A vue d’œil, il y a peu de Chinois dans ma ville. Mais, souvent, lorsque j’en vois, ils tiennent un commerce ou y sont employés :
Traiteur alimentaire, poissonnerie (mauvaise), salon d’esthétique, buraliste PMU, produits (alimentaires) exotiques, marchand de vêtements ou de maroquinerie.
Ils font partie des commerçants de la ville parmi les Kebab, opérateurs et réparateurs de téléphonie, autres restaurants et magasins de vêtements, boulangeries, pharmacies, supermarchés, marchés, boucheries, marchand de primeurs, enseigne Babou, opticiens, agences immobilières, banques physiques, quelques hôtels, cafés, Quicket Mac Do qui donnent sur la rue.
Pour parler des quelques commerces que l’on peut découvrir lorsque, depuis la gare d’Argenteuil, on se dirige vers le centre-ville.
Les Chinois vivent plutôt en retrait. On n’entend pas parler d’eux. Aucun terroriste islamiste d’origine chinoise, recensé à ce jour. Pas de lien connu ou médiatisé avec le trafic de cannabis. Aucun d’entre eux non plus parmi les figures connues des gilets jaunes. Oui, la blague est facile, presque factice et limite raciste. Mais je vais rapidement me sortir de cette ambiguïté :
Récemment, une de mes collègues m’a appris qu’un de ses amis, d’origine chinoise, s’en prend plein la tête. Celui-ci travaille en Seine et Marne- c’est en banlieue parisienne- dans un supermarché en tant qu’employé. Il s’occupe des rayons. Il se fait insulter.
Il lui est reproché la pandémie du Covid ! Ni plus, ni moins.
Rebattre les cartes de la vie ordinaire
En France, la pandémie du Covid a rebattu les cartes de notre vie ordinaire et de notre mémoire depuis la mi-Mars 2020. Nous connaissons notre deuxième reconfinement, après quelques jours de couvre-feu, pour cause de deuxième vague depuis le début de ce mois de novembre. Aujourd’hui, nous sommes le dimanche 8 novembre 2020. Et une troisième et quatrième vague sont déjà annoncées.
Conclusion : en France au moins, certains Chinois n’ont pas fini d’entendre parler du Covid. On nous parle bien d’un vaccin qui nous protégerait. Mais cela prendra du temps et puis, les vaccins et la santé publique sont un business comme un autre. On en trouvera peut-être un jour en vente libre sur les marchés et dans les supermarchés. Lorsque nous serons morts, pour celles et ceux qui peuvent lire cet article aujourd’hui, ou condamnés.
Nous vivons donc sous certaines contraintes qui étaient inimaginables il y a encore quelques mois. J’ai tendance à croire que nous pouvons connaître pire même si, je l’espère, ce ne sera pas pour tout de suite. Aux Etats-Unis, ce week-end, nous avons échappé à la réélection de Donald Trump. Ce qui est a priori, pour moi, un certain soulagement. Mais si Donald Trump fait peur, on a peur pour Joe Biden.
Photo prise à Argenteuil, en novembre 2018.
Et puis :
Imaginons un Etat constitué comme la France, la Grande-Bretagne ou les Etats-Unis qui déciderait de passer des contrats avec des terroristes, comme on peut le faire avec une boite privée :
Le but serait de commander les gens par la peur. De leur dicter ce qu’ils doivent manger, lire, boire, penser et consommer. A qui et quand. De quelle heure à quelle heure. Dans quelles proportions. Mais aussi, quand ils peuvent se reproduire. Et, tout cela, pour le « bien » de l’économie et des actionnaires. Vous avez-encore- le droit de vous dire que je vais trop loin ou que j’ai mangé beaucoup trop de foin ce matin. Après, ce sera peut-être trop tard.
En attendant, comme celles et ceux qui le peuvent encore, les Chinois bossent. Comme l’humoriste Bun Hay Mean- dont j’aime beaucoup l’humour- qui peut nous dire :
« Nous, les Chinois, avec notre petite bite, on vous a bien ni-qués ! Vous n’avez rien senti ! ».
L’extrait ci-dessous n’est pas celui auquel je pensais mais il donne une idée de l’humour de Bun Hay Mean dans un de ses spectacles récents ( 2020 ou 2019, visiblement).
Spike Lee, aussi, nous parle des Asiatiques qui bossent. Dans son film, réalisé en 1989 : Do The Right Thing. Même si, dans cet extrait, il est question d’un commerçant coréen et non d’un commerçant chinois.
Mais les Chinois ne sont pas les seuls à bosser. Avant le film de Spike Lee, il y avait eu, en France, le très bon Pierre Desproges avec son sketch Rachid.
Dans son sketch, Rachid, Desproges nous parle du racisme qui, en France, touche les Arabes. Le Front National dirigé alors par Jean-Marie Le Pen obtenait alors de plus en plus de voix dans la France socialiste du Président François Mitterrand ( 1981-1995). Et certaines personnes considéraient les Arabes comme des fainéants. Alors, dans son sketch, Desproges « s’étonne » comme, pour des fainéants, bien des Arabes travaillent dur. Son sketch date des années 80, probablement en 1985 ou en 1986 ( Desproges est mort le 18 avril 1988) à l’époque où les médiathèques n’étaient pas remplacées par internet. Je vous propose de le retrouver…sur internet. Et de l’écouter et de le regarder. Rire, réflexion et émotion sont garantis. Même si la façon de bouger et d’occuper la scène est très différente de celle de Bun Hay Mean. Trente ans séparent les deux humoristes.
Vers l’oasis :
Hier matin, samedi, je suis allé à la médiathèque de ma ville. En raison de la pandémie, il était possible de s’y rendre de 11h30 à 12H30 ou de 16h30 à 17h30 pour venir y chercher un ouvrage que l’on avait commandé. En temps habituel, les samedis, la médiathèque est ouverte de 10h à 18h.
Après avoir discuté un peu avec un des bibliothécaires, comme j’avais quelques courses à faire, je me suis offert un petit périple. J’avais sur moi toutes les feuilles d’attestation de déplacement provisoire. Je n’en n’ai pas rempli une seule. J’avais besoin de prendre l’air. J’en avais assez de devoir prendre le temps d’écrire sur une feuille ce que je vais faire. Et quand. Et où. Et pourquoi. Et avec qui. Et dans quelle position. Et pendant combien de temps. Ce que j’écris est très grave car je donne un mauvais exemple de comportement civique en pleine période de pandémie. Mais c’est la première fois que je le fais. Et, surtout, il s’agissait de marcher un peu dans ma ville à l’heure de midi.
Mon masque sur le visage- oui, je porte toujours mon masque sur mon nez et ma bouche lorsque je sors !- j’ai un peu improvisé dans les rues. Jusqu’à arriver devant ce magasin de produits exotiques tenus par des Chinois où je n’étais pas allé depuis une bonne année. Ou plus.
Photo prise près du Louvre, ce 5 novembre 2020.
Il était ouvert. Cela se voyait d’assez loin avec l’enseigne lumineuse, au dessus du magasin, qui clignotait. Dans notre monde de plus en plus fermé par la peur, voir un magasin ou un lieu ouvert peut donner l’impression de se retrouver devant une oasis. Ce que bien des commerces, bien des pubs, certains programmes politiques, économiques ou religieux nous promettent.
Sur la droite de « l’oasis », un chien agenouillé et enchaîné. Etait-ce l’un des chiens de l’enfer ? Il avait l’air plutôt gentil. Sauf qu’il n’était pas là, les dernières fois.
Après avoir dit bonjour à la dame, j’ai à peine eu le temps d’aller dans les rayons que celle-ci m’a demandé avec une certaine inquiétude…de mettre du gel hydro-alcoolique sur mes mains. J’ai alors vu le flacon devant elle ainsi que le mot nous invitant à l’utiliser.
Mais il y avait plus. Lors de mes précédentes venues, il suffisait de faire son tour et de choisir ses articles. Là, il a presque fallu que j’annonce mes intentions d’achat dès le départ. Cela m’a fait penser à de la rapine répétée dont le magasin a pu avoir à se plaindre.
J’ai apparemment su rassurer car, ensuite, la dame m’a laissé fureter entre les étalages.
J’étais devant le rayon des surgelés lorsque je l’ai entendue dire à voix haute :
« Il faut mettre votre masque ! ». Peu après, j’ai vu débouler un homme peut-être d’origine pakistanaise ou bangladaise en tenue traditionnelle longue et sandales. Il est resté peu de temps.
La date de péremption du produit surgelé que je regardais était dépassée de quelques jours : Octobre 2020. J’en ai parlé à la vendeuse. Elle s’en est étonnée. Un peu plus tôt, elle m’avait expliqué qu’en ce moment, ils avaient de moindres approvisionnements.
Elle m’a proposé de me faire un prix. Cinq euros au lieu de six euros quatre vingts.
Le soleil est un bouclier. On ne peut pas le traverser comme tout ce qui a été oublié.
Il aurait été oublié par une quelconque araignée. Elle avait laissé traîner ses filets. Des étoiles en ont profité pour en trouer quelques uns. On n’a jamais retrouvé ces étoiles. Mais le soleil, lui, s’est échappé. Puis, notre histoire a commencé.
Nous ne savons rien des délits passés du soleil. L’araignée, qui pourrait peut-être tout nous raconter, se terre quelque part. Elle serait alors beaucoup plus que millénaire.
Nous serions les descendants de sa toile. Sans cette lumière qu’elle laisse descendre, nous pourrions à peine nous lever.
Nous ne savons pas ce qu’il y a derrière le soleil. Parce-que, comme les meurtriers, nous sommes trop entraînés dans nos œuvres de terrassement. Tuer, détruire- la mémoire en particulier- et torturer requiert diverses qualifications, un temps d’apprentissage ainsi qu’un certain nombre de vies.
Guérir comme les guerriers, ou fuir, aussi.
Les guérisseurs sont des guerriers. Les meurtriers détruisent.
Nous avons à choisir entre nos deux tombants. Si nous pouvons être sur tous les flancs, certains se spécialisent. D’autre s’immobilisent.
Le soleil, lui, ne se laisse pas prendre. Impossible, déjà, de faire face à ce titulaire. Lorsqu’erre une seule de ses œillades, des milliards de fois nucléaires, nous, les « vaque à terre » nous reculons. Nous temporisons. Nous faisons avec nos moyens. Nous nous accrochons aux rayons de nos superstitions et de nos religions.
Le soleil, sur sa pirogue, continue de se promener d’est en ouest de jour en jour.
Beaucoup plus loin, nous, nous tournons en boucle à la recherche d’un mode d’emploi.
Ce dimanche soir, j’ai assez vite perçu que cela ne se passait pas comme prévu.
Ordinairement, depuis Argenteuil, on met entre 11 et 17 minutes par le train pour arriver à Paris St Lazare. Mais ce dimanche matin, en revenant du travail, j’ai découvert qu’il y avait des travaux sur la voie ferrée ce week-end. Et que j’allais devoir prendre une navette en passant par la gare de Bécon-Les-Bruyères.
Cela s’est très bien passé ce dimanche matin à Bécon-les-Bruyères. Même si, avec les événements récents, l’attentat jihadiste dans une église catholique à Nice, et la symbolique du bus, sorte de convoi possible vers la mort, je n’ai pu m’empêcher d’avoir un petit peu de retenue en abordant la navette. Devant celle-ci, un employé barbu nous attendait. Oui, nous en sommes parfois un peu là avec les inconnus. Pour peu qu’une situation imprévue s’impose à nous après un événement aussi effrayant que celui de Nice ou d’ailleurs. La mort de Samuel Paty avait aussi à peine refroidi.
Ma retenue passagère devant cet employé avant de monter dans la navette fut le moment, ce dimanche matin, où j’avais un peu bugé. Ensuite, le trajet s’était fait sans encombre en une vingtaine de minutes jusqu’à la gare d’Argenteuil. Puis, j’étais rentré chez moi.
Ce dimanche soir, le chauffeur de la navette qui arrive à la gare d’Argenteuil pour nous transporter jusqu’à la gare de Bécon-les-Bruyères est noir. Je serais évidemment monté même s’il avait été Arabe. Et barbu. Mais, disons, que je suis monté en toute confiance. Alors même que je sais- en théorie- que l’on peut être noir et jihadiste :
Pour avoir lu Les Revenants ( publié en 2016) de David Thomson il y a un ou deux ans, je « sais » que des compatriotes antillais sont partis faire le Jihad en Syrie. Par ailleurs, certains événements au Nigéria ou au Mali nous montrent bien qu’il existe des noirs jihadistes.
Le jihadisme est une sorte de pèlerinage fait de différents visages et de différents sexes dont l’unique monument est la mort. Tout le contraire de ma vie et de mon métier. Même si, dernièrement, je suis tombé par hasard devant la proximité qui peut exister entre le verbe « guérir » et le mot «guerrier».
Et ça me plait bien, ça, de me dire que celles et ceux qui essaient de guérir, que ce soit se guérir eux-mêmes ou les autres, puissent être ou sont des guerriers.
Malgré les armes de destruction massive, les horreurs et les apparences, les vrais et les plus grands guerriers sont peut-être, finalement, toutes celles et ceux qui s’efforcent de guérir le monde plutôt que de le meurtrir ou de le conquérir. Et cette guérison commence d’abord par soi-même.
Nous avons tellement à guérir en nous :
Nos peurs, nos colères, nos préjugés, notre ignorance, nos exigences.
Je ne pensais pas à ça dans la navette ce dimanche soir. Nous étions une dizaine de passagers. Des Noirs et des Arabes. On me croit sans doute obsédé par la couleur de peau des gens. Et, je le suis en partie. Mais, c’est pourtant un fait : dans cette navette, ce dimanche soir, en partance depuis la gare d’Argenteuil, nous étions bien principalement des Noirs et des Arabes. Aucun asiatique. Aucun blanc.
