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Arts Martiaux : un article inspiré par Maitre Jean-Pierre Vignau

Jean-Pierre Vignau, chez lui, ce samedi 21 novembre 2020.

 

           Arts Martiaux : un article inspiré par Maitre  Jean-Pierre Vignau

 

L’inconnu :

 

 Jean-Pierre Vignau, pratiquant d’Arts Martiaux au moins depuis 1958, Maitre (ou Sensei) depuis plusieurs décennies  m’était inconnu il y a encore sept mois. Son école d’Arts Martiaux, le Fair Play Sport, se trouve dans le 20 ème arrondissement de Paris.

Sur cette photo ci-dessus que j’ai prise chez lui ce samedi après-midi, Jean-Pierre Vignau a l’allure d’un gentil papy tranquille. Cela s’explique par le sens de l’accueil avec lequel sa femme Tina et lui m’ont reçu. Et, avant ça, cela s’explique aussi par le fait que lorsque cette photo a été prise, nous en étions à la fin de notre rencontre. D’abord, je suis convaincu qu’avant même que je ne me déplace pour venir chez lui, qu’il savait déja que je n’étais pas un ennemi. Je crois que certaines personnes savent « lire » ou percevoir les réelles intentions de celles et ceux qui les entourent et les sollicitent.

 

Il est quantité de gens qui se pensent doués et perspicaces lorsqu’il s’agit de décoder ou de jauger les autres et qui s’illusionnent. Je ne mettrais Jean-Pierre ni dans cette catégorie de personnes et encore moins dans cette illusion. Pourtant, j’étais détendu en sa présence. Et,  je me suis rendu chez lui et sa femme en toute confiance. L’arme posée sur la table à côté de lui n’est pas un objet de décoration que Jean-Pierre aurait achetée dans une brocante pour se faire plaisir. Pas plus qu’elle n’est là pour ouvrir le courrier des factures d’électricité ou afin d’éplucher les pommes de terre pour faire des frites. Jean-Pierre est allé la chercher pour m’illustrer le mot d’une arme que je ne connaissais pas. Pour avoir un peu eu cette arme dans la main, je peux certifier qu’elle pèse son poids. Ce n’est pas du liège. Ni un jouet en aluminium. 

Jean-Pierre Vignau est «  9ème Dan I.B.A Hanshi ». Je l’écris parce-que j’ai l’information sous les yeux lors de la rédaction de cet article. Car le grade du Maitre a une importance formelle et est aussi un gage de légitimité officielle. L’équivalent d’un « diplôme » reconnu. Même si un grade, ou un Dan, est sûrement plus qu’un diplôme. Ce n’est pas son nombre de Dan, pourtant, qui m’a donné envie d’aller vers Jean-Pierre Vignau.

 

Son interview par Léo Tamaki – dans le numéro 7 du magazine Self & Dragon– m’a appris son existence.

Malgré la petite faute de frappe sur le nom, il s’agit bien du même homme que celui que j’ai pris en photo. Sauf qu’il est là en pleine démonstration.

 

Avant notre premier confinement, en février, j’avais eu la possibilité de découvrir un cours de Self-Défense dispensé par Sifu Roger Itier, que je rencontrais pour la première fois. La seule fois à ce jour. Mais quelques semaines après cet essai, qui m’avait plu, une certaine douleur persistante m’avait obligé à me rendre à cette  évidence : Je m’étais blessé et j’allais devoir en passer par un kiné. Puis, le premier confinement dû à la pandémie du Covid-19, ses fermetures, ses peurs et ses inconnues,  était arrivé mi-Mars.

 

Par chance, près de mon travail, se trouve un centre de presse resté ouvert pendant le confinement. Centre où j’ai pris l’habitude de me procurer des journaux relatifs aux actualités. Et où, en prenant le temps de passer dans les rayons, j’ai aperçu les magazines Yashima, Self & Dragon, Taichi Chuan mais aussi Self & Dragon Special Aikido.Inspiré par un certain besoin d’Arts Martiaux, j’ai commencé à acheter régulièrement leurs numéros.

 

J’avais entendu parler de Roger Itier, Maitre en Arts Martiaux chinois, en suivant deux ou trois ans plus tôt une formation Massage bien-être au centre Tao situé dans le 19ème arrondissement. Formation que j’ai « terminée » à ce jour. Lors de cette formation, de façon plus ou moins intuitive, influencé sans doute par mes précédentes expériences  sportives, erreurs incluses, j’avais commencé à percevoir l’importance du souffle. On nous avait sensibilisé à l’importance de nos gestes, de notre rythme, de notre présence, mais aussi du placement comme du balancement de notre corps dans l’espace par rapport à l’autre. Afin d’éviter de nous épuiser le moins possible. Mais aussi, afin de ne pas nous faire du mal à nous-mêmes. La personne qui pratique le massage pour le bien-être d’autrui est aussi supposée faire attention à sa personne lorsqu’elle pratique.  Je crois que l’on peut retrouver ça dans un Art Martial.

 

Pendant cette formation massage bien-être, j’avais été étonné de finir par comprendre que dans bien des pratiques sportives, et depuis des années, ne serait-ce que pour faire de simples étirements, peu d’attention était apportée à notre respiration. A travers le sport, trop de fois, notre rapport au corps est un rapport raide, brutal et mécanique. Machinal. Il est plus que courant de voir des sportives et des sportifs tirer sur des extrémités de leur corps sans y penser et sans tenir compte de leur respiration après ou avant une séance d’entraînement. On leur a dit ou ils ont appris qu’il faut faire ça, alors, elles et ils font ça. J’ai fait partie de cette population. Et j’en fais sûrement encore partie.

J’ai pris du temps pour m’apercevoir que la plus grande partie des étirements que nous « faisons » découle souvent de postures de yoga où savoir bien respirer est indispensable.

 

Si ce comportement que nous avons adopté envers notre corps et notre respiration a d’abord des incidences telles que des blessures diverses – physiques et morales-  par entêtement, négligence, imprudence ou ignorance, ce comportement a aussi des retombées sur nos rapports avec les autres comme avec le monde. Mais j’écris ça maintenant. Je n’ai pas raconté tout ce bla-bla à Roger Itier ce jour où je l’avais rencontré. Lui, il savait déjà tout ça largement.

 

J’ai fait mon essai. A la fin du cours, je me suis rhabillé après avoir pris le temps de me doucher et de discuter. Je me suis ensuite aperçu que je m’étais blessé. Le confinement est arrivé. Et, là, j’ai fait comme tout le monde. A ceci près que j’ai fait partie de celles et ceux qui ont continué de se rendre à leur travail comme si «  de rien n’était » pendant la première vague du Covid. Puisque ma profession de soignant fait partie des professions en activité tous les jours de l’année et sur toutes les « branches » horaires de jour comme de nuit. Et, durant le premier confinement, donc, après mes nuits de travail, le centre de presse a en quelque sorte remplacé la médiathèque de ma ville.

 

 

Dans le Self & Dragon numéro 7,  Léo Tamaki m’avait permis de découvrir Jean-Pierre Vignau. Léo Tamaki, aussi, m’était inconnu. Aujourd’hui, je peux écrire son prénom et son nom de tête car je me suis désormais un peu mieux familiarisé avec eux. Je « sais » que Léo Tamaki est un Maitre d’Aïkido, qu’il a été un élève de Jean-Pierre Vignau,  qu’il travaille, aussi,  en tant que journaliste, pour le magazine Yashima. Qu’il tient un blog. Qu’il a créé son école d’Aïkido, Kinshikaï. Et que plus de deux cents jours par an, de par le monde, il dispense des cours d’Aïkido.

 

Mais soyons- à peu près- concis :  

 

A mesure que je parcourais ces divers magazines traitant des arts martiaux asiatiques,   j’apprenais l’existence d’un certain nombre de Maitres d’Arts Martiaux semblant, d’un seul coup, sortir d’une même boite tels ces automates meurtriers d’allure enfantine dans l’adaptation cinématographique de l’œuvre de Philippe K.Dick : Planète Hurlante.

 

 

 

Sauf que ces Maitres d’Arts martiaux ne criaient pas sur le papier. C’était principalement des hommes. Asiatiques ou occidentaux. La plupart avaient à leur actif vingt à trente années, en moyenne, de pratique cumulée dans différentes disciplines martiales.  Plusieurs de ces pratiquants étaient des Maitres enseignant depuis plusieurs décennies.  Jean-Pierre Vignau fait partie de ces « derniers ».

Un certain nombre de ces Maitres étaient passés ou enseignaient dans des villes, Paris et des villes de la banlieue parisienne par exemple, où je ne comptais plus mes allées et venues. Et, moi, « amateur » d’Arts Martiaux depuis des années, plutôt sportif, à peu près ouvert et curieux, attaché à une certaine polyvalence, j’étais passé à côté.

 

C’était à se demander où j’avais vécu, par quelles vitrines je m’étais laissé happer et, aussi, qui j’avais rencontré pendant toutes ces années.  

 

Je sais avoir fait et continué de faire des rencontres importantes en dehors des Arts Martiaux.

 

Pourtant, plusieurs fois, en lisant Yashima, Self & Dragon, Self & Dragon spécial Aïkido, Taï Chi Chuan ou Taï Chi Mag, j’ai eu le sentiment d’avoir raté une partie de ma vie.  En « occultant » tous ces Maitres et tous ces enseignements dont j’entrevoyais les traits -au travers de persiennes – dans ces articles que je lisais.

 

Si tout dans la vie peut être Art Martial et que la pratique d’un Art Martial ne se résume par à la satisfaction ressentie dans un dojo ou sur un tatamis, il y a quand même, pour moi, un sentiment de gâchis, dans le fait d’avoir ignoré des personnes (Maitres, pratiquantes et pratiquants d’Arts Martiaux) pendant tant d’années.

 

 

 

Aujourd’hui, si je cite Conor McGregor, vedette du MMA présenté par Google comme un « pratiquant d’Art Martial » ou Aya Nakamura, il y a des chances pour qu’une certaine partie de la jeunesse masculine et féminine de France sache de qui je parle. Il y a une vingtaine d’années, les « équivalents » de Conor McGregor avaient aussi une certaine notoriété. Les Gracie, Fédor Emelianenko, Bertrand Amoussou, Jérome Le Banner, Gilles Arsène, Andy Hug et d’autres concernant le MMA et l’UFC.  Et, n’oublions pas dans le registre de la boxe, Mike Tyson. Je les « connaissais » eux et d’autres : j’avais vu des vidéos ou lu à leur propos.

 

Photo prise à la gare de Paris St Lazare, ce 25 novembre 2020.

 

Si je cite Aya Nakamura, plus chanteuse de son état que combattante de MMA, même si l’on peut comparer son succès médiatique et ses punchlines  à ceux de certaines vedettes de MMA, c’est parce-que, comme Conor McGregor, ses vidéos sur Youtube ou sur les réseaux sociaux totalisent généralement beaucoup plus de vues, et de loin, que les vidéos montrant Jean-Pierre Vignau ou d’autres Maitres d’Arts Martiaux en démonstration sur youtube.

 

C’est un peu l’histoire du Blues ou du Jazz, ou d’une « quelconque » musique ou œuvre artistique, par exemple, qui se répète. Aujourd’hui, des grandes vedettes de Rock, de Pop ou de Rap doivent beaucoup à leurs aînés du Blues ou du Jazz. Pourtant, ce sont les vedettes de Rock de Pop ou de Rap dont on connaît le plus les œuvres, les spectacles, l’image ou le succès. Et ce sont leurs concerts qui affichent complet dans des salles gigantesques dont le prix d’accès peut être excessif tandis que les plus « anciens » et les moins « people » jouent dans des salles plus modestes pour des sommes pouvant être deux à trois fois moins élevées. Aujourd’hui, la pandémie du Covid, sorte d’ogre sanitaire qui annihile et dévore nos volontés, empêche les concerts. Mais lorsqu’il se sera un peu éloigné,  de même que la menace terroriste, on peut s’attendre à ce que, pour compenser, beaucoup d’entre nous aurons besoin de se distraire dans toutes formes de réjouissances et de festivités immédiates et extérieures. Dont des concerts et des festivals.  

 

J’aime écouter la musique d’Aya Nakamura comme il m’est arrivé de regarder des combats de Conor McGregor et d’autres combattants ou d’aller à des concerts et des festivals. Je m’étonne simplement d’avoir pu être en partie captivé par une certaine partie du « spectre » des possibilités qui nous est offert en permanence sur internet ou ailleurs. Au détriment des Arts Martiaux par exemple. Parce-que, je me crois et me croyais assez ouvert.

 

C’est ouvert :

 

 J’avais entendu parler de Maitre Henry Plée de son vivant (celui-ci est décédé en 2014 à l’âge de 91 ans).  J’ai pratiqué un peu de judo. J’ai lu, il y a une vingtaine d’années, La Pierre et le Sabre d’ Eiji Yoshikawa, roman inspiré de la vie de Miyamoto Musashi. Une fois, dans ma vie, grâce à une amie, je suis allé au Japon. C’était en 1999, l’année de la sortie du film Matrix des frères Wachowski, avant qu’ils ne deviennent deux femmes, film que j’avais tenu à aller revoir au Japon dans une salle de cinéma. Avec cette amie, j’étais allé assister à un tournoi de Sumo à Tokyo.

 

Comme nous le savons, nous disposons aujourd’hui d’un très grand accès- quasiment illimité- à l’information et aux connaissances.

Mais tout dépend de ce que nous cherchons.  Et comment nous le cherchons. Nous disposons de plus en plus facilement « d’armes » de plus en plus puissantes. Mais nous régressons peut-être de plus en plus concernant la Maitrise de nos émotions, de nos jugements comme de nos actions. Nous manquons peut-être, de plus en plus, d’éducation. Me concernant, par exemple, il est évident que si, aujourd’hui, je retournais au Japon, que j’irais y chercher autre chose qu’il y a une vingtaine d’années. Et ce serait sans doute pareil pour les autres destinations où je me suis déjà rendu de par le passé.

 

Mais si nous sommes de plus en plus agressifs envers les autres et envers nous-mêmes, c’est sans doute, aussi, parce-que, dans le fond, malgré les  « progrès »,  notre sentiment d’insécurité personnel a  également augmenté.

 

 

Ma rencontre ce week-end avec Jean-Pierre Vignau est peut-être une tentative de début de réponse à cette question :

 

Qu’est-ce qu’un Maitre ?

 

 

Qu’est-ce que l’on recherche chez lui ?

 

Est-ce celle ou celui auquel on se soumet parfois ou souvent aveuglement, jusqu’à l’étranglement, en l’échange d’un peu de (sa) protection ?  

 

Est-ce celle ou celui qui nous permet de devenir résistants et autonomes quelles que soient les difficultés ou les handicaps que nous rencontrerons dans la vie ?

 

Pour certains, Le Maitre est celui qui vous forme, qui vous délivre un permis de tuer et d’intimider qui sera le moyen de devenir célèbre en même temps que meurtrier et terroriste.  Ou mercenaire. Je ne recherche pas ce genre de Maitre. J’ai « lu » cependant que Jean-Pierre Vignau avait été un temps, mercenaire.

 

Pour d’autres, le Maitre ou la Maitresse est celle ou celui qui vous isole et vous protège du Monde comme de tous ses dangers et de ses perversités et vous «  aide ( ?!!) » à vous en « purifier » en vous séparant de toutes vos possessions matérielles, spirituelles mais aussi de vos vies relationnelles acquises dans notre Monde « malsain ». Ce n’est pas pour moi.

Pour d’autres, le Maitre ou la Maitresse est celle ou celui qui vous promettra un Etat militaire et policier. La paix dans les rues. La torture et la censure derrière les murs. Je ne veux pas de ce genre de Maitre, non plus.

 

Il est aussi des Maitres et des Maitresses qui acquièrent une très forte position sociale et économique qui se mesure aussi à l’étendue des possessions matérielles. Disposer d’une voiture luxueuse, d’un château ou d’une villa à montrer ne m’a pas conquis. Cette « absence » d’ambition, dans un monde où avoir des « relations »  peut être bien plus avantageux que les compétences et la bonne volonté m’a sûrement desservi. Mais cela n’empêche pas d’apprendre et de s’en tenir à certaines priorités :  

 

On ne « voit » pas un Maitre ou une Maitresse dans une vidéo, sur un site ou dans un article. On les rencontre. Au même titre que si l’on se contente de voir sa vie plutôt que de l’expérimenter, on se contente alors de l’envisager. Tel le fumeur de shit devant son joint,  le buveur devant son verre, l’escroc devant sa combine,  le tueur devant son arme, l’agresseur devant sa victime.

 

L’exigence vis-à-vis de soi même :

 

Si je suis exigeant envers moi-même, Jean-Pierre Vignau l’est sans doute encore beaucoup plus envers lui-même. Et depuis bien plus longtemps que moi.

 

C’est sans doute, pour moi, une des différences nécessaires entre un Maitre et un élève. Et c’est parce-que cette différence se perçoit concrètement que se créent l’autorité, la légitimité et l’écoute du Maitre.

 

Si certaines valeurs aujourd’hui se « perdent » ou semblent se perdre, c’est peut-être, aussi,  parce qu’elles sont d’un côté réservées, telles des places de parking, à quelques titulaires avant même leur naissance. Tandis que ces mêmes valeurs continuent d’être livrées telles des jolies phrases ou des emballages sous vide à d’autres qui doivent se contenter de parpaings pour sommiers lorsqu’ils s’endorment le soir. Après que ces derniers se soient faits « arnaquer » un certain nombre de fois, certains d’entre eux finissent par se méfier de tout y compris des meilleures volontés qu’ils rencontrent peut-être trop tard.

 

Il y a aussi des histoires de « clan » peut-être de plus en plus ancrées. Des histoires et des croyances héréditaires qui guident, qui brident, et qui nous disent que lorsque l’on fait partie d’un clan, d’un quartier ou d’une famille, qu’il est impossible de faire partie d’un autre ou de plusieurs autres. Mais il y a peut-être aussi cette revendication identitaire jusque-boutiste et suicidaire  qui consiste à vouloir absolument retrouver ailleurs ce que l’on vit et pense tous les jours chez soi. Même si on y tourne en rond et que cela nous détruit, nous et notre entourage.

 

On choisit de rencontrer une Maitresse ou un Maitre plutôt qu’un (e ) autre selon là où on est. Parce qu’elle ou lui nous semble la personne la plus crédible mais aussi la plus accessible et la mieux disponible pour nous aider à nous éloigner ou nous sortir de certaines impasses.

 

Une Maitresse ou un Maitre est une personne exigeante. Lorsque l’on se présente devant elle ou lui, nous venons avec nos aptitudes, notre potentiel mais, aussi, avec certaines  attitudes et ignorances qui nous maintiennent dans une certaine incomplétude. Nos ambitions et la façon que nous avons de nous percevoir font aussi partie de nos habitudes et de nos ignorances.

 

L’exigence, l’exemple, autant que l’empathie, la persévérance, l’optimisme mais, aussi, l’autocritique font, selon moi, partie de la panoplie du Maitre. Même si, bien-sûr, toute Maitresse et tout Maitre est aussi un être humain avec ses faiblesses. Et que si certains Maitres ont plus de réussite avec certains élèves, certains élèves ont aussi plus de réussite avec certains Maitres.

 

Dans son interview, lors de notre rencontre,  Jean-Pierre Vignau le dit :

 

« Mon but, c’est de décourager… ». Et, il explique que, pendant les trois premières années de pratique, il s’emploie à décourager l’élève. Cela a de quoi intimider. Trois ans, dans notre vie où beaucoup doit être obtenu rapidement ou aller vite, c’est très long.

 

J’ai connu un kiné sportif, il y a plusieurs années, qui m’avait presque tenu les mêmes propos que Jean-Pierre Vignau. Il m’avait expliqué que lorsqu’un sportif venait le voir pour une rééducation, il le mettait « minable ! » pendant les séances. Mais qu’en contrepartie, celui-ci se remettait sur pied. Dans d’autres expériences, on peut retrouver ce genre d’exigence. On peut bien-sûr penser à l’armée. Mais aussi à une école prestigieuse réservée à une élite. Pour moi, une élite, cela peut être aussi bien une très bonne école de menuiserie, de pâtisserie, de boulangerie, de mécanique ou de cuisine. Pas uniquement une école d’intellos. L’intellect, le fait d’avoir une certaine aisance pour le verbe, la culture, les concepts et la théorie,  même si j’y souscris, cela ne fait pas tout.

 

On peut s’inscrire dans un club d’art martial sans faire partie d’une élite. On peut être un modèle sans être un intello.

 

Dans son livre, paru en 2016, La Fabrique du Monstre, (10 ans d’immersion dans les quartiers nord de Marseille, parmi les plus inégalitaires de France) que je suis en train de lire, le journaliste Philippe Pujol nous explique que certains- une minorité- sont prêts à vendre du shit, à faire des braquages mais aussi à tuer pour… « réussir » à exister socialement de façon expresse. Rapidement. Même si leur vie et celle des autres autour d’eux doit être courte.

 

Jean-Pierre Vignau, pour exigeant qu’il soit, est le contraire d’un Monstre. Dans l’interview que je fais de lui, on pourra ainsi entendre, à un moment donné, le  peu d’estime qu’il peut se porter.

 

« Analphabète jusqu’à ses 28 ans », il fait partie de celles et ceux qui ont beaucoup vécu, beaucoup vu et entendu, qui continuent de pratiquer et qui, selon moi, sont un exemple. D’abord, parce qu’ils sont toujours vivants. Ensuite, parce-que, si l’on vient les rencontrer avec les « bonnes » intentions, simplicité et honnêteté, je crois que ces gens-là, nous recevrons bien et ne nous raconterons pas de bobards. Même si, et c’est normal, ils garderont leurs secrets. Car Les secrets s’éliminent à mesure que l’on fait ses preuves. Or, on peut mourir sans jamais faire ses preuves. Comme on peut passer à côté d’elles toute notre vie durant.

 

Construire sa légende

 

Le numéro de téléphone portable de Jean-Pierre était noté en bas de l’annonce pour son club, Fair Play– dans le 20ème arrondissement de Paris- à la fin du magazine Self-Défense. Je crois être passé devant son club l’année dernière en me rendant pour la première fois chez un ami. Je vérifierai.

 

Lorsque la semaine dernière,  j’ai composé le numéro de téléphone de Jean-Pierre la première fois, je pensais tomber sur un répondeur. J’ai eu Jean-Pierre directement. J’avais lu qu’il dédicaçait son dernier ouvrage, Construire sa Légende, paru en 2020.

 

C’était il y a plus d’un mois. Je me rappelle que dans le magazine Self & Dragon, Vignau répondait à un moment donné à Léo Tamaki :

 

« Moi, pour certaines personnes qui pratiquent le Karaté, je fais partie des malades mentaux. Je pratique et j’enseigne des techniques qui se rapprochent de la réalité, mais en les dosant évidemment». (page 28 de Self & Dragon numéro 7). Ce genre de propos ainsi que le reste m’ont sans doute parlé.

 

Lorsque je l’ai appelé, j’en étais à l’étape où je cherchais la rencontre. Après être resté des années sous cloche en quelque sorte. La rencontre des Maitres. Mais aussi celle de la vie loin du Covid et du second confinement que nous «connaissons ». Ou que nous apprenons à connaître :

 

Au nom du Covid, nous acceptons un certain mode de vie que nous aurions refusé il y a encore quelques mois. Cette semaine, en partant chercher ma fille au centre de loisirs, j’ai croisé la mère d’un de ses copains. Celle-ci, comme nous, quittait le centre de loisirs avec son fils et sa fille. Une fois en dehors du centre de loisirs, cette mère, infirmière comme moi (elle, en soins somatiques, moi en pédopsychiatrie) avait très vite retiré son masque et l’avait fait enlever à ses enfants. Elle m’avait expliqué :

 

« Dès que je peux, je leur fais retirer leur masque ! ». A côté d’elle, moi, qui, il y a encore un mois, acceptais tranquillement de sortir avec ma fille sans que celle-ci porte un masque anti-covid, jusqu’à ce que l’école et le centre de loisirs rendent son port obligatoire, j’ai confessé, plutôt penaud :

 

« Moi, je ne sais plus ce qu’il faut faire… ». J’approuvais totalement la réaction de cette mère et « collègue ». Mais je considérais aussi que cela ne pouvait pas faire de « mal » à ma fille- vu qu’elle entendait parler du Covid depuis des mois- de garder son masque jusqu’à la maison. Sauf qu’imposer le masque sur le visage à nos enfants lorsque cela est injustifié, c’est comme leur poser sur le visage l’équivalent d’une muselière. Et, déjà, d’une certaine façon, dès leur plus jeune âge et avec notre complicité, c’est leur apprendre à être dociles voire imbéciles. Ou à devenir, plus tard, des enragés.

