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Transmettre une histoire

                                                    Transmettre une histoire

 

Trois conditions me semblent nécessaires afin de pouvoir transmettre nos gènes :

 

Nous avons besoin d’une autre personne qui nous donne le sourire. Soit parce qu’elle nous plait physiquement et/ou qu’elle a des valeurs qui nous attirent.

 

Cette personne nous permet de rompre notre solitude. Car nous avons ce besoin de rompre notre solitude.

 

Et, nous, nous avons un peu ou beaucoup l’ambition d’être le sauveur( qu’elle ou qu’il accepte)…ou le prédateur de cette personne.

 

Je crois que l’Humanité tient sur ce trépied. Trépied auquel il faut ajouter un quatrième pied qui consiste à vouloir transmettre une Histoire. Car l’être humain se sépare de son monde animal de par sa volonté d’écrire son histoire, de la raconter comme de s’en rappeler mais aussi de l’anticiper. Comme certains poissons qui naissent à un endroit, l’être humain peut passer sa vie à nager à contre courant pour essayer de remonter jusqu’à ses origines.

 

Jusqu’à l’Histoire de sa famille, de son clan, de sa tribu, de sa société, de sa culture, de sa langue. Mais aussi celle de ses défaites comme de ses victoires et de ses espoirs.

 

 

Sauveurs ou prédateurs, nous transmettons nos gènes et nos histoires. Sur les scènes de crimes, au sein de nos victimes ainsi que dans le relief  et le renouvellement de notre entourage intime et limitrophe.

 

Fait de chair et d’os, en se disloquant, l’être humain laisse ses histoires dans le berceau du regard et du corps des autres. Même si ces histoires s’accrochent à la roche, il est impossible de prévoir exactement ce qu’il restera de ces différentes trajectoires. Comment elles prendront leur essor et inspireront celles et ceux qui les entendent ou les découvrent. Ce que l’on sait, c’est que le pire côtoiera le meilleur dans des proportions imprévues et invraisemblables. Car il faut beaucoup d’histoires pour faire une vie.

 

Aujourd’hui, en France, nous avons de quoi prédire le pire :

 

La pandémie du Covid circule toujours et s’amplifie. Nous sommes en automne et nous nous rapprochons des jours les plus gris et les plus courts. On a presque l’impression d’entrer un peu dans l’univers de la série Game of Thrones avec son ambiance  » Winter is coming »….

Demain, mercredi, afin de résister aux marcheurs blancs du Covid, peut-être que le Président Macron va-t’il nous annoncer un nouveau reconfinement.

 

En tout cas, nous avons déjà compris, d’après les quelques communiqués du gouvernement, que la tendance est à plus de restrictions pour des raisons sanitaires. En plus du couvre-feu de 21H à 6H décidé il y a quelques jours.

 

Pour diluer cette ambiance « festive », Erdogan, le dirigeant de la Turquie, suivi du Maroc et du Pakistan, condamne la France car celle-ci défend les caricatures du journal Charlie Hebdo qui blasphème et tourne en dérision, entre-autres, le prophète et le Dieu « des » musulmans.

Quelques jours après l’assassinat de l’enseignant Samuel Paty à Conflans Ste Honorine par un terroriste islamiste, Erdogan aurait affirmé que le Président Macron doit se faire soigner mentalement. Et, à la télé, on a su nous montrer des images de Palestiniens, à Gaza, brûlant des pancartes comportant le portrait du Président Macron.

 

On peut relever que cette attitude d’Erdogan, suivi par les dirigeants du Maroc et du Pakistan, a lieu à quelques jours du résultat des élections présidentielles américaines. Soit à un moment où le très fort allié militaire américain a sûrement d’autres priorités que la Turquie d’Erdogan et cette « histoire » de caricatures de Charlie Hebdo. Même si en janvier 2015, beaucoup de personnes étaient Charlie Hebdo, y compris des Présidents du Monde entier qui s’étaient déplacés.

En France, après les attentats de Janvier 2015, des gens faisaient la queue devant les kiosques à journaux ou se battaient pour pouvoir acheter leur numéro « historique » de Charlie Hebdo d’après l’attentat du 7 janvier. Depuis, des messages de haine et de menaces de mort continuent de suivre Charlie Hebdo. Ainsi que des messages de sympathie et d’encouragements.

 

Les élections présidentielles américaines nous diront si Donald Trump, Président des Extrêmes, du déni du réchauffement climatique, du racisme et de la banalisation de la pandémie du Covid, est réelu. Ou s’il est battu par Joe Biden. Après la Présidence de Barack Obama pendant huit ans qui avait pu plaire ou déplaire, la Présidence de Donald Trump nous a jeté en pleine figure le fait que les Etats-Unis, qui sont encore la Première Puissance Mondiale, est le Pays des Extrêmes :

 

Le pire comme le meilleur s’y côtoie.

 

Avant la Présidence de Donald Trump, en Europe ou ailleurs, on pouvait peut-être encore se lover dans ce que l’on appelle le « rêve américain ». Alors que celui-ci, dès ses origines, s’est bâti sur le génocide et la destruction culturelle des millions d’Amérindiens qui y vivaient.  Ainsi que sur l’esclavage de populations africaines comme sur l’immigration européenne et asiatique (chinoise, en particulier).

 

Avec la Présidence de Donald Trump, je crois qu’il est difficile d’ignorer que les Etats-Unis sont loin d’être aussi unis que ça.

 

 En attendant, en France, d’autres attentats islamistes sont donc à « prévoir ». Et l’on peut s’en inquiéter. Même si un nouveau reconfinement aurait aussi l’avantage de protéger des attentats celles et ceux qui restent chez eux. Exception faite des femmes et des enfants battus par leurs conjoints et parents.

En attendant que le danger s’éloigne vraiment, on peut décider de se taire. De se faire discret ou de laisser des blancs lorsque l’on s’exprime.

 

Sauf que si on laisse des blancs pour parler de tout ce qui nous concerne et nous préoccupe, ces blancs finiront par être traduits par des personnes qui transmettront nos histoires comme elles les voient. Si elles les voient.  Alors que ces histoires, plus qu’une « simple » vue de l’esprit, sont notre vie.

 

Il faut beaucoup d’histoires pour faire une seule vie. Nous avons besoin de beaucoup d’histoires. Une seule histoire est une passoire.

 

Ps : cet article est la suite de Certaines idées. Lequel était la suite de Déconnecté

Franck Unimon, mardi 27 octobre 2020.  

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Certaines idées

 

                                               Certaines idées

Certaines idées nous viennent lorsque l’on n’a rien à faire. Que nous sommes seuls et que nous devons improviser. Pour le pire comme pour le meilleur. 

 

Tout dépend de notre entraînement au dé comme aux idées. De notre environnement mais aussi de notre tempérament. Certaines personnes sont très mobiles surtout verbalement. D’autres ont régulièrement besoin de bouger et de changer. Il y a celles et ceux qui considèrent que, de toute façon, ils ne valent rien, et que par conséquent, tout ce qui se présente devant eux est bon à prendre. Absolument tout.

 

Il reste  les muets et  les effacés, que l’on oublie souvent, et qui peuvent faire partie des plus enragés dès qu’ils s’accrochent à une idée.

 

On dit que ces idées sont venues comme ça mais c’est souvent faux. Les idées sont souvent là. Telles des connaissances et des silhouettes endormies plus ou moins proches que l’on décide un jour de réveiller ou d’aller voir de plus près. C’est notre côté belle au bois dormant sauf que notre vie peut très vite ressembler à un dessin abîmé.

 

 Il y a les idées dominantes et celles qui se font plus discrètes. Il y a celles qui nous obsèdent pendant une période donnée et celles que l’on délaisse ensuite complètement pour d’autres que l’on avait pu même mépriser à une époque.

 

Cependant, quelles qu’elles soient, toutes ces idées,  passent leur temps à nous étudier.  Elles n’ont que ça à faire. Se frotter contre les barreaux et le barillet de notre cerveau. Attendre le moment où nous allons appuyer sur la détente qui va les libérer et nous, nous enfermer un peu plus, ou, au contraire, nous ouvrir un peu plus la bouche d’émerveillement.

 

 

Près de l’Opéra Garnier

 

 

Ce jeudi matin, près de l’Opéra Garnier, c’est en attendant à la station de bus que j’ai décidé de me rendre au procès des attentats de Charlie Hebdo et L’Hyper Cacher, mais aussi de l’assassinat de la policière Clarissa Jean-Philippe.

 

J’avais deux bonnes heures devant moi avant une projection de presse. Et cela faisait déjà quelques jours que je pensais à  aller au tribunal de grande instance. Avant même que ne soit assassiné le professeur d’histoire géo Samuel Paty, par un terroriste islamiste. C’était le vendredi 16 octobre 2020 dernier à Conflans Ste Honorine, une ville de banlieue parisienne que je connais un peu.

 

J’étais peut-être au lycée, ou au collège, la première fois que je suis allé assister avec ma classe et un de mes professeurs à un jugement. C’était au tribunal de Nanterre. Un adulte, retardé mental, assez grand, avait été jugé pour avoir, une fois de plus, montré son intimité à une petite fille. Au tribunal, cet homme avait peur.

 

Plus tard, c’était pour voir plaider le grand frère d’un collègue au tribunal de la Cité. Je m’étais dit ensuite que j’y retournerais. Mais je ne l’avais pas fait. C’était au début des années 2000. Aujourd’hui, on dirait presque que tout allait bien ou mieux en France à cette époque. Alors qu’en ce « temps-là », on faisait aussi la tête.

 

La France divisée face à Charlie Hebdo :

 

 

Aujourd’hui, la France semble divisée en cinq voire en six face aux attentats et à l’intégrisme islamistes. Mais aussi face à Charlie Hebdo.

 

D’un côté, il y a certains « croyants » qui considèrent que le Religieux, l’idée qu’ils se font et ont du Religieux, est si sacré que blasphémer, faire des caricatures de leur Religion et de leur Dieu, c’est les violer, les insulter et les mépriser. Et que cela « justifie » la torture et la peine de mort.

 

Je me suis déja demandé si, pour certains, Charlie Hebdo est  perçu comme l’équivalent d’un journal de propagande colonialiste. Un peu comme si « La » France colonialiste, ou plutôt l’ex-grande puissance colonialiste, qui a pu dans le passé, et peut mépriser certaines fois l’Islam et les musulmans, continuait de les insulter au travers de ces dessins et de ces caricatures de Charlie Hebdo.

 

Un peu comme si la France politique et militaire actuelle s’affichait au travers des caricatures et des dessins de Charlie Hebdo. Et que l’humour de Charlie Hebdo se confondait avec le passé colonial de la France mais aussi avec sa politique étrangère.

 

Alors que, dans les faits, Charlie Hebdo est un journal indépendant, anti-impérialiste et anticolonialiste!

 

Par contre, il est vrai que Charlie Hebdo est un journal français. Et qu’à défaut de pouvoir s’en prendre directement à l’Etat français et à une armée française entraînée,  il est plus facile de toucher la France en s’en prenant à des Français sans armes. Le principe étant sans doute «  à la guerre comme à la guerre » ou « œil pour œil, dent pour dent ». La priorité étant de tuer, de faire mal et de faire peur coûte que coûte par tous les moyens.

 

Les attentats islamistes font partie de ces moyens.

 

Devant ces attentats, il y a celles et ceux qui affirment et rappellent que la France est un pays où la liberté, l’égalité, la fraternité, la laïcité  (la démocratie) et donc le droit au blasphème et aux caricatures, priment. Mais c’est peut-être un dialogue de sourds :

 

Pendant que certains parlent de liberté, égalité, fraternité, laïcité ( et démocratie), d’autres préparent des attentats et les « réalisent » dès qu’ils le peuvent.

 

La peur et le trouble idéologique mais aussi économique : Une ambiance particulière

 

Ce qui convient aux stratèges- en France et ailleurs- qui comptent bien profiter de la peur et du trouble idéologique actuel pour prendre le Pouvoir politique, idéologique et économique. Je pense au moins à la Chine qui continue de grignoter le monde économiquement pendant ce temps. Mais il y a d’autres pays, auxquels on ne pense pas forcément en ce moment, qui continuent d’évoluer. Pendant qu’en France, on continue en quelque sorte de se « niquer entre nous » (de se détruire et de s’autodétruire). Au point qu’une guerre civile poindra peut-être son vrai visage un de ces jours. Et ce visage sera encore plus moche que ce que nous avons déja connus ces dernières années.

 

Je ne le souhaite pas.

 

Et une guerre civile ne signifie pas que Toute la France serait touchée. Mais avec la pandémie du covid, la crise sociale et économique, les attentats islamistes et les embrouilles politique, on ne sait plus toujours où tourner la tête. Et, l’on peut envisager qu’un jour, un incident a priori anodin, par accumulation, fasse « guerre civile ».

 

Pensons par exemple à cette nouvelle façon, depuis environ deux mois, après le déconfinement,  aux nouvelles techniques des contrôleurs de titres de transports de la SNCF :

 

Débarquer, habillés en civils.  Comme s’ils prenaient d’assaut les passagers.

Clamer « Contrôle des titres de transport, s’il vous plait ! ».

Montrer leur brassard fluorescent (jaune ou orange) de contrôleur comme s’ils étaient policiers ou douaniers et que nous sommes avant tout des suspects ou des trafiquants avant d’être des passagers en règle.

 

Pensons aussi à toutes ces nouvelles mesures de prévention anti-Covid :

 

Le couvre-feu qui impose pour au moins quatre semaines de rester chez soi ou sur son lieu de travail de 21h à 6h sauf motif valable et justifiable. Couvre-feu qui impose aussi au moins aux restaurants et aux bars de connaître à nouveau une période de fermeture, très dure pour leur économie.

 

Le couvre-feu actuel- pour raisons sanitaires- se comprend bien-sûr. Mais….

