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Vélo Taffes : photos de février-mars 2021

 

VĂ©lo taffes : Photos de fĂ©vrier-mars 2021. 

 

 » Tu m’as abandonnĂ© ! Je suis devant la BNP… « . 

Une cousine africaine parlait au tĂ©lĂ©phone, de l’autre cĂ´tĂ© de la rue, il y a quelques heures, Ă  Argenteuil. Avant le couvre-feu. Elle portait un tailleur, des talons aiguilles, et malgrĂ© son masque anti-covid, personne, pas mĂŞme un reprĂ©sentant de la BNP, n’aurait pu hypothĂ©quer le bel arrangement de son apparence. 

Quelques mètres plus haut, j’ai croisĂ© une autre cousine. Alors qu’elle s’Ă©loignait, et distançait peu Ă  peu un cousin de l’âge de son père, celui-ci a regardĂ© son postĂ©rieur. Il Ă©tait aussi large qu’un avenir limitrophe mais encore trop proche des frontières d’un pays qu’il ne pourrait jamais atteindre. Et, il le savait. 

 

Ces remarques n’ont rien Ă  voir avec la rubrique VĂ©lo Taffe puisque je revenais Ă  pied – et bredouille- du magasin Babou lorsque j’ai assistĂ© Ă  ces deux micro-scènes de la vie courante. Mais je les trouve amusantes. Beaucoup plus que ce qui concerne les campagnes de vaccination et les vaccins anti-covid      ( Pfizer, Moderna, Astrazeneca, Sputnik V, Johnson&Johnson) ou la manière dont il aurait fallu ou dont il faudrait s’occuper de l’Ă©pidĂ©mie du Covid. Peut-ĂŞtre que de mĂŞme qu’il y a trois ou quatre opĂ©rateurs de tĂ©lĂ©phonie mobile qui se rĂ©partissent le marchĂ© des tĂ©lĂ©phones portables en France, qu’il y aura bientĂ´t trois ou quatre labos qui se rĂ©partiront le marchĂ© de notre santĂ© en France ou dans le monde. Mais nous sommes encore un petit peu loin de tout ça.

 

Il y a deux ou trois jours, maintenant, je suis tombĂ© devant chez moi sur un couple d’amis. Nous nous sommes reconnus malgrĂ© nos masques.

Ils dĂ©couvraient le magasin de produits exotiques africains qui a ouvert il y a bientĂ´t six mois maintenant. Ils Ă©taient lĂ  Ă  regarder la vitrine sans trop oser y entrer quand j’y repense maintenant. Ils m’ont demandĂ© si les articles alimentaires Ă©taient bons. Oui. Ce magasin marche plutĂ´t bien. Nous saluons rĂ©gulièrement la commerçante.

Je n’avais pas croisĂ© ces amis depuis un moment. Ils habitent Ă  une dizaine de minutes de chez nous.

En discutant avec eux, j’ai compris qu’ils n’Ă©taient plus sortis de chez eux depuis plusieurs semaines ou plusieurs mois. Lui, m’a dit :  » On respecte les consignes ». Ils m’ont expliquĂ© qu’ils pouvaient travailler depuis chez eux. Moi, j’avais un peu l’impression qu’ils sortaient de leur caisson de cryogĂ©nisation. MĂŞme s’ils Ă©taient parfaitement prĂ©sentables et que nous avons eu une conversation tout Ă  fait convenable, comme « auparavant ». Ils avaient toujours la mĂŞme syntaxe. Au moins en apparence.  Car j’ai compris avec eux qu’il existait des comportements radicalement opposĂ©s par rapport Ă  cet Ă©vĂ©nement qu’est le Covid. Ou la Covid. Y compris au sein des couples.

Le Covid nous met devant nos rapports personnels avec la mort. Il y a très peu de mise en scène possible avec nos angoisses. Ce couple d’amis Ă©tait apparemment encore uni et raccord par rapport Ă  ce sujet. Lui, avait attrapĂ© des cheveux blancs depuis la dernière fois que je l’avais rencontrĂ©. Cela n’a peut-ĂŞtre aucun rapport avec l’Ă©pidĂ©mie mais ça m’a fait un drĂ´le d’effet. 

Je ne leur ai pas dit que le matin, dans une pharmacie Ă  OdĂ©on, j’avais passĂ© mon premier test antigĂ©nique. Car un de mes collègues Ă©tait prĂ©sumĂ© positif au Covid. Et que, comme mes autres collègues, j’avais Ă©tĂ© considĂ©rĂ©  » cas contact ». J’ai eu le rĂ©sultat au bout de quinze minutes comme deux employĂ©s sympathiques des impĂ´ts dont l’un des collègues avait attrapĂ© le Covid :

Nous Ă©tions tous les trois nĂ©gatifs. 

