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self-défense/ Arts Martiaux

Trois Maitres + Un

 

Paris, station Opéra, octobre 2021.

                                               Trois Maitres + Un

 

Le Contexte :

Trouver l’album de musique qui va nous faire bien dĂ©buter la journĂ©e correspond peut-ĂŞtre Ă  la profession de certaines personnes. De ce choix  peut dĂ©couler une ribambelle d’incidences et d’influences.

Ce matin, mon choix se porte finalement sur l’album Live at Hammersmith en 1979 de Ted Nugent. Un cd empruntĂ© hier. Je n’ai jamais Ă©coutĂ© d’album de Ted Nugent mais j’ai entendu son nom il y a des annĂ©es. Peut-ĂŞtre dans les annĂ©es 80. Ted Nugent, ce matin, a supplantĂ© l’album Celebration des Simple Minds. Dont j’ai trouvĂ© le premier titre trop « dansant Â». Une danse froide. Mais aussi l’album Addiction de Robert Palmer ainsi que le Cd The Best of Bond…James Bond sur lequel ne figure pas le titre interprĂ©tĂ© par la chanteuse Adele que j’aurais aimĂ© rĂ©entendre.

Si Ted Nugent avait « Ă©chouĂ© Â» au casting, j’aurais alors essayĂ© l’album Live de The Clash From Here to Eternity. Mais Ted Nugent l’a emportĂ©. En Ă©coutant plusieurs de ses titres alors que j’effectuais des Ă©tirements, je me suis avisĂ© que lui, comme bien des artistes qui ont « rĂ©ussi Â», sont souvent des personnes qui, malgrĂ© bien des difficultĂ©s souvent adverses, sont parvenues Ă  leur substituer le succès. Economique, artistique, social. Un artiste qui « rĂ©ussit Â» est souvent une personne qui su conserver une certaine libertĂ© ( mĂŞme si celle-ci tient Ă  coups de substances, de dĂ©sagrĂ©ments, de compromissions, d’opĂ©rations de communication ou de publicitĂ©s, de trahisons) qui, le plus souvent, manque Ă  celles et ceux qui l’écoutent, le  dĂ©sirent,  le « dĂ©vorent Â» ou le regardent, et qui, près ou loin de la scène « communient Â» avec lui le temps d’un concert ou d’une reprĂ©sentation publique de quelques minutes ou de quelques heures.  

 

Comme tant d’autres, je ne suis pas Ted Nugent. Et, demain, je vais reprendre « le travail Â» : celui que l’on dĂ©signe le plus souvent en premier du fait de ses caractĂ©ristiques obligatoires. Tant d’un point de vue financier que moral. Si mon travail a peut-ĂŞtre plus de points communs que je ne le crois avec celui d’un artiste comme Ted Nugent, mon travail bĂ©nĂ©ficie de beaucoup moins d’aura. C’est celui d’un employĂ© comme il en existe des millions.

 

Au cours de la durĂ©e d’une certaine activitĂ© professionnelle et personnelle, comme des millions d’autres individus, j’accepte d’être l’employĂ© de quelqu’un, de plusieurs interlocuteurs ou d’une institution, et de partager avec eux un certain nombre de valeurs et d’objectifs Ă  atteindre. Je m’appliquerai Ă  faire de mon mieux en vue d’être, quelles que soient les circonstances rencontrĂ©es lors de l’exercice de mes fonctions, conforme Ă  ces valeurs mais aussi attachĂ© Ă  la rĂ©alisation des objectifs dĂ©finis, prĂ©dĂ©finis lors de mon embauche. Ou redĂ©finis après mon embauche. 

 

J’offre ou donne une partie de ma disponibilitĂ©, de ma bonne volontĂ© comme de mes capacitĂ©s et compĂ©tences en vue de percevoir un salaire ou une rĂ©munĂ©ration. Laquelle rĂ©munĂ©ration me permet et me permettra, ensuite, de continuer de satisfaire ou de faire face Ă  d’autres obligations. Mais, aussi, de m’accorder quelques plaisirs ou de prĂ©parer certains projets ( comme, peut-ĂŞtre, prendre une place dans une machine Ă  remonter le temps afin d’aller assister en direct Ă  ce concert de Ted Nugent). De manière immĂ©diate ou diffĂ©rĂ©e. En pouvant m’acquitter rapidement de la somme financière attendue. Ou en demandant et en obtenant un crĂ©dit que je m’engagerai, après signature d’un contrat, Ă  rembourser rĂ©gulièrement pendant un  certain laps de temps.