Peut-être qu’un jour, une personne lambda, usée par tout ce climat, va très mal supporter un énième contrôle approximatif ou indélicat; une énième restriction ou remarque et que, par effet « domino », cela va « dégénérer » et déboucher sur un grave trouble de l’ordre public.

 

Savoir se situer devant un programme pédagogique particulier :

 

 

Dans ce contexte, il est peut être d’autant plus difficile de savoir où se situer par rapport aux caricatures de Charlie Hebdo. Puisque nous vivons une période troublée. Nous ne savons pas quand nous allons sortir de cette pandémie du Covid. Des attentats. La planète va mal. Economiquement, c’est très dur. Alors, le sujet de  Charlie Hebdo et ses caricatures peut aussi passer pour anecdotique et secondaire.

 

Pour celles et ceux qui croient que moins de caricatures et moins de blasphèmes suffiraient à apaiser le climat terroriste d’inspiration islamiste, on peut rappeler ceci à propos de l’assassinat de Samuel Paty :

 

Le projet de son assassin a été de le décapiter.

 

Il se raconte que le problème, c’est le blasphème et les caricatures. Mais l’assassin a tué quelqu’un, un enseignant, qu’il ne pouvait pas remplacer à son poste.

 

La compétence de Samuel Paty, ainsi que sa formation, son projet, en plus d’être une personne, c’était de transmettre un Savoir, une réflexion. Un Savoir et une réflexion qui a, entre-autres,  consisté à parler et montrer des caricatures de Charlie Hebdo.

 

Samuel Paty était une personne en plus d’être Charlie Hebdo

 

Pourtant, en quelques minutes, un  « inconnu » qui n’a sans doute jamais donné un seul cours d’histoire géo de sa vie, est venu imposer  au couteau de cuisine son projet « pédagogique ». Projet qui, lui, a consisté à décider que les compétences pédagogiques de Samuel Paty étaient condamnables et méritaient la décapitation. Un peu comme si, demain, un inconnu considérait que vous parlez mal à vos parents. Parce que vous leur faites des mauvaises blagues en leur montrant des dessins pas drôles.  Et que, de ce fait, il (cet inconnu) avait donc le droit de venir vous décapiter à la sortie de votre travail.

 

Donc, lorsque vous faites des « mauvaises » blagues, où que vous soyez, si ça se sait,  vous devez accepter que n’importe qui, en « représailles »,  peut venir vous découper.

 

C’est ça, le programme pédagogique islamiste si l’on regarde l’assassinat de Samuel Paty.

 

 

L’autre particularité de cet assassinat qui m’a marqué, concerne l’argent.

 

Samuel Paty aurait été, au moins selon son assassin, un être sacrilège qui méritait la mort. L’assassin a donc eu la conviction d’être, lui, une personne moralement irréprochable.

Une personne si moralement irréprochable qu’elle donne de l’argent à des jeunes pour qu’ils lui désignent – ou lui dénoncent- Samuel Paty. Pour «  300 euros » que ces jeunes (ils étaient cinq apparemment) se seraient partagés. Etre « pur » et se servir de l’argent pour « appâter » des jeunes?  ça fait penser à une forme de corruption de la jeunesse.

 

En plus, cette histoire d’argent rappelle aussi l’histoire de Judas qui trahit Jésus.

 

Même si on n’aime pas les caricatures de Charlie Hebdo, on a le droit de ne pas les aimer, il suffit de 300 euros pour tuer quelqu’un ?

 

Notre vie vaut 300 euros ?

 

Donc, on passe plusieurs années de notre vie- voire toute notre vie- à essayer de devenir quelqu’un ou quelque chose. Et un inconnu décide de son côté de nous apprendre que notre vie va s’arrêter pour 300 euros parce-que l’on a montré des dessins….

Et, il y a des gens qui vont répondre :

 

 « C’est comme ça ! Il fallait arrêter de provoquer ! Tu cherches, tu trouves ! » (sous-entendu : tu cherches les ennuis, tu trouves la mort. Il ne faut pas t’étonner !).

 

Cependant, il y a un troisième aspect dans l’assassinat de Samuel Paty que je refoule pour l’instant parce-que, pour le peu que j’ai lu à son sujet, je n’ai rien trouvé à ce propos. Et j’ai envie de croire que cela n’a rien à voir avec son assassinat horrible : 

Le prénom « Samuel » peut faire penser à des origines juives. Spontanément, lorsque j’entends que quelqu’un s’appelle « Samuel », je ne me demande pas s’il est juif ou non. Je n’ai rien contre les juifs. Et je n’ai rien non plus contre les musulmans. Mais peut-être que parmi ses détracteurs, assassin inclus, il s’est trouvé quelqu’un qui, en plus de lui reprocher d’avoir montré – et parlé- des caricatures de Charlie Hebdo a pu supposer qu’il était juif ou voire le lui reprocher. 

J’espère donc que ce crime n’est pas, en plus, un crime antisémite…. 

 

 

A l’opposé, Il y a celles et ceux qui sont contents d’expliquer que le problème, en France, depuis toujours, de toute façon, vient des immigrés, des musulmans, des noirs et des arabes. Ou des juifs. Donc, tous ces attentats islamistes « arrangent » celles et ceux qui pensent que le problème, en France, « depuis toujours, de toute façon, vient des immigrés, des musulmans, des noirs et des arabes. Ou des juifs ». Et par « arabes », ils pensent : Toute personne qui vient du Moyen-Orient comme du Maghreb. Toute personne qui n’a pas le type caucasien.

 

 

Au milieu de tout ça, quelque part en France,  il y a toutes les victimes passées et actuelles des attentats et des crimes terroristes, décédées, blessées, mais aussi leur famille. Et les futures victimes.  

 

On peut rester vivant et être victime. Si l’on passe sa vie à avoir peur au moindre geste que l’on fait, au moindre bruit que l’on entend et au moindre regard que l’on suscite. Et, cette peur, on la transmettra autour de soi.

 

 Dans le bus :

 

Dans le bus qui m’a rapproché du tribunal de grande instance, j’ai fait peur à une femme qui dormait lorsque je suis venu m’asseoir à côté d’elle. Elle a peut-être eu peur tout simplement parce-que je l’ai surprise et que j’étais un inconnu.

 

Elle a peut-être eu peur parce qu’en se réveillant, son regard est tombé sur moi qui portais, comme tous les passagers, mon masque chirurgical anti-covid.

 

C’est sûrement une coïncidence. Mais il a fallu que ce soit ce matin-là en particulier, alors que je me rendais pour la première fois au procès des attentats de Charlie Hebdo, de L’hyper-cacher de Vincennes et de l’assassinat de Clarissa Jean-Philippe, que je fasse ainsi peur à une femme, dans les transports en commun.

 

Le plus « drôle », c’est que j’ai même pensé un moment que je la connaissais : 

Elle ressemblait un peu à une ancienne collègue.

 

J’ai présenté mes excuses à cette femme, sous le regard amusé d’un autre passager non loin de là, pour lui avoir fait peur. Elle m’a rapidement répondu que ce n’était pas grave et qu’il n’y avait aucun problème. Nous avons ensuite continué notre trajet côte à côte.

 

Cela m’a fait d’autant plus de bien, quelques stations plus loin, lorsqu’une maman est montée dans le bus avec sa fille dans une poussette. La petite devait avoir à peine deux ans. Souriante, elle s’est aussi très vite manifestée, criant, pleurant, embarrassant sa mère, et s’agitant un peu. Même une fois posée contre sa maman. Elle voulait peut-être se promener à quatre pattes dans le bus en mouvement. Ce qui était bien-sûr inconcevable.

 

 

Lorsque nous sommes arrivés près de l’hôpital Bichat, je suis descendu du bus. Puis, j’ai marché jusqu’au nouveau tribunal de grande instance. Ainsi que jusqu’à mes prochaines idées. Lesquelles, on le sait maintenant, me suivaient sûrement pas à pas depuis un certain temps…

 

 

A l’arrière plan, le nouveau tribunal de grande instance.

 

 

 

Franck Unimon, ce vendredi 23 octobre 2020.

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Déconnecté

 

                                                 Déconnecté

Tous les jours, nous avons des désirs, des souhaits, des occasions, des circonstances. Et nous prenons de très grandes décisions. Cracher un gros mollard sur la tête d’untel. Raconter deux ou trois secrets que l’on a appris à son sujet. Aller aux toilettes. Violer la fourmi que l’on avait repérée il y a plusieurs semaines en allant faire nos courses. Eteindre ou allumer la télé. Faire une recherche sur internet. Se brosser les dents. Confectionner un gâteau. Manger des bonbons. Dépasser de dix kilomètres la vitesse autorisée sur la route. Boire. Fumer. Avoir des relations sexuelles. Trucider. Elucider. Déboucher l’évier avec de la javel ou avec du percarbonate de soude. Apprendre à lire. Sourire. Plomber une ambiance. Aller se promener. Enfanter. Se suicider. Démissionner. Voler. Sulfater. Décapiter. Etrangler. Dissoudre. Dessouder. Carboniser.

 

 

Une Histoire

 

J’ai lu ou entendu que l’animal n’a pas d’Histoire. Le genre humain, lui, a une Histoire. Et, certaines fois, une conscience. Du moins en est-il persuadé grâce à cette pensée que nous avons tous eue un jour ou l’autre :

 

«  Je sais ce que je fais ! ».

 

Au nom d’une Histoire, d’une éducation, d’une religion, d’une tradition, d’un nom, d’un parti, d’une croyance, par anticipation, par automatisme, par intérêt ou par principe, l’être humain est capable de tout. De faire les soldes. Comme de réinventer le néant. Quelle que soit l’action, une fois sa décision prise, il aura toujours raison. Ensuite…

 

Ensuite….celles et ceux qu’il croisera le conforteront ou lui feront comprendre, s’ils le peuvent, qu’il n’est pas tout seul. Qu’il fait partie d’un gigantesque puzzle qu’il avait à peine aperçu contrairement à tout ce qu’il « sait » et à tout ce qu’il « croit ».  Et que ce puzzle, comme les icebergs, les arbres et les plantes centenaires, voire millénaires, a de très profondes et de puissantes histoires et origines. Que ces histoires et ces origines nous concernent et nous relient tous. Et qu’il reste donc beaucoup  plus d’une énigme ne serait-ce qu’à entrevoir avant d’espérer la résoudre- si on en a les facultés- avant de véritablement savoir ce que l’on fait !

 

Je n’ai aucun problème particulier avec la religion comme avec  toute autre forme d’autorité. Mais ce qui m’importe, c’est ce qu’on en fait !

 

Une espèce, comme la nôtre, capable à la fois de trucider pour manger les bonbons de son voisin, ou afin de lui prendre sa console de playstation, a bien évidemment besoin de règles et de « guides ». Mais j’ai besoin de gages d’ouvertures, de pouvoir choisir celle ou celui que je décide de suivre pour une durée donnée, même si c’est  pour quelques secondes. On appelle ça le libre arbitre, je crois.  Le choix. Ou le consentement éclairé.

 

La confiance

 

Lorsque je décide de monter dans un bus ou dans un métro, c’est parce-que je fais confiance à la conductrice et au conducteur comme à la société qui l’emploie. Bien-sûr, je ne connais ni l’un ni l’autre et serais incapable de dire leur nom comme de dire à quoi ils ressemblent physiquement et où ils habitent.

Mais c’est néanmoins une des réussites accomplies par l’être humain : pouvoir obtenir certains services bien pratiques, moyennant finances ou non, en se rapprochant d’inconnus dont, spontanément, il y a plusieurs générations, il aurait mieux valu d’abord se méfier afin de s’assurer au préalable de leurs réelles intentions.

 

Si je me rends dans un hôpital, dans une administration, dans une école ou dans une association, c’est pareil. Idem pour un club de sport et pour les manifestations qu’il organise et auxquelles je décide de participer. A priori, les personnes qui y oeuvrent veulent mon bien. Et sont compétentes.

 

Bien-sûr, nous savons tous au quotidien qu’il nous arrive de connaître des déconvenues et des contrariétés. Et nous savons aussi que tout dépend de l’orientation de l’institution, de l’association – et beaucoup des personnes qui la dirigent- à laquelle nous nous en remettons.

 

 Mais le principe est qu’il nous est possible dans un certain nombre de cas de figures de vivre en «société » et de nous sentir en sécurité même lorsque nous sortons de chez nous. Ce qui est plutôt une avancée.

 

Ça, c’est une partie du puzzle. L’autre partie du puzzle est faite de dogmes et d’obéissances absolues. Lorsque l’on parle de fanatisme, religieux, politique, économique ou autre, il existe au moins deux écueils. Celles et ceux qui s’identifient à ce fanatisme, le justifient et en sont fiers car ils sont persuadés qu’ils « savent ce qu’ils font ! ». Et rien ni personne a priori ne les fera changer d’avis. Ou alors, il faut avoir la personnalité d’un Daryl Davis ( auteur de Klan-Destine relationships ) peut-être. Ce qui est hors du commun.   

 

Et puis, il y a les fanatiques potentiels qui s’ignorent et que l’on ignore. D’une part parce qu’eux mêmes ne savent pas de quoi ils sont capables dans certaines circonstances. Mais aussi parce-que le fanatisme, pour être « détecté », nécessite certaines capacités d’écoute et d’observation. Ou certains moyens humains et logistiques. Des moyens sans doute surhumains faits aussi de psychologie, de patience, d’intuition voire, quasiment, de dons de « voyance ».

 

 

La Peur

 

Faut-il avoir peur ? On choisit rarement ses peurs ou d’avoir peur. On a peur ou on n’a pas peur. On réussit à surmonter ses peurs ou non. Mais pour qu’un dogme s’impose et rende « servile », il a besoin d’instaurer la peur ne serait-ce que machinalement. Instinctivement.

