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Rocio Marquez au Théùtre Zingaro

Rocio Marquez au Théùtre Zingaro, 8 avril 2025. Photo©Franck.Unimon

Rocio Marquez au Théùtre Zingaro

Sourds, nous le sommes devenus. A partir de quand ?

Dans les tumultes devenus nos chambres et nos pensĂ©es, nous l’avons oubliĂ©.

Je ne fais pas exception. Cependant, quelques fois, pour des raisons particuliĂšres, nos cellules s’ouvrent. Nous parvenons Ă  prendre des issues oĂč les limites permutent et oĂč nous Ă©chappons Ă  nos (ab)surditĂ©s derriĂšre lesquelles nous vivons camouflĂ©s la plupart du temps.

Rocio Marquez au Théùtre Zingaro ce 8 avril 2025. Photo©Franck.Unimon

La musique fait partie des substituts de notre mĂ©moire.  Le film Sinners de Ryan Coogler sorti rĂ©cemment nous apprend que la musique est capable de dĂ©chirer le voile qui sĂ©pare les morts des vivants, qu’elle peut guĂ©rir mais qu’elle peut aussi attirer le diable.

Dans Sinners, le Blues est Ă  l’honneur. Cette musique, comme d’autres, sort du ventre. Il s’agit d’un chant braquĂ© au garrot comme le flamenco entendu Ă  travers Rocio Marquez ce 8 avril dernier.

Rocio Marquez au Théùtre Zingaro ce 8 avril 2025. Photo©FrancK.Unimon

Ce 8 avril dernier, plutĂŽt que damnĂ©, j’ai eu l’impression de faire partie des privilĂ©giĂ©s Ă  assister Ă  ce concert sous le chapiteau du théùtre Zingaro lors du festival Fragile. J’avais ratĂ© Rocio Marquez l’annĂ©e derniĂšre lors de ses prestations avec Bronquio pour leur album Tercer Cielo. Je ne voulais pas recommencer pour la sortie de son nouvel album Himno Vertical.

Rocio Marquez au Théùtre Zingaro ce 8 avril 2025. Photo©Franck.Unimon

Franck Unimon, ce 6 Mai 2025.

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Sur scĂšne

Le théùtre Zingaro ce 8 avril 2025

Le théùtre Zingaro, ce 8 avri 2025l aprÚs le concert de Rocio Marquez. Photo©Franck.Unimon

Le théùtre Zingaro ce 8 avril 2025

 

Ils sont lĂ , tout en bois, immobiles. Ils flottent Ă  plusieurs mĂštres au dessus de nous, esprits ou vaisseaux prĂȘts Ă  charger pour ces voyages que nous avions imaginĂ©s. Mais nous les avons abandonnĂ©s ou oubliĂ©s. Par le corps et la peur. Par facilitĂ©, aussi.

Au Théùtre Zingaro, ce 8 avril 2025. Photo©Franck.Unimon

 

Ils ne descendront pas. C’est Ă  nous de percevoir l’éclat qui leur reste et, pour eux et par eux, de faire le nĂ©cessaire avant de renaĂźtre en poussiĂšre.

Sous le chapiteau du théùtre Zingaro, ce 8 avril 2025. Photo©Franck.Unimon

Je ne devrais pas avoir Ă  le dire mais le théùtre Zingaro est un endroit Ă©trange. C’est le contraire d’un supermarchĂ© du divertissement. MĂȘme s’il s’est adaptĂ© Ă  l’économie et Ă  notre environnement commerçant. Mappemonde du Temps, il nous promet ou nous propose encore notre possible affranchissement. Pourvu que l’on soit aussi proche de notre Ă©tat de conscience que l’on peut l’ĂȘtre de la sortie d’une bouche de mĂ©tro.

 Autrement, nous repartirons titubant en continuant Ă  nous Ă©clabousser de nos dĂ©faites et de nos blessures comme nous sommes venus. Mais au moins, nous aurons essayĂ©, ici aussi, de nous libĂ©rer en mettant un pas devant l’autre. Ce sera dĂ©jĂ  mieux que rien.

Pour quelques jours ou quelques heures encore, le festival Fragile se déroute au théùtre Zingaro. Plusieurs artistes y sont déjà passés.

J’ai ratĂ© Mayra Andrade ainsi que MolĂ©cule. Rodolphe Burger, Mehdi Haddab et Sofiane SaĂŻdi, que j’ai dĂ©jĂ  « vus Â», ont fait partie de la liste. Aucune de ces tĂȘtes d’affiche, Ă  ce que je sache, ne fait de publicitĂ© pour une marque de voiture Ă©lectrique ou de slip hybride.

Aucune d’entre elle n’occupe une activitĂ© rĂ©munĂ©rĂ©e d’influenceur ou d’influenceuse sur les rĂ©seaux sociaux. Ces musiciennes, musiciens, chanteuses et chanteurs existent et se produisent sans bling-bling, sans rattrapage visuel, et, pour l’instant, sans intelligence artificielle.

Celles et ceux qui tendent encore l’oreille ou cherchent un peu ont entendu parler d’elles ou d’eux. Pour les autres, c’est l’ignorance. Car ce n’est pas du Rap et c’est peut-ĂȘtre, tout simplement, aussi, une musique « de Â» vieux et « pour Â» les vieux.

Car je suis vieux, c’est Ă©vident. Et, comme beaucoup de vieux, je fais mon maximum pour l’ignorer et pour ne pas me faire repĂ©rer. J’ai un trĂšs bon maquillage. Cependant, comme tous les vieux, je laisse derriĂšre moi un faisceau d’indices qui me ressemblent et me signalent : « Tu vois lĂ -bas, c’est un vieux Â».

Je dois me faire une raison et continuer d’apprendre à me raccorder aux autres tant que cela est possible.

Ce n’est pas facile.

C’est beaucoup plus facile de se faire livrer Ă  domicile d’un simple clic, de suivre la file devant soi mais aussi de s’énivrer d’algorithmes sans file d’attente. Cela m’est encore arrivĂ© rĂ©cemment. J’ai Ă  nouveau pris une bonne cuite d’algorithmes jusqu’à trois heures du matin. Ensuite, je me suis vomi. Je me suis senti minable de m’ĂȘtre laissĂ© aller une nouvelle fois malgrĂ© tout ce que je savais et connaissais dĂ©jĂ  de l’expĂ©rience.

On se dit que l’on va passer juste quelques minutes Ă  regarder pour se distraire un peu. On se convainc que l’on a la maitrise du Temps et qu’on l’a bien mĂ©ritĂ© : Le Temps.

On a encore la capacitĂ© de regarder l’heure qu’il est. Puis, on voit que l’heure passe mais on se rassure. On n’a toujours pas compris que le Temps n’appartenait Ă  personne. Mais ce n’est pas trĂšs grave. On « a Â» du Temps. On se sent bien comme on est. Devant nous passent les images et les « contenus Â» sans dĂ©rangement dĂ©sagrĂ©able ni rupture dans une parfaite, propre – et artificielle- continuitĂ©. Ce qui est tellement diffĂ©rent de ce que l’on vit d’ordinaire ou survient toujours une moisissure et une contrariĂ©tĂ© quelconque mais toujours viscĂ©rale.

Bien-sĂ»r, si l’on faisait le ratio entre le nombre d’heures passĂ©es Ă  regarder ces images et ce que l’on en a retenu, on s’apercevrait que l’on a perdu « notre Â» Temps. Mais dans ces moments-lĂ , on est trĂšs loin d’ĂȘtre fort en calcul mental. Car on est alors beaucoup plus proche d’ĂȘtre d’un « bon Â» cul mental reliĂ© Ă  nos besoins d’état rĂ©gressif et vĂ©gĂ©tatif. Et tout cela grĂące Ă  notre petit Ă©cran que nous pouvons transporter partout oĂč nous allons et oĂč nous le dĂ©cidons.

Mais pour aller au théùtre Zingaro, cela ne marcherait pas.  Car pour s’y rendre, il faut rester sobre, ĂȘtre encore capable de regarder autre chose que son Ă©cran. Etre volontaire pour employer « son Â» temps autrement. Et se dĂ©placer.

Le théùtre Zingaro, ce 8 avril 2025 aprÚs le concert de Rocio Marquez. Photo©Franck.Unimon

Afin d’y voir Rocio Marquez ce 8 avril, je me suis dĂ©placĂ©. Environ trois quarts d’heure de trajet par les transports en commun. De banlieue Ă  banlieue en passant par Paris. Du Val d’Oise Ă  la Seine Saint Denis.

En convenant au prĂ©alable avec ma fille qu’elle resterait Ă  la maison faire ses devoirs le temps que sa mĂšre rentre du travail une Ă  deux heures plus tard. J’aurais vraiment voulu emmener ma fille mais elle avait ses « devoirs Â» pour l’école le lendemain. Pour elle, cette soirĂ©e aurait fini tardivement.

J’ai vraiment bien fait de partir plus tĂŽt. Au théùtre Zingaro, on commence Ă  l’heure. J’ai eu le temps de m’installer, de retrouver cette disposition des tables et des places faite de telle maniĂšre Ă  ce que l’on se sente Ă  l’aise ici mais, aussi, Ă  ce que l’on puisse saluer et converser avec les autres personnes venues comme nous assister au mĂȘme spectacle.

C’est seulement la deuxiĂšme fois que je viens au théùtre Zingaro malgrĂ© ce que j’en avais entendu pendant des annĂ©es. C’est sans doute mieux que rien.

L’ article sur le concert de Rocio Marquez ce 8 avril au théùtre Zingaro est pour bientĂŽt.

Rocio Marquez au théùtre Zingaro, ce 8 avril 2025. Photo©Franck.Unimon

Franck Unimon, ce samedi 12 avril 2025.

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En Concert

Lagon Nwar au café de la danse ce 31 mars 2025

Le Groupe Lagon Nwar au Café de la danse ce lundi 31 mars 2025, Paris. Photo©Franck.Unimon

Lagon Nwar au Café de la danse ce 31 mars 2025

Un texte est une peau dont on se dĂ©barrasse. Et certaines sont plus tenaces que d’autres.

Le 31 mars 2025 aura Ă©tĂ© cette journĂ©e oĂč a eu lieu Ă  l’hĂŽpital Georges Pompidou, Ă  Paris, la quatriĂšme journĂ©e scientifique de la CUMP (cellule d’urgence mĂ©dico psychologique destinĂ©e Ă  s’occuper des victimes de situation sanitaire exceptionnelle et potentiellement psycho-traumatisante) Ă  laquelle je suis allĂ© assister. J’y ai aussi pris des photos. Un peu plus de cent cinquante professionnels de la SantĂ© ( psychologues, infirmiĂšres et infirmiers, psychiatres, autres…) Ă©taient prĂ©sents.

C’est aussi lors de cette journĂ©e que nous avons appris que la meneuse du Rassemblement National (ex Front National), Marine Le Pen, a Ă©tĂ© condamnĂ©e, elle et certains des membres de son parti politique, pour dĂ©tournements rĂ©pĂ©tĂ©s, pendant  plusieurs annĂ©es ( douze), de fonds publics Ă  hauteur de quatre millions d’euros.

Cet argent a été employé pour des emplois fictifs.

Marine Le Pen a dĂ©cidĂ© de faire appel car cette condamnation, si elle s’appliquait, la rendrait inĂ©ligible lors des prochaines Ă©lections PrĂ©sidentielles de 2027.

Elle et ses partisans « menacent » de son innocence. Ils affirment aussi que le rĂ©sultat de ce jugement est « politique » et mensonger et qu’il signifie que la dĂ©mocratie en France est en danger car  elle et ils estiment que c’est elle, la victime du « systĂšme ».

Marine Le Pen a entre autres dĂ©clarĂ© qu’elle ne se laisserait pas faire et a prĂ©cisĂ© :  » Je suis combattive ». 

Les juges qui, eux, ont dĂ©montrĂ© sa culpabilitĂ© sont dĂ©sormais -pour certains d’entre eux dont une femme- sous protection policiĂšre. Car ils sont « coupables » de l’avoir dĂ©clarĂ©e  » coupable », elle, Marine Le Pen, et plusieurs membres et proches de son parti politique. 

Cette « pression » ou cette façon qu’ont Marine Le Pen et ses partisans – sincĂšres ou intĂ©ressĂ©s- de vouloir faire plier et diriger, de façon brutale et autoritaire, le monde et les autres Ă  leur volontĂ©, en cherchant Ă  intimider ou Ă  dĂ©truire, font un peu penser au moins au style du PrĂ©sident amĂ©ricain Donald Trump lorsqu’il avait perdu- et contestĂ©- le rĂ©sultat des prĂ©cĂ©dentes Ă©lections amĂ©ricaines et alors que réélu rĂ©cemment, il veut aujourd’hui rĂ©genter, distribuer et imposer des taxes au monde entier. Comme si le monde Ă©tait une piĂšce montĂ©e dont il serait le pĂątissier et le commerçant et qu’il entendrait la dĂ©couper- et la vendre- comme il l’entendrait en fonction des personnes qu’il aurait dĂ©cidĂ© d’inviter (en leur faisant payer l’accĂšs Ă  son salon ou Ă  son jardin) Ă  son anniversaire.

