se permettre certains propos déplacés. Et, parce qu’il n’a a priori tué personne à cette époque, il explique que l’anonymat des internautes peut aussi permettre de donner une chance à certaines et certains de changer et de se racheter une conduite au lieu d’être fichés pour des conneries qu’ils ont pu faire « plus jeunes ».

 

Il est probable qu’un certain nombre des internautes, qui, aujourd’hui (ou hier) enfants, pré-adolescents ou adolescents ou même adultes se permettent d’écrire et de tenir des propos qu’ils regretteront d’eux-mêmes par la suite. Ne serait-ce, par exemple, que sur Youtube même si ce n’est pas un réseau social en tant que tel. Mais où le fait de visionner une simple vidéo et d’en « parler » suffit pour- très rapidement- voir surgir ici ou là des propos « extraordinaires » d’agressivité et de jugements personnels et définitifs. La façon dont ça peut très vite « dégoupiller » entre deux internautes peut me faire rire. Mais ces dérapages fréquents donnent une idée de ce que la facilité d’accès à internet a amené comme « pollution » dans les échanges entre internautes.  Comme la démocratisation de l’escalade de l’Everest ou de l’Himalaya a pu, dans une moindre mesure, contribuer à polluer une région du monde qui, « auparavant », était pratiquement immaculée ou réservée à quelques uns qui étaient prêts à donner de leur personne pour atteindre un certain sommet.

 

C’est que depuis l’adolescence de Snowden ( E.Snowden est né en 1983), le net et le Web se sont « démocratisés ». Désormais, en quelques clics, n’importe qui, n’importe quand, peut activer une ou plusieurs guillotines à distance. Mais aussi les programmer en s’allouant la complicité spontanée d’autres personnes trop contentes de participer et de faire appliquer leur sens de la justice. Tout en verrouillant leur cible.

 

Devant le lycée Cognac-Jay, ce dimanche 14 mars 2021.

 

 

Alisha est morte de ça, je crois : de la démocratisation et de la sophistication des guillotines.

 

 

Franck Unimon, ce lundi 15 mars 2021.

 

 

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Alisha, 14 ans, morte dans la Seine ce 8 mars 2021

 

Alisha, 14 ans, morte dans la Seine ce 8 mars 2021

Aujourd’hui, dimanche 14 mars 2021, à 14 heures, une marche partira du Lycée professionnel Cognac-Jay, où elle était scolarisée. La jeune Alisha, 14 ans, a été tuée par trois de ses camarades ce 8 mars 2021. Journée de la Femme.

 

Depuis des années, une femme meurt tous les trois jours en France sous les coups de son conjoint ou de son ex-conjoint. Ce chiffre est rappelé dans le podcast où la journaliste Léa Salamé interroge la colonelle de gendarmerie, Karine Lejeune. Un podcast réalisé pour France Inter ce 2 janvier 2021. Deux mois avant la mort d’Alisha et d’autres.

 

A 14 ans, on pourrait dire qu’Alisha n’était pas encore une femme. Mais, pour ce que j’ai lu des événements, c’est bien au moins dans un contexte passionnel, même si l’acte a été prémédité, qu’elle est morte. Trois personnes l’ont tuée. Une jeune de son âge qui l’a emmenée sur les lieux de l’embuscade. Et deux garçons qui « l’attendaient ». Dont son ex-petit ami, si j’ai bien compris.

 

Cela s’est passé à Argenteuil, ville où j’habite. Et je situe bien où se trouve le lycée Cognac-Jay. Pour tout « arranger », un de mes proches, adulte, a connu l’auteur principal de l’homicide. Donc, tout cela me touche d’autant plus personnellement.

 

Je ne pourrai pas rejoindre la marche pour Alisha tout à l’heure. J’ai travaillé cette nuit. Je reprends le travail cette nuit. Et, à 14 heures, je me reposerai. Provisoirement. Contrairement à Alisha dont le repos est définitif.

 

Par contre, je peux écrire. Pour elle, pour les autres. Et toujours pour moi.

