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Pour les Poissons Rouges

Jorja smith en concert cet été et les détournements de fonds publics de Marine Le Pen

 Jorja Smith en concert cet Ă©tĂ© et les dĂ©tournements de fonds publics de Marine Le Pen

Tout Ă  l’heure, Ă  la Fnac, j’ai eu de la chance. Il y avait peu de monde Ă  faire la queue Ă  la billetterie. Il Ă©tait environ 15h. Un jeudi.

Mais il n’y avait plus de place pour Jorja Smith avec la billetterie de la Fnac. EpuisĂ©. Sold out.

Dans le train pour Argenteuil, sur mon tĂ©lĂ©phone portable, j’ai quand mĂȘme regardĂ© sur la billetterie du festival. Apparemment, il Ă©tait encore possible d’acheter des places.

J’ai voulu me mettre dans les meilleures conditions pour aller voir ce concert. J’ai commencĂ© Ă  regarder la place la plus chĂšre qui nous permet de « chiller Â», d’avoir un espace rĂ©servĂ©, aĂ©rĂ©, et d’ĂȘtre bien placĂ© sur « le cĂŽtĂ© droit de la scĂšne Â» sans avoir besoin de venir trĂšs longtemps Ă  l’avance. 149 euros la place. Ou, plutĂŽt, 149 euros pour le billet de ce samedi 23 aout dans ces conditions.

J’ai hĂ©sitĂ©.

Ce qui m’a fait hĂ©siter, c’est la ribambelle de questionnaires qu’il faut dĂ©sormais remplir chaque fois que l’on veut acheter certains billets pour des spectacles sur internet. Notre nom, notre adresse, notre date de naissance, notre genre sexuel, notre position prĂ©fĂ©rĂ©e, la taille de nos pieds, la date de nos derniĂšres rĂšgles, notre couleur dĂ©testĂ©e, si l’on veut une assurance annulation/remboursement (15 euros, ici).

Au moment de payer, il y avait toujours quelque chose qui coinçait. Ça devait se sentir que je ne me livrais pas sincùrement.

Puis, j’ai rĂ©ussi Ă  passer Ă  l’étape suivante. LĂ  oĂč l’on commençait Ă  me demander les coordonnĂ©es de ma carte bancaire. A ce moment-lĂ , j’étais dans le train. Je me suis dit que je n’allais pas faire ça dans le train. Si j’avais pu payer par paypal, j’aurais peut-ĂȘtre pris la place. 149 euros.

Lorsque je suis arrivĂ© Ă  Argenteuil, quelques minutes plus tard, je me suis dit que l’annĂ©e derniĂšre, j’avais trĂšs bien pu tolĂ©rer de « rater » le concert de Lana Del Rey Ă  l’ouverture du festival Rock en Seine. Je pouvais trĂšs bien recommencer pour Jorja Smith cette annĂ©e. 149 euros.

Pour l’instant, je les ai, ces 149 euros. Sauf que je suis dĂ©jĂ  juste dans mes comptes ce mois-ci. Et nous sommes le 3. Je suis encore crĂ©diteur. Mais il va me falloir faire attention. Ma superbe voiture Ă©lectronique actuellement clouĂ©e sur place – des paramĂštres Ă©lectroniques de sĂ©curitĂ© plus sophistiquĂ©s que moi et que je ne sais pas dĂ©sactiver estiment que je n’ai pas le droit de m’en servir et elle reste stationnĂ©e dans le noir sur la place de parking que je loue–  me coĂ»te 272 euros de crĂ©dit tous les mois. Et, en plus, je paie une assurance spĂ©ciale  de 55 euros mensuels dessus.

Je me suis dit que je pouvais utiliser ces 149 euros mieux. Et autrement.

Si j’avais le fric, si je n’avais pas besoin de faire des acrobaties comptables pour donner ces 149 euros, j’aurais pris ce billet pour voir Jorja Smith entre-autres dans les meilleures conditions possibles. Mais je me suis dit qu’il fallait soit ĂȘtre aisĂ© financiĂšrement, soit renoncer Ă  ses vacances, ĂȘtre nourri, logĂ©, donc vivre encore chez ses parents ou ĂȘtre dĂ©sespĂ©rĂ© pour accepter de donner 149 euros «pour » Jorja Smith.

Mais mes parents sont repartis vivre en Guadeloupe pour leur retraite il y a plusieurs annĂ©es. Et je suis mariĂ© et pĂšre de famille. Il est donc nĂ©cessaire que je m’assume financiĂšrement ne serait-ce que pour donner- un peu- le change. 

Et j’ose encore croire que ma vie vaudra encore quelque chose mĂȘme si je ne « vois » pas Jorja Smith sur scĂšne ce 23 aout 2025. D’ailleurs, c’est elle qui fera tout son possible pour venir me voir. Elle se dĂ©placera sans aucun doute jusqu’Ă  mon domicile aprĂšs sa prestation. Elle prendra un train de la ligne J depuis la gare St Lazare. Elle se sera renseignĂ©e auparavant ou je la guiderai par sms. Et si elle a un empĂȘchement, elle se sentira tenue de me passer un coup de fil. Impossible pour elle de repartir comme ça. Trop douloureux. Car je suis irrĂ©sistible.

 

Le groupe Okali au Café de la danse, ce lundi 31 mars 2025. Photo©Franck.Unimon

Et puis, un peu de « logique » : ce lundi 31 mars, il y a trois jours, pour voir deux trĂšs bons concerts au CafĂ© de la Danse, prĂšs de Bastille, d’abord  celui du groupe Okali puis du groupe Lagon Nwar avec  entre-autres la chanteuse, musicienne et poĂ©tesse Ann’ O’Aro, il m’a suffi de payer 25 euros. J’étais dans une trĂšs bonne salle de concert, intimiste, assis au premier rang Ă  moins de dix mĂštres de la scĂšne. Et, j’ai pu prendre toutes les photos que je voulais sans ĂȘtre bousculĂ©. 500 personnes maximum, assises et bien disciplinĂ©es au CafĂ© de la danse, contre les milliers de spectatrices et spectateurs debout au festival Rock en Seine en Aout dans quelques mois.

Trois membres du groupe Lagon Nwar, ce lundi 31 mars 2025 au café de la danse. Photo©Franck.Unimon

 

Et, ce 8 avril, dans quelques jours, cette fois ce sera sous le chapiteau du ThĂ©Ăątre Zingaro, que j’irai enfin voir la chanteuse Rocio Marquez en concert. Je l’avais ratĂ©e l’annĂ©e derniĂšre en concert lorsqu’elle Ă©tait passĂ©e avec Bronquio.

Je « sais » que le concert de Rocio Marquez sera exceptionnel. Pour ce concert, j’ai pris le tarif le plus cher, me mettant au plus prĂšs de la « scĂšne, avec personne devant moi. Une place assise et numĂ©rotĂ©e. Pour cela, j’ai payé 39 euros.

Rien qu’avec ces deux concerts, je n’atteins toujours pas la barre des 149 euros minimum que me coĂ»terait celui de Jorja Smith et des autres artistes prĂ©sents ce jour-lĂ  Ă  Rock en Seine. Et je sais que j’ai des courses alimentaires Ă  faire, peut-ĂȘtre demain, sur le marchĂ© d’Argenteuil.

MalgrĂ© mes plus de trente annĂ©es- la retraite se rapproche- d’expĂ©rience en tant qu’infirmier psychiatrique qui me valent un salaire supĂ©rieur Ă  celui de mes collĂšgues plus jeunes  (infirmiers mais aussi psychologues) et malgrĂ© le fait que mon pouvoir d’achat reste « dopĂ© » par le fait que ma compagne et moi mettons en commun nos salaires pour nos dĂ©penses, je n’ai pas le droit Ă  l’erreur en matiĂšre de gestion. Mais, comme beaucoup de personnes, j’en fais un certain nombre. Jusqu’à ce que cela ne soit plus possible.

Marine Le Pen, elle, mais aussi un certain nombre de ses électrices et électeurs- dont désormais un certain nombre de soignants- voient ça autrement. Pour eux, les détournements de fonds publics répétés pendant plusieurs années par Marine Le Pen et plusieurs de ses relations et proches de son parti sont inventés par « le systÚme » ou sont des informations dérisoires. Des manoeuvres destinées à éviter les « vrais » sujets.

Plus de 4 millions d’euros de fonds publics ont Ă©tĂ© dĂ©tournĂ©s. C’est une des conclusions apportĂ©es par le tribunal correctionnel rĂ©cemment.

Mais selon Marine Le Pen et ses « partisans », cela serait des mensonges ou une Kabbale contre elle car elle est si proche du but : devenir PrĂ©sidente de la RĂ©publique. 

Pour elle et son camp, « le systĂšme a sorti ( ou employĂ©) la bombe nuclĂ©aire » contre eux. 

Pourtant, je pense que jusqu’Ă  maintenant, Marine Le Pen avait beaucoup flirtĂ© avec la justice et s’en Ă©tait toujours trĂšs bien tirĂ©e jusque lĂ . Elle a dĂ» se croire dĂ©finitivement immunisĂ©e contre ses lois.

Je pense aussi que Marine Le Pen aime le fric. Et qu’elle en a dĂ©jĂ  pas mal. Or, les Ă©lectrices et les Ă©lecteurs qui votent pour elle ont tendance Ă  le minimiser.  Entre- autres parce qu’ils sont en colĂšre et ont reportĂ© sur elle beaucoup de leurs espoirs.

Je pense que bien des Ă©lectrices et des Ă©lecteurs en manque de pouvoir d’achat et de reconnaissance sociale ou autre croient que Marine Le Pen est comme eux et vit comme eux. Ou pour eux.

Non, elle n’est pas comme eux. Tout Ă  l’heure, j’ai repensĂ© Ă  ces images que j’avais pu voir de Marine Le Pen il y a quelques annĂ©es alors qu’elle passait ses vacances en ThaĂŻlande. J’avais trouvĂ© paradoxal que cette personne et cette figure politique frontale qui ne voit que par la France pour les Français parte passer des vacances en ThaĂŻlande, dans un pays Ă©tranger et d’étrangers. Au lieu de les passer en France. 

Aujourd’hui, j’aurais tendance Ă  croire qu’elle y Ă©tait sĂ»rement en vacances comme le colon peut ĂȘtre en vacances dans un pays Ă©tranger. En infantilisant les autochtones, en les rĂ©sumant Ă  leurs apparences, en feignant de les trouver sympathiques dĂšs l’instant oĂč ils restent Ă  leur place contrairement Ă  ce qui se passe dans le film Parasites. 

 Je crois qu’elle Ă©tait venue chercher en ThaĂŻlande du tourisme rĂ©crĂ©atif  et superficiel  ambiance club med et lambada. MĂȘme si la lambada est sĂ»rement peu prisĂ©e en ThaĂŻlande.

J’ai beaucoup de mal Ă  l’imaginer allant vĂ©ritablement Ă  la rencontre des autres. Je la vois plutĂŽt comme la vacanciĂšre  restant dans sa bulle de champagne avec des gens comme elle et pensant comme elle, se faisant bronzer dans un transat ou participant Ă  des safaris et Ă  des sauteries pour touristes prĂ©servĂ©s.

 Je ne la vois pas partant faire du trek Ă  pied, faisant du stop, lavant ses chaussettes et ses culottes Ă  la main ou allant se recueillir dans un quelconque monastĂšre qu’elle aurait atteint Ă  la sueur de son front aprĂšs avoir gravi 10 000 marches  afin d’y pratiquer l’introspection. A moins d’y avoir Ă©tĂ© menĂ©e et Ă©ventĂ©e par des porteurs- Ă©trangers- tout le trajet durant.

Enfin, je doute que ses vacances en ThaĂŻlande aient Ă©tĂ© les mĂȘmes que celles que puissent s’offrir un bon nombre de ses Ă©lectrices et ses Ă©lecteurs.

Je ne peux imaginer Marine Le Pen que dans des hĂŽtels de luxe ou du personnel se plie au doigt et Ă  l’Ɠil  devant toutes ses volontĂ©s pendant qu’elle maintient ses doigts de pied en Ă©ventail et qu’une ou deux manucures Ă©trangĂšres s’en occupent avec application.

Cependant, je ne crois pas particuliĂšrement que les jeunes et moins jeunes qui iront piĂ©tiner Ă  Rock en Seine cette annĂ©e votent plus que d’autres pour Marine Le Pen ou Eric Zemmour ou Marion MarĂ©chal ou Bruno Retailleau ou Eric Ciotti. Par contre, je crois qu’à ma place ( elle et moi avons un ou deux ans d’écart), Marine Le Pen aurait payĂ© cette place de 149 euros pour aller voir Jorja Smith ou se la serait faite offrir. D’ailleurs, le festival se dĂ©roule dans la ville de St Cloud. Ce n’est pas trĂšs loin de sa maison et de sa cellule familiale. Elle s’y rendra peut-ĂȘtre tandis que moi, soit je resterai Ă  Argenteuil ce jour-lĂ , soit je serai au travail finalement afin de pouvoir continuer de payer mes charges et mes crĂ©dits. Et je ne crois pas un moment, et ne le souhaite pas, qu’elle viendra me voir ou me passera le moindre coup de fil. 

Franck Unimon, ce jeudi 3 avril 2025. 

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English version

Parent’s Praise

 

Photography©Franck.Unimon

Parent’s Praise

I readily accept that other parents may be “ better” than I am with their children.

My work day ended at midnight yesterday. I was back home and became a father again this morning. I did my best.

This morning, when my daughter saw me standing up, she walked towards me, smiling, and said:

“ I Just wanted to give you a kiss” or “ I wanted to hold you in my arms”.

My daughter came to hug me and fell on me. When this kind of moment comes, many parents like me are pleased. They tell themselves that they have been good parents since the birth of their children. They think everything is fine. They may also consider that it is really worth being parents. Despite the work and all the commitments that this may involve.

How many true joys do we live in one existence ?  How many joys, at first superb, turn out to be false, derisory, disappointing, deleterious or funereal ?

The attachment of a child is hardly questionable. It is always or often “right”, massive, without calculation, immediate and at the same time very surprising. But also temporary.

Because we are not always available. We are not always well-inspired and well-disposed as parents. As parents and individuals officially “responsible”, “mature” and “ conscious”, we have a number of injunctions and dead ends in our heads. Injunctions and dead ends that we as parents must “ inculcate”.

Injunctions and dead ends that we as parents must also know how to preserve them from.

Preserving them.

To “ make” children, we stop using condoms and any other contraceptive means. And once our children are sown, taken from the “void”, born, present and exposed, we as parents must also know how to preserve them.

We must know how to prevent them.

This morning, I did everything to be as receptive as possible when my daughter was telling me of her good mood and her very good disposition towards me. We were the first day of the weekend, on Saturday. The time of week when she is not at school and even though she has her homework, she will be able to relax and spend time with her parents. Since this weekend, I do not work.

So I listened and looked at my daughter. I also had to do some storage reminders. The two packets of paper tissues and the two sheets I had seen near her school bag were not to remain on the floor.

But it all went well. My daughter went to her swimming class with her mother. And I, “ the match by the fire”, I didn’t get angry. I started my breakfast trying to estimate the time at my fingertips so that I could take some time to write or perhaps go to the market next door.

I did not tell my daughter and my partner about my work day the day before. I tell them little about my work. I usually choose to distinguish between the two worlds. Professional and personal. The mental and emotional. Even if the two atmospheres certainly permeate me. I separate them or do my best to separate them when I am in either. It’s about finding ways out.

But this morning, I was thinking about this almost 15-year old who came out of football training last night and got stabbed in the shoulder to have his mobile phone stolen.

Aorta ruptured. Three cardiac arrests. I heard the news last night while at work. It happened between 8 p.m and 9 p.m.

Despite the mysterious pulmonary embolism I had in late 2023, cardiac arrest is not my field. But I work in a kind of open space where you can see and hear almost in real time the situations announced and the means deployed to deal with them. And then, before I went into psychiatry in 1992, I had first been a trained nurse for somatic care.

The young man was attacked in a good or very good district of Paris. This information was publicized a few hours later.

Almost 15 years old, stabbed for a mobile phone. Both attackers were reportedly arrested.

I imagine two boys slightly older than the victim. I would say:

No more than 20 years old and having already assaulted other people or having a criminal record.

I thought that you really had to live day by day, and again, to hope to get through life by stealing mobile phones until you were ready to kill, pardon, to attack with a knife, for that.

We are really in the immediate result by breaking into, at all costs. For a mobile phone, one is ready to put in shreds younger by stabbing.

The victim’s life is ruined. That of the parents ( who were present at the hospital where their son was) is ruined. The lives of relatives and witnesses may also be ruined. For a mobile phone that will now remain unconnected, offline and in evidence.

Perhaps some people – now rather old at least- still remember the Nokia advertising when the mobile phone was first marketed to the general public in the 1990s. It said :

“Connecting People
”.

The anger of parents and relatives will prevent them from seeing that the life of the aggressors is probably as messed up or was already.

Last night, I tried to imagine what my father’s attitude would be in front of these two attackers. I thought maybe I’d go visit one of the two men regularly in the parlor, in prison, after the conviction. Let’s say once a month. To look at him, to listen to him. To inflict the true sentence on him. To humanize or re-humanize him. To talk about my daughter. Show him two or three pictures of her. One of her, small, against me, and a recent before her death after being stabbed for a mobile phone.

On the street, unless you’re in a settling of scores where you see the other as an enemy or an official rival who takes that status, I think the aggressors most often go after strangers. People they have never seen and will never see again in principle because they live in very different areas and rhythms even opposed and they cross each other by “ opportunism” of for predatory purposes ( here for aggression). Which is very practical to “forget” or trivialize the event since we do not see again or more, “ in principle”, the victim. So we have less to confront with the violence of what we did. We can be all the more convinced that this is part of the past or that the victim has not suffered too much or that she/he will recover from it since we do not have to witness her/his agony.

But I’m probably going too far. The parents and relatives of the young person will be angry and will stay there, for some, for years, so as not to get depressed.

How do you get over that as a parent ? While everything was going well or better where it was going as usual, in an instant, because he was on this street rather than another one, their son got stabbed in the middle of Paris.

No parent can prepare for that. Nor can you keep your child in the same place all the time. So being a parent is a gamble. Nothing is definitively assured despite encouraging promises and all the parental work committed from the beginning. After several years, all this suddenly explodes in your face and throughout your body like a pressure cooker. And, in front of you, there are the aggressors or perpetrators ( people you had never seen, never met before) when they are arrested and tried, who force you to brutally take knowledge of this :

You must trade the oppressive disappearance of a loved one, educated and chosen ( your child) for the imposed and incongruous presence of these strangers. Individuals you have never invoked nor chosen and on whom you will have to rely through their story. A story that you will have to endure and discover during their trial when there is one.

Photography©Franck.Unimon

Franck Unimon, Monday 27  of January 2025 for the English version based on the French version of Saturday 25 January 2025.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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DĂ©troits

Eloge des parents

Photo©Franck.Unimon

Eloge des parents

 

J’admets trĂšs facilement que d’autres parents puissent ĂȘtre «meilleurs » que moi avec leurs enfants. 

AprĂšs ma journĂ©e de travail terminĂ©e hier soir Ă  minuit, je suis redevenu un pĂšre ce matin. J’ai fait comme j’ai pu. 

Lorsque ce matin, ma fille m’a vu debout, elle s’est engagĂ©e vers moi, souriante, en me disant :

« Justement, je voulais te faire un bisou Â» ou «  Je voulais te prendre dans mes bras Â».

Ma fille est venue me faire un cĂąlin en se plaquant contre moi. Lorsque ce genre de moment arrive, beaucoup de parents, comme moi, sont plutĂŽt contents ou satisfaits. Ils se disent que tout ce qu’ils ont fait et font depuis la naissance de leurs enfants a portĂ© ou porte.

Ils se disent qu’ils sont des « bons Â» parents et que tout va bien. Ils peuvent aussi se dire qu’ĂȘtre parent, cela vaut vraiment le coup. MalgrĂ© le travail et tous les engagements que cela peut impliquer.

Combien de joies vĂ©ritables vivons-nous dans une existence ? Combien de joies, en prime abord, superbes, s’avĂšrent-elles ensuite factices, dĂ©risoires, dĂ©cevantes, dĂ©lĂ©tĂšres ou funĂšbres ?

L’attachement d’un enfant, c’est difficilement contestable. C’est toujours ou souvent « juste Â», massif, sans calcul, spontanĂ©, immĂ©diat et en mĂȘme temps trĂšs surprenant.

Mais Ă©galement passager.

Car nous ne sommes pas toujours disponibles. Nous ne sommes pas toujours bien inspirés et bien disposés en tant que parents.

En tant que parents et individus officiellement « responsables », «mĂ»rs » et « conscients », nous avons un certain nombre d’injonctions et d’impasses dans la tĂȘte dont, en principe, l’enfant est encore dĂ©livrĂ© ou dĂ©sintĂ©ressĂ©. Des injonctions et des impasses qu’en tant que parents nous devons leur « inculquer » mais Ă  des dosages et des frĂ©quences supportables. Des injonctions et des impasses dont nous devons aussi, en tant que parents, savoir les prĂ©server.

 

Les préserver.

 

On cesse d’utiliser un prĂ©servatif et tout moyen contraceptif pour faire des enfants et, une fois, qu’ils sont semĂ©s, prĂ©levĂ©s du nĂ©ant, nĂ©s, prĂ©sents et exposĂ©s, il nous faut aussi, en tant que parents, savoir les prĂ©server.

 

Savoir les prévenir.

 

Ce matin, j’ai tout fait pour ĂȘtre aussi rĂ©ceptif que possible lorsque ma fille me faisait part de sa bonne humeur et de ses trĂšs bonnes dispositions Ă  mon Ă©gard. Nous Ă©tions le premier jour du week-end, le samedi. La pĂ©riode de la semaine oĂč elle n’a pas Ă©cole et oĂč, mĂȘme si elle a ses devoirs scolaires Ă  faire, elle va pouvoir aussi se relĂącher et passer du temps avec ses parents. Puisque ce week-end, je ne travaille pas.

 

Je l’ai donc regardĂ©e et Ă©coutĂ©e. J’ai aussi dĂ» faire quelques rappels de rangement. Les deux paquets de mouchoirs en papier et les deux feuilles que j’avais aperçus prĂšs de son sac d’école ne devaient pas rester par terre dans le salon.

 

Mais tout s’est bien passĂ©. Ma fille est partie dĂ©tendue Ă  son cours de piscine avec sa mĂšre et , moi, «  l’allumette prĂšs du feu Â», je ne me suis pas fĂąchĂ©.

j’ai commencĂ© Ă  prendre mon petit dĂ©jeuner en essayant d’évaluer le temps Ă  ma portĂ©e afin de prendre le temps d’écrire ou, peut-ĂȘtre, d’aller sur le marchĂ© Ă  cĂŽtĂ© de chez nous.

 

Je n’ai pas parlĂ© Ă  ma fille ni Ă  ma compagne de ma journĂ©e de travail de la veille. Je leur parle assez peu de mon travail. J’opte gĂ©nĂ©ralement pour bien distinguer les deux univers. Le professionnel et le personnel. Le mental et l’émotionnel.

 

MĂȘme si les deux atmosphĂšres m’imprĂšgnent bien sĂ»r, je les disjoins ou fais de mon mieux afin de les sĂ©parer lorsque je me trouve dans l’une ou l’autre. Il s’agit de savoir se mĂ©nager des issues.

 

Mais ce matin encore, je repensais Ă  ce jeune de presque 15 ans, qui, hier soir, sortait de son entraĂźnement de football et qui s’est fait planter Ă  l’épaule pour se faire voler son tĂ©lĂ©phone portable. Rupture de l’aorte. Trois arrĂȘts cardiaques.

J’ai entendu la « nouvelle Â» hier soir, alors que j’étais au travail. C’est arrivĂ© entre 20 heures et 21 heures.

 

MalgrĂ© la mystĂ©rieuse embolie pulmonaire ( Le mystĂšre du Covid : Covid et embolie pulmonaire ) que j’ai faite fin 2023, Les arrĂȘts cardiaques ne sont pas mon domaine. Mais je travaille dans une sorte d’Open Space oĂč l’on assiste et entend presque en temps rĂ©el les situations annoncĂ©es et les moyens dĂ©ployĂ©s pour y faire face. Et puis, avant d’opter pour la psychiatrie Ă  partir de 1992, j’avais d’abord Ă©tĂ© un infirmier formĂ© pour les soins somatiques.

 

Le jeune s’est fait agresser non « loin Â» du lieu de travail de ses parents qui ont une situation sociale plutĂŽt Ă©levĂ©e. Dans un bon voire un trĂšs bon arrondissement de Paris.

 

Vers 23h30, hier soir, je suis allĂ© voir le collĂšgue mĂ©decin chef urgentiste le plus expĂ©rimentĂ© pour lui demander des « nouvelles». Celui-ci m’a confirmĂ© que le pronostic vital Ă©tait mauvais voire trĂšs mauvais.

 

Presque 15 ans, planté à coups de couteau pour un téléphone portable.

 

Les deux agresseurs auraient Ă©tĂ© arrĂȘtĂ©s. J’imagine deux garçons Ă  peine plus ĂągĂ©s que la victime. Je dirais : pas plus de 20 ans et ayant dĂ©jĂ  agressĂ© d’autres personnes ou ayant dĂ©jĂ  un casier judiciaire.

 

Je me suis dit qu’il fallait vraiment vivre au jour le jour, et encore, pour espĂ©rer s’en sortir dans la vie en volant des tĂ©lĂ©phones portables jusqu’à ĂȘtre prĂȘt Ă  tuer, pardon, Ă  agresser Ă  coups de couteau, pour cela. On est vraiment dans le rĂ©sultat immĂ©diat par effraction, coĂ»te que coĂ»te. Pour un tĂ©lĂ©phone portable, on est prĂȘt Ă  mettre en charpie un plus jeune Ă  coups de couteau.