Peut-être deux femmes. Des hommes pour le reste. Cette information ethnique a pour moi plus valeur sociologique que valeur morale.
Si nous étions partis de la gare de St Germain en Laye, que je connais un peu, ou d’Enghien les Bains (plus proche d’Argenteuil), je veux bien croire qu’il y aurait eu, peut-être, un petit peu plus de mixité sociale. Et, encore, cela dépend des horaires.
Ce dimanche soir, je ne sais pas où ces autres passagers se rendaient. Mais, moi, j’allais au travail pour ma troisième nuit de suite.
A la gare de Colombes, tout allait bien. Même si j’ai été un peu étonné que le chauffeur s’arrête à la gare de Colombes avant de passer par la gare Le Stade.
J’ai vu le chauffeur se renseigner pour la suite de l’itinéraire auprès d’agents de circulation, une jeune femme et un jeune homme, noirs tous les deux. Le prochain arrêt semblait être deux ou trois rues plus loin.
Un jeune homme est allé voir le conducteur pour lui demander s’il s’arrêtait bientôt. Il voulait descendre à Bois-Colombes et nous étions dans Bois-Colombes. Très sûr de lui, le chauffeur, dont le masque anti-covid était baissé sur le menton durant tout le trajet, lui a affirmé que c’était pour bientôt.
A la gare d’Argenteuil, j’avais vu ce jeune dégingandé arriver. La vingtaine, lui et un autre passager traînant une valise à roulettes, s’étaient alors reconnus. Depuis le fond du bus, on les entendait discuter. Le plus jeune s’exprimant à voix haute.
Il avait eu sa mamie au téléphone un peu plus tôt et avait essayé de lui expliquer.
« J’ai arrêté l’école très tôt car la rue m’a appelé ». Son copain s’était alors mis à rire.
Puis, inquiet pour le climat politique de la France, celui qui avait appelé sa mamie avait lâché :
« 2002. On est déjà dans la merde, arrêtez avec Lepen ! ». Rires des autres passagers dans la navette.
Ensuite, leurs projets pour l’avenir avaient été exposés :
« Une petite femme, un petit boulot, un petit travail, et voilà ! ».
A ce moment, pour une raison inconnue, le chauffeur avait repris la route pour…Argenteuil. Puis, il fit ce constat à voix haute :
« J’ai bugé ! ».
Dans un carrefour, il fit demi-tour. Au moins savait-il manœuvrer le véhicule.
Nous étions bien avancés dans la ville d’Asnières, et nous nous rapprochions de Clichy, lorsque je me suis dit qu’il fallait aller voir le chauffeur. Là, celui-ci m’a appris qu’il ne connaissait pas le parcours. La SNCF l’avait mandaté mais ce n’était pas son trajet habituel. Il était donc volontaire mais limité.
Les autres passagers sont restés plutôt calmes. Même s’il a été étonnant de voir comme, même en étant correctement renseignés, on peut comprendre une même information différemment. Un passager, le plus proche du conducteur, croyait par exemple que la navette allait nous emmener directement à la gare St Lazare.
J’ai dû apprendre à certains passagers qu’il y avait la gare d’Asnières sur Seine et la gare de Bécon les Bruyères. Qu’il s’agissait de deux gares différentes même si toutes les deux se trouvent dans la ville d’Asnières.
Le chauffeur de bus m’a d’abord un petit peu « résisté ». Lorsque j’ai essayé de l’orienter, je m’appuyais sur le fait que je connaissais un petit peu le coin. Non, aller à gauche là où il était indiqué St Denis et Clichy n’était pas notre direction.
Apercevoir assez vite un panneau montrant Bécon les Bruyères m’a rendu un peu crédible. Plus que le jeune homme « de Bois Colombes » qu’il a d’abord voulu consulter et qui, heureusement, a bien pris la tournure des événements et n’a jamais tenté d’avoir un rôle d’éclaireur.
Voir un ou deux autres panneaux et les montrer au conducteur a continué de nous mettre sur la bonne voie. D’autant que, son téléphone à la main, celui-ci a voulu s’en servir comme GPS. C’est bien utile, le GPS sur le téléphone. Sauf lorsqu’il vous indique la mauvaise route. Un copilote improvisé avec deux yeux et une tête, et qui parle, ça peut aussi aider.
Nous sommes arrivés à la gare de Bécon les Bruyères après quarante bonnes minutes de route. Le chauffeur, soulagé, m’a remercié. Ainsi qu’un des passagers, que je trouvais plutôt assez jovial alors que nous marchions dans les rues calmes nous menant à la gare de Bécon les Bruyères. Le quartier était agréable et aussi plutôt cossu.
Le train pour Paris St Lazare est arrivé. Nous étions dedans depuis à peine quelques minutes, lorsque, assis un peu plus loin devant moi, j’ai vu « mon » passager jovial apostropher une femme qui était au téléphone avec ses écouteurs :
« Parle plus doucement ! Sale raciste ! Tu me prends pour les blancs ?! Je te cogne, moi ! ».
Debout, la femme, a d’abord tenu tête sur le ton de « Si vous n’êtes pas content, descendez du train!». Puis, elle s’est rapidement rassise et a parlé plus doucement. Notre homme qui avait arrêté d’être jovial avait dû être persuasif.
A la station Cardinet ou Clichy Levallois, deux jeunes couples sont montés dans la voiture. Détendus, souriants, ils ignoraient tout ce qui avait pu se passer depuis notre départ d’Argenteuil. Je me suis dit que la vie se déroule de cette façon tous les jours.
Pour rapide qu’ait été notre trajet jusqu’à St Lazare depuis Bécon les Bruyères, j’étais content d’arriver. Avant que les portes du train ne s’ouvrent sur le quai, me revoilà côte à côte avec « mon » jovial. J’essaie de lui dire quelques mots. De le raisonner. Il me répond :
« Je les déteste ».
Avant de nous séparer, j’ai juste l’élan de lui répondre :
« La haine n’est pas la solution ». Puis, nous nous souhaitons mutuellement une bonne soirée.
Il claudique mais ça n’empêche pas de marcher ensemble. Je l’ai connu alors qu’il était gérant d’un supermarché près de chez moi. Il le tenait avec autorité depuis sa caisse. Avec un regard d’aigle. Il disait à peine bonjour. Ou du bout des lèvres. Normal, pour un aigle.
Puis, il a arrêté. Il a changé de projet. Alors, il a pris un peu plus le temps de discuter avec moi lorsque l’on a continué de se croiser. Puisque nous habitons à peu près dans le même quartier. Dans le supermarché, pendant des années, il avait travaillé de 5h à 21h. Il m’avait demandé :
« Tu l’aurais fait ?! ». Je lui avais confirmé que je ne l’aurais pas fait.
Un autre jour, il m’a appris qu’il achetait des appartements aux enchères. Une fois, il m’a proposé d’y aller avec lui. Au tribunal de Pontoise. J’ai décliné. Peut-être mes principes ou ma disponibilité. Racheter à bas prix ce qui a pu constituer le projet et la vie des gens. Ou je n’étais tout simplement pas prêt à tenter cette aventure.
Je l’ai recroisé tout à l’heure à la boulangerie. Je venais de prendre mes baguettes. Lui, il sortait de la pièce du boulanger. Comme s’il était chez lui. Il m’a reconnu malgré mon masque anti-Covid. Il avait du pain dans la bouche.
Les murs de cette boulangerie sont restés vides pendant plusieurs années. Une fois, j’y avais acheté une confiture faite maison, payée cinq euros. Une arnaque. Une de mes collègues en avait rigolé avec moi. Puis, il a racheté les murs. Il m’a expliqué un jour son principe : Il loue. C’est à celui qui tient la boulangerie de faire en sorte que son commerce marche !
Alors que nous nous éloignons de la boulangerie, il me demande si le pain est bon. J’ai les bras remplis de baguettes. J’ai oublié de prévoir un sac. Je réponds que le pain est très bon dans cette boulangerie.
Comme il me rappelle être seulement propriétaire des murs, j’en profite pour bénéficier de sa connaissance du marché immobilier dans notre ville d’Argenteuil. Récemment, en lisant par dessus l’épaule d’une personne qui regardait son téléphone portable, j’ai appris que le journal Les échos se demandait si ce deuxième reconfinement allait faire baisser les prix. L’article des Echos expliquait qu’avant ce deuxième reconfinement, les acheteurs avaient recommencé à se manifester. Mais, là….
Pour lui, Covid ou non, la vie continue. Il touche et déplace son masque régulièrement à pleine main tout en me parlant. 500 euros la location pour 10 mètres carrés. 600 euros de loyer pour un 25-30 mètres carrés. Pour 38 mètres carrés ? 800 euros. Il m’explique qu’investir dans l’immobilier à Argenteuil vaut le coup. Y habiter, non.
1200 demandes de location par jour m’apprend-t’il. Il m’approuve lorsque je dis qu’Argenteuil attire car c’est une ville proche de Paris.
Au centre, le maire de la ville d’Argenteuil, Georges Mothron, lors de la journée d’ouverture de la saison 2020-2021 au centre culturel Le Figuier Blanc.
Je pars acheter Le Canard Enchaîné. En première page d’un journal, j’aperçois un article qui parle de l’attentat jihadiste récent à Vienne. Si les Viennois sont, et je le comprends facilement, sous le choc, ici, et ailleurs, on est loin de tout ça.
Par contre, je connais quelqu’un qui est encore sous le choc. Une commerçante près de chez moi.
Elle a ouvert son commerce il y a à peine deux mois. Il a l’air d’assez bien marcher. Ce week-end, quelqu’un a essayé de partir avec la caisse mais, aussi, de s’envoler avec ce qu’elle vend. De l’alimentaire. Elle m’a appris ça ce matin. J’ai d’abord pensé à cette période de plusieurs mois qui avait précédé l’ouverture de son magasin. Période durant laquelle des travaux avaient été effectués. Mais quand je repasse la voir, elle me dit que c’était comme si la personne connaissait les lieux et avait la clé. Aucune effraction. Elle ne sait pas si elle va rester. Je la comprends : il y a quelques semaines, elle a dû coopérer avec une fuite d’eau. Et, maintenant, ce cambriolage sans effraction. Les voleurs ont réussi à ouvrir la porte de devant mais ont échoué à faire monter le rideau de fer.
Au commissariat où elle est allée porter plainte, on lui a répondu que lors de ce week-end de la Toussaint, il y avait eu beaucoup d’infractions. L’agence immobilière qui gère les murs s’est contentée de lui répondre qu’elle lui avait remis des clés et qu’elle est fermée le dimanche. La propriétaire ne s’est pas manifestée.
La Clinique de l’Amour ( version courte) : une émission de France Inter
« L’Amour, c’est deux solitudes qui s’accouplent pour créer un malentendu » avait écrit Pascal Bruckner dans son livre Lunes de Fiel. L’histoire avait ensuite été adaptée par Roman Polanski. Le film avait fait parler de lui. C’était en 1992.
Les films et les livres sur l’Amour défient l’horizon. Dans un film de Lelouch, je crois, l’acteur Jean-Pierre Marielle disait que l’Humanité, malgré tout ce qu’elle avait pu inventer, avait si peu évolué dans le domaine de l’Amour.
Mais, aujourd’hui, et au moins depuis le mouvement MeeToo, Polanski est très mal perçu. Alors, citons d’autres films où le couple et l’Amour sont mis à mal car il y a du « choix » dans le domaine. Je ne peux m’empêcher de citer le film de Maurice Pialat : » Nous ne vieillirons pas ensemble« .
Autre film que je peux citer dans l’amour vache, » Seul contre tous » de Gaspar Noé qui me permet a posteriori de rendre hommage à l’acteur Philippe Nahon, décédé il y a quelques mois. Je considère depuis longtemps » Seul contre tous » comme un chef-d’oeuvre.Au même titre que » Nous ne vieillirons pas ensemble ».
Mais il importe de donner un peu plus la parole aux femmes…
https://youtu.be/9FHve_JQvzM
J’ai choisi ces extraits de films mais, bien-sûr, on aurait pu en prendre bien d’autres.
La Clinique de l’Amour est une émission que l’on peut trouver en podcast. Elle a été proposée par France inter en février. Durant cinq à six épisodes d’une vingtaine de minutes, chacun, on « écoute » l’évolution de plusieurs couples qui font une thérapie.
L’émission m’a « plu ». Même si je lui reprocherais le fait que, par moments, pour moi, les thérapeutes sont trop intervenus. Le thérapeute masculin par exemple.
Il est certaines fois où, à mon avis, les deux thérapeutes auraient dû davantage « protéger » la parole de celle ou de celui qui s’exprime et le laisser parler. Au lieu de le laisser ou de la laisser se faire « pilonner » verbalement par l’autre.
Je crois que ça aurait été « bien » d’expliciter :
De dire par exemple à telle personne qu’elle semble très déçue ; qu’elle avait apparemment une très haute vision ou une vision différente de ce que son mari ou sa compagne allait être dans la vie de couple ou de famille.
Un des couples a trois enfants. Je crois que cela aurait été bien de demander pourquoi trois enfants ? Pourquoi pas deux ? Pourquoi pas un seul ?
Vu que j’ai compris que bien des couples font des enfants en pensant que faire des enfants rapproche et va aider le couple à se « soigner ».
Alors que je crois que cela peut être le contraire :
Lorsque l’on fait un enfant, nos tripes prennent facilement ou peuvent facilement prendre le dessus sur tout ce que l’on essaie d’être ou de faire de manière rationnelle. Et l’on peut alors s’apercevoir à quel point on est très différent de sa « moitié » voire opposé à elle. Même si on peut aussi devenir complémentaire.