Mais ce 31 mars 2025, il y a aussi eu heureusement des événements plus réconfortants et plus démocratiques :

il y a aussi eu le concert du groupe Lagon Nwar au Café de la Danse, du cÎté de Bastille, dans un des arrondissements trÚs prisés et festifs de Paris.

Le groupe Lagon Nwar, ce lundi 31 mars 2025, au Café de la Danse. Photo©Franck.Unimon

Le CafĂ© de la danse est une belle salle de concert intimiste, trĂšs agrĂ©able, de cinq cents places assises, oĂč la scĂšne est proche et la musique est rĂ©elle, ouverte et sans menaces. C’est en y retournant que je me suis rappelĂ© y ĂȘtre allĂ© une premiĂšre fois une vingtaine d’annĂ©es plus tĂŽt afin d’aller y voir Susheela Raman dont on entend moins parler aujourd’hui. Et le groupe Lagon Nwar est sans doute inconnu pour beaucoup de personnes.

Le groupe Lagon Nwar au Café de la Danse, ce lundi 31 mars 2025. Photo©Franck.Unimon

 

Je l’ai connu ou en ai entendu parler parce-que la chanteuse et musicienne rĂ©unionnaise Ann’ O’Aro en fait partie.

 

 

Ann’OAro du groupe Lagon Nwar, ce lundi 31 mars 2025 au CafĂ© de la Danse. Photo©Franck.Unimon

J’ai commencĂ© Ă  Ă©couter Ann’ O’Aro Ă  partir de son premier album ( voir l’article Ann O’Aro  ). Et l’annĂ©e derniĂšre, pour la premiĂšre fois, je l’avais vue en concert. J’étais arrivĂ© en retard. Le concert m’avait beaucoup plu. Mais je n’avais pu prendre de photos dans les meilleures conditions.

Je suis allĂ© au concert de Lagon Nwar sans avoir Ă©coutĂ© leur album. Les critiques Ă  son sujet Ă©taient bonnes mais de toute façon, j’étais confiant. Et curieux.

Le groupe Lagon Nwar au Café de la Danse, ce lundi 31 mars 2025. Photo©Franck.Unimon

Le groupe Lagon Nwar est le rassemblement de plusieurs artistes dĂ©jĂ  rodĂ©s par d’autres projets. La jeune spectatrice d’Ă  peine vingt ans apparemment venue seule de province, groupie du saxophoniste, qui Ă©tait assise Ă  ma droite, m’a ainsi appris que celui-ci jouait avec Clara YsĂ© que je connais pour l’instant uniquement de nom.

Elle m’a d’ailleurs fortement recommandĂ© d’aller voir Clara YsĂ© Ă  l’Olympia en m’informant qu’il ne restait plus beaucoup de places pour son concert.

Le saxophoniste de Lagon Nwar s’appelle Quentin Biardeau et durant la prestation, il s’est aussi occupĂ© des synthĂ©tiseurs. Il est aussi celui qui, dĂšs le dĂ©but, nous a amusĂ© avec son humour :

« On va vous jouer tous les morceaux de l’album et ensuite vous allez l’acheter Â».

Le groupe Lagon Nwar au Café de la Danse, ce lundi 31 mars 2025. Photo©Franck.Unimon

A la batterie, au chant et au KoundĂ©, il y avait Marcel BalbonĂ© du Burkina Faso dont l’allure avec ses lunettes noires au dĂ©but du concert faisait penser Ă  une sorte de Stevie Wonder.

 

Le groupe Lagon Nwar au Café de la Danse, ce lundi 31 mars 2025. Photo©Franck.Unimon

Puis, il y avait Valentin Ceccaldi comme bassiste. Aucun(e) guitariste n’était prĂ©vu et ce « fantĂŽme » ne nous a pas manquĂ© durant le concert puisque dĂšs le dĂ©but, le groupe Lagon Nwar nous a possĂ©dĂ©. Si les critiques de leur album, que j’ai donc achetĂ© aprĂšs leur concert et me suis fait dĂ©dicacĂ© par Ann’ O’Aro, sont trĂšs bonnes, leur concert a Ă©tĂ©, selon moi, bien meilleur.

 

Le groupe Lagon Nwar au Café de la danse, lundi 31 mars 2025. Photo©Franck.Unimon

Car ces musiciens font partie de ces artistes qui déploient leurs sortilÚges sur scÚne.

Le groupe Okali qui avait assuré leur premiÚre partie était trÚs bon.

Le groupe Okali au Café de la Danse, ce lundi 31 mars 2025. Photo©Franck.Unimon

Okali, fait de la chanteuse GaĂ«lle Minali d’origine camerounaise et de Florent Sorin pour les instruments, nous ayant donnĂ© une performance simple et toute autant mĂ©morable.

Gaëlle Minali du groupe Okali, Café de la Danse, lundi 31 mars 2025. Photo©Franck.Unimon

 Si la voix et la prĂ©sence de GaĂ«lle Minali ont pu toucher aussi par sa puissance et son Ă©lĂ©gance, l’accompagnement musical de Florent Sorin a aussi su faire mouche. Alors qu’il est trĂšs difficile d’assurer une premiĂšre partie et que, pour ma part, je ne m’attendais pas Ă  ĂȘtre aussi agrĂ©ablement surpris par Okali. Et, comme je l’ai ensuite dit Ă  Florent Sorin passĂ© prĂšs de nous, j’aurais facilement « pris » pour quinze Ă  trente minutes de musique supplĂ©mentaire du groupe Okali. Lequel est ensuite restĂ© pour assister comme nous au concert de Lagon Nwar.

Concernant Ann’O’Aro dont la prĂ©sence s’impose mĂȘme lorsqu’elle sort du « chant », je me suis demandĂ© comment une telle captation sonore pouvait par moments sortir d’un si petit corps.

Le groupe Lagon Nwar, lundi 31 mars 2025. Photo©Franck.Unimon

25 euros la place pour voir Okali puis Lagon Nwar en me trouvant au premier rang, place non numérotée, à moins de dix mÚtres de la scÚne, en plein Paris ce 31 mars.

J’aime me rappeler ce genre de chiffres et d’heur-eux-montant. Cela a pour moi une fonction et une affection incantatoire. Et me rappelle qu’il n’est pas nĂ©cessaire d’aller se tire-bouchonner pendant des heures Ă  l’entrĂ©e d’une grande salle de concert. Tout cela afin de venir scruter et ausculter sur grand Ă©cran, au milieu des aĂ©ropages multipliĂ©s d’autres buffles comme moi, une artiste ou un artiste dont la place de concert aura coĂ»tĂ© le triple ou le quadruple ou davantage. MĂȘme si l’on sera content, malgrĂ© tout, d’ĂȘtre allĂ© « voir » cet/cette artiste ( voir l’article  Rosalia au festival LOLLAPALOOZA 2023).

Certaines fois, la surpopulation prĂ©sente Ă  certains concerts et festivals peut nous exposer au triple pontage. Surtout si l’on rajoute que ces festivitĂ©s peuvent nous priver d’apporter un peu d’eau pour de prĂ©tendues raisons de sĂ©curitĂ© mais aussi exiger une assez bonne condition physique voire peut-ĂȘtre un peu de matĂ©riel d’alpinisme ou de randonnĂ©e- mais toujours un moyen de paiement infaillible- car elles peuvent aller se nicher Ă  des endroits modĂ©rĂ©ment pratiques d’accĂšs oĂč la pluie et la boue parfois nous apportent en plus leur souffle et leurs secondes peaux.

Rien de cela ce 31 mars dans la salle de concert couverte du CafĂ© de la Danse. Une ambiance dĂ©tendue. Un public qui aurait pu ĂȘtre familial (j’ai aperçu un petit au dĂ©but du concert qui n’avait pas plus de dix ans) et Ann’ O’Aro, comme lors du prĂ©cĂ©dent concert l’annĂ©e derniĂšre, a invitĂ© Ă  la danse. Que ce soit lorsque Ann’ O’Aro ou Marcel BalbonĂ© qui chantent – ensemble ou sĂ©parĂ©ment-dans leur langue natale ou en Français, le public a suivi.

Au concert de Lagon Nwar, ce lundi 31 mars 2025. Photo©Franck.Unimon

Il y a mĂȘme eu un spectateur, qui, le temps d’un morceau, s’est fait le premier danseur de tous, parmi nous qui Ă©tions assis, au point que l’on a pu croire que cela avait Ă©tĂ© prĂ©vu par le groupe.

 

 

Au concert de Lagon Nwar, ce lundi 31 mars 2025. Photo©Franck.Unimon

 

Au concert de Lagon Nwar, ce lundi 31 mars 2025. Photo©Franck.Unimon

 

 

Au concert de Lagon Nwar, ce lundi 31 mars 2025. Photo©Franck.Unimon

 

Au concert de Lagon Nwar, ce lundi 31 mars 2025. Photo©Franck.Unimon

D’autres spectateurs sont arrivĂ©s plus tard pour danser. Certains avec Ann’ O’Aro, artĂšre et vigile mobile du groupe.

Cette fois, j’ai rĂ©ussi Ă  desserrer le frein Ă  main car j’ai plus de mal qu’avant Ă  me laisser faire. Je suis parvenu Ă  dĂ©poser mon appareil photo et Ă  quitter mon siĂšge. Je m’en serais voulu d’avoir manquĂ© une fois de plus cette occasion. De seulement continuer d’endurer et d’entretenir cette expĂ©rience quotidienne et exclusive du spectateur.

Un concert oĂč les artistes sont proches, jouent (trĂšs) bien, mieux que sur leur album, et oĂč de l’imprĂ©vu, en plus, reste possible, est un trĂšs bon concert. Un concert que l’on pourrait regretter d’avoir ratĂ©.

Au concert de Lagon Nwar, ce lundi 31 mars 2025. Photo©Franck.Unimon

Mais bientĂŽt, je vous parlerai un peu du concert de Rocio MarquĂšz- autre voix tenace et persistante- que je suis depuis allĂ© voir et Ă©couter, enfin, au théùtre Zingaro, alors que je l’avais ratĂ©e l’annĂ©e derniĂšre lorsqu’elle Ă©tait passĂ©e en concert ailleurs avec Bronquio.

 

Franck Unimon, ce jeudi 10 avril 2025.

 

 

 

 

 

 

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Pour les Poissons Rouges

Jorja smith en concert cet été et les détournements de fonds publics de Marine Le Pen

 Jorja Smith en concert cet Ă©tĂ© et les dĂ©tournements de fonds publics de Marine Le Pen

Tout Ă  l’heure, Ă  la Fnac, j’ai eu de la chance. Il y avait peu de monde Ă  faire la queue Ă  la billetterie. Il Ă©tait environ 15h. Un jeudi.

Mais il n’y avait plus de place pour Jorja Smith avec la billetterie de la Fnac. EpuisĂ©. Sold out.

Dans le train pour Argenteuil, sur mon tĂ©lĂ©phone portable, j’ai quand mĂȘme regardĂ© sur la billetterie du festival. Apparemment, il Ă©tait encore possible d’acheter des places.

J’ai voulu me mettre dans les meilleures conditions pour aller voir ce concert. J’ai commencĂ© Ă  regarder la place la plus chĂšre qui nous permet de « chiller Â», d’avoir un espace rĂ©servĂ©, aĂ©rĂ©, et d’ĂȘtre bien placĂ© sur « le cĂŽtĂ© droit de la scĂšne Â» sans avoir besoin de venir trĂšs longtemps Ă  l’avance. 149 euros la place. Ou, plutĂŽt, 149 euros pour le billet de ce samedi 23 aout dans ces conditions.

J’ai hĂ©sitĂ©.

Ce qui m’a fait hĂ©siter, c’est la ribambelle de questionnaires qu’il faut dĂ©sormais remplir chaque fois que l’on veut acheter certains billets pour des spectacles sur internet. Notre nom, notre adresse, notre date de naissance, notre genre sexuel, notre position prĂ©fĂ©rĂ©e, la taille de nos pieds, la date de nos derniĂšres rĂšgles, notre couleur dĂ©testĂ©e, si l’on veut une assurance annulation/remboursement (15 euros, ici).

Au moment de payer, il y avait toujours quelque chose qui coinçait. Ça devait se sentir que je ne me livrais pas sincùrement.

Puis, j’ai rĂ©ussi Ă  passer Ă  l’étape suivante. LĂ  oĂč l’on commençait Ă  me demander les coordonnĂ©es de ma carte bancaire. A ce moment-lĂ , j’étais dans le train. Je me suis dit que je n’allais pas faire ça dans le train. Si j’avais pu payer par paypal, j’aurais peut-ĂȘtre pris la place. 149 euros.

Lorsque je suis arrivĂ© Ă  Argenteuil, quelques minutes plus tard, je me suis dit que l’annĂ©e derniĂšre, j’avais trĂšs bien pu tolĂ©rer de « rater » le concert de Lana Del Rey Ă  l’ouverture du festival Rock en Seine. Je pouvais trĂšs bien recommencer pour Jorja Smith cette annĂ©e. 149 euros.

