
Trois Maitres + Un
Le Contexte :
Trouver l’album de musique qui va nous faire bien dĂ©buter la journĂ©e correspond peut-ĂŞtre Ă la profession de certaines personnes. De ce choix peut dĂ©couler une ribambelle d’incidences et d’influences.
Ce matin, mon choix se porte finalement sur l’album Live at Hammersmith en 1979 de Ted Nugent. Un cd emprunté hier. Je n’ai jamais écouté d’album de Ted Nugent mais j’ai entendu son nom il y a des années. Peut-être dans les années 80. Ted Nugent, ce matin, a supplanté l’album Celebration des Simple Minds. Dont j’ai trouvé le premier titre trop « dansant ». Une danse froide. Mais aussi l’album Addiction de Robert Palmer ainsi que le Cd The Best of Bond…James Bond sur lequel ne figure pas le titre interprété par la chanteuse Adele que j’aurais aimé réentendre.
Si Ted Nugent avait « échoué » au casting, j’aurais alors essayé l’album Live de The Clash From Here to Eternity. Mais Ted Nugent l’a emporté. En écoutant plusieurs de ses titres alors que j’effectuais des étirements, je me suis avisé que lui, comme bien des artistes qui ont « réussi », sont souvent des personnes qui, malgré bien des difficultés souvent adverses, sont parvenues à leur substituer le succès. Economique, artistique, social. Un artiste qui « réussit » est souvent une personne qui su conserver une certaine liberté ( même si celle-ci tient à coups de substances, de désagréments, de compromissions, d’opérations de communication ou de publicités, de trahisons) qui, le plus souvent, manque à celles et ceux qui l’écoutent, le désirent, le « dévorent » ou le regardent, et qui, près ou loin de la scène « communient » avec lui le temps d’un concert ou d’une représentation publique de quelques minutes ou de quelques heures.
Comme tant d’autres, je ne suis pas Ted Nugent. Et, demain, je vais reprendre « le travail » : celui que l’on désigne le plus souvent en premier du fait de ses caractéristiques obligatoires. Tant d’un point de vue financier que moral. Si mon travail a peut-être plus de points communs que je ne le crois avec celui d’un artiste comme Ted Nugent, mon travail bénéficie de beaucoup moins d’aura. C’est celui d’un employé comme il en existe des millions.
Au cours de la durée d’une certaine activité professionnelle et personnelle, comme des millions d’autres individus, j’accepte d’être l’employé de quelqu’un, de plusieurs interlocuteurs ou d’une institution, et de partager avec eux un certain nombre de valeurs et d’objectifs à atteindre. Je m’appliquerai à faire de mon mieux en vue d’être, quelles que soient les circonstances rencontrées lors de l’exercice de mes fonctions, conforme à ces valeurs mais aussi attaché à la réalisation des objectifs définis, prédéfinis lors de mon embauche. Ou redéfinis après mon embauche.
J’offre ou donne une partie de ma disponibilitĂ©, de ma bonne volontĂ© comme de mes capacitĂ©s et compĂ©tences en vue de percevoir un salaire ou une rĂ©munĂ©ration. Laquelle rĂ©munĂ©ration me permet et me permettra, ensuite, de continuer de satisfaire ou de faire face Ă d’autres obligations. Mais, aussi, de m’accorder quelques plaisirs ou de prĂ©parer certains projets ( comme, peut-ĂŞtre, prendre une place dans une machine Ă remonter le temps afin d’aller assister en direct Ă ce concert de Ted Nugent). De manière immĂ©diate ou diffĂ©rĂ©e. En pouvant m’acquitter rapidement de la somme financière attendue. Ou en demandant et en obtenant un crĂ©dit que je m’engagerai, après signature d’un contrat, Ă rembourser rĂ©gulièrement pendant un certain laps de temps.
Il est d’autres sortes de travail que nous effectuons régulièrement en parallèle ou, aussi, un peu en même temps. Au « travail », nous continuons de penser à notre vie personnelle. Sauf si nous sommes trop absorbés par notre tâche ou notre « travail » par choix ou par contrainte.
Afin de vivre au mieux ce travail, il est préférable que celui-ci corresponde au mieux à nos croyances comme à la plus grande partie de nos valeurs. C’est encore plutôt le cas pour moi là où je travaille actuellement. Même si rien n’est parfait dans le monde du travail comme ailleurs.