J’ai aussi été à nouveau assez agacé par certaines phrases typiques du vocabulaire professionnel de « mes » collègues :
Ma remarque est sûrement très déplacée. Car le principal est bien-sûr que ces thérapeutes aient fourni leur présence, leur constance et leur empathie à ces couples. Mais je vois à nouveau dans ces tics de vocabulaire et de langage de mes « collègues » thérapeutes un certain manque de spontanéité : un trop haut degré d’intellectualisation ; une certaine carence affective. Comme s’ils s’en tenaient à un texte ou à un protocole appris par cœur qui les empêche d’improviser. Comme s’ils s’exprimaient de manière scolaire.
Hormis ces quelques remarques, j’ai bien aimé cette émission.
Vu que la longueur de mes articles peut défier l’horizon et statufier l’attention du lecteur, cet article est la version courte de celui que j’avais proposé en premier ( La Clinique de l’Amour-d’après un Podcast de France Inter). L’idée est quand même de vous donner envie d’écouter ces podcast de France Inter. Pas de vous donner envie de « haïr » l’auteur de l’article parce-que ses articles sont trop longs. Sourire.
Le lien pour le premier podcast se trouve ci-dessous.
La Clinique de l’Amour, d’après un podcast de France Inter
C’est devenu une obsession. Après quelques autres obsessions. Car je fais partie des obsessionnels anonymes. Nous sommes des millions et peut-être des milliards à porter ce type de tablier :
La personne « obsessionnelle » à laquelle je pense est souvent appelée « maniaque » dans le langage quotidien. Dans le langage quotidien, la personne « obsessionnelle » ou « maniaque » à laquelle je fais allusion est celle ou celui dont la vie semble souvent dépendre de deux ou trois détails qui (le) tuent presque :
Madame ou Monsieur a très bien préparé son repas. Les invités vont arriver. Tout est parfait. La table est mise. Tous les couverts assortis sont disposés à angle droit avec des variations chromatiques étudiées selon le thème astral ou le chakra de chaque convive. Un petit cadeau personnalisé attend chacun. La musique frôle l’intime et le sublime au vu de la créativité des enchaînements. Mais aussi du fait de l’onctuosité de la restitution sonore. Le mobilier a été ciré. Le ménage a été bien fait. Les meubles sont disposés selon des préceptes bouddhistes qui invitent à la détente et à la méditation. D’ailleurs, un bâton d’encens se consume à la façon d’un phare qui assurerait la sérénité ainsi que l’impossibilité du naufrage formel comme spirituel. Tout va bien. Madame ou Monsieur est exactement zen. Et puis, arrive le court-circuit.
En passant la porte de la salle de bain pour aller ouvrir aux invités qui viennent de sonner à l’interphone, Madame ou Monsieur s’aperçoit de la présence d’une boursouflure sur le mur adjacent. C’est trois fois rien. Un demi-centimètre de boursouflure que personne ne remarquera. Mais, à partir de ce moment, une bombe à retardement s’enclenche. Bombe que Madame ou Monsieur ne parviendra pas à désamorcer. Car, Madame ou Monsieur ne pensera plus qu’à cette boursouflure. Et non plus à cette invitée ou cet invité qui lui a tant plu lors d’une précédente soirée et qu’elle ou qu’il espère séduire en sortant le grand jeu.
Avant que le premier invité ou la première invitée n’arrive, Madame ou Monsieur aura peut-être défoncé le mur à la masse et recevra alors dans la poussière et les gravats…..
Je caricature bien-sûr lorsque je donne cet exemple « d’obsession ». Dans cette anecdote que je viens d’inventer ce matin, il s’agit bien-sûr d’une « obsession » grave. D’ordre psychiatrique. Mais j’ai illustré ça de cette façon, en grossissant le trait, pour mieux me faire comprendre lorsque je parle d’obsession. Mes obsessions sont bien-sûr plus légères que celle que je viens de raconter. On peut reprendre son souffle ou se mettre à rire.
Les Maitres, les Experts, les amis….et les faussaires :
Désormais, pratiquement chaque fois que je lis les propos d’un grand Maitre d’Arts Martiaux, d’une Personnalité ou de tout autre individu dont l’itinéraire me « plait », je me soumets à cette question :
Quel genre de personne est-ce lorsque son enfant, comme tous les enfants, le prend au dépourvu et dérange son superbe agencement mental et moral ? La nuit ? Le jour ? Pendant qu’il est au volant ? Alors qu’il est occupé ? Tandis qu’il lui parle et essaie de le convaincre ou de lui transmettre quelque chose ?
Lorsque l’on lit les interviews ou que l’on assiste à des démonstrations de Maitres, d’experts ou autres, on a souvent l’impression que tout coule de source pour eux, sur le tatamis comme dans la ratatouille du quotidien. On dirait que leurs émotions sont toujours leurs alliées ou leurs domestiques. Ou, qu’au pire, elles se prennent une bonne branlée lorsqu’elles tentent de les entraîner dans un mauvais kata ou dans un mauvais plan. Mais je sais que c’est impossible. Je sais que c’est faux. Sauf que je n’ai pas de preuves.
Je pourrais me rabattre sur les amis. Mais j’ai compris que parmi mes amis, connaissances, collègues et autres, passés, présents et futurs se cachent beaucoup de faussaires :
Du côté des mecs ou des hommes, si l’on préfère, cette fausseté est un composé d’ignorance, de prudence et de conformisme. Je n’ai pas oublié, et sans doute ne l’ai-je toujours pas digérée, cette sorte d’hypocrisie sociale et faciale, à laquelle j’ai participé, de bien des hommes qui, plus jeunes, savaient me parler de cul, de leurs coups, de nanas….alors que, secrètement, ils aspiraient à se marier et à faire des enfants.
Un article lu par quelles femmes et quels hommes ? :
Bien-sûr, cette caricature sociale peut faire rire. Et, elle doit faire rire. Ce qui me fait faire la grimace, c’est que cette caricature et ce conformisme social nous font souvent, hommes comme femmes, passer à côté du principal concernant notre vie personnelle. Voire concernant notre vie tout court. Un exemple :
Cet article long (comme beaucoup de mes articles) sera, à mon avis, plus lu – et apprécié- par des femmes que par des hommes. Alors que les hommes ou les mecs (hétéros comme homos) sont à mon avis autant concernés que les femmes par les sujets de cet article. Puisque, tous, à un moment ou à un autre, nous nous postons devant le sujet de l’Amour et essayons d’y répondre avec nos moyens.
Et si des hommes lisent cet article, je m’attends à ce qu’ils soient en majorité âgés de plus de trente ans. Parce qu’en dessous de 30 ans- c’est très schématique- même si les hommes peuvent être des sentimentaux ( je suis un sentimental), nous sommes nombreux, je crois, à être obsédés par le fait d’être performants sexuellement. Que ce soit en termes de nombre de conquêtes ou en termes d’aptitudes particulières (longueur du pénis, durée de l’érection, capacité à s’accoupler dans telle position et dans tel type d’environnement etc….), on dirait que notre valeur personnelle est indexée ( vraiment) sur notre valeur boursière. Et, ce qui est troublant, c’est que plus un homme est « connu » pour être un tombeur, plus sa côte augmente auprès d’une certaine gente féminine. Gente féminine qui peut être tout à fait éduquée, cultivée et aisée socialement et matériellement. Dans le film Extension du domaine de la lutte adapté par Philippe Harel (avec lui-même et José Garcia d’après le livre de Michel Houellebecq) il est clairement démontré que l’homme sans conquête féminine, déprimé, laborieux et terne est souvent célibataire contrairement à celui qui « besogne » les femmes pour être direct.
S’il existe des couples de déprimés, il est aussi assez courant que l’un des deux aille chercher de la légèreté et du réconfort ailleurs. Même si c’est pour, ensuite, revenir au domicile par sécurité, par espoir ou par devoir.
Mieux se comprendre, mieux se choisir et mieux s’aimer :
Je crois néanmoins que certaines femmes n’ont pas besoin qu’on leur promette des étoiles (comme m’avait dit un jour un de mes cousins Don Juan il y a plusieurs années) pour « faire le grand soleil » comme dirait le romancier René Depestre.
Ou pour se mettre en couple.
Pourtant, à propos du sujet de l’Amour, je crois les femmes plus sincères entre elles. Pour l’aborder. Mais je ne vais pas non plus en faire des anges de clairvoyance et de droiture. Car, comme je l’ai dit ce matin avec humour et provocation devant plusieurs de mes collègues femmes :
« Cela peut être difficile d’être d’un homme devant une femme ». Et je ne parlais pas de compétences sexuelles en particulier. Pour être un homme devant une femme, il faut déjà savoir ce que cette femme attend d’un homme. Mais aussi ce qu’être femme signifie pour elle. Et quels sont leurs véritables projets à tous les deux dans la vie. Et si ça concorde suffisamment pour tous les deux.
Ça paraît simple écrit comme ça. Mais si c’était si simple que cela, les gens se choisiraient mieux, se comprendraient mieux et s’aimeraient mieux.
Je crois que, généralement, on continue de croire qu’il « suffit » de s’aimer et de se désirer pour qu’une histoire dure.
Il existe, aussi, une sorte de méfiance instinctive, donc animale, entre l’homme et la femme, mais aussi entre deux personnes, dès qu’elles se rencontrent, qui fait, bien des fois, que certaines personnes qui pourraient s’allier se rejettent. Pendant que d’autres qui auraient mieux fait de s’ignorer décident de s’amalgamer.
Les Hommes, tous des salauds ?! Et les Femmes, toutes des salopes ?!
Comme tout le monde, j’ai entendu certaines femmes dire des hommes qu’ils sont « tous des salauds!». Et certains hommes dire que les femmes « sont toutes des salopes ! ».
Ce qui m’étonne, de manière répétée, même s’il y a bien-sûr des « salauds » parmi les hommes et des « salopes » parmi les femmes, c’est que ces mêmes personnes (femmes et hommes), lorsqu’elles croisent des gens « bien », les zappent ou les ignorent. C’est une constante. Je n’écris rien d’extraordinaire, ici.
Des couples volontaires : Se dire oui…et non.
Et puis, il y a cette ambivalence ou cette particularité, propre, je crois, à tous les couples :
Lorsque l’on décide de se mettre ensemble, on est souvent l’un et l’autre très volontaire. Car on est au moins soutenu par l’Amour, le désir ainsi que par le souhait de rompre notre solitude.
Cependant, dans chaque couple, je crois, même si l’on se dit « oui » (que l’on se marie ou non), il est des domaines sensibles où l’on se dit non.
Mais on le banalise ou on l’ignore parce-que le regard et le corps de l’autre produisent alors des atomes qui propulsent notre univers personnel dans un espace-temps qui s’ouvre seulement pour nous. Et cela nous rend extraordinairement optimistes. Ou exaltés.
Et, nous aussi, nous produisons des atomes auxquels l’autre est alors particulièrement sensible. Cela la rend ou le rend aussi extraordinairement optimiste ou exalté( é).
Alors, nous décollons ensemble vers un ailleurs sans toujours bien prendre le temps de bien vérifier la validité de tout l’équipement affectif que nous emportons. Mais aussi ses réelles compatibilités avec l’équipement affectif, moral et psychologique de l’autre. Car notre vie est ainsi faite :
De vérifications mais aussi d’élans et de spontanéités. Certains de nos élans et de nos spontanéités sont inspirés par des reflets de nous-mêmes….sauf qu’un reflet, c’est le contraire de l’autre. C’est notre regard sur lui.
Série » La Flamme » sur la chaine Canal + que je n’ai malheureusement pas encore pu voir.
Moi, thérapeute de couple ?!
A ce stade de cet article, on peut peut-être croire que je ma la pète :
Que j’ai tout vu et tout entendu. Et que je sais tout concernant le couple. Que je maitrise mon sujet. Ce serait plutôt, un peu le contraire. Je m’applique seulement à être aussi sincère que possible. Aux potins, ragots et autres articles de psychologie « de cuisine » où l’on donne des « trucs », je préfère donner la priorité à un certain vécu, à certaines réflexions. Et à les transmettre. Parce-que j’ai aussi eu la chance, quand même, d’avoir des discussions ouvertes, ou d’être le témoin direct de certaines situations affectives sensibles.
Néanmoins, j’ai aussi lu des articles de psychologie « facile ». Et, j’en lirai sans doute d’autres. J’ai aussi écouté des potins et des ragots même si ce n’est pas mon point fort.
Car, évidemment, comme pour tout le monde, tout a commencé dans mon enfance.
Le modèle de mes parents :
Je suis largement l’aîné des enfants de mes parents. A voir mes relations passionnelles et rapidement explosives avec mon père, je reste devant un mystère. Je me demande encore quel genre de père il était lorsque je ne m’en souviens pas :
Lors de mes quatre premières années de vie. Lorsque j’écoute ma mère, que j’ai déjà questionnée et re-questionnée, mon père aurait été un père tout ce qu’il y a de plus « ordinaire » à mon égard. Mais je ne le crois pas. Je crois que ma mère, pour défendre l’image de mon père et aussi parce qu’elle s’y retrouvait en tant que femme et en tant que mère, avec moi, n’attendait pas trop de « choses » de mon père, lorsque j’étais petit.