Pour l’instant, je les ai, ces 149 euros. Sauf que je suis dĂ©jĂ  juste dans mes comptes ce mois-ci. Et nous sommes le 3. Je suis encore crĂ©diteur. Mais il va me falloir faire attention. Ma superbe voiture Ă©lectronique actuellement clouĂ©e sur place – des paramĂštres Ă©lectroniques de sĂ©curitĂ© plus sophistiquĂ©s que moi et que je ne sais pas dĂ©sactiver estiment que je n’ai pas le droit de m’en servir et elle reste stationnĂ©e dans le noir sur la place de parking que je loue–  me coĂ»te 272 euros de crĂ©dit tous les mois. Et, en plus, je paie une assurance spĂ©ciale  de 55 euros mensuels dessus.

Je me suis dit que je pouvais utiliser ces 149 euros mieux. Et autrement.

Si j’avais le fric, si je n’avais pas besoin de faire des acrobaties comptables pour donner ces 149 euros, j’aurais pris ce billet pour voir Jorja Smith entre-autres dans les meilleures conditions possibles. Mais je me suis dit qu’il fallait soit ĂȘtre aisĂ© financiĂšrement, soit renoncer Ă  ses vacances, ĂȘtre nourri, logĂ©, donc vivre encore chez ses parents ou ĂȘtre dĂ©sespĂ©rĂ© pour accepter de donner 149 euros «pour » Jorja Smith.

Mais mes parents sont repartis vivre en Guadeloupe pour leur retraite il y a plusieurs annĂ©es. Et je suis mariĂ© et pĂšre de famille. Il est donc nĂ©cessaire que je m’assume financiĂšrement ne serait-ce que pour donner- un peu- le change. 

Et j’ose encore croire que ma vie vaudra encore quelque chose mĂȘme si je ne « vois » pas Jorja Smith sur scĂšne ce 23 aout 2025. D’ailleurs, c’est elle qui fera tout son possible pour venir me voir. Elle se dĂ©placera sans aucun doute jusqu’Ă  mon domicile aprĂšs sa prestation. Elle prendra un train de la ligne J depuis la gare St Lazare. Elle se sera renseignĂ©e auparavant ou je la guiderai par sms. Et si elle a un empĂȘchement, elle se sentira tenue de me passer un coup de fil. Impossible pour elle de repartir comme ça. Trop douloureux. Car je suis irrĂ©sistible.

 

Le groupe Okali au Café de la danse, ce lundi 31 mars 2025. Photo©Franck.Unimon

Et puis, un peu de « logique » : ce lundi 31 mars, il y a trois jours, pour voir deux trĂšs bons concerts au CafĂ© de la Danse, prĂšs de Bastille, d’abord  celui du groupe Okali puis du groupe Lagon Nwar avec  entre-autres la chanteuse, musicienne et poĂ©tesse Ann’ O’Aro, il m’a suffi de payer 25 euros. J’étais dans une trĂšs bonne salle de concert, intimiste, assis au premier rang Ă  moins de dix mĂštres de la scĂšne. Et, j’ai pu prendre toutes les photos que je voulais sans ĂȘtre bousculĂ©. 500 personnes maximum, assises et bien disciplinĂ©es au CafĂ© de la danse, contre les milliers de spectatrices et spectateurs debout au festival Rock en Seine en Aout dans quelques mois.

Trois membres du groupe Lagon Nwar, ce lundi 31 mars 2025 au café de la danse. Photo©Franck.Unimon

 

Et, ce 8 avril, dans quelques jours, cette fois ce sera sous le chapiteau du Théùtre Zingaro, que j’irai enfin voir la chanteuse Rocio Marquez en concert. Je l’avais ratĂ©e l’annĂ©e derniĂšre en concert lorsqu’elle Ă©tait passĂ©e avec Bronquio.

Je « sais » que le concert de Rocio Marquez sera exceptionnel. Pour ce concert, j’ai pris le tarif le plus cher, me mettant au plus prĂšs de la « scĂšne, avec personne devant moi. Une place assise et numĂ©rotĂ©e. Pour cela, j’ai payé 39 euros.

Rien qu’avec ces deux concerts, je n’atteins toujours pas la barre des 149 euros minimum que me coĂ»terait celui de Jorja Smith et des autres artistes prĂ©sents ce jour-lĂ  Ă  Rock en Seine. Et je sais que j’ai des courses alimentaires Ă  faire, peut-ĂȘtre demain, sur le marchĂ© d’Argenteuil.

MalgrĂ© mes plus de trente annĂ©es- la retraite se rapproche- d’expĂ©rience en tant qu’infirmier psychiatrique qui me valent un salaire supĂ©rieur Ă  celui de mes collĂšgues plus jeunes  (infirmiers mais aussi psychologues) et malgrĂ© le fait que mon pouvoir d’achat reste « dopĂ© » par le fait que ma compagne et moi mettons en commun nos salaires pour nos dĂ©penses, je n’ai pas le droit Ă  l’erreur en matiĂšre de gestion. Mais, comme beaucoup de personnes, j’en fais un certain nombre. Jusqu’à ce que cela ne soit plus possible.

Marine Le Pen, elle, mais aussi un certain nombre de ses électrices et électeurs- dont désormais un certain nombre de soignants- voient ça autrement. Pour eux, les détournements de fonds publics répétés pendant plusieurs années par Marine Le Pen et plusieurs de ses relations et proches de son parti sont inventés par « le systÚme » ou sont des informations dérisoires. Des manoeuvres destinées à éviter les « vrais » sujets.

Plus de 4 millions d’euros de fonds publics ont Ă©tĂ© dĂ©tournĂ©s. C’est une des conclusions apportĂ©es par le tribunal correctionnel rĂ©cemment.

Mais selon Marine Le Pen et ses « partisans », cela serait des mensonges ou une Kabbale contre elle car elle est si proche du but : devenir PrĂ©sidente de la RĂ©publique. 

Pour elle et son camp, « le systĂšme a sorti ( ou employĂ©) la bombe nuclĂ©aire » contre eux. 

Pourtant, je pense que jusqu’Ă  maintenant, Marine Le Pen avait beaucoup flirtĂ© avec la justice et s’en Ă©tait toujours trĂšs bien tirĂ©e jusque lĂ . Elle a dĂ» se croire dĂ©finitivement immunisĂ©e contre ses lois.

Je pense aussi que Marine Le Pen aime le fric. Et qu’elle en a dĂ©jĂ  pas mal. Or, les Ă©lectrices et les Ă©lecteurs qui votent pour elle ont tendance Ă  le minimiser.  Entre- autres parce qu’ils sont en colĂšre et ont reportĂ© sur elle beaucoup de leurs espoirs.

Je pense que bien des Ă©lectrices et des Ă©lecteurs en manque de pouvoir d’achat et de reconnaissance sociale ou autre croient que Marine Le Pen est comme eux et vit comme eux. Ou pour eux.

Non, elle n’est pas comme eux. Tout Ă  l’heure, j’ai repensĂ© Ă  ces images que j’avais pu voir de Marine Le Pen il y a quelques annĂ©es alors qu’elle passait ses vacances en ThaĂŻlande. J’avais trouvĂ© paradoxal que cette personne et cette figure politique frontale qui ne voit que par la France pour les Français parte passer des vacances en ThaĂŻlande, dans un pays Ă©tranger et d’étrangers. Au lieu de les passer en France. 

Aujourd’hui, j’aurais tendance Ă  croire qu’elle y Ă©tait sĂ»rement en vacances comme le colon peut ĂȘtre en vacances dans un pays Ă©tranger. En infantilisant les autochtones, en les rĂ©sumant Ă  leurs apparences, en feignant de les trouver sympathiques dĂšs l’instant oĂč ils restent Ă  leur place contrairement Ă  ce qui se passe dans le film Parasites. 

 Je crois qu’elle Ă©tait venue chercher en ThaĂŻlande du tourisme rĂ©crĂ©atif  et superficiel  ambiance club med et lambada. MĂȘme si la lambada est sĂ»rement peu prisĂ©e en ThaĂŻlande.

J’ai beaucoup de mal Ă  l’imaginer allant vĂ©ritablement Ă  la rencontre des autres. Je la vois plutĂŽt comme la vacanciĂšre  restant dans sa bulle de champagne avec des gens comme elle et pensant comme elle, se faisant bronzer dans un transat ou participant Ă  des safaris et Ă  des sauteries pour touristes prĂ©servĂ©s.

 Je ne la vois pas partant faire du trek Ă  pied, faisant du stop, lavant ses chaussettes et ses culottes Ă  la main ou allant se recueillir dans un quelconque monastĂšre qu’elle aurait atteint Ă  la sueur de son front aprĂšs avoir gravi 10 000 marches  afin d’y pratiquer l’introspection. A moins d’y avoir Ă©tĂ© menĂ©e et Ă©ventĂ©e par des porteurs- Ă©trangers- tout le trajet durant.

Enfin, je doute que ses vacances en ThaĂŻlande aient Ă©tĂ© les mĂȘmes que celles que puissent s’offrir un bon nombre de ses Ă©lectrices et ses Ă©lecteurs.

Je ne peux imaginer Marine Le Pen que dans des hĂŽtels de luxe ou du personnel se plie au doigt et Ă  l’Ɠil  devant toutes ses volontĂ©s pendant qu’elle maintient ses doigts de pied en Ă©ventail et qu’une ou deux manucures Ă©trangĂšres s’en occupent avec application.

Cependant, je ne crois pas particuliĂšrement que les jeunes et moins jeunes qui iront piĂ©tiner Ă  Rock en Seine cette annĂ©e votent plus que d’autres pour Marine Le Pen ou Eric Zemmour ou Marion MarĂ©chal ou Bruno Retailleau ou Eric Ciotti. Par contre, je crois qu’à ma place ( elle et moi avons un ou deux ans d’écart), Marine Le Pen aurait payĂ© cette place de 149 euros pour aller voir Jorja Smith ou se la serait faite offrir. D’ailleurs, le festival se dĂ©roule dans la ville de St Cloud. Ce n’est pas trĂšs loin de sa maison et de sa cellule familiale. Elle s’y rendra peut-ĂȘtre tandis que moi, soit je resterai Ă  Argenteuil ce jour-lĂ , soit je serai au travail finalement afin de pouvoir continuer de payer mes charges et mes crĂ©dits. Et je ne crois pas un moment, et ne le souhaite pas, qu’elle viendra me voir ou me passera le moindre coup de fil. 

Franck Unimon, ce jeudi 3 avril 2025. 

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English version

Parent’s Praise

 

Photography©Franck.Unimon

Parent’s Praise

I readily accept that other parents may be “ better” than I am with their children.

My work day ended at midnight yesterday. I was back home and became a father again this morning. I did my best.

This morning, when my daughter saw me standing up, she walked towards me, smiling, and said:

“ I Just wanted to give you a kiss” or “ I wanted to hold you in my arms”.

My daughter came to hug me and fell on me. When this kind of moment comes, many parents like me are pleased. They tell themselves that they have been good parents since the birth of their children. They think everything is fine. They may also consider that it is really worth being parents. Despite the work and all the commitments that this may involve.

How many true joys do we live in one existence ?  How many joys, at first superb, turn out to be false, derisory, disappointing, deleterious or funereal ?

The attachment of a child is hardly questionable. It is always or often “right”, massive, without calculation, immediate and at the same time very surprising. But also temporary.

Because we are not always available. We are not always well-inspired and well-disposed as parents. As parents and individuals officially “responsible”, “mature” and “ conscious”, we have a number of injunctions and dead ends in our heads. Injunctions and dead ends that we as parents must “ inculcate”.

Injunctions and dead ends that we as parents must also know how to preserve them from.

Preserving them.

To “ make” children, we stop using condoms and any other contraceptive means. And once our children are sown, taken from the “void”, born, present and exposed, we as parents must also know how to preserve them.

We must know how to prevent them.

This morning, I did everything to be as receptive as possible when my daughter was telling me of her good mood and her very good disposition towards me. We were the first day of the weekend, on Saturday. The time of week when she is not at school and even though she has her homework, she will be able to relax and spend time with her parents. Since this weekend, I do not work.

So I listened and looked at my daughter. I also had to do some storage reminders. The two packets of paper tissues and the two sheets I had seen near her school bag were not to remain on the floor.

But it all went well. My daughter went to her swimming class with her mother. And I, “ the match by the fire”, I didn’t get angry. I started my breakfast trying to estimate the time at my fingertips so that I could take some time to write or perhaps go to the market next door.

I did not tell my daughter and my partner about my work day the day before. I tell them little about my work. I usually choose to distinguish between the two worlds. Professional and personal. The mental and emotional. Even if the two atmospheres certainly permeate me. I separate them or do my best to separate them when I am in either. It’s about finding ways out.

But this morning, I was thinking about this almost 15-year old who came out of football training last night and got stabbed in the shoulder to have his mobile phone stolen.

Aorta ruptured. Three cardiac arrests. I heard the news last night while at work. It happened between 8 p.m and 9 p.m.

Despite the mysterious pulmonary embolism I had in late 2023, cardiac arrest is not my field. But I work in a kind of open space where you can see and hear almost in real time the situations announced and the means deployed to deal with them. And then, before I went into psychiatry in 1992, I had first been a trained nurse for somatic care.

The young man was attacked in a good or very good district of Paris. This information was publicized a few hours later.

Almost 15 years old, stabbed for a mobile phone. Both attackers were reportedly arrested.