Avoir peur, prendre peur, n’écouter que sa peur, vivre de sa peur et dans la peur, c’est donc, à un moment ou à un autre, se soumettre à une institution, à un ordre ou à quelqu’un même lorsque celle-ci ou celui-ci est absent, inactif ou défaillant. C’est donc perdre notre libre arbitre ou notre consentement éclairé.  C’est devenir la chose, le « membre » ou l’extension fidèle, loyal ou zélé d’une institution, d’un ordre, d’une pensée. On croit peut-être être libre et savoir exactement ce que l’on fait. On sauve sûrement sa peau- et son âme- ou on a peut-être le sentiment de les sauver. Mais, en contrepartie, c’est quelqu’un d’autre ou quelque chose d’autre supposé nous « protéger » et nous « guider » qui pense pour nous. On est comme sous hypnose. Une autohypnose consentie.

 

 

La Matrice

 

 

Et les réelles intentions de cette institution ou de cet autre qui pense pour nous nous sont inconnues. Les intentions de Google, de Facebook, d’Amazon ou D’Apple, par exemple, je ne les connais pas vraiment à part d’établir et de maintenir une sorte de monopole.

Je n’ai jamais rencontré leurs dirigeants. Je ne connais pas ces personnes. Je ne vis pas avec elles. Pourtant, tous les jours, Google, Facebook, Apple, Microsoft et Amazon ( des entreprises américaines) influent sur ma vie directement ou indirectement. Tous les jours, d’une façon ou d’une autre, je contribue à leur richesse et à leur puissance. Puisque j’ai du mal à m’en passer comme une majorité de personnes. Je suis incapable de savoir aujourd’hui si je suis encore suffisamment en  bonne santé si je décide de vivre sans ces entités. Mais je sais que passer par Google, Facebook, Microsoft, Apple ou Amazon fait désormais- et pour l’instant- partie d’une  normalité.

 

Je repense de temps à autre au film Matrix des ex-frères Wachowski, film transgenres. Les deux réalisateurs ont changé de genre pour devenir femmes. Comme pour essayer de mieux échapper à un certain conditionnement.

 

C’est pareil pour certaines décisions politiques. Il s’y trouve un certain mélange des genres. Pourtant, même si je suis hébété et distancé, je ne peux me passer de continuer d’assister à certaines démonstrations politiques.  

 

C’est encore pire lorsque je regarde un certain fanatisme religieux. Décapiter à Conflans Ste-Honorine un professeur ( Samuel Paty) qui parlait de Charlie Hebdo  à ses élèves, ça fait très peur. J’ai travaillé à Conflans Ste Honorine il y a quelques années. Je connais un peu cette ville. Une de mes Ex y a habité ou y habite encore. A Conflans Ste Honorine, j’avais aussi vu John Mc Laughlin en concert. C’était une toute autre ambiance que cette décapitation et cet attentat. Le soir de ce concert de John Mc Laughlin à Conflans Ste-Honorine, comme tous les autres spectateurs après le concert, j’étais reparti avec ma tête. Et j’espère l’avoir encore bien avec moi alors que j’écris cet article. 

 

 

Harry Potter

 

J’ai appris la nouvelle par une collègue vendredi soir (avant hier) au travail. Elle s’inquiétait du fait que les jeunes hospitalisés dans notre service soient effrayés par la nouvelle. Nous avons « rassuré » cette collègue :

 

Les jeunes n’en n’avaient pas entendu parler. Ils étaient plutôt concentrés sur le fait de  revoir un dvd de Harry Potter, un film où l’on parle aussi de fanatisme. Mais où des enfants, puis des adolescents, les héros, en murissant, en se rappelant certains souvenirs, en remportant certaines épreuves, en souffrant aussi, et en s’entraidant, parviennent finalement à tuer le Mal absolu incarné par un adulte : « celui que l’on ne nomme pas ».

 

Plusieurs fois, déjà, j’ai exprimé mon étonnement devant le rôle des adultes dans Harry Potter :

Ces mômes sont confiés, par leurs parents, à une école hautement réputée sans doute privée – et secrète- de sorcellerie. Or,  bien que ces mômes soient sous la surveillance et la protection d’adultes formés et puissants, ils sont régulièrement exposés au danger et à la mort. Je trouve donc les parents de ces mômes soit très crédules soit irresponsables et suicidaires. A la limite du signalement. Quant aux professeurs, aussi charismatiques soient-ils, plus d’une fois, selon moi, ils devraient au minimum passer devant une commission de discipline pour manquement à leurs devoirs de protection.

 

Mais, chaque fois que j’ai abordé ce sujet, on m’a écouté avec indulgence. Comme si le principal était ailleurs. Comme si on en savait beaucoup plus que moi.  Harry Potter me laisse donc perplexe au moins pour cette raison. Même si je peux avoir plaisir à regarder certains épisodes. Le Prisonnier d’Azkaban- réalisé (en 2004) par Alfonso Cuaron plusieurs années avant Gravity– est pour l’instant mon préféré parmi ceux que j’ai pu voir. Je me rappelle avoir vu le premier volet à sa sortie au cinéma, Harry Potter à l’école des sorciers, en 2001. Si j’avais plutôt bien aimé regarder le film, à aucun moment, je n’avais envisagé qu’il y aurait d’autres films après celui-là et qu’ils deviendraient- comme l’œuvre littéraire originelle- le phénomène mondial qu’ils sont devenus. Encore aujourd’hui, j’ai du mal à retenir le nom de l’auteure de Harry Potter alors que je la sais mondialement connue.

 

Lors des « attentats du bataclan » et du « Stade de France » en novembre 2015, j’étais également au travail. Et, là encore, les jeunes hospitalisés dans le service ce soir-là avaient baigné dans le «fantastique » mais d’une autre façon :

Nous avions écouté un conte avec eux, en avions discuté, avant qu’ils n’aillent tranquillement se coucher. Puis, tandis qu’ils dormaient, mes deux collègues et moi avions appris les « nouvelles ».

 

 

 

La violence, notre addiction favorite

 

 

Que l’on parle de Harry Potter ou de contes (je propose des contes du monde entier : Sénégal, Mali, Tunisie, Tahiti, Nouvelle Orléans, Brésil, Japon, Bretagne….). Ou que l’on parle de pandémie du Covid-19; du couvre-feu décidé récemment par le gouvernement Macron-Castex pour répondre à la reprise de la pandémie du Covid; de la montée des eaux -qui semble s’inspirer de la montée des extrémismes religieux, politiques et économiques- du réchauffement climatique ; de la pollution atmosphérique ; des élections présidentielles américaines Trump-Biden ; de l’emprise croissante des réseaux sociaux et des GAFAM ; des crimes racistes ; des guerres en série ou d’autres tragédies, j’ai l’impression que nous sommes beaucoup de grands enfants qui assistons à un spectacle très violent qui nous dépasse. Spectacle qui explose devant nos yeux en emportant parfois nos bras ou l’une de nos connaissances.

Parce que la violence, sous toutes ses formes, est devenue notre addiction favorite.

 

 

Les Adultes face à leur enfance

 

 

Je ne sais pas où sont les adultes. Ce qu’ils font et ce qu’ils attendent pour remettre de l’ordre et de l’autorité dans tout ça. Peut-être parce-que c’est encore trop tôt. Peut-être parce-que, comme n’importe quel gamin, je reste déconnecté du lourd travail que réalisent quantité d’adultes. Et que ce travail, s’il se fait devant moi-  voire, même si j’y prends aussi ma part – avec d’autres dans un champ invisible, tous les jours,  est abstrait. Lent. Et cela me donne peut-être l’impression de servir à rien.  

Peut-être, aussi, que certaines personnes ignorent encore à quel point elles sont et peuvent être adultes en certaines circonstances. Face au danger et à la mort. 

Beaucoup d’adultes restent des enfants qui, lorsqu’ils ont peur, se cachent sous une couverture. Cependant, la peur peut pousser vers deux extrêmes : la paralysie ou l’attaque.

Donc, tout commence souvent par la façon dont on traite l’enfance. Que ce soit la nôtre, celle de notre descendance mais aussi celle des autres. Ainsi que par la façon dont, en tant qu’adultes, on se comporte et on s’exprime devant cette enfance et par rapport à elle. Par la façon dont on lui apprend à regarder la vie, le monde et les autres. C’est toujours la même Histoire qui se répète et que l’être humain semble avoir beaucoup de mal à retenir, à connaître et à comprendre, si pressé de grandir et d’exposer ses certitudes pour se faire admirer qu’il reste petit. 

 

 

Franck Unimon, ce dimanche 18 octobre 2020.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Cinéma

Rouge-un film de Farid Bentoumi

Rouge est sorti en salles ce 11 aout 2021. Voici ci-dessous, ce que j’écrivais à son propos le 16 octobre 2020 ).  

 

Croire à la perfection, c’est vouloir opérer et boucler le Temps. Telle la gendarme de son Histoire, Nour (l’actrice Zita Hanrot) obéit à un devoir de perfection. Infirmière, elle voudrait agir sur le Temps et l’opérer. Mais le Temps se porte très bien. Il n’est pas malade. D’ailleurs, c’est lui qui nous brancarde. Le service d’urgences où Nour ( « Lumière » en Arabe) se déballe au début de Rouge ressemble à un dédale où l’on s’éloigne du jour. Plus qu’à un endroit où l’on soigne.

 

« Quel que soit ce à quoi une personne pense et réfléchit fréquemment, cela devient la tendance naturelle de son esprit » (extrait d’un des passages de la littérature pali cité par le Dr Judson Brewer dans son livre Le Craving).

 

 

A part pour reconstituer – plus tard- les faits au cours desquels la patiente qu’elle brancardait a perdu la vie, Nour ne parle pas de ses pensées. Mais peut-être essaie-t’elle d’y verbaliser le Temps. Cependant, elle a quitté l’hôpital et les urgences pour un poste d’infirmière dans l’entreprise où son père Slimane ( l’acteur Sami Bouajila) travaille depuis 29 ans.

 

Nour connaît cette entreprise depuis son enfance. Son beau-frère (l’acteur Henri-Noël Tabary que l’on pourra aussi voir dans ADN de Maïwenn qui sort ce 28 octobre 2020) y tient un poste de cadre proche du grand patron ( l’acteur Olivier Gourmet).

 

Cette entreprise est celle des retrouvailles en même temps que celle qui accueille les évolutions sociales de la famille de Nour. Seule manque la mère, décédée quelques années plus tôt, à laquelle il est un peu fait allusion.

 

Nour ( Zita Hanrot) face à son père Slimane ( Sami Bouajila)

Lorsqu’elle revient dans la région et dans l’entreprise, la petite Nour a bien grandi. Slimane, son père, aussi. Au sein de l’entreprise, Slimane est devenu un meneur et un représentant syndical. Cela nous change de l’imagerie de l’immigré ou du Français d’origine immigrée soumis et incapable de s’exprimer. Ou obligé de faire rire pour s’intégrer.

 

Mais la joie de cette famille à nouveau réunie est si évidente que l’on devine qu’elle va sauter.

 

«  Si nous avons un biais subjectif, si nous voyons le monde tel que nous voudrions qu’il soit, ces simulations ne fonctionnent pas si bien. Elles s’efforcent de parvenir à la « bonne solution » ou du moins à celles qui coïncident avec notre vision du Monde » nous explique encore le Dr Judson Brewer toujours dans son ouvrage Le Craving. Livre dans lequel il prône beaucoup la pratique de la méditation et de la pleine conscience.

 

Dans la famille de Nour, comme ailleurs, on est assez peu porté sur la méditation et la pleine conscience. A la rigueur, on veut bien prendre un thé ou un café et discuter ou se disputer. Mais on est plutôt doté pour l’action. Et l’on est aussi assez idéaliste. Le film Rouge, c’est au moins la rencontre de trois idéalistes :

 

Le syndicaliste (Sami Bouajila) ; L’infirmière, sa fille ( Zita Hanrot) ; La journaliste (Céline Sallette).

 

La journaliste indépendante ( Céline Sallette)

 

Chacun de ces trois idéalistes- comme tout idéaliste- essaie de se persuader de son indépendance et de sa lucidité et s’accroche à son biais subjectif. Mais les « autres » antagonistes, aussi. La sœur de Nour, son mari (Henri-Noël Tabary) et le patron (Olivier Gourmet) ont le cœur plus matérialiste ou plus cynique. Et le père de l’enfant de la journaliste (Céline Salette)  est de son côté plus porté sur l’activisme.

 

 

Rouge raconte au moins que certaines fonctions et certaines institutions vigilantes et vitales ont perdu de leur aura ou n’ont pas la considération qu’elles devraient avoir en matière de santé publique dans notre société. On en a malheureusement une illustration récente plus que concrète avec la pandémie du covid-19 : les diverses manifestations des soignants depuis une trentaine d’années en France pour protester contre la dégradation de leurs conditions de travail faisaient déja état d’une pénurie de moyens et de personnels. Mais priorité a été donnée à la rentabilité….

 

Je ne suis pas sûr que l’acteur Sami Bouajila ait beaucoup joué des rôles de père face à une femme certes jeune mais d’âge mûr. Mais ses face à face avec Zita Hanrot font des étincelles. Etonnamment, cela se reproduit moins entre l’actrice Céline Sallette et lui. L’acteur Olivier Gourmet, quant à lui, mate son jeu avec sa précision de montre suisse habituelle. Sans rien montrer de nouveau mais avec tout ce qu’il faut.

L’acteur Olivier Gourmet.

 

Le film a quelques ratés. Mais son sujet est ambitieux et a de quoi ouvrir les yeux.

 

Rouge sortira au cinéma le 25 novembre 2020.

 

Franck Unimon, ce vendredi 16 octobre 2020. 

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Musique

Hate This Pain un titre de Tricky

 

                                         Hate This Pain un titre de Tricky

 

 

 

Certaines personnes diront mon cœur. Mais ça ne serait pas plutôt un train ou un ascenseur ?

Une voix, c’est du sable. Tout à coup, il se met à pleuvoir.  Et l’on est face à soi. Et l’on tient à tout ce que l’on voit même si c’est un embrun.

