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Vent d’âme

    

                                                   

  Vent d’âme

Selon les principes de la Commedia dell a’rte, nos masques sont nos vrais visages. Il est bien des cultures et bien des pratiques ignorées et disparues où l’on porte des masques en certaines circonstances. Et c’est un combat, parfois de toute une vie, que d’échapper à ces visages ou, au contraire, de les accepter.

 

Nos peurs sont sans doute aussi nos véritables visages ainsi que nos véritables voix. Aucun maquillage, aucune mise en scène et aucun angle mort ne sera suffisamment résistant et solide pour les obliger à se tenir dociles indéfiniment. Un jour ou l’autre, nos peurs défileront et parleront pour nous. Qu’on les y autorise ou non.

 

Nos peurs connaissent nos rêves et nos cauchemars. Nos peurs, nos rêves, nos cauchemars, nos voix et nos visages, voici ce qui nous définit tous à un moment ou à un autre.

Et l’épidémie, que ce soit celle aujourd’hui du coronavirus Covid-19 ou une autre  (la crise sanitaire actuelle me fait beaucoup penser à celle du Sida dans les années 80 pour cette ambiance de fin du monde et d’effondrement qui semble se refermer sur nous ) fait partie de ces expériences propres à permettre notre métamorphose :

 

Nous vivons plein d’expériences depuis notre naissance qui nous inclinent vers certaines métamorphoses. La plupart de ces expériences sont invisibles. Une épidémie, une grève – comme celle des transports il y a encore quelques mois en région parisienne afin de protester contre la réforme des retraites-  une guerre, une catastrophe ou un attentat terroriste font partie de ces expériences visualisables et indéniables qui nous obligent à nous transformer. Et notre transformation est notre façon de nous adapter à l’événement. On peut louer, regretter, reprocher ou pleurer cette adaptation :

Mourir est aussi une certaine forme d’adaptation. Même si selon certaines croyances et certaines valeurs, mais aussi selon nos peurs,  mourir est plutôt une adaptation qui a échoué et qui, en plus, peut être très douloureuse et très angoissante.

 

Mais même si nous nous aimons et nous côtoyons tous les jours, lorsque nous nous aimons et nous côtoyons, nous ne sommes pas – toujours- faits des mêmes rêves, des mêmes cauchemars et des mêmes peurs. Et nos choix comme nos rituels afin d’essayer de composer avec eux peuvent être très différents de ceux que l’on aimerait pour nous ou que l’on estime « faits » pour nous.

 

Mais je n’ai pas la science infuse pour parler de tout ça. Je raconte sans doute énormément de conneries comme à peu près tous les jours. J’ai peut-être attrapé froid en rentrant tout à l’heure, à vélo, du travail.  J’essaie d’attraper ce qui me reste de ces idées qui me sont venues après une nuit- tranquille – de travail dans le service de pédopsychiatrie où je suis en poste depuis quelques années.

 

Je suis partagé entre prendre toutes mes précautions pour ne pas m’enrhumer, rester disponible devant une éventuelle sollicitation sociale du téléphone portable, qu’il est un peu plus difficile d’éteindre au vu du contexte de l’épidémie -depuis le couvre-feu décidé hier par le gouvernement et qui deviendra effectif dès ce soir – et aller voir si je peux aller faire quelques courses alimentaires en espérant qu’il n’y aura pas trop de monde.

 

 

 

Hier soir, j’ai repris mon vélo pour aller au travail.  Lorsque j’ai entendu que, par précaution sanitaire, il y aurait moins de transports en commun et aussi que nous devrions respecter, autant que possible, une distance de un mètre entre chaque passager, je me suis dit que j’allais reprendre mon vélo autant que je le pourrais.

 

D’une part, parce-que j’avais déjà envie de le faire : s’enfermer dans le métro, subir régulièrement des contrôles de titre de transport, monter et descendre des escalators a quelque chose d’usant alors que faire du vélo permet d’éviter certains de ces désagréments en même temps que de rester à l’air libre. Et de faire un peu de sport en même temps que de découvrir son environnement autrement.

 

Hier soir,  j’ai ainsi découvert un nouvel itinéraire puisque notre service a déménagé il y a plusieurs semaines en raison de travaux dans notre service « originel ». Notre service a donc été provisoirement délocalisé. Le trajet est désormais plus long à vélo pour aller au travail. J’ai sûrement fait quelques petites erreurs de parcours. Et j’ai roulé prudemment. Sans chercher à remporter une épreuve contre-la-montre. Je pensais mettre 45 minutes. J’ai mis vingt minutes de plus. Soit j’ai beaucoup vieilli ces dernières semaines. Soit j’avais tout simplement surestimé mes capacités de rouleur. La seconde option est la plus vraisemblable. Mais la première va  aussi se vérifier un jour ou l’autre. C’est inéluctable.