 

La vie de la victime est bousillĂ©e. Celle des parents (qui Ă©taient prĂ©sents hier soir Ă  l’hĂŽpital oĂč se trouvait leur fils) est bousillĂ©e. Celle des proches et ou de certains tĂ©moins est peut-ĂȘtre aussi bousillĂ©e. Pour un tĂ©lĂ©phone portable qui restera dĂ©sormais sans rĂ©seau, hors connexion, et Ă  l’état de piĂšce Ă  conviction.

 

La colĂšre des parents et des proches les empĂȘchera de voir que la vie des agresseurs est sans doute aussi bousillĂ©e ou qu’elle l’était dĂ©jĂ  auparavant.

Cette nuit, j’ai un peu essayĂ© d’imaginer quelle serait mon attitude de pĂšre devant ces deux agresseurs. Je me suis dit que j’irais peut-ĂȘtre visiter l’un des deux rĂ©guliĂšrement au parloir, en prison, aprĂšs la condamnation. Disons, une fois par mois. Pour le regarder, l’écouter. Pour lui infliger sans doute la vraie sentence. Pour l’humaniser ou le rĂ©-humaniser.

Pour lui parler de ma fille. Lui montrer deux ou trois photos d’elle. Une d’elle, petite, contre moi et une rĂ©cente avant sa mort aprĂšs avoir reçu des coups de couteau. Pour un tĂ©lĂ©phone portable.

Dans la rue, Ă  moins d’ĂȘtre dans un rĂšglement de comptes oĂč l’on voit l’autre comme un ennemi officiel qui accepte ou qui endosse ce statut, je crois que les agresseurs s’en prennent le plus souvent Ă  des inconnus. Des personnes qu’ils n’ont jamais vues et qu’ils ne reverront en principe jamais puisqu’ils vivent dans des aires et des rythmes trĂšs diffĂ©rents voire opposĂ©s et qu’ils se croisent soit par « opportunisme » ou Ă  des buts de prĂ©dation (ici, pour l’agression). Ce qui est bien pratique pour « oublier » ou banaliser ensuite l’évĂ©nement puisque l’on ne revoit pas ou plus, « en principe », la victime. On a donc moins Ă  se confronter Ă  la violence de ce que l’on a fait. On peut d’autant plus se convaincre que cela fait partie du passĂ© ou que la victime n’a pas trop souffert ou qu’elle s’en remettra puisque l’on n’a pas Ă  assister Ă  son agonie.

 

Mais je vais sans doute beaucoup trop loin. Les parents et les proches du jeune seront dans la colÚre et y resteront, pour certains, pendant des années, afin de ne pas déprimer.

 

Comment peut-on se relever de ça en tant que parents ? Alors que tout allait bien ou mieux oĂč se dĂ©roulait comme d’habitude, en un instant, parce qu’il Ă©tait dans cette rue-lĂ  plutĂŽt que dans une autre, leur fils s’est fait poignarder en plein Paris.

 

Aucun parent ne peut se prĂ©parer Ă  ça. Et on ne peut pas non plus couver son enfant en permanence. Etre parent reste donc un pari. Rien n’est dĂ©finitivement assurĂ© malgrĂ© des promesses encourageantes et tout le travail parental engagĂ© depuis le dĂ©but.  AprĂšs plusieurs annĂ©es, tout cela vous explose subitement en plein visage ainsi que dans tout le corps telle une cocotte- minute. Et face Ă  vous, il y a les agresseurs ou les auteurs de l’acte (des gens que vous n’aviez jamais vus, jamais rencontrĂ©s) lorsqu’ils sont arrĂȘtĂ©s et jugĂ©s, qui vous obligent Ă  prendre violemment conscience de ça :

 

 Il vous faut troquer la disparition brutale d’un ĂȘtre cher, Ă©duquĂ© et choisi (votre enfant) contre la prĂ©sence imposĂ©e de ces inconnus que vous n’avez pas choisis, sur lesquels vous allez devoir en quelque sorte vous appuyer, et qu’il vous faut dĂ©couvrir, Ă©couter et regarder lors de leur procĂšs lorsqu’il y en a un.

Photo©Franck.Unimon

Franck Unimon, samedi 25 janvier 2025.

 

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Photos Voyage

Soixante photos du Japon juillet 2024/ Sixty shots of Japan July 2024

 

 

Soixante photos du Japon Juillet 2024/ Sixty shots of Japan July 2024

Inosaki, Himeji, Tokyo, Kyoto, Hiroshima, Kurashiki
.

Quelques mois aprĂšs mon second sĂ©jour au Japon, je retourne sur les talons de ces photos que j’y ai prises durant ces trois semaines. Ni dĂ©tresse ni nostalgie dans ces instants qui m’inspirent ce « retour Â».

Il faut bien quelques semaines, quelques mois voire quelques annĂ©es pour pouvoir mieux regarder certains moments. Et celles et ceux qui savent prendre leur temps comme leur pouls le comprendront certainement. Pour les autres, cela viendra peut-ĂȘtre plus tard. J’ai dĂ©jĂ  publiĂ© au moins deux articles sur mon blog sur ce sĂ©jour que je dois cette fois-ci au Masters Tour proposĂ© et organisĂ© depuis plusieurs annĂ©es par LĂ©o Tamaki. Mais cette fois, c’est peut-ĂȘtre le moment de faire autrement la synthĂšse de ce que j’ai vĂ©cu lors de ce sĂ©jour au Japon.

 

En 1999, lors de mon premier voyage au Japon, les rĂ©seaux sociaux n’existaient pas et les tĂ©lĂ©phones portables que nous avions ne permettaient pas de naviguer sur internet, de filmer ou de prendre des photos. Et je n’avais pas de blog. Il me reste les photos papier de ce sĂ©jour ainsi que divers objets, impressions et souvenirs que j’en avais rapportĂ©s. Mais je n’avais rien Ă©crit ni publiĂ©.

Aujourd’hui, c’est diffĂ©rent. Nous pouvons presque quotidiennement faire savoir Ă  d’autres personnes quel grand gĂ©nie nous sommes et la chance qu’elles ont toutes de nous connaĂźtre, jour aprĂšs jour. MĂȘme s’il est parfois nĂ©cessaire de savoir le leur rappeler rĂ©guliĂšrement :

Les meilleures rĂ©ussites comme les pires initiatives peuvent dĂ©sormais se diffuser vingt quatre heures sur vingt quatre sur les rĂ©seaux sociaux et sur le net en un tour de piste. Certaines de ces derniĂšres sont tenaces et rĂ©pĂ©titives tandis que les premiĂšres peuvent rapidement se faire avaler par cette obligation et cette obsession de la nouveautĂ© et d’originalitĂ© censĂ©es dĂ©finir la valeur de notre personnalitĂ© et de notre vie.

Il n’existe pas de sĂ©rum dĂ©finitif Ă  ce sĂ©bum narcissique. On peut s’assagir et ĂȘtre lucide quelques temps puis recommencer Ă  gesticuler dans le courant environnant. Car cela signifie aussi que l’on est une personne « normale Â» jusqu’à un certain point : que l’on ressemble Ă  une majoritĂ©.

Lorsque l’on dĂ©cide de se rendre au Japon pour quelques semaines en partant de la France, on « sait Â» que l’on multiplie les probabilitĂ©s pour s’extraire de ce que l’on connaĂźt et peut-ĂȘtre de ce que l’on est habituellement en France ou en occident.

La langue et les codes sociaux sont différents, les croyances aussi sans doute.

L’Anglais d’Oxford ou d’ailleurs y reste assez peu parlĂ© et l’Espagnol ou le CrĂ©ole n’y seront d’aucune aide. On y est quelque peu dĂ©pouillĂ©. Mais pas toujours de ce que l’on croit. Car il se peut que l’on se fasse dĂ©pouiller, comme lors de tout vĂ©ritable voyage et de toute vĂ©ritable rencontre, d’une partie de nos insuffisantes connaissances sur le monde sur celles et ceux qui nous entourent et, bien-sĂ»r, sur nous-mĂȘmes.

J’ai Ă©tĂ© Ă©tonnĂ© aprĂšs mon retour du Japon qu’il me soit demandĂ© par plusieurs personnes si j’y avais bien mangĂ©. J’ai eu l’impression que c’était la premiĂšre fois, aprĂšs un de mes voyages, que l’on avait autant besoin de s’assurer que l’on y mangeait bien.

Je peux rĂ©pondre Ă  nouveau que j’ai trĂšs facilement trouvĂ© de quoi me satisfaire d’un point de vue alimentaire sur le territoire nippon. Et que je n’ai pas eu Ă  errer dans des bas fonds interlopes afin de trouver des dealers mafieux Ă  mĂȘme de me revendre au marchĂ© noir des denrĂ©es alimentaires typiquement françaises que je puisse serrer dans mes bras avant de les confier Ă  mon estomac.  

Cet Ă©tĂ©, j’ai bien remarquĂ© sur place que le Japon Ă©tait en effet devenu une destination plus touristique qu’en 1999. Lors de mon premier voyage, les touristes Ă©taient « clairsemĂ©s Â» et j’en avais peu rencontrĂ©. Cette annĂ©e, il Ă©tait plus frĂ©quent d’en croiser. Et Ă  la gare de Kyoto, j’ai mĂȘme eu la surprise de tomber sur une famille de compatriotes guadeloupĂ©ens qui se promenait dans les galeries commerçantes.

Il faut nĂ©anmoins prĂ©ciser que cette annĂ©e, notre sĂ©jour s’est dĂ©roulĂ© en pleine pĂ©riode touristique, lors du mois de juillet alors qu’en 1999, j’étais venu en septembre.

J’ai aussi trouvĂ© qu’il y avait nettement plus de ressortissants chinois, qu’ils soient simples touristes ou habitants. Cela m’a marquĂ© compte-tenu des diffĂ©rends culturels et politiques qui peuvent exister ou ont pu exister entre la Chine et le Japon.

Le Japon est un pays riche et ambitieux tant historiquement, culturellement qu’économiquement. AppelĂ© «  Le pays du Soleil Levant Â», il est peut-ĂȘtre aussi le pays des contraires ordonnĂ©s. 

Aussi, soixante photos dans un diaporama afin de laisser le meilleur aperçu possible de ce sĂ©jour au Japon, c’est assez peu. Mais je crois que l’on dit qu’une image vaut autant que dix mille mots. Il est possible que je me sois trompĂ© sur le chiffre exact. Je sais par contre qu’au dĂ©part, ce diaporama devait contenir cent photos. J’aimais bien le chiffre cent. Peut-ĂȘtre parce-qu’il est proche en sonoritĂ© du mot « sang Â».

Sauf que, sur les plus de 8000 photos prises lĂ -bas, je me suis retrouvĂ© avec 176 photos. Cela faisait beaucoup trop. Trop de sang. J’ai donc coupĂ©. Surtout qu’aujourd’hui, il faut savoir livrer du concentrĂ©. Je ferai peut-ĂȘtre un autre diaporama aprĂšs celui-lĂ .

Comme musique, je voulais d’abord mettre du Dub. Pendant environ deux jours, j’ai Ă©coutĂ© plusieurs titres de Brain Damage et de Manutention. J’ai Ă©tĂ© beaucoup tentĂ© de rĂ©utiliser un des titres de Brain Damage dont je ne me lasse pas.

Finalement, ce matin, je me suis rappelĂ© de Rosalia que j’étais allĂ© voir en concert en Ă©tĂ© 2023 Ă  l’hippodrome de Longchamp avant de partir ensuite travailler de nuit.

Le titre La Combi Versace m’a rapidement convaincu. On s’attend peu, je crois, Ă  retrouver apposĂ©e une telle musique et la langue espagnole « sur Â» des photos relatives au Japon. On est le plus souvent tentĂ©, en tant qu’occidental admiratif, de l’accoler Ă  une musique solennelle ou qui inspire certaines attitudes de respect ou supposĂ©es zen.

J’ai bien Ă©videmment du respect pour le Japon et je suis sensible Ă  la recherche du zen. Mais je crois que ce titre de Rosalia sert trĂšs bien ce diaporama car il a parmi ses avantages le fait, je crois, de reprĂ©senter l’avenir, d’ĂȘtre entraĂźnant et plein de vie. Il est aussi composĂ© et interprĂ©tĂ© par une femme qui a ses idĂ©es et qui s’exprime dans une autre langue que l’incontournable langue anglaise de beaucoup de nos titres prĂ©fĂ©rĂ©s. Et le dĂ©cĂšs rĂ©cent de Quincy Jones est lĂ  pour nous le remĂ©morer.

Je cite feu Quincy Jones. Mais il ne manquera pas de personnes pour se rappeler de lui ou pour Ă©couter sa musique qui, d’une façon ou d’une autre, est une mĂ©moire, sa mĂ©moire. Par contre, en Ă©coutant de la musique ce matin afin d’en choisir une pour ce diaporama, j’ai pensĂ© Ă  toutes ces personnes qui n’ont plus ou qui n’ont pas la possibilitĂ© de connaĂźtre ce plaisir qui est simplement d’écouter de la musique qu’elles aiment et de se laisser entraĂźner par elle et qui partiront sans laisser de mĂ©moire. Car elles vivent dans une trop grande pauvretĂ© ou dans une trop grande violence.

C’est une trĂšs grande libertĂ© et un grand privilĂšge que de pouvoir Ă©couter de la musique, « sa Â» musique, lorsqu’on le souhaite comme de pouvoir l’emporter avec soi dans son tĂ©lĂ©phone portable, sur son ordinateur ou dans un baladeur numĂ©rique. De se mettre oĂč l’on veut et de l’écouter voire de la faire Ă©couter et de la vivre avec d’autres.

Je ne suis pas certain que l’on s’en rappelle toujours. Ce diaporama est aussi là pour m’aider à m’en rappeler. Car j’ai besoin de m’en rappeler.

Franck Unimon, ce mercredi 13 novembre 2024.

 

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En Concert

Massive Attack Ă  Rock en Seine Aout 2024

Massive Attack Ă  Rock en Seine, Aout 2024.
Photo©Franck.Unimon

 

I was about to forget about Massive Attack at Rock en Seine Festival in August 2024. I was there. I took those pictures and videos. Je m’en rappelle ce soir avant que le vide ne m’entraĂźne Ă  nouveau et avant mon coucher.

 

Massive Attack, groupe crĂ©Ă© Ă  Bristol Ă  la fin des annĂ©es 1980… (en 1988). Cela fait plusieurs fois que je la lis. Mais  j’ai du mal Ă  assimiler cette information. 

Massive Attack Ă  Rock en Seine, Aout 2024.
Photo©Franck.Unimon

1988, c’est sept annĂ©es aprĂšs la mort de Bob Marley. Trois ans avant le dĂ©cĂšs de Miles Davis et de Serge Gainsbourg. Quatre annĂ©es et une annĂ©e aprĂšs les albums Purple Rain et Sign o’ the Times de Prince ; six annĂ©es et une annĂ©e aprĂšs les albums Thriller et Bad de MichaĂ«l Jackson ; une annĂ©e aprĂšs l’album Kiss Me, Kiss Me, Kiss Me de The Cure ; quatre annĂ©es aprĂšs l’album An ba Chen’n la de Kassav’ ; six annĂ©es aprĂšs l’album The Message de Grandmaster Flash….

Horace Andy avec Massive Attack Ă  Rock en Seine, Aout 2024.
Photo©Franck.Unimon

Pour moi, la musique de Massive Attack a fait partie des miracles des annĂ©es 90 et 2000 avec, pour apothĂ©ose, leur troisiĂšme album Mezzanine ( sorti en 1998) dont le titre Dissolved Girl comptera parmi les titres du film Matrix rĂ©alisĂ© par les ex-frĂšres Wachowski qui connaĂźtra un succĂšs mondial et qui est depuis devenu une rĂ©fĂ©rence pour bien des cinĂ©philes.

Mezzanine fut pour moi un miracle ambivalent, Ă©vident et captivant. Car aussi vĂ©nĂ©neux, angoissant, aliĂ©nant et potentiellement mortel que potentiellement salvateur. 

C’est surgir au bord du gouffre, nous prĂ©venir de sa proximitĂ© et de son imminence. Et nous convaincre de rester Ă©couter. Nous suggĂ©rer qu’il y a, parmi les Ă©clairs, encore un espoir…

Daddy G/Grant Marshall du groupe Massive Attack à Rock en Seine, Aout 2024. Photo©Franck.Unimon
Massive Attack au festival Rock en Seine, Aout 2024. Photo©Franck.Unimon

Si l’aura et la force du groupe se sont effilochĂ©es aprĂšs Mezzanine,  Massive Attack, par la suite, a nĂ©anmoins adressĂ© d’autres titres qui ont du poids.

Je pense principalement Ă  ceux de l’album Heligoland (sorti en 2010).  

Massive Attack au festival Rock en Seine, Aout 2024. Photo©Franck.Unimon
Au Festival Rock en Seine, Aout 2024. Concert de Massive Attack. Photo©Franck.Unimon

Lors de ce concert de Massive Attack en aout, j’ai Ă©tĂ© Ă©tonnĂ© par le jeune Ăąge des spectateurs autour de moi. Normal :

Je fais dĂ©sormais partie des vieux et ce sera encore plus vrai dans quelques minutes, date de mon anniversaire. Et celles et ceux que j’ai vus, assez prĂšs de la scĂšne avec moi, avaient dans leur grande majoritĂ© Ă  peu prĂšs l’Ăąge que j’avais lorsque j’Ă©coutais Massive Attack dans les annĂ©es 90 : La trentaine ou un peu moins.

Ce qui signifie quand mĂȘme que la plupart d’entre eux Ă©taient Ă  peine nĂ©s lors des premiers albums de Massive Attack ( Blue Lines, le premier album, est sorti en 1991).

A nouveau, comme pour d’autres artistes, cet exemple rappelle que, malgrĂ© les « changements » d’Ă©poque, une certaine attraction et identification demeurent. Comme chaque fois que l’oeuvre d’un(e ) artiste ou d’une personnalitĂ© « parle » au plus grand nombre.

Il est des oeuvres que le Temps camisole, d’autres qu’il libĂšre.

Massive Attack est sans doute bien moins connu et bien moins Ă©coutĂ© aujourd’hui qu’il y a trente ans mais il est bien des artistes qui aimeraient signifier au moins autant qu’eux au point de pouvoir encore se produire sur la grande scĂšne d’un festival de « Rock » trĂšs suivi.

Shara Nelson avec Massive Attack, festival Rock en Seine, Aout 2024. Photo©Franck.Unimon

On peut aussi lire/voir l’article Tricky Ă  l’Olympia ce 6 mars 2024

Franck Unimon, ce 1er octobre 2024.

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Cinéma

Ni ChaĂźnes ni Maitres un film de Simon MoutaĂŻrou

 

Ni chaĂźnes ni Maitres un film de Simon MoutaĂŻrou

 

Ecrire peut ressembler Ă  de la loterie ou Ă  un exercice de tĂ©lĂ©pathie ratĂ©e. Tant de pensĂ©es et tant d’énergie engagĂ©e et un mauvais choix peut tout gĂącher alors que cela commençait bien et que notre temps- et aussi l’attention des autres- reste comptĂ©. Et limitĂ©.

C’est peut-ĂȘtre aussi parce-que je refuse encore- un peu -d’ĂȘtre domptĂ© par cette addiction aux images qui a propulsĂ© ses comptoirs dans nos vies et nous vide de notre intĂ©rioritĂ© en nous maintenant Ă  l’arrĂȘt que j’ai recommencĂ© rĂ©cemment Ă  retourner voir des films au cinĂ©ma (Ă  raison de deux films d’affilĂ©e au minimum) et que je me remets ce soir Ă  Ă©crire.

Je vais au cinĂ©ma comme d’autres prient, voyagent, partent en pĂ©lĂ©rinage ou vont Ă  la messe.

Je me suis aussi rappelĂ© que le cinĂ©ma pouvait me donner une Ă©ducation et m’apporter un certain rĂ©pit.

J’aime encore le fait de me mouvoir et d’aller chercher corporellement dans l’espace un Savoir, une expĂ©rience, une rencontre, un moment.

Je crois que l’expĂ©rience d’un film peut avoir des effets bĂ©nĂ©fiques sur mon existence.

 

 A condition de bien choisir ses films.

Je sais aussi que cette façon de voir est attardĂ©e et qu’elle provient aussi de mon Ăąge, de mon Ă©poque et de mon tempĂ©rament. Car, dĂ©sormais, on peut aussi prĂ©fĂ©rer tout faire depuis chez soi par la dĂ©matĂ©rialisation et le virtuel qui offrent  des avantages pratiques consĂ©quents.

 

J’aime aussi regarder des films de divertissement ou dits grand public.

 

Mais vu que mon temps est comptĂ©, je dois avoir des prioritĂ©s. J’ai donc rapidement Ă©cartĂ© des films tels que Alien : Romulus de Fede Alvarez ou Deadpool & Wolverine rĂ©alisĂ© par Shawn Levy sortis respectivement le 14 aout et le 24 juillet en salles. Deux films qu’il est encore possible de voir en version originale au moins dans le complexe cinĂ©ma parisien que je frĂ©quente depuis plus d’une vingtaine d’annĂ©es.

 

Au lieu d’aller crier dans l’espace et de retourner voir Wolverine s’Ă©nerver et Deadpool faire le mariole, je suis allĂ© chercher des films qui font partie de la constellation  dite du « cinĂ©ma d’auteur».

Il y a des films d’auteurs qui marchent bien et qui « rencontrent » leur public massivement, au grand jour, et non dans une back room. Il en est d’autres qui sont peu vus car ignorĂ©s par le public ou rapidement retirĂ©s des salles de cinĂ©ma, mal distribuĂ©s. Il y a ceux qui passent inaperçus au cinĂ©ma, que l’on va voir dans une salle pratiquement vide, et qui, plus tard, voire assez rapidement, deviennent cultes comme Requiem for a dream (2000) de Darren Aronofski ou  Under the Skin ( 2013) de Jonathan Glazer. Il y a des rĂ©alisateurs reconnus de leur vivant et qui sont Ă©tonnamment oubliĂ©s aprĂšs leur dĂ©cĂšs comme Krzystof Kieslowski. Et d’autres, peut-ĂȘtre trop fous pour que les gens normaux aient pu  entendre parler d’une oeuvre telle que La ComĂ©die de Dieu (1995) de Joao CĂ©sar Monteiro.

Il y a quelques films, aussi, qui, bien que faisant encore partie du cinĂ©ma d’auteur rassemblent les spectateurs car celle ou celui qui les dĂ©livre a, avec ses oeuvres cinĂ©matographiques prĂ©cĂ©dentes, rempli de maniĂšre rĂ©pĂ©tĂ©e au moins ces trois ou quatre conditions :

Remporté des prix dans des festivals prestigieux; été estimé(e) et soutenu par les média et les critiques de cinéma; rencontré un succÚs public et commercial ; révélé des oeuvres, des histoires personnelles, des actrices ou des acteurs.

Tel Emilia PĂ©rez, le dernier film du rĂ©alisateur Jacques Audiard, sorti le 21 aout 2024, et qui a fait partie des films d’auteurs que j’ai vus (et aimĂ©) rĂ©cemment.

 

Et puis, il y a les films comme Ni Chaßnes ni Maitres de Simon Moutaïrou sorti le 18 septembre 2024 et que je suis allé voir ce 20 septembre au matin.

La semaine derniĂšre, je me suis Ă©tonnĂ© de ne pas citer Ni ChaĂźnes ni Maitres lors d’une discussion avec quelques collĂšgues Ă  propos des films que j’avais vus rĂ©cemment. Je les avais tous citĂ©s. J’avais mĂȘme recommandĂ© La Partition de Matthias Glasner qui est un film « dramatique allemand Â» de prĂšs de trois heures sorti le 4 septembre et qui est loin d’ĂȘtre lĂ©ger moralement.

Mais aucune allusion spontanée de ma part concernant Ni Chaines ni Maitres à mes collÚgues.

Il m’a bien fallu environ deux bonnes minutes pour m’en rappeler et le rajouter, du bout des lĂšvres, parmi la liste des films que j’avais vus ces derniers jours. Et lorsque j’ai parlĂ© du film, j’en ai parlĂ© avec mĂ©nagement :

J’apprĂ©hendais de gĂȘner ou de dĂ©ranger. Je ne voulais pas gĂȘner ou dĂ©ranger mes collĂšgues (majoritairement blancs) avec ce sujet. Je me suis presque comportĂ© comme une personne qui confessait une faute morale. Avoir vu un film. Ce film-lĂ . 

J’avais pourtant aimĂ© le film.

Je crois que ce malaise que j’ai ressenti devant mes collĂšgues raconte le sujet du film. Ou, plutĂŽt, la façon dont son sujet est abordĂ© ou reste abordĂ© en France :

 

Tant que l’on parle d’esclavage ou de racisme anti-noir dans des grosses productions amĂ©ricaines, tout va bien. Cela se passe aux Etats-Unis. En France, tout cela est « digĂ©rĂ© » ou plutĂŽt mis dans le placard avec tout le nĂ©cessaire disponible pour l’employĂ© de mĂ©nage ( souvent une personne noire ou arabe).

Alors qu’aux Etats-Unis, qu’est-ce-que la condition des Noirs a Ă©tĂ© ou reste dĂ©gueulasse ! Black Lives Matter. Rodney King. Martin Luther King. I Have a Dream. Spike Lee. Angela Davis. Toni Morrisson. Colson Whitehead. James Baldwin. Amistad, La Couleur Pourpre, Le Majordome, Django Unchained, Get out
..