Pour moi, le pire de l’angoisse, comme je l’ai rĂ©pĂ©tĂ© Ă  ce couple d’amis, mĂŞme si depuis les variants du Covid se multiplient et que de plus en plus d’enfants l’attrapent apparemment( six classes ont Ă©tĂ© fermĂ©es dans l’Ă©cole de ma fille après qu’un enfant ou une personne ait Ă©tĂ© positive au Covid dans chacune de ces classes), ça a Ă©tĂ© au mois de mars de l’annĂ©e dernière.  

Les premières semaines du premier confinement de l’annĂ©e dernière avaient Ă©tĂ© les plus angoissantes. Je continuais comme aujourd’hui d’aller au travail. Et, au dĂ©part, il y avait une pĂ©nurie de masques. Jusqu’au dĂ©but du mois de Mai oĂą les masques avaient commencĂ© Ă  ĂŞtre « parachutĂ©s » dans les supermarchĂ©s et les pharmacies.

Puis, Ă  partir de mi-juillet de l’annĂ©e dernière, en partant quelques jours en vacances, je m’Ă©tais un peu plus « sĂ©paré » de l’angoisse. MĂŞme si je continue de vivre masquĂ© lorsque je sors de chez moi. 

Mais lorsque je suis Ă  vĂ©lo pour partir au travail, je retire mon masque pour pĂ©daler. Pour Ă©crire aussi, sans doute. 

 

Quelques remarques complĂ©mentaires Ă  propos de l’expĂ©rience vĂ©lo pliant 

Pour ce deuxième article de la rubrique VĂ©lo Taffe après ( VĂ©lo Taffe : une histoire de goudron), je joins des photos prises pendant mon trajet de travail lors de ces mois de fĂ©vrier-mars 2021.

Si ma lampe avant- fixĂ©e Ă  mon vĂ©lo lors de la vente- ne marche dĂ©ja plus sans doute du fait des piles, je continue mes parcours Ă  vĂ©lo pour aller au travail. Je viens de commander une lampe avant et une lampe arrière de la marque Lezyne que je ne connaissais pas. Je me suis fiĂ© au site d’un magasin de vĂ©lo devant lequel je passe, boulevard Raspail, en allant au travail. Magasin, ou plutĂ´t chaine de magasins, que je ne connaissais pas non plus avant ces itinĂ©raires Ă  vĂ©lo : En selle Marcel

Sur la route, je croise diffĂ©rentes sortes de vĂ©los. Pliants, non pliants, course, non-course, vĂ©lib. Je me demande si, un jour, un type ou deux ou trois types de vĂ©los s’imposeront. En espĂ©rant que ce ne soit pas le VĂ©lib actuel. « Le » Brompton, dans les vĂ©los pliants, continue d’avoir une aura particulière Ă  mes yeux. Depuis mon premier article, j’ai appris en discutant un peu Ă  un feu rouge avec un « bromptonien » que si le vĂ©lo est très bien, ses accessoires coĂ»tent cher : 35 euros pour changer une plaquette de freins ? Mais ses pièces durent peut-ĂŞtre plus longtemps.

Le Brompton a aussi pour particularitĂ© d’avoir des roues de 16 pouces. Contre 20 pour mon vĂ©lo pliant (je m’Ă©tais trompĂ© en disant que c’Ă©tait des roues de 26 pouces). Concernant son prix, j’ai vu sur le site de En Selle Marcel qu’il est possible de payer son Brompton en quatre fois sans frais. Mais il faut quand mĂŞme pouvoir donner 300 Ă  400 euros quatre mois de suite. Une seule mensualitĂ© de 400 euros, pour un Brompton, Ă©quivaut presque au prix de mon vĂ©lo B’Twin. 

Je reste tout autant perplexe devant le nombre de tĂŞtes recouvertes par le casque de la marque Kask. Plus de cent cinquante euros, près de deux cents euros ou plus, le casque. On le leur aura peut-ĂŞtre offert. 

 

Je croise aussi assez frĂ©quemment des livreurs Deliveroo ou Uber Eats Ă  vĂ©lo. Je m’applique gĂ©nĂ©ralement Ă  les laisser passer. Leurs conditions de travail sont si difficiles. 