Si bien des femmes se sentent peu maternelles, il existe aussi néanmoins beaucoup de femmes, sans doute selon un certain modèle traditionnel, qui se sentent d’autant plus femmes qu’elles deviennent mères. Et qu’elles s’occupent de la petite ou du petit. Ce modèle de mère ou de maman n’attendra pas de l’homme ou du père qu’il se lève la nuit lorsque le bébé ou l’enfant se réveille. Ni que l’homme ou le père change les couches, prépare les biberons ou garde l’enfant à la maison. Pour ce « genre » de maman, si le père ou le papa est important, en pratique, celui-ci est un personnage assez secondaire lors des premières années de vie. Or, les relations que l’on a dès les premières années de vie avec notre enfant mais aussi avec nos frères et nos sœurs engagent nos relations futures.
Lorsque je vois à quel point et avec quelle rapidité, quelques échanges avec mon père suffisent à ce que nous soyons chien et chat, ou, plutôt, deux coqs face à face, j’ai beaucoup de mal à croire qu’il ait pu être si « affectueux » à mon égard lors de mes premières années de vie. Même si je ne doute pas de son amour comme de son implication- musclée et obsessionnelle- ensuite dans mon éducation.
L’enfance est une carrosserie : différences entre la chirurgie et la psychiatrie
Aîné de mes parents, par contre, je me rappelle bien avoir été le témoin direct et contraint de leurs différends. Et ce n’était pas toujours très beau. Des propos tenus en ma présence.
Des confidences que ma mère a pu me faire. Confidences qui m’ont appris le sens et l’importance de la discrétion et des mots. Ainsi que la solidarité. Sauf que j’étais trop jeune lorsque cet apprentissage a débuté. J’avais moins de dix ans.
L’enfance, c’est une carrosserie. Pendant des années, l’enfance permet d’absorber un certain nombre de chocs et d’accidents. Les parents parfaits n’existent pas. Même si chaque parent, je crois, essaie de réparer et de faire mieux ou un peu mieux que ses propres parents.
Mais la vie parfaite n’existe pas. Et nous sommes faits et constitués de manière à pouvoir encaisser un certain nombre d’accrochages. Sauf que les coups que nous prenons sont invisibles et laissent des traces invisibles. C’est une des grosses différences entre la chirurgie et la psychiatrie et la psychologie.
Lorsque l’on se fracture une jambe en faisant du ski, de la danse, de la Gym ou du Foot, on a des signes physiques visibles. Cela se voit à la radio. On peut réparer. Je crois de plus en plus que beaucoup de nos blessures sportives arrivent souvent , aussi, dans un certain contexte affectif et psychologique même si la fatigue physique et le surentraînement ou la méforme peuvent augmenter les risques de blessures. Mais, retenons dans notre exemple ce que je veux surtout démontrer. La chirurgie permet de réparer et de réduire des dommages physiques et physiologiques « visibles », détectables. Incontestables. Le terme « incontestables » a une grande importance.
Le terme « Démontrables », aussi. On se fracture une jambe, il est très facile de le démontrer. Il suffit de toucher. De regarder à l’œil nu. C’est souvent gonflé, chaud, froid, etc….
En psychiatrie et en psychologie, il y a aussi des signes cliniques variés :
Perte d’appétit, perte de sommeil, boulimie, anorexie, conduites à risques, pensées particulières, idées de mort, délires etc….
Sauf qu’entre le moment où un événement traumatique a lieu et « déclenche » l’état psychiatrique ou psychologique- physique et social- visible et détectable, il peut se passer plusieurs années. En pédopsychiatrie, on a des mômes de dix, onze ans voire moins. Ça fait très « petit » pour être hospitalisé dans des services de pédopsychiatrie ou pour consulter dans un centre médico-psychologique ou dans un CMPP. Ou pour rencontrer un psychologue. Mais ça fait combien d’années que la « carrosserie » de ces mômes se mange des chocs et des accrochages ? Depuis leur naissance ? Avant leur naissance ?
Dans un garage, on peut vous dire : ça fera tant et tel nombre d’heures pour réparer la carrosserie. La voiture est un objet inerte. L’être humain est le contraire d’un objet. Et l’être humain est tout sauf inerte. L’être humain, c’est de la matière vivante. Réceptive à ce qui l’environne, qu’elle s’en rende compte ou non. Partout, tout le temps. Lorsqu’elle dort. Lorsqu’elle écoute de la musique. Lorsqu’elle passe devant une réclame publicitaire. Lorsqu’on la touche. Ça n’a rien à voir avec une carrosserie de voiture ou avec une fracture que l’on va réduire au bout de quelques semaines ou quelques mois.
Le couple, continuité de notre enfance :
Le couple, c’est la continuité de notre enfance. Même adultes, nous restons des enfants.
Beaucoup de personnes croient qu’une fois adultes, elles se sont complètement séparées de leur enfance. Elles ont évolué, oui. Si on leur propose une tétine ou un biberon pour bébé, c’est évident, qu’elles n’en voudront pas. Mais les tétines et les biberons ont aussi évolué. Eux aussi sont devenus grands. Mais avant de devenir adultes, on passe par l’adolescence. Une période assez critique. On critique le monde, les autres, soi. On fait les comptes de ce que l’on a compris et assimilé de la vie, les bons aspects comme les mauvais.
Il existe un âge théorique pour l’adolescence, grossièrement entre 12 et 20 ans, selon les personnes, les sexes et les cultures. Mais c’est très théorique. Cela varie selon les expériences de vie, les tempéraments et les personnes.
L’adolescence est la période des virages sensibles. On n’est plus un enfant physiquement, mentalement, intellectuellement au sens où les adultes n’ont plus le même pouvoir d’autorité ou de dissuasion sur nous. Ils n’ont plus le monopole de l’expérience et du Savoir aussi, et c’est encore plus vrai avec l’informatique et les nouvelles technologies qui ringardisent de plus en plus rapidement les plus « vieux ».
Même si, en tant qu’ados, on craint certains » vieux ». Même si on en admire d’autres. Même si on recherche d’autres. Ouvertement ou secrètement.
Le couple, qui, en principe, est l’un des « trophées » ou l’apanage de l’adulte, permet à l’adolescente et à l’adolescent de passer à l’action. De mettre en pratique sa vision du monde. Ses convictions. L’adolescente ou l’adolescent se croit souvent plus libre que l’adulte qui peut être criblé de défauts. Du côté des adultes, on peut aussi très mal vivre ou très mal supporter ces « jeunes » qui nous dérangent, qui nous cherchent ou nous provoquent. Mais il y a de l’adolescent en chaque adulte et de l’adulte en chaque adolescent. Et, bien-sûr, il y a de l’enfance dans les deux. Sauf que cette enfance n’est pas vécue, protégée ou sacrifiée de la même manière selon les circonstances et les choix des uns et des autres. Il est ados qui font des choix de vie dont bien des adultes seront incapables. Il est aussi des ados qui font des choix de vie qui feront d’eux des adultes suppliciés et déprimés alors qu’ils avaient pour eux certains atouts. D’autres, ados ou adultes, deviendront des criminels, des SDF…je ne vais pas réinventer la vie. Elle est devant nous, tous les jours.
Un Adolescent :
Adolescent, je voulais devenir père à vingt ans. Comme ma « mère ». Tout est parti de la naissance de ma sœur, neuf ans après moi. Puis de celle de notre frère, cinq ans plus tard.
Au départ, j’avais très mal supporté la présence de ma petite sœur ainsi que ses diverses sollicitations. Puis, je m’étais « acclimaté ». De toute façon, je n’avais pas le choix :
Lorsque ma mère partait à l’hôpital pendant douze heures dans le service de réanimation où elle était aide-soignante, et que c’était le week-end, notre père considérait qu’il avait mieux à faire. Et, il me laissait m’occuper de ma sœur et de mon frère à la « place » de maman.
J’y ai pris goût. Même si, certaines fois, j’aurais bien aimé pouvoir sortir pour m’amuser avec les copains ou pour aller à mon club d’athlétisme. Un de mes cousins m’avait surnommé, en se marrant : « La nounou ! ».
La Nounou
A vingt ans, étudiant infirmier, comme ma mère aurait souhaité le devenir, j’ai croisé une femme dans un mes stages à l’hôpital. Elle était aide-soignante, était plus âgée que moi de six ans et avait un enfant. Simplement, sincèrement, elle m’a fait comprendre qu’elle aimerait bien avoir une histoire avec moi. Elle était plutôt jolie. Elle m’était sympathique et rassurante. J’avais été touché par sa déclaration. Elle m’avait expliqué que le père de son enfant, dont elle était séparée, était quelqu’un de gentil mais de pas très adulte.
Son offre était tentante. Jeune adulte assez récemment déniaisé sexuellement et bien évidemment tourné vers les prodigieux gisements de l’orgasme, j’ai probablement entrevu le très grand potentiel sexuel d’une union avec elle. Mais je savais aussi ce que celle-ci impliquait :
Avec elle, je n’avais aucun doute quant au fait que je serais rapidement devenu père. Et, elle, à nouveau, une mère.
Enfant, puis ado, j’avais pu voir et revoir ce schéma très courant parmi bien des couples de ma famille antillaise, à commencer par mes propres parents :
Des jeunes adultes, qui, très vite, dès qu’ils commencent à travailler, font des enfants. Des femmes qui, jeunes, étaient belles et sveltes, et qui, en devenant mères, s’alourdissaient de kilos en kilos avec les années. Des hommes qui, généralement, étaient plutôt machos et se préoccupaient assez peu de psychologie. Contrairement à moi, on l’aura compris.
Je tiens à préciser que lorsque cette femme, plus mûre que moi, m’avait abordé, je n’avais pas d’intention particulière à son sujet. Si je regardais les femmes au point d’être amoureux de certaines, j’étais beaucoup dans l’idéalisation de la femme. J’avais aussi un sacré handicap, voire plusieurs, pour rencontrer des femmes et avoir des relations intimes avec elles.
Mes handicaps au sortir de l’adolescence :
Au dessus de ma tête et dans ma tête, était plantée l’interdiction paternelle de la Femme blanche. Dans un pays où les gens sont majoritairement blancs, ça compliquait un peu la donne.
Ma mère, aide-soignante dans un service de réanimation, m’avait planté dans la tête l’interdiction de la mobylette et de la moto. Interdiction dont je ne me suis toujours pas relevé même si j’ai pu être passager plutôt facilement et avec plaisir derrière des conducteurs de deux roues. Mais, mon père, lui, c’était l’interdiction de la Femme blanche.
Si j’avais été un « queutard », j’aurai pu contourner l’interdit. Parce-que Monsieur Papa, lui-même, a bien aimé « rencontrer » quelques femmes blanches. Mais, peut-être du fait de ma solidarité enfantine avec ma mère, je ne suis pas un queutard. Or, un queutard s’intéresse avant tout à son propre plaisir. Et, n’importe qui, n’importe quand, voire, dans n’importe quelles circonstances peut-être, lui « va ».
J’avais peur de mettre une femme enceinte. Même si la contraception (pilule et préservatif) existait bien-sûr et était déjà normalisée. Sauf que j’avais sans doute une mentalité de campagnard traditionnel à l’image de mes propres parents. Et, je savais déjà assez concrètement qu’avoir un enfant ou faire un enfant était une responsabilité. On comprend assez facilement vu ce que j’ai pu raconter de mon adolescence. Si plusieurs de mes amis (femmes et hommes) ont découvert vers 25 ou 26 ans, ou plus tard, ont découvert, en devant mères ou pères, ce que ça faisait de s’occuper d’un bébé, moi, je l’avais découvert environ dix ans plus tôt. Et quelque peu par la contrainte. J’en ai eu des bénéfices. Si, aujourd’hui, j’ai plutôt de bonnes relations avec ma sœur et mon frère, aujourd’hui adultes et mères et pères de famille, cela vient sans aucun doute de mes « aptitudes » également maternelles lorsque je me suis occupé d’eux. Néanmoins, une partie de mon adolescence a été un peu malmenée, en particulier lorsque notre père m’imposait de tenir son rôle lorsque notre mère était au travail et qu’il partait vadrouiller pour son bon plaisir pendant l’intégralité du week-end. Soit un homme et un adulte très exigeant mais pas très juste avec moi. Ce qui explique ma colère assez facilement « érectile » envers lui encore aujourd’hui.
« Enfin », et c’est à peu près tout, j’avais aussi peur du Sida. Car la fin des années 80, c’était l’épidémie du Sida. Epidémie qui existe toujours mais face à laquelle, aujourd’hui, nous disposons de plus d’armes. Aujourd’hui, ce serait plutôt la pandémie du Coronavirus et celle du terrorisme jihadiste vis-à-vis desquels nous manquons d’armes. Ainsi que face au réchauffement climatique et à la montée des extrémismes du manière générale, politiques comme religieux. Cela fait aujourd’hui partie de notre routine de la peur.
Une femme et un homme : routine ou normalité sociale et conjugale
Après avoir croisé cette femme plus âgée que moi, j’ai bien-sûr appris que la « routine » ou normalité conjugale et sociale qu’elle m’avait proposée se retrouve dans bien d’autres cultures.
Mais cette femme était d’origine antillaise comme moi. Sans doute que cela m’a d’autant plus alerté et poussé à déserter. J’avais donc décliné poliment ses propositions malgré l’insistance, aussi, de sa jeune sœur, laquelle me plaisait encore plus mais avait déjà un compagnon.
J’avais décliné sa proposition car, depuis mon adolescence, je savais que je ne voulais pas faire partie de ces hommes qui font des mômes sans penser à l’avenir. Et, je savais aussi, sans doute, que je refusais une relation de mensonge :
J’aurais pu faire mine d’accepter le projet conjugal de cette femme, coucher avec elle pendant un certain temps, me faire dorloter par elle. Puis m’enfuir. C’est un classique. S’il est assez classique que des hommes quittent une femme après lui avoir fait un ou plusieurs enfants, il est aussi certaines femmes dont la priorité est d’ « avoir » un ou plusieurs enfants. Comme si l’enfant présent permettait de remplacer un ou plusieurs membres qui manquent à la mère.
