L’île de La Réunion est aussi le pays où se déroule une course de trail très dure mais aussi mondialement connue:
La diagonale des fous- ou le Grand Raid- qui perce l’île sur une distance de 164 kilomètres.
A première vue, Alix (Farouk Saïdi) et Marcellin (Aldo Dolphin) sont deux sportifs du coin qui reviennent d’un entraînement de trail. Ils ont la trentaine, ont un travail, se débrouillent et ont l’air plutôt cool. Nous sommes en 2020 ou en 2021. C’est aujourd’hui.
Le sport, dont la course à pied, fait partie des valeurs culturelles fortes et des attraits de l’île. La Réunion, c’est joli, avec ses paysages admirables. Les fées y ont les pieds dans l’eau. Maudit débute d’ailleurs avec la prestation de la belle et blonde Dorothée (Marie Lanfroy, membre et chanteuse dans la vie du groupe réunionnais Saodaj’) alors qu’elle est sur scène. La chanteuse aborde la transe lors d’un concert sans doute au moins de Maloya.
Une idylle s’ensuit entre l’artiste Dorothée et Marcellin, le tombeur, vainqueur de plusieurs courses. Tout cela se passe devant Alix qui assiste à ce nouveau succès de son meilleur ami.
Marcellin est le plus clair des deux hommes. Celui qui semble aussi être le mieux dans cette peau. Cette particularité « pigmentaire » est sans doute une petite coïncidence.
Ou l’indice d’une certaine forme de paranoïa.
Mais cette distinction pigmentaire est aussi une convention bien assimilée- et pratiquée- lors des critères de séduction et de sélection de son ou de sa partenaire :
Car c’est seulement en me réveillant ce matin, après avoir publié cet article hier ( le 19 février 2021) que je me suis rappelé de ces deux aspects qui différencient les deux amis.
Nous sommes pourtant sur l’île de la Réunion, une des régions les plus métissées au monde, souvent présentée comme un pays où la tolérance inter-ethnique, multiculturelle et religieuse serait vécue quotidiennement telle une évidence. Avec Maudit ! , subtilement, nous faisons une autre expérience de cette « croyance ». Ensuite, nous avons un choix à vivre :
Préférer à cette « croyance » toutes les beautés étalées et immédiatement accessibles de la Réunion. Ou essayer, aussi, comme le réalisateur, d’entrer dans ce que cette île a de moins supportable.
L’enivrement touche peut-être Emmanuel Parraud, qui, après Sac la Mort (2016), poursuit sa reconnaissance de la Réunion avec un nouveau tandem masculin d’acteurs non professionnels. Le personnage d’Alix lui sert ici d’avatar. Et, vers la fin du film, on apercevra l’acteur Patrice Planesse, son précédent avatar, un des protagonistes principaux de Sac la Mort.
Moins égal que celui-ci, Maudit ! est aussi plus ambitieux dans son traitement formel pour présenter « l’ire-rationnelle » que contient l’île et qui ne tient pas dans quelques bouteilles en verre. Au même titre que la violence subite qui part des coulées de terre de cette histoire que nous verse Parraud. Les bouteilles à la mer, si elles existaient du temps de l’esclavage, n’ont servi à rien.
Un film sur la Réunion loin des pistes touristiques, et, en Créole, c’est rare au cinéma. Alors, on en profite.
Alix et Marcellin ont grandi dans la même famille d’accueil. Orphelins, ils sont devenus inséparables comme les doigts de la main. Cela tient comme ça pendant des années. Puis, arrive la lueur de la femme blanche (Dorothée). On la croit l’éclaireuse magique vers une histoire qu’Alix et Marcellin, malgré leurs kilomètres parcourus en pleine nature, n’ont pas bouclée. Une histoire où la douleur et la colère, plutôt qu’absentes, s’activent parmi les plantes.
Car lorsque la femme libre- Dorothée- s’évapore, la dépression des deux amis, autrefois relayée, devient une discipline individuelle pour forcenés. Chacun retourne au bercail comme vers les poings… de son cyclone. Et ça cogne fort. Le rhum, sérum ou filtre, est utilisé bien-sûr. Mais c’est un miracle grossier qui, s’il racle et se raccroche à la gorge, rapproche aussi des traits et de l’acier de la folie.
Alix ( l’acteur Farouk Saïdi)
Parraud nous parle d’un pays plus mûr pour le fait divers que pour la parole qui libère. Car, selon lui, les beaux paysages, la joie de vivre officielle et les trophées sportifs se lézardent encore devant les fracas du passé.
(La sortie du film était prévue dans les salles au printemps 2021. Elle a finalement eu lieu ce mercredi 17 novembre 2021).
Vouloir faire resurgir le passé, c’est aspirer au voyage avec le navire coulé.
Ce jour que l’on voit enfin se rapprocher arrive peut-être avec une pierre. Et cette pierre sera pour nous. Même si l’on a travaillé avec intelligence afin que notre trajectoire s’améliore.
Il y aura bientôt pire que ce que nous vivons. Je suis désolé de l’écrire. Ce n’est pas dans mes habitudes d’être pessimiste. Et, je ne me sens pas particulièrement pessimiste, ce qui est peut-être pire.
Si la majorité l’emporte en théorie, je constate autour de moi que la majorité n’attend qu’une chose. Car, comme la majorité, je suis très nombriliste et résume le monde à ce que je vis et à mon entourage immédiat :
Recommencer à vivre, aussi vite que possible, comme « avant » l’épidémie. Retrouver certaines libertés.
Forum des Halles, Février 2021.
Les vaccins anti-Covid sont beaucoup attendus parce-que l’on espère qu’ils vont aussi nous inoculer le passé d’avant l’épidémie.
Je « sais » très bien que des personnes ont perdu leur emploi, vont le perdre ou risquent de le perdre à cause du Covid et ses variants. Ainsi qu’à cause du bizness que font certains labos- et quelques gouvernements- avec les vaccins.
Je « sais » aussi que d’autres personnes sont décédées, vont décéder, ont perdu un proche ou une connaissance ou sont tombées malades. Et, je peux faire partie d’eux bientôt sans le voir venir même si j’ai été prévenu.
Je m’abstiendrai de comparer ma vie à celle d’une personne en prison que ce soit dans un centre pénitentiaire ou enfermée dans une maladie mentale et physique. En ce moment, alors que j’écris, j’ai toute latitude pour exposer mon idiotie. Et comme tout idiot, je me répands en me croyant un peu original. Je ferais sûrement mieux de faire des mots croisés ou de regarder une série dans mon coin comme d’autres le font. D’ailleurs, j’ai commencé à regarder la dernière saison, la cinquième, de la série LeBureau des Légendes crééé par Eric Rochant. Je n’envie pas du tout la vie de ces agents secrets qui passent leur temps à frôler leur dernier souffle comme à se méfier de tous.
Il y a tellement de décisions et d’habitudes que nous prenons de nous-mêmes depuis des années et qui nous verrouillent un peu plus tous les jours. Pour toutes sortes de raisons que nous sortons de notre manche et que nous justifions. C’est notre magie personnelle. Celle qui nous guidait et va continuer de le faire. Comme avant l’épidémie. On peut donc comparaitre libre tous les jours et être déjà plus ou moins en prison. Et aussi contribuer à emprisonner d’autres personnes autour de nous.
C’est ce que j’appelle des conventions.
Des conventions de pensée. Des convictions intimes. Des conventions de comportements et d’attitudes envers la vie. L’inconvénient des conventions – ou des protocoles – c’est que même si elles sont foireuses, une fois rôdées, on les laisse nous guider de manière automatisée. Puisque la majorité les adopte ou les accepte, c’est donc qu’elles sont justifiées. Et puis, une fois lancées, il est très difficile de les arrêter.
C’est bon, pour vous ?!
Ce jeudi matin, la secrétaire de cette clinique du 15ème arrondissement de Paris finalise au téléphone la prise d’un nouveau rendez-vous. Elle a la trentaine. Un peu plus tôt, de manière accueillante, elle m’a reçu. J’avais quinze minutes d’avance. J’ai fait un peu d’humour quand elle a d’abord cru comprendre que j’étais pompier. Elle a souri.
Puis, je me suis installé dans la salle d’attente vide où se trouvaient deux stagiaires en pédicurie-podologie. Peu après, ceux-ci sont partis rejoindre un des chirurgiens dans son bureau. De temps à autre, par les portes restées ouvertes des bureaux, j’entends donc des bouts de conversation. La leur. Et celle que la secrétaire a de temps à autre avec une autre femme qui se trouve dans un des bureaux. L’ambiance est détendue. Bien qu’il ait gelé la veille ou l’avant veille et qu’il fasse assez froid dehors, il y a également une belle luminosité. En arrivant, j’ai repéré une boulangerie qui m’a l’air de faire du bon pain. J’y passerai après mon rendez-vous.
Dans le train Paris-Argenteuil, fin janvier 2021.
La secrétaire vient de m’apprendre que la chirurgienne que je viens consulter va avoir « quinze minutes de retard ». J’accepte assez facilement les retards des autres. D’abord parce qu’il m’arrive d’être en retard. Mais aussi parce-que je trouverais idiot d’avoir un accident parce-que l’on se presse pour un rendez-vous pour lequel on est en retard. Ce qui m’importe, c’est, une fois sur place, la disponibilité que l’on a pour l’autre ou pour son travail. Bien-sûr, Il y a des rendez-vous où il faut être ponctuel ou en avance. Il ne servirait à rien de se rendre à un aéroport en retard et de crier depuis le taxi alors que notre avion a décollé : « Maintenant, je suis disponible ! ».