 

Une âme ne court pas les trains. Elle est faite avec le grain de milliards de souvenirs. Aucune vie ne peut tous les retenir. Le sable est partout. Physique du deuil, il est cette douleur et cette bouche que l’on touche. Que l’on écoute.

 

Tricky a perdu sa fille. Il en parle dans son album Fall To Pieces. Quand je l’ai appris, je me suis dit que je ne voulais pas entendre ça. Que j’aurais l’impression d’être un voyeur.

Puis, je me suis fait offrir cet album pour mon anniversaire par une femme que je connais. Les titres sont assez courts.

L’album couvre 29 minutes. Tricky  y « chante » à peine. Il laisse deux femmes chanter la plupart de ses textes :

Marta Zlakowska et Oh Land.

 

Tricky a toujours cette voix de celui qui tente de muer et de se déterrer son corps. Je l’ai aperçu une seule fois sur scène. Au 104. J’avais été étonné de voir à quel point  il cherchait à passer incognito. Alors qu’il était seul sur scène. Et, nous, nous étions nombreux à être venus pour lui.

 

La musique de son album Fall to Pieces est incroyablement douce. A la limite du supportable. Sans doute que la colère ne lui sert plus à rien. Alors, on crie pour lui.

 

 

Franck Unimon, ce lundi 5 octobre 2020.

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Cinéma

ADN-un film de Maïwenn au cinema le 28 octobre 2020

 

                                                           

                                                            

 

 

 

«  Je t’ai pris quantité de livres sur les Arabes…. ».

 

 

Si la mémoire est un regard, dans ADN, celui de la réalisatrice, actrice et coscénariste Maïwenn ( avec Mathieu Demy) descend dans la Seine près de Notre Dame, se reprend à Marseille et remonte jusqu’à l’Algérie et au-delà.

 

Ce regard passe d’abord beaucoup par le regard perdu du grand-père maternel Emir Fellah (l’acteur Omar Marwan) ainsi que par celui, désenchanté, d’un de ses jeunes petits fils, Kevin (l’acteur Dylan Robert, né à Marseille, acteur principal du film Shéhérazade de Jean-Bernard Marlin qui l’a fait connaître en 2018).

 

Kevin est de cette jeunesse qui rêve de Rap, de gros son, d’oseille, de joints, d’affection immédiate  et qui entretient une relation passionnelle avec sa famille, sa ville ou son quartier. Et, sa ville, c’est Marseille.

 

Emir Fellah, le grand-père, est un ancien moudjahidine qui cachait des armes dans les cartables de ses enfants pendant la Guerre d’Algérie. Ensuite, il est venu vivre en France, et est devenu un grand admirateur d’Alain Delon…et de Ségolène Royal. Ou d’Hélène Melon et d’Alain Royal.

 

On découvre Emir Fellah dans une EHPAD, immergé dans la maladie d’Alzheimer, et néanmoins très entouré par ses filles et ses petits enfants dont Neige (Maïwenn qui s’est inspirée de son propre grand-père). Pourtant, autour de lui, bougie et salive fragile, la famille se tient dans cet EHPAD qui nous entretient dès le début du film. Ce qui tranche avec la solitude habituelle qui « irradie » celles et ceux qui sont porteurs d’une maladie lourde et invalidante. Somatique et/ou psychiatrique.

 

Néanmoins, comme assez souvent dans le cinéma de Maïwenn, la paroi entre ce que l’on voit et ce que l’on vit est viscérale, perméable. Et très fine. Sa précision de diamantaire perce son film à travers  le documentaire, la vie personnelle que l’on préfèrerait laisser au repos et le paravent, ultime, de la fiction.

 

Alors, on se ramasse un peu au début du film. D’autant que c’était le jour de mon anniversaire lorsque j’ai vu ADN et que je suis soignant avant d’être devenu parallèlement d’abord journaliste cinéma puis blogueur.  

 

Je n’étais pas venu pour me faire acculer.

 

Or,  je « savais » que partie comme elle était partie dans son film, la « fantassine » Maïwenn n’allait pas laisser son sujet au dépôt. Et encore moins le lisser.

Je lis le moins possible sur le sujet de la plupart des films que je vais voir. Et j’ai aimé jusqu’alors tous ses films que j’ai pu voir auparavant au cinéma (Pardonnez-moi (2006), Le Bal des actrices ( 2009) Polisse -2011-).  

 

Les pages de pub étant déjà passées ainsi que la visite aux toilettes, il ne restait plus qu’à rester « dans » l’EHPAD où commence le film, notre masque chirurgical anti-covid sur le visage avec, peut-être, un peu de buée pour compagnie sur nos lunettes de vue.  

De gauche à droite : Caroline Chaniolleau ( Françoise); Henri-Noël Tabary ( Matteo); Fanny Ardant ( Caroline); Florent Lacger ( Ali); Louis Garrel ( François); Maïwenn ( Neige)

 

Regarder un film, c’est venir de sa propre mémoire pour aller vers une autre mémoire, fut-elle transformée. J’ai encore du mal à comprendre la raison pour laquelle, depuis quelques temps, l’Histoire de l’Algérie, ente 1954 et 1962, me parle autant. Un jour, j’irai peut-être en Algérie.

 

 

L’Emir Fellah (le grand-père maternel interprété par Omar Marwan) ne parle plus au début d’ADN. Et ses congénères de l’EHPAD vivent aussi dans un autre temps ainsi qu’avec une élocution et une pensée différentes de la nôtre pour tout bagage.

 

L’Algérie dont on parle dans ADN, c’est le paradis perdu. Le rêve qui a été quitté mais aussi trahi. A la fin du film, on apercevra une image ou deux d’Abane Ramdane, un des héros de la résistance algérienne assassiné par ses « frères » de mémoire et du FLN. Avant mais aussi après la Libération de l’Algérie. Assassinat ( Ramdane était pour une Algérie plutôt laïque, démocratique, avec une parité entre la femme et l’homme) qui symbolise à lui seul plusieurs de ces défaites qui secrètent encore l’Algérie d’aujourd’hui en 2020. Malgré la victoire sur l’armée française en 1962.

 

Si ADN parle de filiation, d’immigration, du fait d’être français, la famille que le film montre à travers trois générations est composite. Comme la famille d’acteurs sélectionnée cette fois par  Maïwenn. De Fanny Ardant à Dylan Robert, en passant par Louis Garrel et Henri-Noël Tabary (que l’on reverra dans Rouge de Farid Bentoumi qui sortira le 25 novembre), Alain Françon ou les autres, on croise aussi bien le cinéma de François Truffaut que celui de réalisateurs actuels ou à venir.

Bien que l’Algérie et la France se soient séparées, plutôt que de continuer d’inhaler les mêmes amertumes et de porter la coutume militaire, ADN se veut une œuvre de deuil, d’hommage et d’espoir. On y parle donc aussi de ce que ces deux cultures ont de meilleur et ont pu s’apporter :

 

Kateb Yacine, Idir, Romain Gary ( son œuvre Le Caméléon). Cela fait certes plus de morts que de vivants. C’est là où la distribution- où la fédération- d’acteurs qui entoure Maïwenn   est aussi faite d’air et fait raï(l) dans cette ambiance qui peut rappeler Ceux qui m’aiment prendront le train de Patrice Chéreau ( 1998).

 

D’ailleurs, histoire de parler un peu de l’ADN du film, lui-même, il m’a fallu le voir pour apercevoir une gémellité entre Maïwenn et Isabelle Adjani, Valéria Bruni-Tedeschi, Béatrice Dalle….Amy Winehouse ( une autre défunte). Mais aussi avec « la » Jean Grey qui incarne Phénix dans les comics. Ou Julie Delpy. Oserais-je écrire : ainsi qu’avec Catherine Breillat ?

Et peut-être devrais-je ajouter une partie de l’énergie du film Incendies de Denis Villeneuve (2010).

En regardant ADN,  en musique, j’ai d’abord « entendu » le titre All Neons Like de BJörk . Tant les néons des émotions éclairaient le film. Puis Hate This Pain du dernier album de Tricky ( Fall To Pieces) a pris le relais. ( Hate This Pain un titre de Tricky).

 

Je sais bien que chaque artiste tient à sa particularité mais il faut bien que je parle à un moment donné de ce qui m’a tapé dans la pensée, buée ou non. Il en est ainsi de la silhouette réelle ou suggérée de Jacques Audiard dans ADN.  

 

Au centre, Fanny Ardant ( Caroline), derrière elle, Caroline Chaniolleau ( Françoise), à droite, Henri-Noël Tabary ( Matteo).

 

On pourrait croire que je retire à Maïwenn toute aptitude propre. Ce serait une grosse erreur. Lorsque l’on a un certain héritage, il faut ensuite savoir le promouvoir. Ce que Maïwenn réussit très bien.

A mesure que l’érosion apparaît au sein de cette famille unie, le Savoir-faire de Maïwenn en tant que réalisatrice, actrice et coscénariste surgit. J’ai été plusieurs fois marqué par ses dons de caméléon : pour son aisance en tant qu’actrice qui est également la réalisatrice.

 

Si son regard tombe un moment dans la Seine et qu’elle amorce- évidemment- une descente dans la dépression, son regard dit aussi ce qu’il doit à ses ascendants. Son « explication » avec sa mère Caroline (jouée par Fanny Ardant) est mon sommet préféré dans le film. Dans les bonus du dvd du film  Haute Tension, réalisé par Alexandre Aja en 2003, Maïwenn expliquait qu’elle n’avait aucun problème pour pleurer face à une caméra.

Dans ADN, elle sait très bien manier les moments de tension. Nous faire rire par exemple lorsque l’on pourrait pleurer ou déprimer. La scène d’hommages au grand-père m’a ainsi beaucoup fait rire tant la réalisatrice maitrise ses très grands pouvoirs d’humour et de dérision.

Maïwenn ( Neige) et Marine Vacth ( Lilah).

 

 

Elle m’a aussi fait découvrir que l’acteur Louis Garrel pouvait être très drôle. J’ai aussi aimé le tandem de sœurs amiantées qu’elle forme avec Marine Vacth (Lilah, dans le film). Tandem que j’aurais aimé voir encore plus développé. Le père de Neige, Pierre, campé par Alain Françon, est succulent à voir jouer. Et cela nous  donne un petit raccord avec Pardonnez-moi, quatorze ans plus tard. Sauf que dans ADN, l’attention est peut-être plus présente que l’agitation.

 

Dans Pardonnez-moi, il s’agissait de survivre. Dans ADN, il s’agit plutôt de réussir à transmettre un sourire. Ce qui est un sacré tour de force après ce film qui est le contraire d’une farce.

 

ADN sortira au cinéma le 28 octobre 2020.

 

Franck Unimon, ce lundi 5 octobre 2020.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Argenteuil Corona Circus Echos Statiques

Ce n’est pas comme ça que ça marche !

 

                                       Ce n’est pas comme ça que ça marche !

« Ce n’est pas comme ça que ça marche ! ». Sur ma droite, un homme d’une trentaine d’années vient d’affirmer cette décision devant un employé de la poste. Celui-ci, son masque de protection anti-Covid sur le visage, porte des lunettes de correction comme moi. Il a environ la quarantaine, a le crâne et le visage un peu gris et dégarnis. C’est la première fois que je le vois dans cette agence de la poste. Il y a bientôt un an, maintenant, cette agence de la poste a ouvert dans le centre commercial Côté Seine d’Argenteuil. Auparavant, il y avait deux agences de la poste dans le centre ville d’Argenteuil. Une a fermé et ses locaux peuvent être loués. Pour l’instant, personne ou aucune société ne s’est montrée intéressée. L’autre agence est désormais dédiée aux rencontres avec des conseillers et n’est accessible que sur rendez-vous.

 

 Il a été décidé d’ouvrir une seule agence commerciale de la poste ( ou La Banque Postale, si l’on préfère) à Côté Seine qui compte déjà un certain nombre d’enseignes commerciales :

 

Cela va du supermarché Géant en passant par Okaïdi, Action, Gifi ( ouvert récemment), Courir, Du Pareil au même ainsi qu’une pharmacie et d’autres enseignes. Il y a bien eu un H&M où je ne suis jamais allé. Mais il a fermé. «  Trop de vols ! » m’a appris un Argenteuillais dont la famille habite dans la ville depuis au moins trois générations. Un Argenteuillais bien renseigné.

 

Je n’ai jamais aimé ce centre commercial, Côté Seine, qui, selon le reportage d’une journaliste de Télérama serait Le lieu d’attraction pour beaucoup de jeunes d’Argenteuil. Côté Seine serait selon cette journaliste un petit peu l’équivalent des Quatre Temps de la Défense pour moi, lors de leur ouverture, dans les années 80 quand j’étais ado.

 

Je conteste cette vision de la ville d’Argenteuil, une ville où je suis venu vivre il y a 13 ans.  Argenteuil  compte selon moi bien d’autres atouts que ce centre commercial.

Je vois aussi des jeunes studieux dans la médiathèque d’Argenteuil. Ainsi qu’au conservatoire. Un conservatoire départemental qui attire des jeunes d’autres villes plus « favorisées ». Encore récemment, il y a trois jours, je suis allé saluer mon ancienne prof de théâtre du conservatoire. Elle faisait passer des auditions. Et un comédien avait commencé à interpréter un passage de Richard III. En repartant, après avoir, comme le veut la tradition entre comédiens, dit « merde » et présenté mes excuses à l’interprète de Richard III, j’ai aussi croisé deux personnes qui venaient de St Denis. Assises, ces deux personnes ( une fille et un garçon qui semblaient se connaître) avaient déjà passé leur audition. 

Je sais aussi que des personnes résidant à Paris, Enghien ou Courbevoie, de quartiers et des villes mieux réputées qu’Argenteuil, ont pu venir prendre des cours au conservatoire d’Argenteuil.