I imagine two boys slightly older than the victim. I would say:

No more than 20 years old and having already assaulted other people or having a criminal record.

I thought that you really had to live day by day, and again, to hope to get through life by stealing mobile phones until you were ready to kill, pardon, to attack with a knife, for that.

We are really in the immediate result by breaking into, at all costs. For a mobile phone, one is ready to put in shreds younger by stabbing.

The victim’s life is ruined. That of the parents ( who were present at the hospital where their son was) is ruined. The lives of relatives and witnesses may also be ruined. For a mobile phone that will now remain unconnected, offline and in evidence.

Perhaps some people – now rather old at least- still remember the Nokia advertising when the mobile phone was first marketed to the general public in the 1990s. It said :

“Connecting People
”.

The anger of parents and relatives will prevent them from seeing that the life of the aggressors is probably as messed up or was already.

Last night, I tried to imagine what my father’s attitude would be in front of these two attackers. I thought maybe I’d go visit one of the two men regularly in the parlor, in prison, after the conviction. Let’s say once a month. To look at him, to listen to him. To inflict the true sentence on him. To humanize or re-humanize him. To talk about my daughter. Show him two or three pictures of her. One of her, small, against me, and a recent before her death after being stabbed for a mobile phone.

On the street, unless you’re in a settling of scores where you see the other as an enemy or an official rival who takes that status, I think the aggressors most often go after strangers. People they have never seen and will never see again in principle because they live in very different areas and rhythms even opposed and they cross each other by “ opportunism” of for predatory purposes ( here for aggression). Which is very practical to “forget” or trivialize the event since we do not see again or more, “ in principle”, the victim. So we have less to confront with the violence of what we did. We can be all the more convinced that this is part of the past or that the victim has not suffered too much or that she/he will recover from it since we do not have to witness her/his agony.

But I’m probably going too far. The parents and relatives of the young person will be angry and will stay there, for some, for years, so as not to get depressed.

How do you get over that as a parent ? While everything was going well or better where it was going as usual, in an instant, because he was on this street rather than another one, their son got stabbed in the middle of Paris.

No parent can prepare for that. Nor can you keep your child in the same place all the time. So being a parent is a gamble. Nothing is definitively assured despite encouraging promises and all the parental work committed from the beginning. After several years, all this suddenly explodes in your face and throughout your body like a pressure cooker. And, in front of you, there are the aggressors or perpetrators ( people you had never seen, never met before) when they are arrested and tried, who force you to brutally take knowledge of this :

You must trade the oppressive disappearance of a loved one, educated and chosen ( your child) for the imposed and incongruous presence of these strangers. Individuals you have never invoked nor chosen and on whom you will have to rely through their story. A story that you will have to endure and discover during their trial when there is one.

Photography©Franck.Unimon

Franck Unimon, Monday 27  of January 2025 for the English version based on the French version of Saturday 25 January 2025.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Détroits

Eloge des parents

Photo©Franck.Unimon

Eloge des parents

 

J’admets trĂšs facilement que d’autres parents puissent ĂȘtre «meilleurs » que moi avec leurs enfants. 

AprĂšs ma journĂ©e de travail terminĂ©e hier soir Ă  minuit, je suis redevenu un pĂšre ce matin. J’ai fait comme j’ai pu. 

Lorsque ce matin, ma fille m’a vu debout, elle s’est engagĂ©e vers moi, souriante, en me disant :

« Justement, je voulais te faire un bisou Â» ou «  Je voulais te prendre dans mes bras Â».

Ma fille est venue me faire un cĂąlin en se plaquant contre moi. Lorsque ce genre de moment arrive, beaucoup de parents, comme moi, sont plutĂŽt contents ou satisfaits. Ils se disent que tout ce qu’ils ont fait et font depuis la naissance de leurs enfants a portĂ© ou porte.

Ils se disent qu’ils sont des « bons Â» parents et que tout va bien. Ils peuvent aussi se dire qu’ĂȘtre parent, cela vaut vraiment le coup. MalgrĂ© le travail et tous les engagements que cela peut impliquer.

Combien de joies vĂ©ritables vivons-nous dans une existence ? Combien de joies, en prime abord, superbes, s’avĂšrent-elles ensuite factices, dĂ©risoires, dĂ©cevantes, dĂ©lĂ©tĂšres ou funĂšbres ?

L’attachement d’un enfant, c’est difficilement contestable. C’est toujours ou souvent « juste Â», massif, sans calcul, spontanĂ©, immĂ©diat et en mĂȘme temps trĂšs surprenant.

Mais également passager.

Car nous ne sommes pas toujours disponibles. Nous ne sommes pas toujours bien inspirés et bien disposés en tant que parents.

En tant que parents et individus officiellement « responsables », «mĂ»rs » et « conscients », nous avons un certain nombre d’injonctions et d’impasses dans la tĂȘte dont, en principe, l’enfant est encore dĂ©livrĂ© ou dĂ©sintĂ©ressĂ©. Des injonctions et des impasses qu’en tant que parents nous devons leur « inculquer » mais Ă  des dosages et des frĂ©quences supportables. Des injonctions et des impasses dont nous devons aussi, en tant que parents, savoir les prĂ©server.

 

Les préserver.

 

On cesse d’utiliser un prĂ©servatif et tout moyen contraceptif pour faire des enfants et, une fois, qu’ils sont semĂ©s, prĂ©levĂ©s du nĂ©ant, nĂ©s, prĂ©sents et exposĂ©s, il nous faut aussi, en tant que parents, savoir les prĂ©server.

 

Savoir les prévenir.

 

Ce matin, j’ai tout fait pour ĂȘtre aussi rĂ©ceptif que possible lorsque ma fille me faisait part de sa bonne humeur et de ses trĂšs bonnes dispositions Ă  mon Ă©gard. Nous Ă©tions le premier jour du week-end, le samedi. La pĂ©riode de la semaine oĂč elle n’a pas Ă©cole et oĂč, mĂȘme si elle a ses devoirs scolaires Ă  faire, elle va pouvoir aussi se relĂącher et passer du temps avec ses parents. Puisque ce week-end, je ne travaille pas.

 

Je l’ai donc regardĂ©e et Ă©coutĂ©e. J’ai aussi dĂ» faire quelques rappels de rangement. Les deux paquets de mouchoirs en papier et les deux feuilles que j’avais aperçus prĂšs de son sac d’école ne devaient pas rester par terre dans le salon.

 

Mais tout s’est bien passĂ©. Ma fille est partie dĂ©tendue Ă  son cours de piscine avec sa mĂšre et , moi, «  l’allumette prĂšs du feu Â», je ne me suis pas fĂąchĂ©.

j’ai commencĂ© Ă  prendre mon petit dĂ©jeuner en essayant d’évaluer le temps Ă  ma portĂ©e afin de prendre le temps d’écrire ou, peut-ĂȘtre, d’aller sur le marchĂ© Ă  cĂŽtĂ© de chez nous.

 

Je n’ai pas parlĂ© Ă  ma fille ni Ă  ma compagne de ma journĂ©e de travail de la veille. Je leur parle assez peu de mon travail. J’opte gĂ©nĂ©ralement pour bien distinguer les deux univers. Le professionnel et le personnel. Le mental et l’émotionnel.

 

MĂȘme si les deux atmosphĂšres m’imprĂšgnent bien sĂ»r, je les disjoins ou fais de mon mieux afin de les sĂ©parer lorsque je me trouve dans l’une ou l’autre. Il s’agit de savoir se mĂ©nager des issues.

 

Mais ce matin encore, je repensais Ă  ce jeune de presque 15 ans, qui, hier soir, sortait de son entraĂźnement de football et qui s’est fait planter Ă  l’épaule pour se faire voler son tĂ©lĂ©phone portable. Rupture de l’aorte. Trois arrĂȘts cardiaques.

J’ai entendu la « nouvelle Â» hier soir, alors que j’étais au travail. C’est arrivĂ© entre 20 heures et 21 heures.

 

MalgrĂ© la mystĂ©rieuse embolie pulmonaire ( Le mystĂšre du Covid : Covid et embolie pulmonaire ) que j’ai faite fin 2023, Les arrĂȘts cardiaques ne sont pas mon domaine. Mais je travaille dans une sorte d’Open Space oĂč l’on assiste et entend presque en temps rĂ©el les situations annoncĂ©es et les moyens dĂ©ployĂ©s pour y faire face. Et puis, avant d’opter pour la psychiatrie Ă  partir de 1992, j’avais d’abord Ă©tĂ© un infirmier formĂ© pour les soins somatiques.

 

Le jeune s’est fait agresser non « loin Â» du lieu de travail de ses parents qui ont une situation sociale plutĂŽt Ă©levĂ©e. Dans un bon voire un trĂšs bon arrondissement de Paris.

 

Vers 23h30, hier soir, je suis allĂ© voir le collĂšgue mĂ©decin chef urgentiste le plus expĂ©rimentĂ© pour lui demander des « nouvelles». Celui-ci m’a confirmĂ© que le pronostic vital Ă©tait mauvais voire trĂšs mauvais.

 

Presque 15 ans, planté à coups de couteau pour un téléphone portable.

 

Les deux agresseurs auraient Ă©tĂ© arrĂȘtĂ©s. J’imagine deux garçons Ă  peine plus ĂągĂ©s que la victime. Je dirais : pas plus de 20 ans et ayant dĂ©jĂ  agressĂ© d’autres personnes ou ayant dĂ©jĂ  un casier judiciaire.

 

Je me suis dit qu’il fallait vraiment vivre au jour le jour, et encore, pour espĂ©rer s’en sortir dans la vie en volant des tĂ©lĂ©phones portables jusqu’à ĂȘtre prĂȘt Ă  tuer, pardon, Ă  agresser Ă  coups de couteau, pour cela. On est vraiment dans le rĂ©sultat immĂ©diat par effraction, coĂ»te que coĂ»te. Pour un tĂ©lĂ©phone portable, on est prĂȘt Ă  mettre en charpie un plus jeune Ă  coups de couteau.

 

La vie de la victime est bousillĂ©e. Celle des parents (qui Ă©taient prĂ©sents hier soir Ă  l’hĂŽpital oĂč se trouvait leur fils) est bousillĂ©e. Celle des proches et ou de certains tĂ©moins est peut-ĂȘtre aussi bousillĂ©e. Pour un tĂ©lĂ©phone portable qui restera dĂ©sormais sans rĂ©seau, hors connexion, et Ă  l’état de piĂšce Ă  conviction.

 

La colĂšre des parents et des proches les empĂȘchera de voir que la vie des agresseurs est sans doute aussi bousillĂ©e ou qu’elle l’était dĂ©jĂ  auparavant.

Cette nuit, j’ai un peu essayĂ© d’imaginer quelle serait mon attitude de pĂšre devant ces deux agresseurs. Je me suis dit que j’irais peut-ĂȘtre visiter l’un des deux rĂ©guliĂšrement au parloir, en prison, aprĂšs la condamnation. Disons, une fois par mois. Pour le regarder, l’écouter. Pour lui infliger sans doute la vraie sentence. Pour l’humaniser ou le rĂ©-humaniser.

Pour lui parler de ma fille. Lui montrer deux ou trois photos d’elle. Une d’elle, petite, contre moi et une rĂ©cente avant sa mort aprĂšs avoir reçu des coups de couteau. Pour un tĂ©lĂ©phone portable.

Dans la rue, Ă  moins d’ĂȘtre dans un rĂšglement de comptes oĂč l’on voit l’autre comme un ennemi officiel qui accepte ou qui endosse ce statut, je crois que les agresseurs s’en prennent le plus souvent Ă  des inconnus. Des personnes qu’ils n’ont jamais vues et qu’ils ne reverront en principe jamais puisqu’ils vivent dans des aires et des rythmes trĂšs diffĂ©rents voire opposĂ©s et qu’ils se croisent soit par « opportunisme » ou Ă  des buts de prĂ©dation (ici, pour l’agression). Ce qui est bien pratique pour « oublier » ou banaliser ensuite l’évĂ©nement puisque l’on ne revoit pas ou plus, « en principe », la victime. On a donc moins Ă  se confronter Ă  la violence de ce que l’on a fait. On peut d’autant plus se convaincre que cela fait partie du passĂ© ou que la victime n’a pas trop souffert ou qu’elle s’en remettra puisque l’on n’a pas Ă  assister Ă  son agonie.

 

Mais je vais sans doute beaucoup trop loin. Les parents et les proches du jeune seront dans la colÚre et y resteront, pour certains, pendant des années, afin de ne pas déprimer.

 

Comment peut-on se relever de ça en tant que parents ? Alors que tout allait bien ou mieux oĂč se dĂ©roulait comme d’habitude, en un instant, parce qu’il Ă©tait dans cette rue-lĂ  plutĂŽt que dans une autre, leur fils s’est fait poignarder en plein Paris.