 

Je tiens à le préciser tout de suite :

 

Je ne suis pas féministe. Je le précise parce-que, aujourd’hui, à moins d’être un intégriste d’une certaine religion, je trouve que c’est très facile de se dire « féministe ». Comme c’est très facile, aussi, de se dire « pour le mariage gay ». C’est à la mode. C’est comme, pour un homme,  aujourd’hui, porter une boucle d’oreille ou avoir le crâne rasé. C’est très facile, en France. En plus, ça permet de donner de soi une belle image : celle d’une personne cool, tolérante et “évoluée”, bien de son temps.

C’est très important tout ça, de donner de soi, une belle image. D’être “branché”. d’être “dans le coup”. D’être un adepte et un pratiquant de la Nouvelle norme. Après…la Nouvelle Vague….

 

Je ne réagis donc pas en tant que « féministe » dans cet article. Mais en tant que personne. Car je suis une personne. Comme Alisha en était et en reste une.

 

Dans les quelques commentaires que j’ai pu lire et entendre à la télé à propos des conditions de sa mort, l’adjectif « glaçant » a été utilisé. Oui, la description du déroulement de son homicide est glaçante. Je n’arrive pas encore à bien cerner d’où, exactement, Alisha, a été balancée dans le vide. Mais si j’y parviens, je me suis dit que je m’y rendrais. En attendant, ce qui est « glaçant », pour moi, c’est d’imaginer ce moment où ses meurtriers ont décidé de la soulever du sol, après l’avoir tabassée, pour la faire passer par dessus le pont. Il en faut de la détermination pour cela. Et, qu’est-ce que cela a dû être effroyable comme passage de la vie à la mort pour Alisha.

 

C’est une sorte de frisson et de colère que je ressens. Frisson et colère pour cette impuissance intraitable qu’elle a dû ressentir face à cette mort vers laquelle cette ultime rencontre l’a conduite. Elle qui, apparemment, avait éconduit l’un des auteurs de sa mort. J’ai tendance à croire que l’effet de groupe a – encore- joué. Seul, ce jeune garçon, même en colère, n’aurait sans doute pas osé aller aussi loin. Une nouvelle fois, la détermination, la supériorité numérique, en plus de la supériorité physique et de l’effet de surprise l’a emporté sur la raison. On peut être plusieurs à penser la même chose- et à la réaliser- et à être plus que cons ! Plusieurs années après sa mort, d’un cancer, Desproges continue d’avoir raison.

 

 

Vers la fin du podcast où Léa Salamé interroge la colonelle Karine Lejeune, fille et petite fille de gendarme, il est aussi évoqué le travail colossal réalisé par celle-ci pour combattre les violences faites aux femmes. On doit à la colonelle Karine Lejeune, ainsi qu’à une autre personne (une autre femme), le premier recensement des violences faites aux femmes en France. Recensement qui date de 2006. Résultat d’un travail conséquent obtenu en sollicitant les services de police et de gendarmerie de France.

 

A écouter les deux femmes, ce chiffre d’une femme tuée tous les trois jours reste stable depuis qu’il a été trouvé en 2006. Il y a 15 ans. Est-ce désespérant ? La colonelle Lejeune explique que, malgré tout, non. Car, depuis, des campagnes de prévention répétées rappellent et rendent public tel numéro d’urgence. Mais, aussi, que les services de police et de gendarmerie sont disponibles. Entre-temps, petit à petit le personnel masculin- féminin ?- des forces de police et de gendarmerie commence à être sensibilisé au sujet. Même si c’est toute la société qui doit l’être est-il rappelé dans le podcast.

 

En effet, le thème du podcast « Des femmes puissantes » reste un sujet animé par une femme- la journaliste Léa Salamé- là où il faudrait que l’on trouve plus souvent des hommes. Ceci reste une constante aussi lorsque l’on parle d’ouvrages littéraires ou autres écrits par des femmes où il est question d’abus ou de violences faites aux femmes par des hommes. Dans le magazine Télérama, par exemple, c’est une journaliste qui a parlé de l’ouvrage de Camille Kouchner qui relate un inceste dans sa famille. Inceste subi par son frère ou son cousin, donc un garçon. Sauf que c’est, elle, Camille Kouchner, une femme, qui raconte le vif de l’histoire. Comme si le sujet ne concernait ou ne pouvait concerner….que des femmes, journalistes, témoins ou victimes.