 

Il est d’autres sortes de travail que nous effectuons rĂ©gulièrement en parallèle ou, aussi, un peu en mĂŞme temps. Au « travail Â», nous continuons de penser Ă  notre vie personnelle. Sauf si nous sommes trop absorbĂ©s par notre tâche ou notre « travail Â» par choix ou par contrainte.

 

Afin de vivre au mieux ce travail, il est préférable que celui-ci corresponde au mieux à nos croyances comme à la plus grande partie de nos valeurs. C’est encore plutôt le cas pour moi là où je travaille actuellement. Même si rien n’est parfait dans le monde du travail comme ailleurs.

Paris, octobre 2021.

 

 

Cependant, avant de reprendre « ce Â» travail demain, dois-je ranger tous les journaux que j’ai accumulĂ©s depuis plusieurs semaines et qui font plusieurs piles près de mon lit ? Alors que je les ai parcourus comme une souris grignoterait tous les rebords ( et un peu le cĹ“ur ) du pain sans s’attaquer aux tranches elles-mĂŞmes.

Dois-je retranscrire au propre – et trier- les nombreuses notes que j’ai prises la semaine dernière lors de deux jours de formation professionnelle pour lesquelles j’ai choisi de revenir sur mes jours de vacances ? Deux jours de congĂ©s que je rĂ©cupèrerai plus tard.

Dois-je d’ores et déjà commencer à préparer mon sac pour partir au travail demain vu que j’effectue une partie de mon trajet avec mon vélo ?

Pourrais-je, ce soir, me rendre Ă  Paris, du cĂ´tĂ© de Mouffetard, Ă  la dernière reprĂ©sentation d’une très grande artiste lors d’un spectacle de marionnettes ?

Pourrai-je rapidement, et correctement, Ă©crire au moins deux autres articles après celui-ci :

Embrigadement  et Les principales vertus du combattant dont les idĂ©es me sont aussi advenues ce matin ? Sachant que je n’ai toujours pas rĂ©digĂ© d’article sur le cinĂ© dĂ©bat avec Jean-Gabriel PĂ©riot ; que je n’ai pas Ă©crit d’article sur le dernier James Bond, Mourir peut attendre que je suis allĂ© voir lundi matin ?

 

Dans les informations récentes que j’ai lues dans des journaux ( Le Monde, Le Figaro, Les Echos, Le Canard Enchainé, Charlie Hebdo, Le Parisien…) j’ai retenu qu’il y a aujourd’hui plus de 800 postes d’infirmières et d’infirmiers vacants dans les hôpitaux publics de la région parisienne. Le manque infirmier se fait beaucoup sentir sur les postes de nuit. Le Plan Ségur décidé par le gouvernement qui a accordé 183 euros de plus par mois à un certain nombre d’infirmières et d’infirmiers et la prochaine augmentation salariale qui devrait être effective à partir de la fin de ce mois dans les établissements de soins (et concerner aussi le personnel aide-soignant) n’a pas suffi à atténuer la dégradation des conditions de travail lancée il y a plus de vingt ans après des décisions gouvernementales et managériales successives et répétées.

 

Trois vaccins contre le Covid, d’après des Ă©tudes rĂ©alisĂ©es sur plus de vingt millions de personnes, ont dĂ©montrĂ© leur efficacitĂ© rĂ©elle contre le Covid ainsi que contre ses formes graves : les vaccins Ă  ARN messager Pfizer et Moderna. Mais aussi le vaccin Astrazeneca , pourtant techniquement moins avancĂ© et aussi moins bien rĂ©putĂ© en raison de quelques effets secondaires graves reconnus ( thromboses…..). Cette information concernant l’efficacitĂ© avĂ©rĂ©e des vaccins anti-covid m’a nĂ©anmoins rassurĂ©. Reste cette histoire de passe sanitaire dĂ©sormais installĂ©e telle une ancre ou une enclume de plus en plus lourde, au fur et Ă  mesure des jours, et qu’il va ĂŞtre de plus en plus difficile de soulever et de faire sortir de nos vies.