 

Aucun parent ne peut se prĂ©parer Ă  ça. Et on ne peut pas non plus couver son enfant en permanence. Etre parent reste donc un pari. Rien n’est dĂ©finitivement assurĂ© malgrĂ© des promesses encourageantes et tout le travail parental engagĂ© depuis le dĂ©but.  AprĂšs plusieurs annĂ©es, tout cela vous explose subitement en plein visage ainsi que dans tout le corps telle une cocotte- minute. Et face Ă  vous, il y a les agresseurs ou les auteurs de l’acte (des gens que vous n’aviez jamais vus, jamais rencontrĂ©s) lorsqu’ils sont arrĂȘtĂ©s et jugĂ©s, qui vous obligent Ă  prendre violemment conscience de ça :

 

 Il vous faut troquer la disparition brutale d’un ĂȘtre cher, Ă©duquĂ© et choisi (votre enfant) contre la prĂ©sence imposĂ©e de ces inconnus que vous n’avez pas choisis, sur lesquels vous allez devoir en quelque sorte vous appuyer, et qu’il vous faut dĂ©couvrir, Ă©couter et regarder lors de leur procĂšs lorsqu’il y en a un.

Photo©Franck.Unimon

Franck Unimon, samedi 25 janvier 2025.

 

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Photos Voyage

Soixante photos du Japon juillet 2024/ Sixty shots of Japan July 2024

 

 

Soixante photos du Japon Juillet 2024/ Sixty shots of Japan July 2024

Inosaki, Himeji, Tokyo, Kyoto, Hiroshima, Kurashiki
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Quelques mois aprĂšs mon second sĂ©jour au Japon, je retourne sur les talons de ces photos que j’y ai prises durant ces trois semaines. Ni dĂ©tresse ni nostalgie dans ces instants qui m’inspirent ce « retour Â».

Il faut bien quelques semaines, quelques mois voire quelques annĂ©es pour pouvoir mieux regarder certains moments. Et celles et ceux qui savent prendre leur temps comme leur pouls le comprendront certainement. Pour les autres, cela viendra peut-ĂȘtre plus tard. J’ai dĂ©jĂ  publiĂ© au moins deux articles sur mon blog sur ce sĂ©jour que je dois cette fois-ci au Masters Tour proposĂ© et organisĂ© depuis plusieurs annĂ©es par LĂ©o Tamaki. Mais cette fois, c’est peut-ĂȘtre le moment de faire autrement la synthĂšse de ce que j’ai vĂ©cu lors de ce sĂ©jour au Japon.

 

En 1999, lors de mon premier voyage au Japon, les rĂ©seaux sociaux n’existaient pas et les tĂ©lĂ©phones portables que nous avions ne permettaient pas de naviguer sur internet, de filmer ou de prendre des photos. Et je n’avais pas de blog. Il me reste les photos papier de ce sĂ©jour ainsi que divers objets, impressions et souvenirs que j’en avais rapportĂ©s. Mais je n’avais rien Ă©crit ni publiĂ©.

Aujourd’hui, c’est diffĂ©rent. Nous pouvons presque quotidiennement faire savoir Ă  d’autres personnes quel grand gĂ©nie nous sommes et la chance qu’elles ont toutes de nous connaĂźtre, jour aprĂšs jour. MĂȘme s’il est parfois nĂ©cessaire de savoir le leur rappeler rĂ©guliĂšrement :

Les meilleures rĂ©ussites comme les pires initiatives peuvent dĂ©sormais se diffuser vingt quatre heures sur vingt quatre sur les rĂ©seaux sociaux et sur le net en un tour de piste. Certaines de ces derniĂšres sont tenaces et rĂ©pĂ©titives tandis que les premiĂšres peuvent rapidement se faire avaler par cette obligation et cette obsession de la nouveautĂ© et d’originalitĂ© censĂ©es dĂ©finir la valeur de notre personnalitĂ© et de notre vie.

Il n’existe pas de sĂ©rum dĂ©finitif Ă  ce sĂ©bum narcissique. On peut s’assagir et ĂȘtre lucide quelques temps puis recommencer Ă  gesticuler dans le courant environnant. Car cela signifie aussi que l’on est une personne « normale Â» jusqu’à un certain point : que l’on ressemble Ă  une majoritĂ©.

Lorsque l’on dĂ©cide de se rendre au Japon pour quelques semaines en partant de la France, on « sait Â» que l’on multiplie les probabilitĂ©s pour s’extraire de ce que l’on connaĂźt et peut-ĂȘtre de ce que l’on est habituellement en France ou en occident.

La langue et les codes sociaux sont différents, les croyances aussi sans doute.

L’Anglais d’Oxford ou d’ailleurs y reste assez peu parlĂ© et l’Espagnol ou le CrĂ©ole n’y seront d’aucune aide. On y est quelque peu dĂ©pouillĂ©. Mais pas toujours de ce que l’on croit. Car il se peut que l’on se fasse dĂ©pouiller, comme lors de tout vĂ©ritable voyage et de toute vĂ©ritable rencontre, d’une partie de nos insuffisantes connaissances sur le monde sur celles et ceux qui nous entourent et, bien-sĂ»r, sur nous-mĂȘmes.

J’ai Ă©tĂ© Ă©tonnĂ© aprĂšs mon retour du Japon qu’il me soit demandĂ© par plusieurs personnes si j’y avais bien mangĂ©. J’ai eu l’impression que c’était la premiĂšre fois, aprĂšs un de mes voyages, que l’on avait autant besoin de s’assurer que l’on y mangeait bien.

Je peux rĂ©pondre Ă  nouveau que j’ai trĂšs facilement trouvĂ© de quoi me satisfaire d’un point de vue alimentaire sur le territoire nippon. Et que je n’ai pas eu Ă  errer dans des bas fonds interlopes afin de trouver des dealers mafieux Ă  mĂȘme de me revendre au marchĂ© noir des denrĂ©es alimentaires typiquement françaises que je puisse serrer dans mes bras avant de les confier Ă  mon estomac.  

Cet Ă©tĂ©, j’ai bien remarquĂ© sur place que le Japon Ă©tait en effet devenu une destination plus touristique qu’en 1999. Lors de mon premier voyage, les touristes Ă©taient « clairsemĂ©s Â» et j’en avais peu rencontrĂ©. Cette annĂ©e, il Ă©tait plus frĂ©quent d’en croiser. Et Ă  la gare de Kyoto, j’ai mĂȘme eu la surprise de tomber sur une famille de compatriotes guadeloupĂ©ens qui se promenait dans les galeries commerçantes.

Il faut nĂ©anmoins prĂ©ciser que cette annĂ©e, notre sĂ©jour s’est dĂ©roulĂ© en pleine pĂ©riode touristique, lors du mois de juillet alors qu’en 1999, j’étais venu en septembre.

J’ai aussi trouvĂ© qu’il y avait nettement plus de ressortissants chinois, qu’ils soient simples touristes ou habitants. Cela m’a marquĂ© compte-tenu des diffĂ©rends culturels et politiques qui peuvent exister ou ont pu exister entre la Chine et le Japon.

Le Japon est un pays riche et ambitieux tant historiquement, culturellement qu’économiquement. AppelĂ© «  Le pays du Soleil Levant Â», il est peut-ĂȘtre aussi le pays des contraires ordonnĂ©s. 

Aussi, soixante photos dans un diaporama afin de laisser le meilleur aperçu possible de ce sĂ©jour au Japon, c’est assez peu. Mais je crois que l’on dit qu’une image vaut autant que dix mille mots. Il est possible que je me sois trompĂ© sur le chiffre exact. Je sais par contre qu’au dĂ©part, ce diaporama devait contenir cent photos. J’aimais bien le chiffre cent. Peut-ĂȘtre parce-qu’il est proche en sonoritĂ© du mot « sang Â».

Sauf que, sur les plus de 8000 photos prises lĂ -bas, je me suis retrouvĂ© avec 176 photos. Cela faisait beaucoup trop. Trop de sang. J’ai donc coupĂ©. Surtout qu’aujourd’hui, il faut savoir livrer du concentrĂ©. Je ferai peut-ĂȘtre un autre diaporama aprĂšs celui-lĂ .

Comme musique, je voulais d’abord mettre du Dub. Pendant environ deux jours, j’ai Ă©coutĂ© plusieurs titres de Brain Damage et de Manutention. J’ai Ă©tĂ© beaucoup tentĂ© de rĂ©utiliser un des titres de Brain Damage dont je ne me lasse pas.

Finalement, ce matin, je me suis rappelĂ© de Rosalia que j’étais allĂ© voir en concert en Ă©tĂ© 2023 Ă  l’hippodrome de Longchamp avant de partir ensuite travailler de nuit.

Le titre La Combi Versace m’a rapidement convaincu. On s’attend peu, je crois, Ă  retrouver apposĂ©e une telle musique et la langue espagnole « sur Â» des photos relatives au Japon. On est le plus souvent tentĂ©, en tant qu’occidental admiratif, de l’accoler Ă  une musique solennelle ou qui inspire certaines attitudes de respect ou supposĂ©es zen.

J’ai bien Ă©videmment du respect pour le Japon et je suis sensible Ă  la recherche du zen. Mais je crois que ce titre de Rosalia sert trĂšs bien ce diaporama car il a parmi ses avantages le fait, je crois, de reprĂ©senter l’avenir, d’ĂȘtre entraĂźnant et plein de vie. Il est aussi composĂ© et interprĂ©tĂ© par une femme qui a ses idĂ©es et qui s’exprime dans une autre langue que l’incontournable langue anglaise de beaucoup de nos titres prĂ©fĂ©rĂ©s. Et le dĂ©cĂšs rĂ©cent de Quincy Jones est lĂ  pour nous le remĂ©morer.

Je cite feu Quincy Jones. Mais il ne manquera pas de personnes pour se rappeler de lui ou pour Ă©couter sa musique qui, d’une façon ou d’une autre, est une mĂ©moire, sa mĂ©moire. Par contre, en Ă©coutant de la musique ce matin afin d’en choisir une pour ce diaporama, j’ai pensĂ© Ă  toutes ces personnes qui n’ont plus ou qui n’ont pas la possibilitĂ© de connaĂźtre ce plaisir qui est simplement d’écouter de la musique qu’elles aiment et de se laisser entraĂźner par elle et qui partiront sans laisser de mĂ©moire. Car elles vivent dans une trop grande pauvretĂ© ou dans une trop grande violence.

C’est une trĂšs grande libertĂ© et un grand privilĂšge que de pouvoir Ă©couter de la musique, « sa Â» musique, lorsqu’on le souhaite comme de pouvoir l’emporter avec soi dans son tĂ©lĂ©phone portable, sur son ordinateur ou dans un baladeur numĂ©rique. De se mettre oĂč l’on veut et de l’écouter voire de la faire Ă©couter et de la vivre avec d’autres.

Je ne suis pas certain que l’on s’en rappelle toujours. Ce diaporama est aussi là pour m’aider à m’en rappeler. Car j’ai besoin de m’en rappeler.

Franck Unimon, ce mercredi 13 novembre 2024.

 

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En Concert

Massive Attack Ă  Rock en Seine Aout 2024

Massive Attack Ă  Rock en Seine, Aout 2024.
Photo©Franck.Unimon

 

I was about to forget about Massive Attack at Rock en Seine Festival in August 2024. I was there. I took those pictures and videos. Je m’en rappelle ce soir avant que le vide ne m’entraĂźne Ă  nouveau et avant mon coucher.

 

Massive Attack, groupe créé Ă  Bristol Ă  la fin des annĂ©es 1980… (en 1988). Cela fait plusieurs fois que je la lis. Mais  j’ai du mal Ă  assimiler cette information. 

Massive Attack Ă  Rock en Seine, Aout 2024.
Photo©Franck.Unimon

1988, c’est sept annĂ©es aprĂšs la mort de Bob Marley. Trois ans avant le dĂ©cĂšs de Miles Davis et de Serge Gainsbourg. Quatre annĂ©es et une annĂ©e aprĂšs les albums Purple Rain et Sign o’ the Times de Prince ; six annĂ©es et une annĂ©e aprĂšs les albums Thriller et Bad de MichaĂ«l Jackson ; une annĂ©e aprĂšs l’album Kiss Me, Kiss Me, Kiss Me de The Cure ; quatre annĂ©es aprĂšs l’album An ba Chen’n la de Kassav’ ; six annĂ©es aprĂšs l’album The Message de Grandmaster Flash….

Horace Andy avec Massive Attack Ă  Rock en Seine, Aout 2024.
Photo©Franck.Unimon

Pour moi, la musique de Massive Attack a fait partie des miracles des annĂ©es 90 et 2000 avec, pour apothĂ©ose, leur troisiĂšme album Mezzanine ( sorti en 1998) dont le titre Dissolved Girl comptera parmi les titres du film Matrix rĂ©alisĂ© par les ex-frĂšres Wachowski qui connaĂźtra un succĂšs mondial et qui est depuis devenu une rĂ©fĂ©rence pour bien des cinĂ©philes.

Mezzanine fut pour moi un miracle ambivalent, Ă©vident et captivant. Car aussi vĂ©nĂ©neux, angoissant, aliĂ©nant et potentiellement mortel que potentiellement salvateur. 

C’est surgir au bord du gouffre, nous prĂ©venir de sa proximitĂ© et de son imminence. Et nous convaincre de rester Ă©couter. Nous suggĂ©rer qu’il y a, parmi les Ă©clairs, encore un espoir…

Daddy G/Grant Marshall du groupe Massive Attack à Rock en Seine, Aout 2024. Photo©Franck.Unimon
Massive Attack au festival Rock en Seine, Aout 2024. Photo©Franck.Unimon

Si l’aura et la force du groupe se sont effilochĂ©es aprĂšs Mezzanine,  Massive Attack, par la suite, a nĂ©anmoins adressĂ© d’autres titres qui ont du poids.