 

Cependant, un autre point continue de m’inquiéter concernant les violences d’une façon générale :

 

Vers la toute fin du podcast, Léa Salamé nous informe que depuis dix ans, les violences envers les forces de police et de gendarmerie ont augmenté de « 80% ». On remarquera au passage- même si cela ne change rien- que les termes “forces de police et de gendarmerie” sont des termes…féminins.

Léa Salamé interroge la colonelle Karine Lejeune sur ce chiffre de “80%”. A-t’elle une explication à ce sujet ? ( on aimerait tous que notre salaire, par exemple, ces dix dernières années, ait connu une telle augmentation, non ?). 

 

Un peu plus tôt, la colonelle avait condamné toute bavure émanant d’un représentant de la Loi, policier ou gendarme. Et, elle avait critiqué le fait que, trop souvent, le grand public amalgame le comportement de quelques policiers et de quelques gendarmes trop violents avec tout le corps de la gendarmerie et de la police. Par conséquent, la Colonelle Karine Lejeune est contre ce terme de « violences » ou de « bavures»  policières qu’elle trouve trop réducteur.

 

On peut la soupçonner un petit peu de démagogie ou de langue de bois dans un pays, où, lors de la remise de son César de meilleur Espoir masculin il y a quelques jours, Jean-Pascal Zadi, réalisateur et acteur dans son dernier film Tout simplement Noir) cite les affaires Adama Traoré et Michel Zecler dans son discours de remerciement. Pourtant, je crois encore, aussi, comme la Colonelle, que tout n’est pas noir dans la police comme dans la gendarmerie de France.

 

Ce qui m’a plus dérangé, par contre, c’est cette réponse de la colonelle Karine Lejeune, à propos de son explication de cette augmentation des faits de violence ( « 80% ») des citoyens envers les forces de police et de gendarmerie ces dix dernières années.

 

Aujourd’hui, la Colonelle Karine Lejeune incarne une certaine modernité dans la société française. C’est une femme hautement gradée au sein de la gendarmerie nationale, majoritairement composée d’hommes. Et, elle raconte une anecdote avantageuse pour elle à propos d’un de ses anciens supérieurs, le “général incongru”, concernant certains propos sexistes au cours de sa carrière.

 

  La Colonelle est aussi une femme « moderne »  dans sa propre vie personnelle : mariée et plusieurs fois mère de famille, c’est son mari qui a pris un congé parental  et mis en suspens sa carrière professionnelle. Mais elle peut aussi être un peu coquette lorsqu’elle est en service, loin de cette image de la gendarme « hommasse » a priori.

 

 Pourtant, cette femme « moderne » a alors deux réponses à mon sens totalement archaïques ou stéréotypées. Bien-sûr, personne n’est parfait, même moderne, mais quand même, ça dénote :

 

D’abord, comme d’autres avant elle, Madame la Colonelle déplore le fait qu’aujourd’hui, l’uniforme de la police et de la gendarmerie ne fait plus peur. Je tiens à préciser que je respecte l’uniforme de la police et de la gendarmerie ainsi que les personnes qui le portent.

 

Mais, ce que je trouve plus grave, dans les propos de Mme la Colonelle, c’est qu’elle ne s’explique pas ou ne comprend pas cette montée des faits de violence envers les représentants des forces de l’ordre en France ces dix dernières années.