 

Au moins trois témoignages m’ont marqué parmi les parties civiles qui ont témoigné lors du procès des des attentats du 13 novembre 2015 qui continue de se dérouler.

Une femme qui, d’abord, s’est sentie illĂ©gitime en tant que victime, car non blessĂ©e physiquement, puis qui finit par dire qu’après l’attentat, elle n’a plus Ă©tĂ© en mesure de vivre comme auparavant et qui conclu, Ă  propos des meurtriers des attentats :

« Ils m’ont tout pris Â».

Le deuxième tĂ©moignage est celui d’une autre victime, un homme, au concert au bataclan avec son fils, qui a expliquĂ© qu’avant de tirer- et de tuer- les terroristes avaient parlĂ© du PrĂ©sident François Hollande, de la Syrie, pour justifier le fait de tirer ensuite sur les spectateurs du concert de ce jour-lĂ . Mais que leur discours, toujours selon cet homme qui tĂ©moigne, sonnait faux. Les terroristes donnant l’impression d’être des « mauvais acteurs Â» rĂ©citant un texte appris par cĹ“ur mais auquel ils ne croyaient pas eux-mĂŞmes comme s’ils Ă©taient « sous captagon Â».

Le troisième tĂ©moignage est celui d’un autre homme qui, s’adressant aux accusĂ©s, leur a dit que les terroristes s’étaient attaquĂ©s Ă  des personnes qui n’avaient rien Ă  voir avec les horreurs qui leur Ă©taient reprochĂ©es (la guerre en Syrie ou autre). Mais, aussi que les terroristes s’en Ă©taient pris Ă  des personnes qui n’étaient pas des militaires (entraĂ®nĂ©s et armĂ©s). Et, il a demandĂ© aux accusĂ©s s’il leur Ă©tait arrivĂ©, de rester couchĂ©s, pendant des heures, au milieu de cadavres dont les yeux les regardaient ?

 

Au milieu de tout ça, l’industrie nuclĂ©aire, malgrĂ© Fukushima, malgrĂ© Tchernobyl, malgrĂ© le livre La Supplication de Svetlana Alexievitch, prix Nobel de littĂ©rature il y a moins de cinq ans pour l’ensemble de son Ĺ“uvre, a les faveurs du PrĂ©sident Macron afin de prĂ©parer  notre avenir en anticipant le tarissement  des gisements de pĂ©trole prĂ©vu d’ici un demi-siècle.

 

En ce moment, sur certaines plages de Bretagne, les algues vertes toxiques dues Ă  l’usage et au rejet intensif de certains engrais chimiques destinĂ©s Ă  l’élevage, continuent d’abonder.  En pleine mer, suffisamment loin de tout ça, plusieurs de mes moniteurs de mon club d’apnĂ©e, avec quelques membres du club dont j’aurais pu faire partie comme lors des deux stages prĂ©cĂ©dents, sont partis faire de la chasse sous-marine. Ils ont dĂ» se mettre Ă  l’eau vers 8h30 ou 9h avec leurs combinaisons de 5 Ă  7 mm de nĂ©oprène. Et, maintenant, ils ont dĂ» rentrer et commencĂ© Ă  prĂ©parer leur repas fait d’une partie de leur pĂŞche.

 

 

Voici pour le contexte.

 

 

 

Trois Maitres + Un

 

J’ai officiellement rencontrĂ© trois Maitres d’Arts Martiaux depuis la fin de l’annĂ©e dernière :

 

Sensei Jean-Pierre Vignau. Sensei LĂ©o Tamaki. Sensei RĂ©gis Soavi. Trois hommes. Trois vies diffĂ©rentes.  L’un, particulièrement chĂ©tif Ă  sa naissance mais aussi lors des premières annĂ©es de son enfance a Ă©tĂ© placĂ© Ă  l’assistance publique. Puis, a Ă©tĂ© adoptĂ© par un frère et une sĹ“ur agriculteurs. Le second, mi-Japonais, mi-europĂ©en a aussi un frère qui enseigne l’AĂŻkido dans le Val d’Oise et qui participe Ă  ses divers projets avec martiaux ainsi que d’autres enseignants de son Ă©cole : Aikido Kinshikai dont une antenne se trouve Ă  quelques minutes Ă  pied de mon domicile.

J’ai toujours le projet d’interviewer Sensei LĂ©o Tamaki L’Apparition). 

