Cités Numériques
Jâai le moral. Je me sens bien. Et vous ?
Depuis que jâai regardĂ© un documentaire sur le « quartier » des Canibouts, Ă Nanterre, en 1981, grĂące aux archives de LâINA, jâestime mâĂȘtre plus dĂ©conditionnĂ© de lâĂ©pidĂ©mie du Coronavirus. Initialement, aprĂšs avoir lu une interview de Fary, jâavais dâabord cherchĂ© Ă regarder des prestations de lâhumoriste Gaspard Proust. Puis, jâai regardĂ© Haroun. Thomas NâGigol. JĂ©rĂ©my Ferrari (dont jâapprĂ©cie le gros travail de recherche et certaines rĂ©flexions mais qui ne me fait pas rire). Il y a longtemps que je me dis que ce serait bien de prendre le temps de regarder le travail fourni par des humoristes. Femmes et hommes. Je regrette de ne pas prendre ce temps. Puis ces archives de lâINA sur Les Canibouts sont restĂ©es lĂ , Ă me faire de lâĆil, sur la droite de lâĂ©cran. Jâai fini par cliquer dessus.
Cinquante minutes durant, jâai regardĂ© ce documentaire. MĂȘme sâil est triste de se dire que pratiquement tous les problĂšmes rencontrĂ©s dans certaines banlieues et dans certaines citĂ©s aujourdâhui sont lĂ , dans ce documentaire, qui date de 1981 : Les jeunes originaires dâAlgĂ©rie, nĂ©s en France, qui doivent choisir entre la NationalitĂ© algĂ©rienne ou la NationalitĂ© française. Et qui, sâils ne choisissent pas, sont considĂ©rĂ©s comme « sans papiers » Ă 18 ans. Et, lorsquâils ont des papiers français sont dĂ©favorisĂ©s lors de leur recherche dâemploi : « Quand on est Français, on ne sâappelle pas SaĂŻd ».
La Drogue. LSD, cocaĂŻne, HĂ©roĂŻne….
La mauvaise cohabitation entre les jeunes, en « meutes », et les adultes travailleurs, retraitĂ©s ou joueurs de boules. Une mixitĂ© sociale qui existait alors encore et qui, depuis, a Ă©clatĂ© et disparu, tels des couples et des familles qui, aprĂšs plusieurs annĂ©es de tentatives de vie commune, ont dĂ©cidĂ© de divorcer et de sâaffronter.
La BMW et la Golf, dĂ©jĂ , Ă©taient les voitures de rĂ©fĂ©rence. Comme aujourdâhui, encore, pour certains, dans certaines banlieues et certaines citĂ©s.
En regardant ce documentaire, je me suis dit que les Ă©lites de lâĂ©poque, en particulier politiques, ont soit continuĂ© leur Guerre dâAlgĂ©rie, aprĂšs la Guerre dâAlgĂ©rie, sur le dos de milliers de jeunes originaires dâAlgĂ©rie. Ou Ă©tĂ© proches, finalement, de certaines idĂ©es de lâExtrĂȘme Droite, dont on devine quelques futurs Ă©lecteurs parmi ces adultes (tous dâorigine europĂ©enne et blancs pour ceux que lâon voit) habitant aux Canibouts et excĂ©dĂ©s par les frasques des jeunes des Canibouts majoritairement dâorigine maghrĂ©bine pour ceux que lâon voit.
Plus jeune, je connaissais Les Canibouts de « rĂ©putation ». Jâavais 13 ans en 1981 et je vivais Ă Nanterre oĂč je suis nĂ©.
La réputation des Canibouts était mauvaise.
Au collĂšge puis au lycĂ©e, jâai connu quelques personnes qui en « venaient » ou y habitaient. Toutes ces personnes nâĂ©taient pas des « mauvais » Ă©lĂ©ments. Bien des jeunes qui habitaient aux Canibouts ou prĂšs des Canibouts Ă©taient de trĂšs bons Ă©lĂšves et se « tenaient bien ». Mais ceux qui «dĂ©vissaient» le plus, eux, ont suffi Ă donner une mauvaise rĂ©putation. Et je ne les connaissais pas pas. C’Ă©taient des personnages tĂ©nĂ©breux.