La psychiatrie adulte à vingt cinq ans :
Après mon diplôme d’infirmier, ma mère a essayé un temps de me dissuader d’aller travailler en psychiatrie. Elle avait peur que je devienne fou. Cette fois-ci, sa peur de la psychiatrie m’a moins parlé que sa peur de la moto.
A vingt cinq ans, après mon service militaire que j’avais réussi effectuer en tant qu’infirmier dans un service de psychiatrie adulte, j’ai commencé à travailler dans un service de psychiatrie adulte.
Depuis l’obtention de mon diplôme d’Etat d’infirmier, quatre ans plus tôt, je m’étais aperçu que cela ne me correspondait pas d’aligner des tâches à la chaîne dans un hôpital dans un service de soins généraux. Comme si je travaillais sur une chaîne de montage dans une usine. C’était au début des années 1990.
Si l’on était en pleine épidémie du Sida, on ne parlait pas, alors, de la pandémie du Covid qui a atterri dans notre système solaire et mental en mars 2020. Mais on parlait déjà de pénurie infirmière. Avant de devenir infirmier titulaire à vingt cinq ans dans ce service de psychiatrie adulte, j’avais aussi été vacataire et infirmier intérimaire dans des cliniques mais aussi dans des hôpitaux publics en île de France. De jour comme de nuit.
Dans mon « nouveau » service, en psychiatrie adulte, j’ai été le plus jeune infirmier pendant deux ou trois ans. Plusieurs de mes collègues étaient mariés avec enfants ou vivaient en couple. J’étais tout le contraire mais j’avais des principes et des certitudes concernant l’amour et le couple.
J’avais donc été très choqué en apprenant que tel collègue, marié, avait trompé sa femme avec telle autre collègue, mariée également mais aussi mère de famille. J’avais été si choqué moralement que j’avais envisagé de quitter le service devant cette débauche morale, pour moi, évidente.
Puis, j’étais resté. Je me sentais très bien professionnellement et humainement dans ce service. Je m’y sentais si bien que j’ai d’ailleurs fini par m’y sentir comme chez moi. Au point de devenir incapable de le quitter même si je sentais que c’était pourtant ce qu’il fallait faire. Cela a eu plus tard des incidences personnelles et professionnelles qui m’ont obligé et poussé plus tard- enfin- à partir. Et à comprendre que l’affectif, même s’il est important avec nos collègues, doit rester secondaire sur notre lieu de travail.
Mais, dans ce service, en apprenant à connaître ces collègues, je compris un peu plus que la vie adulte et la vie de couple avaient leurs impasses.
Couper le cordon avec nos parents :
Le modèle du couple de mes parents et de membres de ma famille m’avait bien-sûr déjà donné des indices. Mais on ne fait pas toujours le rapprochement entre le modèle de nos parents et de notre famille et celui que l’on va suivre pour notre propre vie affective. Assez souvent, on suit à peu près le même modèle que nos parents. Même si, en apparence, on a l’impression d’être différent. D’avoir coupé le cordon avec nos parents. Et cela se comprend facilement :
Même si nous pouvons nous montrer aussi critiques que des ados envers nos parents, ceux-ci n’ont pas tout raté dans leur vie. Il est même des aspects de leur vie que nous serions incapables de supporter ou de réaliser. Je me suis déja demandé par exemple, si, à la place de mes parents, j’aurais eu la capacité, comme eux, de quitter mon pays natal pour la France. A la fin des années 60, mon père et ma mère ont quitté la Guadeloupe. Ils ont ainsi rompu avec une certaine tradition ainsi qu’une partie du cordon qui les reliait à leurs aînés depuis plusieurs générations depuis l’arrivée de leurs ancêtres, du fait de l’esclavage, en Guadeloupe. Esclavage qui a été aboli en Guadeloupe en 1848. Je le rappelle. Car il est encore des personnes instruites et de bonne foi en France qui ignorent que la présence de la majorité des Antillais par exemple en Guadeloupe ou en Martinique résulte de la traite négrière occidentale qui a duré environ deux cents ans.
En 1966 et 1967, mon père avait 22 ans et ma mère, 19 ans. Même s’ils sont arrivés en « Métropole » avec la nationalité française, il existait alors un tel décalage culturel- qui subsiste- entre la Guadeloupe et la France, ainsi qu’un certain handicap de couleur de peau, que, pour moi, leur venue « en » France a bien des points communs avec celle de beaucoup d’immigrés. C’est comme cela que je m’explique ma compréhension assez « intuitive » de certaines difficultés d’intégrations de jeunes français d’origine arabe ou maghrébine par exemple. Et, je ne vois aucun hasard dans le fait que mon meilleur ami soit d’origine algérienne. Même si j’ai appris depuis que dans certains quartiers, il arrive qu’Arabes et noirs ( africains ou antillais) soient les pires ennemis les uns pour les autres.
Et puis, il y a une frontière que l’on ne franchit pas vis à vis de ses parents lorsque l’on est mature :
Leur sexualité nous est interdite. Ce n’est pas Auchan ou une salle de cinéma. Nous n’avons pas de droit de regard dessus. Alors que l’on peut plus facilement s’autoriser à franchir cette frontière en « regardant » ou en imaginant la sexualité de tels collègues ensemble. J’ai déjà entendu parler de ragots à propos des coucheries ou de la relation sentimentale entre deux collègues. Je n’ai jamais entendu parler de ragots à propos de la sexualité de mes parents lorsqu’ils s’accouplaient :
Il doit être très rare que des enfants, entre eux, se racontent les derniers potins concernant les derniers vibratos éjaculatoires et clitoridiens de leurs parents.
En quittant ce premier service de psychiatrie, quelques années plus tard, pour un autre service, mon regard sur le couple, l’amour et certaines normes conjugales avait changé. J’avais par exemple compris, je crois, que désirer et aimer quelqu’un ne suffit pas pour être heureux ensemble. Même si ce désir et cet amour sont partagés. Et qu’ils comptent bien-sûr dans la construction d’un couple ou d’une relation. Du moins, à mon avis.
Un quasi-expert dans les relations sentimentales à la mords-moi-le-nœud :
Pour apprendre ça, j’avais payé de ma personne :
J’étais devenu un quasi-expert dans les relations sentimentales à la « mords-moi-le-nœud ».
Si j’ai connu des histoires d’amour avant de travailler dans ce service puis ensuite, j’ai aussi vécu l’échec final : ce que l’on appelle la rupture sentimentale. J’ai connu la rupture sentimentale, les ruptures sentimentales. Mais je n’avais toujours pas coupé le cordon avec mes parents. Donc, j’étais dans ce que l’on appelle…la répétition.
J’ai été quitté. J’ai aussi quitté. Peu importe la sincérité de départ de l’un ou de l’autre.
A celles et ceux qui ont pu me dire, à un moment donné que je manquais de chance, j’ai fini par répondre :
« Non ! Je ne suis pas doué pour le bonheur ».
A une collègue, en couple, qui avait pu me dire que cela l’angoissait d’être seule, j’avais répondu :
« Moi, c’est d’être en couple qui m’angoisse ».
Et, c’est vrai que, célibataire, j’ai connu un certain nombre de moments où j’étais vraiment très content d’être tout seul chez moi.
Mais il y a eu aussi d’autres moments moins drôles. Où je devais partir à la chasse d’affection. Au point qu’un certain nombre de fois, j’ai pu être trop présent auprès de certaines personnes. Aux mauvais moments. De la mauvaise façon. Avec les « mauvaises » personnes : celles qui étaient indisponibles.
Une certaine addiction :
A la Répétition d’histoires sentimentales à la mords-moi le nœud, s’est ajoutée sa cousine ou sa jumelle : Une certaine Addiction aux histoires à la mords-moi-le-nœud.
Aujourd’hui, je peux parler « d’addiction » parce-que depuis que je m’intéresse d’un peu plus près au sujet des addictions depuis environ quatre ans, j’ai compris que l’on peut être aussi « addict » à un certain type de comportements qui nous sont néfastes. Parce-que ces comportements nous dirigent et nous transportent vers des situations que l’on connaît bien. Même si ces situations nous déposent toujours, à un moment ou à un autre, sur un matelas hérissé de tessons ou de clous dans lequel on s’enroule, seul.
Entre l’obsession et l’addiction, il y a aussi des points communs. Nous sommes nombreux à avoir des obsessions. Nous sommes aussi nombreux à avoir certaines addictions. Mais nous nous en sortons différemment selon les lieux, selon notre entourage et aussi selon notre capacité à le voir ou à le nier.
Je me maintenais dans des histoires à la mords-moi-le-nœud parce-que l’inconnu me faisait peur. L’inconnu d’être dans une histoire sentimentale stable et simple. La peur de me conformer à une histoire conjugale « normale » et routinière comme mes parents où le Devoir et le sacrifice semblent l’emporter, l’ont emporté, avant tout.
Avant que les gens ne prennent de l’âge, de l’arthrose, ne s’avachissent sous les kilos, le poids de leurs artères et de leurs colères contre l’autre, ils ont été beaux. Ils ont été souriants en rencontrant l’autre. Et, ils ont cru à leur histoire même si celle-ci a peu duré et que l’artifice a très vite disparu. Dans le monde animal, il n’y a aucun drame car c’est comme ça que cela doit se passer. Il n’y a pas de rancune particulière, je crois. Mais dans le monde des êtres humains, cela se passe différemment. Il y a de la mémoire, des rancunes, des espoirs et des comptes à rendre à l’autre :
A soi-même, à notre entourage ainsi qu’à nos aînés mais aussi à notre descendance.
Ça fait beaucoup. Et cette histoire se perpétue.
Le mensonge et les normes sociales :
Je suis devenu père et me suis marié tard. J’avais quarante cinq ans. Je connaissais déjà la sécurité sociale et économique. En me mariant avec ma compagne mais aussi en devenant père, j’ai découvert la sécurité affective :
Cette présence quotidienne et aimante qui vous attend et vous reçoit quelle que soit la journée que vous avez passée. Quels que soient vos travers et vos humeurs. Tout ce que vous avez à faire pour cela, c’est rentrer chez vous, passer un coup de téléphone ou envoyer un sms et quelqu’un, votre compagnon ou votre compagne, voire votre enfant, généralement, vous répond plutôt favorablement. Vous êtes souvent le bienvenu ou la bienvenue. Vous bénéficiez assez souvent d’une attention particulière.
En découvrant cette expérience, j’ai aussi eu la confirmation que certains de mes proches et de mes connaissances qui m’affirmaient avoir moins de temps pour me voir ou me rappeler, m’avaient menti. Le mensonge fait aussi partie des normes sociales. Le mensonge envers les autres. Mais aussi vis à vis de soi-même :
Si l’on a moins de temps lorsque l’on se met en couple et que l’on décide ensuite de « faire » un enfant, on peut, si on le veut véritablement, joindre untel ou untel. Ou prendre le temps de le rencontrer. Cela nécessite plus de préparation pour une durée plus courte. Mais c’est possible.
Cet article est imparfait et biaisé bien-sûr mais je le crois sincère. Je le vois comme le contraire de certains mensonges sociaux.
Mais il y a d’autres mensonges qui subsistent. Lorsque l’on se met en couple, que l’on se marie ou non, on se dit oui. Sauf que, même en se disant ouvertement oui, il y a d’autres points sur lesquels on se dit non. Mais comme on est plein d’amour et de désir l’un pour l’autre, on n’y fait pas attention. On banalise ces quelques points qui peuvent ou vont devenir beaucoup plus sensibles à mesure que l’on va se rapprocher l’un de l’autre dans le quotidien mais aussi dans la vie intime.
La Clinique de l’Amour : une émission de France Inter
Cette très longue introduction pour expliquer ce qui a pu me donner envie de découvrir et d’écouter cette émission de France Inter appelée La Clinique de l’Amour. Une émission qui raconte en plusieurs épisodes (cinq ou six) d’une vingtaine de minutes l’évolution de plusieurs couples qui font une thérapie.
L’émission m’a « plu ». Même si je lui reprocherais le fait que, par moments, pour moi, les thérapeutes sont trop intervenus. Cela peut faire sourire après tout ce que j’ai écrit avant de vous parler, finalement, de ce podcast de France Inter qui date de février 2020.
Le thérapeute masculin par exemple. Il est certaines fois où, à mon avis, les deux thérapeutes auraient dû davantage « protéger » la parole de celle ou de celui qui s’exprime et le laisser parler. Au lieu de le laisser ou de la laisser se faire « pilonner » verbalement par l’autre.
Je crois que ça aurait été « bien » d’expliciter :
De dire par exemple à telle personne qu’elle semble très déçue ; qu’elle avait apparemment une très haute vision ou une vision différente de ce que son mari ou sa compagne allait être dans la vie de couple ou de famille.
Un des couples a trois enfants. Je crois que cela aurait été bien de demander pourquoi trois enfants ? Pourquoi pas deux ? Pourquoi pas un seul ?
Vu que j’ai compris que bien des couples font des enfants en pensant que faire des enfants rapproche et va aider le couple à se « soigner ».
Alors que je crois que cela peut être le contraire : lorsque l’on fait un enfant, nos tripes prennent facilement ou peuvent facilement prendre le dessus sur tout ce que l’on essaie d’être ou de faire de manière rationnelle. Et l’on peut alors s’apercevoir à quel point on est très différent de sa « moitié » voire opposé à elle. Même si on peut aussi devenir complémentaire.