 

Me refuser à ma part imbécile

 

Lorsque Jean-Pierre Vignau m’a proposé de venir chez lui pour lui acheter son livre au lieu de le commander sur internet, j’ai aussitôt accepté.  Cela signifiait sans doute aussi pour moi que je pouvais, encore, jusqu’à un certain point, me refuser à ma part imbécile.

Je m’en serais voulu si j’avais refusé ou si j’avais préféré commander son livre comme une pizza  sur internet.

 

J’étais serein en prenant la route. Ma compagne était à la maison avec notre fille. Je n’avais pas à penser à l’heure du retour pour aller chercher notre fille à la sortie de l’école ou du centre.

 

A mon arrivée, je me suis garé devant le domicile d’un des voisins de Jean-Pierre.

Jean-Pierre m’a proposé de me garer dans l’enceinte de son parking extérieur. Il m’a guidé alors que j’effectuais ma marche arrière. En sortant de ma voiture, j’avais mis mon masque anti-Covid. Lui, m’a d’emblée reçu à visage découvert. Sa femme Tina, aussi. Lorsque j’ai abordé le sujet du masque avec Jean-Pierre, celui-ci m’a rapidement fait comprendre que je pouvais enlever le mien.

 

En me tenant à distance bien-sûr, j’ai donc enlevé mon masque. C’est de cette façon que la rencontre s’est faite. Si je crois bien-sûr que l’on peut se dire beaucoup avec nos yeux, il était pour moi inconcevable de garder mon masque, donc de cacher mon visage, alors que Jean-Pierre et Tina, qui me voyaient pour la première fois, et étaient sans masque, m’admettaient chez eux.

 

 Cette interview, samedi après-midi, était informelle. Quelque peu improvisée. Si, officiellement, je venais acheter le dernier livre de Jean-Pierre, c’est une fois sur place que je lui ai demandé si je pouvais filmer pour mon blog. Bien-sûr, dès qu’il m’a proposé de venir chez lui, je me suis dit que je me devais de l’interviewer.

 

Jean-Pierre en a parlé à son épouse. J’ai obtenu leur accord. Jean-Pierre était déjà assis. J’ai posé mon caméscope de poche, l’ai allumé et l’ai laissé filmer comme ça venait. Tant qu’il pouvait.  J’ai effectué deux incises dans le montage. Mes remarques auraient pu être mieux préparées et l’on m’entend moyennement lorsque je parle. J’aurais préféré, idéalement, avoir une meilleure élocution, moins bafouiller. En somme, lorsque je regarde et écoute ces images, j’aurais aimé mieux faire l’acteur et le comédien.  Maquiller mes interventions afin que ça passe « mieux » comme dans un clip d’Aya Nakamura ou lors d’une provocation de Conor McGregor sans doute. Mais je n’étais pas venu pour fabriquer mon rôle ou pour tourner mon clip. Et,  on entend très bien les réponses, fournies, de Jean-Pierre comme celles de sa femme. Donc, pour moi, le principal est présent et bien audible.

 

 

Cela a duré un peu plus d’une heure. L’interview en images s’arrête brutalement mais je crois qu’il y a suffisamment de matière. Quel que soit ce que ce que j’ai été capable de retenir de ces moments, je suis persuadé d’avoir appris quelque chose ce samedi. Par exemple, en reprenant aujourd’hui cet article depuis le début pour la quatrième fois, je sais y avoir incorporé des idées qui m’ont été inspirées par notre rencontre il y a maintenant deux jours (trois jours maintenant). Et d’autres arriveront sans doute après la publication de cet article et de cette interview.

 

Je n’ai pas encore lu le dernier livre de Jean-Pierre, Construire sa légende.

 

Dans le numéro 9 du magazine Yashima d’octobre 2020, page 8,  Léo Tamaki mentionne la biographie de Jean-Pierre Vignau, Corps d’acier  (je l’ai achetée d’occasion via le net) . Ainsi que le documentaire Le maître et le batard qui lui est consacré. L. Tamaki encourage surtout à « un moment de pratique avec lui » ( Jean-Pierre Vignau).

Léo Tamaki présente Jean-Pierre Vignau comme «  simple et direct ». C’est ce à quoi je m’attendais. Et c’est ce que j’ai vécu et qui se retrouve, je crois, dans ce que mon caméscope, qui a sa vie propre, a filmé.  

 

Je suis convaincu que Jean-Pierre et Tina, samedi après-midi, m’ont donné quelque chose.

 

J’espère, évidemment, que cet article et, plus tard, la vidéo de mon interview leur rendra la pareille. Ainsi qu’à d’autres. Pour l’instant, mon ordinateur « rame » pour exporter ce que j’ai filmé. C’est peut-être mieux comme ça pour le moment. En attendant, je publie déjà cet article. Parce-que je pense qu’il prépare un peu à l’interview filmée de Jean-Pierre. Et, peut-être, je le souhaite, parce qu’il contribuera un peu, à bien ou mieux appréhender les Arts Martiaux d’une certaine façon.  

 

Cet article est long. Peut-être trop long. Il découragera sans doute un certain nombre de lectrices et de lecteurs. Mais sa longueur est peut-être aussi une forme de « protection » contre ce Big Bang permanent du « clash et du buzz » qui constelle et éparpille désormais  nos existences. Big Bang dont tout et n’importe quoi peut sortir à n’importe quel moment. Le pire comme le meilleur. Alors que si je parle- un peu- d’Arts Martiaux, je tiens particulièrement à ce que ce soit le meilleur qui ressorte et qui soit retenu par celles et ceux qui liront cet article et qui verront- ou non- l’interview de Sensei Jean-Pierre Vignau lorsque je la posterai.

 

Franck Unimon, ce mardi 24 novembre 2020.

 

 

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M

 

                                                               M

Je devrais être couché. Il est cinq heures du matin. Je « dormais ». J’ai bien des lâchetés et bien des faiblesses. Mais lorsque j’ai un texte ou un article à écrire, je me lève. C’est l’avantage de ces mélanges entre le sommeil et les pensées : cela nous met des phrases dans la tête.

Ensuite, c’est à nous qu’il revient de choisir. Nous censurer et nous rendormir. Ou nous lever et les exprimer.

 

 

Ce n’est pas la première fois que je me lève en pleine nuit. Ou en plein jour.

 

 

Nous avons revu M, sans doute cet été, dans son nouvel appartement.  Dans une nouvelle ville. Avec son nouveau compagnon. Et son second enfant. Nous la voyons beaucoup moins qu’avant lorsqu’elle habitait dans la même ville que nous.

 

Auparavant, il nous arrivait de nous croiser près de la gare d’Argenteuil lorsqu’elle revenait du travail ou dans la ville, carrément. M fait partie de ces personnes que l’on pouvait rencontrer dans une des rues d’Argenteuil en allant faire une course. Il suffit que deux ou trois personnes de ce profil s’en aillent pour que, très vite, on se sente plus seuls dans une ville. E, par exemple, travaillait à la médiathèque du Val d’Argenteuil. Mais je l’avais connue au club de boxe française où, pendant un temps, elle avait été assidue.

 

Voilée, convertie à l’Islam, et alors célibataire, E  habitait encore plus près de chez nous. Je la croisais régulièrement dans la ville également. Ou à la médiathèque où, hilare, elle prolongeait facilement la durée de mes prêts. Pour nous saluer, nous nous serrions la main. Nous rigolions et discutions bien ensemble, en toute intelligence.

 

Puis, un jour, j’ai à peine reconnu E. Elle s’avançait en direction de la gare alors que je m’en éloignais. Maquillée, dévoilée, portant une jupe, E s’était séparée de l’Islam. Elle m’avait fait la bise.

En quelques mots, elle m’avait raconté s’être faite « humilier » en tant que femme lors de sa pratique de l’Islam. Depuis, elle s’était mise en couple avec quelqu’un qu’elle connaissait depuis des années. Peu après, E a quitté Argenteuil pour le Vésinet ou Chatou où elle a retrouvé un emploi de bibliothécaire.

 

Ensuite, elle est devenue mère. Aujourd’hui, elle a deux enfants et vit avec son compagnon à la Rochelle d’où, de temps à autre, elle envoie des photos qui donnent envie. Un jardin, un potager, de l’espace, la mer.

 

 

Avant, je rencontrais K, aussi. Comédienne, metteure en scène, prof de théâtre. Elle et moi, nous étions rencontrés en thérapie de groupe, à Argenteuil. A une époque, où, après une énième rupture amoureuse, je m’étais dit qu’une thérapie s’imposait.

K, aussi, a quitté Argenteuil avec son compagnon et père de leurs deux enfants. Pour Cormeilles en Parisis. C’est plus près que la Rochelle. Mais on se voit beaucoup moins. Peut-être une fois par an. Quand je me rends à la journée des associations d’Argenteuil qui se déroule chaque année sur le parking de la salle des fêtes Jean Vilar ainsi que dans la salle des fêtes Jean Vilar. Laquelle salle des fêtes Jean Vilar est menacée d’être détruite. Le maire Georges Mothron et son équipe ont pour projet de mettre à la place un hôtel de luxe, quelques commerces, dont une Fnac, ainsi qu’une salle de cinéma afin de rendre la ville plus attractive. Si ce projet se réalisait, la librairie Presse Papier (restée ouverte malgré le confinement) située à l’entrée de la ville serait aussitôt concurrencée par la Fnac. Et le centre culturel Le Figuier Blanc, qui projette des films, pourrait l’être par la salle de cinémas.

 

 

K m’a un jour répondu avoir quitté Argenteuil car elle en avait « marre » des pauvres. Ce ne sont pas les pauvres en eux-mêmes dont K a eu marre, à Argenteuil. Je pense que c’est plutôt des incivilités régulières. De certains comportements. Du bruit.  Sans doute de certains trafics, aussi.

 

Locataire en appartement à Argenteuil, K et son compagnon sont devenus propriétaires à Cormeilles En Parisis. Comme certains parents des copains et des copines de l’école maternelle de ma fille qui ont rapidement fait le nécessaire pour faire admettre leurs enfants dans l’école privée Ste-Geneviève de la ville, M, K et E font partie de ces forces vives qui, pour diverses raisons, un jour, se retirent d’un endroit. Ensuite, même si l’on peut faire d’autres rencontres, et que l’on connaît d’autres personnes toujours présentes dans notre environnement immédiat, c’est une affaire entre soi et soi. De choix et d’espoir. Mais tout départ, comme toute séparation, nous éloigne et nous sépare un peu de nous-mêmes.

 

 

Cet été, après environ quarante minutes de route, nous sommes arrivés dans le nouvel habitat de M.  C’est un ensemble d’immeubles avec parking. Nous avions du mal à trouver où nous garer. Car beaucoup de places étaient privées. En m’approchant de M, descendue à notre rencontre, j’hésitais sur l’attitude à avoir concernant…. « les gestes barrières ». M a tranché :

 

« C’est bon ! ». Et nous nous sommes fait la bise. Je n’ai pas cherché à contredire M. Je n’en n’avais même pas envie. M, c’est un char d’assaut. Et, à propos de la vie et de la mort, M est la mémoire directe, et la plus proche, de cette expérience que nous avons connue ensemble concernant ces sujets. On pourra toujours argumenter que notre attitude a été parfaitement irresponsable en pleine période du Covid et alors que nous avons des enfants plutôt jeunes. Mais chaque rencontre dicte ses règles.

 

M et nous, nous nous sommes rencontrés à la maternité de l’hôpital d’Argenteuil. Tout le monde a entendu parler de la maternité, de la grossesse, d’un accouchement et de la naissance d’un enfant. Le plus souvent, ça se passe « plutôt bien » lorsque la grossesse se réalise. Pour M et nous, la grossesse a effectivement eu lieu. Mais l’accouchement  a été prématuré. Nos deux filles ont été de grandes prématurées. La prématurité, c’est devenu banal quand on en parle. Une personne m’avait par exemple dit :

« Je connais quelqu’un qui a eu un enfant prématuré ». Et quelqu’un d’autre m’avait dit aussi : «  Ma nièce, à sa naissance, pesait 540 grammes. Elle était à peine plus grosse qu’un steak. Aujourd’hui, elle va très bien, elle a deux ( ou quatre) enfants ». C’était des marques de sympathie et d’encouragement.

 

La prématurité de nos filles, cependant, cela a été un petit peu notre Vendée Globe émotionnel. Un mois et demi d’hôpital en réanimation puis en soins intensifs pour la fille de M. Deux mois et demi pour la nôtre. Des visites quotidiennes. Des appels téléphoniques quotidiens. Soit le contraire d’une vie «normale » où, souvent, après quelques jours d’hospitalisation, la mère repart à la maison avec son enfant ou ses enfants. Puis, ensuite, la « réadaptation » à la maison et à la vie extérieure pour tout le monde à la sortie du bébé de l’hôpital.

 

M représente ça pour nous. Et, sans doute que nous représentons ça aussi pour elle. Nous discutons ou avons assez peu discuté de cette « époque », elle et nous. Ou, alors, j’étais absent à ce moment-là. Mais il est facile de concevoir que cette « époque », nous l’avons encore dans la peau. D’une façon ou d’une autre. Alors, il était impossible de ne pas nous faire la bise en nous revoyant.

 

Nous avons passé une bonne après-midi chez M et son nouveau compagnon, avec leurs enfants.

 

Franck Unimon, ce samedi 21 novembre 2020. 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Puissants Fonds/ Livres self-défense/ Arts Martiaux

Renaître/ un livre écrit avec Marion Bartoli

   

 

        Renaître/ un livre écrit avec Marion Bartoli

« Bartolir : prendre une décision irréfléchie ». 7 ans plus tard, ce néologisme porté sur un réseau social ( Twitter ou instagram) par un lettré médiatisé continue à ne pas me revenir.

 

C’était fin 2013, après la victoire de la joueuse de tennis Marion Bartoli à Wimbledon. Celle-ci venait d’annoncer sa retraite sportive. Et, Bernard Pivot, référence littéraire en France depuis les années 70 avec l’émission Apostrophes, s’était exprimé.

 

J’ai grandi « avec » Apostrophes. Même si j’ai peu regardé cette émission, je savais que c’était une institution intellectuelle. Même Mohammed Ali était passé à Apostrophes. Lycéen et ensuite, si j’avais pu, j’aurais aimé écrire un livre ou pouvoir susciter l’intérêt des pointures qui s’y sont présentées. Comme de Bernard Pivot.

 

Evidemment, comme la majorité des lycéens et des spectateurs, cela n’est jamais arrivé. Je me suis rabattu sur L’école des fans de Jacques Martin où je ne suis jamais passé non plus.

 

Puis, ça m’était passé. Bernard Pivot et Apostrophes ou sa dictée ne faisaient plus partie de cette lucarne de but où je cherchais à entrer. Ou peut-être aussi, que comme la majorité, je m’étais résigné au babyfoot.

 

Aujourd’hui, on dirait plutôt : « Comme la majorité, je m’étais résigné à la console de jeux et aux réseaux sociaux ». Après avoir obtenu un travail, m’être inséré, fait des amis, quelques voyages, j’avais trouvé ailleurs et avec d’autres de quoi me regarder.

 

« Bartolir ».

 

Visiblement, en 2013, Bernard Pivot continuait de compter pour moi.

Lorsque j’avais lu ce mot, je m’étais dit que j’aurais bien voulu le voir, le Bernard Pivot, en short et chaussettes, avec une raquette de tennis, se mangeant les séances d’entraînement massives et quotidiennes de Marion Bartoli !

 

J’en ai beaucoup voulu à ce lanceur de dictée. Je me suis rappelé de ma lecture d’un article racontant sa « rencontre » avec le navigateur Eric Tabarly. Pivot, l’intello de plateau, y avait été décrit comme une sorte d’animateur prenant Tabarly de haut, car incapable de s’ajuster au fait que cet homme des vagues se tenait là sans se prêter à l’eau pâle des alexandrins et des cotillons verbaux. 

 

En 2013, amateur de sport, comme Bernard Pivot, j’imaginais pourtant facilement l’usure mentale et physique de celle qui s’était engagée mais aussi esquintée en pratiquant le sport à très haut niveau. C’était peut-être dû aux séquelles de mes propres blessures de sportif amateur depuis mon adolescence. A ce que j’avais fini par en apprendre.

 

C’était peut-être dû à la lecture de quelques articles dans les journaux concernant Marion Bartoli. Ou à celle d’ouvrages d’anciens joueurs de tennis de haut niveau :

 

Déclassée de l’ancienne numéro un française Cathy Tanvier m’avait sans doute beaucoup éduqué.

 

Plus jeune, adolescent, je me marrais devant les défaites répétées de Cathy Tanvier pendant les tournois de tennis. En apprenant qu’elle avait été « éliminée » dès les premiers tours de tel tournoi du grand Chelem, « notre » numéro vingt mondial.

 

 Puis, j’avais lu son Déclassée, (paru en 2007). Non seulement, il était très bien écrit, m’avait ému. Mais, en plus, ce livre m’avait remis à ma place.

 

En découvrant la vie personnelle de Cathy Tanvier, j’avais compris que le parcours professionnel de haut niveau qu’elle avait tracé en parallèle avait nécessité des efforts gigantesques. Et que ces efforts qu’elle avait dû produire en « surcharge » avaient sûrement plus d’une fois fait la différence avec les autres championnes qui gagnaient les finales car, délestées, elles, de ces contraintes. Mais aussi de certaines blessures physiques. Car Cathy Tanvier avait participé à certains de matches en étant blessée.

 

 

Open écrit par André Agassi (paru en 2009) m’avait aussi éduqué. Si la carrière tennistique d’André Agassi a bien sûr été plus triomphale que celle de Cathy Tanvier, il existe pourtant des points communs entre leurs carrières et celle…d’une Marion Bartoli dont « le » livre, Renaître, est paru en 2019. Aujourd’hui, Marion Bartoli, née en 1984, a 36 ans.

 

La précocité :

Marion Bartoli a quatre ou cinq ans lorsqu’elle tient sa première raquette de tennis en main. Contrairement à un André Agassi et une Cathy Tanvier qui se révèlent très tôt particulièrement doués, dans Renaître, Marion Bartoli répète qu’elle avait seulement pour elle une concentration supérieure à la normale ainsi qu’une certaine rage.

 

 

Modèle et environnement familial :

J’ai oublié comment Cathy Tanvier en était arrivée à jouer au tennis. Mais je me rappelle que le père d’André Agassi avait d’abord voulu faire de son frère et de sa sœur aînée des champions de tennis. En vain. Avant de s’apercevoir que le « dernier », André, avait des aptitudes particulières : dont un certain coup d’œil pour évaluer la trajectoire de la balle.

 

C’est en regardant son père et son frère Franck, de neuf ans son aîné, jouer au tennis que Marion Bartoli eu envie de participer.

 

Pendant toute sa carrière, Cathy Tanvier n’a eu de cesse de courir après les balles de tennis et les tournois afin de compenser les infidélités conjugales et les pertes financières de son père.

 

André Agassi a eu à faire avec un père tyrannique, d’origine arménienne, déterminé et imposant.

 

Le Clan des Bartoli :

 

Marion Bartoli, elle, nous parle d’un clan familial obligé de partir de Marseille, leur ville de chair, en se coupant du reste du monde afin d’aller s’établir à Retournac, petit village pépère de 2500 habitants.

« Papa » Walter Bartoli a perdu sa mère lorsqu’il avait deux ans. Son père a refait sa vie sans lui. « Maman » Sophie, elle, est manifestement brouillée également avec sa propre famille. Mais la petite Marion ignore la raison de ces différends. Papa, maman, Franck et Marion Bartoli partent s’installer à Retournac et vivent en clan.

Retournac se trouve en Auvergne. L’Auvergne est une très jolie région. Mais cela n’a rien à voir avec le climat et l’ambiance de Marseille.

 

Dans la région d’Auvergne, donc, les Bartoli forment un clan d’amour où la rudesse économique est perceptible. Papa Bartoli est médecin libéral. Maman, ancienne infirmière de nuit, est la secrétaire. En été, pendant les vacances, la famille s’en sort financièrement. Autrement, il y a deux ou trois fois moins de travail pour le Dr Bartoli et donc moins d’argent pour la famille. 

 

A lire Renaître, il semblerait aussi que « Les » Bartoli soient un clan fermé : apparemment, aucun cousin, cousine, tonton ou tata du côté du père comme de la mère n’est présent dans le cadre de la maison.

 

La petite Marion Bartoli est très bonne élève. Elle aime être la première de la classe et ne sourcille pas lorsque son père lui demande de prendre de l’avance sur ses cours. En outre, au vu des difficultés concernant les fins de mois, elle s’applique à être exemplaire.

 

Le tennis va devenir un cocon pour faire plaisir, pour exister, pour prendre une revanche mais, aussi, pour donner une certaine revanche aux parents.

 

Construire ses matches comme on construit les marches de son  destin :

Le goût de la compétition, de l’effort, ainsi que l’envie de rendre les parents fiers, vont petit à petit gagner du terrain. Le père et la fille, au moins, vont de plus en plus se prendre au jeu. Marion, pour réussir et donner cette réussite à sa famille. Le père, pour être présent et soutenir sa fille mieux et plus que son propre père ne l’a fait pour lui.

Le frère aîné va s’engager dans l’armée. Marion, elle, va devenir un soldat volontaire de l’entraînement. Pour réussir, elle apprend très vite qu’il lui faut travailler bien plus que les autres.

 

Une critique du système éducatif dans son ensemble :

 

Dit comme ça, on pourrait penser que ce tandem que va former Marion Bartoli avec son père est « juste » l’histoire de deux personnes qui pansent leurs plaies à travers l’autre. Ou  l’histoire d’une enfant qui fait son possible pour sauver ses parents d’une certaine détresse.

 

Mais la carrière de Marion Bartoli, « peu douée pour le tennis », est aussi une critique du système éducatif dans son ensemble. Même si, dans Renaître, Marion Bartoli s’en prend principalement à la Fédération Française du Tennis qui, à plusieurs reprises, s’obstine à vouloir faire d’elle une simple exécutante de la balle jaune. Alors que, très tôt, celle-ci a été l’associée de son père et entraîneur. Et que c’est par lui et avec lui qu’elle s’est sortie du lot des joueuses jusqu’à se faire remarquer, du fait de ses résultats, par cette même Fédération Française du Tennis.

 

Dans son livre, on est marqué par le très grand manque de compétence psychologique de plusieurs personnalités, pourtant émérites, de la Fédération Française de Tennis. Et, on se dit qu’il doit y avoir bien d’autres fois, ou en d’autres circonstances, et dans d’autres institutions, où ce genre de situation arrive :

 

Des cadres qui ont le Pouvoir- et dont la carrière et le palmarès font autorité -s’estiment légitimes pour disqualifier les méthodes d’apprentissage d’un athlète ou d’un candidat dont les performances font pourtant partie du plus haut niveau. Un peu comme si un professeur de guitare au conservatoire méprisait la façon dont un jeune Jimi Hendrix avait appris à jouer des notes.

 

 Il faut attendre Amélie Mauresmo, un profil peut-être « différent » ou hors norme de par sa vie personnelle en tant que femme homosexuelle affirmée, pour trouver une interlocutrice plus ouverte. Ou, peut-être aussi que lorsque cette rencontre survient entre Amélie Mauresmo, capitaine de l’équipe de France de Tennis, que Marion Bartoli est alors mieux disposée pour s’affranchir de son père.

 

La retraite sportive et la vraie vie :

Avec sa retraite sportive, on retrouve cette « petite » mort déjà racontée par d’autres.  A la fin de la carrière intense et des jets d’adrénaline, pousse un vide et un sentiment de surplace sans limites qu’il faut remplir. Marion Bartoli peine à digérer son « départ » à la retraite mais aussi sa sortie du cocon familial qu’a été sa relation en particulier avec son père au travers du tennis.

 

Pendant des années, au travers du tennis, Marion Bartoli a vécu dans un cocon. Dans ce cocon, sa famille, son clan, était constamment présent grâce au cordon qui la reliait à son père. Sa retraite sportive coïncide avec l’âge où elle quitte ses parents. Ça fait beaucoup.

 

S’ensuit une sévère dépression. Pour Marion Bartoli, ça passe à la fois par des troubles alimentaires… mais aussi par une relation sentimentale « banque-cale » avec un homme.  Puisqu’il en faut un pour essayer de colmater l’absence de papa. Ou de maman.

 

Cela a pu arriver à d’autres y compris dans des professions rigoureuses comme espionnes (Les Espionnes racontent, un livre de Chloé Aeberhardt, paru en 2017).

 

Car l’armature et la très haute habilité affective que l’on peut avoir sur un terrain de sport ou dans un environnement professionnel ne suit pas forcément dans la vie intime. Les règles et les limites y sont plus floues et plus incertaines. Sur un court de tennis, lorsque la balle est dans le filet  ou dans le couloir, il y a faute et le jeu s’arrête. Dans la vraie vie, le jeu peut malgré tout continuer. La vie intime est tel un hymen docile. S’offrir  à l’autre, en vue de rester avec lui ou de le garder, est le contraire de la performance. Dans une performance, on cherche à annuler, bloquer, détourner, dépasser, déstabiliser ou détruire l’autre.