 

Les causes de ces faits de violence sont bien-sûr multiples. Et je ne vais pas me prétendre spécialiste du sujet. Par contre, en témoignant de son ignorance à ce point, Mme la Colonelle rappelle tristement  ce fait :

 

Même en devenant pionnière dans un domaine, à mesure, en France, que l’on incorpore  une certaine élite, on s’éloigne de plus en plus d’un nombre grandissant de citoyens qui ,lui,  cumule les échecs et les exclusions de toutes sortes tandis qu’une minorité- qui vit dans un écosystème apparemment protégé dont la journaliste Léa Salamé fait aussi partie- s’accapare la  majorité des réussites, des privilèges comme des prestiges.

Cette minorité vit dans un vase clos. Et, plus les années passent, plus les ambitions de cette minorité tendent à rendre ce vase clos de plus en plus étanche. Même si certains ou plusieurs membres de cette minorité peuvent ensuite publiquement, gratuitement – ou sincèrement- trouver “glaçant” le récit du décès de la jeune Alisha. 

 

Cette cécité ou ce manque de conscience de Mme la Colonelle m’inquiète particulièrement du fait de son grade et de ses capacités en principe supérieures d’analyse, de jugement mais aussi de décision. Or, si elle n’est qu’un des rouages décisionnels et exécutifs en France, elle en est néanmoins l’un des plus puissants.

 

 

On pensera peut-être que tout cela n’a rien à voir avec la mort de la jeune Alisha. Que je mélange des sujets et des genres très différents. Ou que je fais passer la mort de celle-ci au second plan.

 

Je ne crois pas.

 

Je suis très touché par la mort de la jeune Alisha. Mon article n’est pas rédigé ici pour faire « genre », pour faire « joli » ou pour faire « style ». Par ailleurs, malgré le temps que j’ai passé à le rédiger, comme pour la plupart de mes articles, je sais qu’il sera, pour l’instant du moins, assez peu lu. Car, je fais aussi partie de la majorité des anonymes obéissants et dépourvus de charisme. Et, je fais assez peu d’efforts en matière de communication pour avoir plus de “retentissement” médiatique.

 

J’approuve cette « féminisation » de la gendarmerie et d’autres corps de métiers.

 

Par contre, je ne crois pas que la féminisation, à des postes clés de la société, ou dans le monde, va suffire à elle-même pour tout résoudre- mécaniquement- en termes de violences et d’espérance.

 

Je tiens à rappeler ceci :

 

La norme, chez l’être humain, que l’on soit un homme ou une femme, c’est l’extrême.

 

Et, il faut beaucoup de travail, beaucoup de patience et de diplomatie, beaucoup d’optimisme,  beaucoup de conscience sur soi et aussi à propos de son environnement et des autres, pour ne pas se laisser guider ou fasciner par notre goût immédiat et spontané ou par notre appétence pour l’extrême.

 

La jeune Alisha est morte à cause de cette norme.

 

 

 

Franck Unimon, ce dimanche 14 mars 2021.

 

 

 

 

 

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self-défense/ Arts Martiaux

Les Kage-Shihans : Les Maitres de l’ombre aux pratiques supérieures

Photo prise le 5 décembre 2020. Au bout, l’Opéra Garnier.

Les Kage-Shihans ou « Maîtres de l’ombre aux pratiques supérieures »

 

 

 

Tous ces Maitres……

 

 

En parcourant hier le numéro 4 de la revue Aikido Self & Dragon Special, je suis à nouveau tombé sur des Maitres d’Arts martiaux présentés dans des interviews. Ou nommés par les uns et les autres. Laurent Boucher, Daniel Blanchet, Ellis Amdur, Robert Paturel…

 

 

Ensuite, quand je l’ai pu, j’ai fait quelques recherches sur internet. J’ai lu quelques résumés ou des commentaires sur certains ouvrages. J’ai regardé un peu le site de Sensei Laurent Boucher qui a fondé son CDRAM (Centre de Développement et de Recherche sur les Arts Martiaux). Avant la lecture de son interview par Germain Chamot, fils de Sensei et Sensei lui-même, je crois, je ne connaissais pas Laurent Boucher. J’ignorais où se trouvait son CDRAM. Dans la Drôme.