Je pense principalement Ă  ceux de l’album Heligoland (sorti en 2010).  

Massive Attack au festival Rock en Seine, Aout 2024. Photo©Franck.Unimon
Au Festival Rock en Seine, Aout 2024. Concert de Massive Attack. Photo©Franck.Unimon

Lors de ce concert de Massive Attack en aout, j’ai Ă©tĂ© Ă©tonnĂ© par le jeune Ăąge des spectateurs autour de moi. Normal :

Je fais dĂ©sormais partie des vieux et ce sera encore plus vrai dans quelques minutes, date de mon anniversaire. Et celles et ceux que j’ai vus, assez prĂšs de la scĂšne avec moi, avaient dans leur grande majoritĂ© Ă  peu prĂšs l’Ăąge que j’avais lorsque j’Ă©coutais Massive Attack dans les annĂ©es 90 : La trentaine ou un peu moins.

Ce qui signifie quand mĂȘme que la plupart d’entre eux Ă©taient Ă  peine nĂ©s lors des premiers albums de Massive Attack ( Blue Lines, le premier album, est sorti en 1991).

A nouveau, comme pour d’autres artistes, cet exemple rappelle que, malgrĂ© les « changements » d’Ă©poque, une certaine attraction et identification demeurent. Comme chaque fois que l’oeuvre d’un(e ) artiste ou d’une personnalitĂ© « parle » au plus grand nombre.

Il est des oeuvres que le Temps camisole, d’autres qu’il libĂšre.

Massive Attack est sans doute bien moins connu et bien moins Ă©coutĂ© aujourd’hui qu’il y a trente ans mais il est bien des artistes qui aimeraient signifier au moins autant qu’eux au point de pouvoir encore se produire sur la grande scĂšne d’un festival de « Rock » trĂšs suivi.

Shara Nelson avec Massive Attack, festival Rock en Seine, Aout 2024. Photo©Franck.Unimon

On peut aussi lire/voir l’article Tricky Ă  l’Olympia ce 6 mars 2024

Franck Unimon, ce 1er octobre 2024.

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Cinéma

Ni ChaĂźnes ni Maitres un film de Simon MoutaĂŻrou

 

Ni chaĂźnes ni Maitres un film de Simon MoutaĂŻrou

 

Ecrire peut ressembler Ă  de la loterie ou Ă  un exercice de tĂ©lĂ©pathie ratĂ©e. Tant de pensĂ©es et tant d’énergie engagĂ©e et un mauvais choix peut tout gĂącher alors que cela commençait bien et que notre temps- et aussi l’attention des autres- reste comptĂ©. Et limitĂ©.

C’est peut-ĂȘtre aussi parce-que je refuse encore- un peu -d’ĂȘtre domptĂ© par cette addiction aux images qui a propulsĂ© ses comptoirs dans nos vies et nous vide de notre intĂ©rioritĂ© en nous maintenant Ă  l’arrĂȘt que j’ai recommencĂ© rĂ©cemment Ă  retourner voir des films au cinĂ©ma (Ă  raison de deux films d’affilĂ©e au minimum) et que je me remets ce soir Ă  Ă©crire.

Je vais au cinĂ©ma comme d’autres prient, voyagent, partent en pĂ©lĂ©rinage ou vont Ă  la messe.

Je me suis aussi rappelĂ© que le cinĂ©ma pouvait me donner une Ă©ducation et m’apporter un certain rĂ©pit.

J’aime encore le fait de me mouvoir et d’aller chercher corporellement dans l’espace un Savoir, une expĂ©rience, une rencontre, un moment.

Je crois que l’expĂ©rience d’un film peut avoir des effets bĂ©nĂ©fiques sur mon existence.

 

 A condition de bien choisir ses films.

Je sais aussi que cette façon de voir est attardĂ©e et qu’elle provient aussi de mon Ăąge, de mon Ă©poque et de mon tempĂ©rament. Car, dĂ©sormais, on peut aussi prĂ©fĂ©rer tout faire depuis chez soi par la dĂ©matĂ©rialisation et le virtuel qui offrent  des avantages pratiques consĂ©quents.

 

J’aime aussi regarder des films de divertissement ou dits grand public.

 

Mais vu que mon temps est comptĂ©, je dois avoir des prioritĂ©s. J’ai donc rapidement Ă©cartĂ© des films tels que Alien : Romulus de Fede Alvarez ou Deadpool & Wolverine rĂ©alisĂ© par Shawn Levy sortis respectivement le 14 aout et le 24 juillet en salles. Deux films qu’il est encore possible de voir en version originale au moins dans le complexe cinĂ©ma parisien que je frĂ©quente depuis plus d’une vingtaine d’annĂ©es.

 

Au lieu d’aller crier dans l’espace et de retourner voir Wolverine s’Ă©nerver et Deadpool faire le mariole, je suis allĂ© chercher des films qui font partie de la constellation  dite du « cinĂ©ma d’auteur».

Il y a des films d’auteurs qui marchent bien et qui « rencontrent » leur public massivement, au grand jour, et non dans une back room. Il en est d’autres qui sont peu vus car ignorĂ©s par le public ou rapidement retirĂ©s des salles de cinĂ©ma, mal distribuĂ©s. Il y a ceux qui passent inaperçus au cinĂ©ma, que l’on va voir dans une salle pratiquement vide, et qui, plus tard, voire assez rapidement, deviennent cultes comme Requiem for a dream (2000) de Darren Aronofski ou  Under the Skin ( 2013) de Jonathan Glazer. Il y a des rĂ©alisateurs reconnus de leur vivant et qui sont Ă©tonnamment oubliĂ©s aprĂšs leur dĂ©cĂšs comme Krzystof Kieslowski. Et d’autres, peut-ĂȘtre trop fous pour que les gens normaux aient pu  entendre parler d’une oeuvre telle que La ComĂ©die de Dieu (1995) de Joao CĂ©sar Monteiro.

Il y a quelques films, aussi, qui, bien que faisant encore partie du cinĂ©ma d’auteur rassemblent les spectateurs car celle ou celui qui les dĂ©livre a, avec ses oeuvres cinĂ©matographiques prĂ©cĂ©dentes, rempli de maniĂšre rĂ©pĂ©tĂ©e au moins ces trois ou quatre conditions :

Remporté des prix dans des festivals prestigieux; été estimé(e) et soutenu par les média et les critiques de cinéma; rencontré un succÚs public et commercial ; révélé des oeuvres, des histoires personnelles, des actrices ou des acteurs.

Tel Emilia PĂ©rez, le dernier film du rĂ©alisateur Jacques Audiard, sorti le 21 aout 2024, et qui a fait partie des films d’auteurs que j’ai vus (et aimĂ©) rĂ©cemment.

 

Et puis, il y a les films comme Ni Chaßnes ni Maitres de Simon Moutaïrou sorti le 18 septembre 2024 et que je suis allé voir ce 20 septembre au matin.

La semaine derniĂšre, je me suis Ă©tonnĂ© de ne pas citer Ni ChaĂźnes ni Maitres lors d’une discussion avec quelques collĂšgues Ă  propos des films que j’avais vus rĂ©cemment. Je les avais tous citĂ©s. J’avais mĂȘme recommandĂ© La Partition de Matthias Glasner qui est un film « dramatique allemand Â» de prĂšs de trois heures sorti le 4 septembre et qui est loin d’ĂȘtre lĂ©ger moralement.

Mais aucune allusion spontanée de ma part concernant Ni Chaines ni Maitres à mes collÚgues.

Il m’a bien fallu environ deux bonnes minutes pour m’en rappeler et le rajouter, du bout des lĂšvres, parmi la liste des films que j’avais vus ces derniers jours. Et lorsque j’ai parlĂ© du film, j’en ai parlĂ© avec mĂ©nagement :

J’apprĂ©hendais de gĂȘner ou de dĂ©ranger. Je ne voulais pas gĂȘner ou dĂ©ranger mes collĂšgues (majoritairement blancs) avec ce sujet. Je me suis presque comportĂ© comme une personne qui confessait une faute morale. Avoir vu un film. Ce film-lĂ . 

J’avais pourtant aimĂ© le film.

Je crois que ce malaise que j’ai ressenti devant mes collĂšgues raconte le sujet du film. Ou, plutĂŽt, la façon dont son sujet est abordĂ© ou reste abordĂ© en France :

 

Tant que l’on parle d’esclavage ou de racisme anti-noir dans des grosses productions amĂ©ricaines, tout va bien. Cela se passe aux Etats-Unis. En France, tout cela est « digĂ©rĂ© » ou plutĂŽt mis dans le placard avec tout le nĂ©cessaire disponible pour l’employĂ© de mĂ©nage ( souvent une personne noire ou arabe).

Alors qu’aux Etats-Unis, qu’est-ce-que la condition des Noirs a Ă©tĂ© ou reste dĂ©gueulasse ! Black Lives Matter. Rodney King. Martin Luther King. I Have a Dream. Spike Lee. Angela Davis. Toni Morrisson. Colson Whitehead. James Baldwin. Amistad, La Couleur Pourpre, Le Majordome, Django Unchained, Get out
..

Le 24 septembre 2024 au soir en rentrant du travail, Rue de Rivoli, Paris, Librairie Galignani. Photo©Franck.Unimon

Grand soulagement cependant. Car mĂȘme si en septembre 2018, en France, lors d’une Ă©mission tĂ©lĂ©visĂ©e et bien mĂ©diatisĂ©e, un personnage mĂ©diatique comme Eric Zemmour avait pu s’autoriser Ă  donner son avis sur le prĂ©nom de la chroniqueuse Hapsatou Sy (comme Ă  l’époque de l’esclavage) tous les dĂ©bordements liĂ©s Ă  l’esclavage et au racisme anti noir se dĂ©roulent bien sĂ»r aux States, aux Etats Unis, oĂč ça peut ĂȘtre trĂšs dur pour « Les Blacks ».

Libraire Galignani, rue de Rivoli, Paris, Mardi 24 septembre 2024 vers 21h30. Photo©Franck.Unimon

A la rigueur, un rĂ©alisateur britannique ( un homme noir bien-sĂ»r) comme Steve McQueen va parler de l’esclavage dans un film comme Twelve years a slave (rĂ©alisĂ© en 2013) qui comptera plusieurs vedettes internationales ( Chiwetel Ejiofor, Brad Pitt, Michael Fassbender, Paul Dano, Benedict Cumberbatch
.).

Mais en France, pour l’instant, aucun film notable ou sĂ©rieux sur l’esclavage avec Jean Gabin, Yves Montand, Lino Ventura, Jean-Paul Belmondo, Alain Delon, GĂ©rard Depardieu, Romain Duris, Pierre Niney, Pio MarmaĂŻ, François Civil, Romy Schneider, Brigitte Bardot, Vanessa Paradis, Jeanne Moreau, Catherine Deneuve, Isabelle Adjani, MaĂŻwenn, AdĂšle Exarchopoulos, Alice Isaaz, NoĂ©mie Merlant, Audrey Fleurot, Audrey Tautou
.

 

Il faut Ă©ventuellement attendre que deux humoristes ( noirs) plutĂŽt connus comme Thomas N’gijol et Fabrice EbouĂ© en parlent dans Case DĂ©part en 2011 pour que l’on puisse dire qu’un film français (humoristique) qui Ă©voque l’esclavage a eu un certain succĂšs public. Auparavant, je crois que seul Rue Cases NĂšgres rĂ©alisĂ© par Euzhan Palcy en 1983 avait pu aborder le sujet et avoir aussi un certain « succĂšs ». Et le film d’Euzhan Palcy (inspirĂ© du livre de Joseph Zobel) est le contraire d’une comĂ©die.

Paris, photo prise en septembre 2024, un ou deux jours aprĂšs vu  » Ni ChaĂźnes ni Maitres ». Je suis tombĂ© sur cette rue par hasard dans un quartier trĂšs aisĂ© et plutĂŽt tranquille de Paris. Si le GĂ©nĂ©ral NĂ©grier, d’aprĂšs WikipĂ©dia, n’a pas participĂ© Ă  la traite nĂ©griĂšre, ses actions en AlgĂ©rie, lors de la colonisation, transposent le pire du terme  » NĂ©grier ». Photo©Franck.Unimon

L’ esclavage fait donc partie des sujets tabous en France en 2024 et j’ai Ă©tĂ© le propre tĂ©moin de ma dissociation Ă  ce sujet. Car en prĂ©sence de personnes noires, j’aurais sans aucun doute beaucoup plus facilement citĂ© Ni ChaĂźnes ni Maitres parmi les films que je suis allĂ© voir rĂ©cemment. Et qui m’ont plu. Comme Les Barbares de Julie Delpy, A son image de Thierry de Peretti, Le ProcĂšs du chien de Laetitia Dosch.