 

Je suis passé devant le Louvre. Il y a pire comme itinéraire. Mais je ne pouvais pas m’arrêter pour prendre des photos. Ça, je l’ai fait ce matin. En rentrant du travail.

 

 

Je vois deux aspects face à une épidémie :

 

Les dispositions et les précautions sanitaires, logistiques incontournables ( se laver les mains, éviter les contacts, limiter ses déplacements, se protéger et protéger les autres etc…) que l’on s’applique à suivre de son mieux.

 

Et notre attitude vis-à-vis de l’épidémie. Nous sommes vraiment très différents les uns des autres.  Impossible d’échapper au sujet du Coronavirus Covid-19 depuis quelques jours. Et c’est d’autant plus impossible depuis l’allocution présidentielle d’hier soir d’Emmanuel Macron qui a parlé et reparlé de « Guerre Sanitaire » et a officialisé le couvre-feu à partir de 18h ce soir ou demain.

 

Hier soir, au travail, j’ai prévenu ma collègue que je n’allais pas passer la nuit à regarder et  à discuter de l’allocution du Président Macron concernant l’épidémie du Coronavirus Covid-19. Elle a acquiescé. J’avais réagi de la même manière lors des attentats du Bataclan. Une autre collègue- que j’aime aussi beaucoup- cette nuit-là, avait un moment voulu allumer la télé pour « voir » et pour « avoir plus d’infos ». Je lui avais répondu :

 

« Tu peux. Mais sans moi ! ». Ma collègue avait choisi de laisser la télé éteinte. Peut-être s’était-elle ensuite rattrapée chez elle.

Samedi matin, au travail, après que les jeunes hospitalisés se soient farcis plusieurs tours d’informations concernant le coronavirus Covid-19  sur BFM, je les ai obligés à changer de chaîne de télé. J’estime que c’est aussi notre rôle de personne responsable et de professionnel, que de limiter cette intoxication permanente que certaines informations anxiogènes répétées  nous impose.

Dans le service, les jeunes ont alors remis une chaine de clips musicaux. Puis, avec ma collègue, nous avons proposé une sortie que les jeunes ont acceptée. C’était il y a quelques jours. Et c’était déjà à une “autre époque”. J’en parle un peu dans l’article Gilets jaunes, samedi 14 mars 2020.

 

 

Décider de me « calfeutrer » mentalement contre des informations sinistres et permanentes ne m’ empêche pas de regarder, d’écouter ou de lire ce qui se passe autour de moi. C’est ce que j’avais fait dans les transports dès le lendemain “des” attentats du Bataclan.  Cela  a été pareil ce matin alors que je rentrais à vélo.

 

Si je me suis concentré- avec mes photos- sur les bons moments de ce retour « cycliste », j’ai bien vu, devant le centre commercial So Ouest , à Levallois,  cet attroupement de personnes qui faisait la queue vers huit heures. Je m’en demandais la raison. Plusieurs centaines de mètres plus tard, après avoir vu un peu plus de gens portant des masques dans la rue et d’autres personnes faisant la queue devant des pharmacies encore fermées, j’en ai déduit que toutes ces personnes faisaient la queue sans doute pour acheter des masques de protection et peut-être aussi des solutions hydro-alcooliques. Plus tard, j’ai aussi aperçu des personnes qui attendaient l’ouverture de la Western Union.

 

 

Je pense aussi au Coronavirus Covid-19. Ne pas en parler, ne jamais y penser, revient à un moment donné à être dans le déni. Il m’est donc impossible d’éviter d’y penser. Mais tout est dans la façon de laisser ce sujet s’emparer de notre âme. Certaines personnes sont déjà à “bloc”. On en est au tout début des mesures les plus strictes et, déjà, un certain nombre de personnes n’ont que le Coronavirus comme perspective. Tout tourne autour de lui.  Concernant le Sida, il y avait une campagne qui disait, je crois :

 

« Le Sida, il ne passera pas par moi ! ».  Pour le Coronavirus Covid-19, j’aimerais bien-sûr affirmer la même chose. Mais je ne peux pas le confirmer. Peut-être que lorsque l’épidémie sera passée, que je ferai partie des maccabées nouveaux-nés. Peut-être que des proches ou des connaissances en feront partie aussi. Alors qu’aujourd’hui, pour moi, ces éventualités sont impensables. Mais il était impensable pour moi il y a encore deux semaines que l’épidémie du Coronavirus Covid-19 nous fasse autant de mal ou puisse nous faire autant de mal. Mon article Coronavirus posté il y a trois semaines ne fait pas vraiment un pronostic très alarmiste. Même si je parle en filigrane de cet affolement qui surviendrait en cas de rupture de stocks de masques FFP2, je parle aussi du « business » que la vente de ces masques va constituer pour certaines entreprises telles que les pharmacies. Car la mort rapporte beaucoup à certaines entreprises en terme de commerce. On peut même dire que la mort, comme toute «activité » humaine est un commerce ou une niche susceptible d’être un commerce pour certains hommes d’affaires ainsi que pour certains hommes politiques et militaires inspirés.   

