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Les animaux

Les Aigles des remparts

Spectacle les Aigles des remparts, Provins, octobre 2023. Photo©Franck.Unimon

Les Aigles des remparts (octobre 2023)

Pendant des années, j’avais entendu parler de la cité médiévale de Provins. Sans y aller. Jusqu’à me convaincre que les festivités qui s’y déroulaient devaient être toc. Et puis, il y avait beaucoup de monde sur place selon certaines rumeurs.

Spectacle  » Les Aigles des remparts » à Provins, octobre 2023. Photo©Franck.Unimon

La véritable raison de mes réticences, c’était le côté assez peu pratique du trajet en provenance d’Argenteuil et, auparavant, de Cergy Pontoise. Prendre sa voiture. Trouver où se garer. Le chemin du retour. Les inévitables embouteillages. Tout ça pour de l’artifice.

Spectacle  » Les Aigles des remparts » à Provins, octobre 2023. Photo©Franck.Unimon

Mais en octobre 2023, je fus moins sensible à la doctrine de mes obstacles. Et si, après une discussion avec ma compagne, je renonçais finalement à y emmener notre fille (le lendemain matin, il y’aurait l’école, elle avait plutôt besoin de se reposer, il fallait compter un peu plus d’une heure de route en voiture) je m’y rendis avec une copine et ses deux enfants. Celle avec laquelle un peu moins de deux ans plus tard, j’irais voir La Chair est triste hélas ! de Ovidie mise en scène par elle-même au théâtre de l’Atelier. ( voir Ovidie au théâtre : la chair est triste hélas ).

Spectacle  » Les Aigles des remparts » à Provins, octobre 2023. Photo©Franck.Unimon
Spectacle  » Les Aigles des remparts » à Provins, octobre 2023. Photo©Franck.Unimon

Cette copine habitait désormais assez près de Provins. Nous nous étions rencontrés dans un stage pour comédiens plus de dix années auparavant. Depuis, elle était aussi devenue metteure en scène de spectacles pour enfants.

Spectacle  » Les Aigles des remparts » à Provins, octobre 2023. Photo©Franck.Unimon

Je n’ai pas d’explication quant à ce qui m’a poussé à partir assister à ce « spectacle » à Provins. Mais en revoyant ces photos aujourd’hui, plus de deux ans plus tard, je m’avise qu’à l’ère moderne de la pesée publique de nos visages comme de nos pensées, des réseaux sociaux et de la perte permanente de nos informations personnelles, que l’on peut développer un attrait pour toute société un peu animale, dont la liberté, les codes, les secrets et la magie semblent avoir échappé au garrot des pharmacies, des administrations ou des supermarchés des distractions qui ne cessent de se démultiplier.

Spectacle  » Les Aigles des remparts » à Provins, octobre 2023. Photo©Franck.Unimon

C’est bien sûr un point de vue très idéalisé. Car si les véritables remparts existent, les vies sans impasses et sans détournements sont rares.

Spectacle  » Les Aigles des remparts » à Provins, octobre 2023. Photo©Franck.Unimon

 

Spectacle  » Les Aigles des remparts » à Provins, octobre 2023. Photo©Franck.Unimon

Mais en regardant ces photos, je ne vois ni impasse et ni détournement. Je vois ce qui peut nous rapprocher des aigles à force de tenir à nos codes, à nos secrets, à la magie ainsi qu’à une certaine liberté.  

Spectacle  » Les Aigles des remparts » à Provins, octobre 2023. Photo©Franck.Unimon

Franck Unimon, ce lundi 15 décembre 2025.

 

 

 

 

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En Concert

Marie Jouhaud Trio au Sunside

Marie Jouhaud au Sunside avec le Marie Jouhaud Trio, ce vendredi 12 décembre 2025. Photo©Franck.Unimon

Marie Jouhaud Trio au Sunside

Il existe depuis 1982 au 60 rue des Lombards dans le quartier des Halles. On peut y venir en famille tant pour manger que pour y écouter de la musique sur scène. Des concerts tous les soirs.  Des concerts pour les enfants les dimanches après-midis.

Il ne paie pas de mine dans ce quartier suractivé de Paris, à quelques minutes de la sortie de la gare souterraine embranchée aux multiples prises de lignes de métros et de RER :

A quelques croches du quartier des Marais, du musée Beaubourg. Pas très loin du musée du Louvre, de la cathédrale Notre Dame, du quartier St Michel et de tant d’autres notes qui soutiennent Paris selon là où notre regard nous donne rendez-vous.

Avec son « frère » le Sunset, Il fait partie des briques du Jazz. C’est un des endroits fériés de Paris. Et ce vendredi soir, après bien des années passées à circuler dans ce quartier, j’y vais seulement pour la première fois. En écoutant le titre Humain du groupe de Rap PNL que je découvre avec leur album Dans la Légende sorti en 2016.

Lundi soir, j’étais au concert de SEAMUS & CAOIMHE, groupe de musique irlandaise ( voir SEAMUS & CAOIMHE, Espace Carpeaux, Courbevoie, 8 décembre 2025 ), et maintenant, ce sera le Marie Jouhaud Trio au Sunside.

Marie Jouhaud au Sunside, ce vendredi 12 décembre 2025. Photo©Franck.Unimon
Ella Rouy, voix et violoncelle, au Sunside avec le Marie Jouhaud Trio ce vendredi 12 décembre 2025. Photo©Franck.Unimon

Marie Jouhaud, pianiste, autrice et chanteuse, va sortir un nouvel album, Lune sous la peau. Et ce sera avec Ella Rouy (violoncelle, voix)

Abraham Mansfarrroll ( percussions, voix) avec le Marie Jouhaud Trio au Sunside ce vendredi 12 décembre 2025. Photo©Franck.Unimon

et Abraham Mansfarroll (percussion, voix).

La salle est petite. Des chaises en bois- placement libre- sont proches de la scène. On se frôle. On passe à côté de Marie Jouhaud en retournant s’asseoir avant le concert. Auparavant, on a aussi croisé Ella Rouy sans savoir que c’était elle.

Ella Rouy avec le Marie Jouhaud Trio au Sunside ce vendredi 12 décembre 2025. Photo©Franck.Unimon

Il y a du public. Deux hommes asiatiques près du mur à quelques rangées de chaises de la scène. Deux ou trois enfants avec leurs parents. Un homme juste à ma gauche, à environ un mètre du piano. Assez austère, l’homme, la soixantaine d’années, se réverbère dans le piano. Il tient très sérieusement son livre ouvert. Il le refermera très vite avec l’arrivée du Marie Jouhaud Trio. Et il se dandinera ensuite lors du concert. Parce-que Marie Jouhaud prend tout de suite le public par la main en montant sur scène.

Marie Jouhaud avec le Marie Jouhaud Trio au Sunside ce vendredi 12 décembre 2025. Photo©Franck.Unimon

Sourire, décontraction, bonne humeur. Musique.

C’est doux. C’est sincère. Ça donne de l’écorce. Ça détend. Ça fait refluer de la poésie. Ça hypnotise aussi. On est très loin des histoires de dealer et de prison de PNL. Ça n’existe pas. Ça n’a jamais existé. La rue, son monde et ses divers modes d’emploi en dehors du Sunside et du Sunset ont disparu.

Abraham Mansfarroll avec le Marie Jouhaud Trio au Sunside ce vendredi 12 décembre 2025. Photo©Franck.Unimon

La musique a pris. On y croit sans être proie. Et lorsque cela se termine au bout d’une heure, on accepte de rendre ce temps qui nous a été donné.

Marie Jouhaud, Abraham Mansfarroll et Ella Rouy au Sunside ce vendredi 12 décembre 2025. Photo©Franck.Unimon

Pour ma part, avec mon amie, nous avons un peu prolongé le temps avec Marie Jouhaud lors de cette interview pratiquée en marchant jusqu’à ce restaurant ou elle allait ensuite continuer sa soirée.

Marie Jouhaud au Sunside, ce vendredi 12 décembre 2024. Photo©Franck.Unimon

L’ interview de Marie Jouhaud après le concert est ici :

 

Franck Unimon, ce lundi 15 décembre 2025.

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Les animaux Les Terres de Nataé

Les Terres de Nataé

 

Aux Terres de Nataé, juillet 2025. Photo©Franck.Unimon

Les Terres de Nataé

Je vois les zoos et les parcs animaliers comme des grands bocaux où l’on y enferme des animaux pour le plaisir récréatif des êtres humains. Peut-être aussi que leurs similitudes avec nos villes me dérangent-elles.

Aux Terres de Nataé, juillet 2025. Photo©Franck.Unimon

Mais cet été 2025, j’étais en vacances en Bretagne avec ma fille. Notre résidence- locative- se trouvait à Quéven près des Terres de Nataé. Quelques minutes en voiture.

Je savais que cette visite plairait à ma fille. Elle me l’avait demandé. J’avais refusé.

Après nos visites guidées à Lorient ( article Lorient visite guidée juillet 2025-première partie ), de la  Cité de la voile Eric Tabarly (article La Cité de la voile Éric Tabarly-Lorient visite guidée juillet 2025-deuxième partie ), des Bunkers et du sous-marin Le Flore, je visais désormais l’Océanopolis de Brest.

Finalement trop « loin », trop tard. Il aurait fallu y aller dès le début de nos vacances.

Aux Terres de Nataé, juillet 2025. Photo©Franck.Unimon

Difficile de repartir de Quéven sans joindre les Terres de Nataé à proximité. Puisque les quelques avis récoltés étaient (très) favorables. Ce parc animalier était censé :

Recueillir des animaux maltraités ou dont les cirques ne veulent plus.

Protéger les animaux.

Eduquer les visiteurs.

Aux Terres de Nataé, juillet 2025. Photo©Franck.Unimon

Nous sommes donc partis pour les Terres de Nataé.  A notre arrivée vers midi, le parking pourtant étendu était plein. Nous avons trouvé où garer la voiture un peu plus loin.  

Aux Terres de Nataé, juillet 2025. Photo©Franck.Unimon

Une fois dans le parc, j’ai suivi ma fille.  Parfois au-delà de mes bornes physiques.

Aux Terres de Nataé, Juillet 2025. Photo©Franck.Unimon

 

Six bonnes heures à pied dans les Terres de Nataé tant elle s’en tenait à son programme. Je ne m’attendais pas à un tel traitement de sa part. J’ai néanmoins pris des photos. Quelques mois sont passés depuis.

Aux Terres de Nataé, juillet 2025. Photo©Franck.Unimon
Aux Terres de Nataé, Juillet 2025. Photo©Franck.Unimon
Aux Terres de Nataé, Juillet 2025. Photo©Franck.Unimon
Aux Terres de Nataé, juillet 2025. Photo©Franck.Unimon
Aux Terres de Nataé, Juillet 2025. Photo©Franck.Unimon
Aux Terres de Nataé, Juillet 2025. Photo©Franck.Unimon
Aux Terres de Nataé, Juillet 2025. Photo©Franck.Unimon

 

Aux Terres de Nataé, Juillet 2025. Photo©Franck.Unimon
Aux Terres de Nataé, Juillet 2025. Photo©Franck.Unimon
Aux Terres de Nataé, Juillet 2025. Photo©Franck.Unimon
Aux Terres de Nataé, Juillet 2025. Photo©Franck.Unimon

Franck Unimon, ce  vendredi 12 décembre 2025.

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En Concert

SEAMUS & CAOIMHE, Espace Carpeaux, Courbevoie, 8 décembre 2025

 

 

SEAMUS & CAOIMHE à l’Espace Carpeaux, Courbevoie, ce lundi 8 décembre 2025. Photo©Franck.Unimon

SEAMUS & CAOIMHE à l’Espace Carpeaux, Courbevoie, ce 8 décembre 2025

Récemment, au mariage d’une amie dans le centre de Paris, près du buffet, j’ai discuté un peu avec deux musiciens, lesquels, comme moi, étaient deux amis de la mariée.

Une femme. Un homme.

Lui, pianiste de formation, s’est un moment blâmé car compositeur de musique électronique il estimait faire de la musique de broutille. Je me reproche par moments de ne pas être musicien. Mais en entendant ça, avec une autorité certaine, moi qui ne sais rien faire avec un instrument de musique et qui suis incapable de chanter, je lui ai aussitôt affirmé :

«La bonne musique, c’est de la bonne musique ! ».

SEAMUS, ce lundi 8 décembre 2025. Photo©Franck.Unimon

Puis, inflexible, j’ai avancé mes arguments. On aurait pu croire que j’attendais ce sujet depuis un moment ou que je le ruminais dans mon coin tous les jours.

Peut-être parce qu’elle m’a cru désespéré, peut-être pour me consoler, l’autre musicienne présente, de formation classique, a rapidement approuvé mes arguments.

Et le « forcené », quant à lui, a accepté facilement de se rendre en souriant sans qu’il ne soit nécessaire finalement de solliciter le Raid ou la BRI.

Je n’écoute pas de musique irlandaise. Mes passeports auditifs originaires des Antilles m’ont permis d’entrer sur le territoire de la musique antillaise, du Zouk, du Gro-Ka, du Konpa, du Reggae, du Dub, de la Salsa, des musiques « afro-caribéennes » et d’autres musiques noires syncopées venues des Etats-Unis.

Je n’aurais donc pas « dû » me trouver à ce concert de SEAMUS & CAOIMHE ce lundi 8 décembre 2025 à l’Espace Carpeaux à Courbevoie.

SEAMUS & CAOIMHE ce lundi 8 décembre 2025. Photo©Franck.Unimon

Si l’on m’avait demandé un peu plus tôt de citer le nom de chanteurs et de musiciens irlandais, spontanément, j’aurais nommé le groupe U2 et Sinéad O’Connor.

Et les Cranberries. Parce-que je triche en écrivant cet article en m’en rappelant maintenant.

J’ai vu  « feu » Sinéad O’Connor une fois à l’Olympia. Mais c’était après son album de reprises Reggae : Throw down your arms. Sur scène, avec elle, si je ne me suis pas trompé, il y avait Sly Dunbar et « feu » Robbie Shakespeare.

Je ne suis jamais allé en Irlande.

Mais je suis allé deux ou trois fois en Ecosse il y a plusieurs années y compris pour un mariage du côté d’Edimbourg.

Lorsque Jacques-Antoine « de » Naïade Productions m’a parlé de ce concert de SEAMUS & CAOIMHE, je n’avais jamais entendu parler d’eux. C’était après le concert d’Eben il y a quelques jours au Petit Bain, dans le 13èmearrondissement de Paris. ( voir l’article Eben en concert à Paris au Petit Bain ce 25 novembre 2025 ).

Vu que j’étais disponible, j’ai accepté de venir en emmenant un copain Irlandais de Dublin. Un copain rencontré via un copain japonais rencontré l’année dernière dans sa boutique d’artiste à Himeji.

Le copain Irlandais non plus n’avait jamais entendu parler de SEAMUS & CAOIMHE.

CAOIHME, ce lundi 8 décembre 2025. Photo©Franck.Unimon

Durant notre trajet en train depuis la gare St Lazare, le copain Irlandais s’est amusé en apprenant que je me rendais à ce concert sans avoir entendu une seule note de leur musique ni vu la moindre vidéo. Lui, de son côté, avait entretemps fait ses recherches et écouté quelques airs :

Les concerts de SEAMUS & CAOIMHE, frère et sœur, chanteurs et multi-instrumentistes, étaient très appréciés. Ils chantaient dans une langue, le Gaélique, qui était très peu connue par la majorité des Irlandais. Lui-même ne la comprenait pas.