En repensant au documentaire hier soir ou ce matin, je me suis aperçu que les filles en sont absentes. On aurait dit quâil y avait uniquement des garçons adolescents aux Canibouts. OĂč Ă©taient les filles alors que lâon parle trĂšs peu de religion dans ce documentaire ? Et alors que lâon ne parlait pas, Ă lâĂ©poque, dâintĂ©grisme religieux quâil soit musulman ou catholique. On ne parlait pas non plus de barbu ou de femme voilĂ©e. Aucun des jeunes arabes que lâon voit lâĂ©cran, en 1981, dans ce documentaire, ne porte la barbe.
Dans ce documentaire, je me rappelle aussi de cette mĂšre, une des seules personnes de sexe fĂ©minin que lâon voit parmi les personnes originaires du Maghreb, qui sâexprime : Câest la mĂšre dâun des jeunes, SaĂŻd, je crois.
Cette mĂšre nous apprend quâelle travaille de 6h du matin jusquâĂ 21h. 15 heures de travail quotidien.
ça me rappelle un peu le sketch de Pierre Desproges, Rachid, je crois, oĂč il dit Ă peu prĂšs :
« Câest drĂŽle, comme, pour des fainĂ©ants, les Arabes sont des gens qui se couchent tard et se lĂšvent tĂŽt ».
HĂ© bien, la mĂšre de SaĂŻd est lâillustration concrĂšte de cela. Peu de personnes accepteraient de trimer comme elle le fait. Pour un travail qui consiste Ă faire des mĂ©nages.
Dans le documentaire, cette mĂšre finit par expliciter quâelle nâa pas le courage dâaller voir deux de ses fils incarcĂ©rĂ©s Ă Fleury-MĂ©rogis. Vaillante et lasse, elle explique quâelle « comprend » que ses deux fils aient fait des bĂȘtises qui les ont envoyĂ©s en prison car ils nâont pas de travail. Ils nâarrivent pas Ă en trouver. Elle le dit sans colĂšre et sans mĂȘme souligner le fait que leurs origines maghrĂ©bines ont plombĂ© leurs recherches dâemploi. On en a une dĂ©monstration lorsque SaĂŻd, filmĂ©, se dĂ©place Ă lâANPE ( lâancien nom de Pole Emploi) de Nanterre-UniversitĂ© ( Au dessus de la gare de Nanterre-UniversitĂ©, anciennement appelĂ©e Nanterre-La-Folie et pas trĂšs loin de la Fac de Nanterre).
Un peu plus tĂŽt, il est mentionnĂ© que la citĂ© des Canibouts est accolĂ©e Ă la Maison de Nanterre (LâhĂŽpital de Nanterre) qui est « aussi un lieu dâexclus ». Et que, peut-ĂȘtre que cette proximitĂ© avec la Maison de Nanterre, a-tâelle entraĂźnĂ© cette citĂ© dans lâexclusion. Jâai trouvĂ© ce rapprochement un peu facile : car de la Maison de Nanterre comme des Canibouts, il est aussi sorti du bon. Et non loin des Canibouts, aux PĂąquerettes par exemple, il y avait aussi des «problĂšmes ». Mais il est vrai que Les Canibouts ont sans doute concentrĂ© les problĂšmes.
Il nây a pas si longtemps, jâavais cru comprendre que les Canibouts, Ă Nanterre, avait la rĂ©putation dâĂȘtre une plaque tournante de la drogue. Mais câest sĂ»rement aussi le cas dans certains coins dâArgenteuil oĂč je vis. Et câest sĂ»rement aussi le cas dans dâautres endroits Ă Nanterre. Dans dâautres villes en France. En banlieue parisienne ou en province.
Quoiquâil en soit, en 1981, jâavais 13 ans. JâĂ©tais donc un peu plus jeune de 4 ou 5 ans que ces jeunes que lâon voit dans ce documentaire.