J’ai aussi été à nouveau assez agacé par certaines phrases typiques du vocabulaire professionnel de mes « collègues »:
Ma remarque est sûrement très déplacée. Car le principal est bien-sûr que ces thérapeutes aient fourni leur présence, leur constance et leur empathie à ces couples. Mais je vois à nouveau dans ces tics de vocabulaire et de langage de mes « collègues » thérapeutes un certain manque de spontanéité : un trop haut degré d’intellectualisation ; une certaine carence affective. Comme s’ils s’en tenaient à un texte ou à un protocole appris par cœur qui les empêche d’improviser. Comme s’ils s’exprimaient de manière scolaire.
Hormis ces quelques remarques, j’ai bien aimé cette émission.
J’aimerais pouvoir ensuite traduire cet article en Anglais voire peut-être en Espagnol quand je le pourrai.
Apparemment, pour l’instant, je n’arrive pas à intégrer le lien vers ce podcast dans cet article. Mais on le trouve facilement. Dès que je le pourrai, je l’intégrerai à l’article.
Je le précise assez peu dans mes articles mais la plupart des photos prises dans la rue ou dans le métro sont de moi.
Franck Unimon, ce jeudi 29 octobre 2020. Puis, ce lundi 2 novembre 2020 où j’ai ajouté un certain nombre de propos et de pages depuis l’article initial.
Trois conditions me semblent nécessaires afin de pouvoir transmettre nos gènes :
Nous avons besoin d’une autre personne qui nous donne le sourire. Soit parce qu’elle nous plait physiquement et/ou qu’elle a des valeurs qui nous attirent.
Cette personne nous permet de rompre notre solitude. Car nous avons ce besoin de rompre notre solitude.
Et, nous, nous avons un peu ou beaucoup l’ambition d’être le sauveur( qu’elle ou qu’il accepte)…ou le prédateur de cette personne.
Je crois que l’Humanité tient sur ce trépied. Trépied auquel il faut ajouter un quatrième pied qui consiste à vouloir transmettre une Histoire. Car l’être humain se sépare de son monde animal de par sa volonté d’écrire son histoire, de la raconter comme de s’en rappeler mais aussi de l’anticiper. Comme certains poissons qui naissent à un endroit, l’être humain peut passer sa vie à nager à contre courant pour essayer de remonter jusqu’à ses origines.
Jusqu’à l’Histoire de sa famille, de son clan, de sa tribu, de sa société, de sa culture, de sa langue. Mais aussi celle de ses défaites comme de ses victoires et de ses espoirs.
Sauveurs ou prédateurs, nous transmettons nos gènes et nos histoires. Sur les scènes de crimes, au sein de nos victimes ainsi que dans le relief et le renouvellement de notre entourage intime et limitrophe.
Fait de chair et d’os, en se disloquant, l’être humain laisse ses histoires dans le berceau du regard et du corps des autres. Même si ces histoires s’accrochent à la roche, il est impossible de prévoir exactement ce qu’il restera de ces différentes trajectoires. Comment elles prendront leur essor et inspireront celles et ceux qui les entendent ou les découvrent. Ce que l’on sait, c’est que le pire côtoiera le meilleur dans des proportions imprévues et invraisemblables. Car il faut beaucoup d’histoires pour faire une vie.
Aujourd’hui, en France, nous avons de quoi prédire le pire :
La pandémie du Covid circule toujours et s’amplifie. Nous sommes en automne et nous nous rapprochons des jours les plus gris et les plus courts. On a presque l’impression d’entrer un peu dans l’univers de la série Game of Thrones avec son ambiance » Winter is coming »….
Demain, mercredi, afin de résister aux marcheurs blancs du Covid, peut-être que le Président Macron va-t’il nous annoncer un nouveau reconfinement.
En tout cas, nous avons déjà compris, d’après les quelques communiqués du gouvernement, que la tendance est à plus de restrictions pour des raisons sanitaires. En plus du couvre-feu de 21H à 6H décidé il y a quelques jours.
Pour diluer cette ambiance « festive », Erdogan, le dirigeant de la Turquie, suivi du Maroc et du Pakistan, condamne la France car celle-ci défend les caricatures du journal Charlie Hebdo qui blasphème et tourne en dérision, entre-autres, le prophète et le Dieu « des » musulmans.
Quelques jours après l’assassinat de l’enseignant Samuel Paty à Conflans Ste Honorine par un terroriste islamiste, Erdogan aurait affirmé que le Président Macron doit se faire soigner mentalement. Et, à la télé, on a su nous montrer des images de Palestiniens, à Gaza, brûlant des pancartes comportant le portrait du Président Macron.
On peut relever que cette attitude d’Erdogan, suivi par les dirigeants du Maroc et du Pakistan, a lieu à quelques jours du résultat des élections présidentielles américaines. Soit à un moment où le très fort allié militaire américain a sûrement d’autres priorités que la Turquie d’Erdogan et cette « histoire » de caricatures de Charlie Hebdo. Même si en janvier 2015, beaucoup de personnes étaient Charlie Hebdo, y compris des Présidents du Monde entier qui s’étaient déplacés.
En France, après les attentats de Janvier 2015, des gens faisaient la queue devant les kiosques à journaux ou se battaient pour pouvoir acheter leur numéro « historique » de Charlie Hebdo d’après l’attentat du 7 janvier. Depuis, des messages de haine et de menaces de mort continuent de suivre Charlie Hebdo. Ainsi que des messages de sympathie et d’encouragements.
Les élections présidentielles américaines nous diront si Donald Trump, Président des Extrêmes, du déni du réchauffement climatique, du racisme et de la banalisation de la pandémie du Covid, est réelu. Ou s’il est battu par Joe Biden. Après la Présidence de Barack Obama pendant huit ans qui avait pu plaire ou déplaire, la Présidence de Donald Trump nous a jeté en pleine figure le fait que les Etats-Unis, qui sont encore la Première Puissance Mondiale, est le Pays des Extrêmes :
Le pire comme le meilleur s’y côtoie.
Avant la Présidence de Donald Trump, en Europe ou ailleurs, on pouvait peut-être encore se lover dans ce que l’on appelle le « rêve américain ». Alors que celui-ci, dès ses origines, s’est bâti sur le génocide et la destruction culturelle des millions d’Amérindiens qui y vivaient. Ainsi que sur l’esclavage de populations africaines comme sur l’immigration européenne et asiatique (chinoise, en particulier).
Avec la Présidence de Donald Trump, je crois qu’il est difficile d’ignorer que les Etats-Unis sont loin d’être aussi unis que ça.
En attendant, en France, d’autres attentats islamistes sont donc à « prévoir ». Et l’on peut s’en inquiéter. Même si un nouveau reconfinement aurait aussi l’avantage de protéger des attentats celles et ceux qui restent chez eux. Exception faite des femmes et des enfants battus par leurs conjoints et parents.
En attendant que le danger s’éloigne vraiment, on peut décider de se taire. De se faire discret ou de laisser des blancs lorsque l’on s’exprime.
Sauf que si on laisse des blancs pour parler de tout ce qui nous concerne et nous préoccupe, ces blancs finiront par être traduits par des personnes qui transmettront nos histoires comme elles les voient. Si elles les voient. Alors que ces histoires, plus qu’une « simple » vue de l’esprit, sont notre vie.
Il faut beaucoup d’histoires pour faire une seule vie. Nous avons besoin de beaucoup d’histoires. Une seule histoire est une passoire.
Certaines idées nous viennent lorsque l’on n’a rien à faire. Que nous sommes seuls et que nous devons improviser. Pour le pire comme pour le meilleur.
Tout dépend de notre entraînement au dé comme aux idées. De notre environnement mais aussi de notre tempérament. Certaines personnes sont très mobiles surtout verbalement. D’autres ont régulièrement besoin de bouger et de changer. Il y a celles et ceux qui considèrent que, de toute façon, ils ne valent rien, et que par conséquent, tout ce qui se présente devant eux est bon à prendre. Absolument tout.
Il reste les muets et les effacés, que l’on oublie souvent, et qui peuvent faire partie des plus enragés dès qu’ils s’accrochent à une idée.
On dit que ces idées sont venues comme ça mais c’est souvent faux. Les idées sont souvent là. Telles des connaissances et des silhouettes endormies plus ou moins proches que l’on décide un jour de réveiller ou d’aller voir de plus près. C’est notre côté belle au bois dormant sauf que notre vie peut très vite ressembler à un dessin abîmé.
Il y a les idées dominantes et celles qui se font plus discrètes. Il y a celles qui nous obsèdent pendant une période donnée et celles que l’on délaisse ensuite complètement pour d’autres que l’on avait pu même mépriser à une époque.
Cependant, quelles qu’elles soient, toutes ces idées, passent leur temps à nous étudier. Elles n’ont que ça à faire. Se frotter contre les barreaux et le barillet de notre cerveau. Attendre le moment où nous allons appuyer sur la détente qui va les libérer et nous, nous enfermer un peu plus, ou, au contraire, nous ouvrir un peu plus la bouche d’émerveillement.
Près de l’Opéra Garnier
Ce jeudi matin, près de l’Opéra Garnier, c’est en attendant à la station de bus que j’ai décidé de me rendre au procès des attentats de Charlie Hebdo et L’Hyper Cacher, mais aussi de l’assassinat de la policière Clarissa Jean-Philippe.
J’avais deux bonnes heures devant moi avant une projection de presse. Et cela faisait déjà quelques jours que je pensais à aller au tribunal de grande instance. Avant même que ne soit assassiné le professeur d’histoire géo Samuel Paty, par un terroriste islamiste. C’était le vendredi 16 octobre 2020 dernier à Conflans Ste Honorine, une ville de banlieue parisienne que je connais un peu.
J’étais peut-être au lycée, ou au collège, la première fois que je suis allé assister avec ma classe et un de mes professeurs à un jugement. C’était au tribunal de Nanterre. Un adulte, retardé mental, assez grand, avait été jugé pour avoir, une fois de plus, montré son intimité à une petite fille. Au tribunal, cet homme avait peur.
Plus tard, c’était pour voir plaider le grand frère d’un collègue au tribunal de la Cité. Je m’étais dit ensuite que j’y retournerais. Mais je ne l’avais pas fait. C’était au début des années 2000. Aujourd’hui, on dirait presque que tout allait bien ou mieux en France à cette époque. Alors qu’en ce « temps-là », on faisait aussi la tête.
La France divisée face à Charlie Hebdo :
Aujourd’hui, la France semble divisée en cinq voire en six face aux attentats et à l’intégrisme islamistes. Mais aussi face à Charlie Hebdo.
D’un côté, il y a certains « croyants » qui considèrent que le Religieux, l’idée qu’ils se font et ont du Religieux, est si sacré que blasphémer, faire des caricatures de leur Religion et de leur Dieu, c’est les violer, les insulter et les mépriser. Et que cela « justifie » la torture et la peine de mort.
Je me suis déja demandé si, pour certains, Charlie Hebdo est perçu comme l’équivalent d’un journal de propagande colonialiste. Un peu comme si « La » France colonialiste, ou plutôt l’ex-grande puissance colonialiste, qui a pu dans le passé, et peut mépriser certaines fois l’Islam et les musulmans, continuait de les insulter au travers de ces dessins et de ces caricatures de Charlie Hebdo.
Un peu comme si la France politique et militaire actuelle s’affichait au travers des caricatures et des dessins de Charlie Hebdo. Et que l’humour de Charlie Hebdo se confondait avec le passé colonial de la France mais aussi avec sa politique étrangère.
Alors que, dans les faits, Charlie Hebdo est un journal indépendant, anti-impérialiste et anticolonialiste!
Par contre, il est vrai que Charlie Hebdo est un journal français. Et qu’à défaut de pouvoir s’en prendre directement à l’Etat français et à une armée française entraînée, il est plus facile de toucher la France en s’en prenant à des Français sans armes. Le principe étant sans doute « à la guerre comme à la guerre » ou « œil pour œil, dent pour dent ». La priorité étant de tuer, de faire mal et de faire peur coûte que coûte par tous les moyens.
Les attentats islamistes font partie de ces moyens.
Devant ces attentats, il y a celles et ceux qui affirment et rappellent que la France est un pays où la liberté, l’égalité, la fraternité, la laïcité (la démocratie) et donc le droit au blasphème et aux caricatures, priment. Mais c’est peut-être un dialogue de sourds :
Pendant que certains parlent de liberté, égalité, fraternité, laïcité ( et démocratie), d’autres préparent des attentats et les « réalisent » dès qu’ils le peuvent.
La peur et le trouble idéologique mais aussi économique : Une ambiance particulière
Ce qui convient aux stratèges- en France et ailleurs- qui comptent bien profiter de la peur et du trouble idéologique actuel pour prendre le Pouvoir politique, idéologique et économique. Je pense au moins à la Chine qui continue de grignoter le monde économiquement pendant ce temps. Mais il y a d’autres pays, auxquels on ne pense pas forcément en ce moment, qui continuent d’évoluer. Pendant qu’en France, on continue en quelque sorte de se « niquer entre nous » (de se détruire et de s’autodétruire). Au point qu’une guerre civile poindra peut-être son vrai visage un de ces jours. Et ce visage sera encore plus moche que ce que nous avons déja connus ces dernières années.
Je ne le souhaite pas.
Et une guerre civile ne signifie pas que Toute la France serait touchée. Mais avec la pandémie du covid, la crise sociale et économique, les attentats islamistes et les embrouilles politique, on ne sait plus toujours où tourner la tête. Et, l’on peut envisager qu’un jour, un incident a priori anodin, par accumulation, fasse « guerre civile ».
Pensons par exemple à cette nouvelle façon, depuis environ deux mois, après le déconfinement, aux nouvelles techniques des contrôleurs de titres de transports de la SNCF :
Débarquer, habillés en civils. Comme s’ils prenaient d’assaut les passagers.