Pour mes premiers trajets « vĂ©lo taffe », je passais par le carrefour de l’OdĂ©on, un endroit très sensible pour la circulation. Que ce soit Ă  vĂ©lo ou Ă  pied. J’ai changĂ© de parcours et je m’en trouve mieux. MĂŞme si le Boulevard Raspail m’apparait encore un peu long Ă  monter. 

 

Les photos seront sĂ»rement un peu dans le dĂ©sordre. 

Franck Unimon, ce mercredi 31 mars 2021. 

 

 

Cette photo a Ă©tĂ© prise il y a plusieurs semaines, maintenant. Il s’agit du théâtre de l’OdĂ©on oĂą des banderoles sont toujours prĂ©sentes comme on le verra sur deux photos plus rĂ©centes.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le Théâtre de l’OdĂ©on, ce vendredi 26 mars 2021.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Un déménagement de 22 ans

 

Un dĂ©mĂ©nagement de 22 ans :

En 1999, il y a 22 ans, j’aidais Vassili, un ancien collègue, Ă  emmĂ©nager dans son nouvel appartement Ă  Asnières.  Nous devions ĂŞtre quatre ou cinq.

 

Nous nous étions finalement retrouvés tous les deux, lui et moi, à transporter ses meubles depuis son appartement d’Auvers sur Oise jusqu’à son nouvel appartement à Asnières sur Seine. Près de la gare de Bécon les Bruyères. Un appartement de 60 mètres carrés ou un peu plus dans un immeuble ancien des années 30.

 

A cette Ă©poque, j’étais encore locataire. Et je n’avais encore jamais Ă©tĂ© « propriĂ©taire Â» moi-mĂŞme de mon propre appartement…moyennant un crĂ©dit immobilier de plusieurs annĂ©es. Il m’avait fallu du temps pour accepter de changer de mentalitĂ© :

 

Pour passer de locataire oĂą je payais un loyer mensuel. A l’idĂ©e d’un crĂ©dit immobilier que j’allais m’engager  Ă  rembourser tous les mois pendant plus de quinze ans. Car j’avais bĂ©nĂ©ficiĂ©, pour partie, d’un prĂŞt Ă  taux zĂ©ro. Ce qui Ă©tait une nouveautĂ© Ă  l’époque, pour inciter Ă  acheter.

 

 

Je connaissais des collègues, souvent en couple avec enfants, qui avaient « achetĂ© Â» leur maison depuis plusieurs annĂ©es. Leur exemple et les encouragements de certains d’entre eux avaient fini par me convaincre que c’était une bonne dĂ©cision, pour moi, Ă  mon tour, bien qu’encore cĂ©libataire, « d’acheter Â» et de devenir propriĂ©taire, mĂŞme d’une petite surface.

 

En 1999, j’aurais Ă©tĂ© incapable d’acheter cet appartement que  venait d’acquĂ©rir Vassili. Plus âgĂ© que moi d’environ dix annĂ©es, Vassili avait aussi Ă©conomisĂ©. Vassili n’est pas du genre « coquet Â». Il fait peu de dĂ©penses. Moins que moi. Je crois aussi qu’il avait perçu un peu d’hĂ©ritage. Son appartement me faisait envie pour sa surface, sa localisation et sa proximitĂ© avec Paris. Mais je crois n’avoir jamais eu les moyens de m’en acheter un pareil. A l’époque, je crois qu’il l’avait achetĂ© – moyennant un apport financier et un crĂ©dit immobilier-  550 000 francs. A l’époque, ma capacitĂ© d’emprunt maximale Ă©tait de 430 000 francs sur vingt ans. Je m’en Ă©tais tenu Ă  un prĂŞt de 350 000 francs pour l’appartement que j’allais acheter ensuite sur plan. Un 23 mètres carrĂ©s.  

 

J’aurais sĂ»rement « dĂ» Â» prendre une surface plus petite que son appartement en cherchant dans l’ancien comme lui. Mais, Ă  l’époque, j’avais besoin d’acheter dans du neuf. Cela me rassurait. J’avais sĂ»rement besoin, aussi, de rester près de ma famille Ă  Cergy-Pontoise :

 

De ma mère, de ma sœur et de mon frère au moins. Ma sœur avait alors 22 ans et commençait à peine à travailler pour gagner sa vie. Notre frère, lycéen, avait 17 ans. Bientôt, à la demande de notre mère, j’allais finalement accepter de renoncer à ma vie de célibataire et de locataire. Afin de permettre à ma sœur et à mon frère de vivre avec moi dans un F3 que nous allions louer et obtenir de la mairie de Cergy-StChristophe en moins de trois mois. Ce qui serait impossible aujourd’hui en 2021 où toute demande de location prend facilement deux à trois ans voire plus, je crois, avant d’obtenir une réponse ou d’être satisfaite.