 

Dans Renaître, on lit et on entend l’humour et l’autodérision « connues » de Marion Bartoli. J’ai eu un grand plaisir à lire ce livre dans lequel elle nous parle aussi un peu de quelques à-côtés du Tennis de haut niveau : Serena Williams, Maria Sharapova….

 

Aujourd’hui, ce ne sont plus les mêmes joueuses de tennis qui dominent autant le Tennis mondial (à part peut-être Serena Williams encore un peu), mais il en est sûrement quelques unes et quelques uns qui ont connu ou vont connaître les mêmes états que Marion Bartoli. Dans le monde du Tennis ou ailleurs.

 

Franck Unimon, ce mardi 17 novembre 2020.

 

 

 

 

 

 

 

 

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Les Chinois

Oeuvre de Thibaut Dapoigny.

 

                                                            Les Chinois

 

 

A vue d’œil, il y a peu de Chinois dans ma ville. Mais, souvent, lorsque j’en vois, ils tiennent un commerce ou y sont employés :

 

Traiteur alimentaire, poissonnerie (mauvaise), salon d’esthétique, buraliste PMU, produits (alimentaires) exotiques, marchand de vêtements ou de maroquinerie. 

 

Ils font partie des commerçants de la ville parmi les Kebab, opérateurs et réparateurs de téléphonie, autres restaurants et magasins de vêtements, boulangeries, pharmacies, supermarchés, marchés, boucheries, marchand de primeurs, enseigne Babou, opticiens, agences immobilières, banques physiques, quelques hôtels, cafés, Quicket Mac Do qui donnent sur la rue.

 

Pour parler des quelques commerces que l’on peut découvrir lorsque, depuis la gare d’Argenteuil, on se dirige vers le centre-ville. 

 

Les Chinois vivent plutôt en retrait. On n’entend pas parler d’eux. Aucun terroriste islamiste d’origine chinoise, recensé à ce jour. Pas de lien connu ou médiatisé avec le trafic de cannabis. Aucun d’entre eux non plus parmi les figures connues des gilets jaunes. Oui, la blague est facile, presque factice et limite raciste. Mais je vais rapidement me sortir de cette ambiguïté :

 

Récemment, une de mes collègues m’a appris qu’un de ses amis, d’origine chinoise, s’en prend plein la tête. Celui-ci travaille en Seine et Marne- c’est en banlieue parisienne- dans un supermarché en tant qu’employé. Il  s’occupe des rayons. Il se fait insulter.

 

Il lui est reproché la pandémie du Covid ! Ni plus, ni moins.

 

Rebattre les cartes de la vie ordinaire

 

En France, la pandémie du Covid a rebattu les cartes de notre vie ordinaire et de notre mémoire depuis la mi-Mars 2020. Nous connaissons notre deuxième reconfinement, après quelques jours de couvre-feu, pour cause de deuxième vague depuis le début de ce mois de novembre. Aujourd’hui, nous sommes le dimanche 8 novembre 2020. Et une troisième et quatrième vague sont déjà annoncées.

 

Conclusion : en France au moins, certains Chinois n’ont pas fini d’entendre parler du Covid. On nous parle bien d’un vaccin qui nous protégerait. Mais cela prendra du temps et puis, les vaccins et la santé publique sont un business comme un autre. On en trouvera peut-être un jour en vente libre sur les marchés et dans les supermarchés. Lorsque nous serons morts, pour celles et ceux qui peuvent lire cet article aujourd’hui, ou condamnés.

 

Nous vivons donc sous certaines contraintes qui étaient inimaginables il y a encore quelques mois. J’ai tendance à croire que nous pouvons connaître pire même si, je l’espère, ce ne sera pas pour tout de suite. Aux Etats-Unis, ce week-end, nous avons échappé à la réélection de Donald Trump. Ce qui est a priori, pour moi, un certain soulagement.  Mais si Donald Trump fait peur, on a peur pour Joe Biden.

Photo prise à Argenteuil, en novembre 2018.

 

Et puis :

Imaginons un Etat constitué comme la France, la Grande-Bretagne ou les Etats-Unis qui déciderait de passer des contrats avec des terroristes, comme on peut le faire avec une boite privée :

 

Le but serait de commander les gens par la peur. De leur dicter ce qu’ils doivent manger, lire, boire, penser et consommer. A qui et quand.  De quelle heure à quelle heure. Dans quelles proportions. Mais aussi, quand ils peuvent se reproduire. Et, tout cela, pour le « bien » de l’économie et des actionnaires. Vous avez-encore- le droit de vous dire que je vais trop loin ou que j’ai  mangé beaucoup trop de foin ce matin. Après, ce sera peut-être trop tard.

 

En attendant, comme celles et ceux qui le peuvent encore, les Chinois bossent. Comme l’humoriste Bun Hay Mean- dont j’aime beaucoup l’humour- qui peut nous dire :

 

« Nous, les Chinois, avec notre petite bite, on vous a bien ni-qués ! Vous n’avez rien senti ! ». 

L’extrait ci-dessous n’est pas celui auquel je pensais mais il donne une idée de l’humour de Bun Hay Mean dans un de ses spectacles récents ( 2020 ou 2019, visiblement). 

 

 Spike Lee, aussi, nous parle des Asiatiques qui bossent. Dans son film, réalisé en 1989 : Do The Right Thing. Même si, dans cet extrait, il est question d’un commerçant coréen et non d’un commerçant chinois. 

 

Mais les Chinois ne sont pas les seuls à bosser. Avant le film de Spike Lee, il y avait eu, en France, le très bon Pierre Desproges avec son sketch Rachid

Dans son sketch, Rachid, Desproges nous parle du racisme qui, en France, touche les Arabes. Le Front National dirigé alors par Jean-Marie Le Pen obtenait alors de plus en plus de voix dans la France socialiste du Président François Mitterrand ( 1981-1995). Et certaines personnes considéraient les Arabes comme des fainéants.  Alors, dans son sketch, Desproges « s’étonne » comme, pour des fainéants, bien des Arabes travaillent dur. Son sketch date des années 80, probablement en 1985 ou en 1986 ( Desproges est mort le 18 avril 1988) à l’époque où les médiathèques n’étaient pas remplacées par internet. Je vous propose de le retrouver…sur internet. Et de l’écouter et de le regarder. Rire, réflexion et émotion sont garantis. Même si la façon de bouger et d’occuper la scène est très différente de celle de Bun Hay Mean. Trente ans séparent les deux humoristes. 

 

 

Vers l’oasis :

 

 

Hier matin, samedi, je suis allé à la médiathèque de ma ville. En raison de la pandémie, il était possible de s’y rendre de 11h30 à 12H30 ou de 16h30 à 17h30 pour venir y chercher un ouvrage que l’on avait commandé. En temps habituel, les samedis, la médiathèque est ouverte de 10h à 18h.

 

Après avoir discuté un peu avec un des bibliothécaires, comme j’avais quelques courses à faire, je me suis offert un petit périple. J’avais sur moi toutes les feuilles d’attestation de déplacement provisoire. Je n’en n’ai pas rempli une seule. J’avais besoin de prendre l’air. J’en avais assez de devoir prendre le temps d’écrire sur une feuille ce que je vais faire. Et quand. Et où. Et pourquoi. Et avec qui. Et dans quelle position. Et pendant combien de temps. Ce que j’écris est très grave car je donne un mauvais exemple de comportement civique en pleine période de pandémie. Mais c’est la première fois que je le fais. Et, surtout, il s’agissait de marcher un peu dans ma ville à l’heure de midi.

 

 

Mon masque sur le visage- oui, je porte toujours mon masque sur mon nez et ma bouche lorsque je sors !- j’ai un peu improvisé dans les rues. Jusqu’à arriver devant ce magasin de produits exotiques tenus par des Chinois où je n’étais pas allé depuis une bonne année. Ou plus.

 

Photo prise près du Louvre, ce 5 novembre 2020.

Il était ouvert. Cela se voyait d’assez loin avec l’enseigne lumineuse, au dessus du magasin, qui clignotait. Dans notre monde de plus en plus fermé par la peur, voir un magasin ou un lieu ouvert peut donner l’impression de se retrouver devant une oasis. Ce que bien des commerces, bien des pubs, certains programmes politiques, économiques ou religieux nous promettent.  

 

Sur la droite de « l’oasis », un chien agenouillé et enchaîné. Etait-ce l’un des chiens de l’enfer ? Il avait l’air plutôt gentil. Sauf qu’il n’était pas là, les dernières fois.

 

Après avoir dit bonjour à la dame, j’ai à peine eu le temps d’aller dans les rayons que celle-ci m’a demandé avec une certaine inquiétude…de mettre du gel hydro-alcoolique sur mes mains. J’ai alors vu le flacon devant elle ainsi que le mot nous invitant à l’utiliser.

 

Mais il y avait plus. Lors de mes précédentes venues, il suffisait de faire son tour et de choisir ses articles. Là,  il a presque fallu que j’annonce mes intentions d’achat dès le départ. Cela m’a fait penser à de la rapine répétée dont le magasin a pu avoir à se plaindre.

 

J’ai apparemment su rassurer car, ensuite, la dame m’a laissé fureter entre les étalages.

J’étais devant le rayon des surgelés lorsque je l’ai entendue dire à voix haute :

 

« Il faut mettre votre masque ! ». Peu après, j’ai vu débouler un homme peut-être d’origine pakistanaise ou bangladaise en tenue traditionnelle longue et sandales. Il est resté peu de temps.

 

La date de péremption du produit surgelé que je regardais était dépassée de quelques jours : Octobre 2020. J’en ai parlé à la vendeuse. Elle s’en est étonnée. Un peu plus tôt, elle m’avait expliqué qu’en ce moment, ils avaient de moindres approvisionnements.

 

Elle m’a proposé de me faire un prix. Cinq euros au lieu de six euros quatre vingts.

 

 

J’ai accepté.

 

 

Franck Unimon, ce dimanche 8 novembre 2020.

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Ecologie self-défense/ Arts Martiaux

Bouclier

 

                                                         Bouclier

Le soleil est un bouclier. On ne peut pas le traverser comme tout ce qui a été oublié.

 

Il aurait été oublié par une quelconque araignée. Elle avait laissé traîner ses filets. Des étoiles en ont profité pour en trouer quelques uns. On n’a  jamais retrouvé ces étoiles. Mais  le soleil, lui, s’est échappé. Puis, notre histoire a commencé.

 

Nous ne savons rien des délits passés du soleil. L’araignée, qui pourrait peut-être tout nous raconter, se terre quelque part. Elle serait alors beaucoup plus que millénaire.

Nous serions les descendants de sa toile. Sans cette lumière qu’elle laisse descendre, nous pourrions à peine nous lever.

 

Nous ne savons pas ce qu’il y a derrière le soleil. Parce-que, comme les meurtriers, nous sommes trop entraînés dans nos œuvres de terrassement. Tuer, détruire- la mémoire en particulier- et torturer requiert diverses qualifications, un temps d’apprentissage ainsi qu’un certain nombre de vies.

Guérir comme les guerriers, ou fuir, aussi.

 

Les guérisseurs sont des guerriers. Les meurtriers détruisent.

 

Nous avons à choisir entre nos deux tombants. Si nous pouvons  être sur tous les flancs, certains se spécialisent. D’autre s’immobilisent.

 

Le soleil, lui, ne se laisse pas prendre. Impossible, déjà, de faire face à ce titulaire. Lorsqu’erre une seule de ses œillades, des milliards de fois nucléaires, nous, les « vaque à terre » nous reculons. Nous temporisons. Nous faisons avec nos moyens. Nous nous accrochons aux rayons de nos superstitions et de nos religions. 

 

Le soleil,  sur sa pirogue, continue de se promener  d’est en ouest de jour en jour.

 

Beaucoup plus loin, nous, nous tournons en boucle à la recherche d’un mode d’emploi.  

 

Franck Unimon, ce vendredi 6 novembre 2020.  

 

 

 

 

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Cinéma Echos Statiques self-défense/ Arts Martiaux

La Clinique de l’Amour ( version courte)

 

 

La Clinique de l’Amour ( version courte) : une émission de France Inter

 

 

«  L’Amour, c’est deux solitudes qui s’accouplent pour créer un malentendu » avait écrit Pascal Bruckner dans son livre Lunes de Fiel.  L’histoire avait  ensuite été adaptée par Roman Polanski. Le film avait fait parler de lui. C’était en 1992.

 

Les films et les livres sur l’Amour défient l’horizon. Dans un film de Lelouch, je crois, l’acteur Jean-Pierre Marielle disait que l’Humanité, malgré tout ce qu’elle avait pu inventer, avait si peu évolué dans le domaine de l’Amour.

Mais, aujourd’hui, et au moins depuis le mouvement MeeToo, Polanski est très mal perçu. Alors, citons d’autres films où le couple et l’Amour sont mis à mal car il y a du « choix » dans le domaine. Je ne peux m’empêcher de citer le film de Maurice Pialat :  » Nous ne vieillirons pas ensemble« .

 

 

Autre film que je peux citer dans l’amour vache,  » Seul contre tous » de Gaspar Noé qui me permet a posteriori de rendre hommage à l’acteur Philippe Nahon, décédé il y a quelques mois. Je considère depuis longtemps  » Seul contre tous » comme un chef-d’oeuvre. Au même titre que  » Nous ne vieillirons pas ensemble ». 

 

Mais il importe de donner un peu plus la parole aux femmes… 

https://youtu.be/9FHve_JQvzM

 

 

 

 

J’ai choisi ces extraits de films mais, bien-sûr, on aurait pu en prendre bien d’autres.

 

La Clinique de l’Amour est une émission que l’on peut trouver en podcast. Elle a été proposée par France inter en février. Durant cinq à six épisodes d’une vingtaine de minutes, chacun, on « écoute » l’évolution de plusieurs couples qui font une thérapie.

 

L’émission m’a « plu ». Même si je lui reprocherais le fait que, par moments, pour moi, les thérapeutes sont trop intervenus. Le thérapeute masculin par exemple.

 

Il est certaines fois où, à mon avis, les deux thérapeutes auraient dû davantage « protéger » la parole de celle ou de celui qui s’exprime  et le laisser parler. Au lieu de le laisser ou de la laisser se faire « pilonner » verbalement par l’autre.

 

Je crois que ça aurait été « bien » d’expliciter :

 

De dire par exemple à telle personne qu’elle semble très déçue ; qu’elle avait apparemment une très haute vision ou une vision différente de ce que son mari ou sa compagne allait être dans la vie de couple ou de famille.

 

Un des couples a trois enfants. Je crois que cela aurait été bien de demander pourquoi trois enfants ? Pourquoi pas deux ? Pourquoi pas un seul ?

Vu que j’ai compris que bien des couples font des enfants en pensant que faire des enfants rapproche et va aider le couple à se « soigner ».

 

Alors que je crois que cela peut être le contraire :

 

Lorsque l’on fait un enfant, nos tripes prennent facilement ou peuvent facilement prendre le dessus sur tout ce que l’on essaie d’être ou de faire de manière rationnelle. Et l’on peut alors s’apercevoir à quel point on est très différent de sa « moitié » voire opposé à elle. Même si on peut aussi devenir complémentaire.

 

J’ai aussi été  à nouveau assez agacé par certaines phrases typiques du vocabulaire professionnel de « mes »  collègues :

 

Ma remarque est sûrement très déplacée. Car le principal est bien-sûr que ces thérapeutes aient fourni leur présence, leur constance et leur empathie à ces couples. Mais je vois à nouveau dans ces tics de vocabulaire et de langage de mes « collègues » thérapeutes un certain manque de spontanéité : un trop haut degré d’intellectualisation ; une certaine carence affective. Comme s’ils s’en tenaient à un texte ou à un protocole appris par cœur qui les empêche d’improviser. Comme s’ils s’exprimaient de manière scolaire.

 

Hormis ces quelques remarques, j’ai bien aimé cette émission.

 

Vu que la longueur de mes articles peut défier l’horizon et statufier l’attention du lecteur, cet article est la version courte de celui que j’avais proposé en premier ( La Clinique de l’Amour-d’après un Podcast de France Inter). L’idée est quand même de vous donner envie d’écouter ces podcast de France Inter. Pas de vous donner envie de « haïr » l’auteur de l’article parce-que ses articles sont trop longs. Sourire.  

Le lien pour le premier podcast se trouve ci-dessous

https://podcasts.apple.com/fr/podcast/1-partir-ou-rester/id1498194259?i=1000465403252

 

Franck Unimon, ce mardi 3 novembre 2020.

 

 

Catégories
Addictions Corona Circus Echos Statiques self-défense/ Arts Martiaux

La Clinique de l’Amour-d’après un Podcast de France Inter

 

                   La Clinique de l’Amour, d’après un podcast  de France Inter

C’est devenu une obsession. Après quelques autres obsessions. Car je fais partie des obsessionnels anonymes. Nous sommes des millions et peut-être des milliards à porter ce type de tablier :

 

La personne « obsessionnelle » à laquelle je pense est souvent appelée « maniaque » dans le langage quotidien. Dans le langage quotidien, la personne « obsessionnelle » ou « maniaque » à laquelle je fais allusion est celle ou celui dont la vie semble souvent dépendre de deux ou trois détails qui (le) tuent presque :

 

Madame ou Monsieur a très bien préparé son repas. Les invités vont arriver. Tout est parfait.  La table est mise. Tous les couverts assortis sont disposés à angle droit avec des variations chromatiques étudiées selon le thème astral ou le chakra de chaque convive. Un petit cadeau personnalisé attend chacun. La musique frôle l’intime et le sublime au vu de la créativité des enchaînements. Mais aussi du fait de l’onctuosité de la restitution sonore. Le mobilier a été ciré. Le ménage a été bien fait. Les meubles sont disposés selon des préceptes bouddhistes qui invitent à la détente et à la méditation. D’ailleurs, un bâton d’encens se consume à la façon d’un phare qui assurerait la sérénité ainsi que l’impossibilité du naufrage formel comme spirituel. Tout va bien. Madame ou Monsieur est exactement zen. Et puis, arrive le court-circuit.

 

En passant la porte de la salle de bain pour aller ouvrir aux invités qui viennent de sonner à l’interphone, Madame ou Monsieur s’aperçoit de la présence d’une boursouflure sur le mur adjacent. C’est trois fois rien. Un demi-centimètre de boursouflure que personne ne remarquera. Mais, à partir de ce moment, une bombe à retardement s’enclenche. Bombe que Madame ou Monsieur ne parviendra pas à désamorcer. Car, Madame ou Monsieur ne pensera plus qu’à cette boursouflure. Et non plus à cette invitée ou cet invité qui lui a tant plu lors d’une précédente soirée et qu’elle ou qu’il espère séduire en sortant le grand jeu.

 

 Avant que le premier invité ou la première invitée n’arrive, Madame ou Monsieur aura peut-être défoncé le mur à la masse et recevra alors dans la poussière et les gravats…..

 

 

Je caricature bien-sûr lorsque je donne cet exemple « d’obsession ». Dans cette anecdote que je viens d’inventer ce matin, il s’agit bien-sûr d’une « obsession » grave. D’ordre psychiatrique. Mais j’ai illustré ça de cette façon, en grossissant le trait, pour mieux me faire comprendre lorsque je parle d’obsession. Mes obsessions sont bien-sûr plus légères que celle que je viens de raconter. On peut reprendre son souffle ou se mettre à rire.

 

 

Les Maitres, les Experts, les amis….et les faussaires :

 

Désormais, pratiquement chaque fois que je lis les propos d’un grand Maitre d’Arts Martiaux, d’une Personnalité ou de tout autre individu dont l’itinéraire me « plait », je me soumets à cette question :

 

Quel genre de personne est-ce lorsque son enfant, comme tous les enfants, le prend au dépourvu et dérange son superbe agencement mental et moral ? La nuit ? Le jour ? Pendant qu’il est au volant ? Alors qu’il est occupé ? Tandis qu’il lui parle et essaie de le convaincre ou de lui transmettre quelque chose ?

 

 

Lorsque l’on lit les interviews ou que l’on assiste à des démonstrations de Maitres, d’experts ou autres, on a souvent l’impression que tout coule de source pour eux, sur le tatamis comme dans la ratatouille du quotidien. On dirait que leurs émotions sont toujours leurs alliées ou leurs domestiques. Ou, qu’au pire, elles se prennent une bonne branlée lorsqu’elles tentent de les entraîner dans un mauvais kata ou dans un mauvais plan. Mais je sais que c’est impossible. Je sais que c’est faux. Sauf que je n’ai pas de preuves.

 

Je pourrais me rabattre sur les amis. Mais j’ai compris que parmi mes amis, connaissances, collègues et autres, passés, présents et futurs se cachent beaucoup de faussaires :

 

Du côté des mecs ou des hommes, si l’on préfère, cette fausseté est un composé d’ignorance, de prudence et de conformisme. Je n’ai pas oublié, et sans doute ne l’ai-je toujours pas digérée, cette sorte d’hypocrisie sociale et faciale, à laquelle j’ai participé, de bien des hommes qui, plus jeunes, savaient me parler de cul, de leurs coups, de nanas….alors que, secrètement, ils aspiraient à se marier et à faire des enfants.

 

Un article lu par quelles femmes et quels hommes ? :

 

 

Bien-sûr, cette caricature sociale peut faire rire. Et, elle doit faire rire. Ce qui me fait faire la grimace, c’est que cette caricature et ce conformisme social nous font souvent, hommes comme femmes, passer à côté du principal concernant notre vie personnelle. Voire concernant notre vie tout court. Un exemple :

 

Cet article long (comme beaucoup de mes articles) sera, à mon avis, plus lu – et apprécié- par des femmes que par des hommes. Alors que les hommes ou les mecs (hétéros comme homos) sont à mon avis autant concernés que les femmes par les sujets de cet article. Puisque, tous, à un moment ou à un autre, nous nous postons devant le sujet de l’Amour et essayons d’y répondre avec nos moyens.

Et si des hommes lisent cet article, je m’attends à ce qu’ils soient en majorité âgés de plus de trente ans. Parce qu’en dessous de 30 ans- c’est très schématique- même si les hommes peuvent être des sentimentaux ( je suis un sentimental), nous sommes nombreux, je crois, à être obsédés par le fait d’être performants sexuellement. Que ce soit en termes de nombre de conquêtes ou en termes d’aptitudes particulières (longueur du pénis, durée de l’érection, capacité à s’accoupler dans telle position et dans tel type d’environnement etc….), on dirait que notre valeur personnelle est indexée ( vraiment) sur notre valeur boursière. Et, ce qui est troublant, c’est que plus un homme est « connu » pour être un tombeur, plus sa côte augmente auprès d’une certaine gente féminine. Gente féminine qui peut être tout à fait éduquée, cultivée et aisée socialement et matériellement. Dans le film Extension du domaine de la lutte adapté par Philippe Harel  (avec lui-même et José Garcia d’après le livre de Michel Houellebecq) il est clairement démontré que l’homme sans conquête féminine, déprimé, laborieux et terne est souvent célibataire contrairement à celui qui « besogne » les femmes pour être direct.

 

S’il existe des couples de déprimés, il est aussi assez courant que l’un des deux aille chercher de la légèreté et du réconfort ailleurs. Même si c’est pour, ensuite, revenir au domicile par sécurité, par espoir ou par devoir.

 

Mieux se comprendre, mieux se choisir et mieux s’aimer :

 

Je crois néanmoins que certaines femmes n’ont pas besoin qu’on leur promette des étoiles (comme m’avait dit un jour un de mes cousins Don Juan il y a plusieurs années) pour « faire le grand soleil » comme dirait le romancier René Depestre.

 

Ou pour se mettre en couple.

 

Pourtant, à propos du sujet de l’Amour, je crois les femmes plus sincères entre elles. Pour l’aborder. Mais je ne vais pas non plus en faire des anges de clairvoyance et de droiture. Car, comme je l’ai dit ce matin avec humour et provocation devant plusieurs de mes collègues femmes :

 

« Cela peut être difficile d’être d’un homme devant une femme ». Et je ne parlais pas de compétences sexuelles en particulier. Pour être un homme devant une femme, il faut déjà savoir ce que cette femme attend d’un homme. Mais aussi ce qu’être femme signifie pour elle. Et quels sont leurs véritables projets à tous les deux dans la vie. Et si ça concorde suffisamment pour tous les deux.  

 

Ça paraît simple écrit comme ça. Mais si c’était si simple que cela, les gens se choisiraient mieux, se comprendraient mieux et s’aimeraient mieux.

 

Je crois que, généralement, on continue de croire qu’il « suffit » de s’aimer et de se désirer pour qu’une histoire dure.

 

Il existe, aussi, une sorte de méfiance instinctive, donc animale, entre l’homme et la femme, mais aussi entre deux personnes, dès qu’elles se rencontrent, qui fait, bien des fois, que certaines personnes qui pourraient s’allier se rejettent. Pendant que d’autres qui auraient mieux fait de s’ignorer décident de s’amalgamer.