1981, câest lâannĂ©e de lâĂ©lection historique de François Mitterrand. Il mâa fallu des annĂ©es aprĂšs sa mort (rĂ©cemment) pour comprendre et apprendre que Mitterrand a souvent Ă©tĂ© un homme politique plus prĂ©occupĂ© par sa carriĂšre politique et le Pouvoir que par la sociĂ©tĂ© française. Câest aussi, rĂ©cemment, que jâai dĂ©couvert son rĂŽle peu honorable dâhomme dâEtat français pendant la Guerre dâAlgĂ©rie. Et je me demande ce que son Ă©lection avait pu faire Ă certaines AlgĂ©riennes et Ă certains AlgĂ©riens qui avaient connu la Guerre dâAlgĂ©rie (1954-1962).
Je me rappelle encore des cris de joie de mes parents dans notre appartement de HLM, dans le salon, lors de lâĂ©lection de Mitterrand en 1981. Plusieurs des jeunes que nous voyons dans ce documentaire, pour ceux qui sont dâorigine algĂ©rienne, sont sans doute des enfants de celles et ceux qui avaient connu la Guerre dâAlgĂ©rie.
A cĂŽtĂ© de ça, (1981, câest aussi lâannĂ©e de la mort de Bob Marley) en regardant ce documentaire, je me suis aussi dit que je mâen Ă©tais vĂ©ritablement plutĂŽt « bien » sorti compte-tenu de la citĂ© oĂč jâavais grandi Ă Nanterre.
Dâune part parce quâĂ lâĂ©poque, ça ne sâĂ©tait pas autant dĂ©gradĂ© comme par la suite. MĂȘme si jâai connu- de prĂšs ou de loin- quelques personnes qui ont « mal tournĂ© » Ă partir de lâadolescence, dans ma citĂ©, ça allait « mieux » que dans dâautres citĂ©s et dans dâautres villes de banlieue hier et aujourdâhui.
Je pense Ă la Seine Saint Denis dont sont originaires Kool Shen et Joey Starr du groupe de Rap NTM dont jâai le mĂȘme Ăąge Ă un ou deux ans prĂšs. La Seine Saint Denis reste, je crois, le dĂ©partement le plus pauvre de France. Alors que le 92, oĂč jâai grandi (dans une tour HLM de 18 Ă©tages) est encore Ă ce jour, le plus riche de France. Mais comme on le voit dans ce documentaire sur les Canibouts, on peut vivre dans le 92 et ĂȘtre mal parti dans lâexistence. On peut aussi venir du 92 ou y habiter (je nâai pas vĂ©rifiĂ©) et ĂȘtre lâun des Rappeurs les plus populaires depuis des annĂ©es : Booba.
De toute façon, question musique, on peut venir de partout. Si ce que lâon fait plait, celles et ceux qui Ă©coutent ne nous demanderont pas nos papiers.
Dâautre part, je mâen suis sans doute bien sorti parce-que mes parents ont su me donner des limites. Parce-que jâai Ă©tĂ© en mesure de les accepter. Parce quâils ont Ă©tĂ© suffisamment solides mentalement dans la vie et quâils ont toujours eu un emploi qui leur a permis dâassurer les frais de la vie quotidienne. Mon pĂšre nâest pas alcoolique. Ma mĂšre nâĂ©tait pas dĂ©pressive. Mes parents ont continuĂ© de faire « couple » comme on dit, pour le pire et le meilleur. On peut sâen sortir sans ça mais câest plus difficile.
Jâai aussi reçu de lâamour dâune façon ou dâune autre quand jâai grandi. On peut aussi vivre sans amour, Romain Gary lâexplique trĂšs bien, mais câest aussi plus difficile.
Je mâen suis Ă©galement Ă peu prĂšs sorti parce que mes parents ont pu nous emmener ailleurs (colonies de vacances pour moi â câĂ©tait moins cher Ă lâĂ©poque- moments de retrouvailles avec dâautres membres de la famille, fĂȘtes foraines, fĂȘtes antillaises, sĂ©jours en Guadeloupe par le biais des congĂ©s bonifiĂ©s).