Je viens voir cette chirurgienne pour un troisième avis. En banlieue parisienne, à Cormeilles en Parisis, un chirurgien m’a bien opéré il a trois ans. Il est réputé dans son domaine. Mais chaque fois que je lui pose certaines questions, il ne me répond pas vraiment. Je vais le revoir bientôt à Eaubonne. A cause du Covid et de mon emploi du temps qui a changé en commençant un nouvel emploi, j’ai dû repousser plusieurs fois ma prochaine consultation avec lui.
Pendant les vacances de Noël, j’ai vu un second chirurgien dans une clinique du 16ème arrondissement de Paris. Sympathique, celui-ci a aussi été pédagogue et suffisamment convaincant pour l’opération du pied à propos de laquelle je m’interroge. Deux techniques sont possibles. J’avais refusé jusqu’alors l’une des deux techniques. Ce chirurgien m’a donné des bons arguments. Puis, il m’a invité à prendre le temps de la réflexion. J’avais dit à ce chirurgien que je sortais d’une nuit de travail et que j’étais infirmier. Il a refusé de me répondre lorsque je lui ai demandé le coût de l’opération. Le premier chirurgien, lui, m’avait donné son tarif quand je lui avais posé la question : 400 euros. Une toute petite partie remboursable selon ma mutuelle. Mes consultations avec lui me coûtent entre 50 et 80 euros. C’est déjà cher pour moi. Mais l’opération était nécessaire. Et j’ai préféré mettre le prix pour me garantir la meilleure opération possible. Plutôt que de me livrer au premier chirurgien venu.
Dans la clinique du 16ème arrondissement, la consultation avec le second chirurgien m’avait coûté environ 110 euros. Quand j’avais présenté ma carte bancaire, la secrétaire m’avait rappelé que l’on pouvait payer uniquement en espèces ou par chèque ! C’était indiqué ! Il y avait bien un distributeur de billets mais c’était « loin » m’avait-t’elle alors répondu. Elle allait donc attendre que je lui envoie mon chèque par la poste pour m’adresser ensuite ma feuille de soins me permettant d’être remboursé. Partiellement. Puisque ce chirurgien pratique aussi le dépassement d’honoraires.
Je ne compte plus toutes ces personnes qui m’ont affirmé qu’un lieu était « loin » dès lors qu’il s’agit de marcher quelques minutes.
J’avais pris soin d’aller tirer de l’argent dans ce DAB qui était « loin » et de revenir quelques minutes plus tard donner l’argent de la consultation à la secrétaire de cette clinique du 16ème arrondissement.
La chirurgienne que je viens voir aujourd’hui dans le 15ème arrondissement de Paris m’a été recommandée par le médecin du sport fédéral que je consulte ces derniers mois. Il m’a dit que l’atout de cette chirurgienne est qu’elle n’a pas :
« Le bistouri entre les dents ! ».
Je consulte ce médecin du sport à Levallois, une ville de banlieue parisienne, dans les Hauts de Seine, le département du 92. Levallois est une ville plutôt cossue. C’est la petite sœur de Neuilly, dans le 16èmearrondissement. Depuis un peu plus de dix ans, je suis venu habiter à Argenteuil pour me rapprocher de Paris. L’immobilier, dans l’ancien, y était plus abordable que là où j’habitais auparavant à Cergy-le-Haut, une ancienne ville nouvelle plus éloignée de Paris et plus proche du Vexin.
Ce médecin du sport de Levallois m’a aussi conseillé un nouveau podologue. J’étais devenu insatisfait du second podologue que je voyais depuis quelques années dans la ville de St-Leu la Forêt.
La veille de mon rendez-vous avec cette chirurgienne, j’ai revu ce nouveau podologue dans un cabinet situé près du jardin du Luxembourg. Pour venir chercher mes nouvelles semelles orthopédiques. La pratique du sport et l’âge m’ont rendu indispensable l’usage de semelles orthopédiques. On peut aimer les œufs sur le plat. J’ai les pieds plats. C’est moins grave que d’avoir le diabète, un cancer, une psychose, de l’hypertension, des problèmes de poids, de dos…. ou le Covid.
Mais, d’un point de vue biomécanique et pratique, avoir les pieds plats, lorsque l’on sollicite son corps sur la terre en faisant du sport, cela entraîne des déséquilibres et des tensions de l’appareil locomoteur qui peuvent donner des tendinites, des douleurs musculaires ou ligamentaires. Si j’étais une personne strictement sédentaire et imperméable au sport, évoluant uniquement dans l’eau, sur l’eau, ou dans les airs, ou jouant régulièrement d’un instrument de musique, j’aurais peut-être pu me passer de ces semelles. Mais le sport terrestre fait partie de ma vie. Même si j’en pratique moins qu’auparavant et moins que je ne le voudrais.
Pour ce podologue, avec mes nouvelles semelles conçues avec la 3D, une opération du pied n’est plus justifiée. Le cabinet de ce podologue se trouve donc près du jardin du Luxembourg, à Paris. Cet endroit, pas plus que le 15èmearrondissement ou le 16ème arrondissement de Paris, ou Levallois, ne fait partie de mes foyers de vie. J’ai beau avoir un travail et un salaire fixe depuis plus d’une vingtaine d’années, je n’en n’ai pas les moyens. J’ai toujours vécu en banlieue parisienne. Dans une ville où se loger était financièrement plus accessible. Lorsque j’entendais parler d’un loyer de 3000-3500 francs en plein Paris pour un appartement de 25 à 30 mètres carrés, un montant courant dans les années 90, je me comportais comme un cheval refusant mentalement et physiquement de franchir l’obstacle.
Je suis allé très loin dans mon refus et mon ignorance : Il y a plus de vingt ans, lorsque le prix de l’immobilier à l’achat, à Paris, dans l’ancien, était encore présentable, j’ai raté le coche. J’ai préféré jouer la « sécurité ». Faire un prêt immobilier sur 15 ans pour acheter sur plan dans le neuf un studio de 23 mètres carrés à Cergy-le-Haut, dans le Val d’Oise, une ville que je connaissais et où j’habitais depuis une quinzaine d’années. A plus de 45 minutes en transports en commun du jardin du Luxembourg ou du 15 ème arrondissement où j’ai rendez-vous avec cette chirurgienne.
Je me rendais alors à Paris, souvent dans les mêmes endroits, toujours pour mes loisirs ou pour des achats.
Pour le même prix que mon studio, un ou deux ans plus tôt, une de mes amies qui vivait alors à Paris, avait acheté dans le 19ème arrondissement, près de la Villette, un appartement de 45 mètres carrés, en loi carrez, dans l’ancien, au sixième et dernier étage sans ascenseur d’un immeuble. Elle avait fait faire quelques travaux.
Elle avait eu une très bonne intuition. C’était avant le passage à l’euro.
A moins d’être « parrainé » par quelqu’un de bienveillant et de clairvoyant, lorsque l’on ignore la façon dont tourne l’horloge du monde ou d’une société, on accumule rapidement plusieurs fuseaux horaires de retard. On prend donc de plus ou moins bonnes décisions en s’appuyant sur nos conventions. Même si l’on est travailleur et passablement intelligent. Et nos décisions, lorsqu’elles sont mauvaises, peuvent être de bonnes décisions que nous avons prises avec plusieurs fuseaux horaires de retard….
Je ne suis pas riche. Mais, comme beaucoup, je suis travailleur et je peux me lever tôt. Y compris pour effectuer un certain travail non rémunéré. On dit qu’il faut aussi faire ce que l’on aime par plaisir et sans attendre pour autant de faire de l’argent avec. J’applique cette convention au moins pour ce blog mais aussi en amitié et dans mon métier d’infirmier en psychiatrie et en pédopsychiatrie : lorsque je m’engage dans mon travail, généralement, je ne pense pas à l’argent qui va arriver sur mon compte en banque. Ce n’est pas ma première motivation. Et, c’est sans doute, aussi, ce qui, depuis des années, m’a lourdement pénalisé. Pour ne pas dire « planté » dans une certaine évolution personnelle et sociale.
Car, pour ma santé, que j’estime prioritaire, par contre, j’accepte de mettre le prix lorsque je pars consulter. On est bien capable de lâcher bien plus d’argent dans une nouvelle paire de sneakers, des écouteurs bluetooth – qui nous rendront peut-être sourds-, un nouveau téléphone portable ou pour tout un tas de vêtements et d’objets que l’on utilisera assez peu et que l’on oubliera ensuite. Nous sommes incités à ça en permanence.Cela fait partie des conventions de la majorité d’entre nous.
Quelques jours avant les fêtes de Noël 2020, près des Galeries Lafayette et des Magasins Printemps, à Paris près de l’Opéra Garnier.
Mais je ne crois pas non plus que les meilleurs spécialistes de la santé soient toujours celles et ceux qui nous font payer leurs consultations les plus chères ou qui disposent du matériel le plus moderne. Mais pour commencer à le comprendre, j’ai d’abord dû passer à la caisse plusieurs fois….
D’ailleurs, dans cette clinique du 15ème arrondissement, le chirurgien qui m’avait opéré il y a trois ans pour 400 euros consulte aussi. Mais un autre jour.
Gare de Paris St-Lazare, novembre 2020.
Plus jeune, en particulier à l’adolescence, et même un peu après, j’avais tendance à négliger tout ce qui est suivi médical après une blessure sportive. Il est convenu dans la mentalité de bien des sportifs, qu’il faut être prêt à se faire mal lorsque l’on pratique. Donc, une blessure, ça peut aussi attendre pour être soignée ou correctement soignée. Lorsque j’allais consulter, plus jeune, je ne faisais pas toujours attention au fait que certains médecins se contentaient d’appliquer des protocoles de traitements.