Nous sommes descendus à la gare de Courbevoie. Nous avons marché une dizaine de minutes. En nous rapprochant, j’ai aperçu une grande affiche montrant Marcus Miller. Il était venu faire un concert le mois précédent dans la grande salle. Je l’avais déjà vu deux fois en concert ailleurs.

A l’Espace Carpeaux, nous nous sommes assis à la dernière table vide. Toutes les autres tables près de la scène étaient occupées. Il restait encore des places dans le fond.

SEAMUS, ce lundi 8 décembre 2025. Photo©Franck.Unimon

Lorsque le concert a commencé, la salle était pleine. Quelques personnes étaient debout derrière nous. Nous sommes à l’époque où des artistes comme Rosalia et Aya Nakamura attirent des foules venues les voir sur des grandes scènes alors que ne figure pratiquement aucun musicien avec elles. En face de nous, ce lundi soir, SEAMUS & CAOIMHE, leurs instruments, leurs voix, leur humour et leur « pédagogie » dans une petite salle inspirée d’un club de Jazz.  

SEAMUS, ce lundi 8 décembre 2025. Photo©Franck.Unimon

J’ai beaucoup aimé la prestation de Rosalia lorsque je l’avais vue il y a maintenant deux ans dans un festival. Mais l’expérience était différente. Calibrée pour un show avec une grande maitrise des chorégraphies, de la mise en scène et de l’image en temps réel comme pour les réseaux sociaux.

CAOIMHE, ce lundi 8 décembre 2025. Photo©Franck.Unimon

Avec SEAMUS & CAOIMHE, la vie n’a pas besoin de tout ça. On fait simple puisque, de toute façon, la musique fait partie depuis toujours, bien avant notre naissance, depuis plusieurs générations, de nos bagages et d’heures passées à chanter et jouer en famille dans la région du Connemara. J’aurais aimé être présent à l’une de leurs soirées, là-bas, dans le Connemara. J’aurais aimé que ma fille soit présente à ce concert ce lundi soir.

SEAMUS, ce lundi 8 décembre 2025. Photo©Franck.Unimon

C’est étonnant comme deux artistes peuvent, dès leur premier titre, nous faire oublier que nous sommes dans une ville bétonnée de la banlieue parisienne. Mais c’est facile à comprendre. Chez SEAMUS & CAOIMHE, la musique n’est pas un meuble IKEA. Et c’est du solide.

CAOIMHE, ce lundi 8 décembre 2025. Photo©Franck.Unimon

Irrésistibles dès leur premier chant.  Délivrant en Anglais des explications à propos de leurs chansons, ils ont aussi été proches. Si je le peux, y compris financièrement,  je retournerai voir Rosalia en concert. Mais là où il avait fallu garder la tête levée et accepter d’être compressé au sein de la foule avec l’impossibilité de s’approcher en raison des barrières de securité et des fans téléportés/postés depuis plusieurs heures, ici, il y avait assez de place pour le regard horizontal du public.

CAOIMHE, ce lundi 8 décembre 2025. Photo©Franck.Unimon

Face à SEAMUS & CAOIMHE, la salle a été captivée. La bonne musique, c’est de la bonne musique ! Quelques personnes adeptes de la musique irlandaise ou y ayant peut-être séjourné tapaient quelques fois du pied en cadence comme SEAMUS & CAOIMHE le faisaient eux-mêmes.

 

Après le concert, j’ai pu interviewer SEAMUS.

SEAMUS, ce lundi 8 décembre 2025. Photo©Franck.Unimon

L’interview est au « bout » de cet article. Concentré sur l’interview alors que le copain irlandais me servait d’assistant et nous filmait, je me reproche d’avoir confirmé laconiquement à SEAMUS que le concert m’avait plu lorsqu’il me l’a demandé. Heureusement, cela ne semble pas l’avoir trop affecté.

Le lendemain, SEAMUS & CAOIMHE sont partis pour Brest. Ils avaient d’autres dates de concert ailleurs.

Avec SEAMUS et CAOIHME après leur concert ce lundi 8 décembre 2025. Photo : Fergus ( le copain Irlandais).

Leur album devrait sortir en 2026. Il est aussi prévu qu’ils reviennent au printemps 2026 pour jouer au centre culturel Irlandais près du Panthéon.

J’ai l’intention de retourner les voir. Cette fois-ci, ce sera un peu plus en « connaisseur ».

Avec SEAMUS & CAOIMHE après leur concert ce lundi 8 décembre 2025. Photo : Fergus ( le copain Irlandais)

L’ interview de SEAMUS est ici :

 

Franck Unimon, ce jeudi 11 décembre 2025.

 

 

 

 

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Intelligence artificielle

Intelligence Artificielle ce dimanche 7 décembre 2025

 

Intelligence artificielle ce dimanche 7 décembre 2025

Cela fait des mois, désormais, que nous entendons régulièrement parler de l’Intelligence Artificielle et de la façon dont celle-ci peut ou a déjà transformé notre monde. Notre façon de vivre. Des milliards sont engrangés dedans. Quelques pays semblent en être les leaders : la Chine et les Etats-Unis en tête suivis d’autres.

L’Inde ? Ou peut-être que je confonds avec le très haut niveau de compétence de l’Inde en informatique ?

Je me rappelle maintenant que lors de notre séjour à Plouharnel (en 2021 ?) nous avions entre-autres visité l’Abbaye Sainte Anne de Kergonan. Un endroit où nous nous étions retrouvés parce-que, comme à mon habitude lors de mes voyages, une fois sur place, souvent, j’improvise.

A l’Abbaye Sainte Anne de Kergonan, nous avions acheté quelques confitures. Mais j’y avais aussi acheté des livres.

L’ Abbaye Sainte Anne de Kergonan dispose d’une librairie.

L’ ouvrage de Kai-Fu-Lee I.A La Plus Grande Mutation de l’Histoire, paru deux ans plus tôt, avait fait partie de mes nouvelles acquisitions. Je n’avais jamais entendu parler de Kai-Fu-Lee auparavant. Et, alors que je prépare cet article pour mon blog Balistiqueduquotidien, je n’ai toujours pas pris le temps de lire cet ouvrage.

Mais je me souviens qu’en me voyant avec ce livre dans les mains dans la librairie de l’Abbaye Sainte Anne de Kergonan, qu’un des moines Bénédictins qui passait par là avait simplement remarqué  que ce qu’annonçait ce livre était…très particulier. J’avais perçu que ce moine prenait son contenu très au sérieux sans pour autant s’en inquiéter plus que cela. Cela avait été surprenant d’entendre un homme de Foi s’exprimer à propos d’un tel sujet sans réticence ou aversion.

Moi, je ne m’étais pas alarmé plus que ça. Nous étions alors en pleine pandémie du Covid ( on trouvera dans Balistiqueduquotidien des articles et des photos relatifs à cette période dans la rubrique Corona Circus ). Celle-ci -mais aussi la façon dont elle nous était régulièrement présentée et exposée par les média mais aussi par l’Etat- m’avait enfermé dans un cerceau mental qui m’empêchait de penser à d’autres sujets que les moyens à ma portée pour me sortir de cette atmosphère mortifère et anxiogène. Et ce séjour autorisé en Bretagne fut un des moyens existant pour me sortir un peu de ce fumigène anxiogène permanent que répandait alors la pandémie du Covid.

C’était deux à trois années après le dernier attentat islamiste en France. Environ une année après la dernière manifestation des gilets jaunes sur laquelle j’étais tombée en sortant de mon travail. ( voir mon article Gilets jaunes, samedi 14 mars 2020  ).

C’était avant la Guerre en Ukraine. Avant la réélection de Donald Trump aux Etats-Unis. Edouard Philippe était sans doute encore le Premier Ministre du Président Emmanuel Macron lors de son premier mandat présidentiel. Nicolas Sarkozy, ancien Président de la République française, n’avait pas encore passé ses trois semaines à la prison de la Santé.  Et c’était bien sûr avant les Jeux Olympiques de Paris en 2024.

Aujourd’hui, je n’ai aucune autre explication que la curiosité intellectuelle et peut-être l’influence de ce virus qui, en mutant, nous avait « donné » la pandémie du Covid qui nous a autant effrayé -mais aussi éclairé- sur nous-mêmes pour comprendre cet achat de l’ouvrage de Kai-Fu-Lee.

Car l’Intelligence Artificielle et l’informatique ne sont pas- du tout- mes domaines.

Je ne suis pas du tout un Geek.

Photo prise à Paris 13ème, en Mai 2024. Photo©Franck.Unimon

Et, si je regrette mon inculture béante- voire posthume- en matière de consoles de jeux et de jeux vidéos et affirme facilement qu’il y a dans cet univers une matière extraordinaire de créativité, de réflexion et d’expériences personnelles, j’ai aussi eu un œil amusé et étonné il y a maintenant quelques mois en apercevant la file de personnes serpentant près de la Fnac St Lazare, une nuit où je rentrais du travail.

Cette nuit-là, toutes ces personnes, d’une moyenne d’âge de 20 à 30 ans, n’étaient pas ces envahisseurs extra-terrestres aperçus par David Vincent une nuit où il rentrait, seul chez lui, par un chemin isolé en pleine campagne américaine, dans sa voiture. Ni des étrangers attendant l’ouverture d’une préfecture ou d’une sous-préfecture où ils pourraient effectuer des démarches administratives leur permettant de régulariser leur situation. Mais des consommateurs et des joueurs vidéos avertis, pressés, en plein Paris, d’être les premiers à acheter la nouvelle console Switch 2 de la marque japonaise Nintendo. En passant la frontière  du magasin Fnac qui, exceptionnellement, ouvrait ses portes à une heure aussi tardive pour le début de la commercialisation de la dite-console de jeux. 

Par ailleurs, je n’étais pas David Vincent. Et je retournais chez moi en passant par la gare St Lazare sur mon vélo pliant et non dans ma voiture à essence.

Quelques jours plus tard, cependant, je fus un peu amusé d’apprendre d’un de mes collègues, médecin urgentiste du Samu mais aussi adepte des jeux vidéos, qu’il avait fait partie de cette file d’attente que j’avais croisée près de la Fnac St Lazare.  

Ce collègue médecin-urgentiste et un autre, tout autant amateur de jeux vidéos, mais aussi d’autres collègues, souvent masculins, sont plus jeunes que moi de vingt ans en moyenne. Ils ont quarante ans tout au plus.

Mais l’écart d’âge n’explique pas tout.

L’ Américain Bill Gates, l’un des créateurs de Microsoft, est mon aîné de 13 ans. Et à l’âge – précoce – où il était fourré en permanence dans des expérimentations et des recherches informatiques, je regardais très probablement à la télé une série américaine ( peut-être la série David Vincent et les envahisseurs) en m’émerveillant.

Je suis arrivé à l’informatique et au téléphone portable- devenu smartphone- par obligation, conformisme et adaptation sociale. Ce sera sûrement pareil avec l’Intelligence Artificielle. Alors que d’autres font, très tôt, de ces disciplines, leur marotte, leur terrain de jeux, leur obsession, leur médiateur ou leur marqueur social. Leur échelle vers la promotion personnelle, sociale et économique. Et/ ou leur moyen de pouvoir et de contrôle sur les citoyens.

Edward Snowden et Julian Assange, par exemple, ont d’abord été des Geeks, des « passionnés », qui ont appris au contact d’autres Geeks et à mesure de leurs expérimentations répétées et poussées à l’extrême.

Et, aujourd’hui, en 2025, il est devenu normal qu’un Président comme Emmanuel Macron soit très à l’aise avec la technologie informatique ou les réseaux sociaux. Ou qu’une personnalité comme Elon Musk rachète un réseau social et s’y exprime comme il le souhaite. Ainsi que les dirigeants de grandes puissances ou de pays, le Russe Vladimir Poutine, l’Américain Donald Trump, le Chinois Xi Ji Ping ou le Président Ukrainien Zelensky pour donner quelques exemples. 

Tout cela était inconcevable à l’époque de Georges Marchais, Valéry Giscard D’Estaing, Brejnev, Jimmy Carter, Helmut Kohl, Ceaucescu, Bokassa, Mobutu, Margaret Thatcher, Dorothée, Les Forbans, ou lorsque le groupe U2 chantait With or Without you dans les années 80 et que cela devenait un tube mondial.

Vu que j’ai été en quelque sorte composé dans le bouillon d’une partie de ces références, et de bien d’autres inconscientes ou moins accessibles car faisant partie de mes spécificités sociales et culturelles antillaises,  je n’arrive pas, spontanément, comme certaines et certains, à entrevoir le potentiel de l’Intelligence Artificielle.

Je n’arrive pas à percevoir ce qu’elle peut permettre comme changement bénéfique et radical dans nos existences. Même si je suis parvenu à comprendre qu’il se passe quelque chose du côté de l’IA. Mais d’autres ont visiblement beaucoup plus d’informations que moi dans ce domaine.

Bien-sûr, il y a toujours des gens qui font semblant d’être dans le coup même lorsqu’ils ne comprennent rien à un événement en cours. Mais je me concentre ici sur celles et ceux qui sont très bien au fait de ce qui se passe avec l’Intelligence Artificielle ou de ce qui se passe à la Bourse ou en matière d’investissement immobilier.

C’est une minorité. Mais cette minorité existe. Et je n’en fais pas partie. 

Une fois de plus, avec l’Intelligence Artificielle, je fais partie de la majorité. Je suis comme celle ou celui qui  ne comprend rien à une musique, une partition ou à une œuvre qui se joue devant lui alors que d’autres y sont très à l’aise comme s’ils n’avaient connu que ça depuis le début de leur conscience.

C’est à cause de cette « infirmité », de cette cécité ou de cet archaïsme que je suis spectateur dans le domaine de l’Intelligence Artificielle tandis que d’autres en sont les créateurs, les influenceurs, les « champions » et les acteurs. Et, déjà, et bientôt, je subirai les conséquences – car il y aura aussi des conséquences- de mon « suivisme », de ma passivité et de mon archaïsme.

Bien-sûr, on peut toujours apprendre ou se remettre à « jour ».

« S’updater » comme on dit.

J’essaie de suivre mais celles et ceux qui se plongent et se baignent plusieurs heures par jour dans l’Intelligence Artificielle, qui l’admirent et qui s’entourent des meilleurs experts dans ces domaines pensent beaucoup beaucoup plus vite que moi.

Mais aussi ( très) différemment.

Je reste en quelque sorte (a)terré dans mon monde analogique ou cramponné à lui pendant que d’autres font du deltaplane ou de la parapente dans d’autres réalités ou pilotent des avions de chasse dont je remarque quelques fois les sillons dans le ciel.  

Cependant, encore aujourd’hui, écouter, observer et mémoriser, trois actions très anciennes parmi d’autres, permet de ne pas être tout à fait attardé….

Hier, en prenant le train de la ligne J pour Paris St Lazare, j’ai entendu un homme de près d’une trentaine d’années raconter à sa copine qu’une étude « scientifique » avait soumis des médecins et un programme d’intelligence artificielle à divers symptômes.

Selon l’homme écouté dans le train hier, le programme d’intelligence artificielle aurait obtenu 75% de réussite supplémentaire aux médecins.

Je sais que l’on peut se faire mener en bateau dans un train mais l’homme était sincère. Et, je crois que, « malheureusement », les chiffres vont se répéter dans ce sens. Et que, de plus en plus, tout concordera pour nous convaincre que, dans certains domaines pour commencer, les programmes d’Intelligence Artificielle peuvent faire beaucoup mieux que l’être humain comme la machine et l’informatique le font déjà.