 

 

Enfin. En 1999, Vassili et moi en avions chiĂ© pour son dĂ©mĂ©nagement. Sortir ses meubles de son appartement d’Auvers sur Oise avait Ă©tĂ© simple :

 

C’était au rez de chaussée.

 

Les monter dans son nouvel appartement avait Ă©tĂ© plus Ă©puisant :

 

C’était au quatrième étage sans ascenseur.

 

Vers la fin,  alors que nous avions montĂ© une bonne partie des meubles, cela en devenait comique, Vassili dĂ©crĂ©tait que tout nouveau meuble qui restait allait finir sa marche :

 

«  A la cave ! Â».

 

 

J’étais sous le coup d’une rupture amoureuse. Cette rupture amoureuse m’avait donnĂ© suffisamment de motivation pour ces travaux de « force Â». Mais, malgrĂ© elle, Ă  la fin, j’avais approuvĂ© ces dĂ©cisions de fourguer ce qui restait des meubles…à la cave !

 

Après que nous ayons eus terminĂ©s, Vassili m’avait dit :

 

« Je te remercie infiniment Â». Il avait aussi parlĂ© d’une « reconnaissance Ă©ternelle Â». Ces propos m’avaient un peu Ă©tonnĂ©.

 

Mais il est vrai que, même si par la suite, lui et moi nous sommes modérément revus ou appelés, notre relation est restée. Et, chaque fois que je l’ai sollicité par la suite pour un de mes déménagements, il a toujours été présent.

 

Depuis 1999, notre monde et nos vies ont plus que changé.

 

Prince et MichaĂ«l Jackson sont morts. Le Rap et internet ont essaimĂ©.  Les rĂ©seaux sociaux, les sites de rencontres type Tinder, Tok Tok ( Tik Tok ? ), Twitter, Snapchat, Instagram et autres aussi.

 

Le Ghosting s’est normalisé au même titre que la marchandisation des rapports humains.

 

On parle des mouvements Me#too et de Balance ton porc.

 

La numĂ©ro 2 de Facebook, une AmĂ©ricaine, Sheryl Sandberg,  proclame :

 

« Le monde irait mieux avec les femmes aux commandes Â». Mais aussi :

« Les pays gouvernĂ©s par des femmes ont eu les taux de mortalitĂ© dus au coronavirus les plus bas Â» (page 11 du journal « gratuit Â» Vingt minutes du lundi 22 mars 2021). « (….) Lorsque les hommes rĂ©ussissent, les gens attribuent cela Ă  leurs compĂ©tences. Lorsqu’une femme rĂ©ussit, on attribue cela Ă  la chance et au travail (….) Â».

 

 

Toute personne qui a du succès ou une certaine réussite sociale, femme ou homme, blanche ou noire, le doit souvent, à mon avis, en plus de ses compétences, à la chance et au travail.

 

Chance d’être « arrivĂ© Â» au bon moment, au bon endroit. « Chance Â» d’avoir rencontrĂ© les bonnes personnes au bon moment. A la place, d’autres, tout autant « compĂ©tentes Â» et « travailleuses Â» ont plutĂ´t la malchance de rencontrer leur « fossoyeur Â», leur futur proxĂ©nète, leur exploiteur ou la mauvaise substance qui va les liquider.

 

Mais peu importe que ce que raconte Sheryl Sandberg puisse manquer de nuance ou occulter les travers de la firme puissante (Facebook) qu’elle reprĂ©sente. Comme toute personne qui a rĂ©ussi (femme ou homme, de couleur blanche ou autre) ses paroles, du fait, de son « succès Â» auront toujours plus d’éclat et plus de lĂ©gitimitĂ© que ceux de la personne lambda.

 

Même si Sheryl Sandberg – comme toute personne publique ayant réussi- raconte n’importe quoi. Cela me rappelle ces propos d’un joueur de Foot qui, après avoir rencontré Lilian Thuram, avait dit un jour à son propos :

 

« C’est un Monsieur ! Â». 

 

LĂ  encore, peu importe d’être d’accord avec les positions de Lilian Thuram Ă  propos du racisme, ou d’autre sujets. Puisque son très bon palmarès- rĂ©cent et encore dans les mĂ©moires– de Footballeur professionnel lui attribuait une aura immĂ©diate. Sauf que si  Lilian Thuram avait eu les mĂŞmes idĂ©es en n’ayant qu’un CV de Footballeur de quatorzième division, le mĂŞme footballeur professionnel, en le rencontrant, l’aurait sans doute Ă  peine considĂ©rĂ©.