 

Ni ChaĂźnes ni MaĂźtres  a par ailleurs dans ses avantages, le fait, pour la premiĂšre fois dans une production française sur le thĂšme de l’esclavage et du marronnage, de proposer des  acteurs français et blancs  de premiĂšre main :

Camille Cottin et BenoĂźt Magimel. Lesquels ont des rĂŽles dĂ©cisifs. Il faut aussi rajouter Marc BarbĂ© qui fait une apparition marquante voire FĂ©lix Lefebvre, prĂ©sent dans le SuprĂȘmes d’Audrey Estrougo  (consacrĂ© au groupe de Rap NTM).

J’ai Ă©tĂ© « initiĂ© Â» Ă  l’histoire de l’esclavage par mon pĂšre, en banlieue parisienne, alors que j’étais Ă  l’école primaire et que j’écoutais- entre-autres- les mĂȘmes variĂ©tĂ©s françaises que mes copains et copines de classe de Claude François Ă  Michel Sardou en passant par Alain Souchon ( J’ai dix ans)  Dave (Vanina), Sheila, Joe Dassin, Ringo, Julien Clerc, Johnny Halliday, Mireille Mathieu ou Dalida ( Paroles paroles)…

Et alors que je regardais et dĂ©couvrais fidĂšlement, Ă©merveillĂ©, Goldorak, San Ku KaĂŻ mais aussi Les MystĂšres de l’Ouest, L’homme qui valait trois milliards ou David Vincent et les envahisseurs, Chapeau melon et bottes de cuir
La petite maison dans la prairieCosmos 1999l’Ă©mission Temps X des FrĂšres Bogdanoff.

 

Donc, quarante ans plus tard, un film de plus sur l’esclavage ne me faisait pas peur. Sauf que je peux en avoir assez de faire «bouffer » de l’esclavage Ă  ma mĂ©moire. Je ne cours pas aprĂšs les films qui traitent (ce jeu de mot Ă©tait trop irrĂ©sistible) de l’esclavage. Mais Ni ChaĂźnes ni Maitres m’a rapidement donnĂ© « envie ». Cela vient peut-ĂȘtre du fait que le film a d’abord Ă©tĂ© trĂšs bien Ă©crit par Simon MoutaĂŻrou qui a d’abord Ă©tĂ© scĂ©nariste  (L’Assaut, Goliath, BoĂźte noire) avant de devenir rĂ©alisateur. Avant de faire son film, Simon MoutaĂŻrou a pris le temps de rencontrer des historiennes mais aussi de lire Le Marronnage Ă  l’Isle de France, rĂȘve ou riposte de l’esclave ?  d’AmĂ©dĂ©e Nagapen, un ecclĂ©siastique catholique et historien mauricien dĂ©cĂ©dĂ© en 2012 (sources WikipĂ©dia et le Bondyblog.fr ). 

D’aprĂšs mes recherches, l’ouvrage de Nagapen est aujourd’hui indisponible. Pour l’instant, de son travail, il nous reste donc…Ni ChaĂźnes ni Maitres de Simon MoutaĂŻrou.

 

DĂšs le dĂ©but, le film nous entraĂźne. Ensuite, avec trĂšs peu de gestes, et en quelques images,  Benoit Magimel en EugĂšne Larcenet nous laisse entrevoir ce que pouvait ĂȘtre l’état d’esprit paternaliste d’un esclavagiste sur sa plantation. Sans grossiĂšretĂ© ni caricature.

Deux figures fĂ©minines (on peut en ajouter une troisiĂšme d’allure mystique) dominent le film. En la personne de Mati (l’actrice Thiandoum Anna Diakhere) la fille du hĂ©ros (Massamba, l’acteur Ibrahima Mbaye) et de Madame la Victoire, la chasseuse de nĂšgres, interprĂ©tĂ©e par Camille Cottin. Soit deux autres atouts supplĂ©mentaires du film.

J’ai aussi beaucoup aimĂ© l’apport de la langue. Ici, beaucoup le Wolof. J’ai aussi aimĂ© que le film nous montre ce que pouvait encore ĂȘtre la culture ( Wolof et autres) d’origine de ces femmes et de ces hommes avant qu’ils ne soient complĂštement « assimilĂ©s», francisĂ©s ou Ă©crabouillĂ©s comme la canne Ă  sucre qu’ils rĂ©coltent. Ni ChaĂźnes ni Maitres se dĂ©roule en 1759 en « Isle de France » ( l’ancien nom de l’Ăźle Maurice).

 

Le film rappelle aussi l’addiction trĂšs ancienne de l’HumanitĂ© Ă  la violence. Et les histoires qui en dĂ©coulent oĂč des cultures et des minoritĂ©s ont eu ou ont contre elles le dĂ©savantage de l’infĂ©rioritĂ© au moins militaire, les conduisant, lorsqu’il leur est impossible de se dĂ©fendre ou de rĂ©sister, soit Ă  disparaĂźtre soit Ă  ĂȘtre envahies ou colonisĂ©es.

 

Dans la salle, parmi les spectateurs, il y avait nettement plus de personnes noires que lorsque j’étais allĂ© voir La Partition de Matthias Glasner. Le public Ă©tait aussi plus jeune. La vingtaine ou la trentaine « contre Â» un public de quasi retraitĂ©s ou de retraitĂ©s pour La Partition.

Sur le gĂ©nĂ©rique de fin, dans les remerciements, j’ai aperçu le nom de Anne-Sophie Nanki ( Ici s’achĂšve le monde connu un court mĂ©trage de Anne-sophie Nanki)

 

AprĂšs la projection de Ni ChaĂźnes ni Maitres, quelques personnes sont restĂ©es assises. J’ai perçu une certaine Ă©motion que j’ai aussi ressentie. Mais je n’en n’ai rien dit.

 

Librairie Galignani, rue de Rivoli, Paris, ce 24 septembre 2024. Photo©Franck.Unimon

Franck Unimon, ce lundi 23 septembre 2024 ( et mercredi 25 septembre 2024).

 

 

 

 

 

 

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self-défense/ Arts Martiaux Voyage

Japon juillet 2024 : Les Maitres du Masters Tour

Le Butokuden, Kyoto. Masters Tour, juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Japon Juillet 2024 : Les Maitres du Masters Tour

 

« Les Maitres sont les Maitres. Au mieux, je suis un centimĂštre Â».

 

Le terme « Maitre Â» est un des reflets de notre ambivalence.

PrÚs du Butokuden, Kyoto, lors du Masters Tour, juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Il peut rappeler des mauvais souvenirs. Il semble sĂ©parer les mondes d’hier dont nous somme les fruits que l’on fuit et ceux d’aujourd’hui que l’on prĂ©fĂšre. Comme s’il Ă©tait possible de creuser une tranchĂ©e entre les deux et d’y entrer.

Le « Maitre Â» peut rappeler l’instituteur de l’école primaire ou celui dont dĂ©pend l’esclave.

Personne n’aime vĂ©ritablement se rappeler certains moments humiliants et publics de son histoire.

Mais le « Maitre Â» est aussi celle ou celui qui peut et sait guider et rĂ©parer. En particulier vers la vie et l’optimisme. Y compris dans le secret.

Il existe des Maitres dans beaucoup de domaines dans toutes les cultures Ă  tous les Ăąges de l’évolution et dans toutes les classes sociales. Mais, la plupart du temps, nous ne le percevons pas.

Par ailleurs, le terme de « Maitre Â» est anachronique tout autant que futuriste.

Et les Arts Martiaux véhiculent cette outrance ou cette ambivalence.

Avec Léo Tamaki, au Butokuden, Kyoto, Masters Tour, Juillet 2024.

Car on peut trouver anachronique voire stupide que des gens, en 2024 et plus tard, puissent encore continuer de choisir de porter kimono, hakama, d’autres Ă©lĂ©ments vestimentaires mais aussi adopter certaines attitudes. Et, tout cela, afin de transpirer et suivre des rituels et des traditions d’un ancien temps mais aussi d’une culture qui n’est pas forcĂ©ment la leur. Alors qu’il suffit de faire un rĂ©gime alimentaire, de subir une intervention chirurgicale, de prendre un coach ou de faire du fitness ou du cross-fit pour perdre du poids et pouvoir se mettre en maillot de bain en Ă©tĂ© au bord de la plage en Ă©tant fier de son allure.

Toute Ă©poque a ses intĂ©grismes et ses artifices aussi sĂ©duisants soient-ils. Et, si mon attachement Ă  certaines valeurs dites traditionnelles me rapproche des Arts Martiaux, j’ai aussi appris que les traditions, Ă  elles seules, ne sont pas des sanctuaires idylliques. Il faut des personnes, des femmes, des hommes et aussi des enfants qui sachent les interprĂ©ter et les perpĂ©tuer de maniĂšre vivante et optimiste.

Au Masters Tour de juillet 2024, nous avons eu le privilĂšge de rencontrer plusieurs Maitres d’Arts Martiaux. Mon prĂ©cĂ©dent article, Japon Juillet 2024 : Le Retour , fut long Ă  Ă©crire et Ă  lire. Celui-ci est entre trois Ă  six fois plus court. 

Au centre, Hino Akira Sensei au Butokuden, Kyoto, Masters Tour, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

 

Hormis Hino Akira Sensei approchĂ© lors d’un stage organisĂ© par LĂ©o Tamaki au cercle Tissier Ă  Vincennes fin 2022, je dĂ©couvrais les autres Sensei. Des Maitres et des personnes que LĂ©o Tamaki, et quelques autres, avaient rĂ©guliĂšrement rencontrĂ© depuis au moins une quinzaine d’annĂ©es !

 

Ces hommes, ces Maitres, ont consacrĂ© leurs vies aux Arts Martiaux Ă  un point difficilement concevable. Comme l’on porterait des mĂ©taux Ă  une tempĂ©rature particuliĂšrement Ă©levĂ©e, ils se sont forgĂ©s. Sans se rompre. Il faut le rappeler car nous sommes nombreux Ă  avoir eu des projets ou des aspirations auxquelles nous avons dĂ» partiellement ou totalement renoncer.

 

La premiĂšre leçon du Maitre, c’est peut-ĂȘtre d’ĂȘtre une incarnation, devant nous, de cette forme d’accomplissement- et d’engagement- que trĂšs peu d’entre nous atteindrons. Parce que notre histoire est diffĂ©rente. Et aussi parce qu’avant lui, nous avons eu d’autres Maitres et retenu d’eux certains enseignements plutĂŽt que d’autres.

 

Je ne pourrai pas parler d’une technique exposĂ©e et dĂ©montrĂ©e par un de ces Maitres. J’en suis incapable.

 

« Les Maitres sont les Maitres. Au mieux, je suis un centimĂštre » est une rĂ©flexion que j’ai Ă©crite lors de ce Masters Tour de juillet 2024 alors que nous nous trouvions au Japon.

 

Cette diffĂ©rence lexicale est l’équivalent d’une dĂ©cimale pour dĂ©crire Ă  quel point, mĂȘme si je parle d’ĂȘtres humains comme moi, il y a quand mĂȘme une brĂšche saisissante entre eux et moi. Et que mes propos sont condamnĂ©s Ă  rester rudimentaires pour les Ă©voquer.

 

Pourquoi le faire, alors ?

 

Pour tĂ©moigner et pour contribuer Ă  rajouter un peu de mĂ©moire. Parce-que les ĂȘtres humains ont besoin d’histoires et de mĂ©moire mĂȘme s’il leur arrive aussi de les craindre et de les rejeter.

 

Je vais parler ici des Maitres qui m’ont le plus
 Â« parlĂ© Â».

Avec Hatsuo Royama Sensei, Kyoto, Masters Tour, juillet 2024. Celui-ci vient de m’administrer une bonne claque sur le ventre par surprise.

Hatsuo Royama Sensei, 76 ans, Karate Kyokushinkan, est le premier Maitre que nous ayons rencontrĂ©. MalgrĂ© sa bonne humeur et son enthousiasme, notre premiĂšre rencontre avec lui et ses disciples m’avait laissĂ© insatisfait. Nous Ă©tions une bonne centaine (ou davantage) sur le tatami. Au lieu de nous dire comme il l’a fait Ă  la fin « Vous ĂȘtes nombreux Ă  avoir une mauvaise garde Â», j’aurais prĂ©fĂ©rĂ© que lui ou un de ses disciples passe et nous le dĂ©montre en nous « corrigeant Â».

 

J’ai Ă©tĂ© bien plus favorablement marquĂ© quelques jours plus tard par le kata qu’il nous a dĂ©livrĂ© au butokuden lors de la cĂ©lĂ©bration des dix ans de l’école Kishinkai AĂŻkido.

Hatsuo Royama Sensei, seul, face Ă  notre assistance, a plongĂ© dans un kata respiratoire oĂč chacun de ses mouvements Ă©tait soutenu par le marteau de son diaphragme. C’était la premiĂšre fois que j’assistais Ă  une telle expressivitĂ© martiale. Et sa dĂ©monstration attestait aussi de sa santĂ© vigoureuse.

Une santĂ© avec laquelle j’allais faire un peu plus connaissance ensuite ou, aprĂšs qu’il ait acceptĂ© de prendre la pose avec moi pour la photo, il allait me surprendre en m’administrant une magistrale tape sur l’abdomen soit un peu l’équivalent d’une leçon particuliĂšre qui allait m’influencer, jusqu’à me mettre sur la dĂ©fensive, lorsque j’allais me trouver lors d’une autre sĂ©ance face Ă  Minoru Akuzawa Sensei, Aunkai, pour une dĂ©monstration.