Il y a quelques mois, sur un de nos groupes WhatsAPP du Samu psy, j’avais proposé de réfléchir en réunion à l’avenir de notre métier de soignant en psychiatrie avec l’Intelligence Artificielle. En réponse, seule M….la Machine, collègue psychiatre, m’avait -quelques jours plus tard- apporté un numéro spécial du Monde diplomatique consacré à l’Intelligence artificielle.  Un numéro qu’elle m’avait gentiment et spécialement acheté.

J’avais un peu parlé, aussi,  de l’Intelligence artificielle, avec M…notre doyenne, infirmière psychiatrique comme moi proche de la soixantaine.

Mais nous ne sommes pas les acteurs principaux de cette discipline qu’est l’Intelligence Artificielle.

Nos collègues médecins urgentistes du Samu, eux, avaient eu quelques réflexions ou une réunion au sujet de l’intelligence artificielle. Mais je n’en sais pas plus.

Des personnes comme ma sœur affirment que l’Intelligence Artificielle va faire disparaître beaucoup de métiers tels ceux que l’on peut trouver dans l’administration.

Si cet homme dans le train hier, admiratif de l’IA visiblement, a plutôt tendance à lui trouver plein de bénéfices, il existe aussi des réserves et des craintes concernant l’absence d’empathie de l’IA et le fait que certaines personnes, déprimées, suicidaires, isolées et désespérées espèrent trouver en « elle » un soutien et une aide.

Récemment, la lecture du résumé d’un podcast m’a appris qu’une personne suicidaire avait « reçu » de l’IA les informations nécessaires afin de pouvoir réussir son suicide.

Dans un article que j’ai lu récemment dans le journal Les Echos, je crois, les métiers réservés aux soins faisaient partie des plus préservés des avancées de l’IA. Avec un certain nombre de métiers manuels.

Mais je crois qu’il faut nuancer.

Par exemple, au Samu, je m’attends maintenant à ce que le travail fait actuellement par les ARM ( Assistants de régulation médicale ) soit peu à peu remplacé ou complété par de l’IA. Puisque cela fait déjà des années, maintenant, qu’en appelant « notre » banque, « notre » assurance ou une entreprise ou une administration quelconque que nous devons en passer systématiquement par un « assistant » virtuel qu’il nous est impossible d’éviter et dont les réponses et les capacités d’interaction sont souvent  bornées mais aussi très stéréotypées et très limitées. Ce qui peut nous faire ressentir et vivre bien des situations d’impuissance, d’énervement mais aussi de découragement.

Pourtant, lorsque je vois les somnanbules ambulants que nous sommes devenus avec nos smartphones, je me figure que nous sommes d’ores et déjà préparés et entraînés pour converger davantage vers une vie de plus en plus contrôlée et mesurée par l’Intelligence Artificielle.

Je n’ai aucun projet de révolution qui viendrait contredire ou repousser cette « évolution » ou de projet de retour à une vie dans la nature ou à la campagne au sein d’une communauté. 

Bien-sûr, nous nous adapterons ou nous serons forcés de nous adapter à ce qui est en train « d’advenir » avec l’Intelligence Artificielle.

Sauf que les rêves de certains entrepreneurs et développeurs de « génie » dans le domaine de l’Intelligence Artificielle ne sont pas les miens.

En page 20, du journal Les Echos de ce mercredi 3 décembre 2025, dans l’article Mistral dévoile ses «  petits modèles » d’IA embarquée. on peut voir une photo d’Arthur Mensch.

La page du journal Les Échos de ce 3 décembre 2025 dont je m’inspire en partie pour cet article.

Il y a plusieurs semaines, dans un autre numéro du journal Les Echos, j’avais appris l’existence d’Arthur Mensch, trentenaire, et de ses autres partenaires et co-fondateurs de la start up française Mistral AI. Ils sont aussi jeunes que lui. Sans doute que parmi eux ( trois hommes pour les autres principaux co-fondateurs), on  doit pouvoir trouver, aussi, des grands amateurs de jeux vidéos et de la nouvelle console Switch de Nintendo….

Dans cet article du journal Les Échos de ce 3 décembre 2025, Arthur Mensch, cofondateur de la prometteuse start up (française) Mistral AI, est montré portant chemise bleue claire, à rayures blanches, cravate à pois et veste noire.

La trentaine à peine, donc, plutôt bel homme, celui-ci, un discret sourire sur le visage, semble regarder au loin. Le point étant fait sur lui, les personnes derrière lui apparaissent floues. Même si l’on aperçoit derrière lui le profil d’une femme vraisemblablement plus âgée que lui ainsi que le visage d’un homme apparemment d’une cinquantaine d’années- d’après ses cheveux blancs- qui semble regarder par terre.

La même page du journal Les Échos dont je m’inspire en partie pour cet article mais avec un zoom sur Arthur Mensch, co-fondateur de Mistral AI, start up française très prometteuse.

Le présent et l’avenir appartiennent à Arthur Mensch nous dit la photo. Mais pas aux autres co-fondateurs de Mistral AI ? Comme dans le film Highlander dont un remake est prévu, je crois, il ne peut donc  » en rester qu’un ?! ». 

Mais si la photo a « raison », alors, l’article du journal écrit en principe par un être humain-la journaliste Joséphine Boone- nous raconte entre-autres ceci ( que je retranscris):

« (…..) Son nouveau grand modèle « frontière », Mistral Large 3, est multilingue : il maintient un même niveau de performance dans « un grand nombre de langues », notamment européennes, explique la start-up. Mais il est surtout multimodal : Il peut lire des documents autres que du texte, comme l’audio, l’image ou la vidéo. Cette particularité le classe dans la même catégorie que son homologue Gemini 3 lancé il y a quelques semaines par Google et déjà considéré comme le meilleur modèle jamais sorti (….)

Ce grand modèle est décliné en une série de neuf « petits modèles » appelés « Ministral » qu’il est possible de faire tourner directement sur des appareils sans avoir besoin de les connecter au réseau Internet(….) ».

 

« (…..) La prochaine vague d’IA ne se définira pas par son ampleur, mais par son omniprésence : des modèles suffisamment petits pour fonctionner sur un drone, dans une voiture, dans des robots, sur un téléphone ou un ordinateur portable », explique la start up, qui figure parmi les leaders de son domaine en Europe.

Lire ça me fait déjà suffisamment peur. Je pense évidemment au film Terminator de James Cameron. Mais aussi à Alien de Ridley Scott.

La suite de l’article me donne encore plus d’arguments pour m’inquiéter :

« (…..) Dans certaines industries, ces caractéristiques sont stratégiques. Sur un champ de bataille soumis au brouillage des ondes-le front ukrainien, par exemple- de telles technologies sont fondamentales pour améliorer les performances des drones. Mistral a notamment signé cette année un partenariat avec la start-up allemande Helsing, spécialisée dans les drones de combat ».

 Donc, ce beau jeune homme qu’est Arthur Mensch, qui est aussi une personne qui a effectué des très bonnes études supérieures, et ses trois autres cofondateurs du même âge et du même profil étudiant, qui représentent comme lui l’avenir avec l’Intelligence Artificielle, s’investissent – aussi- dans une industrie de guerre.  Donc dans une industrie de destruction, de souffrance.

Et de profit.

En dessous de cet article, un article, également sur l’Intelligence Artificielle, de la même journaliste, mais, cette fois, à propos de Sam Altman, référence mondiale de l’Intelligence Artificielle avec ChatGPT ( qui, je crois, compte à ce jour 800 millions d’utilisateurs dans le monde).

L’article a pour titre : Une « super-app » pour dominer le Web : le rêve avoué d’OpenAI et ChatGPT

La même page du journal Les Échos, un peu plus bas. En dessous de l’article qui présente une photo d’Arthur Mensch, cofondateur de Mistral AI.

Dans le chapo de l’article, on lit ceci :

« Sam Altman rêve de faire de ChatGPT une « super-app » incontournable qui regrouperait tous nos usages d’internet.

En trois ans, les fonctionnalités ajoutées au chatbot ont déjà transformé le web ».

 Puis, l’article débute :

« A la suite d’une séparation houleuse en 2018 et d’une interminable bataille juridique depuis deux ans, Sam Altman et Elon Musk sont passés d’un duo très prometteur à de véritables frères ennemis de la tech américaine (….) ».

 « Super-assistant omniscient » (….) « Un document interne, dévoilé au printemps dans le cadre d’un procès antitrust contre Google, révélait qu’OpenAI travaillait déjà activement à faire de ChatGPT « un super-assistant omniscient » : une sorte de compagnon du quotidien, réalisant à notre place les tâches rébarbatives- lire des mails, faire des courses- tout en aidant à réaliser des travaux d’experts-conseil médical, code….. »

 « Le succès de ChatGPT dès son lancement a apporté de l’eau au moulin d’un tel projet. Fort de ses 800 millions d’utilisateurs hebdomadaires, le plus célèbre des chatbots d’intelligence artificielle ne cesse depuis trois ans d’élargir ses fonctionnalités(….) ».

 « (….) OpenAi fait néanmoins face à une concurrence de plus en plus féroce de la part de Google et de start-up de l’IA ».

 « (….) Des dizaines d’entreprises ont déjà signé des accords pour être intégrées pleinement à cet écosystème : Walmart, Amazon, Uber, Spotify, Booking.com, Canva, The Fork.

« OpenAI commence à marcher sur les plates-bandes d’acteurs très établis en monétisant de plus en plus de services. La start-up veut créer un système d’exploitation comme l’ont fait Apple ou Google où l’internaute ne sort plus de l’interface. ChatGPT sera le point d’entrée du consommateur du futur, qu’il connaîtra encore mieux que n’importe quelle autre plateforme », abonde Hanan Ouazan, associé chez Artefact, un cabinet spécialisé en intelligence artificielle ».

 « (….) La start-up pourrait même pivoter vers les produits physiques. OpenAI vient de débaucher Jony Ive, le designer de l’Iphone, et toute son équipe. Ensemble, ils espèrent développer un appareil révolutionnaire conçu autour de l’IA, qui pourrait être commercialisé dès 2027 ».

 Le monde des affaires ou du business est constitué de personnes entrepreneuses et novatrices qui imposent leur vision et leur réussite. Je comprends donc l’attrait que peut susciter, ici, l’intelligence artificielle. Je comprends aussi que ces « aventures » dans le monde des affaires ou du business puissent nous inspirer dans nos projets personnels. Ou que nous puissions aussi apprendre des échecs fracassants d’entreprises prometteuses.

L’ Intelligence Artificielle apporte et apportera aussi ses « progrès» et nous facilitera la vie dans certains domaines comme d’autres évolutions technologiques ont pu et peuvent aussi nous faciliter la vie. Mais en tant que « double » ou miroir de nous-mêmes, l’Intelligence Artificielle nous confronte et nous confrontera à la lame la plus impitoyable de notre conscience.

Avec elle, nos victoires seront peut-être aussi magistrales que nos pertes. Quoiqu’il en soit, après la lecture de ces deux articles, une lecture qui prend quelques minutes, on peut sourire de celles et ceux qui vont utiliser une partie de leur temps, de leur énergie et de leur intelligence à critiquer le dernier album d’Aya Nakamura, sa participation aux JO de 2024 à Paris ou qui vont reprocher au Footballeur Kylian M’Bappé de marquer « uniquement » sur pénalty.

On peut aussi s’étonner- ou s’émerveiller- devant la diversité et la complexité de l’espèce humaine qui, tout en élaborant un monde de plus en plus assujetti à l’Intelligence Artificielle, à ses réussites comme à ses violences inhérentes, est encore capable de nous « amener » des artistes comme l’Islandaise Björk, la Réunionnaise Ann O’Aro ainsi que les derniers albums Himno Vertical de Rocio Marquez et Lux de Rosalia, toutes deux Espagnoles.

Franck Unimon, ce dimanche 7 décembre 2025.

 

 

 

 

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En Concert

Eben en concert à Paris au Petit Bain ce 25 novembre 2025

 

Le groupe Eben, mardi 25 novembre 2025 au Petit Bain. Photo©Franck.Unimon

Eben en concert à Paris au Petit Bain ce 25 novembre 2025

Il ne faudra pas attendre.

Jimmy Cliff ce 24 novembre, Biyouna, ce 25 novembre.

Dans la tombe.

Ce Mardi 25 novembre, sur le bureau, côte à côte, l’album solo de Shurik’n Où je vis et l’album concert hommage du groupe Kassav’ à Jacob Desvarieux. Rangé à portée de destin, Lux, le dernier album de Rosalia. Finalement acheté, pas encore écouté. Beethoven a été entendu au piano un peu plus tôt dans le film Des preuves d’Amour d’Alice Douard. Et, ce soir, le groupe Eben est à la salle de concerts Le Petit Bain, à Paris 13ème.

Aucune logique dans cette succession d’informations. Puisque la musique est la brèche, l’échelle d’éther, l’escalier de reflets, ou le parcours surprenant pour sortir de terre.

Pour s’évacuer.

Issue de partout, la musique ne s’arrête jamais et nulle part.  

Il ne faudra pas attendre.

Je devrais être vieux. Je devrais guetter mes traits, mes écrans, mes applications, ne plus (me) chercher, me reposer, me confier à Black Friday. Me laisser dorloter.

Mais mon adolescence et Miles Davis (« My Mind is not shut ») continuent de me pousser.

Le groupe Eben au Petit Bain, mardi 25 novembre 2025. Photo©Franck.Unimon

Je suis sorti puisque je n’avais pas le choix. Froid, nuit. Le train de banlieue un peu retardé pour Paris. La ligne 14. La ligne 6. Puis marcher quelques minutes. Dépasser la piscine Joséphine Baker.

Je ne connaissais pas la salle de concerts Le Petit Bain et encore moins le groupe Eben un mois plus tôt. Naïade Productions m’a mis sur le trajet de leur dernier album, DiNASKAÑ  (Désentraver).

Chants polyphoniques, langue bretonne, alto cinq cordes, guitare électrique, guitare douze cordes, contrebasse, tablas, percussions.

Sterenn Diridollou, Marine Lavigne, Sterenn Le Guillou, Jonathan Dour, Antoine Lahay, Julien Stévenin, Ilyas Khan.

Le groupe Eben, au Petit Bain, mardi 25 novembre 2025. Photo©Pierre « Raguse » Cassard.

Leurs titres m’avaient plu. Et, j’étais certain- je le redis- qu’ils me plairaient sur scène.

 

Une partie de la conduite du groupe Eben, ce mardi 25 novembre 2025 au Petit Bain. Photo©Franck.Unimon

Leurs thèmes aussi : l’émancipation. L’attachement à une langue, ici, la langue bretonne, plutôt que la novlangue et les anglicismes courants (même si je pratique l’Anglais et considère que s’attarder à parler une seule langue est selon moi un handicap plus qu’une vertu). Le féminisme. Le refus des loups du fascisme qui m’ont rappelé les « loups gris » des nazis durant la Seconde Guerre Mondiale.

Ma principale surprise n’a pas été d’être le seul Noir spectateur dans la salle. Ça, cela m’a plutôt amusé.

Je n’avais pas prévu la danse.

Le groupe Eben au Petit Bain, ce mardi 25 novembre 2025. Photo©Franck.Unimon

Autant de personnes qui dansent dans la salle. Plutôt jeunes, mais des un peu moins jeunes aussi. Beaucoup de monde dansait. A deux. En groupe. En faisant en quelque sorte la ronde. Deux hommes ensemble.