Cependant, avant de reprendre « ce » travail demain, dois-je ranger tous les journaux que j’ai accumulés depuis plusieurs semaines et qui font plusieurs piles près de mon lit ? Alors que je les ai parcourus comme une souris grignoterait tous les rebords ( et un peu le cœur ) du pain sans s’attaquer aux tranches elles-mêmes.
Dois-je retranscrire au propre – et trier- les nombreuses notes que j’ai prises la semaine dernière lors de deux jours de formation professionnelle pour lesquelles j’ai choisi de revenir sur mes jours de vacances ? Deux jours de congés que je récupèrerai plus tard.
Dois-je d’ores et déjà commencer à préparer mon sac pour partir au travail demain vu que j’effectue une partie de mon trajet avec mon vélo ?
Pourrais-je, ce soir, me rendre à Paris, du côté de Mouffetard, à la dernière représentation d’une très grande artiste lors d’un spectacle de marionnettes ?
Pourrai-je rapidement, et correctement, écrire au moins deux autres articles après celui-ci :
Embrigadement et Les principales vertus du combattant dont les idées me sont aussi advenues ce matin ? Sachant que je n’ai toujours pas rédigé d’article sur le ciné débat avec Jean-Gabriel Périot ; que je n’ai pas écrit d’article sur le dernier James Bond, Mourir peut attendre que je suis allé voir lundi matin ?
Dans les informations récentes que j’ai lues dans des journaux ( Le Monde, Le Figaro, Les Echos, Le Canard Enchainé, Charlie Hebdo, Le Parisien…) j’ai retenu qu’il y a aujourd’hui plus de 800 postes d’infirmières et d’infirmiers vacants dans les hôpitaux publics de la région parisienne. Le manque infirmier se fait beaucoup sentir sur les postes de nuit. Le Plan Ségur décidé par le gouvernement qui a accordé 183 euros de plus par mois à un certain nombre d’infirmières et d’infirmiers et la prochaine augmentation salariale qui devrait être effective à partir de la fin de ce mois dans les établissements de soins (et concerner aussi le personnel aide-soignant) n’a pas suffi à atténuer la dégradation des conditions de travail lancée il y a plus de vingt ans après des décisions gouvernementales et managériales successives et répétées.
Trois vaccins contre le Covid, d’après des études réalisées sur plus de vingt millions de personnes, ont démontré leur efficacité réelle contre le Covid ainsi que contre ses formes graves : les vaccins à ARN messager Pfizer et Moderna. Mais aussi le vaccin Astrazeneca , pourtant techniquement moins avancé et aussi moins bien réputé en raison de quelques effets secondaires graves reconnus ( thromboses…..). Cette information concernant l’efficacité avérée des vaccins anti-covid m’a néanmoins rassuré. Reste cette histoire de passe sanitaire désormais installée telle une ancre ou une enclume de plus en plus lourde, au fur et à mesure des jours, et qu’il va être de plus en plus difficile de soulever et de faire sortir de nos vies.
Au moins trois témoignages m’ont marqué parmi les parties civiles qui ont témoigné lors du procès des des attentats du 13 novembre 2015 qui continue de se dérouler.
Une femme qui, d’abord, s’est sentie illégitime en tant que victime, car non blessée physiquement, puis qui finit par dire qu’après l’attentat, elle n’a plus été en mesure de vivre comme auparavant et qui conclu, à propos des meurtriers des attentats :
« Ils m’ont tout pris ».
Le deuxième témoignage est celui d’une autre victime, un homme, au concert au bataclan avec son fils, qui a expliqué qu’avant de tirer- et de tuer- les terroristes avaient parlé du Président François Hollande, de la Syrie, pour justifier le fait de tirer ensuite sur les spectateurs du concert de ce jour-là . Mais que leur discours, toujours selon cet homme qui témoigne, sonnait faux. Les terroristes donnant l’impression d’être des « mauvais acteurs » récitant un texte appris par cœur mais auquel ils ne croyaient pas eux-mêmes comme s’ils étaient « sous captagon ».