Avec l’expérience, plus d’une fois, c’est moi qui ai dû demander la prescription d’un certain nombre de séances de kinésithérapie en plus du traitement médicamenteux censé tout résoudre par lui-même. Je prends le moins de médicaments possible.
Après mon intervention chirurgicale du pied il y a trois ans, le chirurgien m’avait prescrit une certaine quantité d’antalgiques qui aurait permis à un toxicomane de monter un petit commerce. Ou à une personne lambda de peut-être devenir toxicomane. Cette pharmacie aurait aussi pu constituer le début d’un trésor pour de la médecine de guerre. Il fallait bien compenser l’absence de présence médicale- et surtout paramédicale- alors que la personne opérée retourne chez elle quelques heures après l’intervention chirurgicale.
J’avais dû insister auprès de ce chirurgien pour obtenir un certain nombre de séances de kiné pour ma rééducation. Il était persuadé que son intervention chirurgicale se suffisait et que je pouvais reprendre le travail après trois semaines d’arrêt. A l’écouter, je me devais seulement de faire ma rééducation tout seul chez moi.
Il m’avait fallu deux bonnes semaines d’arrêt de travail supplémentaires, davantage de séances de kiné et en retournant au travail, je boitais encore du fait de la douleur consécutive à l’opération chirurgicale.
La profession infirmière, aussi, même non sportive, peut avoir tendance à se surmener ou à être surmenée même lorsqu’elle devrait lever le pied. Il existe aussi d’autres professions, paramédicales, ou autres, qui sont soumises durablement aux mêmes conflits de loyauté entre leur sens du Devoir ou du sacrifice et leurs conditions de vie, de travail ou salariales, plutôt défavorables. C’est peut-être le cas de cette secrétaire qui m’a accueilli pour cette consultation.
Et c’était comme ça bien avant l’épidémie du Covid.
En venant voir cette chirurgienne ce jeudi, j’aimais, aussi – c’est peut-être un cliché- l’idée d’obtenir l’avis d’une femme.
Venir en avance m’a donné le temps d’apprendre le montant de la consultation : 112 euros. Déduction faite de ce que me rembourseraient la sécurité sociale et ma mutuelle, 93 euros resteraient à ma charge. Le prix de cette consultation, 112 euros, correspond à peu près à ce que je gagne en une journée de travail comme infirmier après bientôt trente ans d’ancienneté.
Comme j’attends, une jeune femme vient se présenter au secrétariat. Elle explique avoir trente minutes de retard. Elle avait rendez-vous à 9h15. Il est 9h45. J’avais quant à moi rendez-vous à 9h30. Et je suis là depuis 9h15.
Quelques minutes plus tard, la chirurgienne, la cinquantaine, sort de l’ascenseur. Je suis assis presque en face, à côté du secrétariat. La secrétaire lui dit bonjour en l’appelant par son prénom alors qu’elle file vers un bureau. Bureau où elle est bientôt rejointe par la secrétaire. Je l’entends donner des nouvelles de sa fille qui vient d’emménager avec son copain. « C’est bien » conviennent, ravies, la secrétaire avec l’autre femme qui était déjà présente dans un des bureaux à mon arrivée.
La chirurgienne reparaît quelques minutes plus tard. Elle appelle la personne qui est arrivée avec trente minutes de retard. Laquelle se lève et va à la rencontre de la chirurgienne. Je la laisse partir. Je me lève alors calmement. Je viens annoncer à la secrétaire, revenue à sa place, que je m’en vais.
Bien que je n’aie ni la tête et ni la voix de Serge Gainsbourg, il faut quelques secondes à la secrétaire pour rassembler l’information que je viens de lui donner. Alors, je l’aide avec mes mots qui ne deviendront jamais un tube à la radio :
« J’ai passé trois quarts d’heure dans les transports en commun pour venir. Je suis arrivé avec 15 minutes d’avance. Madame arrive avec 20 minutes de retard et prend une personne qui est arrivée après moi…. ».
La secrétaire, demi-sourire gêné, je crois qu’elle a subitement chaud au visage, reste professionnelle et pédagogue. Et m’explique :
« Oui, j’ai bien vu que vous veniez de loin. …c’est une patiente qui avait rendez-vous avant vous…. ». Je lui fais comprendre que cet argument, pour moi, ne tient pas. Elle n’insiste pas :
« Je le lui dirai. Je vous laisse rappeler pour reprendre rendez-vous ? ».
« Peut-être, peut-être pas ! ». Puis, je m’en vais en prenant le temps de passer aux toilettes auparavant.
Confinement doré
Dans le train Paris-Argenteuil, fin janvier 2021.
Depuis le début de l’épidémie du Covid, nous nous plaignons du couvre-feu, du confinement. Et, nous avons raison de nous plaindre de la perte de libertés occasionnée – ou justifiée- par l’épidémie. Je pense à certains lieux obligés de rester fermés telles que les salles de cinéma, les musées et les salles de théâtre dont nous avons aussi besoin. Comme certains lieux de pratique sportive. Voire, de restauration…
A côté de ça, pour moi, la secrétaire et la chirurgienne de cette clinique, au moins, et toutes les personnes qui leur ressemblent, femmes comme hommes, vivent dans un monde confiné. Dans un confinement doré. Et cela n’est pas dû à l’épidémie du Covid. C’était déjà comme ça avant l’épidémie du Covid.
Je n’ai pas de problème particulier, au départ, avec le fait de parcourir un certain nombre de kilomètres ou de passer un certain temps dans les trajets pour me rendre quelque part. Si j’ai une bonne raison de m’y rendre. Mais c’est peut être un tort. Et cela peut être une très mauvaise habitude, le résultat de mon éducation, que j’ai contractée tôt, avant l’âge adulte et qui consiste en quelque sorte à être capable de se donner, de manière répétée, sans compter. Car, selon le type d’interlocuteur ou d’interlocutrice auquel on a affaire, accepter facilement ou comme une évidence de réaliser certains efforts- et trouver cela normal de manière implicite- créé d’emblée un handicap ou un rapport de dominé-dominant. Cela revient à se brader même si on vous parlera de « gentillesse » ou de « générosité » vous concernant :
Dans le monde confiné de cette secrétaire ou de cette chirurgienne, dans leur royaume, il est « normal » de faire attendre des patients. De disposer d’eux. Et de les faire raquer ensuite. Il y a bien d’autres fois où je l’ai accepté.
J’accepte que la chirurgienne ait eu une bonne raison d’être en retard. J’aurais même accepté qu’elle prenne le temps de se rendre aux toilettes ou de se laver les mains si elle en avait eu envie ou besoin.
Par contre, j’ai plus de mal à digérer l’absence de bonjour de cette chirurgienne en arrivant après quinze à vingt minutes de retard. Pour une consultation à 112 euros. Or, cette absence de « bonjour » d’une professionnelle de la santé qui passe devant la salle d’attente de son lieu de consultations est aussi une convention très courante.
Pour moi, l’ambition de la secrétaire ne doit pas se limiter au fait de pouvoir appeler la chirurgienne par son prénom. Si elle peut appeler la chirurgienne par son prénom, alors, elle est aussi capable de faire valoir à cette chirurgienne le fait que j’étais le patient à voir d’abord. Mais il y a une telle habitude à ce que les gens qui viennent consulter s’en tiennent à certaines conventions de prosternation totale devant des professionnels de la santé.
Pourtant, je n’ai rien de particulier contre les chirurgiens et les médecins. Et, j’ai été très fréquentable. Voire sans doute trop fréquentable. Car j’ai respecté certaines conventions de politesse et de diplomatie. D’autres personnes, plus « nerveuses » ou plus « fières », à ma place, auraient retourné la salle d’attente.
Visiblement, cette secrétaire et cette chirurgienne ne connaissent pas cette vie-là. Où un certain manque de considération peut se payer cash. Leur confinement est un confinement doré.
Je n’attends aucun changement particulier dans leurs conventions de pensées. Je suis sûrement passé pour un « caractériel » ou pour quelqu’un qui ne sait pas vivre.
En sortant de la clinique, je me suis rendu à la boulangerie que j’avais repérée en arrivant. Les baguettes traditions que j’ai achetées y sont vraiment bonnes.
Puis, j’en ai profité pour marcher jusqu’à apercevoir la Tour Eiffel.
Février 2021. Non, il ne fait pas froid !
J’ai eu une pensée pour cet homme qui, poussé par ses hallucinations vraisemblablement, s’est rendu à la Tour Eiffel, et s’est mis à errer autour. Lorsque la police, appelée par un employé de la Tour Eiffel, est arrivée à quatre heures du matin, l’homme n’a pas pu expliquer la raison de sa présence. Il semblait confus, ne pas avoir toute sa tête, bien que très calme.
Ensuite, j’ai pris le bus 80 vers St Lazare.
En passant près de Matignon, j’ai pensé à cette femme venue chercher protection auprès du Président Macron. Un mois et demi plus tôt, elle s’était rendue au commissariat pour les mêmes raisons. Mais on ne l’avait pas crue. Alors, cette fois, elle avait décidé de s’adresser à plus haut. Elle craignait pour sa vie. Elle était « Un Trésor vivant » mais personne ne voulait la croire !
Elle avait sur elle sa clé de voiture, ses papiers, son téléphone portable, trois cartes bancaires, deux chéquiers et quelques affaires.
Ces deux personnes, on s’en doute, bien que de bonne foi, avaient contre elles d’avoir enfreint les «bonnes » conventions. Les conventions où l’on reste à sa place. Et où l’on s’en tient aux horaires et aux lieux où l’on a le droit d’agir et de se comporter d’une certaine façon. Les religions, aussi, peuvent fournir et prescrire leur lot de conventions. La particularité de certaines conventions, même lorsqu’elles nous interdisent de vivre, c’est d’avoir une date de péremption très lointaine ou indéfiniment renouvelable.