Clamer « Contrôle des titres de transport, s’il vous plait ! ».
Montrer leur brassard fluorescent (jaune ou orange) de contrôleur comme s’ils étaient policiers ou douaniers et que nous sommes avant tout des suspects ou des trafiquants avant d’être des passagers en règle.
Pensons aussi à toutes ces nouvelles mesures de prévention anti-Covid :
Le couvre-feu qui impose pour au moins quatre semaines de rester chez soi ou sur son lieu de travail de 21h à 6h sauf motif valable et justifiable. Couvre-feu qui impose aussi au moins aux restaurants et aux bars de connaître à nouveau une période de fermeture, très dure pour leur économie.
Le couvre-feu actuel- pour raisons sanitaires- se comprend bien-sûr. Mais….
Peut-être qu’un jour, une personne lambda, usée par tout ce climat, va très mal supporter un énième contrôle approximatif ou indélicat; une énième restriction ou remarque et que, par effet « domino », cela va « dégénérer » et déboucher sur un grave trouble de l’ordre public.
Savoir se situer devant un programme pédagogique particulier :
Dans ce contexte, il est peut être d’autant plus difficile de savoir où se situer par rapport aux caricatures de Charlie Hebdo. Puisque nous vivons une période troublée. Nous ne savons pas quand nous allons sortir de cette pandémie du Covid. Des attentats. La planète va mal. Economiquement, c’est très dur. Alors, le sujet de Charlie Hebdo et ses caricatures peut aussi passer pour anecdotique et secondaire.
Pour celles et ceux qui croient que moins de caricatures et moins de blasphèmes suffiraient à apaiser le climat terroriste d’inspiration islamiste, on peut rappeler ceci à propos de l’assassinat de Samuel Paty :
Le projet de son assassin a été de le décapiter.
Il se raconte que le problème, c’est le blasphème et les caricatures. Mais l’assassin a tué quelqu’un, un enseignant, qu’il ne pouvait pas remplacer à son poste.
La compétence de Samuel Paty, ainsi que sa formation, son projet, en plus d’être une personne, c’était de transmettre un Savoir, une réflexion. Un Savoir et une réflexion qui a, entre-autres, consisté à parler et montrer des caricatures de Charlie Hebdo.
Samuel Paty était une personne en plus d’être Charlie Hebdo.
Pourtant, en quelques minutes, un « inconnu » qui n’a sans doute jamais donné un seul cours d’histoire géo de sa vie, est venu imposer au couteau de cuisine son projet « pédagogique ». Projet qui, lui, a consisté à décider que les compétences pédagogiques de Samuel Paty étaient condamnables et méritaient la décapitation. Un peu comme si, demain, un inconnu considérait que vous parlez mal à vos parents. Parce que vous leur faites des mauvaises blagues en leur montrant des dessins pas drôles. Et que, de ce fait, il (cet inconnu) avait donc le droit de venir vous décapiter à la sortie de votre travail.
Donc, lorsque vous faites des « mauvaises » blagues, où que vous soyez, si ça se sait, vous devez accepter que n’importe qui, en « représailles », peut venir vous découper.
C’est ça, le programme pédagogique islamiste si l’on regarde l’assassinat de Samuel Paty.
L’autre particularité de cet assassinat qui m’a marqué, concerne l’argent.
Samuel Paty aurait été, au moins selon son assassin, un être sacrilège qui méritait la mort. L’assassin a donc eu la conviction d’être, lui, une personne moralement irréprochable.
Une personne si moralement irréprochable qu’elle donne de l’argent à des jeunes pour qu’ils lui désignent – ou lui dénoncent- Samuel Paty. Pour « 300 euros » que ces jeunes (ils étaient cinq apparemment) se seraient partagés. Etre « pur » et se servir de l’argent pour « appâter » des jeunes? ça fait penser à une forme de corruption de la jeunesse.
En plus, cette histoire d’argent rappelle aussi l’histoire de Judas qui trahit Jésus.
Même si on n’aime pas les caricatures de Charlie Hebdo, on a le droit de ne pas les aimer, il suffit de 300 euros pour tuer quelqu’un ?
Notre vie vaut 300 euros ?
Donc, on passe plusieurs années de notre vie- voire toute notre vie- à essayer de devenir quelqu’un ou quelque chose. Et un inconnu décide de son côté de nous apprendre que notre vie va s’arrêter pour 300 euros parce-que l’on a montré des dessins….
Et, il y a des gens qui vont répondre :
« C’est comme ça ! Il fallait arrêter de provoquer ! Tu cherches, tu trouves ! » (sous-entendu : tu cherches les ennuis, tu trouves la mort. Il ne faut pas t’étonner !).
Cependant, il y a un troisième aspect dans l’assassinat de Samuel Paty que je refoule pour l’instant parce-que, pour le peu que j’ai lu à son sujet, je n’ai rien trouvé à ce propos. Et j’ai envie de croire que cela n’a rien à voir avec son assassinat horrible :
Le prénom « Samuel » peut faire penser à des origines juives. Spontanément, lorsque j’entends que quelqu’un s’appelle « Samuel », je ne me demande pas s’il est juif ou non. Je n’ai rien contre les juifs. Et je n’ai rien non plus contre les musulmans. Mais peut-être que parmi ses détracteurs, assassin inclus, il s’est trouvé quelqu’un qui, en plus de lui reprocher d’avoir montré – et parlé- des caricatures de Charlie Hebdo a pu supposer qu’il était juif ou voire le lui reprocher.
J’espère donc que ce crime n’est pas, en plus, un crime antisémite….
A l’opposé, Il y a celles et ceux qui sont contents d’expliquer que le problème, en France, depuis toujours, de toute façon, vient des immigrés, des musulmans, des noirs et des arabes. Ou des juifs. Donc, tous ces attentats islamistes « arrangent » celles et ceux qui pensent que le problème, en France, « depuis toujours, de toute façon, vient des immigrés, des musulmans, des noirs et des arabes. Ou des juifs ». Et par « arabes », ils pensent : Toute personne qui vient du Moyen-Orient comme du Maghreb. Toute personne qui n’a pas le type caucasien.
Au milieu de tout ça, quelque part en France, il y a toutes les victimes passées et actuelles des attentats et des crimes terroristes, décédées, blessées, mais aussi leur famille. Et les futures victimes.
On peut rester vivant et être victime. Si l’on passe sa vie à avoir peur au moindre geste que l’on fait, au moindre bruit que l’on entend et au moindre regard que l’on suscite. Et, cette peur, on la transmettra autour de soi.
Dans le bus :
Dans le bus qui m’a rapproché du tribunal de grande instance, j’ai fait peur à une femme qui dormait lorsque je suis venu m’asseoir à côté d’elle. Elle a peut-être eu peur tout simplement parce-que je l’ai surprise et que j’étais un inconnu.
Elle a peut-être eu peur parce qu’en se réveillant, son regard est tombé sur moi qui portais, comme tous les passagers, mon masque chirurgical anti-covid.
C’est sûrement une coïncidence. Mais il a fallu que ce soit ce matin-là en particulier, alors que je me rendais pour la première fois au procès des attentats de Charlie Hebdo, de L’hyper-cacher de Vincennes et de l’assassinat de Clarissa Jean-Philippe, que je fasse ainsi peur à une femme, dans les transports en commun.
Le plus « drôle », c’est que j’ai même pensé un moment que je la connaissais :
Elle ressemblait un peu à une ancienne collègue.
J’ai présenté mes excuses à cette femme, sous le regard amusé d’un autre passager non loin de là, pour lui avoir fait peur. Elle m’a rapidement répondu que ce n’était pas grave et qu’il n’y avait aucun problème. Nous avons ensuite continué notre trajet côte à côte.
Cela m’a fait d’autant plus de bien, quelques stations plus loin, lorsqu’une maman est montée dans le bus avec sa fille dans une poussette. La petite devait avoir à peine deux ans. Souriante, elle s’est aussi très vite manifestée, criant, pleurant, embarrassant sa mère, et s’agitant un peu. Même une fois posée contre sa maman. Elle voulait peut-être se promener à quatre pattes dans le bus en mouvement. Ce qui était bien-sûr inconcevable.
Lorsque nous sommes arrivés près de l’hôpital Bichat, je suis descendu du bus. Puis, j’ai marché jusqu’au nouveau tribunal de grande instance. Ainsi que jusqu’à mes prochaines idées. Lesquelles, on le sait maintenant, me suivaient sûrement pas à pas depuis un certain temps…
A l’arrière plan, le nouveau tribunal de grande instance.
Tous les jours, nous avons des désirs, des souhaits, des occasions, des circonstances. Et nous prenons de très grandes décisions. Cracher un gros mollard sur la tête d’untel. Raconter deux ou trois secrets que l’on a appris à son sujet. Aller aux toilettes. Violer la fourmi que l’on avait repérée il y a plusieurs semaines en allant faire nos courses. Eteindre ou allumer la télé. Faire une recherche sur internet. Se brosser les dents. Confectionner un gâteau. Manger des bonbons. Dépasser de dix kilomètres la vitesse autorisée sur la route. Boire. Fumer. Avoir des relations sexuelles. Trucider. Elucider. Déboucher l’évier avec de la javel ou avec du percarbonate de soude. Apprendre à lire. Sourire. Plomber une ambiance. Aller se promener. Enfanter. Se suicider. Démissionner. Voler. Sulfater. Décapiter. Etrangler. Dissoudre. Dessouder. Carboniser.
Une Histoire
J’ai lu ou entendu que l’animal n’a pas d’Histoire. Le genre humain, lui, a une Histoire. Et, certaines fois, une conscience. Du moins en est-il persuadé grâce à cette pensée que nous avons tous eue un jour ou l’autre :
« Je sais ce que je fais ! ».
Au nom d’une Histoire, d’une éducation, d’une religion, d’une tradition, d’un nom, d’un parti, d’une croyance, par anticipation, par automatisme, par intérêt ou par principe, l’être humain est capable de tout. De faire les soldes. Comme de réinventer le néant. Quelle que soit l’action, une fois sa décision prise, il aura toujours raison. Ensuite…
Ensuite….celles et ceux qu’il croisera le conforteront ou lui feront comprendre, s’ils le peuvent, qu’il n’est pas tout seul. Qu’il fait partie d’un gigantesque puzzle qu’il avait à peine aperçu contrairement à tout ce qu’il « sait » et à tout ce qu’il « croit ». Et que ce puzzle, comme les icebergs, les arbres et les plantes centenaires, voire millénaires, a de très profondes et de puissantes histoires et origines. Que ces histoires et ces origines nous concernent et nous relient tous. Et qu’il reste donc beaucoup plus d’une énigme ne serait-ce qu’à entrevoir avant d’espérer la résoudre- si on en a les facultés- avant de véritablement savoir ce que l’on fait !
Je n’ai aucun problème particulier avec la religion comme avec toute autre forme d’autorité. Mais ce qui m’importe, c’est ce qu’on en fait !
Une espèce, comme la nôtre, capable à la fois de trucider pour manger les bonbons de son voisin, ou afin de lui prendre sa console de playstation, a bien évidemment besoin de règles et de « guides ». Mais j’ai besoin de gages d’ouvertures, de pouvoir choisir celle ou celui que je décide de suivre pour une durée donnée, même si c’est pour quelques secondes. On appelle ça le libre arbitre, je crois. Le choix. Ou le consentement éclairé.
La confiance
Lorsque je décide de monter dans un bus ou dans un métro, c’est parce-que je fais confiance à la conductrice et au conducteur comme à la société qui l’emploie. Bien-sûr, je ne connais ni l’un ni l’autre et serais incapable de dire leur nom comme de dire à quoi ils ressemblent physiquement et où ils habitent.
Mais c’est néanmoins une des réussites accomplies par l’être humain : pouvoir obtenir certains services bien pratiques, moyennant finances ou non, en se rapprochant d’inconnus dont, spontanément, il y a plusieurs générations, il aurait mieux valu d’abord se méfier afin de s’assurer au préalable de leurs réelles intentions.
Si je me rends dans un hôpital, dans une administration, dans une école ou dans une association, c’est pareil. Idem pour un club de sport et pour les manifestations qu’il organise et auxquelles je décide de participer. A priori, les personnes qui y oeuvrent veulent mon bien. Et sont compétentes.
Bien-sûr, nous savons tous au quotidien qu’il nous arrive de connaître des déconvenues et des contrariétés. Et nous savons aussi que tout dépend de l’orientation de l’institution, de l’association – et beaucoup des personnes qui la dirigent- à laquelle nous nous en remettons.
Mais le principe est qu’il nous est possible dans un certain nombre de cas de figures de vivre en «société » et de nous sentir en sécurité même lorsque nous sortons de chez nous. Ce qui est plutôt une avancée.
Ça, c’est une partie du puzzle. L’autre partie du puzzle est faite de dogmes et d’obéissances absolues. Lorsque l’on parle de fanatisme, religieux, politique, économique ou autre, il existe au moins deux écueils. Celles et ceux qui s’identifient à ce fanatisme, le justifient et en sont fiers car ils sont persuadés qu’ils « savent ce qu’ils font ! ». Et rien ni personne a priori ne les fera changer d’avis. Ou alors, il faut avoir la personnalité d’un Daryl Davis ( auteur de Klan-Destine relationships ) peut-être. Ce qui est hors du commun.
Et puis, il y a les fanatiques potentiels qui s’ignorent et que l’on ignore. D’une part parce qu’eux mêmes ne savent pas de quoi ils sont capables dans certaines circonstances. Mais aussi parce-que le fanatisme, pour être « détecté », nécessite certaines capacités d’écoute et d’observation. Ou certains moyens humains et logistiques. Des moyens sans doute surhumains faits aussi de psychologie, de patience, d’intuition voire, quasiment, de dons de « voyance ».