 

 

Quoiqu’il en soit, au cours de l’épidémie,  je mourrai peut-être parce-que je me serai fait percuter à vélo par une voiture. Se faire renverser par une voiture lorsque l’on circule à vélo est  assez courant. Surtout au vu de la conduite de certains automobilistes qui vous serrent sur la route ou vous coincent entre la carrosserie de leur véhicule et le bitume du trottoir ou vous forcent à freiner quand ils tournent devant vous.

 

Mais aussi au vu de la conduite de certains cyclistes :

 

Ce matin, une jeune gazelle portant un sac à dos de marque Eastpak m’a laissé sur place. Le temps de l’entendre qui se rapprochait, elle m’avait mis une dizaine de mètres dans la vue. Bon, je ne suis pas là pour faire la course et une femme peut me doubler sur la route que ce soit à vélo ou en voiture. Mais à vélo, Mademoiselle, au feu rouge, on s’arrête ! Surtout lorsque l’on passe devant une sortie de périphérique et que l’on ne porte pas de casque sur la tête. Ça fait bien, lorsque le feu passe au vert sur votre droite et qu’une voiture commence à s’avancer, de dévier un peu sa trajectoire tout en continuant à pédaler. C’est adroit. Mais ça peut aussi faire passer l’âme à gauche. Ceci dit, je sais aussi que ce ne sont pas toujours les personnes les plus prudentes et les plus respectueuses des règles qui s’en sortent toujours le mieux dans la vie. Ce que je viens d’écrire est dur et ressemblera à un acte moralement irresponsable en période de Coronavirus Covid-19 ou de toute autre épidémie. Mais si on prend un peu le temps d’y penser, on s’apercevra que l’on a bien connu au moins une fois dans sa vie une personne qui a toujours été droite, toujours été dans le respect des règles, et qui, pourtant, a eu une vie et une mort très conne, injuste ou incompréhensible pendant que d’autres ont pu batifoler et vivre tout un tas d’excès, et, finalement, s’en sortir pas si mal que ça.

 

Donc, avoir des Devoirs, oui. Respecter les règles, oui. Mais il ne faut pas confondre faire montre de prudence et s’enfermer de soi-même en toutes circonstances dans un cercueil ou un bunker, ainsi que celles et ceux qui nous entourent comme si notre mort était assurée alors que l’épidémie vient à peine de commencer. Et que l’on s’entoure d’un certain nombre de précautions….et d’informations. Lesquelles informations nous apprennent que ce coronavirus Covid-19 est quand même moins mortel, par exemple, qu’une catastrophe nucléaire : Oui,  je pense aux effets d’ une catastrophe nucléaire similaire à celle de Tchernobyl  s’il s’en produisait une en France ! Pourtant, nous vivons plutôt bien grâce au nucléaire même s’il nous fait peur : c’est lui qui nous fournit la plus grosse partie de notre électricité domestique.

 

 

Quoiqu’il en soit, je crois qu’il résultera de cette épidémie et des transformations qui en découleront de nouvelles amitiés ou de nouvelles solidarités. Car on se révèle aussi à soi-même et aux autres dans ces moments-là. Et on a de bonnes et de mauvaises surprises. On peut soi-même être une mauvaise surprise pour certaines et certains qui nous plaçaient sur un piédestal ou sur un trône dont on n’a jamais voulu. C’est comme ça.

 

 

L’allocution du Président de la République, hier soir, m’a contrarié parce-que, même si les mesures sanitaires qu’il a officialisées sont justifiées, j’ai beaucoup trop vu en lui l’homme politique et de Pouvoir qui jouit de sa position de supériorité. J’ai trop vu en lui l’homme politique qui, en nous enfonçant dans la tête le concept de « Guerre sanitaire », en profite un peu plus pour nous dominer et nous gouverner à sa main. Et, je me demande ce que, en échange de notre salut sanitaire et civil, nous allons perdre en libertés et en droits divers,  pendant cette période d’épidémie mais aussi après elle. Parce qu’après l’épidémie, il sera encore possible de trouver  bien des raisons pour justifier d’un couvre-feu et d’un certain type de contrôles et d’interdits inédits jusqu’alors ou moins fréquents. Que deviendra le mouvement des gilets jaunes après l’épidémie ? La réforme des retraites ? Combien de temps réfléchirons-nous à ce genre de question après plusieurs jours, plusieurs semaines de couvre-feu, lorsque la peur de la mort sera devenue un peu plus la couleur de nos rues et de nos regards ?