 

Les Hommes, tous des salauds ?! Et les Femmes, toutes des salopes ?!

 

 

Comme tout le monde, j’ai entendu certaines femmes dire des hommes qu’ils sont « tous des salauds!». Et certains hommes dire que les femmes «  sont toutes des salopes ! ».

 

Ce qui m’étonne, de manière répétée, même s’il y a bien-sûr des « salauds » parmi les hommes et des « salopes » parmi les femmes, c’est que ces mêmes personnes (femmes et hommes), lorsqu’elles croisent des gens « bien », les zappent ou les ignorent. C’est une constante. Je n’écris rien d’extraordinaire, ici.

 

 

Des couples volontaires : Se dire oui…et non.

 

 

Et puis, il y a cette ambivalence ou cette particularité, propre, je crois, à tous les couples :

 

Lorsque l’on décide de se mettre ensemble, on est souvent l’un et l’autre très volontaire. Car on est au moins soutenu par l’Amour, le désir ainsi que par le souhait de rompre notre solitude.

 

Cependant, dans chaque couple, je crois, même si l’on se dit « oui » (que l’on se marie ou non), il est des domaines sensibles où l’on se dit non.

 

Mais on le banalise ou on l’ignore parce-que le regard et le corps de l’autre produisent alors des atomes qui propulsent notre univers personnel dans un espace-temps qui s’ouvre seulement pour nous. Et cela nous rend extraordinairement optimistes. Ou exaltés.

 

Et, nous aussi, nous produisons des atomes auxquels l’autre est alors particulièrement sensible. Cela la rend ou le rend aussi extraordinairement optimiste ou exalté( é).

 

 Alors, nous décollons ensemble vers un ailleurs sans toujours bien prendre le temps de bien vérifier la validité de tout l’équipement affectif que nous emportons. Mais aussi ses réelles compatibilités avec l’équipement affectif, moral et psychologique de l’autre. Car notre vie est ainsi faite :

 

De vérifications mais aussi d’élans et de spontanéités. Certains de nos élans et de nos spontanéités sont inspirés par des reflets de nous-mêmes….sauf qu’un reflet, c’est le contraire de l’autre. C’est notre regard sur lui.

Série  » La Flamme » sur la chaine Canal + que je n’ai malheureusement pas encore pu voir.

 

 

Moi, thérapeute de couple ?!

 

 

A ce stade de cet article, on peut peut-être croire que je ma la pète :

 

Que j’ai tout vu et tout entendu. Et que je sais tout concernant le couple. Que je maitrise mon sujet. Ce serait plutôt, un peu le contraire. Je m’applique seulement à être aussi sincère que possible. Aux potins, ragots et autres articles de psychologie « de cuisine » où l’on donne des « trucs »,  je préfère  donner la priorité à un certain vécu, à certaines réflexions. Et à les transmettre. Parce-que j’ai aussi eu la chance, quand même, d’avoir des discussions ouvertes, ou d’être le témoin direct de certaines situations affectives sensibles.

 

Néanmoins, j’ai aussi lu des articles de psychologie « facile ». Et, j’en lirai sans doute d’autres. J’ai aussi écouté des potins et des ragots même si ce n’est pas mon point fort.

 

Car, évidemment, comme pour tout le monde, tout a commencé dans mon enfance.

 

 

 

Le modèle de mes parents :

Je suis largement l’aîné des enfants de mes parents. A voir mes relations passionnelles et rapidement explosives avec mon père, je reste devant un mystère. Je me demande encore quel genre de père il était lorsque je ne m’en souviens pas :

 

Lors de mes quatre premières années de vie. Lorsque j’écoute ma mère, que j’ai déjà questionnée et re-questionnée, mon père aurait été un père tout ce qu’il y a de plus « ordinaire » à mon égard. Mais je ne le crois pas. Je crois que ma mère, pour défendre l’image de mon père et aussi parce qu’elle s’y retrouvait en tant que femme et en tant que mère, avec moi, n’attendait pas trop de « choses » de mon père, lorsque j’étais petit.

 

Si bien des femmes se sentent peu maternelles, il existe aussi néanmoins beaucoup de femmes, sans doute selon un certain modèle traditionnel, qui se sentent d’autant plus femmes qu’elles deviennent mères. Et qu’elles s’occupent de la petite ou du petit. Ce modèle de mère ou de maman n’attendra pas de l’homme ou du père qu’il se lève la nuit lorsque le bébé ou l’enfant se réveille. Ni que l’homme ou le père change les couches, prépare les biberons ou garde l’enfant à la maison. Pour ce « genre » de maman, si le père ou le papa est important, en pratique, celui-ci est un personnage assez secondaire lors des premières années de vie.  Or, les relations que l’on a dès les premières années de vie avec notre enfant mais aussi avec nos frères et nos sœurs engagent nos relations futures.

 

Lorsque je vois à quel point et avec quelle rapidité, quelques échanges avec mon père suffisent à ce que nous soyons chien et chat, ou, plutôt, deux coqs face à face, j’ai beaucoup de mal à croire qu’il ait pu être si « affectueux » à mon égard lors de mes premières années de vie. Même si je ne doute pas de son amour comme de son implication- musclée et obsessionnelle- ensuite dans mon éducation.

 

 

L’enfance est une carrosserie : différences entre la chirurgie et la psychiatrie

 

 

Aîné de mes parents, par contre, je me rappelle bien avoir été le témoin direct et contraint de leurs différends. Et ce n’était pas toujours très beau. Des propos tenus en ma présence.

Des confidences que ma mère a pu me faire. Confidences qui m’ont appris le sens et l’importance de la discrétion et des mots. Ainsi que la solidarité. Sauf que j’étais trop jeune lorsque cet apprentissage a débuté. J’avais moins de dix ans.

 

L’enfance, c’est une carrosserie. Pendant des années, l’enfance permet d’absorber un certain nombre de chocs et d’accidents. Les parents parfaits n’existent pas. Même si chaque parent, je crois, essaie de réparer et de faire mieux ou un peu mieux que ses propres parents.

 

Mais la vie parfaite n’existe pas. Et nous sommes faits et constitués de manière à pouvoir encaisser un certain nombre d’accrochages. Sauf que les coups que nous prenons sont invisibles et laissent des traces invisibles. C’est une des grosses différences entre la chirurgie et la psychiatrie et la psychologie.

 

Lorsque l’on se fracture une jambe en faisant du ski, de la danse, de la Gym ou du Foot, on a des signes physiques visibles. Cela se voit à la radio. On peut réparer. Je crois de plus en plus que beaucoup de nos blessures sportives arrivent souvent , aussi, dans un certain contexte affectif et psychologique même si la fatigue physique et le surentraînement ou la méforme peuvent augmenter les risques de blessures. Mais, retenons dans notre exemple ce que je veux surtout démontrer. La chirurgie permet de réparer et de réduire des dommages physiques et physiologiques « visibles », détectables. Incontestables. Le terme « incontestables » a une grande importance.

Le terme « Démontrables », aussi. On se fracture une jambe, il est très facile de le démontrer. Il suffit de toucher. De regarder à l’œil nu. C’est souvent gonflé, chaud, froid, etc….

 

En psychiatrie et en psychologie, il y a aussi des signes cliniques variés :

 

Perte d’appétit, perte de sommeil, boulimie, anorexie, conduites à risques, pensées particulières,  idées de mort, délires etc….

Sauf qu’entre le moment où un événement traumatique a lieu et « déclenche » l’état psychiatrique ou psychologique- physique et social- visible et détectable, il peut se passer plusieurs années. En pédopsychiatrie, on a des mômes de dix, onze ans voire moins. Ça fait très « petit » pour être hospitalisé dans des services de pédopsychiatrie ou pour consulter dans un centre médico-psychologique ou dans un CMPP. Ou pour rencontrer un psychologue. Mais ça fait combien d’années que la « carrosserie » de ces mômes se mange des chocs et des accrochages ? Depuis leur naissance ? Avant leur naissance ?

 

Dans un garage, on peut vous dire : ça fera tant et tel nombre d’heures pour réparer la carrosserie. La voiture est un objet inerte. L’être humain est le contraire d’un objet. Et l’être humain est tout sauf inerte. L’être humain, c’est de la matière vivante. Réceptive à ce qui l’environne, qu’elle s’en rende compte ou non. Partout, tout le temps. Lorsqu’elle dort. Lorsqu’elle écoute de la musique. Lorsqu’elle passe devant une réclame publicitaire. Lorsqu’on la touche. Ça n’a rien à voir avec une carrosserie de voiture ou avec une fracture que l’on va réduire au bout de quelques semaines ou quelques mois.

 

Le couple, continuité de  notre enfance :

Le couple, c’est la continuité de notre enfance. Même adultes, nous restons des enfants.

Beaucoup de personnes croient qu’une fois adultes, elles se sont complètement séparées de leur enfance. Elles ont évolué, oui. Si on leur propose une tétine ou un biberon pour bébé, c’est évident, qu’elles n’en voudront pas. Mais les tétines et les biberons ont aussi évolué. Eux aussi sont devenus grands. Mais avant de devenir adultes, on passe par l’adolescence. Une période assez critique. On critique le monde, les autres, soi. On fait les comptes de ce que l’on a compris et assimilé de la vie, les bons aspects comme les mauvais.

 

Il existe un âge théorique pour l’adolescence, grossièrement entre 12 et 20 ans, selon les personnes, les sexes et les cultures. Mais c’est très théorique. Cela varie selon les expériences de vie, les tempéraments et les personnes.

L’adolescence est la période des virages sensibles. On n’est plus un enfant physiquement, mentalement, intellectuellement au sens où les adultes n’ont plus le même pouvoir d’autorité ou de dissuasion sur nous. Ils n’ont plus le monopole de l’expérience et du Savoir aussi, et c’est encore plus vrai avec l’informatique et les nouvelles technologies qui ringardisent de plus en plus rapidement les plus « vieux ».

 

Même si, en tant qu’ados,  on craint certains  » vieux ». Même si on en admire d’autres. Même si on recherche d’autres. Ouvertement ou secrètement.

 

Le couple, qui, en principe, est l’un des « trophées » ou l’apanage de l’adulte, permet à l’adolescente et à l’adolescent de passer à l’action. De mettre en pratique sa vision du monde. Ses convictions. L’adolescente ou l’adolescent se croit souvent plus libre que l’adulte qui peut être criblé de défauts. Du côté des adultes, on peut aussi très mal vivre ou très mal supporter ces « jeunes » qui nous dérangent, qui nous cherchent ou nous provoquent. Mais il y a de l’adolescent en chaque adulte et de l’adulte en chaque adolescent. Et, bien-sûr, il y a de l’enfance dans les deux. Sauf que cette enfance n’est pas vécue, protégée ou sacrifiée de la même manière selon les circonstances et les choix des uns et des autres. Il est ados qui font des  choix de vie dont bien des adultes seront incapables. Il est aussi des ados qui font des choix de vie qui feront d’eux des adultes suppliciés et déprimés alors qu’ils avaient pour eux certains atouts. D’autres, ados ou adultes, deviendront des criminels, des SDF…je ne vais pas réinventer la vie. Elle est devant nous, tous les jours.

Un Adolescent :

 

 

Adolescent, je voulais devenir père à vingt ans. Comme ma « mère ». Tout est parti de la naissance de ma sœur, neuf ans après moi. Puis de celle de notre frère, cinq ans plus tard.

 

Au départ, j’avais très mal supporté la présence de ma petite sœur ainsi que ses diverses sollicitations. Puis, je m’étais « acclimaté ». De toute façon, je n’avais pas le choix :

 

Lorsque ma mère partait à l’hôpital pendant douze heures dans le service de réanimation où elle était aide-soignante, et que c’était le week-end, notre père considérait qu’il avait mieux à faire. Et, il me laissait m’occuper de ma sœur et de mon frère à la « place » de maman.

 

J’y ai pris goût. Même si, certaines fois, j’aurais bien aimé pouvoir sortir pour m’amuser avec les copains ou pour aller à mon club d’athlétisme. Un de mes cousins m’avait surnommé, en se marrant : «  La nounou ! ».

 

La Nounou

 

 

A vingt ans, étudiant infirmier, comme ma mère aurait souhaité le devenir, j’ai croisé une femme dans un mes stages à l’hôpital. Elle était aide-soignante, était plus âgée que moi de six ans et avait un enfant. Simplement, sincèrement, elle m’a fait comprendre qu’elle aimerait bien avoir une histoire avec moi. Elle était plutôt jolie. Elle m’était sympathique et rassurante. J’avais été touché par sa déclaration. Elle m’avait expliqué que le père de son enfant, dont elle était séparée, était quelqu’un de gentil mais de pas très adulte.

 

 

Son offre était tentante. Jeune adulte assez récemment déniaisé sexuellement et bien évidemment tourné vers les prodigieux gisements de l’orgasme, j’ai probablement entrevu le très grand potentiel sexuel d’une union avec elle. Mais je savais aussi ce que celle-ci impliquait :

Avec elle, je n’avais aucun doute quant au fait que je serais rapidement devenu père. Et, elle,  à nouveau, une mère.

 

Enfant, puis ado, j’avais pu voir et revoir ce schéma très courant parmi bien des couples de ma famille antillaise, à commencer par mes propres parents :

 

Des jeunes adultes, qui, très vite, dès qu’ils commencent à travailler, font des enfants. Des femmes qui, jeunes, étaient belles et sveltes, et qui, en devenant mères, s’alourdissaient de kilos en kilos avec les années. Des hommes qui, généralement, étaient plutôt machos et se préoccupaient assez peu de psychologie. Contrairement à moi, on l’aura compris.

 

 

Je tiens à préciser que lorsque cette femme, plus mûre que moi, m’avait abordé, je n’avais pas d’intention particulière à son sujet. Si je regardais les femmes au point d’être amoureux de certaines, j’étais beaucoup dans l’idéalisation de la femme. J’avais aussi un sacré handicap, voire plusieurs, pour rencontrer des femmes et avoir des relations intimes avec elles.

 

 

Mes handicaps au sortir de l’adolescence :

 

Au dessus de ma tête et dans ma tête, était plantée l’interdiction paternelle de la Femme blanche. Dans un pays où les gens sont majoritairement blancs, ça compliquait un peu la donne.

 

Ma mère, aide-soignante dans un service de réanimation, m’avait planté dans la tête l’interdiction de la mobylette et de la moto. Interdiction dont je ne me suis toujours pas relevé même si j’ai pu être passager plutôt facilement et avec plaisir derrière des conducteurs de deux roues. Mais, mon père, lui, c’était l’interdiction de la Femme blanche.

 

Si j’avais été un « queutard », j’aurai pu contourner l’interdit. Parce-que Monsieur Papa, lui-même, a bien aimé « rencontrer » quelques femmes blanches. Mais, peut-être du fait de ma solidarité enfantine avec ma mère, je ne suis pas un queutard. Or, un queutard s’intéresse avant tout à son propre plaisir. Et, n’importe qui, n’importe quand, voire, dans n’importe quelles circonstances peut-être, lui « va ».

 

J’avais peur de mettre une femme enceinte. Même si la contraception (pilule et préservatif) existait bien-sûr et était déjà normalisée. Sauf que j’avais sans doute une mentalité de campagnard traditionnel à l’image de mes propres parents. Et, je savais déjà assez concrètement qu’avoir un enfant ou faire un enfant était une responsabilité. On comprend assez facilement vu ce que j’ai pu raconter de mon adolescence. Si plusieurs de mes amis (femmes et hommes) ont découvert vers 25 ou 26 ans, ou plus tard, ont découvert, en devant mères ou pères, ce que ça faisait de s’occuper d’un bébé, moi, je l’avais découvert environ dix ans plus tôt. Et quelque peu par la contrainte. J’en ai eu des bénéfices. Si, aujourd’hui, j’ai plutôt de bonnes relations avec ma sœur et mon frère, aujourd’hui adultes et mères et pères de famille, cela vient sans aucun doute de mes « aptitudes » également maternelles lorsque je me suis occupé d’eux. Néanmoins, une partie de mon adolescence a été un peu malmenée, en particulier lorsque notre père m’imposait de tenir  son rôle lorsque notre mère était au travail et qu’il partait vadrouiller pour son bon plaisir pendant l’intégralité du week-end. Soit un homme et un adulte très exigeant mais pas très juste avec moi. Ce qui explique ma colère assez facilement « érectile » envers lui encore aujourd’hui.

 

« Enfin », et c’est à peu près tout,  j’avais aussi peur du Sida. Car la fin des années 80, c’était l’épidémie du Sida. Epidémie qui existe toujours mais face à laquelle, aujourd’hui, nous disposons de plus d’armes. Aujourd’hui, ce serait plutôt la pandémie du Coronavirus et celle du terrorisme jihadiste vis-à-vis desquels nous manquons d’armes. Ainsi que face au réchauffement climatique et à la montée des extrémismes du manière générale, politiques comme religieux. Cela fait aujourd’hui partie de notre routine de la peur.

 

 

Une femme et un homme : routine ou normalité sociale et conjugale

 

Après avoir croisé cette femme plus âgée que moi, j’ai bien-sûr appris que la « routine » ou normalité conjugale et sociale qu’elle m’avait proposée  se retrouve dans bien d’autres cultures.

 

Mais cette femme était d’origine antillaise comme moi. Sans doute que cela m’a d’autant plus alerté et poussé à déserter. J’avais donc décliné poliment ses propositions malgré l’insistance, aussi, de sa jeune sœur, laquelle me plaisait encore plus mais avait déjà un compagnon.

 

J’avais décliné sa proposition car, depuis mon adolescence, je savais que je ne voulais pas faire partie de ces hommes qui font des mômes sans penser à l’avenir. Et, je savais aussi, sans doute, que je refusais une relation de mensonge :

 

J’aurais pu faire mine d’accepter le projet conjugal de cette femme, coucher avec elle pendant un certain temps, me faire dorloter par elle. Puis m’enfuir. C’est un classique. S’il est assez classique que des hommes quittent une femme après lui avoir fait un ou plusieurs enfants, il est aussi certaines femmes dont la priorité est d’ « avoir » un ou plusieurs enfants. Comme si l’enfant présent permettait de remplacer un ou plusieurs membres qui manquent à la mère.

 

La psychiatrie adulte à vingt cinq ans :

Après mon diplôme d’infirmier, ma mère a essayé un temps de me dissuader d’aller travailler en psychiatrie. Elle avait peur que je devienne fou. Cette fois-ci, sa peur de la psychiatrie m’a moins parlé que sa peur de la moto.

 

 

A vingt cinq ans,  après mon service militaire que j’avais réussi effectuer en tant qu’infirmier dans un service de psychiatrie adulte, j’ai commencé à travailler dans un service de psychiatrie adulte.

 

Depuis l’obtention de mon diplôme d’Etat d’infirmier, quatre ans plus tôt, je m’étais  aperçu que cela ne me correspondait pas d’aligner des tâches à la chaîne dans un hôpital dans un service de soins généraux. Comme si je travaillais sur une chaîne de montage dans une usine. C’était au début des années 1990.

 

Si l’on était en pleine épidémie du Sida, on ne parlait pas, alors, de la pandémie du Covid qui a atterri dans notre système solaire et mental en mars 2020. Mais on parlait déjà de pénurie infirmière. Avant de devenir infirmier titulaire à vingt cinq ans dans ce service de psychiatrie adulte, j’avais aussi été vacataire et infirmier intérimaire dans des cliniques mais aussi dans des hôpitaux publics en île de France. De jour comme de nuit.

 

 

Dans mon « nouveau » service, en psychiatrie adulte, j’ai été le plus jeune infirmier pendant deux ou trois ans. Plusieurs de mes collègues étaient mariés avec enfants ou vivaient en couple. J’étais tout le contraire mais j’avais des principes et des certitudes concernant l’amour et le couple.

 

J’avais donc été très choqué en apprenant que tel collègue, marié, avait trompé sa femme avec telle autre collègue, mariée également mais aussi mère de famille. J’avais été si choqué moralement  que j’avais envisagé de quitter le service devant cette débauche morale, pour moi,  évidente.

 

Puis, j’étais resté. Je me sentais très bien professionnellement et humainement dans ce service. Je m’y sentais si bien que j’ai d’ailleurs fini par m’y sentir comme chez moi. Au point de devenir incapable de le quitter même si je sentais que c’était pourtant ce qu’il fallait faire.  Cela  a eu plus tard des incidences personnelles et professionnelles qui m’ont obligé et poussé plus tard- enfin- à partir. Et à comprendre que l’affectif, même s’il est important avec nos collègues, doit rester secondaire sur notre lieu de travail.

 

Mais, dans ce service, en apprenant à connaître ces collègues, je compris un peu plus que la vie adulte et la vie de couple avaient leurs impasses.

 

Couper le cordon avec nos parents :

 

 

Le modèle du couple de mes parents et de membres de ma famille m’avait bien-sûr déjà donné des indices. Mais on ne fait pas toujours le rapprochement entre le modèle de nos parents et de notre famille et celui que l’on va suivre pour notre propre vie affective. Assez souvent, on suit à peu près le même modèle que nos parents. Même si, en apparence, on a l’impression d’être différent. D’avoir coupé le cordon avec nos parents. Et cela se comprend facilement : 

Même si nous pouvons nous montrer aussi critiques que des ados envers nos parents, ceux-ci n’ont pas tout raté dans leur vie. Il est même des aspects de leur vie que nous serions incapables de supporter ou de réaliser. Je me suis déja demandé par exemple, si, à la place de mes parents, j’aurais eu la capacité, comme eux, de quitter mon pays natal pour la France.  A la fin des années 60, mon père et ma mère ont quitté la Guadeloupe. Ils ont ainsi rompu avec une certaine tradition ainsi qu’une partie du cordon qui les reliait à leurs aînés depuis plusieurs générations depuis l’arrivée de leurs ancêtres, du fait de l’esclavage, en Guadeloupe. Esclavage qui a été aboli en Guadeloupe en 1848. Je le rappelle. Car il est encore des personnes instruites et de bonne foi en France qui ignorent que la présence de la majorité des Antillais par exemple en Guadeloupe ou en Martinique résulte de la traite négrière occidentale qui a duré environ deux cents ans. 

En 1966 et 1967,  mon père avait 22 ans et ma mère, 19 ans.  Même s’ils sont arrivés en « Métropole » avec la nationalité française, il existait alors un tel décalage culturel- qui subsiste- entre la Guadeloupe et la France, ainsi qu’un certain handicap de couleur de peau, que, pour moi, leur venue « en » France a bien des points communs avec celle de beaucoup d’immigrés. C’est comme cela que je m’explique ma compréhension assez « intuitive » de certaines difficultés d’intégrations de jeunes français d’origine arabe ou maghrébine par exemple. Et, je ne vois aucun hasard dans le fait que mon meilleur ami soit d’origine algérienne. Même si j’ai appris depuis que dans certains quartiers, il arrive qu’Arabes et noirs ( africains ou antillais) soient les pires ennemis les uns pour les autres. 

 

 

Et puis, il y a une frontière que l’on ne franchit pas vis à vis de ses parents lorsque l’on est mature :

 

Leur sexualité nous est interdite. Ce n’est pas Auchan ou une salle de cinéma. Nous n’avons pas de droit de regard dessus. Alors que l’on peut plus facilement s’autoriser à franchir cette frontière en « regardant » ou en imaginant la sexualité de tels collègues ensemble. J’ai déjà entendu parler de ragots à propos des coucheries ou de la relation sentimentale entre deux collègues. Je n’ai jamais entendu parler de ragots à propos de la sexualité de mes parents lorsqu’ils s’accouplaient :

 

 Il doit être très rare que des enfants, entre eux, se racontent les derniers potins concernant les derniers vibratos éjaculatoires et clitoridiens de leurs parents.

 

 

En quittant ce premier service de psychiatrie, quelques années plus tard,  pour un autre service, mon regard sur le couple, l’amour et certaines normes conjugales avait changé. J’avais par exemple compris, je crois, que désirer et aimer quelqu’un ne suffit pas pour être heureux ensemble. Même si ce désir et cet amour sont partagés. Et qu’ils comptent bien-sûr dans la construction d’un couple ou d’une relation. Du moins, à mon avis.

 

Un quasi-expert dans les relations sentimentales à la mords-moi-le-nœud :

 

 

Pour  apprendre ça, j’avais payé de ma personne :

 

J’étais devenu un quasi-expert dans les relations sentimentales à la « mords-moi-le-nœud ».

 

Si j’ai connu des histoires d’amour avant de travailler dans ce service puis ensuite, j’ai aussi vécu l’échec final : ce que l’on appelle la rupture sentimentale. J’ai connu la rupture sentimentale, les ruptures sentimentales. Mais je n’avais toujours pas coupé le cordon avec mes parents. Donc, j’étais dans ce que l’on appelle…la répétition.