 

Je connais « moins Â», pour l’instant, la biographie de Sensei RĂ©gis Soavi. Toutefois, des trois Maitres rencontrĂ©s, il est celui que j’ai rencontrĂ© avec une de ses filles. Laquelle,  Manon Soavi, est cet autre Maitre que je suggère dans le titre de cet article. Sensei Soavi, m’a aussi particulièrement interpellĂ© en tant que père.

Parce-que je suis père d’une fille bien plus jeune que Manon, aujourd’hui mère et en couple. Mais aussi parce-que Sensei Soavi m’a appris que Manon n’avait pas Ă©tĂ© scolarisĂ©e.

Mais… comment a-t’elle fait pour apprendre Ă  lire ? ai-je alors demandĂ©. Sensei Soavi d’interpeller alors sa fille Manon:

 » Manon, tu sais lire ? ». Celle-ci, situĂ©e alors Ă  plusieurs mètres de nous, en pleine discussion, a rĂ©pondu :  » Quoi ?! ». 

Sensei Soavi de m’apprendre ensuite en souriant que Manon savait non seulement lire et Ă©crire, parler Italien mais, qu’en plus, elle Ă©crivait « mĂŞme des livres ». Soit exactement l’inverse du modèle d’Ă©ducation et d’apprentissage que j’ai toujours connu. J’ai souvent eu besoin de prendre des cours avec un prof certifiĂ© pour dĂ©buter un nouvel apprentissage. Une amie m’en avait fait un jour la remarque. Il n’y a que pour Ă©crire et la photographie ( mais je serais bien incapable de tirer mes propres photos avec un appareil photo non numĂ©rique) que je n’ai pas pris de cours. Et, Ă  ce jour, je ne vis toujours pas Ă©conomiquement, grâce Ă  ces deux activitĂ©s.  

Selon Sensei Soavi, « quand on aime son enfant », on y arrive. C’Ă©tait aussi simple et aussi Ă©vident que cela Ă  l’entendre. J’aurais bien aimĂ© avoir sa confiance. Une confiance d’autant plus Ă©tablie que, concrètement, je voyais et vivais le rĂ©sultat en temps rĂ©el. Ce dojo oĂą je me trouvais. Et une de ses filles qui m’avait guidĂ© durant ma sĂ©ance de dĂ©couverte. Alors que moi, je ne suis qu’au dĂ©but de tout ça. Et, encore, si je m’y prends « bien ». Car, en tant que père, on peut beaucoup rater en se montrant trop volontaire.  

MĂŞme si je suis très loin de ce qu’a pu rĂ©aliser Sensei Soavi en tant que père,  je crois que la capacitĂ© de se conformer au système scolaire et social est un atout dont certaines et certains sont dĂ©pourvus. Plus pour des raisons de « comportement » ou d’histoire personnelle et Ă©motionnelle que pour des raisons d’aptitude cognitive. Et, bien mĂŞme si je suis  plus conformiste en tan que père que Sensei Soavi , je ne crois pas que toute la vie s’apprenne Ă  l’Ă©cole, dans les Ă©coles, dans les livres ou dans les Ă©tudes.

Mais j’ai assez peu de mĂ©rite pour « savoir » cela. D’une part, j’ai grandi en prenant quelques mandales et semonces au moins paternelles qui rĂ©futent totalement le thĂ©orème selon lequel il suffirait d’ĂŞtre poli, sĂ©rieux et gentil pour que nos quelques erreurs et bĂŞtises supposĂ©es ou rĂ©elles nous soient magiquement pardonnĂ©es. D’autre part, ĂŞtre poli, sĂ©rieux et seulement gentil nous expose dans la vie Ă  bien des retournements de situation dĂ©favorables. Enfin, mes Ă©tudes puis mon mĂ©tier d’infirmier m’a un petit peu instruit quant au fait que le bonheur est une activitĂ© très concrète. Et qu’il ne se dĂ©cide pas Ă  nous choisir juste parce-que l’on aurait fait de très bonnes Ă©tudes ou que l’on disposerait du bon algorithme. Mais aussi, que l’on peut avoir des très bonnes notes lors de ses Ă©tudes d’infirmier, de mĂ©decine ou autres, et, en pratique, se rĂ©vĂ©ler ĂŞtre une personne irascible, tyrannique, dispensable ou incompĂ©tente malgrĂ© le poste Ă  haute responsabilitĂ© ou toute l’anciennetĂ© qui peut ĂŞtre le nĂ´tre ou la nĂ´tre. 