 

 

Nous sommes nombreux Ă  avoir ce genre d’attitude. Nous sommes souvent Ă©bahis devant telle personne parce qu’elle a accompli ce que nous aimerions accomplir ou que peu ont accompli. Ce faisant, nous oublions qu’à notre niveau, nous rĂ©alisons l’impossible bien plus souvent que nous ne le croyons. Sauf que ce n’est pas mĂ©diatisĂ©. Et que nous avons le tort, aussi, de l’oublier ou d’estimer que cela a bien moins de valeur que les actions de toutes ces « grandes personnes Â» surmĂ©diatisĂ©es – souvent très bien entourĂ©es– que nous regardons. Parce-que, contrairement Ă  elles, nous ne sommes pas le numĂ©ro un ou le numĂ©ro deux d’une Ă©mission de tĂ©lĂ©, d’une grande entreprise, d’un mĂ©dia rĂ©putĂ© ou d’une Ă©quipe de Foot prestigieuse.

 

 

 

Lorsque hier matin, je me suis préparé pour aller donner un coup de main à Vassili pour ce déménagement, j’ai eu un moment de doute. Je me suis demandé pourquoi, à nouveau, j’allais me retrouver dans une situation où nous allions être si peu pour ce déménagement : Même la chaine TF1 serait absente.

En plus, la veille, j’avais commencé à avoir mal au genou au point de me demander si j’allais pouvoir être en capacité d’y participer. J’aime participer à des déménagements. Mais vingt deux ans étaient passés.

 

Pendant le dĂ©mĂ©nagement, j’ai aussi connu quelques moments de flottement devant l’organisation un peu « empirique Â» de mon ami Vassili. Lorsqu’arrivĂ©s devant la porte du garage donnant accès au double box oĂą nous allions entreposer ses meubles, lui-mĂŞme ignorait si le camion allait « passer Â». Il a aussi exposĂ© quelques limites lorsqu’il s’agissait de piloter le dit-camion. 

 

Le camion ne pouvait pas passer. Et entrer dans le garage. Heureusement que nous avons pris le temps de vérifier tous ensemble au préalable.

 

J’ai un peu entrevu le moment oĂą ce dĂ©mĂ©nagement supposĂ© ĂŞtre « light Â» pouvait se transformer en Ă©popĂ©e ou en sinistre. Ou en supplice de longue durĂ©e.

 

Finalement, cela s’est bien passé. Il a fallu un peu guider notre ami de temps à autre pour bien diriger le camion. Ainsi que dans les escaliers de l’immeuble en descendant un ou deux meubles volumineux assez lourds. Ou lui rappeler, en pleine pandémie du Covid, la nécessité de porter un masque voire lui en donner un alors que nous nous retrouvions à trois, côte à côte, dans le même camion.

 

Cependant, vingt deux ans plus tard,  Ă  nouveau, tout s’est bien dĂ©roulĂ©.

 

Ce déménagement m’a permis de rencontrer une personne qui s’avère être scénariste de documentaires, être allé plusieurs fois en Afrique et dont la compagne est monteuse. Soit une personne que je suis en principe appelé à revoir.

 

 

Et, Ă  la fin, notre ami Vassili, nous a  pleinement exprimĂ© sa reconnaissance. Alors que nous n’attendions rien de particulier de lui Ă  ce moment-lĂ , je crois, l’autre ami et moi.

 

Il m’a semblĂ© que tous les vaccins contre le Covid, et tout ce fatras de certitudes que nous pouvons avoir sur bien des sujets ne valaient alors pas grand chose en comparaison avec ces remerciements de Vassili, cet engagement commun de nos corps pour rĂ©aliser ce dĂ©mĂ©nagement, et la concrĂ©tisation ou la confirmation de cette amitiĂ©. 

 

Sans doute parce-que je suis vieux jeu, has been mais aussi un loser. Car ce n’est certainement pas en m’y prenant comme ça que je passerai Ă  la tĂ©lĂ© ou deviendrai numĂ©ro deux d’un grand mĂ©dia ou d’une grande entreprise.

 

 

Franck Unimon, ce mardi 23 mars 2021.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Vélo Taffe : une histoire de goudron

Place de la Concorde, Paris, Février 2021.