 

 J’ai été quitté. J’ai aussi quitté. Peu importe la sincérité de départ de l’un ou de l’autre.

 

A celles et ceux qui ont pu me dire, à un moment donné que je manquais de chance, j’ai fini par répondre :

 

« Non ! Je ne suis pas doué pour le bonheur ».

 

 

A une collègue, en couple, qui avait pu me dire que cela l’angoissait d’être seule, j’avais répondu :

 

« Moi, c’est d’être en couple qui m’angoisse ».

 

 

Et, c’est vrai que, célibataire, j’ai connu un certain nombre de moments où j’étais vraiment très content d’être tout seul chez moi.

Mais il y a eu aussi d’autres moments moins drôles. Où je devais partir à la chasse d’affection. Au point qu’un certain nombre de fois, j’ai pu être trop présent auprès de certaines personnes. Aux mauvais moments. De la mauvaise façon. Avec les « mauvaises » personnes : celles qui étaient indisponibles.

 

Une certaine addiction :

 

A la Répétition d’histoires sentimentales à la mords-moi le nœud, s’est ajoutée sa cousine ou sa jumelle : Une certaine Addiction aux histoires à la mords-moi-le-nœud.

 

 

Aujourd’hui, je peux parler « d’addiction » parce-que depuis que je m’intéresse d’un peu plus près au sujet des addictions depuis environ quatre ans, j’ai compris que l’on peut être aussi « addict » à un certain type de comportements qui nous sont néfastes. Parce-que ces comportements nous dirigent et nous transportent vers des situations que l’on connaît bien. Même si ces situations nous déposent toujours, à un moment ou à un autre, sur un matelas hérissé de tessons ou de clous dans lequel on s’enroule, seul.

 

 

Entre l’obsession et l’addiction, il y a aussi des points communs. Nous sommes nombreux à avoir des obsessions. Nous sommes aussi nombreux à avoir certaines addictions. Mais nous nous en sortons différemment selon les lieux, selon notre entourage et aussi selon notre capacité à le voir ou à le nier.

 

 

Je me maintenais dans des histoires à la mords-moi-le-nœud parce-que l’inconnu me faisait peur. L’inconnu d’être dans une histoire sentimentale stable et simple. La peur de me conformer à une histoire conjugale « normale » et routinière comme mes parents où le Devoir et le sacrifice semblent l’emporter, l’ont emporté, avant tout.

 

Avant que les gens ne prennent de l’âge, de l’arthrose, ne s’avachissent sous les kilos, le poids de leurs artères et de leurs colères contre l’autre, ils ont été beaux. Ils ont été souriants en rencontrant l’autre. Et, ils ont cru à leur histoire même si celle-ci a peu duré et que l’artifice a très vite disparu. Dans le monde animal, il n’y a aucun drame car c’est comme ça que cela doit se passer. Il n’y a pas de rancune particulière, je crois. Mais dans le monde des êtres humains, cela se passe différemment. Il y a de la mémoire, des rancunes, des espoirs et  des comptes à rendre à l’autre :

 

 A soi-même, à notre entourage ainsi qu’à nos aînés mais aussi à notre descendance.

 

Ça fait beaucoup. Et cette histoire se perpétue.

 

Le mensonge et les normes sociales :

 

 

Je suis devenu père et me suis marié tard. J’avais quarante cinq ans. Je connaissais déjà la sécurité sociale et économique. En me mariant avec ma compagne mais aussi en devenant père, j’ai découvert la sécurité affective :

 

Cette présence quotidienne et aimante qui vous attend et vous reçoit quelle que soit la journée que vous avez passée. Quels que soient vos travers et vos humeurs. Tout ce que vous avez à faire pour cela, c’est rentrer chez vous, passer un coup de téléphone ou envoyer un sms et quelqu’un, votre compagnon ou votre compagne, voire votre enfant, généralement, vous répond plutôt favorablement. Vous êtes souvent le bienvenu ou la bienvenue. Vous bénéficiez assez souvent d’une attention particulière.

 

 

En découvrant cette expérience, j’ai aussi eu la confirmation que certains de mes proches et de mes connaissances qui m’affirmaient avoir moins de temps pour me voir ou me rappeler, m’avaient menti. Le mensonge fait aussi partie des normes sociales. Le mensonge envers les autres. Mais aussi vis à vis de soi-même :

 

Si l’on a moins de temps lorsque l’on se met en couple et que l’on décide ensuite de « faire » un enfant, on peut, si on le veut véritablement, joindre untel ou untel. Ou prendre le temps de le rencontrer. Cela nécessite plus de préparation pour une durée plus courte. Mais c’est possible.

 

Cet article est imparfait et biaisé bien-sûr mais je le crois sincère. Je le vois comme le contraire de certains mensonges sociaux.

 

 

Mais il y a d’autres mensonges qui subsistent. Lorsque l’on se met en couple, que l’on se marie ou non, on se dit oui. Sauf que, même en se disant ouvertement oui, il y a d’autres points sur lesquels on se dit non. Mais comme on est plein d’amour et de désir l’un pour l’autre, on n’y fait pas attention. On banalise ces quelques points qui peuvent ou vont devenir beaucoup plus sensibles à mesure que l’on va se rapprocher l’un de l’autre dans le quotidien mais aussi dans la vie intime.

 

 

La Clinique de l’Amour : une émission de France Inter

 

 

Cette très longue introduction pour expliquer ce qui a pu me donner envie de découvrir et d’écouter cette émission de France Inter appelée La Clinique de l’Amour. Une émission qui raconte en plusieurs épisodes (cinq ou six) d’une vingtaine de minutes l’évolution de plusieurs couples qui font une thérapie.

 

L’émission m’a « plu ». Même si je lui reprocherais le fait que, par moments, pour moi, les thérapeutes sont trop intervenus. Cela peut faire sourire après tout ce que j’ai écrit avant de vous parler, finalement, de ce podcast de France Inter qui date de février 2020.

 

Le thérapeute masculin par exemple. Il est certaines fois où, à mon avis, les deux thérapeutes auraient dû davantage « protéger » la parole de celle ou de celui qui s’exprime  et le laisser parler. Au lieu de le laisser ou de la laisser se faire « pilonner » verbalement par l’autre.

 

Je crois que ça aurait été « bien » d’expliciter :

 

De dire par exemple à telle personne qu’elle semble très déçue ; qu’elle avait apparemment une très haute vision ou une vision différente de ce que son mari ou sa compagne allait être dans la vie de couple ou de famille.

 

 

Un des couples a trois enfants. Je crois que cela aurait été bien de demander pourquoi trois enfants ? Pourquoi pas deux ? Pourquoi pas un seul ?

Vu que j’ai compris que bien des couples font des enfants en pensant que faire des enfants rapproche et va aider le couple à se « soigner ».

 

Alors que je crois que cela peut être le contraire : lorsque l’on fait un enfant, nos tripes prennent facilement ou peuvent facilement prendre le dessus sur tout ce que l’on essaie d’être ou de faire de manière rationnelle. Et l’on peut alors s’apercevoir à quel point on est très différent de sa « moitié » voire opposé à elle. Même si on peut aussi devenir complémentaire.

 

 

J’ai aussi été  à nouveau assez agacé par certaines phrases typiques du vocabulaire professionnel de mes « collègues »:

 

Ma remarque est sûrement très déplacée. Car le principal est bien-sûr que ces thérapeutes aient fourni leur présence, leur constance et leur empathie à ces couples. Mais je vois à nouveau dans ces tics de vocabulaire et de langage de mes « collègues » thérapeutes un certain manque de spontanéité : un trop haut degré d’intellectualisation ; une certaine carence affective. Comme s’ils s’en tenaient à un texte ou à un protocole appris par cœur qui les empêche d’improviser. Comme s’ils s’exprimaient de manière scolaire.

 

 

Hormis ces quelques remarques, j’ai bien aimé cette émission.

 

 

J’aimerais pouvoir ensuite traduire cet article en Anglais voire peut-être en Espagnol quand je le pourrai.

 

Apparemment, pour l’instant, je n’arrive pas à intégrer le lien vers ce podcast dans cet article. Mais on le trouve facilement. Dès que je le pourrai, je l’intégrerai à l’article.

https://podcasts.apple.com/fr/podcast/1-partir-ou-rester/id1498194259?i=1000465403252

 

 

Je le précise assez peu dans mes articles mais la plupart des photos prises dans la rue ou dans le métro sont de moi.  

Franck Unimon, ce jeudi 29 octobre 2020. Puis, ce lundi 2 novembre 2020 où j’ai ajouté un certain nombre de propos et de pages depuis l’article initial.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Certaines idées

 

                                               Certaines idées

Certaines idées nous viennent lorsque l’on n’a rien à faire. Que nous sommes seuls et que nous devons improviser. Pour le pire comme pour le meilleur. 

 

Tout dépend de notre entraînement au dé comme aux idées. De notre environnement mais aussi de notre tempérament. Certaines personnes sont très mobiles surtout verbalement. D’autres ont régulièrement besoin de bouger et de changer. Il y a celles et ceux qui considèrent que, de toute façon, ils ne valent rien, et que par conséquent, tout ce qui se présente devant eux est bon à prendre. Absolument tout.

 

Il reste  les muets et  les effacés, que l’on oublie souvent, et qui peuvent faire partie des plus enragés dès qu’ils s’accrochent à une idée.

 

On dit que ces idées sont venues comme ça mais c’est souvent faux. Les idées sont souvent là. Telles des connaissances et des silhouettes endormies plus ou moins proches que l’on décide un jour de réveiller ou d’aller voir de plus près. C’est notre côté belle au bois dormant sauf que notre vie peut très vite ressembler à un dessin abîmé.

 

 Il y a les idées dominantes et celles qui se font plus discrètes. Il y a celles qui nous obsèdent pendant une période donnée et celles que l’on délaisse ensuite complètement pour d’autres que l’on avait pu même mépriser à une époque.

 

Cependant, quelles qu’elles soient, toutes ces idées,  passent leur temps à nous étudier.  Elles n’ont que ça à faire. Se frotter contre les barreaux et le barillet de notre cerveau. Attendre le moment où nous allons appuyer sur la détente qui va les libérer et nous, nous enfermer un peu plus, ou, au contraire, nous ouvrir un peu plus la bouche d’émerveillement.

 

 

Près de l’Opéra Garnier

 

 

Ce jeudi matin, près de l’Opéra Garnier, c’est en attendant à la station de bus que j’ai décidé de me rendre au procès des attentats de Charlie Hebdo et L’Hyper Cacher, mais aussi de l’assassinat de la policière Clarissa Jean-Philippe.

 

J’avais deux bonnes heures devant moi avant une projection de presse. Et cela faisait déjà quelques jours que je pensais à  aller au tribunal de grande instance. Avant même que ne soit assassiné le professeur d’histoire géo Samuel Paty, par un terroriste islamiste. C’était le vendredi 16 octobre 2020 dernier à Conflans Ste Honorine, une ville de banlieue parisienne que je connais un peu.

 

J’étais peut-être au lycée, ou au collège, la première fois que je suis allé assister avec ma classe et un de mes professeurs à un jugement. C’était au tribunal de Nanterre. Un adulte, retardé mental, assez grand, avait été jugé pour avoir, une fois de plus, montré son intimité à une petite fille. Au tribunal, cet homme avait peur.

 

Plus tard, c’était pour voir plaider le grand frère d’un collègue au tribunal de la Cité. Je m’étais dit ensuite que j’y retournerais. Mais je ne l’avais pas fait. C’était au début des années 2000. Aujourd’hui, on dirait presque que tout allait bien ou mieux en France à cette époque. Alors qu’en ce « temps-là », on faisait aussi la tête.

 

La France divisée face à Charlie Hebdo :

 

 

Aujourd’hui, la France semble divisée en cinq voire en six face aux attentats et à l’intégrisme islamistes. Mais aussi face à Charlie Hebdo.

 

D’un côté, il y a certains « croyants » qui considèrent que le Religieux, l’idée qu’ils se font et ont du Religieux, est si sacré que blasphémer, faire des caricatures de leur Religion et de leur Dieu, c’est les violer, les insulter et les mépriser. Et que cela « justifie » la torture et la peine de mort.

 

Je me suis déja demandé si, pour certains, Charlie Hebdo est  perçu comme l’équivalent d’un journal de propagande colonialiste. Un peu comme si « La » France colonialiste, ou plutôt l’ex-grande puissance colonialiste, qui a pu dans le passé, et peut mépriser certaines fois l’Islam et les musulmans, continuait de les insulter au travers de ces dessins et de ces caricatures de Charlie Hebdo.

 

Un peu comme si la France politique et militaire actuelle s’affichait au travers des caricatures et des dessins de Charlie Hebdo. Et que l’humour de Charlie Hebdo se confondait avec le passé colonial de la France mais aussi avec sa politique étrangère.

 

Alors que, dans les faits, Charlie Hebdo est un journal indépendant, anti-impérialiste et anticolonialiste!

 

Par contre, il est vrai que Charlie Hebdo est un journal français. Et qu’à défaut de pouvoir s’en prendre directement à l’Etat français et à une armée française entraînée,  il est plus facile de toucher la France en s’en prenant à des Français sans armes. Le principe étant sans doute «  à la guerre comme à la guerre » ou « œil pour œil, dent pour dent ». La priorité étant de tuer, de faire mal et de faire peur coûte que coûte par tous les moyens.

 

Les attentats islamistes font partie de ces moyens.

 

Devant ces attentats, il y a celles et ceux qui affirment et rappellent que la France est un pays où la liberté, l’égalité, la fraternité, la laïcité  (la démocratie) et donc le droit au blasphème et aux caricatures, priment. Mais c’est peut-être un dialogue de sourds :

 

Pendant que certains parlent de liberté, égalité, fraternité, laïcité ( et démocratie), d’autres préparent des attentats et les « réalisent » dès qu’ils le peuvent.

 

La peur et le trouble idéologique mais aussi économique : Une ambiance particulière

 

Ce qui convient aux stratèges- en France et ailleurs- qui comptent bien profiter de la peur et du trouble idéologique actuel pour prendre le Pouvoir politique, idéologique et économique. Je pense au moins à la Chine qui continue de grignoter le monde économiquement pendant ce temps. Mais il y a d’autres pays, auxquels on ne pense pas forcément en ce moment, qui continuent d’évoluer. Pendant qu’en France, on continue en quelque sorte de se « niquer entre nous » (de se détruire et de s’autodétruire). Au point qu’une guerre civile poindra peut-être son vrai visage un de ces jours. Et ce visage sera encore plus moche que ce que nous avons déja connus ces dernières années.

 

Je ne le souhaite pas.

 

Et une guerre civile ne signifie pas que Toute la France serait touchée. Mais avec la pandémie du covid, la crise sociale et économique, les attentats islamistes et les embrouilles politique, on ne sait plus toujours où tourner la tête. Et, l’on peut envisager qu’un jour, un incident a priori anodin, par accumulation, fasse « guerre civile ».

 

Pensons par exemple à cette nouvelle façon, depuis environ deux mois, après le déconfinement,  aux nouvelles techniques des contrôleurs de titres de transports de la SNCF :

 

Débarquer, habillés en civils.  Comme s’ils prenaient d’assaut les passagers.

Clamer « Contrôle des titres de transport, s’il vous plait ! ».

Montrer leur brassard fluorescent (jaune ou orange) de contrôleur comme s’ils étaient policiers ou douaniers et que nous sommes avant tout des suspects ou des trafiquants avant d’être des passagers en règle.

 

Pensons aussi à toutes ces nouvelles mesures de prévention anti-Covid :

 

Le couvre-feu qui impose pour au moins quatre semaines de rester chez soi ou sur son lieu de travail de 21h à 6h sauf motif valable et justifiable. Couvre-feu qui impose aussi au moins aux restaurants et aux bars de connaître à nouveau une période de fermeture, très dure pour leur économie.

 

Le couvre-feu actuel- pour raisons sanitaires- se comprend bien-sûr. Mais….

Peut-être qu’un jour, une personne lambda, usée par tout ce climat, va très mal supporter un énième contrôle approximatif ou indélicat; une énième restriction ou remarque et que, par effet « domino », cela va « dégénérer » et déboucher sur un grave trouble de l’ordre public.

 

Savoir se situer devant un programme pédagogique particulier :

 

 

Dans ce contexte, il est peut être d’autant plus difficile de savoir où se situer par rapport aux caricatures de Charlie Hebdo. Puisque nous vivons une période troublée. Nous ne savons pas quand nous allons sortir de cette pandémie du Covid. Des attentats. La planète va mal. Economiquement, c’est très dur. Alors, le sujet de  Charlie Hebdo et ses caricatures peut aussi passer pour anecdotique et secondaire.

 

Pour celles et ceux qui croient que moins de caricatures et moins de blasphèmes suffiraient à apaiser le climat terroriste d’inspiration islamiste, on peut rappeler ceci à propos de l’assassinat de Samuel Paty :

 

Le projet de son assassin a été de le décapiter.

 

Il se raconte que le problème, c’est le blasphème et les caricatures. Mais l’assassin a tué quelqu’un, un enseignant, qu’il ne pouvait pas remplacer à son poste.

 

La compétence de Samuel Paty, ainsi que sa formation, son projet, en plus d’être une personne, c’était de transmettre un Savoir, une réflexion. Un Savoir et une réflexion qui a, entre-autres,  consisté à parler et montrer des caricatures de Charlie Hebdo.

 

Samuel Paty était une personne en plus d’être Charlie Hebdo

 

Pourtant, en quelques minutes, un  « inconnu » qui n’a sans doute jamais donné un seul cours d’histoire géo de sa vie, est venu imposer  au couteau de cuisine son projet « pédagogique ». Projet qui, lui, a consisté à décider que les compétences pédagogiques de Samuel Paty étaient condamnables et méritaient la décapitation. Un peu comme si, demain, un inconnu considérait que vous parlez mal à vos parents. Parce que vous leur faites des mauvaises blagues en leur montrant des dessins pas drôles.  Et que, de ce fait, il (cet inconnu) avait donc le droit de venir vous décapiter à la sortie de votre travail.

 

Donc, lorsque vous faites des « mauvaises » blagues, où que vous soyez, si ça se sait,  vous devez accepter que n’importe qui, en « représailles »,  peut venir vous découper.

 

C’est ça, le programme pédagogique islamiste si l’on regarde l’assassinat de Samuel Paty.

 

 

L’autre particularité de cet assassinat qui m’a marqué, concerne l’argent.

 

Samuel Paty aurait été, au moins selon son assassin, un être sacrilège qui méritait la mort. L’assassin a donc eu la conviction d’être, lui, une personne moralement irréprochable.

Une personne si moralement irréprochable qu’elle donne de l’argent à des jeunes pour qu’ils lui désignent – ou lui dénoncent- Samuel Paty. Pour «  300 euros » que ces jeunes (ils étaient cinq apparemment) se seraient partagés. Etre « pur » et se servir de l’argent pour « appâter » des jeunes?  ça fait penser à une forme de corruption de la jeunesse.

 

En plus, cette histoire d’argent rappelle aussi l’histoire de Judas qui trahit Jésus.

 

Même si on n’aime pas les caricatures de Charlie Hebdo, on a le droit de ne pas les aimer, il suffit de 300 euros pour tuer quelqu’un ?

 

Notre vie vaut 300 euros ?

 

Donc, on passe plusieurs années de notre vie- voire toute notre vie- à essayer de devenir quelqu’un ou quelque chose. Et un inconnu décide de son côté de nous apprendre que notre vie va s’arrêter pour 300 euros parce-que l’on a montré des dessins….

Et, il y a des gens qui vont répondre :

 

 « C’est comme ça ! Il fallait arrêter de provoquer ! Tu cherches, tu trouves ! » (sous-entendu : tu cherches les ennuis, tu trouves la mort. Il ne faut pas t’étonner !).

 

Cependant, il y a un troisième aspect dans l’assassinat de Samuel Paty que je refoule pour l’instant parce-que, pour le peu que j’ai lu à son sujet, je n’ai rien trouvé à ce propos. Et j’ai envie de croire que cela n’a rien à voir avec son assassinat horrible : 

Le prénom « Samuel » peut faire penser à des origines juives. Spontanément, lorsque j’entends que quelqu’un s’appelle « Samuel », je ne me demande pas s’il est juif ou non. Je n’ai rien contre les juifs. Et je n’ai rien non plus contre les musulmans. Mais peut-être que parmi ses détracteurs, assassin inclus, il s’est trouvé quelqu’un qui, en plus de lui reprocher d’avoir montré – et parlé- des caricatures de Charlie Hebdo a pu supposer qu’il était juif ou voire le lui reprocher. 

J’espère donc que ce crime n’est pas, en plus, un crime antisémite…. 

 

 

A l’opposé, Il y a celles et ceux qui sont contents d’expliquer que le problème, en France, depuis toujours, de toute façon, vient des immigrés, des musulmans, des noirs et des arabes. Ou des juifs. Donc, tous ces attentats islamistes « arrangent » celles et ceux qui pensent que le problème, en France, « depuis toujours, de toute façon, vient des immigrés, des musulmans, des noirs et des arabes. Ou des juifs ». Et par « arabes », ils pensent : Toute personne qui vient du Moyen-Orient comme du Maghreb. Toute personne qui n’a pas le type caucasien.

 

 

Au milieu de tout ça, quelque part en France,  il y a toutes les victimes passées et actuelles des attentats et des crimes terroristes, décédées, blessées, mais aussi leur famille. Et les futures victimes.  

 

On peut rester vivant et être victime. Si l’on passe sa vie à avoir peur au moindre geste que l’on fait, au moindre bruit que l’on entend et au moindre regard que l’on suscite. Et, cette peur, on la transmettra autour de soi.

 

 Dans le bus :

 

Dans le bus qui m’a rapproché du tribunal de grande instance, j’ai fait peur à une femme qui dormait lorsque je suis venu m’asseoir à côté d’elle. Elle a peut-être eu peur tout simplement parce-que je l’ai surprise et que j’étais un inconnu.

 

Elle a peut-être eu peur parce qu’en se réveillant, son regard est tombé sur moi qui portais, comme tous les passagers, mon masque chirurgical anti-covid.

 

C’est sûrement une coïncidence. Mais il a fallu que ce soit ce matin-là en particulier, alors que je me rendais pour la première fois au procès des attentats de Charlie Hebdo, de L’hyper-cacher de Vincennes et de l’assassinat de Clarissa Jean-Philippe, que je fasse ainsi peur à une femme, dans les transports en commun.

 

Le plus « drôle », c’est que j’ai même pensé un moment que je la connaissais : 

Elle ressemblait un peu à une ancienne collègue.

 

J’ai présenté mes excuses à cette femme, sous le regard amusé d’un autre passager non loin de là, pour lui avoir fait peur. Elle m’a rapidement répondu que ce n’était pas grave et qu’il n’y avait aucun problème. Nous avons ensuite continué notre trajet côte à côte.

 

Cela m’a fait d’autant plus de bien, quelques stations plus loin, lorsqu’une maman est montée dans le bus avec sa fille dans une poussette. La petite devait avoir à peine deux ans. Souriante, elle s’est aussi très vite manifestée, criant, pleurant, embarrassant sa mère, et s’agitant un peu. Même une fois posée contre sa maman. Elle voulait peut-être se promener à quatre pattes dans le bus en mouvement. Ce qui était bien-sûr inconcevable.

 

 

Lorsque nous sommes arrivés près de l’hôpital Bichat, je suis descendu du bus. Puis, j’ai marché jusqu’au nouveau tribunal de grande instance. Ainsi que jusqu’à mes prochaines idées. Lesquelles, on le sait maintenant, me suivaient sûrement pas à pas depuis un certain temps…

 

 

A l’arrière plan, le nouveau tribunal de grande instance.

 

 

 

Franck Unimon, ce vendredi 23 octobre 2020.

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Olivier de Kersauson- Le Monde comme il me parle

 

                    Olivier de Kersauson- Le Monde comme il me parle

« Le plaisir est ma seule ambition ».

 

 

Parler d’un des derniers livres de Kersauson

 

Parler d’un des derniers livres de Kersauson, Le Monde comme il me parle,  c’est presque se dévouer à sa propre perdition. C’est comme faire la description de notre dentition de lait en décidant que cela pourrait captiver. Pour beaucoup, ça manquera de sel et d’exotisme. Je m’aperçois que son nom parlera spontanément aux personnes d’une cinquantaine d’années comme à celles en âge d’être en EHPAD.

 

Kersauson est sûrement assez peu connu voire inconnu du grand public d’aujourd’hui. Celui que j’aimerais concerner en priorité avec cet article. Je parle du public compris grosso modo entre 10 et 35 ans. Puisque internet et les réseaux sociaux ont contribué à abaisser l’âge moyen du public lambda. Kersauson n’est ni Booba, ni Soprano, ni Kenji Girac. Il n’est même pas le journaliste animateur Pascal Praud, tentative de croisement tête à claques entre Donald Trump et Bernard Pivot, martelant sur la chaine de télé Cnews ses certitudes de privilégié. Et à qui il manque un nez de clown pour compléter le maquillage.