 

Ce mardi, l’humoriste Haroun, est aussi venu donner un spectacle au centre culturel Le Figuier Blanc. J’y étais. Et, il y a quelques jours, mon ancienne de prof de cours de théâtre du conservatoire, Michelle Brûlé et le musicien Claude Barthélémy, avec lequel j’ai eu l’occasion de travailler en tant que comédien il y a quelques années, ont rendu un hommage à Janis Joplin et à Jimi Hendrix à la Cave Dimière d’Argenteuil. Je n’ai malheureusement pas pu y aller.

 

 

C’est donc dire que Côté Seine est loin, très très loin, d’être un des seuls attraits d’Argenteuil.

 

Mais il est vrai que ce centre commercial a un certain succès même si on y croise beaucoup moins de monde qu’aux Quatre Temps de la Défense. Il est aussi plus petit et situé dans une ville moins attractive que la Défense. Et, lorsque j’ai appris que l’antenne commerciale de la Poste allait être ouverte à Côté Seine, j’ai trouvé ça « malin » pour l’attractivité de cet espace comme pour l’accessibilité. Car Côté Seine dispose de parking sous-terrain pour sa clientèle. Ce centre commercial est aussi placé à cinq minutes à pied de la gare d’Argenteuil. Laquelle, je le rappelle (car c’est aussi un des autres très gros atouts de la ville) se trouve à 11 minutes de la gare St Lazare par train direct. Et à 17 minutes par un train omnibus. Lors des grèves de transport ou lors de la diminution du trafic pendant le confinement dû au Covid du mois de mars au mois de Mai, pour moi, vivre en banlieue dans la ville d’Argenteuil a plutôt aidé. J’ai des éléments de comparaison :

J’ai vécu une vingtaine d’années auparavant à Cergy-Pontoise. Et cela m’aurait été beaucoup plus difficile de me rendre au travail à  Paris, comme je l’ai  fait, durant la pandémie, par les transports en commun, bus inclus. D’ailleurs, lorsque je vivais à Cergy-Pontoise, je travaillais dans les environs. Je me rendais à Paris uniquement pour mes loisirs.

 

J’ai une certaine expérience de la vie en banlieue parisienne. Je n’ai même que cette expérience de vie depuis ma naissance. Je parle d’une certaine partie de la banlieue. Je suis très loin de connaître toute la banlieue parisienne. Et puis, la vie dans certaines villes de banlieue a plus changé que dans d’autres villes de banlieue depuis mon enfance.

 

Mais, ce matin, à la poste du centre commercial Côté Seine, cet homme trentenaire sur ma droite, lui,  semble avoir une très grande expérience des courriers en recommandé. Alors, lorsque l’employé de la poste qui me fait face et s’occupe de moi lui répond qu’il doit d’abord faire la queue comme tout le monde, l’homme « recommandé » riposte :

 

«  Ce n’est pas comme ça que ça marche ! ».  Et, il explique que pour envoyer un courrier en recommandé, on n’est pas obligé de faire la queue ! Alors, l’employé de la poste lui répond qu’en période de Covid, si ! C’est à lui qu’il revient de faire entrer les gens dans la poste. Et, pour l’exemple, il montre les personnes qui, derrière moi, et comme moi, ont fait et font la queue.

 

Je peux comprendre cet homme pressé. Pour avoir attendu l’ouverture de cette agence de la poste une ou deux fois, à 9 heures du matin, il peut y avoir beaucoup de monde présent. C’était déjà comme ça avec les deux bureaux de poste précédents. Là, à Côté Seine, c’est sûrement pire. Vingt  à trente minutes avant l’horaire d’ouverture, il est courant qu’il y ait foule. Alors, lorsqu’il y a moins de monde, comme c’est le cas ce matin  (vers 11 heures du matin), on n’a qu’une envie : faire ce que l’on a à faire. Sans traîner. Surtout que l’on a su nous « éduquer » pour réaliser un certain nombre de nos formalités, ou opérations, en nous adressant à des automates.  Formalités et opérations, qui, il y a dix ou vingt ans, nécessitaient le passage obligatoire par un guichet et par un être humain. Or, ce matin, un être humain, l’employé de la poste face à moi, est là pour faire barrage à un autre être humain. Et lui rappeler qu’il doit faire la queue comme tout le monde. Et attendre comme tout le monde. Même si la voie lui semble libre. Même s’il a toutes les compétences requises pour se servir tout seul de l’automate lui permettant d’affranchir son courrier pour un recommandé. Et, tout ça, à cause d’un virus:

 

Le Covid-19. Ou « la » Covid. Selon les sensibilités et les avis.

 

Mon attitude vis à vis de la pandémie a changé. Pendant quatre mois, grosso modo, j’ai été raisonnablement obsédé par le Covid. Du mois de mars jusqu’à la mi-juillet.

Parce-que, comme tout le monde, j’ai d’abord été matraqué moralement par la forte probabilité de la maladie et de la mort. Du fait des médias et de la forte « contagion émotionnelle » dont parle le Dr Judson Brewer dans son livre sur les addictions ( Le Craving). Lorsqu’il dit, par exemple, page 256 :

 

« Selon les spécialistes de sciences sociales, les émotions positives et négatives peuvent se transférer d’une personne vers les personnes voisines (c’est ce qu’on appelle la contagion émotionnelle). Si un individu manifestement de bonne humeur entre dans une pièce, les autres ont plus de chances de se sentir heureux, comme si cette émotion était contagieuse ».

 

Un peu plus tôt, toujours dans ce même livre, Judson Brewer, citant l’ouvrage de Skinner ( Walden 2), affirme, page 252 :

 

«  Il (Skinner dans son ouvrage Walden 2) souligne l’usage omniprésent de la propagande et d’autres tactiques pour canaliser les masses par la peur et l’excitation. Bien-sûr, ce sont là des exemples de renforcement positif et négatif. Quand une tactique fonctionne, elle a plus de chances d’être répétée. Par exemple, pas la peine d’aller chercher plus loin que la dernière élection présidentielle aux Etats-Unis pour voir comment un politicien exploite la peur (comportement) :

 

« Le pays est en danger ! Je rétablirai la sécurité ! ».

 

 En France, cela peut nous faire penser au titre du dernier livre de Nicolas Sarkozy, ex-Président de la République qui, visiblement, ne digère toujours pas, d’avoir raté sa réélection :

 

Le Temps des tempêtes.

 

Président de la République de 2007 à 2012, Nicolas Sarkozy ne m’a pas du tout marqué comme étant un Président de l’apaisement. Et, en 2020, il (nous) sort néanmoins un livre qui annonce le pire. Comme s’il regrettait presque de ne pas avoir assez accentué le déjà pire. Il y a presque chez lui comme une sorte de refuge mélancolique dans sa façon de refuser l’échec de sa réélection. C’est une séparation d’avec le Pouvoir dont il ne se remet pas. Alors, à défaut, il reste dans les parages car sa capacité de nuisance et son poste d’observation restent meilleurs que celui d’autres acteurs de la vie politique.

Si certains auraient voulu être un artiste, lui, aurait peut-être voulu être Poutine.

 

 

L’humoriste Haroun au centre culturel Le Figuier Blanc

 

 

 

Dans son spectacle donné ce mardi au Figuier Blanc, l’humoriste Haroun a dit à peu près :

 

« Ce n’est pas qu’aujourd’hui, l’extrême droite (et ses idées racistes) soit pire qu’avant. C’est surtout que les autres partis se sont mis à son niveau ».

 

Le titre du livre d’un Nicolas Sarkozy ou les saillies livresques ou médiatiques d’autres Personnalités donnent malheureusement raison à Haroun. Lequel, toujours ce mardi, a pu dire, je le cite, car, cette fois-ci, j’ai pu noter :

«  Ce n’est pas le monde qui va mal. C’est qu’il y a trop de cons qui vont bien ! ».

 

Notre part de connerie et de folie

 

Tout le monde sera d’accord avec cette phrase. Même les plus cons. Car  le plus difficile, après avoir admis à l’unanimité cette théorie d’Haroun, reste à faire :

 

 Savoir définir à partir de quel dosage, notre part de connerie ou notre part de folie, souvent indétectable et imprévisible, mais également infinie, peut avoir – lorsqu’elle entre en jeu – des conséquences. Notre part de connerie et de folie est rétractile. Elle peut n’être que transitoire, elle peut passer sous tous les radars (policiers mais aussi sociaux). Et aussi nous échapper.

 

Le personnage de comics, Serval (dont Black Panther est finalement la version assouplie, consciente– Black Power- et éduquée) peut contrôler jusqu’à un certain point ses griffes d’Adamantium et son agressivité. Mais, au moins pour lui, les vrais méchants sont assez facilement identifiés et identifiables.

Pour nous, simples lecteurs et simples spectateurs de comics, de films pornos ou de romances télévisées,  dans notre vie de tous les jours, c’est plus difficile de faire le tri entre les fientes que nous avalons quotidiennement. Car elles nous sont toujours présentées de façon affriolante.

 

Pour notre amateur de recommandés, peut-être que cet employé de la poste a été un « con » ou un «  méchant ». Pour moi, qui ai dû revenir à la Poste, toujours pour mon histoire de téléphone portable commandé et payé – fin août- sur le site de Darty à un de ses « vendeurs partenaires », et jamais reçu (alors que la Poste et le vendeur « partenaire » m’affirment que je l’ai reçu il y a plus de trois semaines !) cet employé de la Poste m’a donné l’impression d’être un homme à qui l’on a dû dire :

 

«  Tu seras au cœur de l’action de notre entreprise. En première ligne. C’est un rôle très important. La qualité de ton contact relationnel avec notre clientèle est déterminante. Elle sera le gage de l’image de professionnalisme et d’efficacité de la Poste. C’est donc une fonction à forte valeur ajoutée que tu occuperas ».

 

Et, à la manière d’un gardien de Foot couvrant ses cages, on peut dire que notre employé de la Poste s’est impliqué ce matin pour être à la hauteur de sa fonction.

 

Me répétant, avec conviction, que la Poste ne met pas- « C’est illégal ! »- le tampon sur le formulaire de réclamation que me demande- en Anglais- maintenant le « vendeur partenaire », photo à l’appui. Afin d’être remboursé.

 

M’affirmant que je peux faire les démarches sur internet car cela sera plus rapide. Ou me parlant (à nouveau, comme sa collègue la semaine dernière) du 36 31. Un numéro que j’ai déjà fait et où tu passes un certain temps à attendre que l’on te réponde. Même lorsque tu réussis à avoir quelqu’un en ligne, cette personne a souvent besoin d’aller se renseigner et te mets à nouveau en attente. Tout ça pour te répondre que tu as d’autres démarches supplémentaires à effectuer. Et, si tu as un mauvais karma, il arrive aussi que tu appelles- bien sûr- lorsque tous les agents sont déjà en ligne ou occupés. Ou en pause déjeuner. Voire, peut-être, ce n’est pas indiqué :

En plein Burn-out,  en train de se suicider ou en entretien où on leur apprend qu’ils vont être licenciés car ils ont de mauvais résultats ou la boite, trop peu de bénéfices.

 

Autrement, il y a les démarches par courrier me dit aussi l’employé de la Poste avant de presque me menacer :

 

 «  Mais ça prend trois mois ! ».

 

Derrière moi, quelques personnes attendent. Le jeune homme du recommandé, pas content, est resté sur ma droite. Un autre agent de la poste, essaie maintenant de le convaincre, mais cette fois, en Arabe, d’aller faire la queue. Ce qui n’a pas l’air de beaucoup marcher.

 

 

Nos plus grands accomplissements

 

Quant à moi, je comprends que mes démarches sont loin d’être terminées. Je n’ai pas vraiment compris quelle formule magique, ou plutôt quelle démarche, je dois suivre pour obtenir le remboursement et ainsi être délivré de cette entreprise, qui, parmi tant d’autres, nous prend beaucoup plus de temps et d’énergie que cela ne le devrait. Par contre, compensation, en insistant, je réussis à obtenir un nouveau formulaire de réclamation, en expliquant que j’ai « mal rempli » le précédent. Voici ce qui fait partie de nos plus grands accomplissements :

 

Réussir à boucler une démarche administrative. Obtenir un formulaire.

 

 

Je repars donc avec un nouveau formulaire. D’ailleurs, une fois que j’ai eu ce formulaire dans la main, je me suis senti mieux. Un formulaire, dans la main, c’est aussi bien que de prendre un bon anxiolytique. Après ça, j’ai été véritablement disposé pour écouter ce que l’employé me préconisait pour mes démarches. Puis, pour accepter ce qui était sa réponse depuis le début :  

 

« Ce n’est pas nous ! Allez voir ailleurs ! ».

 

Ce n’est pas nous ! Allez voir ailleurs !

 

Nous vivons beaucoup dans une époque de «  Ce n’est pas nous ! Allez voir ailleurs ! ».

Sur la chaine Cnews, ce matin, lors de ma séance kiné, j’ai de nouveau reçu la « bonne » parole du journaliste Pascal Praud. Il y a quelques jours, j’avais été étonné de voir apparaître la DRH de Charlie Hebdo à l’écran. C’était pour expliquer qu’elle avait été exfiltrée de son domicile par ses agents de protection en raison de menaces. A la suite, sans doute, de l’attentat récent près des anciens locaux de Charlie Hebdo.

Cela faisait drôle d’entendre Pascal Praud assurer la DRH de Charlie Hebdo de sa solidarité. Comme de l’entendre répéter après elle, un peu comme un écolier :

 

« Les musulmans sont les premières victimes…. » (de l’intégrisme islamiste).

 

Pascal Praud peut donc chérir les pensées d’un Eric Zemmour et penser tout à la fois que «  les musulmans sont les premières victimes » (de l’intégrisme islamiste). C’était assez irréel. Et d’assister à ça comme de voir et d’entendre la DRH de Charlie Hebdo « parler » avec Pascal Praud.

 

Ce matin, Pascal Praud, sur Cnews, a cité De Gaulle :

 

«  Des chercheurs qui cherchent, on en trouve. Des chercheurs qui trouvent, on en cherche ! ».