Le 24 septembre 2024 au soir en rentrant du travail, Rue de Rivoli, Paris, Librairie Galignani. Photo©Franck.Unimon

Grand soulagement cependant. Car mĂȘme si en septembre 2018, en France, lors d’une Ă©mission tĂ©lĂ©visĂ©e et bien mĂ©diatisĂ©e, un personnage mĂ©diatique comme Eric Zemmour avait pu s’autoriser Ă  donner son avis sur le prĂ©nom de la chroniqueuse Hapsatou Sy (comme Ă  l’époque de l’esclavage) tous les dĂ©bordements liĂ©s Ă  l’esclavage et au racisme anti noir se dĂ©roulent bien sĂ»r aux States, aux Etats Unis, oĂč ça peut ĂȘtre trĂšs dur pour « Les Blacks ».

Libraire Galignani, rue de Rivoli, Paris, Mardi 24 septembre 2024 vers 21h30. Photo©Franck.Unimon

A la rigueur, un rĂ©alisateur britannique ( un homme noir bien-sĂ»r) comme Steve McQueen va parler de l’esclavage dans un film comme Twelve years a slave (rĂ©alisĂ© en 2013) qui comptera plusieurs vedettes internationales ( Chiwetel Ejiofor, Brad Pitt, Michael Fassbender, Paul Dano, Benedict Cumberbatch
.).

Mais en France, pour l’instant, aucun film notable ou sĂ©rieux sur l’esclavage avec Jean Gabin, Yves Montand, Lino Ventura, Jean-Paul Belmondo, Alain Delon, GĂ©rard Depardieu, Romain Duris, Pierre Niney, Pio MarmaĂŻ, François Civil, Romy Schneider, Brigitte Bardot, Vanessa Paradis, Jeanne Moreau, Catherine Deneuve, Isabelle Adjani, MaĂŻwenn, AdĂšle Exarchopoulos, Alice Isaaz, NoĂ©mie Merlant, Audrey Fleurot, Audrey Tautou
.

 

Il faut Ă©ventuellement attendre que deux humoristes ( noirs) plutĂŽt connus comme Thomas N’gijol et Fabrice EbouĂ© en parlent dans Case DĂ©part en 2011 pour que l’on puisse dire qu’un film français (humoristique) qui Ă©voque l’esclavage a eu un certain succĂšs public. Auparavant, je crois que seul Rue Cases NĂšgres rĂ©alisĂ© par Euzhan Palcy en 1983 avait pu aborder le sujet et avoir aussi un certain « succĂšs ». Et le film d’Euzhan Palcy (inspirĂ© du livre de Joseph Zobel) est le contraire d’une comĂ©die.

Paris, photo prise en septembre 2024, un ou deux jours aprĂšs vu  » Ni ChaĂźnes ni Maitres ». Je suis tombĂ© sur cette rue par hasard dans un quartier trĂšs aisĂ© et plutĂŽt tranquille de Paris. Si le GĂ©nĂ©ral NĂ©grier, d’aprĂšs WikipĂ©dia, n’a pas participĂ© Ă  la traite nĂ©griĂšre, ses actions en AlgĂ©rie, lors de la colonisation, transposent le pire du terme  » NĂ©grier ». Photo©Franck.Unimon

L’ esclavage fait donc partie des sujets tabous en France en 2024 et j’ai Ă©tĂ© le propre tĂ©moin de ma dissociation Ă  ce sujet. Car en prĂ©sence de personnes noires, j’aurais sans aucun doute beaucoup plus facilement citĂ© Ni ChaĂźnes ni Maitres parmi les films que je suis allĂ© voir rĂ©cemment. Et qui m’ont plu. Comme Les Barbares de Julie Delpy, A son image de Thierry de Peretti, Le ProcĂšs du chien de Laetitia Dosch.

 

Ni ChaĂźnes ni MaĂźtres  a par ailleurs dans ses avantages, le fait, pour la premiĂšre fois dans une production française sur le thĂšme de l’esclavage et du marronnage, de proposer des  acteurs français et blancs  de premiĂšre main :

Camille Cottin et BenoĂźt Magimel. Lesquels ont des rĂŽles dĂ©cisifs. Il faut aussi rajouter Marc BarbĂ© qui fait une apparition marquante voire FĂ©lix Lefebvre, prĂ©sent dans le SuprĂȘmes d’Audrey Estrougo  (consacrĂ© au groupe de Rap NTM).

J’ai Ă©tĂ© « initiĂ© Â» Ă  l’histoire de l’esclavage par mon pĂšre, en banlieue parisienne, alors que j’étais Ă  l’école primaire et que j’écoutais- entre-autres- les mĂȘmes variĂ©tĂ©s françaises que mes copains et copines de classe de Claude François Ă  Michel Sardou en passant par Alain Souchon ( J’ai dix ans)  Dave (Vanina), Sheila, Joe Dassin, Ringo, Julien Clerc, Johnny Halliday, Mireille Mathieu ou Dalida ( Paroles paroles)…

Et alors que je regardais et dĂ©couvrais fidĂšlement, Ă©merveillĂ©, Goldorak, San Ku KaĂŻ mais aussi Les MystĂšres de l’Ouest, L’homme qui valait trois milliards ou David Vincent et les envahisseurs, Chapeau melon et bottes de cuir
La petite maison dans la prairieCosmos 1999l’Ă©mission Temps X des FrĂšres Bogdanoff.

 

Donc, quarante ans plus tard, un film de plus sur l’esclavage ne me faisait pas peur. Sauf que je peux en avoir assez de faire «bouffer » de l’esclavage Ă  ma mĂ©moire. Je ne cours pas aprĂšs les films qui traitent (ce jeu de mot Ă©tait trop irrĂ©sistible) de l’esclavage. Mais Ni ChaĂźnes ni Maitres m’a rapidement donnĂ© « envie ». Cela vient peut-ĂȘtre du fait que le film a d’abord Ă©tĂ© trĂšs bien Ă©crit par Simon MoutaĂŻrou qui a d’abord Ă©tĂ© scĂ©nariste  (L’Assaut, Goliath, BoĂźte noire) avant de devenir rĂ©alisateur. Avant de faire son film, Simon MoutaĂŻrou a pris le temps de rencontrer des historiennes mais aussi de lire Le Marronnage Ă  l’Isle de France, rĂȘve ou riposte de l’esclave ?  d’AmĂ©dĂ©e Nagapen, un ecclĂ©siastique catholique et historien mauricien dĂ©cĂ©dĂ© en 2012 (sources WikipĂ©dia et le Bondyblog.fr ). 

D’aprĂšs mes recherches, l’ouvrage de Nagapen est aujourd’hui indisponible. Pour l’instant, de son travail, il nous reste donc…Ni ChaĂźnes ni Maitres de Simon MoutaĂŻrou.

 

DĂšs le dĂ©but, le film nous entraĂźne. Ensuite, avec trĂšs peu de gestes, et en quelques images,  Benoit Magimel en EugĂšne Larcenet nous laisse entrevoir ce que pouvait ĂȘtre l’état d’esprit paternaliste d’un esclavagiste sur sa plantation. Sans grossiĂšretĂ© ni caricature.

Deux figures fĂ©minines (on peut en ajouter une troisiĂšme d’allure mystique) dominent le film. En la personne de Mati (l’actrice Thiandoum Anna Diakhere) la fille du hĂ©ros (Massamba, l’acteur Ibrahima Mbaye) et de Madame la Victoire, la chasseuse de nĂšgres, interprĂ©tĂ©e par Camille Cottin. Soit deux autres atouts supplĂ©mentaires du film.

J’ai aussi beaucoup aimĂ© l’apport de la langue. Ici, beaucoup le Wolof. J’ai aussi aimĂ© que le film nous montre ce que pouvait encore ĂȘtre la culture ( Wolof et autres) d’origine de ces femmes et de ces hommes avant qu’ils ne soient complĂštement « assimilĂ©s», francisĂ©s ou Ă©crabouillĂ©s comme la canne Ă  sucre qu’ils rĂ©coltent. Ni ChaĂźnes ni Maitres se dĂ©roule en 1759 en « Isle de France » ( l’ancien nom de l’Ăźle Maurice).

 

Le film rappelle aussi l’addiction trĂšs ancienne de l’HumanitĂ© Ă  la violence. Et les histoires qui en dĂ©coulent oĂč des cultures et des minoritĂ©s ont eu ou ont contre elles le dĂ©savantage de l’infĂ©rioritĂ© au moins militaire, les conduisant, lorsqu’il leur est impossible de se dĂ©fendre ou de rĂ©sister, soit Ă  disparaĂźtre soit Ă  ĂȘtre envahies ou colonisĂ©es.

 

Dans la salle, parmi les spectateurs, il y avait nettement plus de personnes noires que lorsque j’étais allĂ© voir La Partition de Matthias Glasner. Le public Ă©tait aussi plus jeune. La vingtaine ou la trentaine « contre Â» un public de quasi retraitĂ©s ou de retraitĂ©s pour La Partition.

Sur le gĂ©nĂ©rique de fin, dans les remerciements, j’ai aperçu le nom de Anne-Sophie Nanki ( Ici s’achĂšve le monde connu un court mĂ©trage de Anne-sophie Nanki)

 

AprĂšs la projection de Ni ChaĂźnes ni Maitres, quelques personnes sont restĂ©es assises. J’ai perçu une certaine Ă©motion que j’ai aussi ressentie. Mais je n’en n’ai rien dit.

 

Librairie Galignani, rue de Rivoli, Paris, ce 24 septembre 2024. Photo©Franck.Unimon

Franck Unimon, ce lundi 23 septembre 2024 ( et mercredi 25 septembre 2024).

 

 

 

 

 

 

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self-défense/ Arts Martiaux Voyage

Japon juillet 2024 : Les Maitres du Masters Tour

Le Butokuden, Kyoto. Masters Tour, juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Japon Juillet 2024 : Les Maitres du Masters Tour

 

« Les Maitres sont les Maitres. Au mieux, je suis un centimĂštre Â».

 

Le terme « Maitre Â» est un des reflets de notre ambivalence.

PrÚs du Butokuden, Kyoto, lors du Masters Tour, juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Il peut rappeler des mauvais souvenirs. Il semble sĂ©parer les mondes d’hier dont nous somme les fruits que l’on fuit et ceux d’aujourd’hui que l’on prĂ©fĂšre. Comme s’il Ă©tait possible de creuser une tranchĂ©e entre les deux et d’y entrer.

Le « Maitre Â» peut rappeler l’instituteur de l’école primaire ou celui dont dĂ©pend l’esclave.

Personne n’aime vĂ©ritablement se rappeler certains moments humiliants et publics de son histoire.

Mais le « Maitre Â» est aussi celle ou celui qui peut et sait guider et rĂ©parer. En particulier vers la vie et l’optimisme. Y compris dans le secret.

Il existe des Maitres dans beaucoup de domaines dans toutes les cultures Ă  tous les Ăąges de l’évolution et dans toutes les classes sociales. Mais, la plupart du temps, nous ne le percevons pas.

Par ailleurs, le terme de « Maitre Â» est anachronique tout autant que futuriste.

Et les Arts Martiaux véhiculent cette outrance ou cette ambivalence.

Avec LĂ©o Tamaki, au Butokuden, Kyoto, Masters Tour, Juillet 2024.

Car on peut trouver anachronique voire stupide que des gens, en 2024 et plus tard, puissent encore continuer de choisir de porter kimono, hakama, d’autres Ă©lĂ©ments vestimentaires mais aussi adopter certaines attitudes. Et, tout cela, afin de transpirer et suivre des rituels et des traditions d’un ancien temps mais aussi d’une culture qui n’est pas forcĂ©ment la leur. Alors qu’il suffit de faire un rĂ©gime alimentaire, de subir une intervention chirurgicale, de prendre un coach ou de faire du fitness ou du cross-fit pour perdre du poids et pouvoir se mettre en maillot de bain en Ă©tĂ© au bord de la plage en Ă©tant fier de son allure.

Toute Ă©poque a ses intĂ©grismes et ses artifices aussi sĂ©duisants soient-ils. Et, si mon attachement Ă  certaines valeurs dites traditionnelles me rapproche des Arts Martiaux, j’ai aussi appris que les traditions, Ă  elles seules, ne sont pas des sanctuaires idylliques. Il faut des personnes, des femmes, des hommes et aussi des enfants qui sachent les interprĂ©ter et les perpĂ©tuer de maniĂšre vivante et optimiste.

Au Masters Tour de juillet 2024, nous avons eu le privilĂšge de rencontrer plusieurs Maitres d’Arts Martiaux. Mon prĂ©cĂ©dent article, Japon Juillet 2024 : Le Retour , fut long Ă  Ă©crire et Ă  lire. Celui-ci est entre trois Ă  six fois plus court. 

Au centre, Hino Akira Sensei au Butokuden, Kyoto, Masters Tour, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

 

Hormis Hino Akira Sensei approchĂ© lors d’un stage organisĂ© par LĂ©o Tamaki au cercle Tissier Ă  Vincennes fin 2022, je dĂ©couvrais les autres Sensei. Des Maitres et des personnes que LĂ©o Tamaki, et quelques autres, avaient rĂ©guliĂšrement rencontrĂ© depuis au moins une quinzaine d’annĂ©es !

 

Ces hommes, ces Maitres, ont consacrĂ© leurs vies aux Arts Martiaux Ă  un point difficilement concevable. Comme l’on porterait des mĂ©taux Ă  une tempĂ©rature particuliĂšrement Ă©levĂ©e, ils se sont forgĂ©s. Sans se rompre. Il faut le rappeler car nous sommes nombreux Ă  avoir eu des projets ou des aspirations auxquelles nous avons dĂ» partiellement ou totalement renoncer.

 

La premiĂšre leçon du Maitre, c’est peut-ĂȘtre d’ĂȘtre une incarnation, devant nous, de cette forme d’accomplissement- et d’engagement- que trĂšs peu d’entre nous atteindrons. Parce que notre histoire est diffĂ©rente. Et aussi parce qu’avant lui, nous avons eu d’autres Maitres et retenu d’eux certains enseignements plutĂŽt que d’autres.

 

Je ne pourrai pas parler d’une technique exposĂ©e et dĂ©montrĂ©e par un de ces Maitres. J’en suis incapable.

 

« Les Maitres sont les Maitres. Au mieux, je suis un centimĂštre » est une rĂ©flexion que j’ai Ă©crite lors de ce Masters Tour de juillet 2024 alors que nous nous trouvions au Japon.

 

Cette diffĂ©rence lexicale est l’équivalent d’une dĂ©cimale pour dĂ©crire Ă  quel point, mĂȘme si je parle d’ĂȘtres humains comme moi, il y a quand mĂȘme une brĂšche saisissante entre eux et moi. Et que mes propos sont condamnĂ©s Ă  rester rudimentaires pour les Ă©voquer.

 

Pourquoi le faire, alors ?

 

Pour tĂ©moigner et pour contribuer Ă  rajouter un peu de mĂ©moire. Parce-que les ĂȘtres humains ont besoin d’histoires et de mĂ©moire mĂȘme s’il leur arrive aussi de les craindre et de les rejeter.

 

Je vais parler ici des Maitres qui m’ont le plus
 Â« parlĂ© Â».

Avec Hatsuo Royama Sensei, Kyoto, Masters Tour, juillet 2024. Celui-ci vient de m’administrer une bonne claque sur le ventre par surprise.

Hatsuo Royama Sensei, 76 ans, Karate Kyokushinkan, est le premier Maitre que nous ayons rencontrĂ©. MalgrĂ© sa bonne humeur et son enthousiasme, notre premiĂšre rencontre avec lui et ses disciples m’avait laissĂ© insatisfait. Nous Ă©tions une bonne centaine (ou davantage) sur le tatami. Au lieu de nous dire comme il l’a fait Ă  la fin « Vous ĂȘtes nombreux Ă  avoir une mauvaise garde Â», j’aurais prĂ©fĂ©rĂ© que lui ou un de ses disciples passe et nous le dĂ©montre en nous « corrigeant Â».

 

J’ai Ă©tĂ© bien plus favorablement marquĂ© quelques jours plus tard par le kata qu’il nous a dĂ©livrĂ© au butokuden lors de la cĂ©lĂ©bration des dix ans de l’école Kishinkai AĂŻkido.

Hatsuo Royama Sensei, seul, face Ă  notre assistance, a plongĂ© dans un kata respiratoire oĂč chacun de ses mouvements Ă©tait soutenu par le marteau de son diaphragme. C’était la premiĂšre fois que j’assistais Ă  une telle expressivitĂ© martiale. Et sa dĂ©monstration attestait aussi de sa santĂ© vigoureuse.

Une santĂ© avec laquelle j’allais faire un peu plus connaissance ensuite ou, aprĂšs qu’il ait acceptĂ© de prendre la pose avec moi pour la photo, il allait me surprendre en m’administrant une magistrale tape sur l’abdomen soit un peu l’équivalent d’une leçon particuliĂšre qui allait m’influencer, jusqu’à me mettre sur la dĂ©fensive, lorsque j’allais me trouver lors d’une autre sĂ©ance face Ă  Minoru Akuzawa Sensei, Aunkai, pour une dĂ©monstration.

 

Avec Takeshi Kawabe Sensei, Kyoto, prÚs du Butokuden, Masters Tour, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Takeshi Kawabe Sensei, 80 ans, Daitoryu Aikijujutsu.

Commençons par dire que Takeshi Kawabe Sensei ne fait pas son Ăąge. Si Hatsuo Royama Sensei mesure prĂšs d’1m80, Takeshi Kawabe Sensei doit Ă  peine dĂ©passer 1m60. Avec son air de petit gars tranquille joueur de pĂ©tanque, il peut au mieux faire penser Ă  l’inspecteur Columbo ou Ă  un personnage d’un film de Johnnie To  dont les mĂ©ninges sont bien plus affĂ»tĂ©s que les gestes.

Takeshi Kawabe Sensei est sans doute un homme trĂšs intelligent et aussi farceur (lors du repas collectif que nous avons fait, je crois qu’il s’est bien amusĂ© de moi en me disant – en Japonais- que j’avais un trĂšs bon Japonais).

Mais c’est Ă©videmment un redoutable pratiquant.

Ses saisies et ses clĂ©s sont promptes et donnent l’impression d’ĂȘtre la destinĂ©e de celui qui l’attaque. Il me reste des souvenirs de ce moment oĂč Issei Tamaki a jouĂ© le rĂŽle de Uke :

Issei y a mis tout son entrain pour, Ă  chaque fois, le mĂȘme rĂ©sultat. Se faire retourner.

Takeshi Kawabe Sensei a rĂ©agi comme s’il l’attendait. Comme si tous les modes d’attaques humainement possibles Ă©taient connus de son registre. On aurait dit l’agent Smith face Ă  NĂ©o Ă  la fin du premier Matrix des ex frĂšres Wachowski.

Le rĂ©sultat Ă©tait tellement Ă©vident que la conclusion aurait Ă©tĂ© vraisemblablement la mĂȘme avec un autre Uke. En outre, Takeshi Kawabe Sensei prenait tout cela de maniĂšre ludique. Si on peut voir Hatsuo Royama Sensei comme une force de la nature, Takeshi Kawabe Sensei Ă©voque plutĂŽt celui qui a su transcender sa nature.

Hino Akira Sensei, 76 ans, Hino Budo, est Ă©galement un petit gabarit. Sans forcer, il vous fait tomber. Vous vous croyiez enracinĂ©s et bien ancrĂ©s dans le sol ? Vous vous mentez Ă  vous-mĂȘmes. Vous ne l’ĂȘtes pas. Ou jamais suffisamment face Ă  lui.

Plus il vous montre le mouvement, plus il vous convainc que c’est facile et plus vous avez du mal Ă  le reproduire. Par moments, j’ai du mal Ă  savoir si sa science tient de l’hypnose, du conditionnement ou de ces quelques degrĂ©s ou centimĂštres (millimĂštres ?) que l’on nĂ©glige d’ordinaire et qui font toute la diffĂ©rence entre le dĂ©sĂ©quilibre et la chute.

Sa pratique peut ĂȘtre trĂšs difficile pour celle ou celui qui s’est toujours reposĂ© sur l’explosivitĂ© musculaire, l’excitation et l’agitation. Avec lui, on transpire de la tĂȘte Ă  essayer de comprendre un concept qui n’existe pas. Il faut ressentir et c’est difficile.

En revoyant a posteriori quelques images que j’avais pu filmer lors de l’intervention de Hino Akira Sensei, j’ai pu m’apercevoir que d’autres participants du Masters Tour connaissaient aussi quelques difficultĂ©s pour mettre en pratique ce qu’il nous avait montrĂ©. Cela m’a un peu dĂ©culpabilisĂ©.

Minoru Akuzawa Sensei, à la gare de Kyoto, avant le départ pour Kinosaki. Masters Tour, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Minoru Akuzawa Sensei, Aunkai, est Ă  Ă  l’image de Takeshi Kawabe Sensei et de Hino Akira Sensei. Avec son 1m65, il a la silhouette passe partout de celui que l’on oublie. Pourtant, en tant que Maitre d’Arts Martiaux, l’Aunkai qu’il a crĂ©Ă© et qu’il enseigne peut ĂȘtre vu comme un croisement entre les enseignements de Hatsuo Royama Sensei et ceux de Hino Akira Sensei.

Minoru Akuzawa Sensei est capable des explosions et des percussions du premier et de la dĂ©licatesse du second tout en n’étant ni l’un ni l’autre.

Mon premier camarade de chambre lors de ce Masters Tour avait « goĂ»tĂ© Â» Ă  trois low kick de Minoru Akuzawa Sensei. Il les ressentait encore plusieurs jours plus tard.

Ma premiĂšre « confrontation Â» physique avec Minoru Akuzawa Sensei avait eu lieu un peu plus tĂŽt dans le car qui nous avait transportĂ© de Kyoto Ă  Kinosaki.

Cette « confrontation Â» fut principalement une bousculade. J’avais sans doute pris un peu trop de temps pour avancer dans le car et Minoru Akuzawa Sensei m’était rentrĂ© dedans en montant derriĂšre moi. Impatience ? Distraction ? Je n’ai pas su.

Par contre, moi qui suis plus grand que lui dix bons centimĂštres et sans doute plus lourd que lui de dix kilos, j’avais Ă©tĂ© surpris de me sentir si facilement dĂ©placĂ© physiquement par un si « petit Â» homme.

Si tous les autres Maitres que nous avons rencontrĂ©s avaient des disciples ou des assistants japonais, Minoru Akuzawa Sensei s’est un peu distinguĂ© en laissant un de ses Ă©lĂšves occidentaux (un homme robuste d’un bon mĂštre quatre vingt dix  vraisemblablement d’origine amĂ©ricaine )  diriger l’échauffement.

A la fin de la sĂ©ance qu’il a dirigĂ© dans un gymnase, Minoru Akuzawa Sensei nous a dit qu’il apprenait Ă  connaitre les gens au travers du contact physique qu’il avait en pratiquant avec eux. Et qu’il avait senti chez ceux d’entre nous qu’il avait eus comme partenaires une « vĂ©ritable ouverture pour les Arts Martiaux ».

 

 

Avec Minoru Akuzawa Sensei, Masters Tour, Japon, Juillet 2024.

Il a ensuite acceptĂ© d’ĂȘtre pris en photo avec celles et ceux qui le souhaitaient. En voyant plus tard les photos oĂč nous sommes assis cĂŽte Ă  cĂŽte, lui et moi, j’ai Ă©tĂ© trĂšs Ă©tonnĂ© de dĂ©couvrir que Minoru Akuzawa Sensei avait posĂ© son bras autour de mon Ă©paule. Je n’avais absolument rien senti au moment de la photo. Au contraire de ce que j’avais ressenti au moment de la photo avec Royama Hatsuo Sensei avant que celui-ci ne me fasse la farce qui consiste Ă  me « claquer » l’abdomen.

Takahiro Yamamato Sensei, au Butokuden, Kyoto, Masters Tour, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Takahiro Yamamoto Sensei, Taisha ryu.

En dĂ©pit de ses airs de Johnny Depp, Takahiro Yamamoto Sensei n’est pas acteur de cinĂ©ma. C’est un homme rĂ©solument dĂ©vouĂ© Ă  sa pratique martiale. Et, si j’ai eu beaucoup de mal Ă  me faire Ă  ses enseignements, trĂšs proches par moments de ceux de Hino Akira Sensei,  pour moi Ă  la limite de l’ésotĂ©risme, j’ai Ă©tĂ© touchĂ© par son engagement, sa simplicitĂ©, sa prĂ©venance envers ses assistants et son message de paix rĂ©sumĂ© par sa phrase :

« There is no ennemy Â».

 

Takahiro Yamamoto Sensei avec ses assistants lors de la séance dirigée par Hino Akira Sensei, au Butokuden, Kyoto. Masters Tour, Juillet 2024. Tout au fond, assise, on peut apercevoir Shizuka Tamaki. Photo©Franck.Unimon

Son humilitĂ© mais aussi sa candeur et son enthousiasme se sont encore plus Ă©panouis lorsqu’aprĂšs son intervention, il est devenu un Ă©lĂšve parmi nous, lors du cours dirigĂ© par Hino Akira Sensei. J’ai trouvĂ© son attitude remarquable.

 

Yoshinori Kono Sensei, 75 ans, Shoseikan.

Yoshinori Kono Sensei, prÚs du Butokuden, Kyoto, Masters Tour, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

 

Je sais que l’intervention de Yoshinori Kono Sensei  au Butokuden a beaucoup dĂ©concertĂ©. On pourrait la comparer Ă  du Free Jazz, Ă  la musique de Weather Report, Ă  de l’association d’idĂ©es ou Ă  de l’improvisation ininterrompue.

Il est libre, Yoshinori Kono Sensei, il y en a mĂȘme qui disent qu’ils l’ont vu voler
.