 

Le Mérite

 

Or, aujourd’hui, nous sommes de plus en plus guidés par et pour la dictature de l’audience et du like. Il est plus rentable de faire de l’audience que d’essayer de se faire une conscience.  

 

Que l’on ne me parle pas du mérite, héritage incertain qui peut permettre à d’autres de profiter indéfiniment de notre crédulité comme de notre « générosité » ! Je me rappelle toujours de cette citation que m’avait professée Spock, un de mes anciens collègues :

 

« Il nous arrive non pas ce que l’on mérite mais ce qui nous ressemble ».

Une phrase implacable que je n’ai jamais essayé de détourner ou de contredire.

 

Passer des heures sur une entreprise ou sur une action qui nous vaut peu de manifestations d’intérêt ou pas d’argent revient à se masturber ou à échouer. 

Cela équivaut à demeurer  une personne indésirable.

Si, un jour, mes articles comptent plusieurs milliers de lectrices et de lecteurs, je deviendrai une personne de « valeur ».  Surtout si ça rapporte de l’argent. Beaucoup d’argent. Quelles que soient l’originalité ou les vertus de ce que je produis.

 

Mais j’ai beaucoup de mal à croire à cet avenir. Mes écrits manquent par trop de poitrine, de potins, d’images ad hoc, de sex-tapes, de silicone et de oups ! Et ce n’est pas en parlant de Kersauson aujourd’hui que cela va s’améliorer. Kersauson n’a même pas fait le nécessaire pour intégrer  l’émission de téléréalité Les Marseillais !

 

Rien en commun

 

Mais j’ai plaisir à écrire cet article.

 

Kersauson et moi n’avons a priori rien à voir ensemble. Il a l’âge de mon père, est issu de la bourgeoisie catholique bretonne. Mais il n’a ni l’histoire ni le corps social (et autre) de mon père et de ma mère. Même si, tous les deux, ont eu une éducation catholique tendance campagnarde et traditionnelle. Ma grand-mère maternelle, originaire des Saintes, connaissait ses prières en latin.  

 

Kersauson a mis le pied sur un bateau de pêche à l’âge de quatre ans et s’en souvient encore. Il a appris « tôt » à nager, sans doute dans la mer, comme ses frères et soeurs.

Je devais avoir entre 6 et 9 ans lorsque je suis allé sur mon premier bateau. C’était dans le bac à sable à côté de l’immeuble HLM où nous habitions en banlieue parisienne. A quelques minutes du quartier de la Défense à vol d’oiseau.

 

J’ai appris à nager vers mes dix ans dans une piscine. Le sel et la mer pour lui, le chlore et le béton pour moi comme principaux décors d’enfance.

 

Moniteur de voile à 13 ans, Kersauson enseignait le bateau à des parisiens (sûrement assez aisés) de 35 à 40 ans. Moi, c’est plutôt vers mes 18-20 ans que j’ai commencé à m’occuper de personnes plus âgées que moi : c’était des patients  dans les hôpitaux et les cliniques. Changer leurs couches, vider leur  bassin, faire leur toilette, prendre soin d’eux….

 

J’ai pourtant connu la mer plus tôt que certains citadins. Vers 7 ans, lors de mon premier séjour en Guadeloupe. Mais si, très tôt, Kersauson est devenu marin, moi, je suis un ultramarin. Lui et moi, ne sommes pas nés du même côté de la mer ni pour les mêmes raisons.

La mer a sûrement eu pour lui, assez tôt, des attraits qui ont mis bien plus de temps  à me parvenir.  Je ne vais pas en rajouter sur le sujet. J’en ai déjà parlé et reparlé. Et lui, comme d’autres, n’y sont pour rien.

 

Kersauson est né après guerre, en 1944, a grandi dans cette ambiance (la guerre d’Indochine, la guerre d’Algérie, la guerre du Vietnam) et n’a eu de cesse de lui échapper.

Je suis né en 1968. J’ai entendu parler des guerres. J’ai vu des images. J’ai entendu parler de l’esclavage. J’ai vu des images. J’ai plus connu la crise, la peur du chômage, la peur du racisme, l’épidémie du Sida, la peur d’une guerre nucléaire, les attentats. Et, aujourd’hui, le réchauffement climatique, les attentats, les serres d’internet, l’effondrement, le Covid.

 

Kersauson, et moi, c’est un peu la matière et l’antimatière.

 

En cherchant un peu dans la vase

 

Pourtant, si je cherche un peu dans la vase, je nous trouve quand même un petit peu de limon en commun.

L’ancien collègue Spock que j’ai connu, contrairement à celui de la série Star Trek, est Breton.

C’est pendant qu’il fait son service militaire que Kersauson, Breton, rencontre Eric Tabarly, un autre Breton.

 

C’est pendant mon service militaire que j’entends parler pour la première fois de Kersauson. Par un étudiant en psychologie qui me parle régulièrement de Brautigan, de Desproges et de Manchette sûrement. Et qui me parle de la culture de Kersauson lorsque celui-ci passe aux Grosses Têtes de Bouvard. Une émission radiophonique dont j’ai plus entendu parler que je n’ai pris le temps de l’écouter.

 

Je crois que Kersauson a bien dû priser l’univers d’au moins une de ces personnes :

Desproges, Manchette, Brautigan.

 

Pierre Desproges et Jean-Patrick Manchette m’ont fait beaucoup de bien à une certaine période de ma vie. Humour noir et polar, je ne m’en défais pas.

 

C’est un Breton que je rencontre une seule fois (l’ami de Chrystèle, une copine bretonne de l’école d’infirmière)  qui m’expliquera calmement, alors que je suis en colère contre la France, que, bien que noir, je suis Français. J’ai alors entre 20 et 21 ans. Et je suis persuadé, jusqu’à cette rencontre, qu’il faut être blanc pour être Français. Ce Breton, dont j’ai oublié le prénom, un peu plus âgé que moi, conducteur de train pour la SNCF, me remettra sur les rails en me disant simplement :

« Mais…tu es Français ! ».

C’était à la fin des années 80. On n’entendait pas du tout  parler d’un Eric Zemmour ou d’autres. Il avait beaucoup moins d’audience que depuis quelques années. Lequel Eric Zemmour, aujourd’hui, a son trône sur la chaine Cnews et est la pierre philosophale de la Pensée selon un Pascal Praud. Eric Zemmour qui se considère fréquemment comme l’une des personnes les plus légitimes pour dire qui peut être Français ou non. Et à quelles conditions. Un de ses vœux est peut-être d’être le Montesquieu de la question de l’immigration en France.

 

Dans son livre, Le Monde comme il me parle, Kersauson redit son attachement à la Polynésie française. Mais je sais que, comme lui, le navigateur Moitessier y était tout autant attaché. Ainsi qu’Alain Colas. Deux personnes qu’il a connues. Je sais aussi que Tabarly, longtemps célibataire et sans autre idée fixe que la mer, s’était quand même  acheté une maison et marié avec une Martiniquaise avec laquelle il a eu une fille. Même s’il a fini sa vie en mer. Avant d’être repêché.

 

Ce paragraphe vaut-il à lui tout seul la rédaction et la lecture de cet article ? Toujours est-il que Kersauson est un inconnu des réseaux sociaux.

 

Inconnu des réseaux sociaux :

 

 

 

Je n’ai pas vérifié mais j’ai du mal à concevoir Kersauson sur Instagram, faisant des selfies ou téléchargeant des photos dénudées de lui sur OnlyFans. Et il ne fait pas non plus partie du décor du jeu The Last of us dont le deuxième volet, sorti cet été,  une des exclusivités pour la console de jeu playstation, est un succès avec plusieurs millions de vente.

 

Finalement, mes articles sont peut-être trop hardcore pour pouvoir attirer beaucoup plus de public. Ils sont peut-être aussi un peu trop « mystiques ». J’ai eu cette intuition- indirecte- en demandant à un jeune récemment ce qu’il écoutait comme artistes de Rap. Il m’a d’abord cité un ou deux noms que je ne connaissais pas. Il m’avait prévenu. Puis, il a mentionné Dinos. Je n’ai rien écouté de Dinos mais j’ai entendu parler de lui. J’ai alors évoqué Damso dont j’ai écouté et réécouté l’album Lithopédion (sorti en 2018) et mis plusieurs de ses titres sur mon baladeur.  Le jeune m’a alors fait comprendre que les textes de Damso étaient en quelque sorte trop hermétiques pour lui.

Mais au moins Damso a-t’il des milliers voire des millions de vues sur Youtube. Alors que Kersauson…. je n’ai pas fouillé non plus- ce n’est pas le plus grave- mais je ne vois pas Kersauson avoir des milliers de vues ou lancer sa chaine youtube. Afin de nous vendre des méduses (les sandales en plastique pour la plage) signées Balenciaga ou une crème solaire bio de la marque Leclerc.

 

J’espère au moins que « Kersau », mon Bernard Lavilliers des océans, est encore vivant. Internet, google et wikipédia m’affirment que « oui ». Kersauson a au moins une page wikipédia. Il a peut-être plus que ça sur le net. En écrivant cet article, je me fie beaucoup à mon regard sur lui ainsi que sur le livre dont je parle. Comme d’un autre de ses livres que j’avais lu  il y a quelques années, bien avant l’effet « Covid».

 

L’effet « Covid »

 

Pourvu, aussi, que Kersauson se préserve du Covid.  Il a 76 ans cette année. Car, alors que la rentrée (entre-autre, scolaire)  a eu lieu hier et que bien des personnes rechignent à continuer de porter un masque (dont le très inspiré journaliste Pascal Praud sur Cnews), deux de mes collègues infirmières sont actuellement en arrêt de travail pour suspicion de covid. La première collègue a une soixantaine d’années. La seconde, une trentaine d’années. Praud en a 54 si j’ai bien entendu. Ou 56.

Un article du journal  » Le Canard Enchainé » de ce mercredi 2 septembre 2020.

 

Depuis la pandémie du Covid-19, aussi appelé de plus en plus « la Covid », la vente de livres a augmenté. Jeff Bezos, le PDG du site Amazon, premier site de ventes en ligne, (aujourd’hui, homme le plus riche du monde avec une fortune estimée à 200 milliards de dollars selon le magazine Forbes US  cité dans le journal Le Canard Enchaîné de ce mercredi 2 septembre 2020) n’est donc pas le seul à avoir bénéficié de la pandémie du Covid qui a par ailleurs mis en faillite d’autres économies.

 

Donc, Kersauson, et son livre, Le Monde comme il me parle, auraient pu profiter de « l’effet Covid ». Mais ce livre, celui dont j’ai prévu de vous parler, est paru en 2013.

 

Il y a sept ans.  C’est à dire, il y a très très longtemps pour beaucoup à l’époque.

 

Mon but, aujourd’hui, est de vous parler d’un homme de 76 ans pratiquement inconnu selon les critères de notoriété et de réussite sociale typiques d’aujourd’hui. Un homme qui a fait publier un livre en 2013.

Nous sommes le mercredi 2 septembre 2020, jour du début du procès des attentats de Charlie Hebdo et de L’Hyper Cacher.

 

 

Mais nous sommes aussi le jour de la sortie du film Police d’Anne Fontaine avec Virginie Efira, Omar Sy et Grégory Gadebois. Un film que j’aimerais voir. Un film dont je devrais plutôt vous parler. Au même titre que le film Tenet de Christopher Nolan, sorti la semaine dernière. Un des films très attendus de l’été, destiné à relancer la fréquentation des salles de cinéma après leur fermeture due au Covid. Un film d’autant plus désiré que Christopher Nolan est un réalisateur reconnu et que l’autre grosse sortie espérée, le film Mulan , produit par Disney, ne sortira pas comme prévu dans les salles de cinéma. Le PDG de Disney préférant obliger les gens à s’abonner à Disney+ (29, 99 dollars l’abonnement aux Etats-Unis ou 25 euros environ en Europe) pour avoir le droit de voir le film. Au prix fort, une place de cinéma à Paris peut coûter entre 10 et 12 euros.

 

 

Tenet, qui dure près de 2h30,  m’a contrarié. Je suis allé le voir la semaine dernière. Tenet est selon moi la bande annonce des films précédents et futurs de Christopher Nolan dont j’avais aimé les films avant cela. Un film de James Bond sans James Bond. On apprend dans Tenet qu’il suffit de poser sa main sur la pédale de frein d’une voiture qui file à toute allure pour qu’elle s’arrête au bout de cinq mètres. J’aurais dû m’arrêter de la même façon avant de choisir d’aller le regarder. Heureusement qu’il y a Robert Pattinson dans le film ainsi que Elizabeth Debicki que j’avais beaucoup aimée dans Les Veuves réalisé en 2018 par Steve McQueen.

 

Distorsions temporelles

 

Nolan affectionne les distorsions temporelles dans ses films. Je le fais aussi dans mes articles :

 

 

En 2013, lorsqu’est paru Le Monde comme il me parle de Kersauson, Omar Sy, un des acteurs du film Police, sorti aujourd’hui,  était déjà devenu un « grand acteur ».

Grâce à la grande audience qu’avait connue le film Intouchables réalisé en…2011 par Olivier Nakache et Eric Toledano. Près de vingt millions d’entrées dans les salles de cinéma seulement en France. Un film qui a permis à Omar Sy de jouer dans une grosse production américaine. Sans le succès d’Intouchables, nous n’aurions pas vu Omar Sy dans le rôle de Bishop dans un film de X-Men (X-Men : Days of future past réalisé en 2014 par Bryan Singer).

 

J’ai de la sympathie pour Omar Sy. Et cela, bien avant Intouchables. Mais ce n’est pas un acteur qui m’a particulièrement épaté pour son jeu pour l’instant. A la différence de Virginie Efira et de Grégory Gadebois.

Virginie Efira, d’abord animatrice de télévision pendant une dizaine d’années, est plus reconnue aujourd’hui qu’en 2013, année de sortie du livre de Kersauson.

J’aime beaucoup le jeu d’actrice de Virginie Efira et ce que je crois percevoir d’elle. Son visage et ses personnages ont une allure plutôt fade au premier regard : ils sont souvent le contraire.

Grégory Gadebois, passé par la comédie Française, m’a « eu » lorsque je l’ai vu dans le Angèle et Tony réalisé par Alix Delaporte en 2011. Je ne me souviens pas de lui dans Go Fast réalisé en 2008 par Olivier Van Hoofstadt.

 

Je ne me défile pas en parlant de ces trois acteurs.

 

Je continue de parler du livre de Kersauson. Je parle seulement, à ma façon, un petit peu du monde dans lequel était sorti son livre, précisément.

 

Kersauson est évidemment un éminent pratiquant des distorsions temporelles. Et, grâce à lui, j’ai sans doute compris la raison pour laquelle, sur une des plages du Gosier, en Guadeloupe, j’avais pu être captivé par les vagues. En étant néanmoins incapable de l’expliquer à un copain, Eguz, qui m’avait surpris. Pour lui, mon attitude était plus suspecte que d’ignorer le corps d’une femme nue. Il y en avait peut-être une, d’ailleurs, dans les environs.

 

Page 12 de Le Monde comme il me parle :

 

« Le chant de la mer, c’est l’éternité dans l’oreille. Dans l’archipel des Tuamotu, en Polynésie, j’entends des vagues qui ont des milliers d’années. C’est frappant. Ce sont des vagues qui brisent au milieu du plus grand océan du monde. Il n y  a pas de marée ici, alors ces vagues tapent toujours au même endroit ».

 

Tabarly

 

A une époque, adolescent, Kersauson lisait un livre par jour. Il le dit dans Le Monde comme il me parle.

 

J’imagine qu’il est assez peu allé au cinéma. Page 50 :

 

« (….) Quand je suis démobilisé, je reste avec lui ( Eric Tabarly). Evidemment. Je tombe sur un mec dont le seul programme est de naviguer. Il est certain que je n’allais pas laisser passer ça ».

 

Page 51 :

 

«  Tabarly avait, pour moi, toutes les clés du monde que je voulais connaître. C’était un immense marin et, en mer, un homme délicieux à vivre ».

 

Page 54 :

« C’est le temps en mer qui comptait. Et, avec Eric, je passais neuf mois de l’année en mer ».

 

A cette époque, à la fin des années 60, Kersauson avait 23 ou 24 ans. Les virées entre « potes » ou entre « amies » que l’on peut connaître dans les soirées ou lors de certains séjours de vacances, se sont déroulées autour du monde et sur la mer pour lui. Avec Eric Tabarly, référence mondiale de la voile.

 

Page 51 :

 

« (…..) Il faut se rendre compte qu’à l’époque, le monde industriel français se demande comment aider Eric Tabarly- tant il est créatif, ingénieux. Il suscite la passion. C’est le bureau d’études de chez Dassault qui règle nos problèmes techniques ! ».

 

 

Le moment des bilans

 

 

Il est facile de comprendre que croiser un mentor comme Tabarly à 24 ans laisse une trace. Mais Kersauson était déjà un ténor lorsqu’ils se sont rencontrés. Il avait déja un aplomb là ou d’autres avaient des implants. Et, aujourd’hui, en plus, on a besoin de tout un tas d’applis, de consignes et de protections pour aller de l’avant.

J’avais lu Mémoires du large, paru en Mai 1998 (dont la rédaction est attribuée à Eric Tabarly) quelques années après sa mort. Tabarly est mort en mer en juin 1998.

 Tabarly était aussi intraitable que Kersauson dans son rapport à la vie. Kersauson écrit dans Le Monde comme il me parle, page 83 :

«  Ce qui m’a toujours sidéré, chez l’être humain, c’est le manque de cohérence entre ce qu’il pense et ce qu’il fait (…). J’ai toujours tenté de vivre comme je le pensais. Et je m’aperçois que nous ne sommes pas si nombreux dans cette entreprise ».

 

Tabarly avait la même vision de la vie. Il  l’exprimait avec d’autres mots.

 

Que ce soit en lisant Kersauson ou en lisant Tabarly, je me considère comme faisant partie du lot des ruminants. Et c’est peut-être aussi pour cela que je tiens autant à cet article. Il me donne sans doute l’impression d’être un petit peu moins mouton même si mon intrépidité sera un souvenir avant même la fin de la rédaction de cet article.

 

« Différence entre la technologie et l’esclavage. Les esclaves ont pleinement conscience qu’ils ne sont pas libres » affirme Nicholas Nassim Taleb dont les propos sont cités par le Dr Judson Brewer dans son livre Le Craving ( Pourquoi on devient accro et comment se libérer), page 65.

 

Un peu plus loin, le Dr Judson Brewer rappelle ce qu’est une addiction, terme qui n’a été employé par aucun des intervenants, hier, lors du « débat » animé par Pascal Praud sur Cnews à propos de la consommation de Cannabis. Comme à propos des amendes qui seront désormais infligées automatiquement à toute personne surprise en flagrant délit de consommation de cannabis :

D’abord 135 euros d’amende. Ou 200 euros ?

En écoutant Pascal Praud sur Cnews hier ( il a au moins eu la sincérité de confesser qu’il n’avait jamais fumé un pétard de sa vie)  la solution à la consommation de cannabis passe par des amendes dissuasives, donc par la répression, et par l’autorité parentale.

 

Le Dr Judson Brewer rappelle ce qu’est une addiction (page 68 de son livre) :

 

«  Un usage répété malgré les conséquences négatives ». 

 

Donc, réprimer ne suffira pas à endiguer les addictions au cannabis par exemple. Réprimer par le porte-monnaie provoquera une augmentation des agressions sur la voie publique. Puisqu’il faudra que les personnes addict ou dépendantes se procurent l’argent pour acheter leur substance. J’ai rencontré au moins un médecin addictologue qui nous a dit en formation qu’il lui arrivait de faire des prescriptions de produits de substitution pour éviter qu’une personne addict n’agresse des personnes sur la voie publique afin de leur soutirer de l’argent en vue de s’acheter sa dose. On ne parlait pas d’une addiction au cannabis. Mais, selon moi, les conséquences peuvent être les mêmes pour certains usagers de cannabis.

 

Le point commun entre une addiction (avec ou sans substance) et cette « incohérence » par rapport à la vie que pointe un Kersauson ainsi qu’un Tabarly avant lui, c’est que nous sommes très nombreux à maintenir des habitudes de vie qui ont sur nous des « conséquences négatives ». Par manque d’imagination. Par manque de modèle. Par manque de courage ou d’estomac. Par manque d’accompagnement. Par manque d’estime de soi. Par Devoir. Oui, par Devoir. Et Par peur.

 

La Peur

On peut bien-sûr penser à la peur du changement. Comme à la peur partir à l’aventure.

 

Kersauson affirme dans son livre qu’il n’a peur de rien. C’est là où je lui trouve un côté Bernard Lavilliers des océans. Pour sa façon de rouler des mécaniques. Je ne lui conteste pas son courage en mer ou sur la terre. Je crois à son autorité, à sa détermination comme ses très hautes capacités d’intimidation et de commandement.

 

Mais avoir peur de rien, ça n’existe pas. Tout le monde a peur de quelque chose, à un moment ou à un autre. Certaines personnes sont fortes pour transcender leur peur. Pour  s’en servir pour accomplir des actions que peu de personnes pourraient réaliser. Mais on a tous peur de quelque chose.

 

Kersauson a peut-être oublié. Ou, sûrement qu’il a peur plus tardivement que la majorité. Mais je ne crois pas à une personne dépourvue totalement de peur. Même Tabarly, en mer, a pu avoir peur. Je l’ai lu ou entendu. Sauf que Tabarly, comme Kersauson certainement, et comme quelques autres, une minorité, font partie des personnes (femmes comme hommes, mais aussi enfants) qui ont une aptitude à se reprendre en main et à fendre leur peur.

 

Je pourrais peut-être ajouter que la personne qui parvient à se reprendre alors qu’elle a des moments de peur est plus grande, et sans doute plus forte, que celle qui ignore complètement ce qu’est la peur. Pour moi, la personne qui ignore la peur s’aperçoit beaucoup trop tard qu’elle a peur. Lorsqu’elle s’en rend compte, elle est déjà bien trop engagée dans un dénouement qui dépasse sa volonté.

 

Cette remarque mise à part, je trouve à Kersauson, comme à Tabarly et à celles et ceux qui leur ressemblent une parenté évidente avec l’esprit chevaleresque ou l’esprit du sabre propre aux Samouraï et à certains aventuriers. Cela n’a rien d’étonnant.

 

L’esprit du samouraï

 

Dans une vidéo postée sur Youtube le 13 décembre 2019, GregMMA, ancien combattant de MMA, rencontre Léo Tamaki, fondateur de l’école Kishinkai Aikido.

 

GregMMA a rencontré d’autres combattants d’autres disciplines martiales ou en rapport avec le Combat. La particularité de cette vidéo (qui compte 310 070 vues alors que j’écris l’article) est l’érudition de Léo Tamaki que j’avais entrevue dans une revue. Erudition à laquelle GregMMA se montre heureusement réceptif. L’un des attraits du MMA depuis quelques années, c’est d’offrir une palette aussi complète que possible de techniques pour se défendre comme pour survivre en cas d’agression. C’est La discipline de combat du moment. Même si le Krav Maga a aussi une bonne cote.  Mais, comme souvent, des comparaisons se font entre tel ou telle discipline martiale, de Self-Défense ou de combat en termes d’efficacité dans des conditions réelles.

 

Je ne donne aucun scoop en écrivant que le MMA attire sûrement plus d’adhérents aujourd’hui que l’Aïkido qui a souvent l’ image d’un art martial dont les postures sont difficiles à assimiler, qui peut faire penser «  à de la danse » et dont l’efficacité dans la vie réelle peut être mise en doute  :

 

On ne connaît pas de grand champion actuel dans les sports de combats, ou dans les arts martiaux, qui soit Aïkidoka. Steven Seagal, c’est au cinéma et ça date des années 1990-2000. Dans les combats UFC, on ne parle pas d’Aïkidoka même si les combattants UFC sont souvent polyvalents ou ont généralement cumulé différentes expériences de techniques et de distances de combat.

 

Lors de cet échange avec GregMMA, Léo Tamaki confirme que le niveau des pratiquants en Aïkido a baissé. Ce qui explique aussi en partie le discrédit qui touche l’Aïkido. Il explique la raison de la baisse de niveau :

 

Les derniers grands Maitres d’Aïkido avaient connu la Guerre. Ils l’avaient soit vécue soit en étaient encore imprégnés. A partir de là, pour eux, pratiquer l’Aïkido, même si, comme souvent, ils avaient pu pratiquer d’autres disciplines martiales auparavant, devait leur permettre d’assurer leur survie. C’était immédiat et très concret. Cela est très différent de la démarche qui consiste à aller pratiquer un sport de combat ou un art martial afin de faire « du sport », pour perdre du poids ou pour se remettre en forme.