Le troisième témoignage est celui d’un autre homme qui, s’adressant aux accusés, leur a dit que les terroristes s’étaient attaqués à des personnes qui n’avaient rien à voir avec les horreurs qui leur étaient reprochées (la guerre en Syrie ou autre). Mais, aussi que les terroristes s’en étaient pris à des personnes qui n’étaient pas des militaires (entraînés et armés). Et, il a demandé aux accusés s’il leur était arrivé, de rester couchés, pendant des heures, au milieu de cadavres dont les yeux les regardaient ?
Au milieu de tout ça, l’industrie nucléaire, malgré Fukushima, malgré Tchernobyl, malgré le livre La Supplication de Svetlana Alexievitch, prix Nobel de littérature il y a moins de cinq ans pour l’ensemble de son œuvre, a les faveurs du Président Macron afin de préparer notre avenir en anticipant le tarissement des gisements de pétrole prévu d’ici un demi-siècle.
En ce moment, sur certaines plages de Bretagne, les algues vertes toxiques dues à l’usage et au rejet intensif de certains engrais chimiques destinés à l’élevage, continuent d’abonder. En pleine mer, suffisamment loin de tout ça, plusieurs de mes moniteurs de mon club d’apnée, avec quelques membres du club dont j’aurais pu faire partie comme lors des deux stages précédents, sont partis faire de la chasse sous-marine. Ils ont dû se mettre à l’eau vers 8h30 ou 9h avec leurs combinaisons de 5 à 7 mm de néoprène. Et, maintenant, ils ont dû rentrer et commencé à préparer leur repas fait d’une partie de leur pêche.
Voici pour le contexte.
Trois Maitres + Un
J’ai officiellement rencontré trois Maitres d’Arts Martiaux depuis la fin de l’année dernière :
Sensei Jean-Pierre Vignau. Sensei Léo Tamaki. Sensei Régis Soavi. Trois hommes. Trois vies différentes. L’un, particulièrement chétif à sa naissance mais aussi lors des premières années de son enfance a été placé à l’assistance publique. Puis, a été adopté par un frère et une sœur agriculteurs. Le second, mi-Japonais, mi-européen a aussi un frère qui enseigne l’Aïkido dans le Val d’Oise et qui participe à ses divers projets avec martiaux ainsi que d’autres enseignants de son école : Aikido Kinshikai dont une antenne se trouve à quelques minutes à pied de mon domicile.
J’ai toujours le projet d’interviewer Sensei LĂ©o Tamaki ( L’Apparition).
Je connais « moins », pour l’instant, la biographie de Sensei RĂ©gis Soavi. Toutefois, des trois Maitres rencontrĂ©s, il est celui que j’ai rencontrĂ© avec une de ses filles. Laquelle, Manon Soavi, est cet autre Maitre que je suggère dans le titre de cet article. Sensei Soavi, m’a aussi particulièrement interpellĂ© en tant que père.
Parce-que je suis père d’une fille bien plus jeune que Manon, aujourd’hui mère et en couple. Mais aussi parce-que Sensei Soavi m’a appris que Manon n’avait pas Ă©tĂ© scolarisĂ©e.
Mais… comment a-t’elle fait pour apprendre Ă lire ? ai-je alors demandĂ©. Sensei Soavi d’interpeller alors sa fille Manon:
 » Manon, tu sais lire ? ». Celle-ci, située alors à plusieurs mètres de nous, en pleine discussion, a répondu :  » Quoi ?! ».
Sensei Soavi de m’apprendre ensuite en souriant que Manon savait non seulement lire et Ă©crire, parler Italien mais, qu’en plus, elle Ă©crivait « mĂŞme des livres ». Soit exactement l’inverse du modèle d’Ă©ducation et d’apprentissage que j’ai toujours connu. J’ai souvent eu besoin de prendre des cours avec un prof certifiĂ© pour dĂ©buter un nouvel apprentissage. Une amie m’en avait fait un jour la remarque. Il n’y a que pour Ă©crire et la photographie ( mais je serais bien incapable de tirer mes propres photos avec un appareil photo non numĂ©rique) que je n’ai pas pris de cours. Et, Ă ce jour, je ne vis toujours pas Ă©conomiquement, grâce Ă ces deux activitĂ©s.
