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L’exposition

L’Exposition

 

 Entre zĂ©ro et cinq degrĂ©s, parfois, dans ce passage du milieu, les ombres et les visages tombent. On les retrouve par centaines dans la poudreuse. DerriĂšre ces pas ralliĂ©s au silex et qui, pourtant, ne feront plus d’étincelles.

Devant nous, une infanterie de dents abĂźmĂ©es ou disparues, identitĂ©s forcĂ©es, dĂ©placĂ©es, dont certaines en quarantaine dans les rues. Elles sifflent et rĂ©pĂštent des noms et des mots qui les faisaient rois. Ces noms et ces mots ne sont plus que goudrons toxiques pour les poumons. Mais elles insistent jusqu’à l’incision car ils relatent ce passĂ© qui s’éloigne et revient aussi rĂ©guliĂšrement qu’un microsillon tient du soleil et le derviche-tourneur de la couleur. En espĂ©rant, qu’un jour, quelqu’un quelque part, les entendent et les comprennent. MĂȘme s’il sera alors sans doute trop tard et elles le savent. Comme il a Ă©tĂ© trop tard pour Pree, la fille de Charlie Parker. Pour lui un an plus tard qui avait pourtant survĂ©cu aux Ă©lectrochocs contrairement Ă  Bud Powell. Pour Basquiat qui ,Ă©coutant Parker et Coltrane dans les annĂ©es 80 tout en peignant et dessinant, peut rappeler un Denzel Washington, hors de son temps, lorsqu’il sort de plusieurs annĂ©es de prison Ă  la fin de American Gangster et bute , incrĂ©dule, sur du Rap.

 

Il est toujours trop tard. Sauf si l’on croit que les clous sont des plantes fertiles dans le bois ; qu’ils permettent aux Ăąmes des dĂ©funts de nous entendre ; Sauf si l’anatomie a pour soi assez peu de secrets. Et que la nuit est le plus sĂ»r contraste de ces hostilitĂ©s qui nous maintiennent Ă©veillĂ©, brĂ»lĂ© par le racisme, la duretĂ©, la vie « acci-dentĂ©e » des adultes, le prĂ©sent prĂ©dateur et menteur, et que l’on dispose d’un peu de son jugement pour l’incorporer sur une toile, un mur, une porte, partout ou c’est possible et n’importe quand. L’Afrique, l’Histoire des Etats-Unis, la culture pop, les comics, les formules scientifiques, la musique, HaĂŻti et la dictature de Papa Doc, la littĂ©rature, l’occident, les drogues, les sexualitĂ©s sans frontiĂšres, la cĂ©lĂ©britĂ©, la richesse matĂ©rielle, l’amour, la famille, Basquiat les a croisĂ©s. Ils sont lĂ  ainsi que d’autres, Ă©tendues oubliĂ©es, insoupçonnĂ©es, dans ses Ɠuvres jusqu’au 21 janvier. Y aller, y retourner plusieurs fois si on le peut deux Ă  trois heures durant, pourquoi pas avec sa propre musique pour les regarder de prĂšs. Ce sera toujours beaucoup mieux qu’en photo ou dans un livre.

 

Si l’on est encore frais, on pourra se rendre Ă  l’exposition Egon Schiele – qui bĂ©nĂ©ficie Ă©galement de trĂšs bons Ă©chos – se promener un peu en terrasse et apercevoir la vue sur la DĂ©fense ou sur le jardin d’acclimatation. Ou s’extasier sur la construction de la Fondation Louis Vuitton, rĂ©alisation architecturale sophistiquĂ©e Ă  l’image d’un vaisseau en vue de promouvoir «  la vocation culturelle de la France » tel que cela nous est dĂ©montrĂ© par des maquettes et une projection.

 

On fermera les yeux sur ce commerce qui nous vend un tee-shirt « collection Jean-Michel Basquiat » 310, 50 euros, un ouvrage d’aprĂšs ses cahiers «  vendu exclusivement Ă  la libraire de la Fondation Louis Vuitton » pour 28 ou 29,90 euros ou la coque pour Iphone vendue 67, 50 euros.

On pourra ensuite rouvrir les yeux dans le jardin d’acclimatation pour prendre son temps ou pour s’en aller. OĂč ? Vers son identitĂ©.

 

Franck, ce jeudi 3 janvier 2019.

 

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