 

Je vais me répéter : avec tous ces Maitres, je ne savais pas par lequel commencer. Même si j’ai débuté en rencontrant Sensei Jean-Pierre Vigneau Sensei Jean-Pierre Vignau : Un Monde à part à la fin de l’année dernière et qu’il est prévu que j’interviewe, dans quelques jours, Sensei Léo Tamaki ( L’Apparition). 

 

C’est en commençant à lire les liens sur son parcours que m’a adressé Léo Tamaki avant que je ne l’interviewe, que j’ai découvert, entre-autres, l’expression Kage-Shihan « Maitre de l’ombre aux pratiques supérieures ». Expression que Léo Tamaki, lui-même, a lue dans des écrits de Sensei Henry Plée. Maitre  d’Arts martiaux décédé en 2014, que je n’ai jamais rencontré mais dont je connaissais l’existence plusieurs années avant sa mort.

 

Kage-Shihan est une expression que j’aime beaucoup et je remercie déjà Léo Tamaki de me l’avoir indirectement transmise.

 

Il est bien d’autres Maitres d’Arts martiaux que je n’ai pas cités. Et, si je ne nomme que des hommes pour l’instant, j’espère bien, aussi, pouvoir citer des Senseï femmes dans cet univers où la gente masculine reste souvent surreprésentée que ce soit en Europe ou ailleurs. Peut-être, tout simplement parce qu’historiquement et sociologiquement, c’étaient plutôt les hommes qui partaient faire la guerre. Aujourd’hui encore, il  reste assez mal vu pour un homme de manquer de courage et de calme en certaines circonstances.

Photo prise ce vendredi 15 janvier 2021, près de la gare St Lazare.

 

Mais évitons tout malentendu : je tiens à croiser et à nommer des Sensei femmes non pour me mettre bien et me faire bien voir aujourd’hui où «  ça fait bien » d’être homme et de se dire féministe. Mais par strict intérêt personnel :

 

Par sa  pratique voire sa maitrise d’un Art Martial, une femme peut d’autant plus démontrer, même si je n’aime pas ces termes de « démontrer ou de faire ses preuves », comme celui-ci est « efficace » ou peut être « efficace ». Même si je n’aime pas ce terme « d’efficacité » non plus.

 

Enfin, à titre encore plus personnel, j’aspire aussi à rencontrer des Sensei femmes dans les Arts martiaux parce-que, idéalement, l’enfant que je suis resté aurait souhaité que sa mère, celle qui m’a enfanté et éduqué, ait cette faculté martiale. Ma mère a beaucoup de vertus et je lui dois la vie- et le peu que j’ai de raison- de bien des façons. Mais elle a, à mon avis, très peu d’aptitudes martiales. Sa constante anxiété de mère et de personne  explique peut-être sa piété ardente ainsi que toutes les piétés du monde tant modérées qu’extrêmes. Elle a su et pu trouver néanmoins une certaine protection en la personne de mon père. Sauf que celui-ci vit sous la tutelle d’une certaine violence mais aussi d’une autre force d’anxiété, toutes deux ventriloques, dont semble bannie l’amnistie et où perdurent déni et amnésie. 

Mon père a évidemment également ses vertus. Sans doute qu’une d’entre-elle est de m’avoir appris que toute vertu a un prix. Si j’écris aujourd’hui avec une relative aisance, originalité incluse, comme avec une certaine discipline, c’est sans nul doute en partie grâce à lui.  

J’ai été le fidèle enfant aîné des mes parents pendant des années. Cette folie et cette névrose familiale, héritée et transmise depuis plusieurs générations, a souvent servi de magnésie à mes mains alors que j’escaladais la vie. Et, je suis aujourd’hui père. Donc, j’ai plutôt intérêt à bien assurer mes prises dans ce que je transmets à ma fille.

 

 Idéalement, j’aimerais transmettre ça :

 

La Maitrise de soi, le discernement, la combattivité, des capacités d’adaptation à son environnement proche et lointain, l’optimisme, la persévérance, le relâchement….