 

Lorsque Kersauson explique au début de son livre qu’il a voulu à tout prix faire de sa vie ce qu’il souhaitait, c’était en réponse à la Guerre qui était pour lui une expérience très concrète. Et qui aurait pu lui prendre sa vie.

Lorsque je suis parti faire mon service militaire, qui était encore obligatoire à mon « époque », la guerre était déjà une probabilité éloignée. Bien plus éloignée que pour un Kersauson et les personnes de son âge. Même s’il a vécu dans un milieu privilégié, il avait 18 ans en 1962 lorsque l’Algérie est devenue indépendante. D’ailleurs, je crois qu’un de ses frères est parti faire la Guerre d’Algérie.

 

On retrouve chez lui comme chez certains adeptes d’arts martiaux , de self-défense ou de sport de combat, cet instinct de survie et de liberté qui l’a poussé, lui, à prendre le large. Quitte à perdre sa vie, autant la perdre en  choisissant de faire quelque chose que l’on aime faire. Surtout qu’autour de lui, il s’aperçoit que les aînés et les anciens qui devraient être à même de l’orienter ont dégusté (Page 43) :

« Bon, l’ancien monde est mort. S’ouvre à moi une période favorable (….). J’ai 20 ans, j’ai beaucoup lu et je me dis qu’il y a un loup dans la combine :

Je m’aperçois que les vieux se taisent, ne parlent pas. Et comme ils ont fait le trajet avant, ils devraient nous donner le mode d’emploi pour l’avenir, mais rien ! Ils sont vaincus. Alors, je sens qu’il ne faut surtout pas s’adapter à ce qui existe mais créer ce qui vous convient ».

 

Nous ne vivons pas dans un pays en guerre.

 

Jusqu’à maintenant, si l’on excepte le chômage,  certains attentats et les faits divers, nous avons obtenu une certaine sécurité. Nous ne vivons pas dans un pays en guerre. Même si, régulièrement, on nous parle « d’embrasement » des banlieues, « d’insécurité » et «  d’ensauvagement » de la France. En tant que citoyens, nous n’avons pas à fournir un effort de guerre en dehors du territoire ou à donner notre vie dans une armée. En contrepartie, nous sommes une majorité à avoir accepté et à accepter  certaines conditions de vie et de travail. Plusieurs de ces conditions de vie et de travail sont discutables voire insupportables.

Face à cela, certaines personnes développent un instinct de survie légal ou illégal. D’autres s’auto-détruisent ( par les addictions par exemple mais aussi par les accidents du travail, les maladies professionnelles ou les troubles psychosomatiques). D’autres prennent sur eux et se musèlent par Devoir….jusqu’à ce que cela devienne impossible de prendre sur soi. Que ce soit dans les banlieues. Dans certaines catégories socio-professionnelles. Ou au travers des gilets jaunes.  

 

Et, on en revient à la toute première phrase du livre de Kersauson.

 

Le plaisir est ma seule ambition

 

J’ai encore du mal à admettre que cette première phrase est/soit peut-être la plus importante du livre. Sans doute parce-que je reste moins libre que Kersauson, et d’autres, question plaisir.

 

Plus loin, Kersauson explicite aussi la nécessité de l’engagement et du Devoir. Car c’est aussi un homme d’engagement et de Devoir.

 

Mais mettre le plaisir au premier plan, ça délimite les Mondes, les êtres, leur fonction et leur rôle.

 

Parce- qu’il y a celles et ceux qui s’en remettent au mérite – comme certaines religions, certaines éducations et certaines institutions nous y entraînent et nous habituent- et qui sont prêts à accepter bien des sacrifices. Sacrifices qui peuvent se révéler vains. Parce que l’on peut être persévérant (e ) et méritant ( e) et se faire arnaquer. Moralement. Physiquement. Economiquement. Affectivement. C’est l’histoire assez répétée, encore toute récente, par exemple, des soignants comme on l’a vu pendant l’épidémie du Covid. Ainsi que l’histoire d’autres professions et de bien des gens qui endurent. Qui prennent sur eux. Qui croient en une Justice divine, étatique ou politique qui va les récompenser à la hauteur de leurs efforts et de leurs espoirs.

 

Mais c’est aussi l’histoire répétée de ces spectateurs chevronnés que nous sommes tous plus ou moins de notre propre vie. Une vie que nous recherchons par écrans interposés ou à travers celle des autres. Au lieu d’agir. Il faut se rappeler que nous sommes dans une société de loisirs. Le loisir, c’est différent du plaisir.

 

Le loisir, c’est différent du plaisir

 

 

Le loisir, ça peut être la pause-pipi, la pause-cigarette ou le jour de formation qui sont accordés parce-que ça permet ensuite à l’employé de continuer d’accepter des conditions de travail inacceptables.

 

Ça peut aussi consister à laisser le conjoint ou la conjointe sortir avec ses amis ou ses amies pour pouvoir mieux continuer de lui imposer notre passivité et notre mauvaise humeur résiduelle.

 

C’est les congés payés que l’on donne pour que les citoyens se changent les idées avant la rentrée où ils vont se faire imposer, imploser et contrôler plus durement. Bien des personnes qui se prendront une amende pour consommation de cannabis seront aussi des personnes adultes et responsables au casier judiciaire vierge, insérées socialement, payant leurs impôts et effectuant leur travail correctement. Se contenter de les matraquer à coups d’amende en cas de consommation de cannabis ne va pas les inciter à arrêter d’en consommer. Ou alors, elles se reporteront peut-être sur d’autres addictions plus autorisées et plus légales (alcool et médicaments par exemple….).

 

Le plaisir, c’est l’intégralité d’un moment, d’une expérience comme d’une rencontre. Cela a à voir avec le libre-arbitre. Et non avec sa version fantasmée, rabotée, autorisée ou diluée.

 

Il faut des moments de loisirs, bien-sûr. On envoie bien nos enfants au centre de loisirs. Et on peut y connaître des plaisirs.

 

Mais dire et affirmer «  Le plaisir est ma seule ambition », cela signifie qu’à un moment donné, on est une personne libre. On dépend alors très peu d’un gouvernement, d’un parti politique, d’une religion, d’une éducation, d’un supérieur hiérarchique. Il n’y a, alors, pas grand monde au dessus de nous. Il s’agit alors de s’adresser à nous en conséquence. Faute de quoi, notre histoire se terminera. Et chacun partira de son côté dans le meilleur des cas.

 

Page 121 :

 

« Je suis indifférent aux félicitations. C’est une force ».

 

Page 124 :

 

« Nos contemporains n’ont plus le temps de penser (….) Ils se sont inventé des vies monstrueuses dont ils sont responsables-partiellement ». Olivier de Kersauson.

 

 

Article de Franck Unimon, mercredi 2 septembre 2020.

Catégories
Cinéma self-défense/ Arts Martiaux

Ip Man 4

 

 

                                        Ip Man 4- Le Dernier Combat

«  C’est naze ! ». Une grimace.

 

Il y a plein de films à voir au cinéma depuis que certaines salles ont rouvert le 22 juin. Des films que j’aimerais voir et à propos desquels j’ai un très bon a priori. Je vais en citer quelques uns :

 

Voir le jour  de Marion Laine ; The Crossing de Bai Xue ; L’infirmière de Kôji Fukada ; Le Défi du champion  de Leonardo D’agostini ; The Perfect Candidate de Haifaa Al-Mansour ; Lil’ Buck, Real Swan de Louis Wallecan et d’autres déjà sortis ou qui vont sortir en salles.

 

Mais je ne pourrai pas voir la plupart de ces films comme d’autres réalisations avant eux. D’abord parce-que j’écris pour le plaisir. Et ce plaisir ne me paie pas financièrement. C’est mon métier d’infirmier en pédopsychiatrie (de nuit depuis quelques années) qui continue de me faire vivre. Je ne me plains pas : bien des personnes sont au chômage ou ont perdu leur emploi récemment du fait du Covid-19 ou vont bientôt le perdre.

 

Ecrire un article

 

Ensuite, écrire un article me prend du temps. Au minimum entre 3 à 5 heures en moyenne.  Et c’est comme ça depuis longtemps.

 

Avant la naissance de ma fille, j’arrivais à concilier mon métier d’infirmier, mes séances de cinéma et l’écriture d’articles à propos des films que je voyais ou des acteurs et réalisateurs que je rencontrais. Ma fille est née. J’en suis content. Et, comme chaque parent, aussi, désormais, je fais l’expérience qu’avoir un enfant ou plusieurs divise mon temps par deux ou par trois.

 

Evidemment, entre choisir de passer du temps avec ma fille et passer du temps au cinéma et à écrire, je choisis encore ma fille.

 

 

Dans sa biographie Ma Vie en réalité que j’ai fini de lire, et dont je compte bien reparler bientôt dans un article, Magali Berdah, qui « s’occupe » des influenceurs tels Nabilla et Julien Tanti mais fait aussi de la télé,  dit travailler 16 heures par jour et fait comprendre qu’après ses journées de travail, elle enchaine avec sa vie de mère ( elle a trois filles) et de femme au « foyer ». Aujourd’hui, elle gagne très bien sa vie. Mais il y a encore quatre ou cinq ans, elle était surendettée.

 

 

Je n’ai pas 16 heures par jour à consacrer à l’écriture et à mon blog en plus de mon métier d’infirmier et de ma fille par exemple. C’est sûrement pour cela que je suis encore « loin » d’une certaine réussite avec mes articles et mon blog. D’autant que je constate « bien » que, souvent, derrière la réussite ( quelle que soit la réussite) se niche une certaine quantité d’heures de travail en plus d’un Savoir faire et d’un « ruisseau » ( un réseau) de connaissances et de sympathies dans le milieu où l’on veut évoluer.

Mon engagement dans mes articles et mon blog est sincère. Mais cet engagement est sans doute encore trop discontinu, trop limité et trop confidentiel pour rencontrer un public plus large. J’utilise aussi sans aucun doute des moyens de communication encore trop inappropriés.  J’aime prendre le temps d’écrire. Mes articles sont assez longs alors que l’on est beaucoup dans une époque d’images, de buzz et de « punchlines ». Une photo ou une vidéo bien choisie, bien montée, a une vitesse de propagation bien plus forte, peut-être équivalente à celle d’une balle, qu’une centaine de phrases.  

 

Et puis, je suis attaché à la polyvalence. Il y a des thématiques qui « marchent » bien sur le net pour peu qu’on en parle « bien » :

 

Mode et people, cosmétique, cuisine, tourisme, bricolage, certaines musiques, fitness, sport, un certain cinéma…..

 

Je ne rejette pas ces thématiques. Je peux aussi les accoster si ce n’est déjà fait. Mais j’aime aussi aller vers d’autres sujets que je crois moins porteurs. Ou peut-être aussi que je les « vends » très mal. Il est vrai que je ne me vois pas passer toutes mes journées sur mon blog, sur mes articles et sur les réseaux sociaux. Mais dès que j’ai un peu plus de disponibilité, j’en profite pour publier plusieurs articles de manière rapprochée.

 

 

A côté de ça, lire aussi prend du temps. Que ce soit des livres ou des articles. Ainsi qu’avoir une compagne (la mère de ma fille).

Même si ma compagne me laisse plus de latitude pour écrire, lire et faire du sport que certaines compagnes ou certains compagnons. Et, chez nous, je peux écrire jusqu’à très tard la nuit. Je peux aussi écrire après une nuit de travail sans me reposer et déjeuner. Puis, manger un bout de pain et de fromage et partir chercher ma fille au centre de loisirs parce-que c’est l’heure. C’est ce qui s’est passé il y a quelques jours en écrivant Gémissements. ( Gémissements).

 

 

On pense peut-être que ce que je raconte n’a rien à voir avec le film Ip man 4 ? Que je ferais mieux de parler du film au lieu de raconter ma vie ? Pourtant, dès le début de cet article, à ma façon, j’ai commencé à raconter le film et à donner mon avis à son sujet. 

 

C’est naze !

 

 

«  C’est naze ! ». C’est une remarque faite par un de mes anciens collègues dans un des précédents hôpitaux où j’ai travaillé. Spock (c’est le surnom que je lui avais donné) allait beaucoup moins souvent moi au cinéma. Mais il trouvait « nazes » tous ces films de Kung-Fu, d’action, d’arts martiaux et de sports de combat où tout était prétexte pour se bastonner.

 

C’était il y a plus de vingt ans.

 

Spock est aujourd’hui à la retraite depuis plusieurs années. Il a fait partie de mes modèles :

 

Que ce soit au travail ou dans la vie, il semblait toujours maitre de lui-même et serein. Il semblait toujours savoir comment agir et penser. Et je l’avais vérifié plusieurs fois en pratique devant des situations où j’estimais que j’aurais fait « moins bien » que lui. Où j’aurais plus que pataugé.

 

Spock avait aussi pour lui la faculté de l’humour et de la dérision.

 

Lors de cette remarque «  c’est naze ! », Spock, mon aîné de plusieurs années, était déja un homme établi avec femme, maison, petit chien, grosse voiture ( une BMW) et enfant. Plus tard, la quarantaine passée, il allait passer son permis moto et nous allions le voir arriver au travail sur sa grosse moto. A ce jour, je n’ai jamais réussi à briser l’interdit maternel me commandant de ne jamais faire de la moto. Pourtant, mes yeux brillent assez souvent en voyant passer une moto.

Aide-soignante pendant des années en réanimation, ma mère avait eu à s’occuper de plusieurs jeunes motards qui, une fois sortis du coma lui avaient dit :

 

« E….tu as un fils ? Ne lui achète jamais de moto ! ». A l’âge de l’adolescence, lorsque, comme d’autres jeunes garçons je m’étais avancé vers ma mère en faveur d’une mobylette, celle-ci s’était très vite montrée catégorique. Et je n’ai même pas essayé d’insister. Ma mère m’avait préparé depuis tellement d’années à ce refus.

 

 

Lorsque j’ai commencé à connaître Spock, après mon service militaire, je venais d’emménager dans un studio de fonction fourni alors par l’hôpital. J’étais encore célibataire et je collectais plutôt les histoires sentimentales à la mords-moi-le-nœud. Professionnellement, j’étais au début de ma croissance même si j’avais déja commencé à me constituer quelques expériences. Spock, lui, il était bien-sûr déjà un professionnel reconnu plutôt unanimement. Une sorte « d’ancien » à qui je m’adressais lorsque j’avais besoin de  réponses diverses sur certains sujets personnels et professionnels sensibles et qui m’a accordé plusieurs fois son attention et sa bienveillance. Il était d’autres personnes dans le service, parmi mes collègues plus âgés, principalement des hommes, que je voyais comme des modèles. Spock en faisait partie. Scapin et D….aussi. Ainsi que P, un autre infirmier dont j’admirais la décontraction en toute circonstance, le fait qu’il soit musicien ainsi que son humour. Tous ces collègues qui faisaient partie de mes modèles avaient le sens de l’humour. Y compris de l’humour très noir. Ce qui me convenait bien.

 

Et puis, à force d’apprendre, on « grandit ». D….s’est suicidé. Il a été retrouvé pendu au bout d’une corde chez lui par son fils adolescent. P est devenu la « chose » de notre cadre que j’avais un peu connue infirmière alors que j’étais encore étudiant ( on disait « l’élève » pour « élève infirmier) et qui, l’accès au Pouvoir « aidant », s’est érigée de plus en plus en autorité dynastique – et supra anxieuse. Et, ceci, avec le consentement mutuel du médecin chef, parfait dans le rôle hypocrite et politique du descendant direct de Ponce Pilate qui s’en lavait les mains pourvu que « sa » maison (le service et le pôle de psychiatrie adulte de l’hôpital) lui appartienne.

Scapin, lui, avait eu besoin de partir travailler dans un autre service de l’hôpital.

De mon côté, j’ai fait quelques conneries dont, selon moi, les principales, ont surtout été de négliger l’image (entre autre, parce-que je m’auto-dévalorisais beaucoup) que je donnais de moi. D’être trop gentil et de m’en remettre un peu trop à la bonne compréhension et au bon vouloir des autres. Et d’être resté trop longtemps collé à ce service et à cet hôpital devenus une sorte de seconde membrane ( névrotique) à laquelle j’avais fini par avoir peur de m’arracher. Alors que je savais qu’il fallait le faire. Comme je savais avoir déjà travaillé ailleurs avant ce service et cet hôpital et donc être capable de le refaire. Mais il y avait une dissociation entre ce que je comprenais intellectuellement : ce que la raison me soufflait de faire. Et mes émotions ( la peur, l’attachement névrotique) et mon corps.

 

Mais quand arrive le déclic, enfin, on part. On part par nécessité. Pour soi.  

 

 

Dans Ip Man 4, Ip Man, la soixantaine, apprend qu’il est porteur d’un cancer malin. Or, son fils adolescent cumule les conneries à l’école. Il se bat tout le temps pour un oui et pour un non. Son fils est  (aussi) en colère contre lui depuis la mort de sa mère. Ip Man (l’acteur Donnie Yen) envisage donc d’envoyer son fils poursuivre ses études aux Etats-Unis puisque l’établissement où est scolarisé son fils ne veut plus lui donner de nouvelle chance. Les Etats-Unis sont l’équivalent d’un pays de la Seconde chance. Là où l’on peut repartir du bon pied. Comme une bonne pension. Mais ce voyage est quand même une aventure. Changer de pays. De langue. De culture. De mœurs. De monnaie. Ip Man, qui a réellement existé, dans la vraie vie, n’a pas fait ce voyage. Mais il aurait pu. D’ailleurs, quand j’y pense maintenant, mon grand-père paternel avait environ la soixantaine, l’âge du personnage d’Ip Man dans le film, la première fois qu’il a quitté sa Guadeloupe natale pour venir en France où plusieurs de ses fils ( dont mon propre père) étaient partis travailler à l’âge adulte.

 

 En quittant mon service de psychiatrie adulte où j’avais connu Spock, Scapin, D, P et d’autres,  j’avais été surpris d’apprendre qu’aucun de mes collègues, dans une certaine unanimité, ne se seraient risqués à tenter l’expérience professionnelle et personnelle que je m’apprêtais à vivre : aller travailler en pédopsychiatrie. A faire le « voyage » en pédopsychiatrie.

 

C’était il y a vingt ans.

 

Entretemps, j’avais aussi appris que les super-héros n’existent pas. Certains modèles que j’avais pu idéaliser à une époque de ma vie m’étaient apparus, avec le temps, plus vulnérables qu’ils ne le semblaient. Plus faillibles. Voire pas toujours si honorables que cela.

J’avais également appris que même celles et ceux qui roulent des mécaniques et qui semblent increvables et très sûrs d’eux ont tous leurs moments indiscutables de faiblesse ou de débâcle. Et, moi aussi, j’avais dû apprendre à faire connaissance avec mes propres limites :

On peut jouer un rôle devant les autres à condition de savoir rester sincère au moins avec soi-même et de bien se connaître. Ça nous évitera de trop en faire. De trop nous la jouer. Ça nous aidera, aussi, à avoir des relations plus sincères avec les autres. On peut truquer les apparences et tricher avec elles. Et on peut obtenir plein de « choses » comme ça. En truquant. Mais cela impliquera de passer sa vie en restant sur le qui-vive en permanence. Je ne veux pas d’une vie telle qu’on la voit dans Le Talentueux Mr Ripley.

 

 

Quand débute Ip Man 4, Ip Man est un homme simple. Il n’est plus ce jeune combattant d’un milieu social aisé aimant relever les défis comme nous le montre Wong Kar-Wai au début de son film The Grandmaster ( réalisé en 2013) avec l’acteur Tony Leung Chiu-Wai dans le rôle d’Ip Man.

 

Dans Ip Man 4, Ip Man, pourtant réputé, subsiste en donnant des cours de Wing Chun dans son école à des élèves qui l’idolâtrent mais qui sont aussi très bornés et assez peu doués. Ils rappellent ces élèves dont Kacem Zoughari parle dans l’interview qu’il donne au magazine Yashima dit ( je cite ce passage dans l’article Gémissements) :

 

 

«  Certains élèves copient le maitre jusque dans ses déformations de dos, de genou, etc. Au-delà de l’aspect caricatural, c’est même délétère pour leur santé ! Ce type de pratiquants intégristes refusent souvent aussi souvent de voir ce qui se fait ailleurs pour ne pas corrompre l’image qu’ils ont de leur maître. C’est une grave erreur ».

 

Ces élèves (comme ceux d’Ip Man dans Ip Man 4) sont incapables de penser par eux-mêmes. Ils se fondent dans le groupe.  A mon avis, ces élèves n’ont pas de conscience. Pas de capacité- bienveillante- d’autocritique. Ils sont soit sur la défensive soit dans l’attaque. Il y a très peu de nuance entre ces deux actions. On peut  aussi retrouver ça chez  certains intégristes (religieux, administratifs,  technocratiques, conjugaux ou autres) qui s’évertuent à appliquer des règles et des protocoles à la microseconde et au millimètre près par automatisme sans prendre le temps, à un moment ou à un autre, de se demander si la procédure ou l’action engagée était véritablement, rétrospectivement, la plus appropriée. On attaque et on frappe d’abord. On réfléchit après. Si on y pense. Si on estime utile de se demander après coup si c’était bien utile d’attaquer d’abord. Dans une scène du film, face à une situation totalement nouvelle – quoique pacifique- on voit donc les élèves d’Ip Man très combattifs, excités et très bavards. Mais aussi très bornés et très sourds. Ils provoquent eux-mêmes la bagarre qu’ils entendent éviter en espérant sincèrement protéger leur Maitre qui, à aucun moment, n’est menacé : Ip Man.

 

 

J’ai choisi de travailler en psychiatrie (puis en pédopsychiatrie) au lieu de rester dans un service de soins somatiques car j’ai refusé d’être un automate. Je crois que la santé mentale est un milieu qui m’a permis de penser, de mieux penser, par moi-même.  Mais on peut travailler en psychiatrie et en pédopsychiatrie et se comporter comme un automate. On peut aussi combattre comme un automate. 

 

On peut même faire sa vie comme un automate tout en cumulant les honneurs et les signes extérieurs de « réussite » et d’épanouissement personnel.

 

On peut aussi très bien penser et croire que l’on peut tout résoudre dans sa vie juste par l’adresse de la pensée. En psychiatrie et en pédopsychiatrie, on peut aussi être très « fort » (on est surtout très névrosé) dans ce domaine :

Pour croire à ce que j’appelle la pensée « souveraine ». Qu’il suffit de penser pour aller bien et mieux.

Dans certains compartiments de ma vie et à certains moments de ma vie, mon « entraînement » en psychiatrie m’a aidé et m’aide. Mais dans d’autres situations, je suis aussi complètement à côté de la plaque ou je peux être complètement à côté de la plaque.

 

 

J’ai appris que, peu après son départ à la retraite, Spock avait quitté femme et enfants pour partir vivre avec un ancien amour. Spock, l’inébranlable, s’est révélé, finalement, plus vulnérable. Il a été jugé moralement, par certaines connaissances communes, pour cela. Il l’est sûrement encore. Spock, homme très droit, en partant vivre avec cet ancien amour a pu alors donner l’impression d’être un fuyard, un menteur, un calculateur et un homme égoïste qui battait pavillon après avoir claironné pendant des années que tout dans sa vie lui allait. Au point qu’il avait pu lui arriver de citer son mariage en exemple, avec un peu de provocation, devant des jeunes collègues ( des femmes) séparées ou divorcées de leur compagnon ou de leur conjoint.

 

 

Plus qu’un vantard et un fuyard, je vois en Spock un homme qui, devant la mort, s’est dit qu’il ne lui restait plus beaucoup de temps pour le perdre dans les options du mensonge. Et pour lequel, vivre selon ses désirs plutôt que selon ses devoirs et les apparences sociales, est devenu alors la priorité. Il y a des femmes et des hommes qui font le même choix que Spock bien plus tôt. Il en est d’autres qui aimeraient pouvoir faire ce genre de choix.

 

Les arts martiaux sont aussi un art de vivre et donnent aussi des réponses à ce qui nous préoccupe. Pour d’autres, la religion joue ce rôle. 

 

Dans Ip Man 4, on pourrait penser qu’Ip Man, expert en arts martiaux, saurait comment s’y prendre avec son fils. On comprend très vite que c’est le contraire. Le grand expert Ip Man est dépassé par les agissements de son fils adolescent qui lui manque de respect de façon répétée. C’est un des points du film que j’ai le plus aimés d’autant qu’il me parle beaucoup en tant que père :

 

Avant d’être père, lorsque je lisais des interviews de célébrités diverses, j’étais obsédé par une question qui revenait assez souvent et qui était :

 

Quelles sont ses relations avec ses parents ?

 

Aujourd’hui,  régulièrement, lorsque je vois une célébrité quelconque, je me dis assez souvent :

 

«  Dans ce domaine, il (ou elle) est extraordinaire. C’est un champion (ou, c’est une championne). Mais je me demande comment il/elle s’en sort avec son enfant lorsqu’il se réveille la nuit ? Son enfant fait-il ses nuits ? ».