Paris, Octobre 2021.

Pour ces raisons, ce que m’a laissĂ© entrevoir Sensei Soavi de l’Ă©volution de Manon depuis son enfance, ne pouvait que m’interpeller. En tant qu’individu mais aussi en tant que père. Car si je veux bien-sĂ»r le meilleur pour ma fille, je me comporte aussi avec elle comme un militaire. La vie n’est pas que jolies licornes, douceur et gentillesse immĂ©diates et sans arrières pensĂ©es oĂą le temps s’est arrĂŞtĂ© et nous laisse tout loisir d’inventer et de compter les jolies couleurs dans le ciel. MĂŞme s’il faut, Ă©videmment, aussi, savoir s’offrir de tels moments. Mais pas n’importe comment. Pas n’importe quand. Et pas avec n’importe qui. 

 

Dans mon article Dojo Tenshin-Ecole Itsuo Tsuda/ sĂ©ance dĂ©couverte , je me demande si  Manon Soavi est dĂ©jĂ  un Maitre.

 

 

Qu’il n’y ait aucune mĂ©prise :

 

Je ne connais pas le rituel, la cĂ©rĂ©monie, le protocole ou le processus par lequel un ĂŞtre humain devient un Maitre. Je suis totalement ignorant de ce « passage Â» vers le statut de Maitre et, bien-sĂ»r, des responsabilitĂ©s que cela peut incomber. Car il ne suffit pas d’avoir le titre de Maitre. Il faut ĂŞtre Maitre. Et, cela est vrai pour toute responsabilitĂ© que l’on « incarne Â» ou que l’on prend.

 

Lorsque je parle de celui par lequel j’ai dĂ©couvert et pratiquĂ© le judo, Pascal Fleury, je dis mon « prof  de judo Â». Cependant, je suis dĂ©jĂ  retournĂ© le saluer par affection dans son club ou ai pu participer Ă  une ou deux sĂ©ances de reprise et ai pu alors constater que, dĂ©sormais, plusieurs – ou la plupart- de ses Ă©lèves l’appellent Sensei. Y compris Des Ă©lèves dĂ©sormais plus avancĂ©s et plus gradĂ©s que moi en judo. Mais lorsque je l’ai connu, il y a plus de vingt ans, personne dans le club ne l’appelait Sensei. Tout en reconnaissant Ă©videmment son autoritĂ©, son Savoir et son expĂ©rience.

 

 

J’écris, qu’à mon avis, Manon Soavi est aussi un Maitre car elle est beaucoup plus avancée que moi dans différents domaines. Même si j’ai arrêté de pratiquer le judo pendant une vingtaine d’années, j’ai néanmoins continué à apprendre à vivre. Mon regard et ma façon de penser, sur moi-même et sur les autres, a un petit peu évolué.

Gare de Cergy st-Christophe, octobre 2021.

 

 

L’âge, le sexe, la condition sociale d’origine, la formation universitaire ou scolaire reconnue ou officielle,  ni mĂŞme l’habilitĂ© Ă  savoir s’exprimer par Ă©crit, par l’image ou par oral, n’est pas, pour moi, le critère le plus important pour dĂ©finir un Maitre. Ces aspects ont leur importance ou peuvent en avoir une au dĂ©part, bien-sĂ»r. Pour d’autres comme pour moi. Mais, ensuite, vient la pratique. Les faits. C’est ce que je vais « regarder Â» ou retenir pour me dire que telle personne est un Maitre ou en a, selon moi, les particularitĂ©s. Que j’en parle ou non. Pour moi, un de mes moniteurs d’apnĂ©e, Y…actuellement en Bretagne, est l’équivalent d’un Maitre dans cette discipline qu’est l’apnĂ©e. Je ne lui en parlerai pas. Car il me rĂ©pondrait qu’il n’en n’est pas question. Qu’il trouve ça exagĂ©rĂ©. Ou qu’il n’a pas cette prĂ©tention. Pourtant, lorsque j’en ai parlĂ© il y a quelques jours Ă  une copine du club, elle a aussitĂ´t abondĂ© dans mon sens.