Selon Sensei Soavi, « quand on aime son enfant », on y arrive. C’Ă©tait aussi simple et aussi Ă©vident que cela Ă l’entendre. J’aurais bien aimĂ© avoir sa confiance. Une confiance d’autant plus Ă©tablie que, concrètement, je voyais et vivais le rĂ©sultat en temps rĂ©el. Ce dojo oĂą je me trouvais. Et une de ses filles qui m’avait guidĂ© durant ma sĂ©ance de dĂ©couverte. Alors que moi, je ne suis qu’au dĂ©but de tout ça. Et, encore, si je m’y prends « bien ». Car, en tant que père, on peut beaucoup rater en se montrant trop volontaire.
MĂŞme si je suis très loin de ce qu’a pu rĂ©aliser Sensei Soavi en tant que père, je crois que la capacitĂ© de se conformer au système scolaire et social est un atout dont certaines et certains sont dĂ©pourvus. Plus pour des raisons de « comportement » ou d’histoire personnelle et Ă©motionnelle que pour des raisons d’aptitude cognitive. Et, bien mĂŞme si je suis plus conformiste en tan que père que Sensei Soavi , je ne crois pas que toute la vie s’apprenne Ă l’Ă©cole, dans les Ă©coles, dans les livres ou dans les Ă©tudes.
Mais j’ai assez peu de mĂ©rite pour « savoir » cela. D’une part, j’ai grandi en prenant quelques mandales et semonces au moins paternelles qui rĂ©futent totalement le thĂ©orème selon lequel il suffirait d’ĂŞtre poli, sĂ©rieux et gentil pour que nos quelques erreurs et bĂŞtises supposĂ©es ou rĂ©elles nous soient magiquement pardonnĂ©es. D’autre part, ĂŞtre poli, sĂ©rieux et seulement gentil nous expose dans la vie Ă bien des retournements de situation dĂ©favorables. Enfin, mes Ă©tudes puis mon mĂ©tier d’infirmier m’a un petit peu instruit quant au fait que le bonheur est une activitĂ© très concrète. Et qu’il ne se dĂ©cide pas Ă nous choisir juste parce-que l’on aurait fait de très bonnes Ă©tudes ou que l’on disposerait du bon algorithme. Mais aussi, que l’on peut avoir des très bonnes notes lors de ses Ă©tudes d’infirmier, de mĂ©decine ou autres, et, en pratique, se rĂ©vĂ©ler ĂŞtre une personne irascible, tyrannique, dispensable ou incompĂ©tente malgrĂ© le poste Ă haute responsabilitĂ© ou toute l’anciennetĂ© qui peut ĂŞtre le nĂ´tre ou la nĂ´tre.

Pour ces raisons, ce que m’a laissĂ© entrevoir Sensei Soavi de l’Ă©volution de Manon depuis son enfance, ne pouvait que m’interpeller. En tant qu’individu mais aussi en tant que père. Car si je veux bien-sĂ»r le meilleur pour ma fille, je me comporte aussi avec elle comme un militaire. La vie n’est pas que jolies licornes, douceur et gentillesse immĂ©diates et sans arrières pensĂ©es oĂą le temps s’est arrĂŞtĂ© et nous laisse tout loisir d’inventer et de compter les jolies couleurs dans le ciel. MĂŞme s’il faut, Ă©videmment, aussi, savoir s’offrir de tels moments. Mais pas n’importe comment. Pas n’importe quand. Et pas avec n’importe qui.
Dans mon article Dojo Tenshin-Ecole Itsuo Tsuda/ séance découverte , je me demande si Manon Soavi est déjà un Maitre.
Qu’il n’y ait aucune méprise :
Je ne connais pas le rituel, la cérémonie, le protocole ou le processus par lequel un être humain devient un Maitre. Je suis totalement ignorant de ce « passage » vers le statut de Maitre et, bien-sûr, des responsabilités que cela peut incomber. Car il ne suffit pas d’avoir le titre de Maitre. Il faut être Maitre. Et, cela est vrai pour toute responsabilité que l’on « incarne » ou que l’on prend.
Lorsque je parle de celui par lequel j’ai découvert et pratiqué le judo, Pascal Fleury, je dis mon « prof de judo ». Cependant, je suis déjà retourné le saluer par affection dans son club ou ai pu participer à une ou deux séances de reprise et ai pu alors constater que, désormais, plusieurs – ou la plupart- de ses élèves l’appellent Sensei. Y compris Des élèves désormais plus avancés et plus gradés que moi en judo. Mais lorsque je l’ai connu, il y a plus de vingt ans, personne dans le club ne l’appelait Sensei. Tout en reconnaissant évidemment son autorité, son Savoir et son expérience.