Cela m’a rappelé un mariage en Ecosse. Un Fest-Noz en région parisienne. Mais aussi le concert de Lindigo. Celui de Lagon Nwar.  Les soirées antillaises, baptêmes, mariages et autres.

J’ai repensé au titre de Kassav’, Zouk-La-Sé-Sel-Médikaman-Nou-Ni (Un titre d’une quarantaine d’années). Aux propos de Jacob Desvarieux dans une interview, alors qu’il expliquait, qu’à entendre le zouk de Kassav’, on pouvait penser que c’était une musique seulement entraînante ( surtout si notre principal repère est un des tubes coquins de Francky Vincent). Mais qu’en écoutant de plus près les paroles de Kassav’, en Créole, qu’on s’apercevait que les sujets abordés étaient loin d’être toujours ensoleillés.

On se rapproche aussi de Bob Marley qui pouvait chanter «  Hit me with Music » ou qui voulait voir dans la musique un moyen de mieux endurer certaines souffrances.  

J’ai aussi pensé au titre A Love Song de Natacha Atlas sur un des albums de Jah Wobble, Heaven and Earth. A Susheela Raman, Kristen Nogues, Jacques Pellen, Per Jakez Hélias…

Le Groupe Eben, au Petit Bain, mardi 25 novembre 2025. Photo©Franck.Unimon

Etre ensemble, reprendre des forces par le chant, la danse, le corps et la mémoire, sans pour autant avoir le projet de conquérir le monde si ce n’est celui de vivre. Je crois que le groupe Eben raconte ça.

Un petit complément de leur quête se trouvera dans l’interview. Il y en a « deux ».  Celle, plus complète, uniquement audio, que je préfère. Et celle avec des images, un peu mal cadrée, mais que j’ai décidé de garder néanmoins pour sa spontanéité et les archives.

Il ne faudra pas attendre pour découvrir Eben ou aller les voir sur scène.

Avec Marine Lavigne, une des chanteuses du groupe Eben après le concert ce mardi 25 novembre 2025. Photo©Franck.Unimon

L’interview audio ci-dessous.

 

Franck Unimon, ce mercredi 26 novembre 2025.

 

Bonus archives : L’ interview de Marine Lavigne en images est ici.

 

 

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Théâtre

Ovidie au théâtre : la chair est triste hélas

Ovidie au théâtre : La Chair est triste hélas

La première fois que je suis allé voir La Chair est triste hélas au théâtre, c’était avec une copine il y a quelques jours.

J’ai rencontré A…il y a une vingtaine d’années lors d’un stage de théâtre. Depuis, A vit de son métier de comédienne et de metteure en scène et dirige sa compagnie de théâtre.

Je n’ai pas eu la même persévérance. Aujourd’hui, je n’ai plus ou je n’ai pas l’envie ou le ressort pour cela. Quelques fois, je me dis que le seul en scène ou le théâtre d’improvisation pourraient peut-être me redonner cette envie.

J’avais vu ou entendu parler de l’adaptation théâtrale du dernier ouvrage d’Ovidie. J’avais assez peu lu ses ouvrages. Mais c’est une personnalité publique. Et il était arrivé que j’accède à certaines de ses idées. Je savais par exemple qu’elle s’était alarmée à propos de la pornographie que n’importe quel mineur pouvait désormais très facilement « regarder » ou télécharger sur internet. Elle a écrit au moins un ouvrage sur le sujet.  Je la savais engagée. Militante. Féministe.

Je l’avais écoutée, dans un de ses podcasts, avec son ami Tancrede. Je savais qu’au début des années 2000, elle avait eu une  courte carrière d’actrice porno à peu près en même temps que Clara Morgane. Mais je n’ai jamais cherché à regarder un seul de ses films. A la limite, je crois maintenant me rappeler qu’elle avait joué – habillée-dans le film Le Pornographe de Bertrand Bonnello dans lequel l’acteur Jean-Pierre Léaud avait le rôle principal. Mais ce n’était pas pour la voir, elle, que j’étais allé voir le film. Plutôt pour Bonnello.

Quitte à parler d’ex actrices pornos, je me dis que Ovidie ou avant elle Brigitte Lahaie ont sans aucun doute des choses à nous dire. Mais je ne parle pas, ici, de formules kabbalistico-aphrodisiaques pour mieux bander.

A l’Etrange festival, il y a plus d’une vingtaine d’années, je me rappelle de deux ou trois actrices pornos venues nous présenter un ou plusieurs films X avec le producteur John B.Goode. L’une d’elles, en s’adressant à nous, public majoritairement masculin, nous avait dit :

« Mes copines et moi, on assume ».

Je me rappelle aussi d’un spectateur, homo, qui avait regretté qu’il y ait si peu « de bouffage de culs » dans les films lors de cette soirée films X.

C’est une affiche vue ce mois de septembre dans le métro alors que je me rendais à mon travail qui m’a rappelé que le livre d’Ovidie allait être « joué » au théâtre. On pouvait voir l’actrice Anna Mouglalis. Ce n’était pas une photo de film X ni de bouffage de cul.

Mes souvenirs les plus fixes concernant Anna Mouglalis se trouvaient dans les films Romanze Criminale et J’ai toujours rêvé d’être un gangster. J’avais lu ou entendu que son amoureux lui avait offert le livre La Chair est triste hélas d’Ovidie avant que celle-ci ne lui propose de l’interpréter sur scène.

L’affiche dans le métro m’a décidé à aller voir l’adaptation théâtrale. J’aurais pu y aller seul. J’ai opté pour mettre un message sur ma page Facebook afin de proposer à celui ou celle de mes amis qui le voudrait d’y aller avec moi. Je me faisais assez peu d’illusions :

Il était plutôt probable que ce soit des femmes qui réagissent. Deux femmes amies ont réagi. Florence-Jennifer, une ex collègue infirmière psychiatrique, qui a apposé un Like sous mon message. Et A qui m’a envoyé un message personnel pour me faire savoir qu’elle voudrait bien y aller.

Nous y sommes donc allés, A et moi. Nous sommes arrivés environ trois quarts d’heure plus tôt. A connaissait déjà le très beau théâtre de l’Atelier. Je m’en suis voulu de le découvrir seulement à cette occasion. Je m’étais déjà plus ou moins promené dans les environs sans aller de ce côté-là.

J’avais acheté des places au premier rang. A voir toutes ces femmes dans le public et si peu d’hommes, je me suis amusé à me sentir rassuré par la présence de A avec moi. Je connaissais les sujets du livre. J’avais préféré le lire auparavant afin de me préparer. 

L’homme hétéro n’est pas beau dans l’ouvrage d’Ovidie. C’est plutôt un raté, un mec qui a beaucoup de choses à se faire pardonner vis-à-vis des femmes. Sexuellement. Socialement. Psychologiquement. Et dire que les femmes hétéros se font beaucoup violence pour lui plaire et se sentir désirées par lui. On croirait presque entendre la chanteuse Brigitte Fontaine :

« Parce-que je suis con-ne ! »

Alors que j’écris tranquillement dans ma chambre, je me permets aujourd’hui de faire de l’humour. Mais au théâtre de l’Atelier, je subodorais, sans en être certain, une petite pointe d’hostilité contenue de certaines femmes vis-à-vis du masculin hétéro avant le début de la représentation.

A, elle, était parfaitement détendue. Elle a remarqué que j’étais le seul homme noir dans la salle. J’ai aperçu un homme, seul, non loin de nous au premier rang au début de la rangée. La jeune trentaine, il avait avec lui son casque de scooter ou de moto. J’ai un peu admiré sa sérénité. A mon sens, il devait y avoir dix hommes tout au plus en tout dans la salle. Et la salle était pleine. J’ai aperçu quelques femmes noires. Mais cela ne m’était d’aucune utilité.

La représentation a commencé avec quelques minutes de retard. J’ai compris la cause de ce retard lorsque je suis retourné voir l’adaptation avec ma mère quelques jours plus tard.

Anna Mouglalis porte le texte. Je ne trouve pas qu’elle le « joue » particulièrement bien. Mais elle est sincère. Elle a été émue lors des applaudissements à la fin de la représentation. Elle a levé le poing avant de s’en aller après plusieurs saluts.

Durant la représentation, plusieurs femmes ont ri en diverses occasions. Y compris A.  Je ne me suis pas senti visé ou agressé par ces rires. Il m’a semblé qu’il y avait de la catharsis dans ces rires. Même si, sans doute, certaines femmes avaient aussi envie de faire périr des hommes après quelques souffrances. Je repense à l’animatrice Alessandra Sublet qui, dans un podcast, je crois, a raconté que sa grand-mère lui avait révélé qu’elle avait eu plusieurs fois envie de tuer son propre mari «à mains nues ». Certaines femmes, dans la salle, avaient peut-être les mêmes démangeaisons vis-à-vis d’un homme qu’elles connaissaient ou avaient connu.

Je ne me suis pas senti visé ou agressé par les rires des femmes lors de la représentation. D’une part parce qu’un certain nombre des propos d’Ovidie énoncent des faits ; d’autre part parce-que je ne suis pas responsable de tous ces faits. Et, enfin, parce qu’il y a tellement de reproches adressés aux hommes hétéros que cela m’a éloigné d’une certaine culpabilité. On peut se sentir coupable lorsque l’on sait que ce qui nous est reproché était ou est à notre portée afin de le corriger ou de l’éviter. Et que l’on a fait montre de négligence ou de facilité. Mais lorsqu’il y a trop d’indications ou de « consignes », on ne peut plus suivre : On ne peut plus s’engager dans une quelconque opération de réparation. Car, par où commencer ? Et puis, est-ce que cela en vaut véritablement la peine ? Puisqu’il y aura toujours quelque chose de travers. Il y aura toujours quelque chose que l’on fait mal.

Il m’a semblé qu’il y avait une énergie punk ou anarchiste dans le texte de Ovidie en le « voyant » et en l’écoutant sur scène. Il m’a aussi semblé que son texte allait faire parler de lui autant que Les Monologues du vagin il y a une vingtaine d’années. Ou peut-être plus.

J’ai assez vite regretté, finalement, d’avoir lu le texte avant de venir. Mais cela m’a permis de constater certains des choix d’Ovidie. Pour la scène, elle n’a pas mentionné son attirance pour les « machos hyper virils » ainsi que certaines de ses attitudes cassantes ou humiliantes envers certains hommes qui perdaient leurs moyens sexuellement devant elle. Elle en parle un peu dans son livre. En passant. Elle entre donc dans la danse de ces femmes féministes qui réclament des hommes plus de délicatesse, d’attention ou d’insight et qui, finalement, ont une certaine tendance à les bazarder à un moment ou à un autre.

J’ai repensé à cet homme de près de trente ans, aperçu avec sa copine vraisemblablement, dans le train de la ligne J que j’avais pris pour la gare St Lazare. Il était plutôt musclé, du genre trapu, portant un pull de laine moulant qui mettait sa physionomie en valeur. Il s’était habillé à son avantage. Il était mignon ou avait son charme selon les termes que l’on préfère. Elle le dépassait de 15 à 20 centimètres. Il s’était hasardé à évoquer le réalisateur Cédric Jimenez, coupable pour certains d’avoir réalisé un film comme Bac Nord. Aussitôt, sa copine s’était faite furax. Il s’était empressé de désamorcer la situation. Comme si parler d’un film et de son réalisateur pouvait être dangereux pour leur relation sentimentale. Je ne suis pas envieux de la vie de cet homme.

Je m’interroge un peu sur l’amoureux de Anna Mouglalis. Je me demande si je pourrais offrir le livre d’Ovidie. Je ne le crois pas. Je pourrais parler de ce livre, proposer à quelqu’un de venir voir avec moi son adaptation théâtrale. Je pourrais envoyer mes articles sur ce livre et sur ses représentations théâtrales. Ou je serais curieux de des impressions d’un autre ou d’une autre après qu’il/elle ait lu La Chair est triste hélas ou en ait vu l’adaptation au théâtre.

Mais je ne pourrais pas l’offrir. Même si je vais le garder avec d’autres. Et peut-être le relire.  

Après la représentation, A et moi nous sommes levés pour partir comme tout le monde. Nous avons pris notre temps.

Dans le regard de certaines femmes que nous avons pu croiser, j’ai cru déceler une intensité particulière. « Particulière » parce-que je ne la remarque pas à ce point d’ordinaire dans la rue ou lorsque je fais mes courses au supermarché.  Impossible pour moi de savoir si je plaisais particulièrement à ces femmes ou si, au contraire, elles se retenaient de m’en vouloir faute de preuves ou parce que le théâtre était encore éclairé.

 

Franck Unimon, ce dimanche 28 septembre 2025.  

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Pour les Poissons Rouges

Ce matin avec ma mère

Ce matin avec ma mère

A Paris, la séance de 11h30 du film A Toute épreuve de John Woo a commencé au cinéma le Grand Action. Cela fait deux semaines que j’essaie de retourner le voir au cinéma, ce film. Je vais encore le « rater ». J’ai le dvd chez moi mais j’aimerais le revoir dans une salle de cinéma. 

Mais ce matin, j’ai discuté avec ma mère avant que ma petite sœur ne vienne la chercher. Ma mère, retournée vivre en Guadeloupe avec mon père il y a plus de vingt cinq ans, est encore avec nous en région parisienne pour quelques jours avant de repartir pour la Guadeloupe.

Ma mère a 77 ans. Il y a quelques jours, j’ai eu l’idée de l’emmener voir la représentation théâtrale du dernier ouvrage de Ovidie :

La Chair est triste hélas avec la comédienne Anna Mouglalis sur scène pour porter le texte. ( voir La Chair est triste, hélas ! un livre d’Ovidie )

Au départ, j’ai été très content de moi en ayant cette idée sans lui en parler. J’étais venu une première fois, avec une copine, assister à la représentation. En entendant ce texte à charge contre les hommes hétéros qui maltraitent les femmes et les baisent mal, j’avais entendu des femmes rire dans la salle à plusieurs reprises.

C’était le rire de celles qui se reconnaissent. Le rire cathartique de celles qui ont encore la possibilité -ou qui décident -d’extraire d’elles de cette façon autant qu’elles le peuvent des années et des prisons de venin. De souffrance. De colère. De tristesse.

C’était le rire de femmes aptes à l’autodérision. Et, peut-être, aussi, à la vengeance.

Je ne pouvais pas rire comme ces femmes et avec ces femmes. Car j’étais et suis un homme hétéro. Un des échantillons de ces hommes dont Ovidie s’est faite un tailleur sur mesure dans son texte : La chair est triste hélas.

Donc, d’une façon ou d’une autre, je faisais partie de ceux qui avaient maltraité, maltraitent ou maltraiteraient des femmes ou les baiseraient mal.

La copine avec qui j’étais allé à la représentation avait ri à certains moments. Moi, il y a un moment en particulier où j’avais souri et failli rigoler avant de me retenir. Lors de ce passage où Ovidie, à travers la voix et le corps d’Anna Mouglalis, avait déclaré que les hommes devraient raser les murs chaque fois qu’ils baisent mal une femme. Je m’étais un peu imaginé la scène d’hommes se déplaçant honteusement, les yeux au sol, essayant autant que possible de se cacher du regard des autres, et disparaissant aussi vite qu’ils le pouvaient.

Je ne me vois pas comme un expert en sexualité et en plaisirs du corps. Mais comme un adepte depuis longtemps de l’autodérision. Ce rire cathartique des femmes autour de moi dans la salle, je le connais depuis l’enfance.