 

 

On ne dit et l’on n’écrit pas toujours ce qui peut nous marquer. Parce-que l’on n’y pense pas. Ou que l’on se concentre sur d’autres sujets que l’on voit comme plus importants à dire.

 

Par exemple, dans mon article Dojo Tenshin- Ecole Itsuo Tsuda/ Séance découverte, je n’ai pas écrit ces moments où, venant me corriger aimablement, Sensei Régis Soavi, a pu me montrer comment, par un tout petit changement d’attitude corporelle ( a very very little change), une attaque apparaissait inoffensive. Et, une autre, alarmante, appelant aussitôt une façon différente, plus précise, de réagir.

 

Il en est de même avec Sensei Manon Soavi avec qui j’ai participé à la séance avant hier matin. Je n’ai pas tout écrit. Et, cet article et les deux autres que j’écrirai peut-être

( Embrigadement  et Les principales vertus du combattant ) doivent autant une partie de mon inspiration Ă  ma « rencontre Â» avec Sensei Jean-Pierre Vignau, Sensei LĂ©o Tamaki, Sensei RĂ©gis Soavi. Qu’à Sensei Manon Soavi.

 

Lors d’une de mes rencontres avec lui, Jean-Pierre Vignau m’avait répondu :

 

« Appelle-moi, Jean-Pierre. Parce-que, pour m’appeler Sensei, il faut dĂ©jĂ  que tu aies connu plusieurs Maitres Â».

 

 

Paris, octobre 2021.

Lorsque j’étais allĂ© assister  Ă  un de ses stages, LĂ©o Tamaki m’avait dit que je pouvais l’appeler LĂ©o. (Dojo 5 ). 

 

Régis et Manon Soavi ne m’ont pas demandé de les appeler Sensei. Parmi tout ce qu’il m’a dit, Régis Soavi m’a aussi expliqué qu’il n’exigeait pas de ses élèves qu’ils portent d’emblée le Hakama. Que cela relevait de leur propre décision. Mais que, par contre, du jour où ils décidaient de le porter, qu’ils s’engageaient d’une façon particulière et qu’il ne pouvait y avoir de retour en arrière.

Concernant la ceinture, Sensei Régis Soavi m’a dit qu’il y avait pour lui deux ceintures. Une blanche. Une noire. Et, qu’à un moment donné, sans que cela soit tenu par une évaluation d’ordre didactique, il attribuait la ceinture noire. Ou pas sans doute…..

Lorsque RĂ©gis Soavi m’a expliquĂ© ça, sĂ»rement lors du petit-dĂ©jeuner d’après la sĂ©ance, oĂą, comme nous tous, il avait alors quittĂ© sa tenue martiale, redevenant ainsi un simple civil, je n’ai pas eu besoin de sous-titres pour comprendre que c’était toujours  le Maitre d’AĂŻkido qui continuait de me parler au travers de la simple enveloppe civile et dĂ©contractĂ©e de RĂ©gis.

 

 

Sensei Manon Soavi , elle, est la seule avec laquelle, à ce jour, dans mon expérience très limitée, j’ai un peu pratiqué directement l’Aïkido. Le temps d’une séance. Ce n’est ni une débutante ni une inconnue de l’Aïkido.

 

 

Alors, je suis lĂ  Ă  donner du Maitre. Et on peut se demander si je suis en pleine extase tel le pèlerin ou l’alpiniste se trouvant au pied d’une montagne sacrĂ©e dont il a pu rĂŞver depuis des annĂ©es. En outre, avec le rĂ©chauffement du permafrost, il y a plutĂ´t intĂ©rĂŞt Ă  ne pas trop traĂ®ner pour dĂ©buter l’apprentissage de l’escalade. Après tant d’annĂ©es passĂ©es Ă  errer. Et, c’est lĂ  oĂą je reprends la phrase de Sensei Jean-Pierre Vignau. Si je jouais sur ses termes, je pourrais me dire :

 

« Ă§a y’est ! J’ai rencontrĂ© trois ou quatre Maitres, donc, maintenant, je peux dire Maitre ! Â».