 

Je me suis dit que le modèle idéalisé de la France de Pascal Praud, c’est vraiment la France du passé. D’une France qu’on lui a raconté. Et avec laquelle, en 2020, il essaie de nous capter. J’aime l’Histoire et je crois beaucoup que nous avons à en apprendre. Mais, pour cela, cela commence par apprendre à écouter les autres. Je ne suis pas sûr que Pascal Praud sache tant que ça écouter les autres. Il prend peut-être un certain plaisir dans son attitude de malentendant. Car c’est un luxe de très grand privilégié que de pouvoir se dispenser d’écouter les autres. Tous les autres. Et, Pascal Praud, pour moi, fait évidemment partie des très grands privilégiés.

 

 

Ce matin, l’un des sujets abordés par Pascal Praud concerne l’allongement de la durée de réflexion, pour une femme, pour avoir droit à l’avortement. Jusque là, les femmes disposaient de 12 semaines. Cela va passer à 14 semaines. Auparavant, c’était 10 semaines.

Pour conclure le « débat », Pascal Praud a donné la parole à une journaliste du journal Le Figaro qui a récemment….accouché. Si j’ai bien compris, cette journaliste était encore en congé maternité lorsqu’elle s’est exprimée depuis chez elle. Cette façon de conclure le débat est sûrement, pour Pascal Praud, sa conception de l’élégance et du respect des femmes. De certaines femmes tout au moins. Celles qui ont le choix. Ou plus de choix que d’autres. Des femmes privilégiées ou assez privilégiées. Mais j’extrapole sûrement.

 

Car, Pascal Praud ou pas, reste cette part de connerie et de folie en nous, à laquelle, nous nous accrochons et où nous savons être très performants.

 

Nous avons cette faculté de nous en tenir à une certaine gestuelle, certaines habitudes et certaines pensées dès lors que nous les avons adoptées.

 

 

Près de la gare de Conflans Ste Honorine

 

 

Ça me rappelle un ancien patient, psychotique, que j’avais croisé il y a plusieurs années, par hasard, dans la rue, près de la gare de Conflans Ste Honorine. J’avais fait sa « connaissance » quelques jours ou quelques semaines plus tôt dans un service d’hospitalisation en psychiatrie adulte où j’avais fait un remplacement. C’était un patient dans la force de l’âge, peut-être plus grand que moi,  assez corpulent, moyennement commode. Potentiellement violent physiquement.

Lorsque je l’ai rencontré ce jour-là, près de la gare de Conflans Ste-Honorine, il allait vers la gare alors que je m’en éloignais. Mais nous étions sur le même trottoir dans cette longue ligne droite qui doit faire à peu près dans les deux cents mètres.

Manifestement lesté par un traitement antipsychotique de poids, l’homme continuait d’avancer, fixé vers un but ou une planète qu’il était seul à habiter, notre monde n’étant pour lui qu’un décorum. Je ne sais toujours pas s’il m’a vu ou reconnu lorsqu’il est passé en silence à côté de moi. C’était il y a plus de dix ans.

Je parle de cet homme car, chacun et chacune, à notre façon, nous sommes pareils que lui. Hier, en fin d’après-midi, à la gare St-Lazare, j’ai voulu prendre le train pour rentrer chez moi, à Argenteuil. Il était un peu plus de dix huit heures. En pleine heure de pointe. Un horaire où beaucoup de personnes- la majorité des personnes exerçant un emploi- ont terminé leur journée de travail et aspirent à rentrer  chez elles. Mais, comme cela a pu se passer et peut continuer de se passer dans une certaine mesure avec le Covid-19, il y avait un grain de sable.

 

 

Le train de la voie 22

 

 

Cette fois, le grain de sable était un incident technique du côté de la ville de Bois-Colombes. Plusieurs trains ne partaient pas ou ne partaient plus. D’autres ont été supprimés. A mesure que plus de personnes arrivaient à la gare St Lazare, aspirant à retourner chez elles, il y avait comme une sorte de vapeur de panique ou d’agitation qui prenait le dessus. Et j’ai vu plus de personnes affluer, voire se presser, vers un train de banlieue  en particulier. Je me suis concentré sur celui de la  voie 22 car j’ai un moment envisagé de le prendre. D’autres personnes se sont sûrement focalisées sur le train d’une autre voie et n’ont plus vu que ce train-là, « leur » train,  les autres trains alentour n’existant pas ou plus pour eux.

 

Le train de la voie 22 n’était pas encore parti.  Mais d’autres passagers continuaient de se diriger vers lui. Comme si la nécessité, pour plusieurs de ces personnes, était d’être dans ce train-là coûte que coûte. Que leur vie en dépendait ! Et que si elles échouaient à prendre ce train-là en particulier, qu’elles resteraient indéfiniment à quai dans la gare St Lazare. Et qu’il leur serait impossible de retrouver leur domicile ou de se raccrocher à leur vie d’avant l’incident technique.

 

 

A la poste ce matin, cet homme qui a affirmé «  Ce n’est pas comme ça que ça marche ! », s’est retrouvé devant un incident qui a eu la même portée pour lui que pour ces gens, qui, hier soir, ne savaient presque plus où donner de la tête à la gare St Lazare parce-que quelques trains ont été annulés ou retardés.

Hier soir, à la gare St Lazare, pourtant, il  y a bien eu les annonces répétées d’un agent ou d’une agent de la SNCF. Ces annonces ont pour but d’informer voire de rassurer les voyageurs »…. Il y a encore des améliorations à faire pour que les annonces de la SNCF soient plus rassurantes. Les informations étaient répétées en accéléré. Elles n’étaient pas toujours audibles de façon confortable d’un point de vue acoustique. Elles n’étaient pas toujours intelligibles.

 

 

Parce-que c’est comme ça que nous marchons !

 

 

 A la télé, sur les réseaux sociaux, dans les média, dans nos relations personnelles et professionnelles, il est aussi des gens qui nous « informent » et tentent de nous « rassurer ». Parmi ces gens, il y a des Pascal Praud et d’autres déclinaisons, d’autres visions et d’autres façons de raisonner comme de se comporter dans la vie de tous les jours. Il faut pouvoir s’y retrouver. Certaines personnes sont capables d’humour comme Haroun. D’autres n’ont pas cette aptitude à l’humour ou ont un humour tout à fait différent. Mais ce qui est commun à beaucoup d’entre nous, c’est qu’il suffit de nous priver- temporairement- de quelques uns de nos repères pour très vite nous agiter voire nous faire paniquer. Il suffit d’un virus et d’une pandémie. De devoir attendre quinze minutes au lieu de dix. D’un train supprimé ou retardé. Et nous, à un moment ou à un autre, nous pouvons faire une connerie. Ou  devenir fous. Parce-que c’est comme ça que nous marchons.

Qui sait ?! Cet article que j’écris est peut-être une connerie Et une folie !

 

 

Concenant le Covid-19 :

 

 

Concernant le Covid-19, j’ai arrêté de m’obséder avec lui en partant en vacances et en allant prendre l’air cet été pendant quelques jours. Bien-sûr, je porte un masque dès que je sors de chez moi. Masque avec lequel je recouvre mon nez et ma bouche. Masque que je change toutes les trois heures environ. Et je me lave les mains régulièrement.

Si je monte dans un métro, dans un bus ou dans un train bondé, hé bien, je monte dans un métro, dans un bus ou dans un train bondé.

 

Lorsque je parle de mes séances kiné, je parle de séances qui sont effectuées dans une pièce où, certes, nous sommes plusieurs patients, mais la pièce a une surface assez grande et tout le monde porte un masque. Même si, quelques uns, choisissent pour une raison ou pour une autre, de le faire glisser sous leur nez.

 

 

 Cependant, continuer de prendre les transports en commun pour aller au travail pendant le confinement pendant presque deux mois du mois de mars à début Mai m’a aussi bien aidé. D’abord sans masque puisqu’il n’y avait pas de masque disponibles jusqu’au début du mois de Mai. Pour moi, il a très vite été évident que c’était parce-que les masques étaient rares que l’on nous racontait qu’ils étaient inutiles lors de nos déplacements. 

 

S’il est vrai que le fait, aussi, de croiser très peu de monde dans les rues en pleine période de confinement (entre Mars et Mai) m’a sûrement préservé d’une contamination, cela m’a néanmoins fait beaucoup de bien de sortir et de voir qu’il était possible de sortir de chez soi et de rester vivant et en bonne santé. Malgré l’absence de masques. D’ailleurs, depuis que les masques sont devenus «abondants » et faciles à trouver, j’ai du mal à me rappeler m’être déplacé sans masque- du fait de la pénurie de masques- dans Paris pendant le confinement. Tant, aujourd’hui, « la norme » est de porter un masque. Hier soir, à la gare St Lazare, la majorité des voyageurs que j’ai vus, comme souvent, depuis que les masques sont disponibles, et depuis que le port du masque peut être contrôlé, portaient des masques.

 

 

Porter un masque en toutes circonstances est-il une arnaque ? Des personnes le pensent.

 

A titre préventif, si porter un masque me garantit d’être en santé et de protéger d’autres personnes (comme l’usage du préservatif lors d’un rapport sexuel), je considère que cela vaut le coup et le coût de porter un masque anti-Covid. Et que c’est une contrainte assez supportable même s’il est vrai que cette contrainte temporaire dure depuis maintenant un certain temps. Même s’il est assez peu «naturel » et moyennement agréable de vivre en permanence avec un masque sur le visage.  On peut et on a le droit de me voir comme un mouton et un con. Je le suis peut-être et bien davantage.

 

Mais je suis aussi soignant. Porter un masque, ne serait-ce que chirurgical, lorsque l’on est soignant (même sans travailler au bloc opératoire ou dans un service de réanimation), cela fait partie de la culture du soignant. Au même titre que d’utiliser des gants stériles ou non stériles, de porter des vêtements ou des chaussures pour des raisons sanitaires. Comme de se laver les mains régulièrement.

 

Ensuite, en parlant de culture du masque, en Asie, la culture du masque existe pour parer à la pollution ou pour raisons sanitaires. Et cette « culture du masque » me paraît justifiée.

 

 

Par ailleurs, je trouve que le port du masque nous oblige à mieux voir le regard de l’autre. A plus nous y attacher. A visage découvert, nous sommes plus facilement distraits lorsque nous avons une personne en face de nous. Nous voyons moins son regard et ce qu’il exprime. D’un point de vue sentimental, relationnel ou affectif, j’ai l’impression que si le port du masque nous retire effectivement quelque chose ( c’est quand même plus agréable de vivre à visage découvert comme de faire l’amour sans préservatif)  qu’il nous donne aussi quelque chose. Et puis, nous pouvons encore varier les attitudes. En présence de certains intimes, ou de certaines rencontres, tomber le masque a une importance particulière. Par exemple, aujourd’hui, lorsque l’on décide de se rendre au restaurant avec une personne et que l’on accepte, face à cette personne ou à ces personnes, de retirer son masque de protection anti-Covid, cela est aussi une façon de dire que l’on tient à cette ou à ces personnes comme au fait que l’on tient à vivre ce genre de moment avec cette ou ces personnes. Malgré le risque. On n’avait pas ça avant le Covid et les masques de protection. Donc, pour moi, c’est un plus.

 

 

Concernant le vaccin anti-Covid, il arrivera peut-être. Mais je n’ai pas compté sur lui. Dès le début. Et c’est encore plus vrai lorsque l’on « sait » que, malheureusement, l’industrie pharmaceutique est aussi un business. Et que, dès qu’elles le peuvent, les entreprises qui commercialisent médicaments et vaccins,  ceux qui marchent et offrent un vrai plus par rapport à ceux qui existent déjà, ne se gênent pas pour faire raquer les gens au prix fort.

 

 

La pandémie du Covid nous impose de vivre dans un monde de masques. Pourtant, j’ai l’impression, que nous vivons et nous montrons davantage à visage découvert. Avant la pandémie du Covid, nous portions bien plus de masques qu’aujourd’hui sauf qu’ils étaient invisibles ou pouvaient passer inaperçus. En quelque sorte, nous faisons à une grande échelle et en accéléré une certaine expérience de la Commedia dell’Arte.

 

 

Avec tout ça, je n’ai toujours pas écrit à propos du film de Farid Bentoumi, Rouge, qui va sortir fin novembre. Comme je n’ai pas encore pu écrire sur le dernier film de Gaspar Noé,  Lux Aeterna. Ce serait bien que je lise le livre Que Dalle consacré à Béatrice Dalle, livre que j’ai acheté à sa sortie et que je n’ai toujours par lu. Comme plein d’autres livres.

 

 

 

Franck Unimon, jeudi 1er octobre 2020.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Tu ne penses qu’à toi !

 

                                            Tu ne penses qu’à toi !

Depuis deux ou trois jours, les températures ont baissé. Nous avons perdu une dizaine de degrés.  

Il pleut.

Celles et ceux qui portent des lunettes de vue- en plus de leur masque de prévention anti-covid – ont désormais le regard partagé entre des crottes d’eau sur leurs carreaux. Et la buée.

 

Mais le moral est bon. Il est un peu plus de midi. Je viens de déjeuner. Je suis debout depuis 6h30 et c’est seulement maintenant que je vais pouvoir faire un peu ce par quoi j’aurais préféré commencer cette journée : Ecrire un article.

 

J’avais prévu d’écrire sur le film Rouge de Farid Bentoumi qui sortira le 25 novembre. Avec Sami Bouajila, Zita Hanrot, Céline Sallette et Olivier Gourmet pour parler des acteurs les plus côtés et connus du film. J’aimerais bien parler de mon expérience d’il y a plusieurs jours, maintenant, de Google Trad. Mais c’est impossible.

 

Hier après-midi, un dimanche, j’ai travaillé dans mon service. J’ai effectué un remplacement, payé en heures supplémentaires. J’étais volontaire. L’après-midi s’est bien passée. Nous avons même écouté des contes audios. J’avais prévu d’en proposer un seul. Nous sommes d’abord allés sur l’île de Gorée avec Djeneba la bossue. Puis en Bretagne avec Jean Carré.