 

Avec Takeshi Kawabe Sensei, Kyoto, prÚs du Butokuden, Masters Tour, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Takeshi Kawabe Sensei, 80 ans, Daitoryu Aikijujutsu.

Commençons par dire que Takeshi Kawabe Sensei ne fait pas son Ăąge. Si Hatsuo Royama Sensei mesure prĂšs d’1m80, Takeshi Kawabe Sensei doit Ă  peine dĂ©passer 1m60. Avec son air de petit gars tranquille joueur de pĂ©tanque, il peut au mieux faire penser Ă  l’inspecteur Columbo ou Ă  un personnage d’un film de Johnnie To  dont les mĂ©ninges sont bien plus affĂ»tĂ©s que les gestes.

Takeshi Kawabe Sensei est sans doute un homme trĂšs intelligent et aussi farceur (lors du repas collectif que nous avons fait, je crois qu’il s’est bien amusĂ© de moi en me disant – en Japonais- que j’avais un trĂšs bon Japonais).

Mais c’est Ă©videmment un redoutable pratiquant.

Ses saisies et ses clĂ©s sont promptes et donnent l’impression d’ĂȘtre la destinĂ©e de celui qui l’attaque. Il me reste des souvenirs de ce moment oĂč Issei Tamaki a jouĂ© le rĂŽle de Uke :

Issei y a mis tout son entrain pour, Ă  chaque fois, le mĂȘme rĂ©sultat. Se faire retourner.

Takeshi Kawabe Sensei a rĂ©agi comme s’il l’attendait. Comme si tous les modes d’attaques humainement possibles Ă©taient connus de son registre. On aurait dit l’agent Smith face Ă  NĂ©o Ă  la fin du premier Matrix des ex frĂšres Wachowski.

Le rĂ©sultat Ă©tait tellement Ă©vident que la conclusion aurait Ă©tĂ© vraisemblablement la mĂȘme avec un autre Uke. En outre, Takeshi Kawabe Sensei prenait tout cela de maniĂšre ludique. Si on peut voir Hatsuo Royama Sensei comme une force de la nature, Takeshi Kawabe Sensei Ă©voque plutĂŽt celui qui a su transcender sa nature.

Hino Akira Sensei, 76 ans, Hino Budo, est Ă©galement un petit gabarit. Sans forcer, il vous fait tomber. Vous vous croyiez enracinĂ©s et bien ancrĂ©s dans le sol ? Vous vous mentez Ă  vous-mĂȘmes. Vous ne l’ĂȘtes pas. Ou jamais suffisamment face Ă  lui.

Plus il vous montre le mouvement, plus il vous convainc que c’est facile et plus vous avez du mal Ă  le reproduire. Par moments, j’ai du mal Ă  savoir si sa science tient de l’hypnose, du conditionnement ou de ces quelques degrĂ©s ou centimĂštres (millimĂštres ?) que l’on nĂ©glige d’ordinaire et qui font toute la diffĂ©rence entre le dĂ©sĂ©quilibre et la chute.

Sa pratique peut ĂȘtre trĂšs difficile pour celle ou celui qui s’est toujours reposĂ© sur l’explosivitĂ© musculaire, l’excitation et l’agitation. Avec lui, on transpire de la tĂȘte Ă  essayer de comprendre un concept qui n’existe pas. Il faut ressentir et c’est difficile.

En revoyant a posteriori quelques images que j’avais pu filmer lors de l’intervention de Hino Akira Sensei, j’ai pu m’apercevoir que d’autres participants du Masters Tour connaissaient aussi quelques difficultĂ©s pour mettre en pratique ce qu’il nous avait montrĂ©. Cela m’a un peu dĂ©culpabilisĂ©.

Minoru Akuzawa Sensei, à la gare de Kyoto, avant le départ pour Kinosaki. Masters Tour, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Minoru Akuzawa Sensei, Aunkai, est Ă  Ă  l’image de Takeshi Kawabe Sensei et de Hino Akira Sensei. Avec son 1m65, il a la silhouette passe partout de celui que l’on oublie. Pourtant, en tant que Maitre d’Arts Martiaux, l’Aunkai qu’il a créé et qu’il enseigne peut ĂȘtre vu comme un croisement entre les enseignements de Hatsuo Royama Sensei et ceux de Hino Akira Sensei.

Minoru Akuzawa Sensei est capable des explosions et des percussions du premier et de la dĂ©licatesse du second tout en n’étant ni l’un ni l’autre.

Mon premier camarade de chambre lors de ce Masters Tour avait « goĂ»tĂ© Â» Ă  trois low kick de Minoru Akuzawa Sensei. Il les ressentait encore plusieurs jours plus tard.

Ma premiĂšre « confrontation Â» physique avec Minoru Akuzawa Sensei avait eu lieu un peu plus tĂŽt dans le car qui nous avait transportĂ© de Kyoto Ă  Kinosaki.

Cette « confrontation Â» fut principalement une bousculade. J’avais sans doute pris un peu trop de temps pour avancer dans le car et Minoru Akuzawa Sensei m’était rentrĂ© dedans en montant derriĂšre moi. Impatience ? Distraction ? Je n’ai pas su.

Par contre, moi qui suis plus grand que lui dix bons centimĂštres et sans doute plus lourd que lui de dix kilos, j’avais Ă©tĂ© surpris de me sentir si facilement dĂ©placĂ© physiquement par un si « petit Â» homme.

Si tous les autres Maitres que nous avons rencontrĂ©s avaient des disciples ou des assistants japonais, Minoru Akuzawa Sensei s’est un peu distinguĂ© en laissant un de ses Ă©lĂšves occidentaux (un homme robuste d’un bon mĂštre quatre vingt dix  vraisemblablement d’origine amĂ©ricaine )  diriger l’échauffement.

A la fin de la sĂ©ance qu’il a dirigĂ© dans un gymnase, Minoru Akuzawa Sensei nous a dit qu’il apprenait Ă  connaitre les gens au travers du contact physique qu’il avait en pratiquant avec eux. Et qu’il avait senti chez ceux d’entre nous qu’il avait eus comme partenaires une « vĂ©ritable ouverture pour les Arts Martiaux ».

 

 

Avec Minoru Akuzawa Sensei, Masters Tour, Japon, Juillet 2024.

Il a ensuite acceptĂ© d’ĂȘtre pris en photo avec celles et ceux qui le souhaitaient. En voyant plus tard les photos oĂč nous sommes assis cĂŽte Ă  cĂŽte, lui et moi, j’ai Ă©tĂ© trĂšs Ă©tonnĂ© de dĂ©couvrir que Minoru Akuzawa Sensei avait posĂ© son bras autour de mon Ă©paule. Je n’avais absolument rien senti au moment de la photo. Au contraire de ce que j’avais ressenti au moment de la photo avec Royama Hatsuo Sensei avant que celui-ci ne me fasse la farce qui consiste Ă  me « claquer » l’abdomen.

Takahiro Yamamato Sensei, au Butokuden, Kyoto, Masters Tour, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Takahiro Yamamoto Sensei, Taisha ryu.

En dĂ©pit de ses airs de Johnny Depp, Takahiro Yamamoto Sensei n’est pas acteur de cinĂ©ma. C’est un homme rĂ©solument dĂ©vouĂ© Ă  sa pratique martiale. Et, si j’ai eu beaucoup de mal Ă  me faire Ă  ses enseignements, trĂšs proches par moments de ceux de Hino Akira Sensei,  pour moi Ă  la limite de l’ésotĂ©risme, j’ai Ă©tĂ© touchĂ© par son engagement, sa simplicitĂ©, sa prĂ©venance envers ses assistants et son message de paix rĂ©sumĂ© par sa phrase :

« There is no ennemy Â».

 

Takahiro Yamamoto Sensei avec ses assistants lors de la séance dirigée par Hino Akira Sensei, au Butokuden, Kyoto. Masters Tour, Juillet 2024. Tout au fond, assise, on peut apercevoir Shizuka Tamaki. Photo©Franck.Unimon

Son humilitĂ© mais aussi sa candeur et son enthousiasme se sont encore plus Ă©panouis lorsqu’aprĂšs son intervention, il est devenu un Ă©lĂšve parmi nous, lors du cours dirigĂ© par Hino Akira Sensei. J’ai trouvĂ© son attitude remarquable.

 

Yoshinori Kono Sensei, 75 ans, Shoseikan.

Yoshinori Kono Sensei, prÚs du Butokuden, Kyoto, Masters Tour, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

 

Je sais que l’intervention de Yoshinori Kono Sensei  au Butokuden a beaucoup dĂ©concertĂ©. On pourrait la comparer Ă  du Free Jazz, Ă  la musique de Weather Report, Ă  de l’association d’idĂ©es ou Ă  de l’improvisation ininterrompue.

Il est libre, Yoshinori Kono Sensei, il y en a mĂȘme qui disent qu’ils l’ont vu voler
.

Il fallait voir la plupart des participants qui suivaient Yoshinori Kono Sensei dans ses dĂ©ambulations tant mentales que physiques au sein du Butokuden. Tels des Sancho Panza suivant leur Don Quichotte. Par moments, je me suis demandĂ© si Yoshinori Kono Sensei s’en amusait.

Avant notre dĂ©part pour le Japon, LĂ©o Tamaki nous avait prĂ©sentĂ© les Maitres que nous allions rencontrer. Concernant Yoshinori Kono Sensei, il nous avait Ă©crit qu’il Ă©tait un peu le « chercheur fou Â» des Arts Martiaux.

Yoshinori Kono Sensei, prÚs du Butokuden, Masters Tour, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Le jour de son intervention, j’étais trop Ă©puisĂ© physiquement pour participer. Mais en temps ordinaire, je sais que  je ne m’en serais pas mieux sorti que les autres participantes et participants du Masters Tour.

Lors du dĂźner que nous avons ensuite pris tous ensemble dans un restaurant Ă  quelques minutes du Butokuden, il s’est trouvĂ© que la table oĂč j’ai Ă©tĂ© placĂ© Ă©tait voisine de celle de Yoshinori Kono Sensei. Celui-ci Ă©tait derriĂšre moi.

Yoshinori Kono Sensei, prÚs du Butokuden, Kyoto, Masters Tour, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

TrĂšs vite, j’ai Ă©tĂ© fascinĂ© et happĂ© par cet homme. VĂȘtu d’une tenue traditionnelle, Ă  moitiĂ© assis sur sa chaise, une sorte de cartable en cuir souple posĂ© derriĂšre lui entre la chaise et son dos, Yoshinori Kono Sensei Ă©tait en permanence occupĂ© Ă  rĂ©flĂ©chir et Ă   polir « ses Â»  Arts Martiaux.

A telle maniĂšre de tenir un couteau. A telle façon de placer ses doigts. Et, il le partageait avec celui qui se trouvait Ă  cĂŽtĂ© de lui. Et Ă  toute personne volontaire et disponible dans les alentours immĂ©diats. Il a ainsi entrepris Julien Coup, assis Ă  sa droite. Puis, d’autres participants du Masters Tour.

Je le regardais, captivé.

 

Yoshinori Kono Sensei nous a fait l’extrĂȘme politesse d’ĂȘtre avec nous corporellement pour ce dĂźner. Il s’est pliĂ© Ă  cette fonction sociale par amabilitĂ©. Mais il avait d’autres prioritĂ©s. Le dĂźner, le spectacle, ĂȘtre filmĂ© ou pris en photo, tout cela Ă©tait pour lui secondaire depuis fort longtemps. Sans doute depuis des annĂ©es.

Avec Yoshinori Kono Sensei, prÚs du Butokuden, Kyoto. Masters Tour, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

La seule vĂ©ritĂ© comptable pour lui, c’était celle des Arts Martiaux. Yoshinori Kono Sensei est celui qui m’a le plus donnĂ© envie d’apprendre le Japonais. Je me suis dit que j’aurais aimĂ© connaĂźtre suffisamment le Japonais pour l’écouter, pour l’interroger.

 

Et lorsque le dĂźner et tout le cĂ©rĂ©monial social furent terminĂ©s, Yoshinori Kono Sensei est spontanĂ©ment retournĂ© au lieu et Ă  la pratique auxquels il appartient :

 

Les Arts Martiaux.

Yoshinori Kono Sensei, aprÚs le dßner au restaurant, prÚs du Butokuden, Kyoto, Masters Tour, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Je trouve cette photo de lui, aprĂšs notre dĂźner, extraordinaire. Pendant cette heure et demi environ oĂč Yoshinori Kono Sensei Ă©tait « avec nous », il n’a attendu que ça, ce moment oĂč il pourrait retourner pratiquer. Seul. Tout le monde aurait tout aussi bien pu rouler sous la table, oĂč la soirĂ©e se transformer en orgie gigantesque, je crois qu’il aurait adoptĂ© exactement la mĂȘme attitude.

 

Autant de Maitres, autant d’attitudes et je « parle Â» uniquement de cinq ou six d’entre eux que j’ai Ă  peine aperçus.

 

Franck Unimon, ce jeudi 5 septembre 2024.