Et aussi parce-que mon pĂšre mâa permis, avec des mĂ©thodes pĂ©dagogiques personnalisĂ©es datant de la bible, Ă la lumiĂšre flottante de la bougie et Ă coups de ceinture pĂ©nĂ©trante, de raccrocher le wagon de la scolaritĂ© que jâavais commencĂ© Ă laisser filer :
Je me sentais peu concernĂ© par lâĂ©cole en prime abord au CP, prĂ©fĂ©rant rĂȘver. Jouer. Et regarder la tĂ©lĂ©. Quelles drĂŽles dâidĂ©es !
GrĂące Ă mon pĂšre, je suis devenu performant Ă lâĂ©cole. Et, lorsque jâĂ©cris un nouvel article, afin de mâencourager, je dĂ©pose toujours une petite ceinture Ă cĂŽtĂ© de moi. Et, jâallume une bougie. Quelques fois, quand ça ne marche pas comme je veux, je frappe lâĂ©cran de lâordinateur Ă coups de ceinture. AprĂšs ça, je me sens mieux. Je vois mieux oĂč j’en suis et je peux reprendre mon article.
Vous n’avez aucune idĂ©e du nombre de coups de ceinture que mon Ă©cran d’ordinateur a pu recevoir juste pour cet article.
Puis, jâai dĂ©couvert le plaisir de la lecture et lâexistence de la bibliothĂšque municipale, endroit magique, par le biais dâun de nos instituteurs de lâĂ©cole primaire (publique).
Dans ce documentaire sur les Canibouts, jâai aimĂ© entendre – sans doute pour la premiĂšre fois- Yves Saudmont, lâancien maire communiste de Nanterre, qui avait longtemps eu pour moi lâimage du maire inamovible jusquâĂ ce que sa supplĂ©ante, Jacqueline Fraysse-Casalis, ne prenne sa succession. Jusquâaux annĂ©es 2000 et la la tuerie qui avait eu lieu lors dâun conseil municipal prĂ©sidĂ© par Jacqueline Fraysse-Casalis.
Jâavais entendu parler de la tuerie par les mĂ©dia ainsi que par un collĂšgue qui avait aussi grandi Ă Nanterre.
La mairie de Nanterre, oĂč a eu lieu la tuerie, est proche de la bibliothĂšque de Nanterre. Un parvis les sĂ©pare. Mes parents s’y sont mariĂ©s en 1985. En 1985, aprĂšs avoir Ă©tĂ© au collĂšge Evariste Galois, aprĂšs avoir Ă©tĂ© Ă l’Ă©cole primaire Robespierre, j’Ă©tais au LycĂ©e Joliot-Curie.
Une rue sépare le Lycée Joliot-Curie de la mairie comme de la bibliothÚque. Environ cinq cents mÚtres.
La bibliothĂšque est en hauteur. A mon Ă©poque, la bibliothĂšque « surmontait » un supermarchĂ© Casino. Casino oĂč j’ai rarement fait des achats ( biscuits ou autres friandises) : les prix de ce Casino m’ont toujours marquĂ© par leur « hauteur ». Plus Ă©levĂ©s que le supermarchĂ© Sodim, puis le FĂ©lix Potin, de ma citĂ©. Plus Ă©levĂ©s que le Suma prĂšs du collĂšge Evariste Galois. Ce qui ne m’a pas empĂȘchĂ© de voler dans leurs rayons. Et de finir par me faire attraper- pour un vol de crĂȘpes bretonnes ( 5,25 francs les 10)- par le « vigile » de Suma. Un homme d’origine asiatique.
Lorsque j’arrivais Ă la bibliothĂšque, toujours Ă pied, j’Ă©tais auparavant passĂ© « devant » le théùtre des Amandiers. Théùtre oĂč je suis, Ă ce jour, allĂ© une seule fois dans ma vie. C’Ă©tait avec notre prof de Français de 3Ăšme, Mme Askolovitch/ Epstein, afin d’aller y voir Combats de NĂšgres et de chiens. PiĂšce de théùtre qui m’avait moins plu- que j’avais moins bien comprise- que le film E.T de Spielberg que nous Ă©tions aussi allĂ©s voir avec elle au cinĂ©ma de la DĂ©fense de l’Ă©poque.