J’écris, qu’à mon avis, Manon Soavi est aussi un Maitre car elle est beaucoup plus avancée que moi dans différents domaines. Même si j’ai arrêté de pratiquer le judo pendant une vingtaine d’années, j’ai néanmoins continué à apprendre à vivre. Mon regard et ma façon de penser, sur moi-même et sur les autres, a un petit peu évolué.

L’âge, le sexe, la condition sociale d’origine, la formation universitaire ou scolaire reconnue ou officielle, ni mĂŞme l’habilitĂ© Ă savoir s’exprimer par Ă©crit, par l’image ou par oral, n’est pas, pour moi, le critère le plus important pour dĂ©finir un Maitre. Ces aspects ont leur importance ou peuvent en avoir une au dĂ©part, bien-sĂ»r. Pour d’autres comme pour moi. Mais, ensuite, vient la pratique. Les faits. C’est ce que je vais « regarder » ou retenir pour me dire que telle personne est un Maitre ou en a, selon moi, les particularitĂ©s. Que j’en parle ou non. Pour moi, un de mes moniteurs d’apnĂ©e, Y…actuellement en Bretagne, est l’équivalent d’un Maitre dans cette discipline qu’est l’apnĂ©e. Je ne lui en parlerai pas. Car il me rĂ©pondrait qu’il n’en n’est pas question. Qu’il trouve ça exagĂ©rĂ©. Ou qu’il n’a pas cette prĂ©tention. Pourtant, lorsque j’en ai parlĂ© il y a quelques jours Ă une copine du club, elle a aussitĂ´t abondĂ© dans mon sens.
On ne dit et l’on n’écrit pas toujours ce qui peut nous marquer. Parce-que l’on n’y pense pas. Ou que l’on se concentre sur d’autres sujets que l’on voit comme plus importants à dire.
Par exemple, dans mon article Dojo Tenshin- Ecole Itsuo Tsuda/ Séance découverte, je n’ai pas écrit ces moments où, venant me corriger aimablement, Sensei Régis Soavi, a pu me montrer comment, par un tout petit changement d’attitude corporelle ( a very very little change), une attaque apparaissait inoffensive. Et, une autre, alarmante, appelant aussitôt une façon différente, plus précise, de réagir.
Il en est de même avec Sensei Manon Soavi avec qui j’ai participé à la séance avant hier matin. Je n’ai pas tout écrit. Et, cet article et les deux autres que j’écrirai peut-être
( Embrigadement et Les principales vertus du combattant ) doivent autant une partie de mon inspiration à ma « rencontre » avec Sensei Jean-Pierre Vignau, Sensei Léo Tamaki, Sensei Régis Soavi. Qu’à Sensei Manon Soavi.
Lors d’une de mes rencontres avec lui, Jean-Pierre Vignau m’avait répondu :
« Appelle-moi, Jean-Pierre. Parce-que, pour m’appeler Sensei, il faut déjà que tu aies connu plusieurs Maitres ».

Lorsque j’étais allé assister à un de ses stages, Léo Tamaki m’avait dit que je pouvais l’appeler Léo. (Dojo 5 ).
Régis et Manon Soavi ne m’ont pas demandé de les appeler Sensei. Parmi tout ce qu’il m’a dit, Régis Soavi m’a aussi expliqué qu’il n’exigeait pas de ses élèves qu’ils portent d’emblée le Hakama. Que cela relevait de leur propre décision. Mais que, par contre, du jour où ils décidaient de le porter, qu’ils s’engageaient d’une façon particulière et qu’il ne pouvait y avoir de retour en arrière.
Concernant la ceinture, Sensei Régis Soavi m’a dit qu’il y avait pour lui deux ceintures. Une blanche. Une noire. Et, qu’à un moment donné, sans que cela soit tenu par une évaluation d’ordre didactique, il attribuait la ceinture noire. Ou pas sans doute…..