Il fallait voir la plupart des participants qui suivaient Yoshinori Kono Sensei dans ses dĂ©ambulations tant mentales que physiques au sein du Butokuden. Tels des Sancho Panza suivant leur Don Quichotte. Par moments, je me suis demandĂ© si Yoshinori Kono Sensei s’en amusait.

Avant notre dĂ©part pour le Japon, LĂ©o Tamaki nous avait prĂ©sentĂ© les Maitres que nous allions rencontrer. Concernant Yoshinori Kono Sensei, il nous avait Ă©crit qu’il Ă©tait un peu le « chercheur fou Â» des Arts Martiaux.

Yoshinori Kono Sensei, prÚs du Butokuden, Masters Tour, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Le jour de son intervention, j’étais trop Ă©puisĂ© physiquement pour participer. Mais en temps ordinaire, je sais que  je ne m’en serais pas mieux sorti que les autres participantes et participants du Masters Tour.

Lors du dĂźner que nous avons ensuite pris tous ensemble dans un restaurant Ă  quelques minutes du Butokuden, il s’est trouvĂ© que la table oĂč j’ai Ă©tĂ© placĂ© Ă©tait voisine de celle de Yoshinori Kono Sensei. Celui-ci Ă©tait derriĂšre moi.

Yoshinori Kono Sensei, prÚs du Butokuden, Kyoto, Masters Tour, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

TrĂšs vite, j’ai Ă©tĂ© fascinĂ© et happĂ© par cet homme. VĂȘtu d’une tenue traditionnelle, Ă  moitiĂ© assis sur sa chaise, une sorte de cartable en cuir souple posĂ© derriĂšre lui entre la chaise et son dos, Yoshinori Kono Sensei Ă©tait en permanence occupĂ© Ă  rĂ©flĂ©chir et Ă   polir « ses Â»  Arts Martiaux.

A telle maniĂšre de tenir un couteau. A telle façon de placer ses doigts. Et, il le partageait avec celui qui se trouvait Ă  cĂŽtĂ© de lui. Et Ă  toute personne volontaire et disponible dans les alentours immĂ©diats. Il a ainsi entrepris Julien Coup, assis Ă  sa droite. Puis, d’autres participants du Masters Tour.

Je le regardais, captivé.

 

Yoshinori Kono Sensei nous a fait l’extrĂȘme politesse d’ĂȘtre avec nous corporellement pour ce dĂźner. Il s’est pliĂ© Ă  cette fonction sociale par amabilitĂ©. Mais il avait d’autres prioritĂ©s. Le dĂźner, le spectacle, ĂȘtre filmĂ© ou pris en photo, tout cela Ă©tait pour lui secondaire depuis fort longtemps. Sans doute depuis des annĂ©es.

Avec Yoshinori Kono Sensei, prÚs du Butokuden, Kyoto. Masters Tour, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

La seule vĂ©ritĂ© comptable pour lui, c’était celle des Arts Martiaux. Yoshinori Kono Sensei est celui qui m’a le plus donnĂ© envie d’apprendre le Japonais. Je me suis dit que j’aurais aimĂ© connaĂźtre suffisamment le Japonais pour l’écouter, pour l’interroger.

 

Et lorsque le dĂźner et tout le cĂ©rĂ©monial social furent terminĂ©s, Yoshinori Kono Sensei est spontanĂ©ment retournĂ© au lieu et Ă  la pratique auxquels il appartient :

 

Les Arts Martiaux.

Yoshinori Kono Sensei, aprÚs le dßner au restaurant, prÚs du Butokuden, Kyoto, Masters Tour, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Je trouve cette photo de lui, aprĂšs notre dĂźner, extraordinaire. Pendant cette heure et demi environ oĂč Yoshinori Kono Sensei Ă©tait « avec nous », il n’a attendu que ça, ce moment oĂč il pourrait retourner pratiquer. Seul. Tout le monde aurait tout aussi bien pu rouler sous la table, oĂč la soirĂ©e se transformer en orgie gigantesque, je crois qu’il aurait adoptĂ© exactement la mĂȘme attitude.

 

Autant de Maitres, autant d’attitudes et je « parle Â» uniquement de cinq ou six d’entre eux que j’ai Ă  peine aperçus.

 

Franck Unimon, ce jeudi 5 septembre 2024.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Japon Juillet 2024 : Le Retour

 

A Shinjuku, Tokyo, fin juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Japon Juillet 2024 : Le Retour

« BientĂŽt, ce qui s’est passĂ© trois semaines durant au Japon se diluera :

Les effets de l’ensorcĂšlement de ces petits abrutissements quotidiens rĂ©pĂ©tĂ©s.

 Ma compagne et ma fille dorment encore. C’est un moment fait pour commencer Ă  Ă©crire.

 J’ai passĂ© rĂ©cemment trois semaines au Japon. Mon prĂ©cĂ©dent voyage au Japon en 1999 avait Ă©tĂ© principalement touristique. Celui-ci, le second, 25 ans plus tard, a Ă©tĂ© opĂ©rĂ© lors du Masters Tour 2024 Â».

Ces lignes datent de ce 30 juillet 2024. Depuis, ma compagne et notre fille sont parties pour trois semaines Ă  la RĂ©union.

Certains des participants de ce Masters Tour de Juillet 2024 Ă©taient Ă©galement originaires de la RĂ©union. D’autres venaient de Suisse,  de Belgique, du Vietnam, et de diverses rĂ©gions de France ( Bretagne, Limousin, L’Est de la France, Champagne-Ardenne, Sud-Ouest, Ăźle de France….).

 

Bien-sĂ»r, depuis mon retour du Japon le 29 juillet, j’ai repris le «travail ».

Le temps de faire un certain tri dans les photos et les vidĂ©os que j’ai « faites » et de me mixer les neurones afin de dĂ©cider quelle photo choisir pour dĂ©buter et comment m’y prendre au mieux pour constituer ce premier article, onze jours supplĂ©mentaires sont passĂ©s. Nous sommes dĂ©sormais le samedi 10 aout 2024 et mon article n’est pas terminĂ©. Il faut relire, rectifier, rajouter des photos et des vidĂ©os. Se demander si tel passage est justifiĂ©. Si on a envie de le lire. Et, finalement, douter que cet article ait une raison d’exister, entre mĂ©galomanie et folie.

J’avais 31 ans et Ă©tais cĂ©libataire sans enfant lors de mon premier voyage au Japon en 1999. L’annĂ©e de la sortie du premier film Matrix que j’avais vu trois ou quatre fois dont une fois lors de ce voyage au Japon.

Je dois ce premier voyage Ă  une amie qui rĂ©sidait alors Ă  Tsukuba, dans la banlieue de Tokyo, Ă  une heure en train du centre de Tokyo. GrĂące Ă  elle et Ă  son frĂšre qui m’avait donnĂ© des conseils et m’avait appris ces quelques mots japonais qui m’ont Ă  nouveau servi en 2024, j’avais vĂ©cu ce voyage extraordinaire.

Et cette semaine oĂč je m’étais rendu seul Ă  Kyoto – en prenant le shinkansen- ainsi qu’à Hiroshima et sur l’üle de Miyajima.

A Hiroshima, juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Le numĂ©rique et internet, les rĂ©seaux sociaux, n’en n’étaient pas au stade oĂč ils en sont aujourd’hui pour le pire et le meilleur. Et, je n’avais pas de blog. En plus de divers souvenirs, j’ai conservĂ© les photos papier et peut-ĂȘtre leurs nĂ©gatifs de ce sĂ©jour.

 

Je confirme que pour moi, comme pour d’autres, il y eut un « avant » et un « aprĂšs » ce premier voyage au Japon. A mon retour du Japon, je dirais que j’avais gagnĂ© en luciditĂ© sur moi-mĂȘme. Et sur ce que je pouvais accepter ou refuser.  

Photo©Franck.Unimon il s’agit du Maccha-Ohagi. En Anglais, cela donne ( Powdered Green Tea & Rice Ball Coated With Sweetened Red Beans). Prix : 800 Yens. Un peu moins de cinq euros. Pourquoi se priver ? J’espĂšre, un jour, pouvoir goĂ»ter le Maccha-Zenzai ( Sweet Red Bean Porridge & Green Tea) servi uniquement en hiver pour 1050 yens.

Cependant, mĂȘme si je pratiquais encore le judo lors de ce premier voyage au Japon, j’y Ă©tais allĂ© en touriste. Et en idĂ©aliste du Japon, de l’Asie en gĂ©nĂ©ral ou des Arts Martiaux. C’est peut-ĂȘtre en raison de cette attitude de touriste que j’ai pris autant d’annĂ©es pour retourner au Japon alors que j’avais prĂ©vu d’y revenir.

Entre-temps, le Japon Ă©tait devenu un peu plus touristique.

Au cinĂ©ma, le film L’étĂ© de Kikujiro (1999), puis Dolls ( 2002) et Zatoichi ( 2003) avaient renouvelĂ© voire fĂ©minisĂ© le public de Takeshi Kitano dont le film Sonatine ( 1993) avait Ă©tĂ© pour moi une marque cinĂ©matographique et personnelle lorsque je l’avais vu vers 1997 Ă  Paris lors d’un festival consacrĂ© Ă  un certain cinĂ©ma asiatique en direct de Hong Kong. J’y avais alors vu des films de « genre » de rĂ©alisateurs tels que Johnnie To, Kirk Wong et  John Woo…

Kitano, de par ses « polars » faits de violence, d’humour noir et de poĂ©sie avait Ă©tĂ© le Japonais « infiltrĂ© » du groupe de rĂ©alisateurs prĂ©sentĂ©s.

Vraisemblablement à Kyoto. Photo©Franck.Unimon

La France était devenue un pays de lecteurs de mangas. La Japan Expo ( à laquelle je ne suis jamais allé) avait été crééé ( en 1999-2000) et avait rapidement connu beaucoup de succÚs.

Le succĂšs connu par le Japon s’étend peu Ă  peu, depuis Ă  peu prĂšs une dizaine d’annĂ©es, Ă  la CorĂ©e du Sud.

Japon, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

En 1999, le Japon Ă©tait peut-ĂȘtre encore la Seconde ou la TroisiĂšme Puissance Mondiale. Peu avant notre sĂ©jour , en juillet 2024, le Japon est devenu la QuatriĂšme Puissance Mondiale Ă©conomique, dĂ©passĂ© par l’Allemagne et devancĂ© par les Etats-Unis et la Chine. Le Yen avait perdu de la valeur et cela nous Ă©tait favorable. 1 euro valait environ 171 yens en juillet 2024 durant ce Masters Tour.

 

Photo©Franck.Unimon Japon, Juillet 2024.

Le voyageur que je suis

Je voyage souvent sans schéma. La plus grande partie de mon organisation consiste généralement à me décider pour une destination et à composer comme je peux le budget qui lui correspond.

D’emblĂ©e, dans un pays ou une rĂ©gion oĂč je voyage, je pense assez peu Ă  des endroits que je tiens particuliĂšrement Ă  « voir » ou Ă  « visiter ». Ou alors trĂšs grossiĂšrement. Ainsi, j’aimerais aller visiter l’AlgĂ©rie ou un pays d’Afrique noire. Mais l’AlgĂ©rie est un grand pays et l’Afrique noire est vaste.

C’est dĂ©jĂ  bien que je puisse me dire que, en AlgĂ©rie, j’aimerais bien voir « Alger la blanche Â», Tlemcen et d’autres villes. Car, ordinairement, j’en suis incapable.

A Harajuku, Tokyo, fin juillet 2024.

Il m’est arrivĂ© d’acheter des guides touristiques (sur le Japon ou ailleurs) ou d’en emprunter avant un voyage mais je ne les lis pas. Je le regrette car je me dis qu’ils sont trĂšs bien Ă©crits et qu’ils fournissent des informations culturelles trĂšs importantes et trĂšs divertissantes. Mais je ne parviens pas Ă  les ouvrir suffisamment.

Japon, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Je suis plus rĂ©ceptif Ă  des suggestions que l’on peut me faire. J’écoute aussi et je marche facilement et beaucoup.

Comme un fou. Sans nĂ©cessairement savoir oĂč je me rends.

En Yougoslavie, en 1989, alors que nous nous dĂ©placions Ă  pied et sans but, mon meilleur ami, qui me suivait, m’avait un moment dit :

« J’ai l’impression d’ĂȘtre avec un fou ! Â».

Pas de plan, pas de boussole. Je suis en fait un peu comme un enfant qui apprendrait Ă  marcher et qui dĂ©couvrirait son environnement. Et qui croit Ă  l’intemporalitĂ©.

Le Masters Tour crĂ©Ă© et proposĂ© par LĂ©o Tamaki, Ă  premiĂšre vue, c’était plutĂŽt l’opposĂ© de tout cela. Mais avant de prĂ©senter un peu LĂ©o Tamaki, je crois important de rappeler comment j’en suis arrivĂ© Ă  le « connaĂźtre Â».

A Hiroshima, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Une atmosphÚre de pandémie

J’ai eu tendance Ă  raconter que j’avais dĂ©couvert LĂ©o Tamaki la premiĂšre fois en regardant sa rencontre avec Greg MMA sur Youtube.

Mais Ă  la rĂ©flexion, tout est parti, je crois, de la pandĂ©mie du Covid et de son atmosphĂšre exceptionnellement anxiogĂšne il y a quatre ans. En plein confinement. Aujourd’hui, nous sommes en plein dans l’ambiance estivale et festive des Jeux Olympiques en France. Et la France a remportĂ© un certain nombre de mĂ©dailles. Officiellement, tout le monde est content. C’est une ambiance dĂ©tendue ou trĂšs dĂ©tendue qui contraste avec celle des Ă©lections lĂ©gislatives anticipĂ©es qui se sont terminĂ©es la veille de notre dĂ©part le 8 juillet pour ce Masters Tour au Japon ainsi qu’avec celle connue dĂšs le premier confinement lors de la pandĂ©mie du Covid en mars 2020. MĂȘme si elle camoufle bien des aspects prĂ©occupants de l’actualitĂ©, je prĂ©fĂšre Ă©videmment l’ambiance de ces olympiades sportives Ă  nos olympiades sanitaires durant la pandĂ©mie du Covid.

Durant la pandémie du Covid, à la télé, et sur les réseaux sociaux, au moins, nous nous faisions quotidiennement matraquer par les informations et les chiffres relatifs au Covid.

Tant de personnes hospitalisées aprÚs avoir attrapé le Covid, tant de personnes décédées.

C’étaient en permanence des auberges de Babel qui s’accordaient suffisamment afin de nous hĂ©berger dans une atmosphĂšre de fin du Monde au travers de cet acharnement mĂ©diatique. Nous vivions sans la perspective annoncĂ©e de pouvoir reprendre un jour pied dans un horizon sanitaire et mental normal.

Photo prise lors du Survival Expo en juin 2023, au parc floral de Vincennes. Photo©Franck.Unimon

Alors infirmier dans un service de pĂ©dopsychiatrie, j’avais fait partie des professionnels et des personnes qui avaient continuĂ© de circuler, d’avoir donc le droit de prendre l’air lors de certains horaires et dans un certain pĂ©rimĂštre. Et d’exercer.

Si le Covid m’avait physiquement Ă©pargnĂ©, j’étais nĂ©anmoins plus ou moins atteint psychologiquement et moralement, comme beaucoup, par cette angoisse collective, morbide. Et persistante.

Je n’ai pas de tĂ©lĂ©. Mais j’aime lire. Et prĂšs de mon service d’alors, dans le 13Ăšme arrondissement, mĂ©tro Gobelins, il y avait une centrale de presse demeurĂ©e ouverte.

Une oasis.

 Je m’étais dit que lire et pouvoir choisir de lire Ă©tait plus bĂ©nĂ©fique que subir en continu les mĂȘmes images.

Dans cette centrale de presse, j’avais commencĂ© Ă  regarder (et Ă  acheter) des magazines consacrĂ©s aux Arts Martiaux. Sans doute AĂŻkido et Self & Dragon pour commencer.

Cette anecdote a son importance pour rappeler que les Arts Martiaux proposent des issues  mentales, psychologiques,  Ă©motionnelles, intellectuelles et culturelles. Et qu’ils peuvent ĂȘtre des alliĂ©s dans une pĂ©riode de trouble Ă  condition qu’ils permettent ou entretiennent une certaine capacitĂ© d’introspection, d’empathie et de rĂ©flexion. Ainsi qu’un certain optimisme.

En Psychiatrie adulte, je me rappelle encore d’un patient rencontrĂ© dans le service oĂč je travaillais alors, dans les annĂ©es 90. Ce patient, ancien champion de France de Taekwondo, avait une certaine capacitĂ© Ă  reprendre le contrĂŽle de lui-mĂȘme lorsqu’il sentait qu’il commençait Ă  s’agiter psychiquement. Et, il n’avait jamais fait partie de ces patients violents, irrespectueux, dangereux ou menaçants- malgrĂ© le dĂ©clin de son destin Ă  son jeune Ăąge ( moins de 30 ans)- que, de temps Ă  autre, certains Ă©vĂ©nements douloureux et tragiques poussent certains Ă  associer Ă  la psychiatrie.

Je sais aussi que, durant la pandĂ©mie du Covid, un Maitre de Kung Fu que j’avais rencontrĂ© Ă  Paris une ou deux fois auparavant a gardĂ© rĂ©guliĂšrement le contact avec ses Ă©lĂšves via Facebook.

Et, je sais aussi que durant la pandĂ©mie du Covid, dĂšs que cela avait Ă©tĂ© possible, un entraĂźneur de boxe française, dans ma ville de banlieue, Ă  Argenteuil, a proposĂ© rĂ©guliĂšrement des sĂ©ances d’entraĂźnement en plein air sur un terrain de basket disponible voire sur un parking.  Aux enfants comme aux adultes.

Ce sont des initiatives qui dĂ©montrent Ă  la fois l’engagement de ces personnes mais aussi que la combattivitĂ© consiste aussi Ă  savoir se maitriser comme Ă  continuer de proposer autre chose que du pessimisme.

Je crois que beaucoup de personnes mĂ©connaissent le fait que les Arts Martiaux mais aussi les sports de combat peuvent ĂȘtre des mĂ©dia d’optimisme voire d’une certaine libertĂ© individuelle.

Du cĂŽtĂ© d’Asakusa, juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

 Au point que, de plus en plus, maintenant, je me sens embarrassĂ© Ă  dire que je suis parti au Japon « avec Â» un expert en AĂŻkido ou que je pratique un peu le karatĂ©.

Parce-que je perçois plus rapidement le malentendu. 

Parce-que, pour beaucoup de personnes, les Arts Martiaux se rĂ©sument Ă  du spectacle et Ă  du combat. Cela revient Ă  faire le grand Ă©cart et/ou le moonwalk comme MichaĂ«l Jackson  ou Ă  possĂ©der des pouvoirs ou des « trucs Â» magiques et acrobatiques devant un public Ă©baubi. Ou Ă  faire de l’EPS comme au collĂšge lorsque certaines et certains dĂ©ployaient tout leur gĂ©nie afin d’en ĂȘtre dispensĂ©s.

Enfin, certaines personnes, pour des raisons, des croyances et des interdits qui leur sont propres, rĂ©pugnent Ă  passer par leur corps pour apprendre Ă  s’extraire de leur condition. Cela demanderait trop d’efforts. Cela ferait mal ou l’on pourrait se faire mal. Et puis, cela stimule les glandes sudoripares et ça fait transpirer.

Pour ces personnes, les Arts Martiaux mais aussi les sports de combat doivent rester Ă  distance Ă  l’état de vitrine ou d’éclats ultimes sur un Ă©cran. Comme si les Arts Martiaux mais aussi les sports de combat, ou n’importe quelle activitĂ© physique et sportive, pour ces personnes, Ă©taient le danger ou un dĂ©chet radioactif mortel implacable et irrĂ©versible qui pouvait les dĂ©figurer ou les anĂ©antir.

A l’inverse, d’autres se saisissent des Arts Martiaux et sports de combat comme d’un Ă©lixir censĂ© leur procurer tout ce qui a pu leur manquer Ă  un moment de leur vie. C’est leur Durandal ou leur Excalibur.

Japon, Juillet 2024. Vers l’aĂ©roport Narita pour notre retour en France. Photo©Franck.Unimon

La Pandémie du Covid a été un terrible révélateur.

Elle a d’abord eu pour effet de beaucoup nous contraindre physiquement, affectivement et mentalement (mais aussi Ă©conomiquement) que l’on soit porteur ou non du virus. Mais aussi de nous rĂ©vĂ©ler Ă  quel point il Ă©tait facile de nous Ă©carteler (diviser) et de nous affoler.

A Harajuku, fin juillet 2024, Oeuvres de l’artiste Hyakkimaru  » maitre incontestable du Kiri-Ă© au Japon, l’art du papier dĂ©coupé » ( blog Sakura Bento). Photo©Franck.Unimon

Et, ces magazines consacrĂ©s aux Arts Martiaux que j’ai trouvĂ©s ont fait partie de ma petite panoplie de self dĂ©fense mentale afin d’essayer de continuer Ă  vivre au mieux. 

Je crois que c’est de cette façon et dans ce contexte que j’ai entendu parler pour la premiĂšre fois de LĂ©o Tamaki. Et, je crois que ce contexte et ces raisons m’ont guidĂ© vers lui et d’autres avant lui mais aussi aprĂšs lui.

LĂ©o l’a peut-ĂȘtre oubliĂ© aujourd’hui mais un ou deux ans aprĂšs le dĂ©but de la pandĂ©mie du Covid, un jour, je lui avais exprimĂ© mes doutes quant au fait que celle-ci allait s’arrĂȘter et qu’il serait possible de pratiquer Ă  nouveau. C’était peut-ĂȘtre avant mon passage au Dojo 5 en Ă©tĂ© 2021 ( Dojo 5).  

Trùs simplement, il m’avait alors fait part de sa certitude et de son optimisme. Je n’avais pas eu besoin de plus.

Masters Tour et LĂ©o Tamaki

A notre arrivée à la gare de Kyoto, juillet 2024. La silhouette représente bien sûr Léo Tamaki. Photo©Franck.Unimon

Le Masters Tour est un événement martial, touristique, culturel et personnel proposé depuis plusieurs années par Léo Tamaki, son frÚre Issei et celles et ceux qui les entourent et qui partagent avec eux un certain nombre de moments et de valeurs depuis des années (prÚs de vingt années ou davantage). Parmi eux, on peut citer Tanguy Le Vourch et Julien Coup.

Il faut aussi citer Shizuka, la femme de Léo, trÚs impliquée.

Et d’autres.

LĂ©o Tamaki -qui est Ă  l’initiative du projet et qui est en le chef d’orchestre- est un expert en AĂŻkido. Son CV martial est Ă©loquent. Sa pratique martiale l’est tout autant. Quelques quarante annĂ©es d’expĂ©riences ou davantage.

Bien avant l’AĂŻkido qu’il pratique et enseigne depuis plusieurs annĂ©es maintenant, comme beaucoup de Maitres, LĂ©o Tamaki s’était auparavant « configurĂ© Â» dans d’autres disciplines martiales ou de combat. Je ne les ai pas toutes retenues. Mais je crois qu’il y a eu du judo, de la boxe thaĂŻ, du karaté 

LĂ©o a du charisme et une autoritĂ© que peu de personnes, parmi celles et ceux qui ont pu l’approcher et le voir enseigner ou pratiquer, pourront contester.

On pourra juger que je fais ici dans la flatterie en vue de pouvoir gratter une rĂ©duction sur les tarifs du prochain Masters Tour ou en vue d’obtenir un abonnement gratuit Ă  vie Ă  la revue Yashima.

Pourtant, chaque fois que l’on parle d’un Maitre, d’un expert, d’un prof, d’un collĂšgue, d’une histoire d’Amour ou d’une personne qui nous a laissĂ© une impulsion salvatrice ou libĂ©ratrice, celle-ci a toujours eue, de notre point de vue, un charisme, une connaissance et un savoir-faire qui Ă©taient absents chez d’autres.  

Et cela y compris sous d’autres latitudes que celles de la pratique martiale.

Himeji, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Je peux donc trĂšs facilement citer d’autres personnes qui, pour moi, ont ou ont eu un certain charisme bien qu’inconnus au plus grand nombre :

Stephan, Le prof de plongĂ©e qui, en Guadeloupe, m’avait fait passer mon baptĂȘme puis mes deux premiers niveaux de plongĂ©e ; Yves, le responsable de la section apnĂ©e du club dont je fais partie;  Jean-Pierre Vignau, mon « prof de karatĂ© prĂ©fĂ©rĂ© » comme celui-ci aime le dire en plaisantant dans les messages tĂ©lĂ©phoniques qu’il a pu me laisser. Mais aussi certains collĂšgues dans mon travail Ă  mes dĂ©buts ( ou Ă  leurs dĂ©buts) et plus tard, en psychiatrie, et en pĂ©dopsychiatrie, dans les services oĂč j’ai travaillĂ©, lors de certaines situations. Des infirmiers psychiatriques, Bertrand, Bernard, Patrice, Daniel, Hugues, un interne en psychiatrie, MichaĂ«l, une infirmiĂšre, Katia, le premier pĂ©dopsychiatre avec lequel j’ai travaillĂ©, le Dr Bruno Rist


Du cĂŽtĂ© artistique et musical, je pourrais citer beaucoup d’artistes, de Miles Davis, Ă  Cheikha Rimitti, en passant par Jacob Desvarieux. Albert Griffiths, Burning Spear jusqu’à Lana Del Rey bientĂŽt au festival Rock en Seine


Au mieux, l’émulation voire la compĂ©tition qui dĂ©coulent de notre attirance pour le charisme d’une personnalitĂ© nous inspirent et amĂšnent des grandes Ɠuvres et des beaux projets. 