Je n’ai pas été victime d’inceste, de viol ou d’attouchements sexuels. Mais comme beaucoup d’enfants, sans distinction de sexe, j’ai connu l’angoisse, la violence physique et morale.

J’ai appris, comme beaucoup d’enfants, à faire la distinction entre le châtiment « juste » parce-que l’on a fait une bêtise que l’on est parfaitement capable de comprendre et l’abus de force, de pouvoir comme l’humiliation. 

Je n’ai pas fait que subir. Je n’ai pas tout le temps subi et enduré.

Néanmoins, j’ai mémorisé. J’ai été spectateur/observateur puisque je n’avais pas d’autre choix.  Puis j’ai pensé.

A des moments divers de ma vie. Grâce à des rencontres, des lectures, des expériences personnelles et professionnelles, de l’introspection. En sortant ou en m’extrayant quelque peu du périmètre mental dans lequel j’aurais pu rester tel un poisson rouge tournant dans son bocal.

J’aurais pu tout reproduire exactement à l’identique comme d’autres l’ont fait et le font. Il aurait suffi  » de ne pas se prendre la tête ». Et de (se) laisser faire. 

Les thérapies sont arrivées plus tard, à partir de la quarantaine. 

Pour moi, aller voir cette représentation La Chair est triste hélas de Ovidie, après avoir lu le livre, c’est, d’une façon ou d’une autre, me prendre moi-même à contrepied.  Sortir un peu du bocal. C’est aussi un peu comme accepter de monter sur un ring de boxe tout en sachant que l’on va forcément prendre des coups. Même si l’autre, en face, nous assure :

« Je n’ai pas de compte à régler avec toi. Je ne te ferai pas ( de ) mal ».

Et, en retournant voir cette représentation théâtrale avec ma mère, j’espérais qu’elle, aussi, allait se mettre à rire comme ces femmes que j’avais entendues la première fois. J’espérais qu’elle acquiesce un peu comme on le voit faire dans ces églises où l’on chante du Gospel et où les fidèles répètent « Amen ! » en chœur parfois jusqu’à cette transe qui anesthésie momentanément les souffrances.

J’espérais une « discussion ».

A côté de moi, lors de la « représentation », ma mère n’a pas ri.

Pour commencer, en ré-entendant dès les cinq premières minutes de la représentation, les mots « fellation », « pipe », « sodomie » et autres avec ma mère près de moi, j’ai été très embarrassé.

Mal à l’aise, j’avais très envie de rire. Mais je ne le pouvais pas. Cela aurait été très mal compris autour de nous. Le public était très majoritairement féminin.

Pendant plusieurs minutes, je me suis dit que j’avais finalement été très mal inspiré en emmenant ma mère au théâtre de l’Atelier pour voir cette représentation. Que c’était évident ! Puis, voyant que ma mère ne bronchait pas, j’ai accepté que, pour elle, il n’y avait rien de choquant.

Vers la fin de la représentation -qui dure 1h10 et commence à 21 heures- ma mère s’est endormie. A deux ou trois reprises, sa tête et son corps se sont penchés vers moi. Je me suis alors dit que la représentation ne lui avait pas plu.

Lorsque nous sommes sortis, ma mère m’a répondu-affirmé, que cela lui avait plu. Qu’elle avait préféré ça à une sortie au théâtre qu’elle avait faite avec mon père. J’étais assez perplexe. Je crois qu’elle m’a dit ça pour me faire plaisir. Pour ne pas me vexer. Je me suis dit que la représentation lui était passée complètement au dessus de la tête. Sur scène avaient été employés des termes et du vocabulaire qui ne font pas partie de son monde. 

Cependant, je me suis quand même dit que c’était « bien » d’avoir en quelque sorte remis ma mère dans la boucle de la culture. Elle, qui, alors qu’elle était enceinte de moi, était encore garde d’enfants, au 21 rue Condorcet à Paris. 

D’une certaine manière, en l’emmenant-entraînant dans cet endroit, à Paris, en France, le soir, moi, son enfant aîné, né en France, j’avais fait mon devoir. Enfant, c’était elle qui m’emmenait dans Paris et ailleurs. Là, c’était moi. 

J’ai déjà parlé un peu de ma mère ( voir l’article  Tuer des noix de coco ).

Je ne pourrais pas parler du monde des femmes présentes autour de moi ce soir-là où lorsque j’étais allé assister à la représentation une première fois avec une copine. Je ne connais pas la vie de toutes ces femmes. Si une étude sociologique de ce public est réalisée, j’aimerais bien la lire. Je pense que ces femmes que j’ai croisées lors de ces deux représentations sont dans leur ensemble plutôt « éduquées » et/ou militantes. Ou victimes. Qu’elles ont plutôt fait des études supérieures. Elles peuvent être dans la vingtaine mais ont plutôt la trentaine ou la quarantaine. Des femmes blanches dans leur grande majorité. J’ai dû apercevoir moins de dix femmes noires à chaque fois où je suis venu. Mais ce sont, là, mes impressions à vue d’oeil sans la moindre certitude. 

Mais je sais que Ovidie a obtenu un doctorat. Je sais que la copine avec laquelle je suis venu la première fois a fait des études supérieures et est très impliquée au moins comme actrice culturelle en tant que comédienne et metteure en scène. Toutes deux vivent plutôt en ville ou ont toujours vécu en ville.

Ma mère vient d’une famille nombreuse ( 16 ou 17 enfants en l’incluant) de la campagne et d’un milieu social modeste. Elle est née à la fin des années 1940. 

Je sais- pour en avoir rediscuté avec elle récemment- que ma mère, en Guadeloupe, avait d’abord dû quitter l’école avant le niveau du certificat d’études pour, dans la maison de ses parents, s’occuper du ménage, des enfants plus jeunes et de la cuisine.

Puis, venue en France un peu avant ses vingt ans, à force de cours du soir et de cours de correspondance, après avoir connu plusieurs expériences professionnelles y compris à l’usine et en tant que caissière, ma mère est finalement parvenue à obtenir le niveau BEPC et à devenir aide-soignante. En répondant à mes questions ces jours-ci, alors qu’elle était chez moi,  ma mère m’a permis de continuer à reconstituer une partie de mon histoire au travers de la sienne. 

C’est sans aucun doute aussi pour ma mère que je lis des ouvrages féministes ou que je lis un ouvrage tel que La Guerre au féminin. voir  La Guerre au féminin un livre de Dorothée Olliéric ).

Ces femmes sont soit des militaires, soit des personnes qui ont fait des hautes études et/ou, voire, qui sont issues d’un milieu socio-affectif favorisé. Ma mère, bien que femme qui a aussi surmonté bien des épreuves et mené ses combats, ne fait pas partie de ces mondes. 

Hier après-midi, alors que nous nous promenions avec elle et ma fille dans Paris, ma mère m’a répondu qu’elle n’avait jamais entendu parler de la Sorbonne. Initialement, je souhaitais principalement montrer la Sorbonne à ma fille. Car cette université prestigieuse avait été mentionnée dans un podcast où le magistrat Youssef Badr ( auteur de Pour une Justice aux mille visages le mythe français de l’égalité des chances) racontait un peu son parcours.

« Etrangère » à la Sorbonne, le monde de Ovidie, d’Annie Ernaux , Victoire Tuaillon, Mona Chollet etc…ne pouvait donc pas faire partie du monde de ma mère. Car ces femmes, à un moment ou à un autre de leur existence, ont fait des études supérieures. Pour elles, c’était une expérience normale ou quasi-normale. 

Alors que pour ma mère, malgré une trentaine d’années de présence en région parisienne, malgré divers passages dans Paris, l’acte d’oser poser un pied dans une université, ne serait-ce que pour la visiter, serait à mon avis du domaine de l’interdit ou de la prise de risque.

Et cela avait été finalement pareil pour mon père qui avait entretenu une défiance – et me l’avait inculquée ( à moi l’aîné)  -envers le monde de l’université et des études longues qui ne garantissaient pas ensuite le fait de trouver un emploi.

Mon père, pourtant, bien plus « éduqué » que ma mère, niveau Bac – ce qui était exceptionnel et admirable pour un homme issu aussi d’un milieu social et campagnard modeste-  avait bien fréquenté durant un certain temps l’université de Nanterre, une université plutôt réputée.

Mais c’était pour aller y prendre des douches à l’oeil dans la résidence étudiante après ses matches de Foot dominicaux avec ses collègues des PTT. En me faisant jurer, surtout, de ne pas en parler autour de moi.

Je devais avoir, alors, environ dix ans ou peut-être moins. 

Oui, ma mère connaissait le quartier St Michel à Paris. Elle me l’a confirmé hier après-midi. Mais elle ne connaissait pas la Sorbonne, ni le Collège de France et encore moins le lycée Louis le Grand devant lesquels nous sommes passés. Devant lesquels j’ai pris le temps de m’arrêter pour en parler un peu à ma fille. Pour prendre aussi des photos avec mon smartphone de cours prévus au Collège de France. Un lieu où je n’ai toujours pas pris le temps de me rendre alors que je vis en banlieue parisienne depuis plus d’un demi siècle. Alors que j’ai déjà passé un nombre incalculable d’heures dans Paris entre autres pour aller m’enfermer dans une salle de cinéma.

Alors que j’aime « apprendre ». 

La Sorbonne, le Collège de France ou le lycée Louis le Grand, en soi, ne sont pas des avant-gardes féministes. Mais ce sont des lieux de Savoir et, donc, en principe, de rencontres, d’ouverture sur le Monde et d’émancipation. Et, ma mère, elle, finalement, faisait peut-être encore beaucoup partie du monde de Rue Cases Nègres. Ce qui ne l’a pas empêchée de vouloir se procurer une montre connectée. Montre que je lui ai offerte hier après-midi en allant l’acheter avec elle et ma fille dans un des magasins Le Vieux Campeur dans le quartier St-Michel. 

Il y a plusieurs années, lorsque je me suis décidé à bifurquer vers la psychiatrie, ma mère, aide-soignante durant des années dans un service de réanimation à la maison de Nanterre, a eu peur pour moi.

Elle a eu peur que je devienne « fou ». Cette fois-ci, je ne l’ai pas écoutée.

Je l’avais écoutée pour sa peur de la moto au point qu’au mieux, tout ce que j’ai réussi à faire, c’est, durant une certaine période, porter des blousons de motard sans passer mon permis moto. Je le passerai peut-être un jour. Dans ma tombe.

Ce matin, avant que ma sœur ne vienne chercher notre mère pour l’emmener chez elle, je me suis assis à côté de ma mère. Et, je lui ai peut-être posé des questions de fou. 

Pour ce faire, je crois que je suis passé par le Créole. La plupart du temps, j’ai toujours parlé en Français à ma mère. Mais lors de ce séjour, je me suis aperçu que ma mère captait mieux ce que je lui disais dès lors que je m’adressais à elle en Créole.

Aussi, je ne m’en suis pas privé. Même si je le pratique peu ou trop peu et que je le manie maladroitement, c’est une langue que j’ai souvent et suffisamment entendue. Il m’en reste de quoi me faire comprendre au moins de ma mère comme auparavant pour me faire comprendre de mes grands-parents aujourd’hui décédés et  qui parlaient très peu le Français.

Tantôt en Créole, tantôt en Français,  j’ai donc posé à ma mère des questions qu’habituellement on ne pose pas ou qui ne se posent pas.

Lorsqu’il a été un peu difficile pour elle – qui a toujours fait de son mieux pour me répondre- de se rappeler certains moments douloureux et difficiles de sa vie d’avant ma naissance,  j’ai expliqué à ma mère que cette histoire, son histoire, était aussi mon histoire. Et que, seule, elle, pouvait me répondre.

Ma mère m’a répondu.

Ensuite, voyant notre mère pleurer alors que nous venions la rejoindre près de sa voiture, ma petite sœur m’a dit plus ou moins en m’interrogeant :

« ça va ? Il  y a une chouette ambiance, chez vous ! ».

J’ai alors fait un résumé à ma petite sœur qui, rapidement, s’est montrée intéressée par les informations supplémentaires que j’avais obtenues sur notre histoire :

L’ histoire de notre mère avant notre naissance.  

Ce qui s’est déroulé dans le passé se transmet ou peut se transmettre. Nous pouvons ainsi rester captifs d’un passé douloureux parce-que nous l’ignorons et ignorons comment nous en extraire. Donc, autant le connaître. Mais nos parents ou nos proches ne nous le racontent pas forcément. Ils ont peut-être appris à vivre ou à survivre à ça en le gardant contre eux dans un coin de leur sac à main ou dans une des poches secrètes de leur mémoire. En rasant les murs à certains moments. Parfois ou souvent en affirmant que cela fait désormais partie du passé et que ces événements sont en quelque sorte des reliques inoffensives ou qui pourraient tout détruire autour d’elles si on les expose à l’environnement. 

Nous nous devons de ne pas les bousculer s’ils se cramponnent à ces peurs ou à ce genre de croyances. Nous ne sommes pas pour autant toujours obligés de les croire. Mais il est vrai qu’il vaut mieux bien choisir son moment pour  certains apprentissages et certaines transmissions. 

J’ai plutôt une bonne relation avec ma mère. Elle avait aussi fait de moi son « confident » alors que j’étais enfant. 

J’aurais très vraisemblablement regardé certains membres de ma famille avec beaucoup moins d’affection et de patience si j’avais obtenu plus tôt certaines des réponses que ma mère m’a données ce matin. Ou j’aurais également posé à ces membres de ma famille des questions de fou. Des questions auxquelles on préfère ne pas avoir à réfléchir. 

J’ai remercié ma mère et je la remercie encore de m’avoir répondu ce matin. D’avoir répondu à mes questions de fou. Des questions qui se contrefichent des belles apparences et des convenances. Des questions qui savent  que nous ne sommes pas éternels.

Des questions portées par la vraie vie. Pas celle qu’on nous montre dans les pubs, qu’on nous sert dans des pots de bébés ou de boites de conserves. Pas celle supposée être la vie « normale »  qui se tient toute seule attachée  à une laisse avec une muselière en attendant qu’un supposé Maitre ou une supposée Maitresse la siffle.

Franck Unimon, ce dimanche 28 septembre 2025.

 

 

 

 

 

 

 

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La Guerre au féminin un livre de Dorothée Olliéric

La Guerre au féminin un livre  de Dorothée Olliéric

 Drôles de dames

Hier, j’ai donc terminé la lecture de cet ensemble de témoignages de femmes militaires recueilli par la grande reporter Dorothée Olliéric.

J’ai lu les dernières pages dans ce foyer de psychiatrie adulte où il m’arrive de faire occasionnellement des vacations de 12 heures en plus de mon poste d’infirmier psychiatrique à temps plein. Dans la ligne 14 du métro, il y a quelques semaines, j’ai entendu une femme au téléphone dire face à moi à quelqu’un :

« En dessous de 5000 euros par mois, je ne m’en sors pas ! ».

Après plus de trente années en psychiatrie et en pédopsychiatrie, mon salaire d’infirmier psychiatrique est bien éloigné de ce chiffre. Je ne cherche pas à l’atteindre. Mais mon salaire ne me préserve pas de la nécessité de devoir faire, de temps à autre, des vacations ou des heures sup. Pour atteindre ce salaire mensuel de 5000 euros, il faudrait que, chaque mois, en plus de mon temps complet d’infirmier, « j’effectue » huit à neuf vacations infirmières  de jour de douze heures chacune ou huit vacations infirmières de  nuit de douze heures.