Si j’avais retourné la salle d’attente de cette clinique, peut-être que, comme cet homme et cette femme, j’aurais, moi, aussi, été interpelé par les forces de police.
Gare de Lyon, ce vendredi 12 février 2021 au matin, vers 9h10. Cette rame du ligne 14 du métro vient d’arriver à la gare de Lyon après être restée immobilisée trente minutes dans le tunnel. Jusqu’à ce qu’une agent de la RATP parvienne à la conduire manuellement. Cette rame de métro va repartir sans passagers.
Une ligne 14 à bloc !
Le Grand Paris, environ trente millions d’habitants, c’est pour bientôt. Les Jeux olympiques de 2024 en France, et ses millions ou ses milliards de visiteurs, ses heures de retransmissions et ses pubs, encore plus tôt.
Si cette date est retenue. Si nous avons le droit de sortir.
Les pharaons d’Egypte, en exploitant et en tuant dans l’oeuf des quantités indénombrables d’ouvriers, ont entre-autres laissé des pyramides qu’aujourd’hui, nous admirons. Car elles sont bien plus célèbres que tous ces clandestins, aujourd’hui disparus, qui auront contribué à leur élévation.
Nous, pour nos grands projets, nous avons besoin de transports en commun ad hoc. Et, peu importe que nous soyons anonymes. Pourvu que ça roule dans la farine.
Pour cela, nous pouvons compter sur la Ligne 14 entièrement automatisée. La ligne 14, ça fuse ! Et ça ne se refuse pas. Depuis la gare St Lazare, la ligne 14 a été bien des fois mon arme de réduction temporelle pour aller dans les salles de cinéma.
Mais depuis plusieurs mois, les cinémas et les salles de théâtre sont fermées, remplacées par les festivals pandémie, vaccins, couvre-feu et confinement qui s’opposent aux rapprochements humains. Heureusement que des bibliothèques et des librairies sont ouvertes ou ont rouvert pour compenser un peu ce traitement au scalpel – sans anesthésie- que subissent bien des espaces culturels.
Pour le bien-être de l’économie, il a aussi été plus rapidement permis de s’attrouper de nouveau aux heures de pointe dans les transports en commun parisiens. Comme ce matin, ce vendredi 12 février 2021, ou, après une nuit de travail de douze heures, je me dirige vers la ligne 14 à la station Bercy. La température extérieure est alors d’environ -1 degré. Nous connaissons une vague de froid depuis deux à trois jours.
Mon rêve, alors qu’il est près de 8h30, en finir au plus vite avec ce trajet jusqu’à Paris St Lazare. Puis, là, prendre mon train de banlieue. J’aurais bien-sûr préféré vivre dans un appartement avec vue dégagée sur la Pyramide du Louvre. Mais on fait ce que l’on peut. Même si c’est sûrement de ma faute si j’ai raté une bonne partie de ma vie. Je n’avais qu’à choisir de devenir pharaon au lieu de manquer d’ambition. Quand on veut, on peut.
Faute d’ambition, je me contente ce matin d’avoir une place assise dans la ligne 14. Et de me dire que dans dix minutes, je marcherai vers le grand hall de la gare St Lazare. C’est un bon début vers mon destin de moins que rien.
Mais j’ai à peine imaginé ce scénario de film de série V que le métro de la ligne 14 se bloque sur les rails en plein tunnel. Sans doute la ligne 14 a-t’elle été vexée par mes pensées indignes. Parce-que, très vite, je me fais la remarque que, première lame des rails pendant des années, la ligne 14 semble être devenue un second couteau alors qu’elle dessert, depuis quelques semaines maintenant, les nouvelles stations Sanofi, 4 milliards, Actionnaires, et Vaccin anti-Covid prévu pour la fin de l’année. Heureusement qu’elle ne dessert pas en plus les stations Pfizer, Moderna, Astrazeneca, Sputnik V, Masque chirurgical. Mais ça viendra sûrement. Chaque pirogue en son temps. Mais comme c’était mieux, lorsque la Ligne 14 avait Paris St Lazare pour départ et terminus.
Assez rapidement, une voix Off nous informe que nous sommes arrêtés. Cette voix nous quittera seulement lorsqu’une femme agent de la RATP viendra nous rejoindre afin de conduire « manuellement » la superbe ligne 14.
Heureusement, notre sauveuse arrive assez rapidement. Cela fait alors environ quinze minutes que nous sommes dans l’au-delà des rails. Là où je suis, pratiquement en tête du métro, au niveau des troisièmes portes, personne ne panique. Tout le monde reste calme même s’il semblerait qu’une personne essaie, sans insister, d’ouvrir les portes. L’agent de la RATP lui demande de ne rien en faire. L’homme avorte sa tentative.
Un autre passager s’avance pour prendre une photo puis retourne à sa place. Une autre passagère, assise en face de moi, prévient qu’elle sera en retard pour son rendez-vous de 9h. Il lui est proposé un autre rendez-vous à 11h15.
Avant de me décider pour la ligne 14, j’avais testé d’autres itinéraires. Depuis deux à trois semaines, j’ai l’impression que les défauts techniques dans les transports en commun se multiplient. Ligne J, Ligne 6 du métro. Une amie m’a parlé de la ligne B du RER. L’usure due à la pandémie semble avoir gagné le matériel qui nous transporte. Or, les transports en commun, lorsqu’ils permettent à des femmes, des enfants et des hommes, de se rendre d’un point vers un autre, afin d’accomplir leur mission, leur travail ou un projet quelconque, deviennent l’équivalent du système sanguin d’une société.
Si le système sanguin d’une société se bloque, celui-ci peut finir par se détériorer. Car il a besoin d’échanges entre son intérieur et l’extérieur. D’une certaine fluidité comme d’une certaine mobilité. Une société qui se fige peut ainsi finir par se retrouver sous dialyse ou sous galère.
Après quinze minutes d’échanges d’un certain nombre de protocoles et de procédures techniques avec son collègue- ou son supérieur- l’employée de la RATP réussit à redonner un élan vital au métro de la ligne 14. On dirait Sigourney Weaver aux commandes d’un vaisseau dans Alien. La gare de Lyon, et la sortie du tunnel, n’était pas si loin que ça, finalement. L’état de choc du métro de la ligne 14 aura duré trente minutes.
Des applaudissements justifiés saluent la réussite de l’agent de la RATP. Après ça, il faut trouver un itinéraire bis. Pour moi, ça sera la ligne A du RER jusqu’à Opéra. Puis, je préfère marcher jusqu’à la gare St Lazare.
Gare de Lyon, ligne 14 ce vendredi 12 février 2021 vers 9h10. Après avoir réussi à rejoindre la gare de Lyon, il nous est demandé de descendre et de prendre un autre itinéraire pour la suite de notre voyage. Le temps que le trafic de la ligne 14 vers St Ouen reprenne.
Contraint à lézarder avec d’autres dans le métro immobilisé, j’ai repensé au vélo pliant que j’avais commandé la semaine dernière. Car j’en avais assez de dépendre de ces « défauts techniques » répétés. En moins d’un mois, j’estime avoir rencontré plus de déconvenues dues à des » défauts techniques » liés aux transports en communs qu’en plusieurs années de trajets. Néanmoins, un de mes nouveaux collègues, adepte de la ligne 13 du métro, m’avait dit que je m’étais un peu trop précipité. J’avais commencé à me dire que partir plus tôt de chez moi permettait d’échapper à ce genre de désagrément. Et, ce collègue avait même réussi à me convaincre de recommencer à prendre la ligne 13, une ligne de métro dont j’ai choisi de limiter l’usage au strict minimum pendant des années. Au point de presque exclure son existence de ma mémoire. Alors que la ligne 13, lorsqu’elle marche, est en effet rapide.
Mais tout usager de la ligne 13 connait sa réputation de ligne souvent marquée par les arrêts pour causes techniques ou de sur-encombrement. Sans oublier la « culture » de pickpocket qui lui est accolée. Mais l’extension de la ligne 14 a aussi pour but d’alléger la ligne 13. Et, je me suis dit que ce collègue avait finalement raison. En prenant la ligne 13, cela s’était bien passé. Jusqu’à ce que je m’aperçoive qu’un autre collègue, un mordu de la ligne 14, avait pu mettre encore moins de temps que moi pour son trajet.
Mais maintenant…..
Gare de Lyon, ce vendredi 12 février 2021. Le trafic est interrompu jusqu’à environ 9h15 sur la ligne 14 du métro du fait de l’impair technique que nous avons connu pendant trente minutes. Il est donc demandé aux voyageurs que l’on voit en haut d’attendre la reprise du trafic de la ligne 14 vers la Porte de St Ouen.
J’ai aperçu son visage grâce à la porte entre-ouverte de son bureau. C’était la première fois que je le voyais vraiment. Lui et tous les autres se connaissaient depuis des années. Mais, moi, le petit nouveau, je les découvrais tous à cette époque des masques. Cela faisait à peine un mois que j’étais avec eux, et ce que je voyais, c’étaient des yeux, des fronts, des cheveux et assez peu de visages sauf, bien-sûr, au moment des repas. Pour ceux que je partageais avec certaines et certains d’entre eux. Ou épisodiquement lors de certaines pauses.
Je devais avoir presque dix ans, lorsque je me suis avancé pour lui dire :
« Ah ? Tu ressembles à ça ?! ». Il était près de 19H. Comme la veille, pour débuter cette journée qui allait se terminer vers 20h, je m’étais levé à 5h50. Et, jusque là, tout s’était bien passé avec l’ensemble des personnes et des situations rencontrées.