 

Une jeune a voulu que je mette un troisième conte audio. Je suis resté avec elle, ce faisant, lors du conte De l’or et des dattes  qui nous a emmené en Tunisie. Tout en feuilletant le début d’un livre de Patricia Higgins Clark du service. Ainsi qu’un dictionnaire de rimes. J’ai beaucoup aimé le début du livre de Patricia Higgins Clark. Sa technique. Je savais qu’elle était une référence. Mais je n’avais rien approché de son écriture.

 

 

Un peu plus tard, j’ai regardé quelques passages de l’émission Super nanny avec cette même jeune. Je ne suis pas sûr que ce soit elle qui l’ait choisie. Les jeunes du service sont souvent des adeptes du zapping avec la télé. Et, quand je peux, j’aime regarder avec les jeunes le programme qu’ils ont choisi. Quand je suis capable de le supporter.

 

Super nanny rappelait certains principes lors de trois journées d’action dans une famille :

 

L’importance de donner des limites à nos enfants. En plus d’une certaine affection bien-sûr.

L’utilité de savoir faire diversion en cas de conflit avec son enfant.

La nécessité pour le couple de savoir se retrouver dans une certaine intimité sans les enfants.

L’importance, aussi, d’avoir du plaisir à être tous ensemble.

Le couple concerné avait deux filles. Une de 7 ans environ, et une, de trois ou quatre ans, qui, habituée à recevoir un traitement de « petite princesse », avait tendance à être tyrannique. Le père avait 34 ans. La mère, 28.

 

Je ne connais pas la formation ni l’expérience professionnelle de celle qui incarne Super nanny. Ni les critères de sélection des familles qu’elle part « aider ». Mais il y a un côté magique dans ses interventions. J’ose espérer qu’après son passage, cela continue de bien se dérouler dans les familles où elle est entrée.

 

 

Pendant le dîner, dans le service, nous avons participé à un autre type d’émission. Une émission assez fréquente :

Deux ou trois jeunes ont commencé à déblatérer sur le service ceci et le service cela. Une, sans doute, avait donné le tempo puis les deux autres ont suivi. C’est souvent comme ça que ça marche.

Le synopsis était le suivant : leur hospitalisation les empêchait d’avancer. C’était à cause du service (et de nous, les soignants) qu’elles allaient mal. Et qu’elles s’ennuyaient. Par conséquent, c’était de notre faute si elles fumaient plus de cigarettes. J’ai rappelé que c’était vrai : le service n’est pas le club Med. Mais que leur hospitalisation allait durer un temps puis s’arrêterait. Je suis aussi allé dans l’ironie :

J’ai suggéré que cela irait peut-être beaucoup mieux pour elles si nous les attachions nuit et jour ; si nous les surveillions constamment ; et si nous limitions leur nombre de cigarettes. Elles ont bien-sûr protesté.  J’étais dans mon rôle. Elles, aussi. Leur dîner terminé, elles sont toutes les trois parties fumer dans la cour en se blottissant l’une contre l’autre, assises par terre, près de la porte. Là où elles pouvaient se protéger de la pluie qui tintait sur le sol.

 

Quelques minutes plus tard, une des trois jeunes est venue nous voir, assez catastrophée. Elle se sentait angoissée.  Mon collègue l’a vue en entretien. Pendant ce temps-là, j’avais un œil sur les autres jeunes. Tout en débarrassant et  en lavant la table puisque nous n’avions pas d’agent de service hospitalier ce dimanche après-midi. Du fait, sans doute, de plusieurs arrêts maladie.

 

Ensuite, une autre jeune est partie aux toilettes. Je l’ai entendue vomir. Revenue de sa permission deux heures plus tôt, elle avait été toute fière de clamer qu’elle s’était enfilée une certaine quantité de sushis. A sa sortie des toilettes, je lui ai demandé :

« ça va ? ». Elle m’a répondu :

 

« Je viens de vomir mais à part ça, tout va bien ! ». Ce que j’ai traduit par :

« Tu poses des questions de merde et tu ne sers à rien ! Comme d’habitude…. ».

Au lieu de mal le prendre, je lui ai demandé :

« Qu’est-ce qui a pu te faire vomir ? ».

Elle : «  Je n’en sais rien ! ».

Moi : « Cela a peut-être un rapport avec les sushis ?…. ». Elle ne voyait pas le rapport et elle a filé dans la cour.

 

Dix minutes plus tard, la jeune angoissée qui allait mieux depuis son entretien avec mon collègue vient nous alerter, catastrophée :

La troisième est en train de faire « une crise d’épilepsie » par terre, dans la cour. Mon collègue et moi nous rendons sur les lieux. Recroquevillée, presque en chien de fusil, la troisième jeune a en effet des secousses des membres inférieurs. Il fait alors pratiquement nuit. Ses yeux sont fermés. Elle respire mais ne répond pas lorsque je lui parle et lui prends la main.

 

Les deux autres jeunes qui étaient encore avec elle quelques secondes plus tôt sont parties se réfugier à l’intérieur du service. Par terre, j’aperçois un paquet de tabac à rouler, des filtres et un briquet. J’apprendrai plus tard que ce matériel appartient à la jeune « aux sushis ».

Je dis à mon collègue de rentrer, afin d’être avec les autres jeunes, et d’appeler le médecin de garde qui se trouve être le chef de service.

 

Le chef de service arrive très vite. Je suis toujours accroupi près de la jeune à qui je tiens la main et à qui je m’adresse. Je ne suis pas inquiet même si elle ne me répond pas et que ses yeux restent fermés. De temps en temps, elle est prise de secousses des membres inférieurs. Depuis le début de la « crise », elle s’est mise d’elle-même en position latérale de sécurité. Même si c’est la première fois, pour ma part, que je la vois dans cet état, je me dis que cela va passer. Même si je ne sais pas combien de temps ça va durer. Je lui suggère plusieurs fois de s’asseoir. Je lui parle de la pluie qui va peut-être tomber. Et que cela ne sera pas très agréable pour elle de se faire mouiller par la pluie, par terre, comme ça. Pas de réponse. Je me tais aussi tout en continuant de lui donner la main. Je crois aussi que les trois jeunes, lorsqu’elles étaient ensemble à discuter dans la cour, se sont montées le « bourrichon ». Car je ne crois pas à une coïncidence : en l’espace de trente à quarante cinq minutes, toutes les trois, chacune son tour, s’est sentie mal.

 

Après quinze à vingt minutes, la jeune ouvre les yeux. A ce moment-là, resté silencieux jusqu’alors, le médecin-chef lui parle et l’encourage à se relever. Ce qu’elle fait calmement, sans dire un mot. Je me place un peu derrière elle afin de prévenir une chute éventuelle. La jeune retourne dans le service tranquillement et part s’asseoir près d’une table où elle commence aussitôt à écrire, je crois. Car elle tient un journal. Les deux autres jeunes se tiennent à distance comme si elles avaient vu un fantôme en la personne de leur « copine ». Celle-ci ne semble pas leur tenir rigueur pour leur attitude.

 

Mon collègue m’apprendra quelques minutes plus tard que, tous les jours, cette jeune fait ce genre de crise. Après avoir fait un résumé de l’après-midi à nos collègues de nuit, mon collègue et moi sommes rentrés à notre domicile.

 

Ce matin :

 

Ce matin, j’étais content de la façon dont les préparatifs de ma fille se sont passés pour aller à l’école. Pas de colère de part et d’autre. Nous étions en avance. Nous marchions main dans la main et je ne crois pas que nous nous parlions. Nous étions presque arrivés à l’école quand elle m’a dit :

 

« Tu ne penses qu’à toi ! ».

 

Je lui ai demandé pourquoi elle me disait ça.

Elle : «  Arrête ! Si tu pouvais te taire maintenant…. ». Et, elle de m’expliquer qu’elle ne supportait pas le bruit. Je me suis demandé si elle m’en voulait d’avoir été absent hier après-midi. Ou si elle me répétait des propos tels que « wesh » et d’autres termes que les mômes se transmettent. Pas de réponse. Je lui ai quand même rappelé que dire à son père de se « taire », ne passait pas. Elle s’est alors tue et s’est mise à marcher un ou deux mètres devant moi, pleine d’une certaine autorité. Cela fait des années que je lui connais certaines facilités avec l’autorité. C’est seulement que j’ignore ce qui, ce matin,  a déclenché cette soudaine manifestation d’autorité.

 

 

Devant les grilles encore fermées de l’école, ma fille s’est postée quelques minutes. Puis, elle est venue se mettre contre moi sans rien dire. J’ai refermé mon bras sur elle. Lorsque les portes de l’école se sont ouvertes, nos relations étaient de nouveau détendues.

 

Formulaire :

 

 

 Il y a plus d’un mois maintenant, fin août, le téléphone portable de ma compagne a capitulé. Nous avons décidé d’en acheter un nouveau. Je l’ai commandé sur le site de Darty. A un de ses « vendeurs partenaires ».  J’ai payé par carte. Le téléphone devait arriver au bout de quelques jours.

 

Après l’achat, j’ai appris que le téléphone venait de Hong-Kong. Et qu’il y allait y avoir du retard à la livraison. Au vu du contexte politique à Hong-Kong, j’ai compris qu’il fallait patienter.

Le 5 septembre, le « vendeur partenaire » m’a appris que le téléphone allait arriver dans un délai compris entre 7 et 10 jours.

Le 22 septembre, nous n’avions toujours pas reçu le téléphone. J’ai donc recontacté le vendeur qui m’a appris que nous avions reçu le téléphone….le 3 septembre. C’était ce que leur indiquait leur site. Et qu’il me fallait donc voir avec mon bureau de poste local.

 

Je suis allé à la poste près de chez moi la semaine dernière. Je m’étais trompé de référence et on m’a répondu qu’une réclamation sur place était impossible. Qu’il fallait passer par le 36 31. Ce que j’ai fait en rentrant. Là, après plusieurs minutes d’attente, j’ai fini par avoir quelqu’un qui m’a appris que c’était un colissimo qui m’avait été envoyé et non un chronopost. J’ai préféré remettre mes démarches à plus tard.

 

Ce matin, je suis retourné à la poste près de chez moi. On m’a répondu que, pour eux, aussi, le colissimo m’avait été remis le 3 septembre. C’est ce qui était indiqué sur le terminal de l’agent qui m’a reçu. Cet agent m’a néanmoins remis un formulaire de réclamation. Elle m’a bien proposé de joindre le 36 31 mais j’ai refusé !

 

J’ai rempli le formulaire sur place. Derrière moi, un homme d’une bonne soixantaine d’années expliquait avoir été envoyé à la Poste pour faire une réclamation pour un chronopost qu’il n’avait pas reçu. Le jeune agent qui l’a reçu lui a expliqué que la Poste ne gérait pas les envois de Chronopost. La Poste se contentait de vendre les produits Chronopost. Le client lui a demandé :

« Mais, alors, pourquoi m’a-t’on dit de venir à la Poste ?! ».

L’agent : «  Je n’en sais rien ! ».

 

Pour les démarches que j’ai à effectuer pour la réclamation, il me faut une connexion internet correcte ainsi que, sans doute, l’imprimante qui va avec. Même si, pour l’instant, j’ai la contrariété de l’argent déboursé pour ce téléphone portable et du temps déjà liquidé pour le récupérer ou me faire rembourser, je m’en sors mieux que d’autres.

J’ai un emploi. Un toit. Je mange à ma faim. Ma fille est scolarisée (d’accord, sa maitresse a déjà été malade une dizaine de jours pratiquement dès la rentrée mais elle est revenue depuis hier). Je suis plutôt en bonne santé. J’ai accès à la culture et à certains loisirs. J’ai une connexion internet décente. Et une imprimante qui marche. La France des gilets jaunes, du chômage et du crédit à tue-tête ne dispose pas de tout ça. Ou, alors, elle le paie très cher. Pourtant, avoir dû attendre près de six heures entre l’heure de mon réveil ce matin et le moment où j’ai pu m’asseoir et disposer de mon temps- et de ma vie- à peu près comme je le souhaite, et pour une durée limitée, me paraît un délai assez long. D’autant que je reprends mon travail seulement ce soir, à 21 heures.

 

 

Donc, heureusement que, quelques fois, je ne pense qu’à moi.

 

 

Franck Unimon, ce lundi 28 septembre 2020.

 

 

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Cinéma

Si le vent tombe-un film de Nora Martirosyan

A gauche, Alain Delage ( l’acteur Grégoire Colin).

 

 

                                         Si le vent tombe  Un film de Nora Martirosyan

« L’armée aime la vitesse » dit un militaire à un jeune pompiste dans Si le vent tombe.

 

Cette phrase explique et immatricule peut-être la durée des guerres. Depuis des millénaires, chaque armée reste persuadée qu’elle va atteindre la première, à la vitesse de la lumière, et en solitaire, l’éther de la victoire.

 

Il faut huit heures de route, en taxi, au Français Alain Delage pour atteindre cet aéroport dont il est chargé d’évaluer la conformité. Il y a des parcours plus rapides. Alain, loin de chez lui, est ainsi convoyé dans une «  petite république autoproclamée du Caucase » peu connue où la guerre a servi tout en passant inaperçue : Elle avait été éclipsée par la guerre en Yougoslavie.

 

Un comité d’accueil plutôt chaleureux attend Alain à l’aéroport. L’aéroport, ou la « cathédrale » en raison de sa réussite architecturale , est  achevé et ressemble à ces programmes immobiliers en attente d’être livrés.  Pour la plus grande partie de la population de ce petit pays, militaires inclus, cet aéroport permettrait de s’ éloigner de la guerre et du passé. De s’ouvrir au monde.