 

Je crois que ce sont quelques  unes des aptitudes que la pratique d’un art martial ou de plusieurs arts martiaux permet de découvrir et de développer en soi.

 

 

Mais je ne parle ici, et pour l’instant, « que » des Maitres d’Arts martiaux. Il est aussi bien d’autres Maitres dans d’autres domaines qui sont selon moi à peu près équivalents quand il s’agit de bien vivre. En dehors d’une guerre,  d’une famine, d’une émeute ou d’un champ de bataille.

 

Pour moi, les humoristes sont aussi des Maitres. Ou en voie de l’être ou de le devenir. Je n’ai pas encore parlé du spectacle de l’humoriste Haroun  passé à Argenteuil il y a quelques mois. Avant notre confinement partiel actuel.

 

J’ai beaucoup aimé lire, aussi, récemment, l’interview d’Alex Lutz dans l’hebdomadaire Télérama. Un artiste dont tout ce que j’ai pu voir ou entrevoir, jusqu’à maintenant, m’a épaté ou beaucoup plu.

Je me sens aussi très proche de l’univers de l’humoriste Blanche Gardin. Même si je suis régulièrement inquiet pour  elle lorsque je la « vois » sur scène. Je lui trouve une sensibilité un peu trop proche de celle de la chanteuse décédée Amy Winehouse. Lorsque j’avais regardé le documentaire que lui a consacré le réalisateur  Asif Kapadia, en voyant Amy Winehouse, en concert, je m’étais dit que j’aurais été très embarrassé par son mal-être si j’avais été présent dans la salle. Je crois que j’aurais été incapable d’apprécier sa performance artistique. Mes ouïes et mon cerveau se seraient faits emporter par les cataractes de sa souffrance évidente pour ne pas dire protubérante. Blanche Gardin, qui a déjà vécu plus longtemps que Winehouse, oscille à mes yeux entre l’abysse intime et l’autodérision grand public. Mais, pour l’instant, elle me fait beaucoup plus rire qu’Amy Winehouse.

 

 

Il y a beaucoup d’autres Maitres et Maitresses en termes d’humour. Et, là aussi, je ne sais pas toujours par où commencer tant il y en a en France et ailleurs.

 

Cependant, il y a aussi les conteurs. Que l’on parle  du Malien Amadou Hampâté Bâ ou du Breton Per  Jakez Hélias. Je parle ici de conteurs et d’écrivains décédés mais il y en aussi des vivants.

Il y a par exemple les écrivains Alain Mabanckou, Dany Laferrière (auteur entre-autres, non pas de Comment faire l’amour avec un nègre sans se suicider mais bien de Comment faire l’amour avec un nègre sans se fatiguer ).  On peut lire ici mon avis sur un des livres de Laferrière ( Dany Laferrière-Tout bouge autour de moi )

Beaucoup d’autres écrivains ou auteurs sont aussi des Maitres.

 

Hier soir, j’ai lu quelques lignes du dernier ouvrage La Sardine et le Diamant ( de l’utilité de l’ordre et du désordre » de la scientifique Catherine Bréchignac. Je ne la connaissais pas. J’ai été époustouflé. Et, je me suis dit que son livre serait peut-être le prochain que j’achèterais.  Voici un extrait de son livre :

 

« (….) Fasciné par la beauté de l’ordre, l’homme le traque et découvre qu’il est pluriel : il est statique, dynamique, local ou s’étend à perte de vue (…..). Ce livre raconte l’attrait qu’exerce l’ordre sur l’homme, la recherche de la raison d’être de la répétition de l’organisation (….). L’ordre se dévoile dans la nature. Il est perçu à la faveur d’un vol d’oiseaux migrateurs (….). Il suffit alors d’une perturbation locale de direction, provoquée par un très petit nombre, pour entraîner l’ensemble dans un mouvement collectif aux morphologies changeantes (….). L’ordre peut aussi être dynamique. Ainsi, les planètes ne gravitent pas en désordre autour du soleil (….). L’être vivant, qui ne semble pourtant pas être le propre de l’ordre mais plutôt son contraire, est issu de l’ordonnancement des quatre bases moléculaires qui composent l’ADN de ses parents. L’expression tu es «  la chair de ma chair », « le sang de mon sang » n’est en fait que :

« tu es l’ordre de mon ordre ».