La Peur
Faut-il avoir peur ? On choisit rarement ses peurs ou d’avoir peur. On a peur ou on n’a pas peur. On réussit à surmonter ses peurs ou non. Mais pour qu’un dogme s’impose et rende « servile », il a besoin d’instaurer la peur ne serait-ce que machinalement. Instinctivement.
Avoir peur, prendre peur, n’écouter que sa peur, vivre de sa peur et dans la peur, c’est donc, à un moment ou à un autre, se soumettre à une institution, à un ordre ou à quelqu’un même lorsque celle-ci ou celui-ci est absent, inactif ou défaillant. C’est donc perdre notre libre arbitre ou notre consentement éclairé. C’est devenir la chose, le « membre » ou l’extension fidèle, loyal ou zélé d’une institution, d’un ordre, d’une pensée. On croit peut-être être libre et savoir exactement ce que l’on fait. On sauve sûrement sa peau- et son âme- ou on a peut-être le sentiment de les sauver. Mais, en contrepartie, c’est quelqu’un d’autre ou quelque chose d’autre supposé nous « protéger » et nous « guider » qui pense pour nous. On est comme sous hypnose. Une autohypnose consentie.
La Matrice
Et les réelles intentions de cette institution ou de cet autre qui pense pour nous nous sont inconnues. Les intentions de Google, de Facebook, d’Amazon ou D’Apple, par exemple, je ne les connais pas vraiment à part d’établir et de maintenir une sorte de monopole.
Je n’ai jamais rencontré leurs dirigeants. Je ne connais pas ces personnes. Je ne vis pas avec elles. Pourtant, tous les jours, Google, Facebook, Apple, Microsoft et Amazon ( des entreprises américaines) influent sur ma vie directement ou indirectement. Tous les jours, d’une façon ou d’une autre, je contribue à leur richesse et à leur puissance. Puisque j’ai du mal à m’en passer comme une majorité de personnes. Je suis incapable de savoir aujourd’hui si je suis encore suffisamment en bonne santé si je décide de vivre sans ces entités. Mais je sais que passer par Google, Facebook, Microsoft, Apple ou Amazon fait désormais- et pour l’instant- partie d’une normalité.
Je repense de temps à autre au film Matrix des ex-frères Wachowski, film transgenres. Les deux réalisateurs ont changé de genre pour devenir femmes. Comme pour essayer de mieux échapper à un certain conditionnement.
C’est pareil pour certaines décisions politiques. Il s’y trouve un certain mélange des genres. Pourtant, même si je suis hébété et distancé, je ne peux me passer de continuer d’assister à certaines démonstrations politiques.
C’est encore pire lorsque je regarde un certain fanatisme religieux. Décapiter à Conflans Ste-Honorine un professeur ( Samuel Paty) qui parlait de Charlie Hebdo à ses élèves, ça fait très peur. J’ai travaillé à Conflans Ste Honorine il y a quelques années. Je connais un peu cette ville. Une de mes Ex y a habité ou y habite encore. A Conflans Ste Honorine, j’avais aussi vu John Mc Laughlin en concert. C’était une toute autre ambiance que cette décapitation et cet attentat. Le soir de ce concert de John Mc Laughlin à Conflans Ste-Honorine, comme tous les autres spectateurs après le concert, j’étais reparti avec ma tête. Et j’espère l’avoir encore bien avec moi alors que j’écris cet article.
Harry Potter
J’ai appris la nouvelle par une collègue vendredi soir (avant hier) au travail. Elle s’inquiétait du fait que les jeunes hospitalisés dans notre service soient effrayés par la nouvelle. Nous avons « rassuré » cette collègue :
Les jeunes n’en n’avaient pas entendu parler. Ils étaient plutôt concentrés sur le fait de revoir un dvd de Harry Potter, un film où l’on parle aussi de fanatisme. Mais où des enfants, puis des adolescents, les héros, en murissant, en se rappelant certains souvenirs, en remportant certaines épreuves, en souffrant aussi, et en s’entraidant, parviennent finalement à tuer le Mal absolu incarné par un adulte : « celui que l’on ne nomme pas ».
Plusieurs fois, déjà, j’ai exprimé mon étonnement devant le rôle des adultes dans Harry Potter :
Ces mômes sont confiés, par leurs parents, à une école hautement réputée sans doute privée – et secrète- de sorcellerie. Or, bien que ces mômes soient sous la surveillance et la protection d’adultes formés et puissants, ils sont régulièrement exposés au danger et à la mort. Je trouve donc les parents de ces mômes soit très crédules soit irresponsables et suicidaires. A la limite du signalement. Quant aux professeurs, aussi charismatiques soient-ils, plus d’une fois, selon moi, ils devraient au minimum passer devant une commission de discipline pour manquement à leurs devoirs de protection.
Mais, chaque fois que j’ai abordé ce sujet, on m’a écouté avec indulgence. Comme si le principal était ailleurs. Comme si on en savait beaucoup plus que moi. Harry Potter me laisse donc perplexe au moins pour cette raison. Même si je peux avoir plaisir à regarder certains épisodes. Le Prisonnier d’Azkaban- réalisé (en 2004) par Alfonso Cuaron plusieurs années avant Gravity– est pour l’instant mon préféré parmi ceux que j’ai pu voir. Je me rappelle avoir vu le premier volet à sa sortie au cinéma, Harry Potter à l’école des sorciers, en 2001. Si j’avais plutôt bien aimé regarder le film, à aucun moment, je n’avais envisagé qu’il y aurait d’autres films après celui-là et qu’ils deviendraient- comme l’œuvre littéraire originelle- le phénomène mondial qu’ils sont devenus. Encore aujourd’hui, j’ai du mal à retenir le nom de l’auteure de Harry Potter alors que je la sais mondialement connue.
Lors des « attentats du bataclan » et du « Stade de France » en novembre 2015, j’étais également au travail. Et, là encore, les jeunes hospitalisés dans le service ce soir-là avaient baigné dans le «fantastique » mais d’une autre façon :
Nous avions écouté un conte avec eux, en avions discuté, avant qu’ils n’aillent tranquillement se coucher. Puis, tandis qu’ils dormaient, mes deux collègues et moi avions appris les « nouvelles ».
La violence, notre addiction favorite
Que l’on parle de Harry Potter ou de contes (je propose des contes du monde entier : Sénégal, Mali, Tunisie, Tahiti, Nouvelle Orléans, Brésil, Japon, Bretagne….). Ou que l’on parle de pandémie du Covid-19; du couvre-feu décidé récemment par le gouvernement Macron-Castex pour répondre à la reprise de la pandémie du Covid; de la montée des eaux -qui semble s’inspirer de la montée des extrémismes religieux, politiques et économiques- du réchauffement climatique ; de la pollution atmosphérique ; des élections présidentielles américaines Trump-Biden ; de l’emprise croissante des réseaux sociaux et des GAFAM ; des crimes racistes ; des guerres en série ou d’autres tragédies, j’ai l’impression que nous sommes beaucoup de grands enfants qui assistons à un spectacle très violent qui nous dépasse. Spectacle qui explose devant nos yeux en emportant parfois nos bras ou l’une de nos connaissances.
Parce que la violence, sous toutes ses formes, est devenue notre addiction favorite.
Les Adultes face à leur enfance
Je ne sais pas où sont les adultes. Ce qu’ils font et ce qu’ils attendent pour remettre de l’ordre et de l’autorité dans tout ça. Peut-être parce-que c’est encore trop tôt. Peut-être parce-que, comme n’importe quel gamin, je reste déconnecté du lourd travail que réalisent quantité d’adultes. Et que ce travail, s’il se fait devant moi- voire, même si j’y prends aussi ma part – avec d’autres dans un champ invisible, tous les jours, est abstrait. Lent. Et cela me donne peut-être l’impression de servir à rien.
Peut-être, aussi, que certaines personnes ignorent encore à quel point elles sont et peuvent être adultes en certaines circonstances. Face au danger et à la mort.
Beaucoup d’adultes restent des enfants qui, lorsqu’ils ont peur, se cachent sous une couverture. Cependant, la peur peut pousser vers deux extrêmes : la paralysie ou l’attaque.
Donc, tout commence souvent par la façon dont on traite l’enfance. Que ce soit la nôtre, celle de notre descendance mais aussi celle des autres. Ainsi que par la façon dont, en tant qu’adultes, on se comporte et on s’exprime devant cette enfance et par rapport à elle. Par la façon dont on lui apprend à regarder la vie, le monde et les autres. C’est toujours la même Histoire qui se répète et que l’être humain semble avoir beaucoup de mal à retenir, à connaître et à comprendre, si pressé de grandir et d’exposer ses certitudes pour se faire admirer qu’il reste petit.
( Rouge est sorti en salles ce 11 aout 2021. Voici ci-dessous, ce que j’écrivais à son propos le 16 octobre 2020 ).
Croire à la perfection, c’est vouloir opérer et boucler le Temps. Telle la gendarme de son Histoire, Nour (l’actrice Zita Hanrot) obéit à un devoir de perfection. Infirmière, elle voudrait agir sur le Temps et l’opérer. Mais le Temps se porte très bien. Il n’est pas malade. D’ailleurs, c’est lui qui nous brancarde. Le service d’urgences où Nour ( « Lumière » en Arabe) se déballe au début de Rouge ressemble à un dédale où l’on s’éloigne du jour. Plus qu’à un endroit où l’on soigne.
« Quel que soit ce à quoi une personne pense et réfléchit fréquemment, cela devient la tendance naturelle de son esprit » (extrait d’un des passages de la littérature pali cité par le Dr Judson Brewer dans son livre Le Craving).
A part pour reconstituer – plus tard- les faits au cours desquels la patiente qu’elle brancardait a perdu la vie, Nour ne parle pas de ses pensées. Mais peut-être essaie-t’elle d’y verbaliser le Temps. Cependant, elle a quitté l’hôpital et les urgences pour un poste d’infirmière dans l’entreprise où son père Slimane ( l’acteur Sami Bouajila) travaille depuis 29 ans.
Nour connaît cette entreprise depuis son enfance. Son beau-frère (l’acteur Henri-Noël Tabary que l’on pourra aussi voir dans ADN de Maïwenn qui sort ce 28 octobre 2020) y tient un poste de cadre proche du grand patron ( l’acteur Olivier Gourmet).
Cette entreprise est celle des retrouvailles en même temps que celle qui accueille les évolutions sociales de la famille de Nour. Seule manque la mère, décédée quelques années plus tôt, à laquelle il est un peu fait allusion.
Nour ( Zita Hanrot) face à son père Slimane ( Sami Bouajila)
Lorsqu’elle revient dans la région et dans l’entreprise, la petite Nour a bien grandi. Slimane, son père, aussi. Au sein de l’entreprise, Slimane est devenu un meneur et un représentant syndical. Cela nous change de l’imagerie de l’immigré ou du Français d’origine immigrée soumis et incapable de s’exprimer. Ou obligé de faire rire pour s’intégrer.
Mais la joie de cette famille à nouveau réunie est si évidente que l’on devine qu’elle va sauter.
« Si nous avons un biais subjectif, si nous voyons le monde tel que nous voudrions qu’il soit, ces simulations ne fonctionnent pas si bien. Elles s’efforcent de parvenir à la « bonne solution » ou du moins à celles qui coïncident avec notre vision du Monde » nous explique encore le Dr Judson Brewer toujours dans son ouvrage Le Craving. Livre dans lequel il prône beaucoup la pratique de la méditation et de la pleine conscience.
Dans la famille de Nour, comme ailleurs, on est assez peu porté sur la méditation et la pleine conscience. A la rigueur, on veut bien prendre un thé ou un café et discuter ou se disputer. Mais on est plutôt doté pour l’action. Et l’on est aussi assez idéaliste. Le film Rouge, c’est au moins la rencontre de trois idéalistes :
Le syndicaliste (Sami Bouajila) ; L’infirmière, sa fille ( Zita Hanrot) ; La journaliste (Céline Sallette).
La journaliste indépendante ( Céline Sallette)
Chacun de ces trois idéalistes- comme tout idéaliste- essaie de se persuader de son indépendance et de sa lucidité et s’accroche à son biais subjectif. Mais les « autres » antagonistes, aussi. La sœur de Nour, son mari (Henri-Noël Tabary) et le patron (Olivier Gourmet) ont le cœur plus matérialiste ou plus cynique. Et le père de l’enfant de la journaliste (Céline Salette) est de son côté plus porté sur l’activisme.
Rouge raconte au moins que certaines fonctions et certaines institutions vigilantes et vitales ont perdu de leur aura ou n’ont pas la considération qu’elles devraient avoir en matière de santé publique dans notre société. On en a malheureusement une illustration récente plus que concrète avec la pandémie du covid-19 : les diverses manifestations des soignants depuis une trentaine d’années en France pour protester contre la dégradation de leurs conditions de travail faisaient déja état d’une pénurie de moyens et de personnels. Mais priorité a été donnée à la rentabilité….
Je ne suis pas sûr que l’acteur Sami Bouajila ait beaucoup joué des rôles de père face à une femme certes jeune mais d’âge mûr. Mais ses face à face avec Zita Hanrot font des étincelles. Etonnamment, cela se reproduit moins entre l’actrice Céline Sallette et lui. L’acteur Olivier Gourmet, quant à lui, mate son jeu avec sa précision de montre suisse habituelle. Sans rien montrer de nouveau mais avec tout ce qu’il faut.
L’acteur Olivier Gourmet.
Le film a quelques ratés. Mais son sujet est ambitieux et a de quoi ouvrir les yeux.