 

Récemment, sur un réseau social, un ami très sportif a posté une nouvelle vidéo d’un coach fitness faisant une démonstration. Je n’ai rien à dire sur sa démonstration et je n’ai rien contre ce coach fitness. Mais, ça a été plus fort que moi : nous voyons en permanence des vidéos de vedettes (ou autres) dont la vie semble réglée comme du papier à musique, progéniture comprise. Alors, j’ai laissé un commentaire dans lequel je disais que j’aimerais bien voir ce coach fitness lorsque sa compagne lui rappelle qu’il y a la vaisselle et le ménage à faire, la couche du bébé à changer etc….

 

Je crois que ça n’a pas plu à un internaute. Et je le comprends : ce coach fitness n’est pas là pour nous parler de sa vie personnelle. Mais ma réaction a été provoquée par cette lassitude de voir régulièrement des images de « personnes » quelque peu immaculées tandis que, nous, au quotidien, hé bien, il nous arrive de ramer sans maquilleuse et sans monteur pour raccommoder le tout et nous restituer une image très flatteuse de nous-mêmes.

 

Même si Ip Man, dans Ip Man 4 reste évidemment très digne, il m’a beaucoup plu de voir ce sujet d’une relation conflictuelle entre un père (illustre qui plus est) et son fils adolescent dans un film « d’arts martiaux ». Parce-que l’univers des Arts Martiaux et des sports de combat et de Self-Défense est quand même un univers, où, malgré toutes les paroles officielles de « humilité », « respect de l’autre » etc…on va aussi très loin dans le narcissisme, la suffisance et l’autosatisfaction. Ce que l’on retrouve (ce narcissisme et cette suffisance)  dans Ip Man 4 lorsqu’Ip Man, arrivé depuis peu aux Etats-Unis, va rendre visite au président de l’association culturelle chinoise. Lequel président de l’association culturelle chinoise est le seul habilité à lui faire la lettre de recommandation pouvant lui permettre d’inscrire son fils ans un établissement américain.

 

 

On peut le dire, je crois : si Ip Man croit naïvement et humblement que cette rencontre va se dérouler facilement, il est reçu comme de la merde par ce président d’association culturelle chinoise. Ainsi que par la majorité des personnes qui constituent l’assemblée qui entoure ce président d’association culturelle, équivalent dans cette situation d’un haut dignitaire chinois alors que pour les Américains (blancs) il est n’est qu’un « petit » chinois de rien du tout.

 

Jet Li dans le film  » The One ». Photo achetée lors d’un festival de Cannes au début des années 2010.

 

La Grimace

 

La grimace mentionnée au début de cet article est peut-être celle du lecteur ou de la lectrice devant la longueur de cet article. Mais elle est sûrement celle de Christophe, c’est son vrai prénom, il y a une dizaine d’années, lorsqu’au festival de Cannes, tout content, je venais de lui montrer une photo de Jet Li que je venais d’acheter avec d’autres photos d’autres actrices et acteurs dans des films qui n’ont rien à voir avec jet Li :

 

Karin Viard, Salma Hayek, Antonio Banderas, Béatrice Dalle, Jean-Hugues Anglade et Daniel Auteuil, Forest Whitaker, Sami Bouajila, Wesley Snipes, John Malkovich, Guillaume et Gérard Depardieu, Marie Meideros, Jeanne Balibar….

 

C’était alors l’époque du mensuel de cinéma papier, Brazil, dont Christophe était le rédacteur en chef. Brazil ou Le cinéma sans concessions dont j’étais un des rédacteurs.

 

Brazil était un journal plutôt tourné vers le cinéma d’auteur de tous horizons ainsi que vers le cinéma bis. Et assez peu sur le cinéma commercial et les grosses productions. Donc, pas tout à fait sur les films de Jet Li.

 

 

La continuité de Bruce Lee

 

 

Mais, pour moi, Jet Li, c’était la continuité de Bruce Lee. J’avais été épaté par la prestation de Jet Li plusieurs années plus tôt dans L’Arme fatale 4 (réalisé en 1998 par Richard Donner) face à Danny Glover et Mel Gibson. Et c’est drôle de mentionner L’Arme Fatale 4  dans un article où je parle de Ip Man 4.

 

Les pitreries de Jackie Chan (dans certains de ses films) après la mort de Bruce Lee m’avaient d’abord beaucoup contrarié. Il m’avait fallu des années pour comprendre la valeur d’un Jackie Chan. Sûrement parce-que je n’avais pas vu les « bons » films pour le découvrir.

Mais avec Jet Li, dans L’Arme Fatale 4, ça avait été instantané et, ensuite, j’avais essayé d’en savoir plus sur lui.

 

La mauvaise image des films de Kung-Fu, d’action, d’arts martiaux, de Wu Xi Pian et autres, provient du fait qu’en occident, on a enfermé ces films dans une boite. Celle d’un spectacle. Celle d’une addition de performances. Celle d’une caricature de l’homme infatigable, capable de cascades martiales innombrables comme dans un cirque. On a gardé ce qui tape à l’oeil dans les arts martiaux. On en a fait une sorte de pop-corn ou de téléréalité avec un scénario stéréotypé et simplet que l’on a décliné à la chaine un peu comme cela se fait dans beaucoup de films pornos. Parce-qu’il y avait un marché et du fric à se faire. Les gens voulaient voir des films de Kung Fu ? Ils voulaient un peu d’exotisme ?  On allait leur donner des films de Kung Fu.

 

Résultat : l’Histoire et l’esprit des arts martiaux ont disparu puisque tout ce que l’on a cherché à répliquer, c’est une recette pour faire venir des consommateurs plutôt que des adeptes ou des disciples éventuels. Un peu comme on l’a fait avec Lourdes ou tout autre lieu de recueil religieux devenu l’équivalent d’un centre commercial.

 

 

C’est quand même Spock, je crois, qui m’avait recommandé la lecture de La Pierre et le sabre  que j’avais lu ! ( et beaucoup aimé). Ce livre d’Eiji Yoshikawa, classique pour certains adeptes des Arts Martiaux, a pourtant bien des points communs ( et vitaux) avec des personnalités comme Bruce Lee, Jet Li ou d’autres qui se sont fait connaître dans des films considérés comme « nazes » par Spock et d’autres !

 

 

Bruce Lee et Michaël Jackson :

 

Et puis, à l’inverse, lorsque certains intellectuels, peut-être pour se donner un côté « rebelle » ou « rock and roll », parlaient de Bruce Lee, ça a pu faire flop. Je repense à ce livre écrit par un journaliste des Cahiers du cinéma. Son intention était louable. Mais en commençant à lire son livre ( j’ai vite interrompu sa lecture) dans lequel il nous parlait de son attachement à Bruce Lee, j’avais eu cette impression que la musicienne et chanteuse Me’shell a pu décrire en écoutant certains morceaux de musique de Michaël Jackson produits post-mortem :

 

Celle d’une musique sans corps.

 

Me’Shell Ndégéocello avait appris que Michaël Jackson avait besoin de danser quand il enregistrait en studio. Et que cela ne ressortait pas dans certains des titres produits –et commercialisés- plusieurs années après sa mort.

 

En commençant à lire le livre de ce journaliste des Cahiers du cinéma, j’avais peut-être eu la même impression :

Trop d’intellect. Pas assez de corps. Pour un livre censé nous parler de Bruce Lee !

Ça fait penser à ces musiciens très calés techniquement mais dont la musique nous ennuie. Ou à ces profs très cultivés mais dont les cours sont atones.

 

A travers mes articles, j’essaie autant que possible d’éviter de ressembler à ces exemples.

 

 

 

Ip Man 4 – Le dernier combat de Wilson Yip, donc.

 

 

Le magazine Taichichuan ( le numéro 2 paru il y a plusieurs semaines) montre l’acteur Donnie Yen, interprète de Ip Man, en couverture. Le magazine, par son rédacteur en chef, encense le film.

 

 

 

J’ai envoyé un mail au rédacteur en chef de Taichichuan  (et également rédacteur en chef d’autres magazines tels que Self & Dragon mais aussi Survivre) pour demander à l’interviewer. C’était il y a plus d’un mois. Je n’ai pas eu de réponse. Sans doute ce rédacteur en chef était-il trop occupé. Peut-être aussi considère-t’il que ce sont plutôt les Maitres et experts qui interviennent dans les magazines dont il est le rédacteur en chef qu’il faudrait plutôt chercher à rencontrer et à interviewer ?

Et puis, même si je suis devenu un lecteur des magazines dont il est le rédacteur en chef, je suis un inconnu pour lui. Et il avait sûrement d’autres priorités. Ou, peut-être faut-il que, d’une certaine façon, je persiste et fasse mes preuves ? Comme Ip Man, lorsqu’il débarque aux Etats-Unis dans Ip Man 4, doit faire ses preuves. Lui, avec son attitude et les Arts martiaux. Moi, avec mes articles.

 

 

Ce n’est néanmoins pas pour faire mes « preuves » ou pour apporter des preuves éventuelles que j’ai choisi hier matin, après ma nuit de travail, d’aller voir Ip Man 4. Et de poursuivre la rédaction de cet article aujourd’hui après ma deuxième nuit de travail et avant ma sieste de récupération.

 

Hier, je suis allé voir ce film par plaisir. Comme on peut déjà l’avoir compris avec mon anecdote, à Cannes, à propos de la photo de Jet Li.

 

 

 

L’acteur Donnie Yen

 

J’ai découvert Donnie Yen au cinéma il y a environ vingt ans. Je vérifie tout de suite :

 

Au moins depuis le film Hero réalisé en 2002 par Zhang Yimou. Je ne me rappelle pas particulièrement de lui dans Blade 2  réalisé par Guillermo Del Toro la même année.

 

Et, spontanément, dans L’Auberge du Dragon réalisé en 1992 par Raymond Lee et Tsui Hark, je me souviens surtout de Maggie Cheung que l’on ne voit plus aujourd’hui au cinéma et qui semble avoir « disparu » du cinéma peu après sa palme d’or d’interprétation pour son rôle dans Clean, réalisé en 2004 par Olivier Assayas et qui, pour moi, n’était pas du tout son meilleur rôle.

 

Une fois, j’ai aperçu Maggie Cheung se rendant dans la salle de cinéma dont je venais peut-être de sortir. C’était avant son rôle dans In the mood for love de Wong Kar Wai (réalisé en 2000), je crois. Personne n’avait fait attention à elle m’a-t’il semblé. Par contre, mon regard sur elle avait sans doute été trop appuyé car j’avais eu l’impression qu’elle avait senti mon attention particulière.

 

Dans les années 90 et 2000, lorsque je pense au cinéma asiatique, je pense d’abord à des acteurs comme Tony Leung Chiu-Wai (un de mes acteurs préférés qui rejoue avec Maggie Cheung dans In The Mood for love et qui, lui, obtiendra la palme d’or d’interprétation à Cannes, l’année où Björk obtiendra la palme d’or d’interprétation pour son rôle dans Dancer in the dark  de Lars Von Trier).

 

Dans les années 90 et 2000, lorsque je pense au cinéma asiatique, je pense aussi à Chow Yun-Fat, aux réalisateurs John Woo, Kirk Wong et Johnnie To. Bien-sûr, j’ai entendu parler de Tsui Hark et je lis et achète le magazine HK vidéo dont je dois avoir conservé tous les numéros.

Mais je pense aussi beaucoup, au Japon (pays où je me rendrai en 1999, l’année de la sortie du film Matrix des « frères » Wachowski) et à Takeshi Kitano dont je vais voir la plupart des films.

 

Le premier film que je vois de Takeshi Kitano est Sonatine (réalisé en 1993). Et mon film préféré de John Woo avant son exil pour les Etats-Unis est A toute épreuve (ou Hard-boiled) réalisé en 1992.

 

Evidemment, j’irai voir Tigre et Dragon d’Ang Lee (réalisé en 2000) dont j’ai vu les premiers films comme Garçon d’honneur (réalisé en 1993).

 

J’irai aussi voir Le Secret des Poignards volants réalisé en 2004 par Zhang Yimou par exemple.

 

Mais il me faut encore plusieurs années avant que je n’apprécie vraiment des acteurs comme Leslie Cheung (un des rôles principaux dans Adieu ma concubine, de Chen Kaige, palme d’or à Cannes en 1993 ex-aequo avec La Leçon de Piano de Jane Campion que j’ai également vu et aimé) Andy Lau…ou Donnie Yen.

 

Leslie Cheung s’est malheureusement suicidé il y a plusieurs années maintenant.

Andy Lau m’a marqué par son rôle dans Infernal Affairs  dont le premier volet a été réalisé par Andrew Lau et Alan Mak en 2002.

 

Et, je crois que j’ai commencé à véritablement aimer le jeu de Donnie Yen en prenant de l’âge et avec les Ip Man. C’est assez récent. Un ou deux ans peut-être. J’ai déjà oublié.

 

Ces quelques acteurs asiatiques cités ( Andy Lau, Leslie Cheung, Chow Yun Fat, Tony Leung Chiu Wai, Donnie Yen….) s’ils sont majoritairement chinois ou de Hong-Kong, à l’exception de Takeshi Kitano, qui est japonais, ont pour eux d’avoir interprété des rôles dont des valeurs se retrouvent dans le personnage de Ip Man. A commencer peut-être par une certaine intégrité morale.

 

 Une certaine intégrité morale

 

 

 

Avoir une très grande intégrité morale ne suffit pas à voir Ip Man dans Ip Man 4. Aux Etats-Unis, Ip Man tombe surtout de haut lorsqu’il rencontre avec humilité ses compatriotes chinois. Ceux-ci le méprisent. Le problème, c’est qu’en tant qu’experts d’arts martiaux,  et en tant que chinois, leur attitude aurait dû être le contraire. Mais ils s’estiment en droit d’avoir une telle attitude et, ce, en tant que personnes hautement civilisées et raffinées. L’intégrité morale d’Ip Man se confronte…. à l’intégrisme de ses pairs. Et, ce qui est malin dans le scénario, c’est que ces pairs reprochent à Ip Man les agissements de Bruce Lee aux Etats-Unis, un de ses anciens élèves, mais, aussi, d’une certaine façon, son fils spirituel. On peut dire qu’Ip Man collectionne les problèmes avec ses fils. L’un, à Hong-Kong, passe son temps à se battre et se fait exclure de l’école. L’autre ( Bruce Lee), réussit à s’intégrer aux Etats-Unis et à susciter l’admiration publique mais inspire jalousies et suspicion. On pourrait voir un comique de répétition mais on a plutôt tendance à avoir de la compassion pour Ip man. Alors que reste-il à Ip Man comme atouts ? La persévérance, la confiance en soi et le sens de la diplomatie comme le refus d’offenser qui que ce soit mais aussi le refus de se rabaisser.

 

Bruce Lee dans Ip Man 4

Je m’en remets totalement à la compétence du chorégraphe, des acteurs et artistes martiaux dans ce film. Ce n’est quand même pas moi qui vais espérer apprendre à Scott Adkins ( le Marine Barton Geddes dans le film), à Danny Kwok-Kwan ( Bruce Lee dans le film) à Donnie Yen et aux autres comment on doit donner un coup de pied.

 

Mais Bruce Lee fait partie du panthéon de notre mémoire. Et cela pouvait être très risqué de le faire «revivre » dans Ip Man 4. Hé bien, l’acteur Danny Kwok-Kwan, qui l’interprète dans Ip Man 4 , m’a bien plu. Mieux :

Aux Etats-Unis, on peut considérer que les Américains qui défient Bruce Lee ( Karaté contre Wing Chun pour simplifier) sont des enfants qui ont mal tourné. On me pardonnera mon obsession dans cet article pour la filiation mais cette image me plait. Dans Ip Man 4, je vois tous ces Américains qui, forts de leur Karaté, veulent affronter Bruce Lee, puis Ip Man, comme des enfants qui auraient reçu un enseignement martial  mais avec de mauvais tuteurs et qui souhaitent ensuite ardemment se mesurer ( ou se frotter) à des adultes : des Maitres. 

Il y a d’ailleurs peut-être un sous-entendu dans le film : celui d’opposer la culture chinoise, millénaire, à la culture américaine, une culture jeune voire adolescente, donc immature, faite d’imports en tout genres, et qui croit pouvoir tout surmonter et tout maitriser par les seuls effets de sa volonté, de ses relations et de sa vitalité. D’ailleurs, tous les opposants américains que l’on voit dans le film sont des caricatures du cow-boy bourrin qui sont tout en force. 

 

Kacem Zoughari (encore lui) dans le magazine Yashima, explique que bien des Maitres d’arts martiaux, délibérément, transmettaient partiellement une partie de leur Savoir à leurs élèves lorsque ceux-ci arrivaient à un certain niveau de pratique donc de conscience. Et que pour confondre parmi ses élèves, le « traître » éventuel, celui qui, ensuite allait « donner » ou vendre à une autre école une partie de son Savoir, il arrivait aussi que des Maitres changent des mouvements. A tel élève, ils montraient tels mouvements ou telle variation. A tel autre, d’autres mouvements. Le but était donc de prévenir les trahisons mais aussi de prendre le temps d’évaluer si l’élève était fiable.

 

Dans Ip Man 4, on peut voir les Américains comme des combattants arrogants, très fiers d’exhiber leur trésor de guerre, le Karaté, qu’ils ont arraché aux fiers japonais qu’ils ont aussi humiliés avec leurs deux bombes atomiques. Mais je crois qu’il faut aussi voir ces combattants américains comme les reflets enlaidis par l’ego, donc comme les rejetons, de ces Maitres qui les ont « enfantés ». Car ces combattants américains ont appris leur Karaté avec des Maitres et peu importe qu’ils soient japonais alors qu’Ip man et Bruce Lee, eux, sont chinois :

 

Les Maitres ( et pères spirituels) de ces combattants américains auraient dû s’assurer qu’ils auraient – ensuite- été dignes de l’enseignement reçu.  Cela me rappelle un souvenir :

Enfant, j’ai pratiqué un peu le karaté. Je n’étais pas très doué. Mais je me souviens de Boussade, dont le frère aîné pratiquait aussi le karaté. Un autre de ses frères, que j’allais croiser des années plus tard sur un tatamis, pratiquait, lui, le Judo. Et il avait dû être un très très bon judoka. Je me rappelle encore de certaines des « balayettes » ( ou sasaé) qu’il m’a passées en me narguant des années plus tard, alors, que, très fier de mon judo pubescent, j’attaquais. 

 

Mais notre professeur de karaté, Danco ( ou Danko), avait un jour fait passer les ceintures. Boussade connaissait son kata pour changer de ceinture. J’aimais bien Boussade. C’était un camarade d’école. Mais, ce jour-là, Danco avait refusé de lui donner sa ceinture supérieure (la bleue ou la marron). Parce-que, lors de son kata, Boussade avait mis trop de hargne. Trop de violence. J’avais 12 ans tout au plus ce jour-là. Et j’avais été plutôt triste pour Boussade. Mais  je me rappelle encore de cette leçon aujourd’hui quarante ans plus tard. Comme on le voit, ce genre d’expérience marque.

 

 

Dans Ip Man 4, il est difficile de croire que les combattants américains qui défient Ip Man et Bruce Lee aient été remis à leur place par leur Maitre et père spirituel comme Boussade l’avait été ce jour par Danco ( ou Danko).

 

Un Maitre, un professeur ou même un éducateur peut être un père spirituel ou symbolique. Certains de ces Maitres sont fascinés par la violence et l’encensent. D’autres ne s’en laissent pas conter par la violence. La violence ne les séduit pas. Et j’ai tendance à penser qu’un Maitre qui sait s’en tenir à une certaine abstinence en matière de violence pourra plus facilement inciter ses élèves au pacifisme. Alors que le « Maitre » qui, lui, kiffe la violence et le fait de soumettre les autres encouragera plus facilement ses élèves à aller vers la violence voire et vers….le terrorisme. Surtout si ses élèves l’admirent et boivent ses paroles. Pour certains terroristes, pratiquer le jihad avec force violence et explosions revient sans doute à avoir  » l’esprit du sabre » tel que peut le concevoir un pratiquant d’arts martiaux. Dans le film Opération Dragonle dernier film réalisé du vivant de Bruce Lee, Han, est plus proche du meneur de secte et du terroriste que du pratiquant d’arts martiaux qu’il a pourtant été. L’histoire se déroule sur une île. Mais on aurait pu imaginer que si ce film se tournait aujourd’hui, qu’on y verrait aussi des attentats dans certaines parties du monde comme on peut le voir dans bien des films de James Bond vers lequel Opération Dragon lorgne. 

 

Pour revenir à Bruce Lee dans Ip Man 4, on nous le montre plutôt pragmatique et responsable (bien qu’un peu provocateur tout de même). Il accepte le combat. Car il sait que le combat fait partie du Voyage qu’il a initié en se rendant aux Etats-Unis.  C’est, du reste, un des sens du film et de tous les films de ce genre :

Le combat est un voyage mais aussi un tremblement. S’opposer à l’autre pousse à faire un voyage vers soi-même. Un voyage intérieur dont les tremblements nous révèlent à nous-mêmes. Ulysse a accompli l’odyssée. Bruce Lee, lui, fait de même au travers des arts martiaux qu’il amène aux Etats-Unis. A moins que ce ne soient les arts martiaux qui, par leur existence propre, ne le poussent à se rendre aux Etats-Unis. Puisque au travers de ces Maitres chinois qu’Ip Man rencontre aux Etats-Unis, on comprend qu’ils sont les gardiens exclusifs et féroces d’un art martial qui a peut-être été très vivant en eux auparavant mais qu’ils ont laissé mourir en quelque sorte pour mieux laisser pousser le souvenir qu’ils en ont. 

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 Il me semble que lors du  second combat de rue de Bruce Lee (face à un adversaire qui se servira finalement d’un nunchaku), on accède à une dimension mystique des arts martiaux. C’est une chose de voir que Bruce Lee devine les mouvements – prévisibles pour  lui- car mal appris finalement, mal incorporés, ou trop vite ingurgités, de son adversaire qui a suffisamment de pratique pour intimider le citoyen lambda étranger au combat. Pratique qui se révèle grossière devant un Maitre comme Bruce Lee qui « est » le combat. Un peu comme si, dans l’océan, on voulait battre à la nage un dauphin ou un requin avec une paire de palmes en carbone.

 

C’en est une autre de « voir », lorsque l’adversaire de Bruce Lee, dominé, sort son nunchaku comme une baguette magique,  que c’était comme s’il touchait en fait à une divinité ou à un objet sacré qu’il souillait. Et que, pour cela, Bruce Lee, alors quasiment en transe, le corrigeait.

 

 

Conclusion

 

 

Dans cette opposition entre différents pratiquants d’arts martiaux dans Ip Man 4- Le dernier combat, on perçoit que pour certains adeptes, les arts martiaux servent surtout à détruire ou à assurer un sentiment personnel de suffisance et de supériorité.  Pour Ip Man, les Arts martiaux doivent servir à « vaincre les préjugés ». Si en prime abord, la position de Ip Man est « jolie » moralement et que ses relations avec son fils ainsi qu’avec la fille d’un de ses rivaux font partie des gros atouts du film, le message final gâche beaucoup. Parce-que le message final, concernant l’opposition entre le Wing Chun et le karaté, c’est qu’en raison de son efficacité finalement démontrée, le Wing Chun va être enseigné…aux Marines qui sont formés pour détruire et tuer de par le monde pour assurer la domination américaine. Donc, c’est quand même dommage d’avoir réalisé un film qui prône la tolérance, l’antiracisme, qui montre à des pères qu’ils font erreur lorsqu’ils s’obstinent à vouloir  à tout prix imposer leurs propres rêves à leurs enfants pour, au final, nous dire :

 

Grâce à Ip Man et au Wing Chun, l’armée américaine sera désormais encore plus forte. Merci la Chine ! Quant aux Marines fortes têtes tels que Barton Geddes ( interprété par Scott Adkins) et son bras droit, Collins, qui se font « ratatiner », on ne sait pas ce qu’ils auront appris de leur défaite. Qu’ils ont eu tort ? Ou qu’ils doivent s’entraîner plus dur au karaté pour revenir plus fort et aller défier Ip Man dans sa tombe ?

 

 

Pareil pour la jeune lycéenne américaine, blonde aux yeux bleus, qui, faute d’avoir échoué à museler la jeune chinoise Yonah a eu recours au harcèlement et à la violence physique : on ignore ce qu’elle devient à la fin du film. La maitresse de Bruce Lee ?

 

 

Cet article est une construction. Quelle que soit l’énergie consacrée pour l’écrire et le temps passé dessus, il est loin d’être une vérité absolue. Chaque nouvel article est sans doute un ancien article que l’on a déjà écrit et que l’on essaie de mieux écrire afin qu’il soit au plus près de nos émotions et de nos réflexions du moment.

 

 

 

Franck Unimon, ce vendredi 14 aout 2020.