 

                                            VĂ©lo Taffe : une histoire de goudron

A chaque coup de pĂ©dale, je prends le pouls du macadam. Je m’écarte de l’écrou des tumeurs que sont les correspondances du mĂ©tro.  Des cycles de « Veuillez nous excuser pour la gĂŞne occasionnĂ©e Â». (cf.  Une ligne 14 Ă  bloc ! )

 

Pour fuir cette mauvaise fumée et ces rimes qui puent des pieds, cela fait un peu plus d’un mois maintenant que je me rends à vélo au travail.

 

 

 Quelques uns de mes critères pour le choix d’un vĂ©lo :

 

Depuis des annĂ©es – bien avant la pandĂ©mie du Covid et premier confinement de l’annĂ©e dernière qui a stimulĂ© l’usage du vĂ©lo – je lorgnais sur le vĂ©lo pliant.

 

Je possède le même VTT plutôt léger depuis plus de vingt ans. Je suis déjà allé au travail avec lui depuis chez moi. Mais son inconvénient est que je dois le laisser dans un local fermé à dix minutes à pied de chez moi. Par manque de place à la maison.

Même s’il a vieilli et qu’il ne s’agit ni d’un vélo de luxe ou de compétition, je refuse de l’attacher dehors et de prendre le risque de me le faire voler.

 

L’avantage du vĂ©lo pliant est de pouvoir se ranger facilement chez soi. Mais aussi de pouvoir ĂŞtre amenĂ© Ă  peu près partout avec autant d’aisance. En plus, en se renseignant un peu, on apprend qu’un vĂ©lo pliant peut ĂŞtre aussi rapide qu’un « vrai Â» vĂ©lo :

 

Un vélo de plus grande taille, avec braquets et plusieurs vitesses.

 

A condition de bien choisir son vĂ©lo pliant. Bien-sĂ»r, il existe des premiers prix Ă  150 ou 200 euros mais j’ai facilement acceptĂ© le conseil d’éviter ces premiers prix. Il y a ce que j’appelle les « fausses Ă©conomies» :

 

On prend un article le moins cher possible en pensant que cela ne vaut pas le coĂ»t. Et, finalement, en pratique, on le paie plus cher Ă  mesure des ennuis  mĂ©caniques ou autres. Sauf que, lĂ , personne ne vous dira  « Veuillez nous excuser pour la gĂŞne occasionnĂ©e Â» pendant que vous regarderez passer les autres cyclistes bien heureux de continuer de rouler tout en vous ignorant ou, au mieux, en vous offrant un air dĂ©solĂ©.

 

 

Il y a donc un minimum à mettre dans un vélo, pliant ou non, afin de se garantir une bonne durée de vie. Il y a plus de vingt ans, j’avais décidé de mettre 3000 francs dans mon VTT. Je m’étais renseigné auparavant sur la qualité des pièces de la marque Shimano qui constituaient le vélo. C’était une somme assez importante même pour l’époque. Mais je pouvais alors me le permettre. Et, aujourd’hui, plus de vingt ans plus tard, je peux témoigner du fait que je n’ai pas eu de mauvaise surprise ou de regret concernant cet effort financier.

 

Je me suis surtout servi de mon VTT pour des parcours que l’on rĂ©serve aux VTC  ou aux vĂ©los de course. Je suis un vĂ©tĂ©tiste du dimanche. Mais je voulais un vĂ©lo solide qui puisse aller partout si j’en avais le besoin. Et puis, je considère le vĂ©lo comme l’une des meilleures inventions mĂ©caniques de l’être humain. Aussi, je crois qu’il faut savoir mettre le prix lorsque l’on s’achète un vĂ©lo.

 

Il y a encore des gens qui gardent leur vĂ©lo toute leur vie et qui le transmettent Ă  leurs enfants. Pour moi, ce genre de bien a une valeur particulière en plus d’avoir un usage pratique Ă©vident. Je m’en rends bien compte lorsque je croise de temps en temps, celles et ceux qui partent fourailler dans les poubelles rĂ©cupĂ©rant ce dont d’autres se dĂ©barrassent. Ces « fourailleurs Â» sont souvent Ă  vĂ©lo. Car c’est plus pratique pour se dĂ©placer sur des kilomètres et pour transporter des objets en faisant le moins d’efforts possibles.

 

 

 

La marque Brompton :

 

 

 La marque Brompton est actuellement, et depuis des annĂ©es, la Rolls du vĂ©lo pliant. La première fois que j’avais croisĂ© un Brompton, c’était au quartier de la DĂ©fense, au centre commercial Les Quatre Temps il  y a plusieurs annĂ©es. C’était dans un magasin de bricolage. Le vĂ©lo se trouvait avec son propriĂ©taire. Celui-ci m’avait rĂ©pondu en ĂŞtre content.