 

Je sais pourquoi j’avais préféré voter pour lui au second tour des dernières élections présidentielles : pour être sûr d’éviter l’élection de celle que je refuse de nommer. Parce-que j’ai l’impression que le simple fait de la nommer contribue déja à lui donner un vote de plus ou plus d’aura. Elle qui, depuis des années, fait sa thérapie familiale voire sa thérapie de couple au travers de sa vie politique qu’elle a transformé en une scène publique et médiatique, comme son papa. Cela a été une grande surprise pour moi lorsque j’ai appris que de plus en plus de personnel infirmier votait pour cette candidate aux élections présidentielles. On peut vraiment dire qu’il s’agit d’un vote de colère.

 

J’ai écouté une petite partie de l’allocution du Président Emmanuel Macron lorsqu’il a annoncé le couvre-feu à venir, la ” Guerre sanitaire” etc…Mais en y repensant, je me suis dit que j’avais du mal à me faire à ce Général Macron qui, à mon avis, aurait eu beaucoup de mal, si en tant que soignant, on lui avait dit :

“On te laisse la dame de la chambre 8. C’est toi qui lui fera sa toilette complète. Pas plus de dix minutes.  Parce qu’il y a d’autres toilettes à faire et, après, il y a tous les médicaments à distribuer “.

Ou si on lui avait dit : ” On t’attend pour faire l’entretien avec ce patient qui est persuadé que tu couches avec sa femme et que tu lui bloques ses spermatozoïdes”.

 

Etre Président de la République est bien-sûr un métier difficile. Et chaque métier a ses difficultés. Mais disons qu’il s’intercale tellement d’intermédiaires entre un Président de la République et celles et ceux qui, à peu près tout en bas, doivent s’écraser et obéir coûte que coûte, que j’ai l’impression que cette “Guerre sanitaire” contre le Coronavirus Covid-19 fait des soignants des hôpitaux publics un peu les équivalents des liquidateurs qui, lors de la catastrophe de Tchernobyl, s’étaient plongés dans la fosse afin d’arrêter le réacteur nucléaire.

 

En rangeant mon vélo dans son local tout à l’heure, je me suis dit qu’après l’épidémie, si notre « cher » Président est véritablement si concerné par le personnel soignant, dont le personnel infirmier , il abrogera ce statut de soignant « sédentaire » et révisera ce qui concerne l’âge de départ à la retraite ainsi que le niveau du montant des pensions de retraite infirmières :

 

Il y a quelques années, les infirmiers ont été sommés de choisir entre une catégorie A, dite « Sédentaire » et une catégorie B dite « active ».

Depuis, tous les nouveaux infirmiers diplômés sont d’office considérés comme relevant de la catégorie A, dite « sédentaire » : ils sont supposés être mieux payés que ceux de la catégorie B dite « active » mais, aussi, avoir une carrière plus longue de cinq années que ces derniers.

Avec les décrets et toutes les démarches législatives effectués par les gouvernements successifs concernant la réforme des retraites, on en arrive à ce que les infirmiers de catégorie B qui pouvaient prendre leur retraite plus tôt ( avant leurs 60 ans) avec une pension de retraite convenable , à condition d’avoir effectué un certain nombre d’années de travail, sont désormais de plus en plus obligés de tabler sur un départ à la retraite au delà de 60 ans ( 62 ans semble pour l’instant l’âge moyen de départ à la retraite pour les infirmiers de catégorie B) s’ils veulent éviter une certaine précarité. 

 

 

Le Président de la République et ses Ministres préconisent le télétravail quand c’est possible lors de « notre » épidémie du Coronavirus Covid-19. Mais cela est impossible pour du personnel infirmier en période d’épidémie et de «  Guerre sanitaire ». Hier soir, un ami m’a demandé où nous allions choisir de rester « confinés » pendant les 45 jours à compter de demain. Et il a ajouté : «  On reste en contact ».  Je lui ai rappelé que, si « confinement » il peut y avoir pour nous, infirmières et infirmiers, ce sera peut-être dans un cercueil parmi des maccabées. Que l’on soit infirmier de catégorie A ou de catégorie B.