Après avoir dit ça, je suis resté là, sur le seuil. Il était seul, assis derrière son bureau. Il n’avait pas l’air occupé. Quelques jours plus tôt, lors de notre première rencontre où il avait opté pour garder son masque alors que je déjeunais, ça s’était passé de façon détendue. J’avais fait de l’humour à propos de son refus de se découvrir. J’avais mentionné l’importance de préserver sa pudeur. Il l’avait bien pris.
Il a commencé à m’expliquer plutôt sérieusement qu’il s’était laissé pousser la moustache. C’était comme une sorte de confession que je ne demandais pas. J’ai compris qu’il n’était pas très satisfait du résultat. Mais qu’il avait fait de son mieux. Et puis, il a tiqué sur le terme : « Tu ressembles à ça ?! ». J’ai aussitôt récupéré toutes mes années. Je n’avais pas dix ans. J’étais dans mon nouvel emploi depuis à peine un mois. Et, j’y faisais connaissance avec un nouvel environnement ainsi qu’avec une bonne cinquantaine de nouvelles et de nouveaux collègues. Dès les débuts, j’avais déjà entendu parler de Radio Langue de pute, qui, ici, émettait sur bien des fréquences comme partout. Sauf qu’ici, les fréquences affleuraient davantage au grand jour. Le matin, un collègue qui terminait sa nuit, proche de la retraite, que je croisais pour la première fois, m’avait dit avec le sourire :
« J’ai entendu parler de toi. Tu verras, ici, c’est une petite famille…. (sous-entendu : tout se sait rapidement et les ragots sont fournis avec le wifi et la fibre optique intégrés) ».
Debout, de l’autre côté du bureau de ce nouveau collègue, je l’ai regardé buter sur ce que je venais de dire. Nos propos peuvent être bilingues ou trilingues. Mais il était trop tard pour que je me reprenne. Ni lui ni moi n’avions dix ans. Je savais pertinemment qu’isolé et pris au pied de la lettre, le terme « ça » pouvait être dégradant. Mais ce n’était pas mon intention en disant « ça ». Et le contexte avait aussi son importance :
Hormis nos proches et celles et ceux que nous connaissions déjà avant la pandémie du covid et l’épopée des masques que nous vivons depuis plusieurs mois, notre cerveau compose une certaine image avec le peu que nous voyons du visage des autres. Le décalage est fréquent mais il nous apprend quelque chose sur notre perception- imparfaite- et immédiate de notre environnement. Et ce n’est pas une histoire de manque d’intérêt.
Un peu plus tôt, ce jour-là, je crois, alors qu’elle déjeunait, j’avais vu de profil une personne que j’avais vue jusque là seulement de face. Mais que je connaissais uniquement porteuse d’un masque. En la voyant démasquée pour la première fois alors qu’elle mangeait devant moi, je m’étais demandé si c’était bien la même personne. Alors que je savais que c’était elle ! Je pensais, pourtant, l’avoir plus d’une fois plus que que bien regardée :
Je l’avais rencontrée lors de mes trois entretiens de pré-embauche, elle comme moi portant notre masque. Je la trouvais plutôt sympathique. Elle était désormais ma supérieure hiérarchique en chef.
Mais impossible de parler de ça à mon nouveau collègue. J’étais trop imbibé par ce qui était en train de se dérouler. D’autant qu’à deux reprises, pour essayer de désamorcer le malentendu, j’avais baissé mon propre masque et lui avais dit avec le sourire :
« Moi, je ressemble à ça ! ».
A le voir continuer de régurgiter ma phrase « Tu ressembles à ça ?! », je me suis dit :
Soit cet homme, toute sa vie durant, a aspiré à s’élever socialement.
Soit, malgré son envergure, il a toujours eu une mauvaise image de lui. Et moi, le « jeune » nouveau collègue, en moins de dix secondes, j’avais écrabouillé tout ça.
Je n’avais pas rêvé de lui par la suite. Mais j’allais savoir assez vite lorsque je retournerais au travail si Radio Langue de pute avait lancé un avis de recherche à mon sujet. Ou si une vendetta était en cours me concernant.
Des histoires de vengeance peuvent se décider pour bien moins que ça.
Nous nous sommes revus tout à fait par hasard. J’ai été étonné mais aussi content de le revoir.
Je l’ai appelé par son prénom pour être sûr.
Félix ?
Il a approuvé, assis au milieu de deux ou trois inconnus.
Je me suis avancé vers lui. Ils n’existaient plus ou alors seulement comme assistants de cette rencontre.
Enthousiaste, j’ai débité le peu dont je me rappelais. Félix a souri. Son sourire était un feuilleté d’embarras, de sénilité et de surprise. C’était le sourire de celui qui regrettait. Pourtant, je ne lui voulais aucun mal.
Félix regrettait, quinze ans plus tôt, d’avoir choisi de m’oublier. Alors que moi, je pouvais encore parler de la marque de sa voiture, du groupe de musique qu’il aimait écouter. Des prénoms de plusieurs femmes avec lesquelles il avait besognées. Là où il avait travaillé.
Mais, lui, il ne savait rien de moi.
Félix m’a appris être à la retraite depuis quatre ans. Ensuite, il m’a raccompagné prudemment vers la sortie. Pourtant, je ne lui voulais aucun mal. On l’a laissé faire.
Nous nous reverrons peut-être dans quinze ans. Et ce sera peut-être moi qui, ce jour-là, fermerai définitivement la porte derrière lui. Celle de l’oubli.
Quand elle se présente à vous, elle ne dit ni son nom, ni son âge. Elle dit seulement :
« M6 ».
Puis, elle attend.
M6 est une fille simple. C’est une boite à varices sans soutien gorge. Mais peu importe puisqu’elle a le rythme. Elle a compris depuis longtemps que les principes, l’empathie et les compétences, c’est pour les naïfs et les imbéciles. Juger et court-circuiter n’empêche pas de réussir ni d’être désirable.
Bien-sûr, il faut travailler. Mais ce qu’il faut, surtout, c’est séduire en faisant le bon choix dès le départ. Repérer rapidement celles et ceux qui en valent la peine. Quitte à les accoucher dans la douleur. Et dévisager tous les pervers qui essaient de la trainer vers une absence de perspective.
Cette expertise nécessite d’être à l’écoute et d’avoir l’œil. ça exige beaucoup de concentration et de sang froid tous les jours au moins pendant deux à trois heures.
Heureusement, avec le temps, M6, s’est constituée un réseau fiable. Une arche de solidarité avec des personnes portées par des valeurs identiques et qui se lèvent à la même heure qu’elle. Celle de la réussite. Les autres peuvent bien rester couchés ou mourir dès maintenant, ils se lèveront toujours au mauvais moment malgré leurs efforts. Car ils n’ont pas le sens de la réussite. Seulement celui de la faillite.
Si M6, vous rappelle quelqu’un, c’est sûrement elle. Bien-sûr, vous aviez bien compris dès le début que M6 est un pseudo.
Dans le cas contraire, vous et moi ne faisons pas partie du même réseau et j’aurais perdu mon temps.
Lorsque l’on est assuré d’avoir le ventre plein, on peut trouver plus séduisant que l’étalage d’un stand de marché derrière des bâches en plastique.
En 1960, sur le marché d’Héloïse de la ville d’Argenteuil, il y avait des moutons, des chèvres, de la volaille. Et une brocante.
C…, agriculteur et producteur, était présent. C’était avant l’édification de la salle des fêtes Jean Vilar aujourd’hui plus ou moins menacée de destruction selon les divers projets hôteliers – de luxe- et commerciaux du maire, Georges Mothron. Afin, officiellement, de tenter d’augmenter l’attractivité de la ville.
C…est le le doyen des commerçants. Il me raconte un peu avant tout ça. Il y a deux ans maintenant, à peu près, je le lui avais demandé. Il avait accepté à condition de ne pas faire de politique. Puis, c’était moi, le jeune, qui, comme tous les jeunes, avait délaissé ce qui lui avait préexisté. J’avais toujours trouvé mieux à vivre, à écrire ou à faire ailleurs.
En revenant quelques fois sur le marché, je venais lui dire bonjour et lui rappeler que je reviendrais. Comme une bouchée de politesse qu’on adresse à quelqu’un pour le faire patienter au bord d’une piste de danse. Alors que cette personne ne nous a rien demandé. Alors que l’on se croit le gardien de l’éternité. Mais on n’est jamais rien d’autre que le plus grand gardien de nos infirmités.
Puis, du temps est passé. J’ai arrêté de venir sur le marché. Ensuite, il y a eu cette mêlée -ou cette épidémie- qui, plus vite que la Junk food, a rempli nos assiettes et nos viscères avec du mastic à partir de mars 2020. Toutes les pistes de danse se sont vidées. C’était l’année dernière.
Heureusement, C…a encore tout son temps et toute sa tête. Peut-être plus que beaucoup d’autres qui ont pourtant moins que ses 84 ans.
Il fait 0°C, ce dimanche 10 janvier 2021, lorsqu’enfin, j’honore ce que je m’étais dit à moi-même. J’arrive un peu avant 9 heures. J’aurais voulu venir plus tôt. Il y aura davantage de monde à partir de 10 heures. C…lui, s’est levé à 4h30 et est sur le marché depuis 6h30. Il partira à 13h30 et m’annonce :
« Ceux dehors partent à 15 heures ».
Je lui demande : « Comment faites-vous avec le froid ? ».
C…rigole : « Comme tout le monde ! ».