AprĂšs ĂȘtre passĂ© « devant » le théùtre des Amandiers, je passais devant la piscine de Nanterre oĂč j’Ă©tais allĂ© Ă la piscine avec l’Ă©cole et oĂč mon pĂšre m’a appris Ă nager la brasse Ă sa façon avant de m’inscrire Ă des cours de natation auxquels je n’ai pas toujours Ă©tĂ© assidu.
Puis, suivait le stade de Foot avec sa piste d’athlĂ©tisme que j’ai connue en cendrĂ©e, avant celle en tartan du stade Jean Guimier construite plusieurs annĂ©es plus tard, en bordure du parc de Nanterre.
Mes années Carl Lewis. Mes années Miles Davis, Jazz, Dub et Reggae.
Mes annĂ©es « Conscience Noire » avec des modĂšles noirs principaux amĂ©ricains mĂȘme si je connais AimĂ© CĂ©saire et la NĂ©gritude de nom. Le Zouk de Kassav’, et, avant lui, d’autres tubes de groupes antillais- dont des groupes haĂŻtiens, me parle aussi. J’ai aimĂ© The Message de Grand Master Flash quelques annĂ©es plus tĂŽt. Mais j’ai aussi aimĂ© Gaby, oh, Gaby de Bashung. Comme j’ai aimĂ© Ă©couter Love on the beat de Gainsbourg, Everything wants to rule the world de Tears For Fear, le Tainted Love de Soft Cell ou des tubes de Depeche Mode.
Par contre, je n’aime pas le Hard Rock. Je n’Ă©coute pas la musique classique. Et je rejette la variĂ©tĂ© française que je vois comme de la crĂ©celle. Je suis admiratif devant le Break Dance et tout ce qui concerne la danse Hip-Hop. Bien-sĂ»r, James Brown et d’autres artistes noirs amĂ©ricains tirant dans le Funk et la Soul font partie de mes modĂšles. Dont MichaĂ«l Jackson.
Mais je ne comprends rien Ă cet engouement ainsi qu’Ă tout ce tapage autour du groupe U2 avec l’album War.
A l’extĂ©rieur de ce cirque aussi mental que musical, il est un autre endroit Ă cette Ă©poque oĂč je fais beaucoup de cercles :
Je connais le parc de Nanterre beaucoup plus pour y avoir fait des footing et des entraĂźnements d’athlĂ©tisme que pour m’y ĂȘtre promenĂ©. Avec mon club d’athlĂ©tisme, l’Entente Sportive de Nanterre, ou ESN, qui reste un des meilleurs exutoires de mon adolescence.
Le théùtre des Amandiers a le parc de Nanterre derriĂšre lui. Le théùtre des Amandiers est Ă quelques centaines de mĂštres de l’arrĂȘt de bus 304 qui permettait (qui permet?) en prenant la direction de Colombes, d’aller Ă la PrĂ©fecture, accessible Ă pied, Ă la gare de Nanterre-UniversitĂ©, mais aussi de se rendre Ă la Maison de Nanterre ( l’hĂŽpital de Nanterre) proche des Canibouts.
Si l’on prenait ( si l’on prend ?) le bus 304 dans la direction de la place de la Boule, on arrive rapidement devant le LycĂ©e Joliot-Curie, la bibliothĂšque et la mairie de Nanterre.
Lorsque je me rapprochais, enfant, puis collĂ©gien et lycĂ©en, de l’entrĂ©e de la bibliothĂšque de Nanterre, on pouvait voir la mairie de Nanterre en contrebas, sur la droite.