 

Alain Delage est interprété par l’acteur Grégoire Colin.  Etonnamment, même s’il a continué de tourner depuis, j’ai l’impression que Grégoire Colin faisait davantage parler de lui en tant qu’acteur, durant les années qui ont coïncidé avec le conflit « yougoslave ». En particulier dans les années 90. Dans Si le vent tombe, désormais plus âgé et aussi un peu plus « épais », Grégoire Colin fait physiquement penser à la fois à l’acteur Benoit Magimel d’aujourd’hui (son aîné d’un an) mais aussi à l’acteur américain…Keanu Reeves. Son aîné de 11 ans.

Mais la réalisatrice Nora Martirosyan est originaire de l’Arménie où elle a vécu jusqu’à ses 23 ans.  Et son film Si le vent tombe est bien entendu plus proche de la réalité géopolitique de l’Arménie, de la Turquie et de la Russie que de la série de films John Wick qui vaut à l’acteur Keanu Reeves de revenir au premier plan cinématographique depuis 2014 après son triple « pontage » médiatique réalisé avec Matrix dans les années 2000.

Rappelons que l’Arménie actuelle a obtenu son indépendance officielle en 1991 et qu’elle dispose aujourd’hui du dixième du territoire de l’Arménie historique ( d’après Wikipédia).

 

 

On ne sait rien et on n’apprendra rien de la vie personnelle d’Alain Delage. Homme pragmatique, missionné pour effectuer un audit, son seul rapport avec le monde extérieur se fera au travers de sa boite qu’il contacte avec son téléphone portable. De son côté, comme nous, Alain Delage ne sait rien de ce pays. Et ses habitants semblent vivre dans un autre temps que le nôtre, en France. La logique d’un Alain Delage, aussi précise qu’une montre suisse, se confronte à une vie un peu plouc, un peu infantile, un peu superstitieuse aussi. Mais c’est une vie néanmoins bien courante alors que le Alain Delage, lui, inspire assez peu de passion tel le fonctionnaire ou l’administratif lambda qui dépend de ses supérieurs et ses « process ».

 

Le film de Nora Martirosyan sent parfois la peinture fraîche et on devine la jeune cinéaste encore en friche, dans certaines scènes mais aussi pour le choix de certains acteurs. Cependant, à la fin de Si le vent tombe, comme Alain Delage, nos certitudes et notre ignorance d’homme occidental sont débusquées. On admire cette sagesse d’un pays qu’on avait d’abord pu penser rétrograde, pour ne pas dire arriéré, et qui nous tombe dessus comme un couperet alors qu’on va le quitter.  On perçoit aussi, un peu, de la fougue et de la folie passées des réalisateurs Emir Kusturica et Fatih Akin. Alors, comme Nora Martirosyan et plusieurs de ses personnages, on y croit !

A gauche, Edgar ( l’acteur Hayk Bakhryan) avec Armen (l’acteur Vartan Petrossian)

 

Si le vent tombe devait sortir initialement dans les salles le 18 novembre 2020. Du fait de la pandémie du coronavirus, il sortira finalement ce 26 Mai 2021.  Ce film fait partie de la sélection officielle Cannes 2020 et de la sélection Acid Cannes 2020.

 

Le Français, le Karabatsi, l’Arménien, l’Anglais et le Russe sont les langues principalement parlées dans le film.

Acteurs principaux : 

Alain Delage : Grégoire Colin

Edgar : Hayk Bakhryan

Seirane : Arman Navasardyan

Armen : Vartan Petrossian

Kariné : Narine Grigoryan

 

 

Franck Unimon, ce lundi 21 septembre 2020.  ( réactualisé ce lundi 17 Mai 2021).

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Corona Circus Croisements/ Interviews

L’air de rien

 

                                                     L’air de rien

Il n’a l’air de rien. Mais il dit bonjour. Contrairement à sa collègue, plus haute placée, qui, me voyant les approcher, s’éloigne en m’ignorant.

 

J’ai déjà vu sa collègue, peut-être l’adjointe du gérant de ce supermarché, passer devant la clientèle attendant l’ouverture sans adresser le moindre bonjour. Nous étions alors à peu près une dizaine, dont des femmes et des hommes, et, parmi nous, sans doute un certain nombre d’habitués.

 

Dangereux

 

Je ne vois pas ce qu’il y a de si dangereux dans le fait de dire bonjour à des clients mais aussi à des patients dans une salle d’attente. Comme si les voir, et le leur  confirmer, c’était prendre un risque particulier. Equivalent à celui d’entrer dans un poulailler. Sauf qu’à la place des poules, des coqs et des poulets, il y aurait une foule de mendiants qui, nous prenant pour des épis de maïs, pourrait nous transformer en moignons. Bien portants le matin, nous pourrions rentrer chez nous le soir à l’état de cul-de-jatte avec notre carte d’invalidité simplement parce-que nous avons sauté sur une mine en disant « bonjour ».

 

Mais cette collègue n’est pas le sujet : je ne crois pas que l’on puisse réaliser un saut de quatre mètres en s’enterrant. Laissons-la donc et toutes celles et ceux qui lui ressemblent détaler vers leurs apothéoses et leurs fuites. Comme nous tous, ils n’iront pas plus loin, un jour ou l’autre, que la thrombose ou l’extinction. Et leurs signes de distinction sociale muette ou autre n’y changeront rien.

 

Lui, je ne l’avais pas vu depuis plusieurs mois. En souriant, il m’a demandé :

 

«  Et la petite ? ». Je lui ai répondu qu’elle était à l’école. La dernière fois, il avait constaté comme elle avait grandi. Sans aller jusqu’à la poursuite aux flatteries et aux compliments, en tant que parent, ça fait du bien et c’est utile d’entendre le témoignage extérieur, et sincère, de quelqu’un d’autre sur son enfant. Et il n’est pas nécessaire pour cela que ce « témoin » ou cette « témoin » soit notre ami. Sincérité, nuance et contradiction bienveillante devraient, pourtant, aussi, faire partie des piliers de toute amitié réelle ou officielle.  

 

La maladie du temps

 

 

Nous sommes tous les témoins potentiels des uns et des autres. C’est un rôle qui peut être difficile. Mais, le plus souvent, il s’agit quand même, tout simplement, de se guérir partiellement de cette maladie du temps à laquelle nous souscrivons souvent.

 

Le plus souvent, il s’agit quand même, tout simplement, de prendre son temps.

 

J’ai donc pris à peu près cinq minutes pour discuter avec ce vigile de supermarché. Cela fait plusieurs années que je le croise lorsque je vais y faire quelques courses. Et que nous nous disons bonjour. Comme je le fais, aussi, avec ses autres collègues vigiles. Tous noirs.

 

Certains intellectuels très médiatisés en France savent affirmer que la plupart des détenus et des délinquants, en France, seraient des noirs et des Arabes. Et quelques journalistes et patrons, tout autant bien « éclairés » par les projecteurs et leurs fortes personnalités- financières, médiatiques et politiques- boivent ça comme du petit lait.

 

Mais ces intellectuels disent beaucoup moins que beaucoup de vigiles, d’agents de sécurité, d’entretien, de soignants ou d’ouvriers de chantier qui continuent de protéger, de nettoyer, de soigner et de  construire la France sont, aussi, des noirs et des Arabes.

 

 

Pour m’amuser, je veux bien essayer d’imaginer quelques uns de ces intellectuels et journalistes, femmes comme hommes, officiant en tant que vigile, agent de sécurité ou ouvrier de chantier. En tant que médecin, infirmier ou aide-soignant. Ou, même, en tant que caissière ou caissier. Ça changera un peu de certains hymnes nationaux qui voient les vaisseaux de l’immigration, lorsqu’ils ne coulent pas sous les flots et sous le béton, comme la chienlit séparatiste qui ensevelit et abîme la France sous tous les fléaux :

 

Drogues, grand banditisme, terrorisme, maladies, intégrisme religieux, récession du niveau scolaire, carbonisation économique, viols, vols.

 

Car il faut savoir que, pour certaines et certains, un Noir et un Arabe, c’est forcément ça. Même si on lui dit bonjour.

 

Et je ne me fais aucune illusion : une personne originaire de l’Outre-Mer a bien la nationalité française de naissance. Mais ça reste néanmoins une personne noire. Donc, dans la rue, à première vue, c’est une personne susceptible d’être une personne immigrée.

 

 

Norme de pensée

 

Même si je me sens Français, je connais cette « norme » de pensée. Je l’ai d’une certaine façon intériorisée comme une sorte de solfège. Un solfège que je me dois de transmettre en partie à ma fille de manière circonstanciée (ni trop, ni pas assez) afin qu’elle soit suffisamment éduquée pour s’adapter au monde qui l’entoure :

 

Chanter La Reine des Neiges comme d’autres enfants, oui. Mais la laisser croire que tout le monde voudra d’elle comme une personne « libérée, délivrée », non.

 

Il n’est pas nécessaire d’être allé au conservatoire ou d’avoir fait de très hautes études pour apprendre ce solfège. Pas besoin non plus de méthode Assimil. Dès l’enfance, l’air de rien, on apprend ce solfège  un petit peu tous les jours. Chacun, chez soi, en écoutant des gens très intelligents et très affirmés. On apprend ainsi que les Noirs, les Arabes, les Blancs, les asiatiques et les autres ceci…et cela. Et, il faut dire que certains faits collent très bien- comme certaines affiches et certains tracts politiques- à l’image que l’on s’était fait et que l’on se fait de certaines personnes.

 

A la « fin », ce qui peut changer cette lecture de la partition des autres, c’est la rencontre. Le fait de préférer l’action à la superstition et  à la mauvaise expérience. Quand il y  a eu une mauvaise expérience. En sortant de chez soi. Et ça commence par dire bonjour.

Par prendre le temps d’écouter ce que les autres sont et ont à nous dire. S’ils ont envie de nous le dire. S’ils sentent que l’on est prêt à les écouter un peu. Mais aussi à les croire. Et, donc, à les voir pour ce qu’ils sont.

 

Je ne parle pas d’aller discuter avec un proxénète qui est en train de tabasser une de ses « employées-victimes », avec un dealer qui est pleine livraison de marchandise ou avec un braqueur en train de faire l’amour avec sa voiture-bélier. Ou de vouloir sympathiser à tout prix avec la voisine ou le voisin qui, pour une raison ou pour une autre, préfère entrer et sortir de l’immeuble par les toits plutôt qu’en empruntant les escaliers communs.

 

Discuter

 

Je suis resté à peu près cinq minutes à discuter avec ce vigile de sécurité.  Ça, c’était dans mes compétences. Dans ma vie de tous les jours, j’ai cette « chance » :

 

Je rencontre plus souvent des vigiles de sécurité comme lui et avec lesquels ça se passe très bien. Je rencontre très rarement des proxénètes qui tabassent une de leurs « employées-victimes », un dealer livrant sa marchandise de plusieurs tonnes en bas de chez moi ou des braqueurs qui préparent leur prochain casse sur mon palier.  

 

 

Amazon fait le guet

 

A quelques mètres des casiers de livraison du site Amazon situés à l’entrée du supermarché, il m’a appris qu’il avait d’abord arrêté l’école en CM2.

Les 200 milliards d’euros ou de dollars d’Amazon ( la fortune du PDG d’Amazon, Jeff Bezos, l’homme le plus riche du monde, s’est tellement accentuée depuis l’épidémie du Covid que l’évaluer en dollars ou en euros n’a plus d’importance ) ont continué de faire le guet dans notre dos pendant notre conversation. 

 

Après le CM2, il  a effectué un métier manuel  et technique. Sur les chantiers. Je n’ai pas l’impression, s’il en avait eu la possibilité, qu’il se serait arrêté au CM2. Nos penseurs et nos patrons qui, eux, « savent tout » sont généralement allés bien plus loin que le CM2 et ont, plutôt rarement, travaillé sur un chantier comme cet homme. Pendant 12 ans, au Portugal. Un pays qu’il avait « découvert ».

 

Donc, oui, il m’a confirmé avoir appris à parler Portugais. En prenant des cours du soir. Ce qui lui a permis d’atteindre un niveau de 3ème. Mais, étudier dans ces conditions, tout en travaillant et en ayant une vie de famille, c’est « difficile » me dit-il. Et je le concède facilement.

 

Reconversion

 

Puis, il a été au chômage. Ce qui l’a amené à venir vivre en France où il est donc devenu vigile dans ce supermarché. Mais il a une maison au Portugal :

 

 « Là-bas, quand on a un travail, c’est plus facile qu’en France » m’explique-t’il.

J’ai un niveau d’études supérieur à lui et je ne le savais pas. Pas plus que je ne sais parler Portugais. Et, je ne suis jamais allé au Portugal, pays dont j’ai déjà entendu dire du « bien ».

 

Il préfère la vie au Portugal à la vie en France. Trop de stress si j’ai bien compris. Mais nous sommes en région parisienne. Il raisonnerait peut-être différemment en province me dis-je maintenant.

 

Du fait du Covid, il n’a pas pu retourner au pays cette année. Je le croyais Haïtien. Il est de la Côte-d’Ivoire.  Et puis, en été, le billet d’avion revient à 1200 voire 1300 euros par personne. Donc, cette année, les vacances estivales se sont déroulées en Normandie et à la Rochelle. Il connaissait déjà la Rochelle.

 

Vivre en disant bonjour

 

Résumons :

Cet homme, qui a fait moins  d’études que moi, parle autant de langues que moi si ce n’est davantage. Et il a su se reconvertir face au chômage en changeant de pays, de culture et de langue. Et il a une maison au Portugal. Un pays, qui, économiquement, s’en sort plutôt bien même si, actuellement, le Portugal est moins « puissant » que la France.

 

 Je me demande si nos penseurs (politiques et autres) qui chient sur l’immigration en permanence auraient été capables, seraient capables, un jour, de faire ce que cet homme a fait :

Changer de pays, de culture et de langue. Et vivre, l’air de rien. En disant bonjour.

 

Franck Unimon, ce jeudi 17 septembre 2020.