 

En fait, se hâter Ă  dire Maitre revient un peu Ă  se dĂ©pĂŞcher de se châtrer et de se châtier soi-mĂŞme. A prendre le mot « Maitre Â» dans son sens le plus avilissant pour l’HumanitĂ©. L’esclave devait et doit dire Maitre Ă  celle ou celui qui le domine et qui a droit de vie et de mort sur lui et sa descendance. Or, les Maitres d’Arts martiaux que je dĂ©signe dans cet article- ainsi que les autres – seraient sĂ»rement horrifiĂ©s si les Ă©lèves ou les disciples qui les appellent Maitre se comportaient d’eux-mĂŞmes comme des esclaves devant leur pharaon. Ou comme des fans devant  leur Ted Nugent.

 

Aussi, que cela soit officiel : lorsque j’écris « Maitre Â», je ne parle pas de pharaons, d’empereurs ou de ClĂ©opâtre devant lesquels, je devrais baisser les yeux et lĂ©cher le sol  oĂą ils marchent. En remerciant une force supĂ©rieure de m’avoir autorisĂ© Ă  vivre cette expĂ©rience suprĂŞme. Et, en faisant de moi un peu l’équivalent du personnage particulièrement bien jouĂ© par l’acteur Samuel Jackson  dans le film Django Unchained de Quentin Tarantino. Soit un esclave noir si fervent de son Maitre esclavagiste (Ă©galement très bien interprĂ©tĂ© par l’acteur  LĂ©o Dicaprio) qu’il est prĂŞt Ă  mourir pour lui en dĂ©pit des multiples sĂ©vices que celui-ci et d’autres ont pu lui infliger dès sa naissance.

 

Cergy St-Christophe, fin septembre 2021, lors de la manifestation Cergy, soit !

 

La libertĂ© :

 

 

Ce qui me marque beaucoup à parler de ces Maitres, c’est leur liberté. Chacun a bien sûr sa personnalité. Et, celle-ci tranche par rapport à celle des autres. Mais ces Maitres, d’une façon ou d’une autre, sont plus libres et semblent aussi plus épanouis que la majorité.

 

Une minoritĂ© d’individus, sur terre, concentre la majoritĂ© des richesses Ă©conomiques et politiques sur terre. Les Maitres d’Arts martiaux font plutĂ´t partie de ces minoritĂ©s d’individus qui concentrent ou semblent concentrer, elles et eux, une « quantitĂ© Â», peut-ĂŞtre une majoritĂ©, de richesses morales, spirituelles et physiques sur terre. Mais ces derniers ( les Maitres d’Arts martiaux) peuvent ĂŞtre assez « ignorĂ©s Â» au profit de coaches, de consultations de « bien-ĂŞtre Â» les plus diverses, de salles de sport, de magazines, souvent fĂ©minins ou considĂ©rĂ©s comme du ressort de la presse dite fĂ©minine type Psychologie ou Biba ou autres, ou de « sorties Â» entre copains ou entre copines. Ce mode de vie a bien-sĂ»r ses justifications. Sauf qu’il a une certaine tendance, Ă  un moment donnĂ©, Ă  tourner autour du pot lorsqu’il s’agit de vivre ou d’être une personne. Je vais prendre mon exemple :

 

Je peux continuer d’aller voir des quantitĂ©s indĂ©nombrables de films et Ă©crire ensuite Ă  leur sujet. D’autant que depuis hier, par exemple, en m’inscrivant dans une mĂ©diathèque d’une autre ville que la mienne, j’ai un nouvel accès – illimitĂ©- Ă  un certain nombre de prĂŞts de dvds, de cds et de livres. Et, j’ai commencĂ© par en emprunter 39 articles car il fallait bien « amortir Â» le coĂ»t de l’inscription Ă  l’annĂ©e, pour un « Ă©tranger Â» : 50 euros. Je savais très bien qu’un mois de prĂŞt serait largement insuffisant pour regarder tous ces films et ces quelques sĂ©ries tĂ©lĂ©visĂ©es. Mais, aussi, pour Ă©couter avec prĂ©sence cette dizaine de cds.

Cependant, mĂŞme si j’y parviens, voir tous ces films, Ă©crire Ă  leur sujet, lire le plus possible de journaux et de livres (empruntĂ©s comme achetĂ©s) cela va-t’il suffire pour me rendre plus libre et plus Ă©panoui ?