Je connais un infirmier qui a touché ce salaire ou davantage tous les mois pendant les années. Il m’avait dit lors d’une de nos première rencontres :  » J’ai besoin de gagner beaucoup d’argent ». Il occupait un poste de cadre infirmier de nuit dans le privé en soins somatiques. Il  avait un contrat à mi-temps dans un laboratoire d’analyses médicales en journée. Et il faisait environ quatre à cinq vacations infirmières de nuit en plus tous les mois dans une clinique de pédopsychiatrie. Lui et sa femme, infirmière également, travaillaient beaucoup chacun de leur côté. Ils n’ont pas d’enfant. Il était en surpoids. Il avait déjà plus de cinquante ans. Il m’avait expliqué que jusqu’à ses 25-30 ans, il avait surtout beaucoup profité de la vie. Qu’il avait fait la fête. 

Il y a plus d’une trentaine d’années, intérimaire, j’avais connu une infirmière qui gagnait sans doute plus que lui, en équivalent en francs. Elle travaillait entre 25 à 30 nuits par mois en soins somatiques . Elle avait près d’une trentaine d’années, vivait seule bien qu’elle ait un copain qu’elle voyait de temps en temps. Elle n’avait pas d’enfant. 

Mon métier d’infirmier, dans son ensemble, qu’il s’agisse de l’exercer en soins somatiques ou en santé mentale ( psychiatrie, pédopsychiatrie, addictologie ) n’est pas un métier que l’on « décide » de faire dans l’intention de devenir rapidement millionnaire.  Si le fric est le premier objectif lorsque l’on choisit un emploi ou une carrière, on se dirige plutôt vers le commerce ou des secteurs connus pour rapporter.

Le métier d’infirmier fait partie de ces métiers où l’on donne de soi. Et parfois ou souvent où l’on donne plus de soi que demandé ou nécessaire. Ce n’est pas un travail administratif ou un travail ou l’on peut se contenter de larguer et de donner des chiffres et des algorithmes. Puis de partir en sortant d’un service ou d’un bureau pour aller déjeuner dans un restaurant. 

Puisque c’est un métier où, selon les spécialités et notre façon toute personnelle et morale de nous impliquer, on ne peut pas se contenter de répéter des actes de manière standardisée, des protocoles ou des fonctions à la chaine sans se préoccuper des réactions des  personnes que l’on a en face de soi ou des interactions que l’on a avec elles dans le service où l’on se trouve avec elles. C’est un métier, qui , le plus souvent, ne connait pas d’heures de fermeture. Mais ce n’est pas un commerce. On n’y vend pas la dernière console Switch, le dernier smartphone de Apple ou de Samsung ou la dernière montre connectée. Sauf peut-être, bientôt, dans certaines cliniques privées. 

En psychiatrie et en pédopsychiatrie par exemple, les spécialités que je connais le mieux, au lieu d’essayer de vendre une console switch ou le dernier smartphone dernier prix, on essaie autant que possible d’être à l’écoute. Ce qui implique de notre part au moins une certaine disponibilité psychique et une présence concrète pour l’autre. A mon sens, il est un certain nombre de circonstances où on ne peut pas juste faire acte de présence ou débiter des phrases toutes faites ou des protocoles. Ou parler plus que l’autre.  

Cela ne signifie pas que l’on doit et que l’on peut tout accepter et tout faire avec lui ou elle ou pour elle. Mais de tenter de savoir. Et de pouvoir être là si la ou les personnes concernées ont besoin d’être aidé(es) ou accompagnées pour mettre ou remettre le pied à l’étrier pour ce qu’elles ont à accomplir ou à accepter.

Je n’y arrive pas toujours. Je ne suis pas toujours persuadé d’être un « bon » professionnel. Même si je peux aussi être satisfait. Même si je sais que j’ai de l’expérience et que je peux être critique aussi envers d’autres professionnels quels qu’ils soient, quelle que soit leur hiérarchie et leur fonction.

Mais j’ai une certaine exigence envers moi-même qui n’a pas besoin des autres pour être active. Je fais des erreurs. J’ai certaines insuffisances et certaines lacunes. Peu m’importe que cela ne se remarque pas ou peu. Moi, je le remarque et je m’en rappelle ou je sais m’en rappeler. Par moments, je m’adoucis envers moi-même, d’autres fois, moins. 

 » C’était la guerre ! » m’a dit il y a deux ans à peu près, lors d’une vacation de nuit infirmière, une jeune infirmière d’à peine trente ans à me parler de la pandémie du Covid dans le service de réanimation où elle avait été titulaire auparavant. Un service qu’elle aimait et qu’elle avait quitté dès qu’elle l’avait pu, après quatre ou cinq années. Ereintée par les conditions de travail  qu’elle y avait connues durant la pandémie du Covid. Devenue intérimaire ( ou vacataire) afin de pouvoir souffler et travailler quand elle le voulait à des conditions qu’elle pouvait accepter et supporter. Elle aussi, elle n’avait pas d’enfant.

Même s’il s’est masculinisé, je fais un métier de femmes et cela a, je crois, une certaine incidence tant dans la façon de le rémunérer que dans la manière de prendre en compte depuis une trentaine d’années sa pénibilité, ses contraintes, ainsi que les diverses revendications et manifestations de la profession infirmière qui doivent beaucoup faire sourire un certain nombre de décideurs (hommes ou femmes). Puisque le travail continue d’être fait et les mouvements de contestation infirmière ont toujours été indolores politiquement.

Récemment, une de mes amies, infirmière en pédopsychiatrie, était assez en colère. Elle allait peut-être devoir se résoudre à recommencer à faire des vacations (une amie lui avait parlé d’une maison de retraite ou d’un EHPAD) car son salaire ne suffisait pas. Elle était obligée assez régulièrement de puiser dans son épargne.

Dans ce foyer psychiatrique adulte ou j’étais hier, des femmes et des hommes sont surtout porteurs, eux, de certaines entraves psychologiques et psychiatriques depuis des années.

« Mais » ils ont acquis ou conservé une certaine autonomie. Certaines et certains d’entre eux sont étudiants, ont un travail ou se rendent à un hôpital de jour ou dans une autre institution d’accueil psychiatrique. Elles et ils peuvent sortir facilement du service.

Au foyer, hier, une des patientes a aperçu le livre de Dorothée Olliéric.

Je croyais que personne ne l’avait vu. Il n’est pas- encore- interdit de lire en public à notre époque où la plupart du temps, nous sommes perchés juste au au dessus de notre écran de téléphone portable.

Mais je pensais avoir été suffisamment discret.

Elle m’a demandé si c’était moi qui lisais le livre. J’ai oublié si elle a dit « le livre sur les femmes ». Il y avait le mot « femme » dans sa phrase. Il n’y avait pas le mot « guerre ». Nous en avons alors un peu discuté.

Je lui ai répondu que j’essaie autant que possible de lire des ouvrages d’après un point de vue féminin. J’ai expliqué que cela me permettait d’apprendre et de voir un peu autrement. Je lui ai donné l’exemple de l’ouvrage qu’avait pu écrire la navigatrice Ellen Mc Arthur. Cet ouvrage lui disait quelque chose.

J’aurais pu citer d’autres ouvrages que j’ai lus :

 Femmes puissantes un ensemble d’interviews pratiquées par la journaliste Léa Salamé qui avait plutôt tendance à m’excéder avant de lire ces interviews. Mais aussi Les couilles sur la table  Les couilles sur la table, un livre de Victoire Tuaillon. Premières partieset Le cœur sur la table de Victoire Tuaillon ;  La vie sans fard de Maryse Condé ; et La chair est triste hélas d’Ovidie La Chair est triste, hélas ! un livre d’Ovidie dont j’ai vu l’adaptation théâtrale deux fois récemment au théâtre de l’Atelier à Paris dans le 18ème.

Je n’ai pas parlé à cette patiente de ces ouvrages. Ni des articles consacrés dans le journal L’Equipe ou Le Parisien au Footballeur Ousmane Dembelé, joueur du PSG, récemment devenu le nouveau Ballon d’Or, nouvelle fierté nationale.

Mes réponses ont satisfait la patiente. Une jeune femme qui doute beaucoup d’elle et qui est rapidement très anxieuse. Mais qui est néanmoins parvenue à faire des études supérieures et à décrocher un emploi à responsabilités. Hier, elle faisait du télétravail depuis le foyer.

Dans mes réponses à la question de cette patiente, j’aperçois de très loin que nous donnons souvent des réponses dont le hors champ est beaucoup plus fourni.

Mais comme notre interlocuteur ou notre interlocutrice se satisfait de ce que nous lui montrons, lui avons donné ou répondu, nous nous en tenons généralement là. A la surface. Au bord du rivage. Là où nous avons pied.  Nous sommes un peu des illusionnistes sociaux. Nous partons rarement loin.

Il y aura peut-être un plus tard. Mais il n’y aura peut-être rien aussi plus tard.

Appartenir à un groupe

Les femmes rencontrées par Dorothée Olliéric ont refusé de s’en remettre à un vague plus tard. Elles ont refusé de se satisfaire d’illusions et de peut-être plus tard.

Elles avaient un but ou se sont données un but et, pour y parvenir, elles ont décidé de s’adresser à l’armée et de s’y engager.

Leur décision de s’engager dans l’armée s’est faite en moyenne entre l’âge de 16 et 22 ans. Un âge où beaucoup de personnes, la majorité d’entre nous, hommes comme femmes, se cherche encore à tous les points de vue.

Si le titre du livre de Dorothée Olliéric, La Guerre au féminin, suggère la question du genre dans l’armée française mais aussi dans la guerre, les doutes que l’on peut avoir sur soi-même, lorsque l’on a entre 16 et 22 ans ou même plus, n’ont pas de genre.

Lorsque j’avais 22 ans, j’avais obtenu mon diplôme d’Etat d’infirmier depuis un an. Aujourd’hui, j’ai plus de 22 ans, je suis un homme, et j’ai encore des doutes.

Je crois qu’il faut conserver une certaine aptitude au doute. C’est peut-être une des raisons pour lesquelles, bien qu’attiré par l’armée et tout ce qui peut y ressembler dans la vie civile, je n’appartiens jamais totalement à un groupe. J’éprouve toujours le besoin, à un moment ou à un autre, de penser par moi-même mais aussi d’agir seul. C’est peut-être une force. C’est aussi une faiblesse.

Mais ces femmes, elles, ont choisi l’armée, s’y sont trouvées, s’y sont épanouies, voire, pour certaines, y ont aussi rencontré leur mari ou leur compagne. 

Lorsque l’on entre dans l’armée, on appartient à un groupe.

Je n’ai pas de jugement sur les femmes qui « font » la guerre ou qui se sont engagées dans l’armée. J’ai lu récemment dans le journal Les Echos que l’armée ukrainienne avait décidé récemment de nommer davantage de femmes militaires à des postes plus avancés. Désormais, certaines « (….) opèrent des drones en première ligne » ( Le journal Les Echos de ce jeudi 25 septembre 2025, page 6 et 7, article Kiev fait monter en grade les femmes dans son armée du journaliste Guillaume Ptak).

Etre dirigé/managé par une femme

Au travail, je n’ai pas de problème particulier, à être « commandé » ou dirigé par une femme.

Femme ou homme, ce qui va m’importer, c’est d’abord la façon dont on s’adresse à moi.

La légitimité et le bien-fondé de ce qui peut être exigé de moi. Et par qui ? Une personne que je trouve plus bavarde, dispersée et occupée à faire du copinage que compétente ? Une personne affolée et psychorigide pour un rien ? Une personne fausse ? Ou une personne qui connait son sujet, capable de pragmatisme, qui connait les personnes avec lesquelles elle travaille ainsi que leurs capacités et qui a suffisamment confiance en elles ?

Je ne pensais pas que je parlerais de ma conception du management en commentant ce livre. Cependant, la plupart de ces femmes interrogées, lorsqu’elles sont interrogées par Dorothée Olliéric, occupent – après plusieurs années d’expérience sur le terrain-des postes à responsabilités au sein de l’Armée française.

Formatage

Pour y parvenir, ces femmes ont accepté un certain nombre de conditionnements et d’entraînements. Elles ne sont plus ou beaucoup moins celles qu’elles étaient en entrant dans l’armée. Ou elles ont potentialisé ce qui germait en elles en termes d’aptitudes spécifiques ou hors normes :

Démineuse, pilote d’hélicoptère, pilote d’avion de chasse, apprendre à manier des armes et s’en servir, apprendre à survivre dans le froid, dans la jungle, pouvoir se contenter de peu ou de très peu tout en étant capable d’être au maximum de ses capacités de soldat, se déplacer dans des pays en guerre où certaines personnes engagées (des camarades, des amis, des collègues) se font tuer et mutiler par les mines artisanales, les roquettes, les balles, assister à leur départ dans un cercueil alors qu’ils n’avaient « que » et/ou qu’ils avaient des enfants de tel âge. Ce sont des expériences que ces femmes militaires vivent concrètement, de face, de manière condensée, brutalement, rapidement.

Pas de filtre. Pas de préliminaire. La guerre reste la même que l’on y aille en tant que femme ou en tant qu’homme.

Par provocation, j’ai nommé cette partie « formatage » car on peut bien-sûr plutôt remplacer ce mot par « conditionnement » et «entraînement».

Le terme « formatage » est un terme péjoratif. Et on l’utilise généralement pour parler de personnes qui n’ont pas leur libre arbitre, qui l’ont perdu lors de leur entraînement et de leur formation ou qui ont profité de cet entraînement et de cette formation pour se « délester » et se débarrasser de leur libre arbitre. C’est dans la dernière interview, celle de la militaire pilote de chasse, bien enceinte de son premier enfant et à quelques jours de son accouchement, que cela se voit le mieux.

Celle-ci, qui a effectué des hautes études supérieures, et qui vient d’un milieu très éduqué en matière d’études supérieures, explique être le « bras armé » et seulement exécuter ce qui a été décidé en plus haut lieu. Lorsqu’elle lâche des bombes, c’est seulement parce-que, auparavant, il y a tout une chaine de direction et de réflexion au dessus d’elle qui a décidé que, là où elle va se rendre, il faut lâcher des bombes.

Selon le contexte politique et l’importance qui nous est accordé en tant que citoyen, ce même raisonnement a pu ou peut être reproché à certains militaires ou à des employés qui s’efforcent ensuite de répondre « Je n’ai fait que faire mon travail » et qui constatent, alors, lors de leur jugement, soit qu’on ne les croit pas, soit que l’on estime qu’ils auraient pu ou dû faire autrement.

Cette femme militaire n’est pas plus formatée que la plupart d’entre nous lorsqu’elle déclare simplement faire ce pour quoi elle a été formée et missionnée. Car nous sommes tous formatés dans nos domaines respectifs. Tant dans nos domaines professionnels que personnels. Sauf que, contrairement à elle, nous avons moins la « possibilité » ou la volonté de pouvoir tuer ou détruire quelqu’un d’autre ou quelque chose de manière aussi décontractée et légitime.

Parce-que nous n’avons pas, pour la plupart d’entre nous, été formatés ou conditionnés et entraînés, comme elle et les autres femmes militaires interviewées. Ce formatage militaire, spécifique, leur est nécessaire pour supporter aussi bien leurs entraînements que les environnements dans lesquels elles/ils évoluent.

Cependant, la résultante de cette adaptation et de ce formatage/conditionnement, c’est une certaine absence d’empathie.