Lorsque Régis Soavi m’a expliqué ça, sûrement lors du petit-déjeuner d’après la séance, où, comme nous tous, il avait alors quitté sa tenue martiale, redevenant ainsi un simple civil, je n’ai pas eu besoin de sous-titres pour comprendre que c’était toujours le Maitre d’Aïkido qui continuait de me parler au travers de la simple enveloppe civile et décontractée de Régis.
Sensei Manon Soavi , elle, est la seule avec laquelle, à ce jour, dans mon expérience très limitée, j’ai un peu pratiqué directement l’Aïkido. Le temps d’une séance. Ce n’est ni une débutante ni une inconnue de l’Aïkido.
Alors, je suis là à donner du Maitre. Et on peut se demander si je suis en pleine extase tel le pèlerin ou l’alpiniste se trouvant au pied d’une montagne sacrée dont il a pu rêver depuis des années. En outre, avec le réchauffement du permafrost, il y a plutôt intérêt à ne pas trop traîner pour débuter l’apprentissage de l’escalade. Après tant d’années passées à errer. Et, c’est là où je reprends la phrase de Sensei Jean-Pierre Vignau. Si je jouais sur ses termes, je pourrais me dire :
« ça y’est ! J’ai rencontré trois ou quatre Maitres, donc, maintenant, je peux dire Maitre ! ».
En fait, se hâter Ă dire Maitre revient un peu Ă se dĂ©pĂŞcher de se châtrer et de se châtier soi-mĂŞme. A prendre le mot « Maitre » dans son sens le plus avilissant pour l’HumanitĂ©. L’esclave devait et doit dire Maitre Ă celle ou celui qui le domine et qui a droit de vie et de mort sur lui et sa descendance. Or, les Maitres d’Arts martiaux que je dĂ©signe dans cet article- ainsi que les autres – seraient sĂ»rement horrifiĂ©s si les Ă©lèves ou les disciples qui les appellent Maitre se comportaient d’eux-mĂŞmes comme des esclaves devant leur pharaon. Ou comme des fans devant leur Ted Nugent.
Aussi, que cela soit officiel : lorsque j’écris « Maitre », je ne parle pas de pharaons, d’empereurs ou de Cléopâtre devant lesquels, je devrais baisser les yeux et lécher le sol où ils marchent. En remerciant une force supérieure de m’avoir autorisé à vivre cette expérience suprême. Et, en faisant de moi un peu l’équivalent du personnage particulièrement bien joué par l’acteur Samuel Jackson dans le film Django Unchained de Quentin Tarantino. Soit un esclave noir si fervent de son Maitre esclavagiste (également très bien interprété par l’acteur Léo Dicaprio) qu’il est prêt à mourir pour lui en dépit des multiples sévices que celui-ci et d’autres ont pu lui infliger dès sa naissance.

La liberté :
Ce qui me marque beaucoup à parler de ces Maitres, c’est leur liberté. Chacun a bien sûr sa personnalité. Et, celle-ci tranche par rapport à celle des autres. Mais ces Maitres, d’une façon ou d’une autre, sont plus libres et semblent aussi plus épanouis que la majorité.
Une minorité d’individus, sur terre, concentre la majorité des richesses économiques et politiques sur terre. Les Maitres d’Arts martiaux font plutôt partie de ces minorités d’individus qui concentrent ou semblent concentrer, elles et eux, une « quantité », peut-être une majorité, de richesses morales, spirituelles et physiques sur terre. Mais ces derniers ( les Maitres d’Arts martiaux) peuvent être assez « ignorés » au profit de coaches, de consultations de « bien-être » les plus diverses, de salles de sport, de magazines, souvent féminins ou considérés comme du ressort de la presse dite féminine type Psychologie ou Biba ou autres, ou de « sorties » entre copains ou entre copines. Ce mode de vie a bien-sûr ses justifications. Sauf qu’il a une certaine tendance, à un moment donné, à tourner autour du pot lorsqu’il s’agit de vivre ou d’être une personne. Je vais prendre mon exemple :
Je peux continuer d’aller voir des quantités indénombrables de films et écrire ensuite à leur sujet. D’autant que depuis hier, par exemple, en m’inscrivant dans une médiathèque d’une autre ville que la mienne, j’ai un nouvel accès – illimité- à un certain nombre de prêts de dvds, de cds et de livres. Et, j’ai commencé par en emprunter 39 articles car il fallait bien « amortir » le coût de l’inscription à l’année, pour un « étranger » : 50 euros. Je savais très bien qu’un mois de prêt serait largement insuffisant pour regarder tous ces films et ces quelques séries télévisées. Mais, aussi, pour écouter avec présence cette dizaine de cds.