Il est aussi sur le marché d’Ermont deux fois par semaine. Ses fils ont leur stand sur les marchés de St Denis, Puteaux, sur le marché des Bergères à Nanterre et aussi à Paris. Il me fait les éloges du marché des Bergères. C’est celui de mon enfance. Je n’y suis pas retourné depuis des décennies. A cette époque, dans les années 70, cette partie de Nanterre était sûrement plus populaire qu’aujourd’hui. Il m’invite à y aller.
Sur le marché d’Argenteuil, il paie son abonnement 250 euros pour 15 jours. Pour l’instant, personne ne peut prendre sa succession car la mairie tient absolument à trouver un producteur. Il y en a de moins en moins, m’affirme C. Il a connu le grand-oncle du maire d’Argenteuil actuel. Ce grand-oncle vendait des fruits et des légumes. Tout comme le grand-père.
Le grand-oncle a vendu son corps de ferme à Argenteuil puis est parti vivre dans le Vexin. Mothron, le maire actuel (précédemment déjà édile plusieurs fois de la ville) n’a pas pris la suite de son grand-père et de son grand-oncle. Il est devenu ingénieur. Et maire.
Le neveu du maire, m’apprend C, vend du café un peu plus loin, sur le marché.
Sur le marché d’Ermont, c’est différent. C a pris la suite de ses parents. Et, il tient à « prolonger le plus longtemps possible ».
Un habitué, d’origine arabe, arrive. Il porte un liseré de moustache. Après avoir salué C, il sort une bouteille dont il nous apprend la composition : de l’eau, du miel et des agrumes. Il dit en boire tous les jours :
« C’est ça, notre pharmacie ! » déclare-t’il en désignant les fruits vendus par C et la poissonnerie voisine. Il refusera de faire le vaccin anti-Covid quand il deviendra obligatoire ! Quitte à rester chez lui !
C, avec un grand sourire tranquille, répond : « Moi, je le ferai ».
L’homme poursuit :
« J’ai plus de 60 ans. Je me porte bien… ».
C s’esclaffe et me prend à témoin : « Il est jeune ! ».
Une femme d’origine antillaise passe rapidement devant le stand :
« Salut Papy ! ».
« Salut, ma belle ! » répond C.
Après avoir pris quelques fruits, le client argumente :
« Je suis médecin….même si je ne suis pas reconnu » ajoute-il un peu à voix baisse comme à lui-même.
J’avais oublié toute cette dramaturgie que l’on peut obtenir dans un marché. Il suffit de s’y promener.
J’ai bien sûr pris des fruits à C. Des pommes, des poires, des kakis. Et je l’ai remercié. Il a accepté facilement que je prenne son stand en photo. Mais quand j’ai parlé de le photographier, il a disparu. Au point que je me demande si je l’ai inventé. Et aussi, si c’est bien lui qui m’a laissé ce texte :
Vols ancrés
Même si ce sont souvent les mêmes, nos pensées sont des milliers d’oiseaux qui en enfantent d’autres. Il faut apprendre à regarder pour savoir, selon nos priorités, sur lesquels s’appuyer pour s’orienter. Ils ne se valent pas tous. Certains sont des leurres. D’autres, des impasses. Mais ils proviennent tous de nos cages et cherchent tous à retrouver l’atmosphère où ils étaient avant de nous rencontrer. Car nous les avons capturés. Nous avons besoin de nos pensées comme des oiseaux car ils savent toujours où se trouve le ciel. Et nous, sans eux, nous ne savons pas.
Ecrire, c’est déplacer nos cages. C’est plonger dans la page certains oiseaux plutôt que d’autres et permettre à d’autres, qui les regardent et les écoutent, de trouver leur direction et, peut-être, de trouer certaines interdictions qui les clouaient à l’impuissance.
Photo prise devant le conservatoire d’Argenteuil, ce lundi 25 janvier 2021.
Le réalisateur Jacques Bral allait être incinéré au crématorium du cimetière du Père Lachaise. La cérémonie débutait à 10 heures. Au téléphone, ce matin- ce mardi 26 janvier 2021-, un peu avant 9 heures, Jamila Ouzahir, l’attachée de presse, m’a appris ça. Elle s’apprêtait à s’y rendre.
J’étais dans ma voiture dont je faisais tourner le moteur. Durant la nuit, il avait un peu gelé. Il faisait moins un degré.
J’avais appris la mort de Jacques Bral quelques jours plus tôt (le 17 janvier) et j’avais pensé à Jamila. Elle s’était occupée de la sortie du dernier film de Bral, Le Noir (te) vous va si bien en 2012.
Je n’aime pas cette vogue qui consiste à régulièrement nous allaiter avec la nouvelle du décès de quelqu’un. Cette montre funéraire semble destinée à régler promptement nos cadences sur cette terre. Comme si, sans elle, nous étions perdus et incapables de nous (é)mouvoir. Comme si nos vies comptaient moins que toutes ces morts.
Mais j’aime, dans les enterrements, le fait d’y déceler, même si c’est par des traits fugaces, une sincérité absente dans certains mariages. Et ce que m’inspirait Jacques Bral m’a donné envie de venir.
Pourtant, j’ai du mal à me rappeler si j’avais croisé Jacques Bral lors de la sortie de Le Noir (te) vous va si bien. Je crois que oui. Ce fut court et au moment des projections de presse. Par contre, j’avais écrit sur Le Noir (te) vous va si bien.
Un article sur un film ou sur tout autre sujet, ça n’a l’air rien. Ça peut ressembler à une formalité et à un assemblage de banalités. C’est sûrement ça, aussi. Sauf si l’on y a mis de soi.
Lorsqu’une défunte ou un défunt n’est plus là pour parler, ses œuvres, et celles et ceux qui restent prennent alors la parole pour le raconter.
Sur la carrière de réalisateur, de monteur, de producteur et de scénariste, de Jacques Bral, je ne sais rien de plus que ce qui a déjà été écrit ou que l’on trouvera ici ou là. Le peintre et le plasticien Bral, je l’ai aperçu seulement ce matin. Deux ou trois de ses œuvres entouraient sa photo posée sur le cercueil.
Par contre, j’étais présent, au crématorium, lorsque trois hommes ont parlé de lui. Un rabbin, un acteur et un monteur. Trois façons différentes de parler de la même personne. Il en existe sûrement tellement d’autres.
J’avais oublié que Bral venait d’Iran.
Après les propos du Rabbin, l’acteur Jean-François Balmer et le monteur Jean Dubreuil sont venus témoigner, chacun leur tour.
Balmer a raconté leur séjour – leur rencontre ?- au festival de cinéma de Mexico. C’était après la sortie de Extérieur, Nuit (1980). Bral et Balmer n’étaient pas d’accord sur tout. Bral a dit à Balmer :
« Tu es complètement con ! Tu ne sais pas lire les scénarii ». Devant nous, ce matin, Balmer a admis qu’il y avait eu une part de vrai dans ces propos.
Puis, Balmer nous a dit comment, pratiquement la veille pour le lendemain, Bral l’avait appelé afin qu’il prenne le rôle d’Eugène Tarpon dans son film Polar (1984) d’après l’œuvre Morgue Pleine de Jean-Patrick Manchette. Un film dont Balmer était très content. Film que je n’ai pas encore vu alors que Manchette fait partie des auteurs qui m’ont aidé à une certaine période de ma vie plutôt déprimante.
Balmer a aussi évoqué la « finesse et la délicatesse intérieure » de Bral, lesquelles pouvaient être quelques fois « murées et cadenassées ». Puis son rire, qui, lorsqu’il apparaissait, était une « récompense », emportant tout sur son passage et comme venant « du fond des âges ».
Jean Dubreuil, monteur des films de Bral pendant trois décennies, a appris avec lui « à ne jamais renoncer ». « Promets-moi de ne jamais oublier la petite montagne que nous avons soulevée » lui a demandé Bral.
Dubreuil nous a aussi parlé des visites qu’il rendait à Bral entre deux films. Il nous a décrit un réalisateur « à l’affût des innovations technologiques » ainsi qu’un homme qui a su garder son indépendance «quel qu’en soit le prix ! ».
Ce matin, encore, Bral « l’indépendant », avait aussi su garder l’affection de bien des personnes.
Reflets satellites d’une ville en faillite, ils ont l’énergie de centrifugeuses qui répètent les crimes et les délits. Car il vaut mieux ça que de se laisser débiter par l’ombre et l’immobilité.
On vit mal à Roubaix, « ville industrielle prospère il y a mille ans » qui a encore « le souvenir d’avoir compté ». Mais on peut s’y établir quand on a presque rien.
Dans cet ilot sans boulot où les billets ont été remplacés par le billot, l’acteur Roschdy Zem incarne un commissaire (Daoud) qui connaît bien les lieux pour y avoir grandi. C’est un petit pas vers Dieu : un prêtre qui se faufile entre les uns et les autres, flics ou misérables, qui, eux, sont poussifs ou récessifs.
« Trouve-toi une fille. Sans fille tu tiendras pas » disent ses collègues à Louis (l’acteur Antoine Reinartz) qui vient d’arriver dans la région. Mais ces collègues oublient ou ont oublié que la profession policière est très touchée par les séparations et les divorces. Et puis, le « patron », Daoud, lui, vit seul avec ses chats. Et dort peu sans que cela lui pèse. Louis semble léviter entre Daoud et les autres flics. Quelques fois, il prie et écrit à ses parents.
Desplechin s’est inspiré du documentaire Roubaix, commissariat central, affaires courantes (2008) du réalisateur Mosco Boucault pour ce nouveau film réalisé en 2019. Dans son documentaire porté par des témoignages face caméra, Boucault parlait d’un fait divers où une vieille dame avait été tuée. Je n’ai pas encore vu ce documentaire mais j’ai vu le film de Desplechin- dont j’aime généralement les films- ainsi que son interview d’une heure dans le bonus du dvd.