Une certaine absence d’empathie :

Je trouve à la plupart de ces femmes militaires une certaine absence d’empathie. Mais je peux le penser aussi pour les militaires dans leur ensemble et les forces de l’ordre.

Ils/ Elles sont entraînés. C’est la guerre. Donc, il faut mener à bien la mission. Mettre en pratique ce que l’on a appris à faire, c’est-à-dire, tuer, détruire et faire régner l’ordre, notre ordre, nos lois.

Les autres, en face, sont des terroristes, des violeurs ou des barbares.  Et, nous, nous sommes les civilisés.

Lors d’une mission, une des femmes militaires raconte avoir vu un homme manger le membre d’un rival. A d’autres endroits, cela pouvait être les parties génitales d’un rival avec lesquelles tel « barbare » se baladait. Ailleurs, encore, une femme enceinte tuée dont le bébé, mort, avait été délogé.

Et lorsque des camarades meurent, on les pleure parce qu’ils sont jeunes, qu’ils ont femme et enfants, lorsqu’ils en ont, parce-que l’on a vécu des moments très forts avec eux. On s’attache à celles et ceux que l’on connait et avec lesquels on a enduré et c’est normal. Mais on ne perçoit pas qu’en face, « les barbares » peuvent avoir vécu les mêmes processus.

Lorsque j’ai vu ce passage où cette femme militaire relate cette scène dans un pays d’Afrique noire, j’ai un moment revu passer devant moi le standard colonial raciste selon lequel, en Afrique, c’est des sauvages !

La barbarie et la violence des quelques scènes qu’elle décrit sont incontestables. La douleur de la perte des camarades militaires est également incontestable et parfaitement compréhensible. Pour moi. 

Pourtant, en actes de barbarie, à peu près tout le monde conviendra que l’Allemagne nazie était allée particulièrement loin il y a plus d’un demi siècle.

Mais  il est vrai que c’était une barbarie de « Supermarché ».  Très bien organisée, optimisée et très bien industrialisée. Un modèle de planning de la barbarie, de gestion d’entreprise et de management. C’était en fait une barbarie très « propre », très quadrillée, presque écologique,  avec ses camps de concentration, ses quotas de production.

Cette barbarie-là ne débordait pas dans la rue.

On ne faisait pas brûler ou gazer son juif, son homosexuel, son noir, son résistant, sa prostituée, son anarchiste ou son communiste en pleine rue devant tout le monde. C’est très bien montré dans le film The Zone of interest réalisé en 2023 par Jonathan Glazer.

Je parle «d’une certaine absence d’empathie » parce-que, a posteriori, cette femme militaire et d’autres, parmi celles qui témoignent, n’en expriment aucune ou très peu a posteriori concernant ces « autres » qu’elles ont pu croiser ou auxquels elles ont dû se confronter durant leurs missions. 

Il y a « nous ». Et les « autres ». Les autres font partie du hors champ. Tant qu’ils y restent et qu’ils n ‘essaient pas de nous barrer par le chemin ou le regard, on ne cherche pas à en savoir plus sur eux. 

« On fait »  ou  » on a fait » l’Afghanistan parce-que l’on y a passé et vécu quatre mois ( ou plusieurs années) en mission dans des conditions militaires très dangereuses. Comme si ce pays, d’autres régions du monde et leurs Histoires pouvaient se « faire » et se « vivre » -et se limiter- à quatre mois ou quelques années sur place en tant que militaire. 

Lors de la mission, je sais très bien que l’on ne va pas aller faire des bisous aux mines artisanales ou à l’ennemi. Nous ne sommes pas là non plus pour faire de l’ethnologie et de la sociologie.

Mais, après ?  Des années plus tard, on est capable d’avoir un point de vue personnel et un peu critique ou autocritique ?

Très peu.

Pour une raison assez simple, ces femmes militaires, comme beaucoup de celles et ceux qui s’engagent dans l’armée, dans les forces de l’ordre ou ailleurs, veulent principalement de l’action et de l’adrénaline.

Adrénaline et vie normale

C’est le mot qui a été le plus employé par ces femmes militaires jusqu’au stéréotype. L’ adrénaline. Je suis étonné qu’aucune d’elle n’ait nommé sa fille ou son fils Adrénaline.

La quête de l’adrénaline.

On leur présente de l’adrénaline à profusion et elles sautent, tête la première. Elles y vont. Elles partent. Comme des assoiffées d’adrénaline. Sauf qu’elles ont un alibi militaire pour mettre en pratique toutes leurs forces et toutes les capacités logistiques, aussi bien mentales, physiques que techniques, pour tuer, détruire et sécuriser un endroit sans se censurer puisque l’on a déjà pensé pour elles. Et que l’on fait tout ça en groupe, donc en famille, ou tout le monde est d’accord, ce qui nous conforte dans le fait que l’on fait- toujours- ce qu’il faut.

Avec une telle quête de l’adrénaline, le retour à la vie « normale » et à peu près solitaire ou civile – corrélé avec l’extraction du groupe de la mission militaire- est d’autant plus difficile à supporter ou peut devenir difficile à supporter.

Cela arrive à plusieurs d’entre elles. Cela arriverait à n’importe qui d’autre dans des conditions similaires. Aussi bien dans la vie militaire que civile. 

Ces femmes militaires  vivent donc dans un mélange assez explosif de risque élevé de stress post-traumatique, de burn out, de décès prématuré, de blessures corporelles définitives, de sentiment exacerbé d’existence ou d’extase, de trêves…et de dépression.

Car on ne peut pas toujours partir en mission. Toutes les missions ne se valent pas. Et puis, on perd des sœurs ou des frères d’armes car c’est la vraie guerre. Celle où l’on meurt vraiment. Celle dont on revient aussi amputé. Le livre ne parle pas des militaires amputés qui ne peuvent plus partir en mission. « Seulement » des morts. Alors que toute attaque subie laisse forcément des séquelles.

Puisque lorsque l’on parvient à revenir vivant soi-même, la vie ne peut plus être comme avant au vu de ce que l’on a vécu. Puisque une partie de notre vie est restée engagée – ou marquée- dans ce que l’on a connu ailleurs.

 » Quand tu regardes l’abîme, il te regarde aussi... ». 

Les personnes qui ont été victimes d’un attentat racontent bien ce que cela a pu changer pour elles et dans leurs relations avec leur entourage. Je trouve que c’est un peu pareil pour certaines de ces femmes (ça peut être pareil pour les hommes) militaires lorsqu’elles « reviennent ». Même si elles ont été plus armées et plus entraînées que les civils victimes d’attentats. Simplement, cela prend un peu plus de temps pour elles pour être rattrapées par les mêmes tourments. Et lorsque j’écris « elles », ces tourments se postent également, évidemment, chez les hommes. Il n’existe pas vraiment de murs, ici, entre les genres pour ces tourments. Seuls les individus se différencient entre eux indépendamment de leur sexe ou de leur genre. 

La vie normale et quotidienne, celle de la plupart d’entre nous, c’est plutôt un antidote de l’adrénaline. Un arrêt sur image. Une détention répétée dans nos limites et certaines de nos contrariétés et frustrations :

Les démarches administratives, les embouteillages, les heures de pointe, faire les courses, assez peu de variété, assez peu d’action, assez peu de panache ou d’aventure, l’impression d’être sous employé(e), de subir, de végéter ou de pourrir sur pied et d’avoir, en contrepartie, des distractions de merde ou celles de tout le monde. Alors que, nous, ce que l’on veut, c’est s’illustrer, être des héros ou des héroïnes. Des vrais. Comme dans les films.

Comme dans les films

Deux ou trois des femmes militaires se qualifient de « gosses » ou qualifient les militaires de « gosses » qui partent à la guerre. C’est pareil dans d’autres professions (policiers, pompiers et autres, et pas seulement les représentants des forces de l’ordre).

Deux ou trois, aussi, disent vivre certains moments dans leurs missions comme « dans un film ». Démineurs  et Zero Dark Thirty ( voir l’article  Zero Dark Thirty/ Un film de Kathryn Bigelow ) de K. Bigelow, Le Chant du loup ( voir  l’article Le Chant du Loup ) et la série Le Bureau des légendes font partie des œuvres cinématographiques citées.

Elles, elles vivent ou ont vécu « pour de vrai » ce qui peut être raconté dans ces films. Elles font alors partie du film. D’un film, qu’elles pourront se raconter ou raconter plus tard. Soit à des militaires comme elles qui peuvent les comprendre. Ou à certains proches. C’est tout de même mieux que de raconter ses courses à Auchan ou dans un magasin Picard Surgelés. 

Nous sommes nombreux à aspirer à avoir une vie de « film » ou « comme dans un film ». Sauf que, elles, elles se sont données les moyens pour y parvenir et ce qu’elles disent, aussi, c’est que, à l’armée, on a plus de chances de voir tous nos efforts et nos sacrifices récompensés comparativement à la vie civile qui, à la fois, offre moins d’opportunités d’expériences hors du commun mais ne garantit pas pour autant le meilleur à celles et ceux qui le méritent ou l’ont mérité à force d’efforts et de sacrifices.

Féminisme

Malgré les écueils rencontrés par quelques unes à l’armée avec des gradés ou d’autres simples militaires qui ne veulent pas des femmes ou seulement pour leur passer dessus ou les dénigrer, elles sont plusieurs à dire que l’armée française a évolué, qu’elles ont su se faire respecter et que cela a été plus facile pour elles d’être des femmes militaires qu’il y a trente ou quarante ans.

Elles vivent plutôt comme une injustice le fait qu’avoir un enfant en bas âge a pu les priver de certaines missions. Peut-être parce-que, socialement, cela reste souvent la carrière du père ou de l’homme qui reste prioritaire tandis que la mère/la femme est celle qui reste à la maison pour s’occuper des enfants. Elles ont peut-être raison de le voir de cette façon. Je crois pourtant qu’il faut aussi parler davantage de la figure du héros sans distinction de genre.

Le héros et la fierté :

Bien avant de lire La Guerre au féminin, j’ai déjà plusieurs fois réfléchi au fait d’être « un héros », «une héroïne ». Et aussi à propos de « la fierté ». J’aurais dû aussi rajouter le terme « sacrifice » dans ce titre.

Cela fait plusieurs fois que, devant la statue d’un « héros », ou devant le nom de rue d’un « héros », je me fais la remarque que, moi, en tant qu’enfant, je n’en n’aurais rien eu à faire que mon père ou ma mère soit un héros ou une héroïne et ait sa statue ou une rue à son nom. Car tout ce que j’aurais voulu, en tant qu’enfant, c’est que ma mère et mon père soient présents pour m’aimer, me conseiller, me protéger. Ce qu’une statue, un nom de rue ou des « Ton père était un héros, tu peux être fier de lui »/  » Ta mère était une héroïne, tu peux être fière d’elle » n’apportera jamais.

Si nos parents sont des héros, pourquoi sont-ils absents pour nous, lorsque nous sommes enfants puis adolescents ?

Dans les faits, ma mère et mon père sont encore vivants et autonomes. Ils vivent chez eux et non dans un EHPAD. Je ne suis pas orphelin alors que je suis aujourd’hui adulte. Cependant,  je ne comprends pas cette espèce « d’avidité » pour le sacrifice et le fait de devenir un héros/une héroïne en mourant au besoin.

Je parle « d’avidité » pour le fait d’être volontaire afin de se jeter de soi-même dans le vide. Lorsque personne ne nous le demande ou ne nous y oblige.

Alors que plusieurs de ces femmes militaires, d’elles-mêmes, demandent avec insistance à pouvoir partir se jeter dans l’action militaire alors que leurs mômes ont quelques mois, un an ou deux ans. J’ai le même raisonnement vis-à-vis des hommes militaires ou autres qui font un métier particulièrement risqué :

Tu es devenu jeune père. Pour qui te prends-tu à continuer à te croire si invincible lorsque tu pars à la guerre alors que ton enfant de quelques mois ou de deux ou trois ans ne te reverra peut-être pas car tu vas mourir là où tu pars, pour satisfaire ton appétence en adrénaline ?

La fierté est importante pour ces femmes ( et hommes) militaires. A plusieurs reprises, l’une d’entre elles évoque le fait que dans le regard des autres (la famille ou d’autres militaires), elles voient qu’elles ont changé de dimension et qu’elles suscitent fierté et admiration. Ou une certaine crainte.

Je n’ai rien contre la fierté ou le fait d’être un héros. Mes buts dans la vie ne se résument pas à être un lâche, à passer mon temps à fuir et à faire le récit de mes courses au magasin de surgelés Picard ou sur le marché d’Argenteuil.  Mais le prix que ces femmes et ces hommes sont prêts à payer pour leur adrénaline, pour être des héros, pour être fiers d’eux-mêmes, me parait trop élevé. Et il est en plus très difficile voire impossible de pouvoir tout bien concilier :

Etre des héros, être fier de soi, avoir son quota d’adrénaline, avoir une vie de couple ou de famille épanouie….

Aussi, leur engagement admirable dans l’armée me laisse malgré tout avec des doutes sur la façon dont elles et ils s’engagent dans leur humanité, leur façon d’être des êtres humains, mais aussi sur leurs réelles facultés et leur réelle volonté afin (re)devenir une femme, un homme, une mère, un père…dans la vie civile et par temps de paix.

Je crois que ces femmes vivent l’exceptionnel en tant que militaires mais qu’elles passent à côté de certains aspects de la vie qui sont tout autant exceptionnels.  Mais qu’elles l’ignorent car l’armée n’entraine pas à ça. Sauf si elles ont la chance de croiser certaines personnes dans l’armée qui sont suffisamment capables d’empathie, de clairvoyance ( il y en a) et qui leur font relativiser certaines de leurs certitudes acquises durant leur carrière.

Sauf si un burn out, un stress post-traumatique et/ou un divorce leur casse la route, ce qui arrive à deux ou trois d’entre elles au moins.

Mais je suis peut-être aussi dérouté par les choix de ces femmes  parce-qu’elles accordent avant tout une grande importance à leur carrière.

 

Faire carrière et prendre la décision parfaite

Ces femmes militaires sont d’indéniables compétitrices. Et lorsque l’on a un tempérament de compétitrice ou de compétiteur, on aspire sans cesse au meilleur. Et rien ne doit ou ne peut entraver notre parcours. Je me rappelle seulement ce matin ( nous sommes le 27 septembre 2025) alors que je complète cet article depuis sa publication hier, du film Volontaire réalisé en 2018 par Hélène Fillières dans lequel elle joue elle-même un rôle de femme militaire gradée. Un film qui m’avait beaucoup plu lorsque je l’avais vu au cinéma.

Dans ce film, Volontaire, l’actrice Diane Rouxel interprète la jeune Laure Baer qui donne tout pour réussir dans l’armée. Y compris se faire prescrire un traitement -en se servant de son copain « civil » qu’elle finit par quitter- pour bloquer ses règles. 

Dans l’esprit de ces femmes militaires rencontrées par Dorothée Olliéric, on est plus proche de cet état d’esprit ou de celui de l’actrice Jennifer Lawrence dans les films Hunger Games que du mien. J’ai un état d’esprit sans doute trop spontanément ou trop rapidement sentimental,  gogo-naïf et trop gentil envers autrui.

Cet état d’esprit- le mien- qui s’applique, autant que possible, à d’abord chercher à préserver l’autre et à faire le moins de mal  possible à autrui. A bien ou comprendre au mieux ses éventuels besoins. A s’assurer qu’il ou qu’elle va bien ou qu’il ou qu’elle est en lieu sûr avec des personnes de confiance avant de pouvoir m’adonner véritablement à ma quête personnelle. Soit un état d’esprit plutôt « maternant » conjugué avec un état d’esprit qui peut être  plus agressif,  froid, qui peut surprendre, dont on peut douter de l’existence,  car à l’opposé de ce côté  gentil, rassurant et maternant. 