 

J’ai néanmoins tenu à assurer mon ami que nous resterions bien-sûr en contact même si je doutais un peu que, en cas de décès, ma toute nouvelle constitution l’incite à m’accueillir les bras grands ouverts.

 

 

Je crois que je survivrai à cette épidémie. Et je pratique bien évidemment l’humour noir, ce qui est une mes particularités qui m’a déjà desservi et qui peut encore me coûter certaines désaffections sociales. Mais je préfère l’humour noir à me carboniser la cervelle en bouffant en boucle la junk Food d’informations toxiques à la télé, sur les réseaux sociaux, dans d’autres média ainsi que, bien-sûr, dans la vie réelle. L’attention de cet ami ainsi que celle d’un autre m’a fait plaisir et aussi un peu étonné :

Je n’ai pas prévu de mourir maintenant. Je ne bombe pas le torse. C’est juste que j’estime que j’ai encore à vivre et à transmettre et que je suis encore assez loin de l’âge où je me dis que je pourrais mourir.

 

 

Hier matin , devant l’école de ma fille,  j’aurais aimé être capable d’humour  lorsque j’ai vu une « collègue » infirmière devoir rebrousser chemin avec ses trois enfants. La directrice de l’école maternelle, très accueillante par ailleurs, a expliqué avoir reçu des directives selon lesquelles,  pour que des enfants soient accueillis par l’école en période d’épidémie, que les deux parents se doivent d’être des professionnels du secteur hospitalier….

J’ai dit à cette directrice qu’une telle exigence ne pouvait pas tenir. Mais, une fois de plus, l’administratif a encore gagné. Et, une fois de plus, une infirmière a dû prendre sur elle. Tout en se montrant compréhensive, très polie et très disciplinée, cette « collègue » infirmière- que je rencontrais pour la première fois- a accepté de repartir avec ses trois enfants sans faire d’esclandre. C’était à elle qu’il incombait  de trouver une solution pour faire garder ses enfants mais aussi de se rendre disponible pour participer à «  La Guerre Sanitaire ». 

J’imagine qu’il s’agissait d’un couac. Le temps que la logistique et la société s’adaptent à l’épidémie qui, demain, pourrait être remplacée par l’effondrement dont parlent les collapsologues depuis quelques années. Lesquels collapsologues disent peut-être que la façon dont cette épidémie du coronavirus Covid-19 nous prend de court et nous met à nu révèle ce qu’il en sera en cas d’effondrement plus visible de notre civilisation. Mais, aussi, que cette épidémie du Coronavirus Covid-19 et ses conséquences sont une des manifestations, parmi d’autres, de l’effondrement dont ils parlent. 

 

En attendant, c’est la tête un peu baissée que je suis rentré chez moi à pied. Non par honte ou par abattement :

 

A force de prendre mon temps ce matin pour faire des photos sur mon trajet de retour, j’avais un peu attrapé froid. Mon nez coulait. Et je n’avais pas de mouchoir à portée de main. Je ne voulais pas inquiéter qui que ce soit dans la rue.

 

Quelques minutes plus tôt, après avoir parlé à ma compagne, j’avais eu  un peu eu ma fille au téléphone. Alors qu’elle allait passer la journée dans cette école qui recueille les enfants de personnel hospitalier.

Comme le sont souvent les enfants, alors que les adultes sont plus que préoccupés par un sujet donné, ma fille était contente de se rendre dans cette école où elle allait être avec d’autres enfants et sans doute s’amuser. Son attitude m’a rassuré : en tant qu’adultes et en tant que parents, nous ne l’avions pas trop contaminée avec nos inquiétudes concernant le Coronavirus Covid-19.

 

Hier, nous avions découvert avec elle cette nouvelle scolarité qui se passe à travers des vidéos et des cours envoyés par sa maitresse via internet. C’était une expérience assez insolite et assez drôle de voir la maitresse de notre fille donnant ses explications face caméra avant chaque exercice et de comprendre que tout cela était aussi très nouveau pour elle. Aujourd’hui, internet et la téléphonie mobile peuvent être des très bons moyens d’échapper à la dépression morale qu’amène l’épidémie du Coronavirus Covid-19 et toute autre catastrophe. A condition de s’en servir avec cette volonté-là. Et si internet et la téléphonie mobile flanchent ou nous en empêchent, il nous faudra être capables de savoir nous en passer pour continuer d’entendre le vent de notre âme. Beaucoup d’autres l’ont fait avant nous. Et un certain nombre d’entre eux avaient nos visages.

 

 

Franck Unimon, mardi 17 mars 2020.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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