 

 

Pour moi, parmi les participants actuels de la course en solitaire en bateau du Vendée Globe, il y ‘a des Maitres de l’ombre. Y compris au sein de ceux qui ont dû abandonner.

 

 

En musique, c’est pareil, il y a plein de Maitres qui peuvent nous correspondre et nous atteindre. Qu’ils soient Morts ou vivants. Assez « âgés » ou jeunes. Peu importe leur genre musical ou leur origine ethnique ou culturelle. Spontanément, je pense à Miles Davis et à Jacques Pellen car je tiens ici à les citer. Mais tout le monde a son panthéon de chanteurs et de musiciens qui l’entretient et l’entraîne dans la vie.  

Photo prise ce vendredi 15 janvier 2021, après avoir effectué mes démarches administratives pour mon nouvel emploi.

 

Il y a plein de Maitres (femmes et hommes) partout et dans les univers les plus divers. Mais il s’agit de les trouver. Il s’agit de les « voir ». Il s’agit d’aller vers eux car ils ne sautent pas aux yeux. Il est plutôt rare que ce soit leurs œuvres ou leurs actions dont on voit le plus la pub ou la promotion dans les gares, dans les rues, sur les réseaux sociaux ou sur internet. C’est en cela que je vois aussi ces Maitres qui ne relèvent pas d’un Art martial comme des sortes de Kage-Shihan.

 

Pourtant, je crois que ce sont tous ces Kage-shihans (martiaux et non-martiaux) qui peuvent davantage nous rassurer et continuer de nous éduquer en notre époque anxiogène.

 

Même si chaque époque connait ses vibratos anxiogènes.

 

Ce qui est souvent le plus accessible, immédiatement,  à gros tirages et à gros débits, c’est rarement l’exemple ou la présence d’un Maitre (femme ou homme) qui apaise, encourage et nuance malgré des peurs et des menaces réelles et supposées.

 

Photo prise ce vendredi 15 janvier 2021.

 

Ce qui nous saute régulièrement au visage et à la tête, de façon massive, c’est la poudre aux yeux. Le shoot d’adrénaline. Une certaine facilité. Et on finit par se laisser prendre en main plus ou moins. Par se laisser guider puisque tout est organisé et que l’on est dans une certaine norme ainsi qu’une certaine forme de présent et d’avenir commun avec d’autres.  C’est mieux que rien. Et, puis, ça nous fait vibrer, bouger, et ressentir quelque chose. Ça nous change les idées, et c’est vrai.

 

C’est  pareil pour le chef-d’œuvre au cinéma. Il est souvent plus rare,  plus confidentiel et plus tardif que le « blockbuster » qui fait rapidement un « carton », dont tout le monde va parler, qui écrase d’autres films et les  empêche d’exister comme d’être découverts.

 

La peur et l’anxiété générales, lorsqu’elles s’imposent et remplissent tous les murs de nos pensées font le même effet que plusieurs blockbusters. Plus rien d’autre ne semble exister. Plus rien d’autre ne semble pouvoir exister. Plus rien d’autre ne semble devoir exister. Hé bien, si ! Il existe des Maitres de l’ombre, un peu partout autour de soi, comme en soi-même, qui permettent d’éviter de se faire annihiler ou mettre en boite ou en bière comme à l’intérieur d’une boite de conserve (ou d’un cercueil) par une peur et  une anxiété  permanentes et indélébiles. Et, il s’agit de savoir aussi les débusquer, ces Maitres de l’ombre. Il s’agit aussi de les solliciter. De rechercher, de préférer mais aussi d’exiger leurs enseignements et leur présence.

 

Au lieu de se contenter d’attendre que le bonheur – ou le suicide- nous soit livré.

 

Franck Unimon, ce vendredi 15 janvier 2021.