Au pire, on se contente de singer le modĂšle, de quiproquos, de rapports de domination ou d’une admiration trop grande qui inhibe ou rend stupide.  

A cĂŽtĂ© de ce charisme et de cette autoritĂ©, LĂ©o  a quelques particularitĂ©s.

Japon, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Il est par exemple trĂšs Ă  l’aise avec les rĂ©seaux sociaux. Il tient un blog, poste rĂ©guliĂšrement des vidĂ©os ou des informations sur sa page Facebook. Il est plutĂŽt Ă  l’aise avec les interactions sociales ainsi qu’en interview : il ne passe pas son temps Ă  regarder ses pieds ou Ă  tchiper lorsqu’on lui adresse la parole.

En bon manager, il sait aussi trĂšs bien choisir ses associĂ©es, associĂ©s et partenaires directs. Et, rĂ©guliĂšrement, il crĂ©e et propose des Ă©vĂ©nements au grand public qui sont des projets stimulants sans aucun doute pour « ses Â» troupes mais aussi trĂšs exigeants en implication personnelle et en travail d’organisation
 et d’improvisation.

Pour ma part, je ne sais pas faire « tout » ça ou je ne le souhaite pas. 

Megumi, une de nos guides, avant de monter dans le Shinkansen, quelque part au Japon, juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Ce Masters Tour au Japon, comme les prĂ©cĂ©dents et comme ces stages d’AĂŻkido KishinTaĂŻkaĂŻ proposĂ©s par LĂ©o et par les enseignants de son Ă©cole, est ouvert aux pratiquants d’autres disciplines, qu’ils soient experts ou dĂ©butants.

Il est d’autres Ă©vĂ©nements proposĂ©s ailleurs, par d’autres experts ou Maitres d’Arts Martiaux, mais ce sĂ©jour au Japon a fait partie des bonus pour moi.

J’ai oubliĂ© le prĂ©nom de celui qui m’avait « promené » le lendemain de notre arrivĂ©e au Japon. Mais il Ă©tait Ă©tudiant en Japonais et se destinait Ă  l’enseignement. En temps ordinaire, je ne l’aurais pas sollicitĂ© pour dĂ©couvrir le coin. D’autant que si, sportivement, son travail peut ĂȘtre un trĂšs bon entraĂźnement en tant qu’athlĂšte, cela reste tout de mĂȘme trĂšs Ă©prouvant. Mais ce jour-lĂ , j’avais la nausĂ©e, j’Ă©tais fatiguĂ©, j’avais mal Ă  la tĂȘte et la tempĂ©rature dĂ©passait trente degrĂ©s comme durant le reste de notre sĂ©jour. Alors, j’ai rusĂ© afin de pouvoir visiter le « quartier » en essayant de rĂ©cupĂ©rer pendant nos prĂšs de deux heures de temps libre. Cela a Ă©tĂ© une bonne stratĂ©gie. Photo©Franck.Unimon

Motivations et conditions pour participer au Masters Tour : 

 Â« Surtout, ne regarde pas Ă  la dĂ©pense ! Â»

C’est ce que m’a recommandĂ© avant ce Masters Tour, cette mĂȘme amie qui, vingt cinq ans plus tĂŽt, m’avait encouragĂ© Ă  faire un prĂȘt avant mon premier voyage au Japon.

Lorsque j’ai revu cette amie Ă  Paris deux ou trois semaines avant mon dĂ©part, je me souviens avoir Ă©tĂ© Ă©tonnĂ© par son regard au moment de nous dire au revoir prĂšs de la gare de l’Est.

J’étais dans la mesure pratique de mon quotidien. J’allais retourner au Japon et je me focalisais sur des dĂ©marches Ă  faire dans tel ou tel domaine comme, par exemple, bien m’assurer de l’inscription administrative de ma fille au collĂšge ou, simplement, recevoir l’officialisation de son passage en sixiĂšme. Le regard de mon amie, lui, dardait de joie pour moi. Elle, elle Ă©tait dĂ©jĂ  dans l’avion pour moi.

Je suis venu en amateur Ă  ce Masters Tour. En amateur du Japon. En amateur des Arts martiaux. En Amateur de la vie.

En curieux.

Shinjuku, Tokyo, fin juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Sans trop d’attentes dĂ©mesurĂ©es, je crois.

Si je peux donner beaucoup de ma personne dans divers domaines, j’ai du mal Ă  me percevoir comme un passionnĂ© des Arts Martiaux ou de quoique ce soit. MĂȘme si cela peut me flatter- et m’étonner- que l’on me puisse me dĂ©crire de cette maniĂšre.

Budget pour le Japon

Les premiĂšres fois que j’ai vu les tarifs du Masters Tour, le prix de ce voyage m’est apparu exorbitant voire mĂ©galo :

5000 euros pour trois semaines.

C’était Ă  peu prĂšs il y a deux ans. Avant de participer pour la premiĂšre fois aux 24 heures du SamouraĂŻ au dojo d’Herblay en 2023, un Ă©vĂ©nement Ă©galement proposĂ© par LĂ©o et les enseignants et pratiquants de l’école d’AĂŻkido Kishin TaĂŻkaĂŻ. ( voir Les 24 heures du SamouraĂŻ 2024 ). 

Puis, je me suis rappelĂ© que le Japon est une destination chĂšre. Je vois le sĂ©jour au Japon comme un sĂ©jour rĂ©servĂ© Ă  des privilĂ©giĂ©s ne serait-ce que d’un point de vue Ă©conomique.

En 1999, j’avais d’abord payĂ© environ 7800 francs mon billet d’avion puis 1200 francs un pass hebdomadaire pour prendre le shinkansen. J’avais alors cru avoir fait le principal en termes d’effort financier.

Puis, quelques jours avant mon dĂ©part, j’avais lu qu’il fallait un budget compris entre 500 et 1000 francs par jour pour passer des vacances au Japon. J’allais y passer trente jours contre 21 lors de ce Masters Tour.

Japon, juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

En 1999, peu avant mon dĂ©part pour le Japon, je ne disposais pas de ces 500 Ă  1000 francs par jour.  

Sur les conseils d’une amie, j’avais alors demandĂ© et obtenu un prĂȘt revolving de 20 000 francs que j’avais ensuite remboursĂ© en deux ans.

Un prĂȘt que je n’ai jamais regrettĂ© d’avoir demandĂ© et obtenu. J’avais alors Ă©tĂ© trĂšs Ă  l’aise financiĂšrement durant mon sĂ©jour  d’un mois au Japon.

Les 30 000 francs de l’époque Ă©quivalent sans aucun doute Ă  peu prĂšs aux 5000 euros nĂ©cessaires cette annĂ©e afin de pouvoir participer Ă  ce Masters Tour et ĂȘtre logĂ©s. Et, en plus, lors de ce Masters Tour, nous allions rencontrer des Maitres d’Arts martiaux, pratiquer, visiter diffĂ©rents endroits auxquels spontanĂ©ment, je n’aurais pas pensĂ©, avec quelqu’un qui connaissait le pays bien mieux que moi et qui en parlait la langue.

Bien-sûr, il fallait prévoir aussi les frais annexes :

repas, restaurants, dĂ©penses diverses et personnelles ( vĂȘtements, Ă©lectronique, mantras, baleines, autres…).

Mon voyage de 1999 avait été extraordinaire. Celui de ce Masters Tour le serait vraisemblablement aussi.

J’ai Ă  nouveau fait le nĂ©cessaire afin d’ĂȘtre dĂ©tachĂ© le plus possible des Ă©ventuelles contraintes financiĂšres de l’expĂ©rience. En partant pour ce Masters Tour, j’avais prĂ©vu un budget dĂ©penses situĂ© entre 4000 et 5000 euros.

J’avais aussi payĂ© deux cartes e-sim ( Holafly et Provider. Ma prĂ©fĂ©rence va Ă  Holafly) avec un forfait illimitĂ© durant trente jours. J’avais aussi pris chez mon opĂ©rateur, Orange, un forfait pour une heure d’appels depuis le Japon.

Et, je m’Ă©tais achetĂ© auparavant deux smartphones reconditionnĂ©s, donc Ă  prix rĂ©duit, qui acceptaient la carte e-sim. Un smartphone pour la messagerie WhatsApp, internet, les rĂ©seaux sociaux, les Ă©ventuels appels, les photos et les vidĂ©os.

Et un autre smartphone, plus performant, pour les photos et les vidĂ©os. 

LĂ©o nous avait recommandĂ© de nous encombrer le moins possible pour faciliter nos dĂ©placements et, donc, d’opter pour une valise d’une certaine contenance. Ni trop grande, ni petite. Je n’en n’avais pas. J’Ă©tais donc parti en acheter une et elle m’a donnĂ© satisfaction durant le sĂ©jour. C’est dĂ©sormais ma compagne et ma fille qui en profitent Ă  la RĂ©union.

On peut me trouver trĂšs Ă  l’aise financiĂšrement. Alors, je rappelle mon Ăąge :

56 ans, cette annĂ©e. Cela fait plus de trente ans que je travaille et mon prĂ©cĂ©dent  voyage au Japon datait de 1999.  J’ai donc particuliĂšrement tenu Ă  refuser que l’aspect financier vienne me gĂącher ce voyage peu ordinaire. 

Le prix des billets pour certaines Ă©preuves olympiques ( j’ai entendu parler de 7000 euros pour une place de spectateur en finale d’athlĂ©tisme du 100 mĂštres aux JO de cette annĂ©e en France) m’a d’autant plus confortĂ© dans l’idĂ©e que mon argent Ă©tait « mieux Â» employĂ© en partant pour le Japon. MĂȘme si, plus tard, j’ai profitĂ© d’une opportunitĂ© pour racheter deux places afin d’emmener ma fille assister Ă  des Ă©preuves de Judo aux Jeux Olympiques.

Et, aujourd’hui, en voyant ce que nous avons  » connu » durant ces trois semaines, je considĂšre que notre argent a Ă©tĂ© trĂšs bien utilisĂ©. A mon avis, nous avons plus fait en trois semaines que d’autres vacanciers en un mois ou davantage :

Jusqu’Ă  trois Ă  quatre visites de temples, parcs ou de musĂ©es  ( ou plus) certains jours. Les entraĂźnements. Les Maitres. Nous avons pris le Shinkansen quatre ou cinq fois ( ou plus). Nous avons changĂ© d’hĂŽtel cinq ou six fois ( ou plus). Dans des hĂŽtels plutĂŽt haut de gamme, trĂšs Ă©loignĂ©s des standards du formule 1, et proches des gares.

Tokyo, Kyoto, Inosaki, Kurashiki, Hiroshima, Himeji, sont les villes oĂč nous avons sĂ©journĂ©. Et, j’en oublie peut-ĂȘtre une ou deux. 

Nous avons rĂ©guliĂšrement reçu des suggestions de lieux Ă  visiter lĂ  oĂč nous nous trouvions. 

Nous avons aussi eu deux repas au restaurant tous ensemble.

A notre arrivée au Japon, le 9 juillet 2024. Nous faisions partie du second groupe. Le premier était arrivé la veille. Ma valise est au premier plan. Orange. Photo©Franck.Unimon

Les 140 du Masters Tour :

Je n’ai rien d’original.

Sans doute que beaucoup d’autres sont venus Ă  ce Masters Tour en ayant Ă  peu prĂšs les mĂȘmes prĂ©occupations tant financiĂšres que personnelles.

Cette annĂ©e, nous Ă©tions un peu plus de 140 Ă  venir probablement pour des raisons identiques au dĂ©part ( 142 exactement). Et aussi pour avoir « suivi » LĂ©o Tamaki sur les rĂ©seaux sociaux ou pour l’avoir rencontrĂ© lors d’un stage d’AĂŻkido KishinTaĂŻkaĂŻ ou aux 24 heures du SamouraĂŻ.

Puisque LĂ©o Tamaki passe environ 200 jours par an Ă  animer des stages d’AĂŻkido un peu partout dans le monde. Et qu’il publie rĂ©guliĂšrement au moins sur Facebook.

142, c’était plus que les autres fois oĂč, au plus haut, il y avait eu jusqu’à 90 participants. Ce qui Ă©tait dĂ©jĂ  beaucoup comparativement Ă  la trentaine de participants prĂ©sents lors d’éditions prĂ©cĂ©dentes. J’ai eu connaissance de ce chiffre de 142 participants vraisemblablement quelques jours avant notre dĂ©part.

Certains participants sont restĂ©s deux semaines au Masters Tour. D’autres, trois. Certains participants Ă©taient dĂ©jĂ  venus au Japon lors d’un Masters Tour. Un des Ă©lĂšves de LĂ©o revenait pour la quatriĂšme ou cinquiĂšme fois au Japon dans ces circonstances. Je lui envie cette expĂ©rience.

De par ma participation aux 24 heures du SamouraĂŻ de 2023 et de 2024 au dojo d’Herblay, je connaissais de vue plusieurs participantes et participants. Le fait aussi de prendre des photos et de filmer lors de ces deux Ă©ditions des 24 heures du SamouraĂŻ m’avait permis de mĂ©moriser certains visages. Autrement, j’ai dĂ©couvert sur place tous les autres lors du sĂ©jour.

Ainsi que « mes » co-locataires.

Puisque j’ai partagĂ© ma chambre d’hĂŽtel avec un inconnu. D’abord L…, pratiquant de karatĂ© shotokan. Puis, G, pratiquant d’AĂŻkido aprĂšs que sa femme et leurs deux enfants soient retournĂ©s en France aprĂšs la deuxiĂšme semaine. 

J’ai aussi appris sur place que cette annĂ©e correspondait Ă  la dixiĂšme annĂ©e de la crĂ©ation de l’Ă©cole d’AĂŻkido Kishin TaĂŻkaĂŻ crĂ©Ă©Ă© par LĂ©o, Issei, Tanguy et Julien. 

J’avais bien sĂ»r imaginĂ© que nous serions nettement moins nombreux que 142. Mais ce chiffre ne m’a pas rebutĂ©.

Ce « succÚs » vient sûrement de la médiatisation de Léo via ses stages, les événements tels que Les 24 heures du Samouraï et sa présence sur les réseaux sociaux.

J’insiste sur ce point de la mĂ©diatisation et des rĂ©seaux sociaux car bien des experts et Maitres d’Arts Martiaux toujours en activitĂ© passent inaperçus ou sont oubliĂ©s en raison d’une certaine invisibilitĂ© mĂ©diatique, voulue ou subie, faisant d’eux peut-ĂȘtre ce que l’on appelle des Kage Shihan. Si je ne me trompe pas, ce terme qui signifie « Maitre de l’ombre Â» m’a trĂšs vite intriguĂ© lorsque je l’ai dĂ©couvert et me rappelle aujourd’hui, aussi, ces thĂ©s d’ombre qui peuvent ĂȘtre produits au Japon Ă©galement.

 

Si la mĂ©diatisation peut apporter son cortĂšge d’embarras et nĂ©cessiter un investissement personnel particulier, elle peut aussi, si elle est bien maitrisĂ©e et bien tolĂ©rĂ©e, avoir un certain nombre d’avantages pratiques. Mais nous ne sommes pas tous Ă  l’aise de la mĂȘme façon avec la mĂ©diatisation ou avec le fait d’ĂȘtre en interaction constante ou rĂ©pĂ©tĂ©e avec nos semblables.

DĂ©sillusions

 

Japon, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Ce sont des dĂ©sillusions que j’ai dĂ©jĂ  pu connaĂźtre ailleurs et que je pourrais Ă  nouveau vivre comme chaque fois que je me fais une certaine idĂ©e prĂ©conçue de ce que je veux trouver ou des personnes que je veux rencontrer. Et que j’anticipe trop le dĂ©roulement d’un Ă©vĂ©nement car je suis plus dans l’attente d’un signe, d’un geste, d’un Ă©vĂ©nement ou d’une ouverture que je souhaite.

J’ai sĂ»rement trop idĂ©alisĂ© les interactions sociales et humaines que j’attendais lors de ce Masters Tour 2024.

Je les voulais selon mes souhaits. 

Je m’imaginais que des pratiquants d’Arts martiaux auraient les mĂȘmes perceptions que moi.  Qu’ils seraient « ouverts Â» et plutĂŽt zen.

J’ai dĂ©chantĂ©. Et c’est normal.

Japon, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Je me croyais sans doute parti en colonie de vacances oĂč je me ferais beaucoup -et facilement- des nouveaux amis. Mais du temps est passĂ© depuis l’enfance et l’adolescence. Et, la vie, voire le combat, c’est assez souvent le contraire de ce que l’on prĂ©voit :

Les gens rĂ©agissent diffĂ©remment de ce Ă  quoi l’on s’attend.

Je me ferai peut-ĂȘtre des amis Ă  la suite de ce Masters Tour 2024 -ou mĂȘme des ennemis Ă  la suite de la lecture de ce passage dans cet article- mais cela prendra un peu plus de temps que prĂ©vu.

Japon, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Je me rappelle que les premiĂšres fois que j’avais rencontrĂ© mon meilleur ami au collĂšge, il m’était insupportable. Et, il avait fallu plusieurs annĂ©es pour que nous devenions amis.

Toutefois, il importe rapidement d’apporter de la nuance et des prĂ©cautions Ă  mes propos :

J’ai  bien sĂ»r connu des moments rĂ©pĂ©tĂ©s de dĂ©tente et de visites, improvisĂ©s et dĂ©cidĂ©s avec d’autres participants du Masters Tour 2024.

 

J’ai mĂȘme pris la libertĂ© certaines fois de rester dans mon coin.

Mais, visiblement, en d’autres circonstances, mes prioritĂ©s sociales diffĂ©raient de celles d’autres participantes et participants.

Japon, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Contrairement à la majorité des pratiquantes et des pratiquants du Masters Tour, En Aïkido, je ne connais pas grand-chose. En karaté shotokan, à peine beaucoup plus.

Mais, Ă  mon avis, le Masters Tour concerne autant le comportement sur le tatami et en tenue que seul, face Ă  soi-mĂȘme, et en dehors du tatami.

Et, dans certains compartiments de la vie sociale, lĂ , j’ai Ă©tĂ© trĂšs Ă©tonnĂ©.

Pendant ces trois semaines, j’ai pris soin, un certain nombre de fois, d’essayer d’aller vers les autres. De discuter avec eux. D’apprendre leurs prĂ©noms.

Japon, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Vers autant de personnes que je le pouvais. Je n’y suis pas toujours parvenu. Mais je sais avoir essayĂ©. Et je crois avoir retenu plus de prĂ©noms que de participants n’ont retenu le mien. J’ai aussi bien vu que d’autres participants Ă©taient assez isolĂ©s par intermittences en dehors du tatami.

Japon, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

ParallĂšlement Ă  cela, un certain nombre de participantes et de participants ne s’embarrassaient pas avec ce genre d’applications sociales superflues. Elles et Ils ont nĂ©anmoins peut-ĂȘtre essayĂ© au dĂ©but du Masters Tour d’aller vers les autres.

Ce sont peut-ĂȘtre aussi des rĂ©actions dues au fait de se retrouver soudainement dans un grand groupe avec des personnes (ou un voisin de chambre) que l’on n’a pas choisies. Et de se voir et de se revoir frĂ©quemment en grand nombre plusieurs jours durant. Alors que cela n’est pas dans nos habitudes.

Kyoto, Juillet 2024, lors du festival Matsuri Gion. Photo©Franck.Unimon

On reste entre soi. Avec des personnes que l’on connaĂźt dĂ©jĂ  (souvent depuis des annĂ©es) ou avec lesquelles on est (dĂ©jĂ ) venu Ă  des Masters Tour prĂ©cĂ©dents. On passe sans dire bonjour.  Celle ou celui que je ne connais pas ou qui n’est pas de ma discipline martiale ou de mon niveau n’existe pas. Ou trĂšs peu.

On se prĂ©cipite pour rester avec celles et ceux que l’on connaĂźt dĂ©jĂ  et avec lesquels on rigole devant les autres qui sont lĂ  mais qui n’existent pas. A l’hĂŽtel, on sort de l’ascenseur que l’on a pris avec un des participants du Masters Tour sans lui dire au revoir une fois arrivĂ© Ă  notre Ă©tage. Voire, on lui passe devant pour rentrer dans l’ascenseur alors qu’il attendait avant nous.

Il m’est arrivĂ© de penser que cela faisait partie des Ă©preuves informelles et implicites du Masters Tour. Qu’il s’agissait que le nouveau ou l’inconnu se fasse connaĂźtre et accepter ou endure l’épreuve de l’anonymat. AprĂšs tout, dans certaines traditions d’apprentissage, le petit nouveau ou la petite nouvelle n’a pas de visage, de nom ou mĂȘme de matiĂšre. Elle ou il est lĂ  pour apprendre, pour servir, pour se taire. Et, avec du travail et de la patience, petit Ă  petit, son statut Ă©voluera. Si elle ou il persĂ©vĂšre.

Japon, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

On Ă©tait bien entre guerriĂšres et guerriers ?! Donc, pourquoi se prĂ©occuper des autres et de ces facilitĂ©s- des hypocrisies ! – sociales qui nous font croire que tout nous arrive toujours tout cuit dans la bouche, sans se battre et sans persĂ©vĂ©rer et que tout le monde nous aime toujours ?

Himeji, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Cependant, ces attitudes d’évitement Ă©taient par moments tellement caricaturales – voire comiques- qu’elles relevaient davantage, de mon point de vue, d’une difficultĂ© Ă  entrer simplement en relation avec celle ou celui que l’on ne connait pas. Qui est peut-ĂȘtre un ennemi dĂ©guisĂ© sous les traits d’un participant ou d’une participante au Masters Tour…

Dire bonjour Ă  quelqu’un Ă©tait peut-ĂȘtre plus difficile Ă  prononcer pour certaines et certains que d’avaler du cyanure. Pareil pour le simple fait de dire au revoir. 

Il a pu arriver qu’à la fin d’une sĂ©ance d’entraĂźnements avec un Maitre, comme je prends beaucoup de photos, que certains se rappellent subitement de mon prĂ©nom et de mon existence afin de me demander si je les avais pris en photo. J’ai alors toujours donnĂ© la mĂȘme rĂ©ponse :

Non.

Japon, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Mais je suis sĂ»rement beaucoup trop photosensible. Et j’exagĂšre sans doute. Je me la pĂšte aussi trĂšs certainement beaucoup.

 

Il y a eu nĂ©anmoins des Ă©claircies, je le rĂ©pĂšte. Des pĂ©riodes oĂč j’ai connu des moments agrĂ©ables avec d’autres. Il y a aussi eu ces moments ou ces rencontres et discussions imprĂ©vues devant la laverie automatique.

Et, je le prĂ©cise : j’ai vu d’autres participants ĂȘtre par moments isolĂ©s, sans doute par choix, mais aussi, Ă  mon avis, parce qu’ils avaient commis l’erreur ou la faute de venir seuls au Masters Tour ou de ne pas faire partie d’un groupe, duo ou trio.

Kyoto, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Une certaine logique aurait aussi voulu que je rejoigne et que je me « colle » Ă  d’autres adeptes du karatĂ© shotokan parce-que je pratique un peu le karatĂ© shotokan. Sauf que mon identitĂ© et ma valeur, c’est d’abord mon prĂ©nom, mon nom de famille ainsi que mon histoire personnelle. Et non le fait de porter une ceinture de telle ou telle couleur dans une discipline donnĂ©e qu’elle soit martiale ou autre :

Je suis une personne avant d’ĂȘtre un pratiquant que ce soit de karatĂ© ou d’une autre pratique. Et, mĂȘme si la pratique martiale- ou une autre pratique- rĂ©vĂšle toute ou partie de la personne que l’on est, on dira que je mets ma personne- donc sans doute mon ego- avant le pratiquant que je suis ou peux ĂȘtre.

Et, pour moi, ça commence souvent par « Bonjour Â» voire, plus difficile, de connaĂźtre mon prĂ©nom. ça donne peut-ĂȘtre une idĂ©e de la trĂšs haute opinion que j’ai de moi-mĂȘme et aussi de mon ego surdimensionnĂ©.

Japon, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Mais, visiblement, d’autres participantes et participants ont eu le rĂ©flexe inverse.  Et, j’aurais eu plus « d’attraits Â» y compris d’un point de vue sociĂ©tal si j’avais eu tel niveau et tel parcours plus ou moins accompli et reconnu dans telle pratique martiale.  

Je crois que c’est une erreur de la part de ces pratiquantes et pratiquants d’avoir eu ce comportement quel que soit leur niveau avancĂ© dans leur pratique martiale qu’il s’agisse d’AĂŻkido ou de karatĂ©.

Japon, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Je rĂ©pĂšte aussi que j’ai dĂ©jĂ  assistĂ© peu ou prou Ă  ce type de comportement dans d’autres domaines :

Lorsqu’il m’est arrivĂ© de faire du journalisme cinĂ©ma en tant que bĂ©nĂ©vole, j’ai pu croiser des journalistes cinĂ©ma professionnels, certes rĂ©putĂ©s et rĂ©munĂ©rĂ©s, mais que j’ai perçus comme des handicapĂ©s de la relation sociale.  Je me rappelle de mon enthousiasme Ă  m’adresser pour la premiĂšre fois, lors d’une projection de presse, Ă  un journaliste cinĂ©ma de TĂ©lĂ©rama dont j’avais lu des critiques. Le ton sur lequel celui-ci m’avait rĂ©pondu ne disait rien de ses jours de fĂȘte. J’avais rencontrĂ© des personnes beaucoup plus joyeuses Ă  un enterrement.

J’ai aussi pu trouver excessif et ridicule de voir certaines attachĂ©es de presse mettre sur un piĂ©destal certains journalistes employĂ©s par des mĂ©dia renommĂ©s tel TĂ©lĂ©rama. Qu’est-ce qui m’avait fondamentalement sĂ©parĂ© de ces journalistes cinĂ©ma mis sur un piĂ©destal ?