Cependant, même si j’y parviens, voir tous ces films, écrire à leur sujet, lire le plus possible de journaux et de livres (empruntés comme achetés) cela va-t’il suffire pour me rendre plus libre et plus épanoui ?
Même si j’ai la chance, par rapport à d’autres, de pouvoir prendre le temps de regarder des dvds et d’écouter des cds. Ainsi que, d’avoir pu faire le nécessaire, en décidant de chercher un poste avec certains horaires de travail, pour pouvoir bénéficier de ce temps personnel. Mais aussi en décidant du nombre d’enfants pour lequel je serai père et à partir de quand dans ma vie.
Donc, être Maitre, c’est sûrement, déjà , être suffisamment Maitre de son temps afin de pouvoir l’employer à ce qui nous importe le plus. Et, cela, de manière suffisamment satisfaisante pour soi et pour celles et ceux qui, ensuite, viennent régulièrement chercher et vivre ce temps commun.

La difficulté
Toutefois, si je parle de Maitres d’Arts martiaux qui sont, pour tout pratiquant d’Art martial, les modèles ou les pionniers dont on s’inspire (j’aime, dans la traduction du mot Sensei lire que le Sensei est « celle ou celui qui est né(e ) avant), il faut aussi parler de celles et ceux qui les entourent. Les autres pratiquantes et pratiquants.
Face au sensei, on est un peu comme face à un miroir. Sauf que le reflet, la silhouette, l’idéal, la personnalité que l’on voit n’est pas le nôtre, pas la nôtre. Et, cela ne sera jamais. Car chaque personne est unique. Néanmoins, on peut avoir tendance, si l’on admire un peu trop une Maitre ou un Maitre, si l’on colle beaucoup trop à son reflet ou à sa personnalité, à ne voir qu’elle ou lui ou à ne voir que par elle ou par lui. Et à négliger celles et ceux qui nous entourent. Plus avancés que nous, plutôt exemplaires. Mais aussi celles et ceux donnant à voir une pratique peu flatteuse et peu avantageuse de la discipline. Il y a les pratiquantes et les pratiquants doués et expérimentés. Leur inverse existe aussi : peu doué, peu expérimenté, mais aussi expérimenté et pourtant peu doué. Ou très doué alors que peu expérimenté.
Etre un Maitre, ou aspirer à en devenir un, cela consistera sans doute à apprendre à accepter de composer avec au moins ces trois « difficultés ».
Celle du Maitre. Celle des autres pratiquantes et pratiquants qui « réussissent » mieux que nous ou qui sont « meilleurs » que nous. Celle des pratiquantes et pratiquants qui « patinent », qui « rament».
Et soi-même. Avec nos propres difficultés et facilités qui varient selon les périodes.
Je cite trois difficultés + une. Ces difficultés peuvent aussi être perçues comme les trois angles différents d’un problème ou d’une situation. On peut aussi remplacer le terme « difficultés » par le terme « dimension ». Nous vivons souvent dans à peine une dimension, voire deux. Et, encore. Je l’écris ici, assez intuitivement, et, aussi, pour l’avoir lu ou entendu.
Le titre de cet article est Trois Maitres + Un. Soit quatre possibilités, parce qu’une difficulté peut aussi devenir une possibilité, que l’on peut rencontrer, que l’on rencontre, que l’on a rencontré, de vivre autrement, d’être autrement. Selon que l’on décide. De Ranger des piles de journaux. De Préparer son sac de travail pour le lendemain. D’ écrire un article ou plusieurs. Ou de ne pas le faire. L’école Itsuo Tsuda de Sensei Régis Soavi enseigne le Non-Faire. Le Non-Faire, c’est le contraire de notre société. Il y a beaucoup de personnes de par le monde, en France comme ailleurs, pour lesquels ne rien faire est particulièrement violent. Cela reviendrait presque à vomir ses tripes après plusieurs cuites répétées.
Franck Unimon, ce jeudi 14 octobre 2021.