On y apprend que Desplechin a grandi à Roubaix en étant fermé à sa vie extérieure et qu’il le regrette : il était occupé à lire ou à partir patrouiller en cinéphile dans la ville de Lille puis dans celle de Paris. Soit une certaine façon de prier et de se recueillir. Desplechin se sent plus proche du personnage de Louis (l’acteur Antoine Reinartz), idéaliste mais aussi aveugle que pataud, que de Daoud qui a frayé corporellement avec la brique de Roubaix.
Louis ( l’acteur Antoine Reinartz) et Daoud ( Roschdy Zem).
Je suis passé à Roubaix il y a deux ou trois ans, en allant à Lille, mais aussi au musée de la piscine de Roubaix. En sortant du métro, j’avais été marqué par son atmosphère désolée. Ça m’avait fait penser au peu que j’ai lu de la ville de Detroit dans certaines proportions. Car il y aurait des coins privilégiés dans Roubaix.
Roubaix, une lumière a pu être présenté comme un polar. Mais il ne faut s’attendre ni à des courses-poursuites avec gyrophare et ni à des cascades. Par délicatesse sans doute, l’interviewer a évité de parler à Desplechin du film L’Humanité ( 1999) de Bruno Dumont comme du film Elle est des nôtres de Siegrid Alnoy ( 2003). Mais je suis un bourrin prétentieux.
Même si Desplechin et Roschdy Zem ont suffisamment de bagage pour créer par eux-mêmes, on pourra facilement trouver des sensibilités proches avec ces deux films dans Roubaix, une lumière.
Dans chacun de ces deux films cités, les inspecteurs de police (joués par Emmanuel Schotté et Carlo Brandt) lisent les êtres, ne les jugent pas et les accouchent patiemment d’eux-mêmes.
Cela fait des années que j’aime le jeu de l’acteur Roschdy Zem. Depuis la première fois que je l’avais vu dans N’oublie pas que tu vas mourir de Xavier Beauvois, réalisé en 1995. Dans Roubaix, une lumière, je constate que lentement mais sûrement, Zem a fini par accéder au statut d’acteur principal d’un film. Et ce film de Desplechin stipule cette évolution avec, d’une part, son rôle de commissaire. Et, d’autre part, dans le film, l’oncle d’une jeune fugueuse en colère contre ses parents mais aussi en quête identitaire. Car l’oncle de cette jeune fugueuse ressemble à tous ces « chibanis » qui ont plus croisé le mépris que la reconnaissance lors de leur vie en France. Et qui ont tout fait pour se faire oublier au contraire d’une partie de leur descendance plus vindicative, acculée et également accusée.
Daoud-Zem, lui, a réussi et n’est ni vindicatif, ni acculé. Sauf que cette promotion sociale a un coût : son isolement affectif et social. Sauf au cours de son travail.
Du côté des autres vedettes du film, je continue d’avoir du mal avec l’image de Léa Seydoux. Je suis incapable de savoir si cela a quelque chose à voir avec son nom, son statut social d’origine de jeune privilégiée (même si je sais que cela n’est pas passible de la loi). Ou avec des propos qui lui avaient été attribués lors de la polémique avec le réalisateur Abdelatif Kechiche suite au tournage de La Vie d’Adèle (2013).
Le jeu de Léa Seydoux comme la lumière qu’elle dégagerait étourdirait bien des réalisateurs tels Yorgos Lanthimos pour le film Lobster dans lequel elle a joué ( 2015) et que j’avais bien aimé. J’ai néanmoins encore un peu de mal à la voir en fille paumée comme lorsque je la vois au début dans Roubaix, une lumière. Elle a un peu l’air de s’ennuyer ou c’est peut-être moi qui la trouve toc au début. J’ai par moments plus l’impression qu’elle « fait l’actrice » qu’elle ne l’est. Je la trouve aussi toujours aussi froide ou, d’une certaine façon, un peu trop cérébrale comme actrice.
A gauche, l’actrice Léa Seydoux, ici, plus à son avantage, que l’actrice Sara Forestier, à droite.
Tandis que l’actrice Sara Forestier, découverte par son rôle dans L’Esquive (2003) de Kechiche -et que j’ai revue ensuite dans plusieurs films- réussit à disparaître dans son rôle. Il y a bien-sûr le maquillage et le « travail » sur ses dents. Mais il y a aussi à mon avis une composition plus dense que du côté de Seydoux. J’aurais peut-être été plus conquis par Seydoux si elle avait eu le rôle de la dominée dans le tandem qu’elle forme avec Forestier dans Roubaix, une lumière. Evidemment, on m’expliquera que ce n’est pas elle qui a décidé toute seule de cette répartition des rôles.
Cependant, en voyant ce film, que j’ai aimé voir, j’ai à nouveau pensé à celles et ceux qui décident d’être flics aujourd’hui. Métier qui consiste à rester à la lisière d’une misère et d’une violence continues comme de les laisser se répercuter tels des marteaux sur la tôle. Daoud-Zem (Daoud comme le journaliste et écrivain Kamel Daoud ?), tout cela le frôle comme s’il s’agissait pour lui de simples jeux de rôles.
Photo prise en novembre 2020, à la gare de Paris St Lazare.
Les gens ne se rendent pas compte
« Cela va provoquer une révolution des mœurs ! » Il y a trente ans, j’étais demeuré incrédule lorsqu’un enthousiaste avait parlé d’internet. Ce fut notre seule rencontre. Peut-être avais-je trouvé qu’il en faisait un petit peu trop avec son internet. C’était une connaissance d’une amie rencontrée lors d’un séjour en Ecosse. Amie, que je ne vois plus depuis longtemps.
Quant à lui, je me rappelle à peine du non-lieu- un salon auquel m’avait convié cette amie qui faisait des hautes études de commerce- où nous nous étions croisés. J’ai oublié son nom et son visage. Je ne pourrais pas le reconnaître. Mais je me rappelle encore de sa formulation.
Entre la station de métro et la statue du Lion, intuitivement, je me dirige vers cet homme. Nous ne nous sommes donnés aucun indice. Mais, aussitôt, son grand sac à la main, il se dirige vers moi. Nous avons rendez-vous.
Sur un site internet de vente entre particuliers, celui-ci proposait un CD qui a attiré mon attention. Cela faisait des mois que l’annonce était en ligne. Depuis l’été. Machinalement, j’ai tapé un nom sur ce site et son annonce est apparue.
Ce Cd existerait seulement en mille exemplaires. Et les deux artistes présents sur l’album, bien-sûr, ont eu une incidence sensible sur ma vie personnelle à un moment ou à un autre. Sans doute que leur musique a filtré à certaines périodes de mon existence. Ces périodes correspondent à ma révolution des mœurs. Et, je recherche à nouveau la dynamique de ces cycles en venant acheter ce Cd. Ce sont pourtant des artistes- morts aujourd’hui- que j’écoute beaucoup moins qu’à une certaine époque. Mais on sait l’importance qu’il y a à savoir retourner vers certaines de nos origines. Pour ensuite mieux repartir ou, tout simplement, pour mieux faire le tri.
Surtout, qu’entre-temps, je me suis diversifié. Mon père a été un véritable amateur de musique (ses anciens numéros de Best et de Rock & Folk en attestent). Ma mère était plutôt une sentimentale avec ses albums de Dalida, Nana Mouskouri ou de Julio Iglesias. Néanmoins, à la maison, il existait un consensus parental implicite ainsi qu’une frontière tant culturelle que mentale. Et cette frontière pouvait être une carapace ou un blockhaus à même de stopper toute organisation sonore suspecte ou non reconnue. La musique, c’était plutôt fait pour danser. On n’y aurait pas entendu de la musique classique, et encore moins des artistes comme Depeche Mode,Björk, Christophe Maé, Julien Doré, Slimane ou Kenji Girac.
J’ai vu mes parents, et bien des membres de ma famille, danser dans des soirées ou dans des mariages sur des musiques noires. Des Antilles, d’Amérique latine et des Etats-Unis, bien-sûr. Et, j’ai dansé aussi. Confirmant sans y penser des rituels et des alliances que ma famille avait noué et respecté envers la vie et la mort. Jamais sur du Jacques Brel, du Georges Brassens, du Alain Souchon, du Johnny Halliday , du Michel Polnareff ou du Christophe. Ni sur du Blues non plus, d’ailleurs. Même si mon père possédait un album de John Lee Hooker. Chaque famille a ses rituels et ses alliances envers la vie et la mort. C’est comme ça depuis longtemps.
https://youtu.be/8Zwyhk5LqCc
Oui, parce-que je suis comme les vampires ou comme la femme rouge Mélisandre de Game of Thrones, interprétée par l’actrice Carice Van Houten (on pourra la revoir plus jeune dans le très bon film Black Book de Paul Verhoeven) . Je parais plus jeune que mon âge. A la fin de cet article, je m’évaporerai aussi. Plusieurs de mes « divinités » musicales et scéniques ont vécu à une époque préhistorique. La plupart de celles et ceux qui font les tubes d’aujourd’hui en France et ailleurs les connaissent généralement. Car une très forte culture musicale- souvent éclectique et étonnante- fédère régulièrement les artistes qui réussissent (et même ceux qui restent « inconnus »). Mais parmi les millions d’adorateurs du moment que compte la musique et le numérique, cette connaissance ou cette curiosité historique est parfois absente ou délaissée.