 

MĂŞme si j’ai la chance, par rapport Ă  d’autres, de pouvoir prendre le temps de regarder des dvds et d’écouter des cds. Ainsi que, d’avoir  pu faire le nĂ©cessaire, en dĂ©cidant de chercher un poste avec certains horaires de travail, pour pouvoir bĂ©nĂ©ficier de ce temps personnel. Mais aussi en dĂ©cidant du nombre d’enfants pour lequel je serai père et Ă  partir de quand dans ma vie.  

 

Donc, être Maitre, c’est sûrement, déjà, être suffisamment Maitre de son temps afin de pouvoir l’employer à ce qui nous importe le plus. Et, cela, de manière suffisamment satisfaisante pour soi et pour celles et ceux qui, ensuite, viennent régulièrement chercher et vivre ce temps commun.

 

Près de la gare d’Argenteuil, octobre 2021.

 

La difficulté

 

 

Toutefois, si je parle de Maitres d’Arts martiaux qui sont, pour tout pratiquant d’Art martial, les modèles ou les pionniers dont on s’inspire (j’aime, dans la traduction du mot Sensei lire que le Sensei est « celle ou celui qui est nĂ©(e ) avant), il faut aussi parler de celles et ceux qui les entourent. Les autres pratiquantes et pratiquants.

 

Face au sensei, on est un peu comme face Ă  un miroir. Sauf que le reflet, la silhouette, l’idĂ©al, la personnalitĂ© que l’on voit n’est pas le nĂ´tre, pas la nĂ´tre. Et, cela ne sera jamais. Car chaque personne est unique.  NĂ©anmoins, on peut avoir tendance, si l’on admire un peu trop une Maitre ou un Maitre, si l’on colle beaucoup trop Ă  son reflet ou Ă  sa personnalitĂ©, Ă  ne voir qu’elle ou lui ou Ă  ne voir que par elle ou par lui. Et Ă  nĂ©gliger celles et ceux qui nous entourent. Plus avancĂ©s que nous, plutĂ´t exemplaires. Mais aussi celles et ceux donnant Ă  voir une pratique peu flatteuse et peu avantageuse  de la discipline. Il y a les pratiquantes et les pratiquants douĂ©s et expĂ©rimentĂ©s. Leur inverse existe aussi : peu douĂ©, peu expĂ©rimentĂ©, mais aussi expĂ©rimentĂ© et pourtant peu douĂ©. Ou très douĂ© alors que peu expĂ©rimentĂ©.

 

Etre un Maitre, ou aspirer Ă  en devenir un, cela consistera sans doute Ă  apprendre Ă  accepter de composer avec au moins ces trois « difficultĂ©s Â».

 

Celle du Maitre. Celle des autres pratiquantes et pratiquants qui « rĂ©ussissent Â» mieux que nous ou qui sont « meilleurs Â» que nous. Celle des pratiquantes et pratiquants qui « patinent Â», qui « rament».

Et soi-même. Avec nos propres difficultés et facilités qui varient selon les périodes.

 

 

Je cite trois difficultĂ©s + une. Ces difficultĂ©s peuvent aussi ĂŞtre perçues comme les trois angles diffĂ©rents d’un problème ou d’une situation. On peut aussi remplacer le terme « difficultĂ©s Â» par le terme «  dimension Â».  Nous vivons souvent dans Ă  peine une dimension, voire deux. Et, encore. Je l’écris ici, assez intuitivement, et, aussi, pour l’avoir lu ou entendu.

 

Le titre de cet article est Trois Maitres + Un. Soit quatre possibilitĂ©s, parce qu’une difficultĂ© peut aussi devenir une possibilitĂ©,  que l’on peut rencontrer, que l’on rencontre, que l’on a rencontrĂ©, de vivre autrement, d’être autrement. Selon que l’on  dĂ©cide. De Ranger des piles de journaux. De PrĂ©parer son sac de travail pour le lendemain. D’ Ă©crire un article ou plusieurs. Ou de ne pas le faire. L’école Itsuo Tsuda de Sensei RĂ©gis Soavi enseigne le Non-Faire. Le Non-Faire, c’est le contraire de notre sociĂ©tĂ©. Il y a beaucoup de personnes de par le monde, en France comme ailleurs, pour lesquels ne rien faire est particulièrement violent. Cela reviendrait presque Ă  vomir ses tripes après plusieurs cuites rĂ©pĂ©tĂ©es.

 

Franck Unimon, ce jeudi 14 octobre 2021.

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