Je connaissais « le tueur » de la mairie de Nanterre. Je lâavais connu au lycĂ©e Joliot-Curie de Nanterre. Je me souviens bien de lui ( Au LycĂ©e). Jâavais alors Ă peu prĂšs lâĂąge quâont ces jeunes des Canibouts dans le documentaire. Lâune des seules personnes rencontrĂ©es dans ma jeunesse Ă Nanterre qui a pu faire parler de lui, mĂ©diatiquement, est un tueur. Une personne qui, aprĂšs son acte, sâest suicidĂ©e en se jetant par la fenĂȘtre du commissariat.
Dans le documentaire sur les Canibouts, en 1981, en Ă©coutant Yves Saudmont jâai pu mâapercevoir- et mâĂ©tonner- de son Ă©rudition et de sa grande aisance pour sâexprimer. Aisance supĂ©rieure pour ce que jâen ai vue Ă celle du Maire actuel dâArgenteuil, Georges Mothron.
Mais, pour rĂ©sumer, il suffit de regarder ce documentaire pour Ă la fois penser au film Le ThĂ© au harem dâArchimĂšde de Mehdi Charef. Pour penser Ă certaines Ă©meutes dans « les » banlieues. Pour comprendre que lâavĂšnement du Rap comme prise de parole dâune certaines jeunesse et dâune certaine catĂ©gorie de la population française (au dĂ©part plutĂŽt dĂ©favorisĂ©e socialement, Ă©conomiquement voire racialement) allait couler de source. Mais aussi que le FN, devenu RN, allait connaĂźtre une ascension constante. Ainsi que lâintĂ©grisme religieux. Mais aussi le terrorisme. Comme certaines mouvances fascistes et nĂ©o-fascistes. Et certains groupes dâautodĂ©fense. Et, Ă©videmment, tant de mouvements de contestation sociale.
Voir dans ce documentaire que le quartier de la DĂ©fense Ă©tait devenu une sorte de « paradis » pour les jeunes des Canibouts (mais aussi pour bien dâautres jeunes, dont jâai fait partie) avec la crĂ©ation du centre commercial Les Quatre Temps est tout un symbole :
Le quartier de la DĂ©fense est un quartier dâaffaires.
Pendant que nous Ă©tions des milliers de jeunes Ă venir baver sur des vitrines et sur une richesse matĂ©rielle qui nous semblait le but principal Ă atteindre dans une vie au point dâĂȘtre toujours volontaires pour dĂ©penser un argent qui nous manquait tout le temps, quitte Ă chouraver dans les rayons, apprenant en cela notre future activitĂ© dâaddicts et de consommateurs, dâautres, que nous ne voyions pratiquement jamais ou alors sur un Ă©cran ou dans un journal, faisaient de vĂ©ritables affaires et voyaient beaucoup plus loin que nous dans lâespace et dans le temps. A dĂ©faut de croire en nos capacitĂ©s dâaller sur la lune un jour, nous voulions bien nous contenter de nous rendre dans un centre commercial. Ăa compensait.

Quarante ans plus tard, en 2020, notre monde a Ă©voluĂ© : En plus des boutiques physiques, Internet et nos vies numĂ©riques se sont dĂ©veloppĂ©es entre-temps et nous nous y sommes acculturĂ©s. Nous sommes contents de pouvoir baver en illimitĂ©, si nous le voulons, Ă nâimporte quelle heure, sur quelque chose Ă mater, Ă chouraver, Ă consommer ou Ă acheter. On peut mĂȘme lâĂ©crire, le filmer ou le photographier et le mettre en ligne. Aux lignes de coke que lâon sniffe sâajoutent dĂ©sormais nos vies que nous mettons nous-mĂȘmes en ligne et que dâautres peuvent sniffer, identifier ou dĂ©tester.
Aujourdâhui, nos citĂ©s sont aussi devenues numĂ©riques. Et nous avons parfois beaucoup de mal Ă en sortir. Peut-ĂȘtre rĂ©apprenons-nous en permanence Ă vider notre mĂ©moire et Ă devenir amnĂ©siques. Le pied !
Franck Unimon, vendredi 10 avril 2020. ( Photos prises en Mars 2019).