 

Le vélo m’était apparu beau. Il m’avait donné envie. Mais, à l’époque, je n’avais pas de besoin particulier de vélo pliant. Je n’ai aucune idée ou aucun souvenir de son prix. Par contre, aujourd’hui, le prix d’un Brompton est exorbitant. Je veux bien mettre de l’argent dans un vélo mais, psychologiquement, et financièrement, j’ai des limites.

Le premier prix pour un Brompton dĂ©passe les 1200 euros. Ensuite, il y a tout un tas d’autres critères Ă  prendre en compte :

 

Le nombre de vitesses, le poids etc….

 

Il m’a été conseillé de prendre un vélo pliant qui dispose au moins de six vitesses. Quant à la taille des roues, je crois que l’on m’avait recommandé un diamètre de 26 pouces.

Mais lorsque l’on se trouve sur un site qui vous présente les vélos Brompton, vous avez un certain nombre de modèles sauf que le prix, lui, reste de plus en plus agressif pour votre compte en banque.

 

J’achèterai peut-être un Brompton, un jour, pour me faire plaisir d’autant que pour en avoir croisé quelques uns sur la route, les Brompton me semblent pourvus de spécificités qui les rendent particulièrement aérodynamiques et performants. Sans forcer. Mais, pour l’instant, c’est trop cher pour moi.

 

La marque Tern :

Moins connue que Brompton, assez confidentielle, cette marque semble offrir des gages de fiabilitĂ© mais aussi d’accessibilitĂ© financière plus facile par rapport Ă  la marque Brompton. Mais son premier prix se situe aux alentours de 800 euros si j’ai bien retenu. A nouveau, je veux bien mettre de l’argent dans cette technique de pointe qu’est le vĂ©lo pliant, mais j’ai pour l’instant du mal Ă  allonger 800 euros dans un vĂ©lo pliant qui, pour moi, reste un vĂ©lo miniature. MĂŞme si j’ai pu apprendre qu’un « vĂ©lo pliant peut ĂŞtre aussi rapide qu’un vĂ©lo normal…. Â».

 

Pour choisir son vélo, on peut aussi le faire selon des canons esthétiques. Pour ma part, je trouve qu’esthétiquement, il y a aussi des beaux vélos dans la marque Tern. Pour faire un jeu de mot très facile: les vélos Tern sont loin d’être ternes.

 

Mais le premier prix est à 800 euros ensuite ça grimpe assez haut, aussi.

 

La Marque Moma :

Je n’ai rien lu de particulier sur cette marque. Mais d’après ses prix, je trouve cette marque sur la ligne des prix pratiqués par la chaine Décathlon. Je parle de cette marque parce-que j’en ai croisé quelques uns et que leurs propriétaires en semblaient satisfaits. Le vélo était assez passe-partout et jouait son rôle de vélo pliant.

 

 

Mon attirail :

 

J’ai optĂ© pour ce qui est actuellement le vĂ©lo pliant le plus haut de gamme chez DĂ©cathlon : Le B’Twin Tilt 900 qui coĂ»te 499 euros et un petit peu plus si l’on prend la formule crĂ©dit pour l’acheter. En trois ou quatre fois. Ce que j’ai fait.

 

Pourquoi ce modèle ?

 

Tout d’abord, j’avais et ai un a priori dĂ©favorable sur la marque B’Twin de DĂ©cathlon. MĂŞme si je veux bien croire que la chaine DĂ©cathlon fasse des recherches pour amĂ©liorer ses produits et les amener au prix le plus accessible en fonction des possibilitĂ©s de sa clientèle, pour moi, DĂ©cathlon  reste connotĂ© comme une sorte de TATI  des articles de sport. MĂŞme si j’ai pu acheter bien des articles de sport Ă  DĂ©cathlon et en ai Ă©tĂ© plutĂ´t satisfait.

 

Mais il y a un dĂ©ficit d’image ou d’éducation  de ma part envers la marque DĂ©cathlon:

 

Pour moi, un vĂ©lo DĂ©cathlon est de qualitĂ© moyenne. Peut-ĂŞtre parce-que DĂ©cathlon reste une chaine de grande surface et, qu’en tant que telle, je crois qu’elle ne peut offrir qu’un conseil bas de gamme puisqu’elle privilĂ©gie les gros volumes lorsqu’elle vend des produits. Et vu qu’ils sont Ă  un prix courant ou « facile Â», ce n’est pas grave, si, Ă  un moment ou Ă  un autre, l’article que l’on a achetĂ© « chez Â» DĂ©cathlon nous lâche. Il suffit d’aller en racheter un autre Ă  un prix tout autant abordable que le premier.