Le fait que j’écrivais pour un mĂ©dia moins diffusĂ© en tant que bĂ©nĂ©vole. Il aurait suffi oĂč il suffirait que demain, j’écrive ou travaille pour un mĂ©dia reconnu et important et, lĂ , on me donnerait du « Monsieur » mĂȘme si mes articles sont Ă©crits par une banane en dĂ©composition.

Dans « mon » club de karatĂ©, il a pu arriver qu’un pratiquant nĂ©cessairement bien plus ancien que moi et plus gradĂ© se contente de m’appeler « Ceinture jaune ! ». J’ai alors expliquĂ© calmement que mon prĂ©nom Ă©tait trĂšs diffĂ©rent. Et, intĂ©rieurement, il m’est arrivĂ© de m’amuser en considĂ©rant que ces anciens (qui peuvent ĂȘtre nettement plus jeunes que moi) ont connu principalement un seul club de karatĂ© ou deux, situĂ© Ă  quelques minutes de leur domicile alors qu’il me faut une heure de transport, et que je n’ai jamais vu aucun d’eux aux 24 heures du SamouraĂŻ.

Dans un service de psychiatrie adulte oĂč il m’arrivait de faire des remplacements, une infirmiĂšre du service dont je connaissais le prĂ©nom m’avait interpellĂ© un jour, comme je revenais, de la maniĂšre suivante :

« PĂ©dopsy ? Â». Elle avait eu une soudaine rĂ©miniscence. Je lui avais confirmĂ© puis rĂ©pondu :

« Mais, tu sais, mon prĂ©nom, ce n’est pas pĂ©dopsy
 Â».

Ces exemples pour montrer que ce qui s’est passĂ© avec certaines participantes et certains participants du Masters Tour est assez courant ailleurs. Ces personnes ne sont pas forcĂ©ment des mauvaises personnes y compris celles qui se sont estimĂ©es supĂ©rieures en raison de leur niveau de pratique martiale nettement plus avancĂ© que le mien. Parmi elles, des rencontres humaines et des interactions sociales viables, prospĂšres et profondes sont possibles. Mais cela passe par diffĂ©rentes Ă©tapes proches de l’orpaillage. Il faut prendre le temps de se trouver et de se connaĂźtre. Et, Ă  la fin de ce Masters Tour, j’ai aussi remarquĂ© que certains, plus distants ou indiffĂ©rents en apparence Ă  premiĂšre vue m’avaient identifiĂ© et commençaient Ă  s’autoriser Ă  me parler un peu.

Himeji, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

J’avais simplement idĂ©alisĂ©- et cru- de maniĂšre enfantine qu’au travers des Arts Martiaux, il Ă©tait plus simple de rencontrer d’autres ĂȘtres humains.

Si les Arts Martiaux peuvent ĂȘtre des mĂ©dia, ils peuvent aussi servir de masques ou d’armures. C’est peut-ĂȘtre d’ailleurs l’un des messages du dernier film de Bruce Lee, de son vivant, OpĂ©ration Dragon.

Lors du Masters Tour, Ă  notre arrivĂ©e Ă  la gare de Kurashiki, nous avons eu la surprise de devoir porter nos bagages dans les escaliers pour nous rendre jusqu’à l’hĂŽtel situĂ© Ă  Ă  peine dix minutes Ă  pied.  Je n’en veux pas Ă  LĂ©o et Ă  Issei malgrĂ© la cadence imprimĂ©e au groupe afin d’arriver Ă  une certaine heure Ă  l’hĂŽtel. Par contre, embarrassĂ© par mes bagages, je ne pouvais pas aller aussi vite que le reste du groupe. Quelques minutes plus tĂŽt, en descendant les marches d’escaliers, quelques participants avaient failli ĂȘtre les tĂ©moins d’une superbe cascade que j’avais failli rĂ©aliser malgrĂ© moi avec ma valise. Je dois Ă  des rĂ©flexes et au fait d’avoir portĂ© mes Doc Martens d’avoir pu rĂ©tablir la situation. Autrement, je me serais quelque peu fait mal en tombant avec ma valise de vingt kilos. Ce petit incident m’a stupidement incitĂ© Ă  la prudence par la suite.

Or, l’état d’esprit « Sauve qui peut ! Â» et « Chacun pour soi ! Â» l’a emportĂ© chez beaucoup. Et, arrivĂ©s Ă  la gare de Kurashiki, seul comptait le fait de suivre le rythme pour arriver Ă  l’hĂŽtel.

Un seul participant du groupe a eu la prĂ©sence d’esprit de se retourner et de voir que j’étais Ă  la traĂźne. Et de m’attendre. ChargĂ© comme je l’étais, je ne pouvais pas faire plus et plus rapidement que je ne le faisais.

Sans ce participant, j’aurais trouvĂ© l’hĂŽtel puisqu’il n’était pas loin de la gare et que nous avions reçu les informations le concernant sur la messagerie whatsApp.

Par ailleurs, au Japon, on se sent en sécurité et, à aucun moment, je ne me serais senti sur un champ de bataille ou en pleine guerre de gangs.

Mais j’ai Ă©tĂ© trĂšs Ă©tonnĂ© par cette absence d’attention du groupe pour quelqu’un d’autre. Et cette façon de foncer tĂȘte la premiĂšre vers la destination qui Ă©tait l’hĂŽtel dans cette ville que nous dĂ©couvrions tous, pour la plupart. Et, je suis persuadĂ© que j’aurais eu cette attention pour quelqu’un d’autre Ă  l’image de celle qu’a pu avoir ce participant et pratiquant expĂ©rimentĂ© pour moi.

Une attention qui, mĂȘme si elle lui a semblĂ© tout Ă  fait normale, et qu’il a sans doute aujourd’hui oubliĂ©e, est pour moi devenue quasiment indĂ©lĂ©bile dans ma mĂ©moire.

J’exprime ici quelles ont pu ĂȘtre mes dĂ©sillusions, et mes incomprĂ©hensions, par moments, lors de ce Masters Tour.

Mais il Ă©tait sĂ»rement impossible pour quiconque d’échapper Ă  une quelconque dĂ©sillusion ou incomprĂ©hension, Ă  un moment ou Ă  un autre, lors de ce Masters Tour. Un Masters Tour dont la plus grande partie du tracĂ© Ă©tait dirigĂ©e.  Et oĂč il a Ă©tĂ© nĂ©cessaire, rĂ©guliĂšrement, de toutes façons, de s’adapter Ă  diverses Ă©chĂ©ances et circonstances. Au point, qu’il m’est arrivĂ© de me dire qu’en participant Ă  ce Masters Tour, on faisait partie intĂ©grante- jusqu’à un certain point- du systĂšme Tamaki.

Mais il y a le « systĂšme Â» Tamaki et la façon dont on reste soi-mĂȘme. Etre perçu Ă  ce point par moments comme un corps Ă©tranger, par certaines et certains, m’a dĂ©rangĂ©.

 

Corps Ă©tranger

J’estime avoir autant voire plus appris durant ce sĂ©jour de mes interactions avec les autres participants et de mes quelques dĂ©ambulations et observations au Japon que de mes pratiques sur les tatamis ou lors des sĂ©ances d’entraĂźnement :

Quand, lors de la deuxiĂšme semaine de ce Masters Tour, j’ai « oubliĂ© Â» mes armes dans le bus Ă  Kyoto, j’étais certes fatiguĂ© et distrait, mais j’avais aussi manquĂ© de prĂ©sence et ne faisais pas suffisamment corps avec elles :

MĂȘme fatiguĂ© et distrait, je n’aurais pas oubliĂ© ma fille dans un bus que ce soit Ă  Kyoto ou ailleurs. J’ai oubliĂ© ces armes dans le bus (finalement retrouvĂ©es grĂące au concours de Megumi et Maki, deux de nos guides japonaises) car elles Ă©taient alors pour moi des corps Ă©trangers.

AprĂšs avoir oubliĂ© ces armes, et en avoir Ă©tĂ© privĂ© durant deux jours, j’ai perçu leur importance et leur singularitĂ© lorsque j’ai compris qu’il Ă©tait difficile d’en retrouver des semblables vu qu’elles avaient Ă©tĂ© constituĂ©es dans ce bois rare et lĂ©ger dont LĂ©o nous avait parlĂ© avant notre dĂ©part.

Deux leçons fondamentales

Japon, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Les deux leçons martiales fondamentales (ou autres) que je retiens, pour l’instant, sont  d’abord ces deux commentaires que m’ont faits tour Ă  tour LĂ©o puis Issei en pleine sĂ©ance :

 

« Tu es trop bienveillant Â». « Tu rĂ©flĂ©chis ? Â» (synonyme de « Tu rĂ©flĂ©chis trop Â»).

Je trouve que cela me concerne beaucoup tant dans la vie que sur un tatami.

Pas tout le temps.

Mais suffisamment pour m’empĂȘcher d’évoluer certaines fois. Depuis plusieurs annĂ©es, j’ai plus (tenu) Ă  dĂ©velopper mon cĂŽtĂ© bienveillant qu’à dĂ©velopper mon cĂŽtĂ© tranchant. Mon cĂŽtĂ© tranchant me fait peur. Alors, je le retiens comme je le peux par un excĂšs de bienveillance.

Il arrive que de temps Ă  autre, on me dise :

 Â« C’est parce-que tu es infirmier en pĂ©dopsychiatrie et en psychiatrie..tu as la vocation etc
. Â».

De la mĂȘme maniĂšre que j’ai dĂ©menti ĂȘtre une personne passionnĂ©e, je vais ici dĂ©mentir le fait d’avoir une quelconque vocation pour le mĂ©tier d’infirmier comme le fait d’ĂȘtre « bienveillant » par effet de ruissĂšlement parce-que je suis infirmier en pĂ©dopsychiatrie et en psychiatrie.

Certains tortionnaires ont pu ĂȘtre et sont des mĂ©decins ou des soignants. Je pourrais trĂšs bien faire partie de ces tortionnaires. 

Pour simplifier, « L’ùre » nazie a donnĂ© de « bons » exemples de mĂ©decins tortionnaires. Et, malheureusement, je n’ai aucune difficultĂ© Ă  concevoir que lors du gĂ©nocide des Tutsi au Rwanda, en 1994, des soignants hutus aient participĂ© au massacre. DĂšs lors qu’une forme de folie meurtriĂšre devient « normale », « fĂ©conde » et « collective », toutes les catĂ©gories sociales et professionnelles peuvent se rĂ©vĂ©ler zĂ©lĂ©es et entreprenantes pour participer au « grand projet » qu’est un gĂ©nocide. C’est un vĂ©ritable film d’horreur mais pour de vrai.

Il ne suffit pas de porter une blouse blanche pour devenir bienveillant. On a une certaine bienveillance et attention en soi, de maniĂšre spontanĂ©e et stimulĂ©e, qui, ensuite, selon le domaine professionnel et Ă©conomique oĂč l’on exerce, et selon la conscience que l’on a de soi et des autres,  va et peut se dĂ©velopper ou non en fonction des conditions de travail qui sont les nĂŽtres que l’on accepte ou que l’on refuse.

J’aurais pu ĂȘtre tout autant quelqu’un de bienveillant et exercer en tant que journaliste ou avocat.

Une journaliste comme Laurence Lacour ( autrice de Le bĂ»cher des innocents)  un journaliste comme Ted Conover ( auteur de LĂ  oĂč la terre ne vaut rien)  ou Joseph Kessel lorsqu’il a Ă©critAvec les Alcooliques anonymes  ont Ă  mon avis une bienveillance supĂ©rieure Ă  bien des personnes.

La bienveillance part d’eux. Ensuite, ils sont parvenus Ă  la monnayer ou Ă  en faire un mĂ©tier mais aussi un moteur de leur carriĂšre.

Moi, j’en suis au stade oĂč je pense que ma bienveillance voire ma « sur Â» bienveillance est un moyen, aussi, pour moi, de distraire ma violence. Ou de l’utiliser Ă  des fins que j’estime plus utiles et rĂ©paratrices. C’est une façon de la maintenir Ă  distance. Par devoir et aussi par choix. Parce-que savoir ordonner sa propre violence au point de savoir l’utiliser afin d’en faire une Ɠuvre d’art ou une Ɠuvre socialement responsable et collective, c’est donnĂ© Ă  peu de personnes :

Le plus souvent, lorsque l’on est coutumier de l’usage de la violence, soit on dĂ©truit son entourage, ses relations et son environnement et/ou soit on se dĂ©truit soi-mĂȘme.

Picasso et Miles Davis Ă©taient des personnes violentes et destructrices. Mais malgrĂ© tout, ils ont pu crĂ©er et c’est ce que beaucoup prĂ©fĂšrent retenir et admirer. A mon sens, Amy Winehouse s’est autodĂ©truite quasiment en direct live et c’est la raison pour laquelle j’ai beaucoup de mal Ă  comprendre comment des gens ont pu avoir du plaisir Ă  assister Ă  certains de ses concerts. Et, j’ai du mal Ă  aimer sa musique pour les mĂȘmes raisons. Une musique que je trouve en plus excessivement rĂ©tro comme corsetĂ©e dans une Ă©poque qui ne pouvait pas la retenir.

Par extension, je ne crois donc pas que les soignants en blouse blanche soient des ĂȘtres totalement pacifiĂ©s et expurgĂ©s de tout conflit intĂ©rieur et intrapsychique. Leur blouse blanche leur sert de digue ou de barrage, comme le kimono ou le hakama pour d’autres, et la profession que servent ces blouses blanches a des codes, des interdits, dont on peut retrouver des Ă©quivalents dans la Loi ou dans une religion qui donnent un cadre, des repĂšres et des guides.

Le but de ce cadre, de ces repĂšres et de ces guides, c’est d’éviter que la sauvagerie ne prenne le dessus sur l’HumanitĂ© et de permettre Ă  cette derniĂšre de subsister, de s’exprimer et de se consolider le plus possible. 

Mais tout excĂšs, mĂȘme lorsqu’il s’agit de bienveillance, est Ă  attĂ©nuer.

C’est peut-ĂȘtre pour cela que, instinctivement, de plus en plus, je me rapproche des Arts Martiaux bien-sĂ»r mais aussi
.des armes blanches.

 

Acheter un iaitƍ :

Devant la boutique de Sakuraya, Tokyo, aprĂšs mon achat d’un iaitƍ. Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Je n’étais pas du tout venu au Japon avec l’intention d’acheter un iaitƍ.

Lorsque LĂ©o en parlait dans ses mails plusieurs mois avant ce Masters Tour 2024, je ne me sentais pas du tout concernĂ©. Je voyais cela comme une espĂšce d’excentricitĂ© coĂ»teuse et dĂ©corative.  Ou comme une recherche du spectaculaire. Je pensais aussi au katana posĂ© sur un mur pour faire joli ou pour intimer :

«Mon secret, c’est que  je suis un samouraĂŻ, une personne trĂšs redoutable, car j’ai un katana commandĂ© sur internet accrochĂ© au mur dans mon salon Â».

J’ai quelques fois la naĂŻvetĂ© de croire que les personnes les plus redoutables sont aussi celles qui savent se rendre parfaitement indĂ©tectables et se fondre dans la masse. On l’a trĂšs bien « vu Â»  (malheureusement) avec les terroristes islamistes ces derniĂšres annĂ©es.

 

Et puis, un des participants du Masters Tour a choisi un iaitƍ devant moi dans la boutique Sakuraya.

 

Curieux, je l’ai regardĂ© faire. Il a Ă©tĂ© conseillĂ© par Issei.

Ensuite, puisque j’étais lĂ , autant en profiter pour toucher. J’en ai sorti un ou deux de leur fourreau avec autant de prĂ©caution que mes mains mal habitĂ©es le pouvaient.

J’ai ressenti quelque chose. J’ai ressenti de la vie. Ce n’était pas un objet ni un geste inerte. C’était une action qui, le fait de sortir et de manier cette arme, de maniĂšre rĂ©pĂ©tĂ©e, apprise, maitrisĂ©e, pouvait faire grandir en moi un certain apaisement.

Je peux vraiment dire que c’est ce que j’ai ressenti plus que ce que j’ai vu ou l’envie de possĂ©der une « arme Â» qui m’a incitĂ© Ă  faire cette acquisition mais aussi Ă  m’embarrasser ensuite Ă  la porter d’hĂŽtel en hĂŽtel, de shinkansen en shinkansen jusqu’à l’aĂ©roport.

Alors que voyager lĂ©ger et le moins encombrĂ© possible facilitait beaucoup nos dĂ©placements avec nos bagages. 

Lorsque je suis reparti de la boutique Sakuraya, tout, dans l’attitude solennelle du vendeur expĂ©rimentĂ© m’indiquait que j’avais achetĂ© un objet important. Ou qu’il me confiait un objet important. 

Avec le vendeur de la boutique Sakuraya, aprĂšs l’acquisition de « mon » iaitƍ. Juillet 2024.

A mon retour en France, j’ai commencĂ© Ă  chercher des cours de iaido. Et, quotidiennement, je sors mon iaitƍ. Miles Davis disait qu’un musicien a besoin de toucher son instrument tous les jours. Je me dis que ce iaitƍ n’est pas un objet de dĂ©coration et doit (me) devenir un corps familier. Je fais sĂ»rement des erreurs grossiĂšres et ridicules lorsque je l’emploie en attendant de prendre des cours. Mais je le prĂ©serve de la poussiĂšre.

Quelques jours aprĂšs avoir achetĂ© « ce » iaitƍ, j’aurais aimĂ© m’ĂȘtre aussi fiĂ© Ă  ce que je ressentais en touchant un Jeans Ă  Kurashiki.  J’ y ai dĂ©laissĂ© un Jeans auquel je continue de penser depuis.  

Car j’ai voulu me raisonner.  Je porte trĂšs occasionnellement des  Jeans. Et je n’avais aucune intention d’acheter une paire de Jeans en venant au Japon. Or, j’en avais dĂ©jĂ  achetĂ© deux. 

 J’ai un moment envisagĂ© de faire le trajet Tokyo-Kurashiki pour aller le chercher. Ce qui aurait ramenĂ© ce Jeans quasiment au prix d’un diamant !

J’ai quand mĂȘme vĂ©cu beaucoup de bons moments lĂ -bas.  Alors, pourquoi, Ă  certains moments ai-je disparu du groupe ?

 

Mon deuxiĂšme voisin de chambre, G, Ă  Kurashiki, en train de m’attendre. Japon, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

La vie en groupe, premiĂšre semaine :

J’ai Ă©crit qu’un certain nombre de participantes et participants sont restĂ©s entre eux. J’ai nĂ©anmoins bĂ©nĂ©ficiĂ© aussi des avantages du groupe ou des petits groupes en diverses circonstances.

Durant la premiĂšre semaine, je me suis abreuvĂ© principalement aux groupes. Je suivais le groupe dans lequel je me trouvais. Que ce soit pour prendre le shinkansen, le train, le bus, les visites. Prendre un verre. 

 

C’était trĂšs agrĂ©able. Je faisais le touriste. Cela me permettait de socialiser. Cela Ă©tait trĂšs confortable et je n’avais pas beaucoup Ă  rĂ©flĂ©chir sur ce qui m’environnait. Tout ce que j’avais Ă  faire, c’était ĂȘtre Ă  l’heure et faire avec les autres ou comme tous les autres.

 

Au prĂ©alable, j’avais toutefois effectuĂ© le minimum. J’avais pensĂ© Ă  retirer des yens en espĂšces dĂšs le dĂ©but de mon sĂ©jour par 50 000 yens (environ 260 euros au cours actuel de 1 euro = 171 yens, un taux trĂšs avantageux pour l’euro). J’avais achetĂ© un tĂ©lĂ©phone portable reconditionnĂ© qui acceptait la carte e-sim et j’étais reliĂ© en permanence (et trĂšs facilement) aux divers groupes whatsApp du Masters Tour 2024.

 

Nos journĂ©es Ă©taient quotidiennement rythmĂ©es par l’engrais des informations qui venaient rĂ©guliĂšrement fertiliser nos messageries whatsApp.

 

 

La vie en groupe, deuxiÚme semaine : Ne Pas déranger

 

En dĂ©but de deuxiĂšme semaine, j’avais digĂ©rĂ© le dĂ©calage horaire et avais commencĂ© Ă  comprendre dans quel pays je me trouvais. Dont certaines de ses rĂšgles liĂ©es Ă  la ponctualitĂ© qui consiste Ă  ĂȘtre en avance de dix Ă  quinze bonnes minutes. Ainsi que le principe « Ne pas dĂ©ranger Â» rappelĂ© rĂ©guliĂšrement par LĂ©o et Issei.

Mais, surtout, j’ai alors fait une grande dĂ©couverte :

J’étais devenu un bovidĂ©.

Je me contentais de suivre et de boire Ă  grands traits quand on me le disait et lĂ  oĂč l’on me disait quand le faire. Moi, qui, en 1999, sans internet et la tĂ©lĂ©phonie mobile actuelle, avais pu circuler seul, une semaine durant au Japon, prendre le shinkansen, aller Ă  Kyoto, Hiroshima. Dans le Japon de 1999 qui Ă©tait bien moins touristique que celui  « retrouvĂ© Â» cette annĂ©e oĂč on a pu facilement entendre parler Français, Anglais ou AmĂ©ricain. Mais oĂč j’ai aussi pu croiser un Ukrainien qui y vit depuis une dizaine d’annĂ©es ainsi que des NigĂ©rians.

C’est probablement au dĂ©but de cette deuxiĂšme semaine que j’ai vraiment vu que certaines et certains prĂ©fĂ©raient rester entre eux pratiquant d’une certaine façon le « chacun pour soi Â».

 A cela s’est additionnĂ© un certain Ă©tat d’esprit « sauve qui peut Â». L’esprit « sauve qui peut Â», c’est cette tension ou cette anxiĂ©tĂ©, voire cette quasi-Ă©pouvante perçue dans le regard de certains au moment de prendre le shinkansen ou lorsqu’il s’agissait de se dĂ©placer avec nos bagages dans les correspondances des gares. La peur ou l’inquiĂ©tude de se perdre. De rester Ă  quai. Ou dans le shinkansen.

Sans le groupe.

Ces observations m’ont amenĂ© Ă  rĂ©flĂ©chir Ă  celui que j’Ă©tais et que j’avais oubliĂ© : j’aime ĂȘtre en relation avec les gens mais pas Ă  n’importe quelle condition. Et je n’aime pas me sentir enfermĂ© dans  un groupe. 

Japon, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

La vie en groupe, troisiĂšme semaine : «  On dirait qu’il fait tout le temps, la gueule ! Â».

 Lors de la premiĂšre semaine du Masters Tour environ, j’avais Ă©tĂ© surpris d’apprendre par un participant que certaines personnes avaient l’impression que je faisais « tout le temps, la gueule ! Â».

J’avais rĂ©pondu Ă  ce participant qu’en une semaine de Masters Tour, j’avais appris ça :

« Si les gens Ă©taient (plus) sereins, ils ne pratiqueraient pas des Arts Martiaux Â».

Une remarque que j’avais Ă©tendue aussi aux pratiquantes et pratiquants d’apnĂ©e.

J’avais ensuite ajoutĂ© que ces personnes qui s’étaient formalisĂ©es Ă  mon sujet Ă©taient trĂšs peu venues me parler.

Mais, rĂ©trospectivement, ces personnes avaient peut-ĂȘtre un peu raison en ce sens que je ne me suis pas forcĂ© Ă  sourire. Et qu’il est d’autres moments oĂč j’ai pu rester trĂšs sĂ©rieux ou concentrĂ©.

D’un autre cĂŽtĂ©, je comprends que des participants et des participantes soient venus en couple, en famille, entre potes ou partenaires du mĂȘme club ou aient optĂ© pour se rĂ©unir en personnes de la mĂȘme discipline. Ce voyage sera pour eux mĂ©morable et leur a sans aucun doute- je le crois et je l’espĂšre- rĂ©servĂ© des moments trĂšs privilĂ©giĂ©s.

Pour ma part, mĂȘme si, dans l’idĂ©al, j’aurais aimĂ© faire autrement, je continue de croire que j’ai pris la meilleure dĂ©cision en venant seul au Japon pour ce Masters Tour 2024. Au vu du rythme et du nombre de nos visites, de nos marches, de nos changements d’hĂŽtel, de la chaleur humide (plus de trente degrĂ©s tous les jours en moyenne), de la variabilitĂ© de nos horaires selon les circonstances, de la nĂ©cessitĂ© de s’adapter, de suivre les messages sur les boucles WhatsApp, des entraĂźnements, je trouve qu’il est difficile de pouvoir s’y ajuster au mieux tout en conservant, par ailleurs, une vie de famille ou de couple harmonieuse, douillette et paisible.

On pourra me dire qu’une vie de couple et de famille est rarement harmonieuse, douillette et paisible et que le Masters Tour peut aussi permettre d’apprendre à se concentrer sur l’essentiel.

Je rĂ©pondrais qu’il m’a manquĂ© le courage, l’optimisme, la force, la folie mais aussi la gĂ©nĂ©rositĂ© pour venir avec ma compagne et ma fille Ă  ce Masters Tour 2024.

Je me souviens aussi m’ĂȘtre senti devenir assez irritable ou susceptible en dĂ©but de troisiĂšme semaine. Et de moins bien supporter d’éventuelles contraintes relatives au groupe. Qu’il s’agisse de faire en groupe ou de « tĂ©ter Â» l’anxiĂ©tĂ© ou la fĂ©brilitĂ© de quelqu’un dans le groupe.

Donc, tout ce qui, en troisiĂšme semaine, m’a semblĂ© facultatif concernant le groupe est assez facilement passĂ© davantage au second plan. J’en aussi eu assez d’ĂȘtre celui qui va vers les autres participantes et participants du Masters Tour.