Soit un état d’esprit ou une ambivalence ( chez moi) difficile à concilier, par moments, avec certaines compétitions et certaines situations où il faut d’abord penser à soi avant tout. Et être le plus rapide possible pour agir ou décider sans se préoccuper des conséquences ou des désagréments pour les autres ou notre entourage. Ces femmes militaires, de toute évidence, sont moins ambivalentes et moins tourmentées que moi devant ce genre de choix ou de dilemme. C’est peut-être ce qui nous différencie le plus psychologiquement, et ce qui fait d’elles des guerrières et des militaires « accomplies », des soldats ou des compétitrices plus que des « femmes » et  des « personnes ». Tandis que je persiste, moi, dans une espèce d’entre-deux tantôt rassurant et tantôt satisfaisant, tantôt insatisfaisant.  Entre être un soldat ou un compétiteur ou être une personne.

A ceci près que ces femmes militaires exercent sur des terrains de guerre en tant que soldats  au service de l’Etat français là où, moi, j’exerce par temps de paix, en tant que soignant également au service de l’Etat français mais dans la vie civile.

Si nous pouvons nous ressembler, ces femmes militaires et moi, les contextes dans lesquels nous avons à agir,  les moyens d’actions dont nous disposons et les buts que nous visons pour nos missions respectives sont différents. 

Mais il n’existe pas de décision parfaite. Il existe plutôt des choix et des conséquences que nous sommes prêts ou capables d’accepter.

Ou incapables.

Des conséquences que nous ne pouvons pas toujours prévoir ni maitriser.

Et,  j’ai sans doute eu besoin de lire ce livre pour continuer d’apprendre qu’il faut se faire confiance et donc apprendre à  moins tergiverser. Apprendre à accepter aussi l’irréparable comme l’inconcevable.  

Cette conclusion efface tout ce qui suivait ensuite dans cet article lors de sa première publication.

 

Franck Unimon, ce vendredi 26 septembre 2025 puis ce samedi 27 septembre 2025. 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Pour les Poissons Rouges

Confessions d’un homme hétéro ce 18 septembre 2025

Confessions d’un homme hétéro ce 18 septembre 2025

Je me réveille ce matin après être allé hier soir au théâtre avec une copine. Il se trouve que c’était l’anniversaire de cette copine. Je l’ignorais en commandant les places.

Le plus souvent, je sors seul. Je n’aime pas dépendre de la disponibilité des autres pour me rendre ou participer à certains événements que je tiens à vivre ou à connaître. Je n’aime pas dépendre, aussi, de leurs éventuelles réticences concernant le fait de se rendre à tel endroit, de tenter telle expérience ou pour se rendre à tel événement.

J’ai la prétention de croire que je suis plus apte à me rendre avec d’autres là où ils me proposent d’aller que l’inverse. Un ami m’a par exemple proposé d’aller à la fin du mois au concert de l’artiste Eivor. Une artiste que je ne connaissais pas. Je suis tout à fait capable d’y aller. Mais je sais que cet ami n’acceptera pas de se rendre au concert de Meiway où j’envisage d’aller.  Au moins parce-qu’il ne sait pas et n’aime pas danser. 

C’est une question de tempérament. Et, aussi, je crois, la conséquence d’avoir été, enfant, trop souvent, très souvent, enfermé, cloîtré. Et soumis.

Je crois que, enfant puis adolescent, j’aurais été ouvert et disponible à quantité de découvertes et d’apprentissages. Mais j’ai dû rester un certain nombre de fois à la place où l’on m’avait mis. Non dans un placard. Mais dans un appartement. Sur une terrasse de maison. Tel un meuble, tel un ou une domestique. Ou un toutou( ou une nounou) d’appartement.

Au 20 ème siècle, en région parisienne puis aux Antilles, une autorité familiale s’est chargée de m’inculquer ça. Et j’ai été un bon élève.

Le cloisonnement. La soumission. La peur lorsque l’on sort de ce que l’on « connait ». Le fatalisme. La méfiance vis-à-vis de l’autre. L’esclavage. Voir l’homme blanc et la femme blanche comme des racistes et des ennemis.

Je suis un homme hétéro mais, par bien des aspects, j’ai été éduqué comme une fille soumise et peureuse sous la contrainte et  aussi par solidarité.

J’ai été et suis sans doute resté par certains aspects un mec/fille soumise. C’est pour ces quelques raisons, je crois, qu’il est arrivé et qu’il peut arriver que l’on se demande si je suis un homme-eau.

Parce-que je ne m’affirme pas ou ne tiens pas obstinément  ou toujours à me montrer ou me rendre visible coûte que coûte au travers de certains types de comportements. De certaines façons de penser et de se comporter qui restent généralement gravées dans la mémoire comme étant spécifiquement « attribuées » aux hommes. Aux vrais  hommes comme il existe, aussi, des « vrais Antillais » :

Par exemple. J’ai de la force physique. Je suis plutôt sportif. Je contiens ou suis détenu par une certaine violence au moins physique.  Mais aussi une certaine violence morale et psychologique.

Une violence qui m’a été transmise dans certaines proportions avec un certain nombre de rappels.

Dès l’enfance, être capable de faire montre de bonne humeur, de faire bonne figure, être souriant ou rire, faire rire, être discret jusqu’à me faire oublier, ont sans aucun doute été mes premiers maquillages. Aussi, lorsque je vois des humoristes connus ou qui marchent très bien, surtout s’ils me touchent et me plaisent, instinctivement, j’essaie de flairer et de sonder la part de souffrance particulière qui se trouve en eux. C’est la raison pour laquelle j’ai été aussi touché par le décès récent de l’humoriste Bun Hay Mean. Même s’il m’amusait beaucoup, j’’avais sûrement « pressenti » qu’il n’était pas qu’un chinois marrant.

Mais concernant la violence dont je suis fait.  Je n’éprouve pas le besoin de faire savoir en permanence autour de moi que je « dispose » de cette violence. Ou de m’en servir pour intimider ou tenter de séduire. J’essaie plutôt de la museler, de la maitriser, de la comprendre et de l’apprivoiser là ou d’autres ont besoin de se montrer démonstratifs.

Mais cela est une attitude finalement assez peu masculine.

Parce-que lorsque l’on est un vrai mec hétéro, on montre ses couilles. On montre ou on tient à faire savoir autour de soi que l’on a des couilles ou le résultat de ses couilles :

On « a » un ou plusieurs enfants. Peu importe que l’on vive ou que l’on ne vive pas avec ses enfants. On les « a » faits. On a une copine ou l’on vit avec une femme. Ou on a une ou plusieurs maitresses. Ou on a des conquêtes et cela se sait ou se voit ou s’entend. Ou on a un avis sur les femmes ou certaines femmes qui fait consensus lorsque l’on discute entre mecs.

On a aussi de la gueule. On peut parler fort, menacer, sanctionner, dire ses quatre vérités. Taper du poing sur la table. Donner des ordres.

Pour faire mal, pour soumettre ou pour prendre du plaisir. Si on le veut. Quand on le veut.

Puisque l’on est très fort. Et, c’est ce que l’on est,  dans les grandes lignes, si l’on est un vrai mec hétéro.

Lorsque l’on est un vrai mec hétéro, on peut aussi faire du MMA. On regarde des combats de MMA, de boxe, d’un autre sport de combat ou des matches de Foot. Ou on le pratique à un très haut niveau.

 Et on en parle. On le fait savoir. On ne passe pas son temps, comme moi, à écrire ses confessions ou dans un blog. On ne passe pas son temps à faire de l’introspection sauf lorsque ça fait bien durant quelques secondes dans une vidéo ou l’on nous voit en train de « méditer » avant de partir au combat ou à l’entraînement.

On ne passe pas son temps à se branler la tête. On fait. On agit. On n’est pas là pour discuter. Droit au but.  On est des hommes d’action. Des guerriers. Des militaires. Des Samouraï. Des sangliers qui n’ont pas peur dans le désert….

J’aime regarder les matches de boxe, des vidéos de sports de combat. J’aime aussi apprendre et pratiquer les sports de combat ou les Arts Martiaux. Je prends plaisir à regarder des vidéos de Greg MMA, Skarbowsky, Léo Tamaki, Youssef Boughanem et d’autres. J’aime regarder leurs démonstrations, écouter leurs propos. Acheter et lire certains ouvrages relatifs au combat, aux Arts Martiaux mais aussi au sport dans son ensemble.

J’ai beaucoup aimé la lecture de Le sens du combat de Georges Saint Pierre. Je suis resté marqué par la lecture, il y a plusieurs années, de Déclassée par l’ancienne joueuse de Tennis française Cathy Tanvier.

Et je constate bien, depuis que j’ai changé d’établissement professionnel, que j’ai moins de disponibilité pour apprendre à « faire » du combat, des arts Martiaux ou tout simplement du sport en raison de mes horaires de travail depuis. Pour écrire. Pour être un peu plus avec ma fille et sa mère. Pour vivre pour moi.

Et ça m’enferme et me frustre.

J’ai l’impression d’être beaucoup trop à la disposition de mon nouveau service. Un service stimulant, prestigieux, formateur ou j’y fais des bonnes rencontres et des bonnes expériences mais à un prix que je trouve élevé pour mon temps personnel.

J’ai l’impression d’être trop dans mon métier d’infirmier en psychiatrie et en pédopsychiatrie.

Donc, cette sortie au théâtre hier soir dans Paris était d’autant plus bénéfique et importante pour moi.

C’était du temps pour moi.

Hier soir, nous sommes allés au théâtre de l’Atelier, à Paris dans le 18ème afin de voir l’adaptation théâtrale du dernier livre d’Ovidie paru il y a quelques mois :

La Chair Est Triste Hélas ! .

J’ai déjà parlé dans un précédent article  ( rédigé hier La Chair est triste, hélas ! un livre d’Ovidie) de mes impressions après la lecture de ce dernier ouvrage d’Ovidie.

Dans cet article, je ne vais pas parler de mon expérience de spectateur hier soir, devant la comédienne Anna Mouglalis. Je le ferai dans un autre article. Car j’essaie, ici, de faire un article court.

Je remarque qu’avec le développement des réseaux sociaux a aussi pu se développer une appétence pour « regarder », « voir » et « savoir » ce que untel a fait ou dit. Il a pu se développer aussi une certaine consommation, en tant que spectateur, de toutes formes de violences, de destruction.

On pourrait penser que « nous » sommes désormais capables de tout voir, de toute entendre et de tout comprendre puisque nous avons toutes ces informations à disposition en permanence. Et que ces informations deviennent très banales à force d’être diffusées 24 heures sur 24.

Sauf qu’il y a ou peut y avoir un gros décalage entre la quantité d’informations que l’on reçoit et la qualité de nos capacités de compréhension et de prise de conscience :

Des gens sont prêts à voir du MMA que ce soit en direct ou à la télé comme récemment lors du dernier combat que le combattant Benoit St Denis a gagné. Des gens sont prêts à aller s’entraîner pour pratiquer du MMA. A se prendre des coups et en donner.

Par contre, je me figure ce matin que très peu de ces partisans et pratiquants du MMA ou d’un autre type de pratique d’affrontement physique pourtant durs au mal et courageux, mais surtout, déterminés, se rendront au théâtre pour venir voir une comédienne interpréter le texte du dernier ouvrage d’Ovidie.

Ces hommes de combat, qu’ils soient dans l’octogone, sur le ring, sur le tatamis ou au Pao, ou spectateurs de ces combats ne parviendront pas jusqu’à cette salle de théâtre pour écouter et recevoir dans la tête ce que Ovidie a pu écrire et dire.

Parce-que, pour eux, il n’y a pas assez d’action. Pas assez d’adrénaline.

Parce-que c’est trop dur pour ces combattants. C’est trop dur à digérer. C’est trop dur de devoir accepter de ne pas avoir le premier rôle. C’est trop dur de devoir se dire qu’ils ne sont pas toujours très beaux , ni les plus performants malgré leurs abdos, leur extraordinaire condition physique, leur capacité à péter un bras ou des cervicales.

C’est trop dur de ne pas avoir un adversaire tout désigné. Un adversaire à qui on a le droit de casser la gueule parce qu’il est le coupable du crime ou délit. Soit parce qu’il a été volontaire pour affronter un autre adversaire. Ou parce-que sa tête ne nous plait pas. Ou parce qu’il nous a cherché et provoqué.

Lors d’un match de Foot, lorsqu’il y a deux équipes, on peut choisir son camp. C’est très simple et très binaire. Lors d’un combat de MMA, c’est pareil. Deux adversaires. Il y a en un que l’on aime et un que l’on aime moins.

Dans la vraie vie, on ne peut pas faire tout à fait pareil même si on peut en avoir très très envie et que lorsque cela arrive, il existe un risque  que l’on ait à en assumer les conséquences. Car on n’est plus spectateur. Et le carton rouge ou le carton tout court peut être pour nous. 

Dans une simple relation humaine, beaucoup de ces combattants méritants, acharnés, sont plutôt désarmés. Car même si cela peut faire très mal et blesser de prendre les coups physiques d’un adversaire lors d’un combat, l’entraînement répété et préalable au combat ou au match nous y prépare un minimum.

Il n’existe pas d’entraînement aussi performant pour avoir une relation, une vraie relation, avec quelqu’un d’autre. Une relation, prendre sur soi, se montrer patient,  optimiste, détendu, écouter, accepter d’être contredit, c’est beaucoup plus difficile à pratiquer qu’une clé de bras, un coup de genou ou un crochet que l’on va finir par incorporer à force de répétitions.

Si je m’en étais strictement tenu à mes codes et à mes habitudes hétéros, hier soir,  je ne serais pas allé voir la représentation théâtrale du dernier livre d’Ovidie avec une copine. Je serais allé prendre une bière dans un bar ou au restaurant « entre mecs ». Pour parler de la vie et du monde à la façon des mecs. Ou je serais peut-être allé faire du sport et transpirer. Qu’il s’agisse d’aviron ou d’un sport de combat. Ou je serais peut-être allé au cinéma ou aurais passé mon temps à scroller sur mon téléphone portable.

Etre allé hier soir au théâtre ne fait pas de moi un homme extraordinaire. Et puis, je ne suis pas féministe. J’ai pu ou je peux avoir des comportements, des pensées ou des propos envers des femmes que l’on pourrait considérer comme déplacés ou inadaptés. Mais j’essaie de faire de mon mieux.

J’ai bien sûr aimé ma soirée d’hier soir. Même si je regrette un peu d’y être allé en étant « prévenu ». En ayant lu le livre d’Ovidie auparavant.

Je continue de penser que ma fille est trop jeune pour l’emmener. Je crois qu’en tant que père, il me revient de la préparer à certains sujets afin qu’elle en prenne conscience. Je n’ai pas envie « d’attendre » qu’elle se heurte à certaines situations pour qu’elle doive, seulement après coup si cela est encore possible, apprendre à y parer. Mais il me semble néanmoins qu’il aurait fallu qu’elle ait au moins 14 ou 15 ans pour être présente avec nous dans la salle hier soir. Elle ne les a pas.

Par contre, depuis ce matin, je pense y retourner avec ma mère qui, elle, a un petit peu plus que 14 ou 15 ans.

 

Franck Unimon, ce jeudi 18 septembre 2025.