Cela peut faire rire de lire ça – et c’est très drôle- mais cela signifie, aussi, que lorsqu’ensuite, on fait des rencontres en dehors de chez soi, hors de son cercle, nos codes, notre identité et nos approches émotionnelles et corporelles s’activeront et parleront bien des fois pour nous, sans même que l’on s’en aperçoive. Et, peu importe que nos intentions soient sincères et amicales. Il y aura des malentendus réciproques, pour ne pas dire stéréophoniques. Même si nous avons des projets conjoints. Il s’agira d’apprendre à s’écouter et à se coordonner comme pour tout projet que l’on réalise avec d’autres.
Cependant, je reste étonné par cette facilité avec laquelle, désormais, des inconnus peuvent se rencontrer après s’être découverts un intérêt commun (une vente, un achat, un loisir, un désir, un besoin, un service) sur….internet.
« Les gens ne se rendent pas compte… » m’avait dit ce vendeur deux jours plus tôt.
C’était au téléphone lors de notre premier contact direct. Il ne me parlait pas de Jul, Dinos, Damso, Soprano, Niska, Ninho, Aya Nakamura, Booba, Maes, Soolking, Lou and the Yakusa, Stromae, Angèle, Julien Doré, Eddy de Pretto et de bien d’autres artistes en France qui sont aujourd’hui ou depuis des années les « héros » de millions d’auditeurs. Dont certains seront les rois ou les fléaux musicaux de demain.
Lui, il me parlait de James Brown, Tina Turner, Charles Aznavour. Des artistes d’envergure comme on n’en verrait plus et qu’il avait vu de près en concert. Il me parlait aussi de…Prince (qu’il avait vu trois fois en concert) et de Miles Davis. Il allait me vendre le Cd sur lequel se trouve le seul concert enregistré où ils ont joué tous les deux ensemble. C’était à Paisley Park le 31 décembre 1987.
Nous aurions pu nous rencontrer deux jours plus tôt. Mais j’avais préféré reporter. Deux jours plus tôt, je faisais mon dernier pot de départ dans mon service. Et, je voulais prendre le temps de bien le faire.
Alors qu’il me répète pratiquement mot pour mot, ce qu’il m’avait dit au téléphone, je m’avise qu’il a vécu bien des moments extraordinaires au bord de la scène. Mais au bord, aussi, d’une certaine solitude. Sans doute suis-je aussi seul que lui et que je me répète comme lui. Raison pour laquelle je suis peut-être parti de mon service pour un autre. Et que je me retrouve ce soir devant lui, place Denfert-Rochereau.
Lorsque je me séparerai de lui, muni de son CD que je lui aurai acheté, ce sera comme si, d’une certaine façon, j’aurais essayé de me procurer un nouveau moyen, un nouveau gri-gri. Afin de retrouver ou de mieux me rapprocher du meilleur de ce que je crois être mon passé. Celui d’une certaine insouciance, du plaisir et de la créativité. Pas un monde de couvre-feu et de pandémie où l’on a principalement la peur comme pilule du lendemain. Même si, lorsque j’étais plus jeune, la peur pouvait déjà être omniprésente et le sera encore demain. En 1987, j’exerçais mon insouciance à temps partiel. J’avais quitté le lycée un an plus tôt après le Bac. J’avais peur de connaître la déchéance traumatisante du chômage. C’était en pleine épidémie du Sida (Prince en parle dans son titre-tube Sign’O Time : « a big disease with a little name »). Je découvrais le monde adulte et du travail à l’hôpital. Plusieurs fois, je m’étais demandé ce que je faisais là. Plutôt que d’assister à une révolution des mœurs, j’avais l’impression d’évoluer dans un univers clos. Cet univers me tutoyait et m’intimait, par ses divers intervenants, d’apprendre à lui obéir. Le but ultime étant de lui ressembler. Lorsque j’effectuais mes stages de formation, bien des collègues en poste, plus âgées que moi, me donnaient le sentiment de n’avoir « que » leurs enfants, leur mari ou leur travail à vivre et à raconter. Pour moi, l’idéaliste, c’était déprimant. Après l’obtention de mon diplôme, j’ai été en colère pendant trois ans envers ces études. Je suis néanmoins resté raisonnable.
Mais peut-être étais-je trop vieux avant de devenir adulte. Et que je commençais déja, sans même m’en rendre compte, à être à court d’une certaine lucidité en acceptant d’être raisonnable. Petit à petit, l’idiot- comme le dément- fait aussi son nid.
Tout le monde dormait chez moi quand j’ai commencé à écouter le CD au casque. Si j’ai aimé danser sur des tubes de Prince, si j’ai pu aimer voir et revoir la reprise de Beautiful Ones par Bilal en son hommage- à la suite de la prestation d’Erykha Badu– je reste extérieur à son Art supérieur. Je ne crois pas que cela ait quoique ce soit à voir avec le fait que Prince ait « recyclé » ses aînés tels Jimi Hendrix ou ses contemporains. Bien des artistes le font. En moins bien même s’ils sont plus artistes que prothésistes musicaux. Lenny Kravitz, par exemple.
Pour moi, les groupes Blur et Oasis dont on nous avait beaucoup parlé dans les années 90-2000 doivent beaucoup aux Beatles. Un groupe dont je subis quelques fois l’écoute ou l’éloge et que je continue de repousser hors de mon assiette musicale avec suspicion malgré ou à cause de toute l’admiration qu’il génère. Même si je me souviens très bien du titre d’un 45 tours des Beatles dans la discothèque paternelle : Lady Madonna. A côté d’albums 33 tours de Bob Marley, Jimmy Cliff, Steel Pulse, James Brown, Les Aiglons, Black Uhuru, Simon Jurad, Ophélia, Parliament, U-Roy, Stevie Wonder, Eddy Grant…. Ces disques de mon père, je les ai soit entendus à la maison, soit je les ai mis ou remis un jour sur sa platine disque à son insu lors de mon adolescence. J’ai fait pareil avec ses anciens numéros de L’Equipe Magazine ainsi qu’avec ses Play-Boy et ses Lui. Même « cachés » ou prétendument bien rangés au dessus d’étagères.
Mais si Prince m’est tombé dessus un jour par la voie de la radio, Miles, c’est l’artiste écouté pour la première fois dans la chambre d’un copain, sur sa chaine Technics, vers mes 17 ans. Pour aller chez ce copain, dans notre immeuble HLM, il me fallait descendre. Je le faisais en prenant les escaliers. La musique de Miles, elle, me faisait prendre l’ascenseur. Mystérieusement, avec son départ pour son service militaire et l’entrée dans « l’âge » adulte, les possibilités de cette amitié avec ce copain se sont taries. Mais les virtualités de la musique de Miles sont restées en ma possession à moins que ce ne soit plutôt elles qui se soient mises à me posséder de manière durable. La musique de Miles n’est pas la plus joyeuse qui soit. Il m’arrive donc d’être surpris par son aura auprès de certains intellectuels. Comme si c’était la fête. Miles n’incite pas à rouler des pelles à sa voisine ou à son voisin. On entre plus dans la tombe du défunt que l’on n’assiste à l’avènement du dauphin. Miles nous annonce superbement que notre vie commencera par la fin. Et c’est définitif. Il ne peut en être autrement. Mais, bon, Lou Reed, Johnny Cash, David Bowie ou les Cure non plus n’étaient pas et ne sont pas des horizons très drôles. Pas plus que d’autres artistes de Rap, de variétés ou de techno. Et, personne ne s’en plaint. C’est donc qu’il existe un besoin au moins cathartique de les écouter et de s’en mettre plein les enceintes et les écouteurs.
Entre le réchaud de Prince et l’échafaud de Miles, j’attendais que ce CD m’apporte la touche finale. Mais d’abord, rien. Peut-être que personne ne s’en étonnera vu ce que j’ai pu écrire de ma relation avec Miles.
Le son était effectivement passable. Les titres se bouclaient bien. Mais « rien ». Ce « rien » provient sûrement d’une faute de frappe :
Sur la couverture du CD, on peut voir une photo de Miles ainsi que le titre Miles From The Park. Nous sommes en 1987 et je suis alors « en plein » dans Miles. Un an plus tôt, il a sorti l’album Tutu. La première fois que j’avais entendu ce titre ou Don’t Lose Your Mind par hasard sur FIP (une radio très écoutée par les vampires adolescents et adultes. Les animatrices y ont des voix de jeunes pousses féminines d’avant l’anesthésie générale), j’avais « reconnu » le son sans trop oser le croire. Il était revenu avec un nouvel album !
Au téléphone, l’animatrice ou la standardiste m’avait confirmé la nouvelle avec un son d’évidence. Mais il m’avait fallu quelques secondes pour bien intercepter sa résonance.
Sauf que sur ce Cd vendu par un amateur de Prince, Miles joue à peine. C’est un album de Prince. Pas de Miles. Alors, je me dis que la nostalgie m’a vraiment rendu ringard. Et, c’est très dur de devoir admettre que ma ringardise m’a administré un trajet de quarante cinq minutes et fait dépenser vingt euros. Qu’est-ce que ce sera la prochaine fois ?!
Un album de Vanessa Paradis avec Aretha Franklin en couverture ?!
Je raisonne comme ça jusqu’au dernier soupir : le titre It’s going to be a beautiful night. D’une durée de 33 minutes et 55 secondes contre un peu plus de 10 minutes sur l’album Sign’ O’ The Time. Mais c’est ici davantage un medley. Après l’avoir écouté une première fois, je n’hésite pas. Je le remets une seconde fois. Puis, une troisième fois.
Sur mon ordinateur, le CD Rom a beau refuser de me livrer les images vidéos de ce concert, je me dis que j’ai bien fait d’acheter ce CD. Je l’ai réécouté depuis. Non, rien de rien, je ne regrette rien.