Je suis sĂ»rement devenu nettement plus solo, plus Ă©gocentrique, donc peut-ĂȘtre encore plus bizarre et plus incomprĂ©hensible pour quelques unes ou quelques uns lors de cette troisiĂšme et derniĂšre semaine. 

ParallĂšlement Ă  cela, je me suis davantage ouvert au pays, Ă  mon rythme ainsi qu’à mes inspirations pour continuer Ă  le dĂ©couvrir.

J’ai un temps voulu aller Ă  Yokohama. Mais durant les deux derniers jours de notre pĂ©riple, je me suis avisĂ© que j’avais Ă  peine vu Shinjuku. Et en me rendant Ă  Harajuku (oĂč j’étais aussi passĂ© en principe en 1999), je me suis aperçu que j’avais tout Ă  dĂ©couvrir.

Du Japon que j’avais aperçu en 1999, exceptĂ© Hiroshima et l’Ăźle de Miyajima, je n’ai rien reconnu. 

Cette premiĂšre partie s’arrĂȘte lĂ . La seconde partie parlera des Maitres que nous avons rencontrĂ©s. Des impressions qu’il me reste ou que je me suis fait d’eux.

Il me semble que cette premiĂšre partie est la plus difficile Ă  lire et Ă  avaler. Mais je crois que sans cette premiĂšre partie, mon « rĂ©cit Â» aurait Ă©tĂ© incomplet et artificiel.

Franck Unimon, dimanche 11 aout 2024.

 

 

 

 

 

 

 

 

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Balistique des élections législatives 2024

Le journal Les Échos du 3 juillet 2024 et le journal Charlie Hebdo du 3 juillet 2024 Ă©galement.

Balistique des élections législatives 2024

Avoir un blog qui s’appelle balistique du quotidien m’oblige un « peu Â» Ă  parler de ces Ă©lections lĂ©gislatives quelques heures avant leur second tour dĂ©cisif.

Cela fait plusieurs jours que je pense à écrire un article. Et, il me reste désormais peu de temps avant mon départ pour mon second séjour au Japon.

En 1999, annĂ©e de mon premier sĂ©jour au Japon, j’étais parti un an aprĂšs la victoire de l’équipe française « Black, Blanc, Beur » de Jaquet, Zidane, Blanc, Deschamps, Thuram, Desailly et d’autres  Ă  la coupe du Monde de Football. Cette annĂ©e, je partirai aprĂšs le rĂ©sultat de ces Ă©lections lĂ©gislatives oĂč le RN, beaucoup plus hĂ©ritier des pointes du FN que de celles de l’équipe de France de  de 1998, joue un autre genre de football.

Dans le journal Le Canard Enchainé du 26 juin 2024.

Dans une histoire de Hugo Pratt que j’ai relue rĂ©cemment, un IndigĂšne, alliĂ© du hĂ©ros Corto Maltese, reçoit trois balles. Lorsque Corto Maltese lui demande :

« Tu ne vas pas mourir, quand mĂȘme ? Â», celui-ci lui rĂ©pond « Peut-ĂȘtre bien que oui, peut-ĂȘtre bien que non Â». L’homme, car il s’agit bien d’un homme, s’en sort finalement. Car, par sa propre volontĂ©, l’IndigĂšne – qui est un puissant sorcier- a pu arrĂȘter son hĂ©morragie interne. Le mĂ©decin qui l’opĂšre ensuite, raconte cela plus tard, mĂ©dusĂ©, Ă  Corto Maltese. Lequel Ă©coute ça sans s’en Ă©tonner. Nous sommes ici dans les reflets d’une bande dessinĂ©e.

Je n’ai pas les pouvoirs anesthĂ©siants et puissants de ce sorcier dans cette nouvelle aventure de Corto Maltese afin d’arrĂȘter cette hĂ©morragie interne que peut ĂȘtre le RN.

Dans le journal Les Échos du jeudi 4 juillet 2024.

Pour moi, les Ă©lections lĂ©gislatives d’aujourd’hui s’apparentent aussi Ă  une sorte de toile d’araignĂ©e ne serait-ce que mentale. Et, je n’aimerais pas rester engluĂ© dans cette toile.

Dans le journal Les Échos du mercredi 26 juin 2024

Je n’ai pas Ă©tĂ© Ă©tonnĂ© par la rĂ©ussite du RN lors des Ă©lections europĂ©ennes le 9 juin dernier. J’avais Ă©tĂ© plus dĂ©concertĂ© il y a  une dizaine d’annĂ©es en apprenant que de plus en plus de soignants votaient pour le FN avant que celui-ci ne devienne le RN :

Parce qu’il y a environ 25 ans, un soignant ou une soignante qui votait FN, c’était plutĂŽt un spĂ©cimen. Je me souviens d’une collĂšgue infirmiĂšre rĂ©putĂ©e voter pour le FN qui travaillait dans le service de psychiatrie du dessus dans l’hĂŽpital de banlieue parisienne, dans le Val d’Oise, oĂč je travaillais alors :

Elle Ă©tait blonde aux yeux bleus et portait sur elle les codes vestimentaires de la catholique traditionnelle un peu ou assez bourgeoise. On Ă©tait dans le clichĂ©. Et dans le paradoxe. InfirmiĂšre, plutĂŽt attachĂ©e Ă  son travail auprĂšs des patients, et capable de partir en sĂ©jour thĂ©rapeutique avec des patients en compagnie d’un de ses collĂšgues infirmiers antillais.

En vitrine d’une librairie parisienne, ce vendredi 5 juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Cela fait maintenant un demi siĂšcle que la dynastie Le Pen poursuit son ascension vers les sommets politiques en voie d’extinction et, qui, comme l’Everest, sont devenus une destination touristique et rentable. En termes de Pouvoir et d’enrichissement Ă©conomique personnel.

En vitrine de la mĂȘme librairie parisienne, ce vendredi 5 juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Les Le Pen ont aussi pour eux l’endurance, la persistance, un besoin de revanche et de jouissance mĂ©diatique et se nourrissent de toutes les crises mais aussi de toutes les audaces.

 

En face, on a eu principalement des hommes politiques- et quelques femmes- qui se sont comportĂ©s comme des rentiers, d’autres qui ont ratĂ© le train ( Rocard, Jospin, JuppĂ©…), quelques uns qui se sont dĂ©sistĂ©s ( Delors),  et d’autres qui n’ont fait que passer :

J’avais dĂ©jĂ  oubliĂ© qu’Elizabeth Borne avait Ă©tĂ© la PremiĂšre Ministre prĂ©cĂ©dant Gabriel Attal pourtant nommĂ© seulement depuis six mois. J’ai du mal Ă  me rappeler de la Ministre socialiste du travail , Myriam El Khomri. Mais aussi de certains ministres du PrĂ©sident Nicolas Sarkozy.

Par contre, les Le Pen, on les « connait Â». Il leur manque juste une Ă©mission de tĂ©lĂ©-rĂ©alitĂ© pour boucler le Tour de France des mĂ©dia. Les Le Pen sont devenus familiers. Et ce qui devient familier inspire sympathie, accoutumance et confiance.  En plus, Marine Le Pen est une femme. La seule femme, en France, Ă  pouvoir rester au premier plan en politique sans faire partie du gouvernement prĂ©sidentiel. Tout le contraire du PrĂ©sident Macron devenu le pire VRP pour son propre parti aussi « justes Â» ses causes soient-elles lorsqu’elles le sont.

 

J’écris cela de façon humoristique mais je souriais peu il y a encore deux semaines. Et je sourirai sĂ»rement peu ce soir. Ou alors seulement parce-que je saurai que bientĂŽt, je partirai pour quelques semaines au Japon.

Parce-que, pour moi, quel que soit le résultat des élections législatives ce dimanche 7 juillet, le RN a gagné.

Car il a ensorcelĂ© une partie des esprits et des serpents. Ne serait-ce que provisoirement. Pour Ă©viter que Marine Le Pen ne soit Ă  ce point triomphante aujourd’hui, il aurait fallu la nommer Ministre il y a quelques annĂ©es ou mĂ©diatiser son refus. Marine Le Pen est aussi forte aujourd’hui car ses adversaires politiques de gauche et de droite ont Ă©tĂ© plus suffisants et intĂ©ressĂ©s avec elle. Il Ă©tait facile de se montrer trĂšs digne en sa prĂ©sence en s’opposant Ă  elle.

 

Une affaire de dignitĂ© :

 

L’homme politique Eric Ciotti, PrĂ©sident des RĂ©publicains, a Ă©tĂ© critiquĂ© et rejetĂ© par les membres de son parti pour avoir ouvertement donnĂ© sa prĂ©fĂ©rence Ă  Marine Le Pen aprĂšs le rĂ©sultat des Ă©lections europĂ©ennes du 9 juin. Mais le choix de ces mĂȘmes RĂ©publicains de s’abstenir de se dĂ©sister en faveur de la « Gauche » au second tour de ces Ă©lections lĂ©gislatives me confirme qu’il est d’autres femmes et hommes politiques, de droite mais aussi de gauche, qui seront prĂȘts Ă  aller faire la bise Ă  Marine Le Pen si celle-ci devenait PrĂ©sidente de la RĂ©publique ou ne serait-ce que PrĂ©sidentiable.

 

Je reste aussi trĂšs prudent devant les rĂ©serves exprimĂ©es par certains mĂ©dia Ă©conomiques ou autres envers les compĂ©tences du RN. Parce-que si le RN venait Ă  se montrer « compĂ©tent Â» Ă©conomiquement ou si des Ă©minences Ă©conomiques et politiques reconnues venaient Ă  accepter de faire partie d’un gouvernement RN, il nous serait trĂšs certainement expliquĂ© ultĂ©rieurement que c’est avant tout pour le bien de la France.

 

C’est ce qui nous est trĂšs bien rĂ©sumĂ© dans l’article Partir ou rĂ©sister, le dilemme des hauts fonctionnaires de Nicolas SĂšze dans le journal La Croix de ce jeudi 4 juillet 2024, page 4. Extraits:

« (
.) Certains prĂ©fets chargĂ©s de mission, pour qui nous n’y allons pas assez fort, attendent leur heure. Et beaucoup d’ambitieux voient dĂ©jĂ  l’opportunitĂ© de gravir rapidement des Ă©chelons Â».

Monter dans la hiĂ©rarchie sera d’autant plus facile que le RN aura besoin de cadres Â».

« (
.) Chez nous, personne ne pense qu’il se fera mettre Ă  la porte dĂ©but juillet Â» reconnait le fonctionnaire du ministĂšre de la justice pour qui un futur gouvernement RN devra aussi «  se confronter au rĂ©el Â» « Un certain nombre de leurs projets sont irrĂ©alistes et je crois possible de les faire Ă©voluer en les confrontant Ă  la rĂ©alitĂ©. Cela nĂ©cessitera de suivre de trĂšs prĂšs les discours politiques pour identifier les marges de manƓuvre, mais aussi fixer nos lignes rouges, conclut-il. Si celles-ci Ă©taient franchies, Ă©videmment je partirai. Mais je ne pense pas que ce sera le cas Ă  court terme Â».

 

Cette stratĂ©gie de l’évitement ou du dĂ©ni fait la force du RN. Croire ou penser qu’il sera possible de « faire Ă©voluer Â» un reprĂ©sentant du RN revient Ă  dire qu’il a Ă©tĂ© possible de « faire Ă©voluer Â» un Emmanuel Macron, lorsque celui-ci, devenu PrĂ©sident de la RĂ©publique, inflexible, a dĂ©cidĂ© de faire passer en force certaines dĂ©cisions telles que le recul du dĂ©part de l’ñge de la retraite. Si certains fonctionnaires prĂ©fĂšreront partir en cas de gouvernement du RN , ils seront selon moi une minoritĂ© :

A moins de se sentir menacĂ©s directement ou personnellement, ces fonctionnaires feront comme la plupart d’entre nous. Ils resteront Ă  leur poste, Ă©voquant un ensemble de raisons et d’obligations qui les empĂȘchent de partir tout en « condamnant Â» moralement le gouvernement du RN.

Ce qui nous enferme et nous rend aussi dĂ©pendants des alĂ©as d’un emploi, d’un gouvernement, d’un pays, d’une situation, d’un statut ou d’un rĂ©gime c’est peut-ĂȘtre aussi notre attachement forcenĂ© Ă  notre sĂ©dentaritĂ© et aux endroits que nous connaissons, Ă  ce que nous appelons notre enracinement ou notre identitĂ©. Ou, plus simplement, notre sĂ©curitĂ©.

Si nous Ă©tions plus nomades Ă  l’image de Corto Maltese ou de ces migrants regardĂ©s de travers, nous aurions sans doute plus de facilitĂ©s pour relativiser ce qui nous arrive mais aussi pour partir ou changer de vie afin de rester plus libres. Mais pour cela, il faut accepter de s’exiler.

Devant le tribunal de la Cité, à Paris, ce vendredi 5 juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Ou rester sur place et rĂ©sister. C’est ce que j’ai vu ce vendredi 5 juillet, sur les marches du tribunal de la CitĂ©, avec ces drapeaux du Syndicat des avocats de France. Deux personnes (une jeune femme noire et un homme se prĂ©sentant comme magistrat) qui ont assistĂ© Ă  cela m’ont expliquĂ© que cela Ă©tait relatif Ă  une remarque rĂ©cente sur les rĂ©seaux sociaux attribuĂ©e au  RN estimant qu’il y avait trop d’avocats en France. 

 

Ce n’est pas contre toi

 

Pour la premiĂšre fois, il y a quelques jours, aprĂšs le rĂ©sultat des Ă©lections europĂ©ennes et, surtout, aprĂšs celui du premier tour des Ă©lections lĂ©gislatives, il m’est arrivĂ© de me dire qu’il se trouvait parmi les personnes que je cĂŽtoie, collĂšgues, connaissances, « amis Â», voisins, des Ă©lectrices et des Ă©lecteurs du RN.

Lorsqu’aprĂšs les prĂ©cĂ©dentes Ă©lections, les scores du FN/RN augmentaient, je ne me disais pas comme certains que tous les Ă©lecteurs du FN/RN sont des racistes et des fascistes. Mais, dĂ©sormais, je me le dis un peu plus. Ou, je commence Ă  le croire un peu plus.

Je me dis en tout cas que je suis devenu ou redevenu une cible potentielle comme n’importe quelle minoritĂ© ostracisĂ©e ou pointĂ©e du doigt :

L’étranger sans papiers, le transgenre, l’homosexuel, la prostituĂ©e, le ou la toxicomane, la femme battue, l’alcoolique, le malade psychiatrique, le pervers, le jeune de banlieue, l’homme noir ou arabe, le Juif, le musulman, l’Asiatique
.

Certaines personnes qui ont votĂ© pour le RN auraient beau essayĂ© de m’expliquer « Ce n’est pas contre toi Â», il n’empĂȘche que, quelque part, quelqu’un, un jour, en France, soudainement, dĂ©cidera ou pourra dĂ©cider que ma tĂȘte est mise Ă  prix ou ne vaut rien simplement parce-que le RN/FN se sera davantage rapprochĂ© des sommets du Pouvoir.

Le RN est l’équivalent d’une Ă©quipe de Foot qui a ses ultras parmi ses supporters. Et, il y a de plus en plus d’Ultras parmi les supporters de l’équipe de Foot que reprĂ©sente le RN. Et, ce que recherchent ces Ultras, c’est une certaine dose d’adrĂ©naline. Quant au RN, il aime faire peur. Il a toujours aimĂ© faire peur. Le climat anxiogĂšne qu’il libĂšre fait partie de son oxygĂšne. Je comprends donc en grande partie les propos tenus dans un entretien par la cinĂ©aste Alice Diop en premiĂšre page du journal LibĂ©ration le mercredi 26 juin 2024 :

Alice Diop Face Au RN « Pour les gens comme moi, C’est la vie ou la mort Â».

Le journal Libération de ce mercredi 26 juin 2024.

La France, pays de la discordance

 

Et, ce qui n’arrange rien avec cette ambiance, c’est cette façon qu’ont certains d’agir comme si de rien n’était. De ne pas en parler. Lorsque j’ai revu rĂ©cemment en consultation le pneumologue qui me suit depuis mon embolie pulmonaire l’annĂ©e derniĂšre, c’était Ă©tonnant de le voir et de l’écouter me parler comme si rien n’avait changĂ© et comme si rien n’allait changer dans ce pays depuis le rĂ©sultat des Ă©lections europĂ©ennes puis ce premier tour des Ă©lections lĂ©gislatives.

Je suis trĂšs peu allĂ© sur les rĂ©seaux sociaux. J’imagine facilement que bien des amis et des personnes que je connais se sont Ă©panchĂ©s sur le sujet dans les rĂ©seaux sociaux. Mais dans la vraie vie, autour de moi, rien. Ou, en tout cas, pas devant moi. Je n’attendais pas que quelqu’un me dise :

« Franck, si , un jour, tu es poursuivi par des Ă©manations du Ku Klux Klan, sache que j’aurais toujours pour toi une place chez moi entre le palier et les toilettes ainsi qu’un emploi d’homme Ă  tout faire (je te paierai au black)
. ».

Mais ce silence est isolant. C’est un peu comme si, en tant qu’homme noir, en France, on Ă©tait plus ou moins parvenu Ă  se fondre dans la masse puis que les rĂ©sultats de ces votes vers le RN agissaient comme du dĂ©tachant et que l’on se retrouvait d’un seul coup clairsemĂ© ou tout nu en pleine lumiĂšre.

Enfant, j’ai assez tĂŽt appris que j’étais Noir. Ne serait-ce que de par mon Ă©ducation afin d’ĂȘtre prĂ©parĂ© un minimum au racisme anti noir. Mais en vivant Ă  mon Ă©poque en rĂ©gion parisienne et en Ă©tant employĂ© dans un milieu professionnel et dans des fonctions oĂč je ne dĂ©tone pas particuliĂšrement, j’ai pu plus ou moins l’oublier. Parce-que vivre en se rĂ©pĂ©tant matin et soir que l’on est un homme noir est un petit peu fatigant. Mais il va peut-ĂȘtre falloir que je rĂ©vise mes classiques.

 

Franck Unimon, ce dimanche 7 juillet 2024, à quelques heures du second tour des élections législatives.

 

 

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L’AnnĂ©e du Japon

Rue de Rivoli, Paris, 9 Juin 2024. Photo©Franck.Unimon

L’annĂ©e du Japon

Parler du Japon aujourd’hui depuis la rĂ©gion parisienne peut apparaĂźtre irresponsable et dĂ©placĂ©. Pourtant, nous sommes au mois de juin et cela fait plusieurs jours que je vois et revois que le Japon, lorsque l’Ă©tĂ© s’approche, redevient subitement une destination touristique attrayante. Ça et lĂ , le Japon apparait dans les vitrines.

 Je sais aussi qu’il existe un petit plus qu’un effet de mode avec le Japon et que depuis au moins une dizaine d’annĂ©es, la culture nipponne, voire sud corĂ©enne,  a ses spĂ©cialistes et ses amateurs au moins parmi les adolescents et les jeunes adultes.

Sur les Champs Elysées, Paris, 16 juin 2024, le matin. Photo©Franck.Unimon

 

Cependant, en France, il pleut et il fait gris. Certaines personnes diraient mĂȘme que, dĂ©sormais, en France, il fait presque brun.

Car l’AssemblĂ©e nationale, en France, a Ă©tĂ© dissoute par le PrĂ©sident Emmanuel Macron il y a quelques jours aprĂšs la victoire du RN aux Ă©lections europĂ©ennes. Un PrĂ©sident de la RĂ©publique rĂ©Ă©lu, aussi jeune qu’il est devenu impopulaire.

Paris, 16 juin 2024, le soir. Photo©Franck.Unimon

Cinquante pour cent d’électeurs se seraient abstenus d’aller voter lors de ces Ă©lections europĂ©ennes. Des Ă©lections lĂ©gislatives vont avoir lieu de maniĂšre anticipĂ©e le 30 juin et le 7 juillet. On ignore encore si, pour la premiĂšre fois, en France, le Rassemblement National (RN), parti d’extrĂȘme droite hĂ©ritier du Front National (FN) co-crĂ©Ă© il y a un demi-siĂšcle par le pionnier de la dynastie Le Pen va parvenir au Pouvoir Politique par la Grande Porte en obtenant le poste de Premier Ministre. Ou si, une fois de plus, le RN va se heurter Ă  la muraille de Chine faite de ce refus des Français revenus une nouvelle fois voter par dĂ©faut pour  un parti politique de Droite ou de Gauche perçu comme rĂ©publicain, antiraciste et dĂ©mocratique. 

A quelques jours du dĂ©but des Jeux Olympiques organisĂ©s en France, on pourrait se croire dans un Ă©pisode de Games of Throne avec les adeptes du RN dans le rĂŽle des revenants d’autant plus inquiĂ©tants qu’ils ressemblent Ă  ces mutants imperturbables vus dans bien des films et dont la volontĂ© de fer se concentre dans l’action de se multiplier mais aussi de se diversifier. Tandis que les plus irrĂ©ductibles des membres du RN, eux, verraient leurs opposants et leurs contraires comme autant de redoutables envahisseurs dont la principale source de volontĂ© serait de coloniser et d’anĂ©antir la grandeur de l’identitĂ© nationale française.

Je crois m’ĂȘtre fait servir par l’un d’entre eux il y a quelques heures.

Un Yakuza cachĂ©  ?

Dans ma ville, je passe quelques fois dans une boucherie dans laquelle l’atmosphĂšre et la clientĂšle dĂ©tonnent. J’y entre en Ă©tant assez fascinĂ© mais aussi parce-que je suis un client satisfait.

Dans cette boucherie, on se croirait dans la France des annĂ©es 70 et 80. On semble y rester confinĂ© entre soi mais on y achĂšte de la trĂšs bonne viande plus chĂšre qu’ailleurs dans la ville.

A tort ou Ă  raison, cet endroit m’évoque facilement les trĂšs bons films  Dupont Lajoie ou Seul contre tous. Cependant, il faut rester prudent et se mĂ©fier des apparences. MĂȘme si son propriĂ©taire et boucher, tout Ă  l’heure, m’a un peu troublĂ©.

Ou provoqué.

Nous Ă©tions seuls dans la boucherie lorsque je me suis laissĂ© aller Ă  la familiaritĂ© de lui demander oĂč il avait prĂ©vu de partir en vacances cet Ă©tĂ©. Peut-ĂȘtre parce-que ma tĂȘte lui Ă©tait suffisamment familiĂšre, il m’a rĂ©pondu spontanĂ©ment :

« En Dordogne Â».

La Dordogne est une jolie rĂ©gion et la France, un trĂšs beau pays Ă  visiter. Cela fait des annĂ©es que la France est un des pays les plus visitĂ©s dans le monde qu’il s’agisse de l’Hexagone ou de « ses » Ăźles si l’on excepte peut-ĂȘtre la Nouvelle CalĂ©donie depuis plusieurs semaines compte-tenu du climat de guerre civile et de rejet de la politique française qui y a Ă©clos abruptement.

Sur les Champs Elysées, Paris, 5 juin 2024. Photo©Franck.Unimon
Le Jardin des Tuileries, 15 juin 2024. Photo©Franck.Unimon

Sauf que le boucher, Maitre en sa boucherie depuis une bonne vingtaine d’annĂ©es, a eu besoin de rajouter :

«  Pour faire travailler les Français
. Â».

Je me suis contentĂ© de lui rĂ©pondre, le plus lĂ©gĂšrement possible :

« Si vous pouvez
. Â».

Fort heureusement, sa politesse ou son absence de curiositĂ© m’ont sauvĂ©. Je n’ai pas eu Ă  lui annoncer oĂč j’avais prĂ©vu de passer mes vacances, cet Ă©tĂ©.

En effet, ce 8 juillet, soit le lendemain des rĂ©sultats du deuxiĂšme tour de ces Ă©lections lĂ©gislatives provoquĂ©es par le PrĂ©sident Macron suite Ă  sa dĂ©cision de dissoudre l’AssemblĂ©e Nationale, je prendrai l’avion pour trois semaines au Japon afin de participer au Masters Tour 2024 crĂ©Ă© et co-organisĂ© une nouvelle fois par LĂ©o Tamaki, expert en AĂŻkido.

Le Japon, c’est assez Ă©loignĂ© de la Dordogne.

Librairie, dans la Rue de Rivoli, 9 juin 2024. Photo©Franck.Unimon

Mais peut-ĂȘtre que le boucher regarde-t’il  tous les soirs des manga Ă  son domicile ? Peut-ĂȘtre aussi parle-t’il Japonais couramment dans ses rĂȘves et se rend-t’il tous les ans Ă  la Japan Expo ? Peut-ĂȘtre aussi, dans ses hobbies, compte-t’il un Savoir faire de Maitre Pottier japonais ? Ou de Maitre Sushi ? Ou de chanteur KaraokĂ© ?

Rien ne (me) permet, Ă  ce jour, de le contester. Peut-ĂȘtre mĂȘme, tous les soirs, se transforme-t’il aussi en Yakuza Ă  la façon dont Takeshi Kitano a pu nous les dĂ©crire dans ses films Sonatine ou Hana-Bi pour parler de quelques uns de ses films ?

Peut-ĂȘtre n’est-il qu’un samouraĂŻ infiltrĂ© dans une ville de banlieue parisienne, plutĂŽt mal rĂ©putĂ©e, qui a choisi d’endosser l’habit, la profession et des propos qui peuvent s’apparenter Ă  ceux de l’ExtrĂȘme Droite pour mieux la combattre Ă  la façon d’une taupe tel Tony Leung Chiu-Wai qui, lui, avait infiltrĂ© une triade chinoise dans le film A Toute Epreuve du rĂ©alisateur Hong-Kongais John Woo, son dernier film Ă  Hong-Kong avant la rĂ©trocession de celui-ci Ă  la Chine et avant son exil pour les Etats-Unis et son film Volte-face avec Nicolas Cage et John Travolta ?

Manifestation pro-palestinienne à Paris, 27 Mai 2024. Photo©Franck.Unimon

Ces films noirs ou ces polars asiatiques de ces rĂ©alisateurs, et d’autres que je ne cite pas tels Kirk Wong, Johnnie To ou les frĂšres Mak etc
, font partie des classiques pour celles et ceux qui les connaissent ou les ont vus, comme moi, au cinĂ©ma, Ă  leur sortie ou en dĂ©calĂ©.

Ces films font aussi partie du passĂ©. MĂȘme si ce passĂ© est prĂ©sent et futur. Et moi, ce que je suis en train de vous Ă©crire ce mardi 18 juin 2024 appartient aussi au passĂ©. Car si mon dĂ©part pour le Japon, cette annĂ©e, est prĂ©vu pour le 8 juillet, soit dans trois semaines, il s’agira aussi de mon « retour » au Japon aprĂšs mon premier voyage, lĂ -bas, en 1999. Un retour souhaitĂ© dĂšs cette annĂ©e-lĂ .

En 1999, lors de mon premier sĂ©jour au Japon, j’étais imprĂ©gnĂ© de cinĂ©ma en version originale sous-titrĂ©e et de cinĂ©ma asiatique. Au point de beaucoup m’identifier aux Japonais.

Nous ne sommes pas des japonais

« Vous n’ĂȘtes pas des Japonais ! » nous avait nĂ©anmoins assĂ©nĂ© Vanessa, – tel un ippon- une de nos camarades- et Française- de notre cours de Judo, au gymnase, rue Michel Lecomte, tant nous singions certaines caractĂ©ristiques japonaises.

Nous, c’était Manu, un de mes amis Français, rencontrĂ© sur le tatamis du club, et moi, Français d’origine antillaise.

Elle avait raison.

Depuis notre naissance en rĂ©gion parisienne jusqu’à cette dĂ©claration, Manu et moi n’avions jamais rien eu de bridĂ©. Nous avions achetĂ© nos kimonos de judo en France. Nous pratiquions le Judo en France. Notre professeur de Judo, Pascal Fleury, grand frĂšre de la championne olympique Cathy Fleury, Ă©tait d’origine italienne.

Lorsque Manu et moi, nous allions- quelques fois- dans des restaurants asiatiques, c’était Ă  Paris ou en banlieue parisienne. Et, lorsque nous voyions ou rencontrions beaucoup d’Asiatiques, c’était surtout projetĂ©s sur un grand Ă©cran de cinĂ©ma, sur l’écran d’un tĂ©lĂ©viseur ou dans les ouvrages d’une librairie.

Rue de Rivoli, 9 juin 2024. Paris. Photo©Franck.Unimon

Pour moi, en devenant adulte, je crois que le Japon avait pris la place que les Etats-Unis, enfant puis adolescent, avaient pu avoir. Celle d’un pays dont l’Histoire et les ĂȘtres avaient des destinĂ©es fantastiques. Lorsque l’on est nĂ© en banlieue parisienne, dans un milieu social moyen, que l’on a d’abord grandi dans une citĂ©, et que nos parents, bien que « Français », sont des Antillais qui ont dĂ» venir vivre en mĂ©tropole tels des immigrĂ©s Ă  l’ñge oĂč, en principe, tout est possible puisque l’on est jeune et que ce possible se rĂ©sume Ă  un logement HLM avec d’autres personnes qui, comme eux, font de leur mieux pour s’en sortir, hĂ© bien, soit on se contente de ce que l’on a. Soit on rĂȘve ou on imagine un ailleurs.

Et puis, petit Ă  petit, soit on essaie d’aller vers cet ailleurs, soit on reste enfermĂ© dans sa citĂ© et dans tout ce que l’on connait par coeur par peur et par prĂ©caution.

Pourquoi le Japon plus que le Vietnam, le Cambodge, l’IndonĂ©sie, la CorĂ©e du Sud, la ThaĂŻlande, la Birmanie, le Laos ou ne serait-ce que la Chine qui sont aussi des pays Ă  connaĂźtre comme tant d’autres en Asie, en Afrique, en OcĂ©anie, en Europe ou ailleurs ?

 

 

Rue de Rivoli, Paris, 9 Juin 2024. Photo©Franck.Unimon

TrĂšs certainement pour cet attrait pour les SamouraĂŻ  qui avaient remplacĂ© les cow-boys des western de mon enfance. J’Ă©tais devenu adulte. C’Ă©tait exotique.  Je ne pouvais pas continuer Ă  garder les mĂȘmes modĂšles, me promener avec un chapeau de cow-boy, un ceinturon en plastique comportant un Ă©tui occupĂ© par un colt noir Ă©galement en plastique et une Ă©toile de shĂ©rif. 

Il y avait peut-ĂȘtre aussi une forme de refus du statut de victime permanente et suppliciĂ©e. La victime potentielle du racisme parce-que Noir dans un pays de Blancs, la France.

Et une espĂšce de recherche de mon salut intĂ©rieur un peu plus en accord avec moi-mĂȘme dans les Arts Martiaux que dans les comportements des hĂ©ros de western qui buvaient de l’alcool et qui fumaient, aussi, qui jouaient de l’argent. Qui roulaient un peu plus des mĂ©caniques et qui parlaient fort. Il y ‘avait peut-ĂȘtre Ă©galement une envie de ma part de m’affirmer en Ă©tant un homme antillais « diffĂ©rent », moins bruyant, moins thĂ©Ăątral et moins prĂ©visible. Plus original. Plus complexe. Peut-ĂȘtre plus libre.

Le Japon faisait aussi davantage penser Ă  cette vitrine oĂč y Ă©tait exposĂ©e en permanence cette sorte de Maitrise en toute circonstance que je cherchais Ă  obtenir en moi. Pour cette assurance et ce calme constants en apparence. Pour les sons gutturaux, rauques, brefs et dĂ©finitifs de la langue japonaise telle que je l’entendais. Pour cette dĂ©licatesse supposĂ©e de la femme japonaise qui contrastait avec la femme imprĂ©visible, exigeante, pleine d’assurance ou hystĂ©rique de la vie urbaine ou parisienne.

Pour caricaturer, d’un cĂŽtĂ©, on pouvait avoir la « Française » qui fume, qui boit de l’Alcool, qui peut vous quitter ou qui dit zut. De l’autre cĂŽtĂ©, on avait une femme polie, pas un mot plus haut que l’autre, que l’on voulait voir comme charnellement sensuelle, jamais contrariante et fidĂšle Ă  jamais.

Il est beaucoup plus facile de fantasmer sur une personne à laquelle on ne se confronte jamais et dont on méconnait la langue, la culture, les volontés et la pensée et qui reste pour nous une apparition encadrée telle une poupée gonflable et domesticable. Mais aussi, jetable.

J’ignorais alors tout ce que le Japon pouvait avoir de traditionnaliste, de conservateur voire de raciste. Ou de sexiste. Et, je mĂ©connaissais totalement le fait, aussi, que ce mode de vie que je prĂ©fĂ©rais voir comme du raffinement esthĂ©tique digne de la trĂšs haute couture reposait aussi sur une certaine psychorigiditĂ© sociale qui flattait d’abord ma propre psychorigiditĂ©.

J’ignorais aussi que certains aspects de la vie traditionnelle Ă  la Japonaise Ă©quivalaient, aussi, par ses principes, Ă  certains aspects de la vie traditionnelle que m’ont transmis mes parents et auxquels je suis attachĂ© : Un campagnard, qu’il soit japonais ou d’origine antillaise, aura une façon de regarder la vie assez similaire.

L’importance de la parole donnĂ©e m’apparait par exemple ĂȘtre une valeur qui Ă©mane plus de l’hĂ©ritage de la tradition et du mode de vie campagnard que du mode de vie dit urbain et moderne, pour ne pas dire mondain.

« Le Japon a mis mes valeurs Ă  plat » m’avait dit lors d’une soirĂ©e parisienne une Française qui y avait vĂ©cu quatre annĂ©es.

Quatre annĂ©es, pour moi qui n’étais jamais allĂ© au Japon, c’était au-delĂ  du rĂ©el.

Ce devait ĂȘtre deux ou trois ans avant que je n’envisage mon propre sĂ©jour au Japon.  Cette femme qui avait Ă  peu prĂšs mon Ăąge avait acceptĂ© le principe de me revoir pour me parler davantage du Japon. Mais ce qu’elle m’avait laissĂ©, ce sont ses quelques remarques sur le Japon, son prĂ©nom et son nom lors de cette soirĂ©e passĂ©e dans un lieu dont je serais incapable de me rappeler avec certitude.

Mais si cette connaissance croisĂ©e dans une soirĂ©e, n’avait pas tenu parole, l’amie que je connaissais, alors, elle, l’avait tenue en m’accueillant chez elle au Japon deux ans aprĂšs m’avoir dĂ©jĂ  reçu chez elle une premiĂšre fois en Australie, Ă  Melbourne, en 1997.

 

En 1999 : Le Japon, une Ă©claircie profonde

En 1999, l’annĂ©e du film Matrix, pour moi, il y eut un avant et un aprĂšs le Japon.

A mon retour de mon séjour grùce à Raspoutine, mon amie franco-australienne qui y habitait alors, et son frÚre Le Croque-mort alors mon ami, qui me fit profiter de son expérience là-bas avant de rentrer en France, je déclarai que ce voyage fut extraordinaire.

Et, je le pense toujours aujourd’hui.

Humainement, ce sĂ©jour fut pour moi une frontiĂšre entre celui que j’étais auparavant qui en faisais des tonnes dans la provocation mais aussi dans l’humour pour se faire aimer. Mais aussi pour se desservir lui-mĂȘme.

Ce voyage au Japon et son contexte dans ma vie personnelle et professionnelle m’aidĂšrent et me poussĂšrent Ă  aller davantage dans l’introspection. Pour paraphraser un peu le livre Avec les Alcooliques Anonymes de Joseph Kessel, paru en 1960 et que j’ai bientĂŽt terminĂ©, je dirais que ce sĂ©jour au Japon en 1999 m’a permis d’ĂȘtre plus honnĂȘte et plus sincĂšre avec moi-mĂȘme.

Je n’étais pas alcoolique et je ne suis pas alcoolique. Si je l’avais Ă©tĂ©, j’aurais pu ĂȘtre Ă©tĂ© poussĂ© Ă   croire que l’alcool, sous toutes ses formes et latitudes, aurait pu me guider.

Cependant, avant mon sĂ©jour au Japon, j’étais probablement ivre et imbibĂ© de mes propres peurs. J’avais trĂšs peur de celui que j’étais, de celui que je pouvais devenir et j’avais aussi trĂšs peur
.d’ĂȘtre aimĂ©.

D’oĂč les provocations et l’humour rĂ©pĂ©tĂ©s jusqu’à en ĂȘtre inappropriĂ©s. Les dĂ©cisions trĂšs mal inspirĂ©es. Le propre de l’alcoolique, c’est, Ă  dĂ©faut de pouvoir s’étreindre et se rassurer lui-mĂȘme, de se dĂ©truire et de chercher Ă  s’assommer et Ă  s’éteindre jusqu’au black- out par l’alcool. Pour s’évader de lui-mĂȘme. Je faisais pareil mais avec l’humour, mes provocations, mes excĂšs, mes gesticulations, des mauvaises dĂ©cisions, une certaine nĂ©gligence de moi-mĂȘme


Lorsque l’on a peur de soi-mĂȘme, que l’on a peur d’ĂȘtre aimĂ© ou que l’on estime ĂȘtre indigne d’ĂȘtre aimĂ©, on sait devenir tranchant, blessant ou dĂ©sarmant pour celles et ceux qui nous entourent ou qui prennent le risque ou ont l’audace de nous approcher. On devient ivre au point de s’aveugler, de manquer de luciditĂ©, et d’ĂȘtre incapable de faire la distinction qui convient entre celles et ceux que l’on peut laisser s’approcher et les autres qu’il faut savoir repousser ou, plus simplement, Ă©viter. Puis, notre orgueil parachĂšve de maniĂšre incontestable notre entreprise (ou notre chef-d’Ɠuvre) de dĂ©molition et d’autodestruction :

S’il y a un problĂšme, c’est Ă  cause des autres. Ou, on ne savait pas que l’autre ne nous voulait-finalement- aucun mal…..

Le contexte dans lequel j’étais parti au Japon en 1999 cumulĂ© au fait de m’ĂȘtre rendu dans un pays comme le Japon m’avaient aidĂ© Ă  commencer Ă  me sevrer de certaines de mes mauvaises habitudes relationnelles et Ă©motionnelles. Mais, comme on le sait, se sevrer prend du temps. Ce qui n’empĂȘche pas de vivre des Ă©claircies profondes. Et, le Japon en fut une pour moi.

Si bien qu’à mon retour, je m’étais dit que je reviendrais un jour au Japon. Il aura fallu attendre
25 ans.

Il y a 25 ans, du Japon, j’avais ramenĂ© des photos papier, un bermuda qui ne me va plus car j’ai pris du poids et du ventre depuis, une camĂ©ra analogique et de la cĂ©ramique.

Electronique et CĂ©ramique

l’Electronique et la cĂ©ramique me semblent assez bien reprĂ©senter les deux versants du Japon. Le moderne et le traditionnel. Le quasi-virtuel et le spirituel. L’industriel et l’artisanal. Le logique et l’organique. L’efficace et le sensuel. Mais l’un comme l’autre concourt pour la perfection. 

Des deux, Ă©lectronique et cĂ©ramique, c’est la cĂ©ramique que j’utilise encore. Toutes mes tasses de thĂ© ramenĂ©es du Japon en 1999 sont demeurĂ©es intactes. Et, au travers de leur utilitĂ© et de leur durabilitĂ©, je vois une sorte de confirmation dans le fait que, utilisĂ©e pour l’usage qui lui correspond, la tradition conserve sa supĂ©rioritĂ© en acquĂ©rant plus de profondeur que la nouveautĂ© qui, elle, plus superficielle, est condamnĂ©e Ă  se reproduire pour pouvoir espĂ©rer prĂ©server ses attraits et convaincre quant Ă  ses promesses et ses effets. 

 

Mais on peut le voir autrement et se dire que mon versant ou mon tempĂ©rament traditionaliste l’a emportĂ© pour le moment sur mon tempĂ©rament moderne ou moderniste. Car aprĂšs tout, d’aprĂšs un podcast que j’ai dĂ©jĂ  Ă©coutĂ© deux fois, les blogs appartiendraient au passĂ©. Aujourd’hui, ce qui est moderne, ce qui suscite et maintient l’intĂ©rĂȘt quotidiennement et qui apporte un succĂšs immĂ©diat et continu, c’est de diffuser souvent et rĂ©guliĂšrement des images et de produire le moins de texte possible. Et, moi, comme un vieux schnock conservateur encore accrochĂ© au monde des relations Ă©pistolaires, et donc complĂštement dĂ©modĂ©, je fais l’exact contraire. Peut-ĂȘtre s’agit-t’il d’une stratĂ©gie et d’une dĂ©cision que je regretterai dans Ă  peu prĂšs une dizaine d’annĂ©es. Lorsque je me dĂ©ciderai Ă  changer de point de vue contraint ou forcĂ©. Ou Ă  changer le thĂšme de mes articles.

Toutefois, il existe un bĂ©mol Ă  cette autocritique : mes articles les plus lus sont relatifs aux Arts Martiaux ainsi qu’un article consacrĂ© Ă  Brigitte Lahaie, une ex star française de films pornos qui n’a jamais portĂ© de kimono. 

Et, il y a aussi un autre bĂ©mol Ă  apporter Ă  cet Ă©loge dithyrambique que j’ai fait concernant la supposĂ©e supĂ©rioritĂ© de la tradition sur la modernitĂ©, un prĂ©jugĂ© de plus dans lequel je me suis trĂšs confortablement installĂ© : 

Pendant une vingtaine d’annĂ©es, j’ai roulĂ©  dans une voiture Toyota achetĂ©e deux ans aprĂšs mon premier voyage au Japon. Et le nouveau modĂšle d’occasion, plus rĂ©cent, que j’ai achetĂ© Ă©galement Ă  crĂ©dit l’annĂ©e derniĂšre n’est pas en cĂ©ramique. 

Il me reste aussi quelques souvenirs durables du Japon de 1999.

 

Des souvenirs durables de mon voyage au Japon en 1999

 

De Tsukuba, cette ville de banlieue qui Ă©voquait la campagne, situĂ©e Ă  une heure de Tokyo oĂč habitait mon amie Ă  l’époque. D’une course improvisĂ©e Ă  vĂ©lo en revenant de la gare de Tsukuba avec une collĂ©gienne ou une lycĂ©enne dans sa tenue ( jupe, baskets, dĂ©bardeur et chemise blanche).

De Pierre, lycéen français au Japon grùce au Rotary Club de sa ville.

De cette secousse sismique alors que je discutais avec mon amie dans son appartement. De ce tournoi de Sumo oĂč nous nous Ă©tions rendus.

Je me rappelle de cette prĂ©venance des Japonais et des Japonais faisant ( tout) leur possible pour me renseigner dans la rue dĂšs lors que je m’étais adressĂ© Ă  eux avec les quelques mots d’usage et de politesse consacrĂ©s que je connaissais en Japonais. Des mots agissant Ă  la fois comme des sĂ©sames ou des talismans poussant mon interlocuteur et mon interlocutrice Ă  s’assurer que je prenais bien ensuite la bonne direction comme si son destin ou son karma en dĂ©pendait. Des mots que je n’ai pas oubliĂ©s et qui signifient « Bonjour », « Bonsoir », «  Je voudrais, s’il vous plait », « Merci beaucoup », « ĂȘtes-vous d’accord ? », «  Faites attention Ă   vous » .

Il y avait ces rues envahies par ces foules, plus imposantes qu’ailleurs, au moment de les traverser ou marchant sur les trottoirs. Ce cycliste se frayant patiemment l’usage d’un passage Ă  travers la multitude de piĂ©tons sur le trottoir sans que personne ne lui fasse le moindre reproche.

Kyoto, le Shinkansen. La ponctualité millimétrée des trains. La propreté immaculée des gares.

Ce sentiment de sĂ©curitĂ© dans les rues ignorĂ© du banlieusard que j’étais et confirmĂ© par mon amie.

Il y a aussi ce Salary man qui, Ă  Tokyo, vers 22 heures, habillĂ© en pantalon et chemise, son attachĂ© case Ă  la main, s’était subitement mis Ă  dĂ©gueuler sur le quai de cette gare oĂč, comme lui, j’attendais le train pour rentrer. Puis, il s’était Ă©loignĂ© de ses vomissements sans rien dire.

Dans quelques rues d’Hiroshima, j’avais Ă©tĂ© Ă©tonnĂ© de voir ces jeunes femmes ou ces adolescentes au profil d’écoliĂšres de type lolita, vĂ©ritables clignotants vestimentaires, qui attendaient le client Ă©garĂ© ou habituĂ©. A Hiroshima, toujours, j’avais aperçu ce bĂątiment dont le toit avait reçu la bombe atomique. Et, au musĂ©e tout proche, j’avais Ă©tĂ© Ă©tonnĂ© de constater que les Japonais Ă©taient prĂ©sentĂ©s comme les victimes de la bombe atomique sans souligner la responsabilitĂ© de l’armĂ©e japonaise plutĂŽt jusque-boutiste. Je n’avais pas encore lu que les opĂ©rations Kamikaze des aviateurs japonais avaient, dans les faits, donnĂ© peu d’avantages en terme de rĂ©ussite militaire mais, aussi, que la participation du Japon au conflit de la Seconde Guerre Mondiale Ă©tait prĂ©visible et devenu inĂ©vitable dĂšs lors qu’il lui restait six mois de rĂ©serve de pĂ©trole.

En 1999, j’avais aimĂ© me rendre dans les quartiers de Shibuya et de Harajuku rĂ©putĂ©s pour ĂȘtre des coins branchĂ©s de Tokyo. J’avais dĂ©plorĂ© ĂȘtre passĂ© Ă  cĂŽtĂ© de la vie nocturne du Japon. Cela aurait pu arriver si j’avais pu rencontrer Yuji et sa compagne plus tĂŽt dans une des rues de Tokyo. Anglophones tous les deux, ce qui Ă©tait rare, ils m’avaient fait dĂ©couvrir un bar-cinĂ©ma possĂ©dant une petite scĂšne dont mes yeux d’occidentaux n’auraient jamais  pu concevoir l’existence dans ce bĂątiment ou cet immeuble tout proche de nous. Ensuite, toujours le mĂȘme jour, le colocataire de Yuji, musicien et originaire de Nara, m’avait invitĂ© Ă  venir m’y rendre un jour. Sauf que je repartais pour la France
le lendemain.

J’étais rentrĂ© du Japon le lendemain comme lorsque l’on sort d’un rĂȘve.

Le Japon et moi, aujourd’hui :

Les quelques personnes Ă  qui j’ai parlĂ© de mon sĂ©jour au Japon, cette annĂ©e, se sont montrĂ©es enthousiastes. J’ai Ă©tĂ© marquĂ© par le sourire XXL de mon amie PĂ©pita, qui, Ă  l’époque, m’avait encouragĂ© Ă  faire un crĂ©dit que je n’ai jamais regrettĂ© mĂȘme s’il m’avait fallu ensuite deux annĂ©es pour le rembourser.

Le Japon reste une destination touristique peu courante comme en atteste encore la rĂ©ponse que m’a faite le boucher lorsque je l’ai interrogĂ© Ă  propos de ses vacances. MĂȘme si l’écoute d’un podcast cette semaine m’a appris que de plus en plus de vacanciers s’y rendaient et que quelques uns d’entre eux se comportaient de façon outranciĂšre.

En 1999, je buvais sĂ»rement encore du thĂ© en sachet ou du thĂ© aromatisĂ© avec beaucoup de sucre. Soit l’exact contraire d’aujourd’hui oĂč je bois du thĂ© vert japonais que j’achĂšte en vrac et que je bois sans sucre. Du Sencha ou du Gyokuro que je peux boire froid. L’un des gĂ©rants de la boutique de thĂ© oĂč j’ai des habitudes et oĂč j’ai commencĂ© Ă  acheter du thĂ© en vrac un jour, m’a dit que mon palais avait Ă©tĂ© Ă©duquĂ© mais, aussi, que notre palais a une mĂ©moire. Du goĂ»t et des tempĂ©ratures qui nous conviennent lorsque nous buvons du thĂ©.

J’ai l’impression d’ĂȘtre moins en pamoison devant la culture japonaise qu’en 1999. DĂ©libĂ©rĂ©ment et aussi parce-que je suis dans les dĂ©marches du quotidien, j’ai, pour l’instant, survolĂ© le programme que nous a adressĂ© LĂ©o concernant notre sĂ©jour lĂ -bas.

Mais si je me fie Ă  mon rapport au thĂ©, au salĂ©, et au maintien de mon intĂ©rĂȘt pour les Arts martiaux japonais ou autres, il semblerait que je sois bien plus rĂ©ceptif Ă  la culture japonaise que je ne le crois. De maniĂšre pragmatique, je crois que j’attends de me trouver dans l’avion pour Tokyo en bonne condition avec toutes les formalitĂ©s en rĂšgle pour pouvoir commencer Ă  pleinement vivre l’évĂ©nement. Avant cela, je me dis sĂ»rement que trop d’extrapolation et trop d’imagination tue l’expĂ©rience.

Cet article qui est une forme de prĂ©-bilan avant le voyage fait partie pour moi des « formalitĂ©s Â». Autant d’un point de vue instrospectif qu’à visĂ©e d’interaction avec d’autres. Car je crois que d’autres personnes qui seront au Japon ou non en juillet peuvent ressentir ou s’identifier Ă  ce que je raconte Ă  un moment ou Ă  un autre dans cet article.

Il y a quelques mois, je me suis dit que retourner au Japon lors du Masters Tour 2024 Ă©tait vraisemblablement une des meilleures façons pour moi de le faire. LĂ©o Tamaki nous a appris il y a quelques jours que nous serions 143 Ă  participer Ă  ce Masters Tour en juillet et que nous ferions des sessions avec des Maitres d’Arts Martiaux en Ă©tant 23 par groupes. Ce qui est un bon chiffre. 

En apercevant quelques offres commerciales que j’ai pu voir en faveur de voyages au Japon ces derniers jours, tant pour leur tarif que pour leur contenu, je me suis dĂ©jĂ  senti soulagĂ© d’avoir optĂ© pour le choix du Masters Tour 2024.

J’espĂšre et je compte ramener du Japon 2024, en mĂȘme temps que des impressions et des rencontres mĂ©morables, quelques images et un article pour ce blog qui essaieront de restituer cela au mieux. Pour les esprits jeunes et les esprits vieux, pour les esprits traditionalistes et les esprits modernes qui pourront y trouver plaisir et rĂ©confort. 

Rue de Rivoli, Paris, 9 juin 2024. Photo©Franck.Unimon

Nota Bene, ce mercedi 19 juin 2024 :

En repensant ce matin Ă  cet article aprĂšs l’avoir Ă©crit en grande partie hier, je me suis aperçu que j’avais complĂštement oubliĂ© de parler du risque de l’accident nuclĂ©aire au Japon. Un risque difficile Ă  totalement occulter pourtant aprĂšs ce qui s’Ă©tait passĂ© Ă  Fukushima en 2011. 

MalgrĂ© la probabilitĂ© du risque nuclĂ©aire, ou de celui d’un sĂ©isme, je reste sur l’impression que ce nouveau sĂ©jour au Japon m’extraira durant quelques temps des sortilĂšges d’un certain cirque quotidien. 

Franck Unimon.