 

Par ailleurs, des avis que j’ai pu lire sur le B’Twin Tilt 900 sur le net étaient très critiques. Même si, ensuite, des avis relativisaient expliquant que, depuis, Décathlon avait rectifié ce qui n’allait pas. Mais sans communiquer à ce sujet.

 

 

C’est après avoir vu le film  Maudit !- un film d’Emmanuel Parraud d’Emmanuel Parraud en projection de presse que je me suis dĂ©cidĂ© Ă  aller commander mon vĂ©lo pliant. C’était pendant les vacances scolaires du mois de fĂ©vrier.

 

Dix jours plus tard, je recevais un mail ou un sms m’informant de son arrivée dans le magasin où je l’avais commandé.

 

J’ai opté pour le B’Twin Tilt 900 car 500 euros était le maximum que je pouvais accepter de mettre, psychologiquement, dans l’acquisition d’un vélo pliant. Et je me suis dit qu’en prenant le haut de gamme actuel de Décathlon, je pourrais me faire une idée assez juste de ce que peut offrir un vélo pliant à peu près convenable.

 

 

Qu’a mon vĂ©lo pliant de convenable ?

 

 

Son poids, par exemple : 12, 2 kgs. Certains vĂ©los pliants font 14 kgs. D’autres peuvent ne faire que 8 kgs mais ils sont nettement plus chers que le mien. J’ai oubliĂ© le poids de mon VTT. Mais 12,2 kgs, c’est assez facile Ă  soulever. 

 

Son nombre de vitesses : Il en a neuf. Certains vĂ©los pliants n’ont pas de vitesse ou en ont six. D’autres en ont peut-ĂŞtre plus.

 

Concernant la façon de le plier, j’ai compris que la façon de plier son vĂ©lo varie selon la marque. Vu qu’il s’agit de mon premier vĂ©lo pliant, je n’ai aucun Ă©lĂ©ment de comparaison. Mais je peux nĂ©anmoins dire que s’il est affirmĂ© qu’il suffit de quinze secondes pour le plier et le dĂ©plier, que je continue plutĂ´t de mettre une bonne minute pour le faire. Je ne suis peut-ĂŞtre pas très douĂ© alors que le personnel de DĂ©cathlon, lui, subit peut-ĂŞtre des entraĂ®nements intensifs de pliage et de dĂ©pliage de vĂ©lo. Mais ça n’est pas grave. Car mĂŞme en prenant une minute ou deux pour le plier ou le dĂ©plier, c’est assez simple. Ensuite, c’est agrĂ©able de pouvoir s’en aller sur son vĂ©lo et de voir comme on se dĂ©place aisĂ©ment plus rapidement que les piĂ©tons.

De toute façon, même déplié, le vélo prend en effet une place raisonnable dans le train. En effet, si je me passe du métro dans Paris pour aller au travail et en repartir, je continue de prendre le train pour aller jusqu’à Paris et en repartir.

Gare d’Argenteuil, fĂ©vrier 2021.

 

 

La maniabilité de mon vélo me paraît bonne.

 

 

Question vitesse, je peux confirmer qu’il m’est arrivĂ©, Ă  mes dĂ©buts, de surprendre quelques cyclistes, sur leur vĂ©lo « montĂ© Â» en les rattrapant sans trop forcer puis en les dĂ©passant y compris dans une montĂ©e. En remontant le boulevard St Michel par exemple vers le jardin du Luxembourg. Ce fut assez amusant de facilitĂ©.

 

 

Ses limites :

A la fin de ma première journĂ©e de vĂ©lo pliant, j’ai quittĂ© le travail tout content. Et puis, sur les pavĂ©s de la place de la Concorde, alors que j’étais Ă  quelques minutes de « l’arrivĂ©e Â» ( la gare St Lazare, pour moi), ma roue avant a dĂ©chaussĂ© sans que je ne comprenne pourquoi.

 

Quelques secondes plus tard, j’étais en train d’essayer de me rattraper sur mes deux pieds alors que je me dirigeais dans un sprint survoltĂ© vers le haut trottoir qui borde les pavĂ©s. PrĂŞt Ă  tenter les qualifs pour le championnat de France des dix mètres.  J’ai rĂ©ussi Ă  Ă©viter de heurter la « haie » du trottoir. Mais, malgrĂ© toute ma volontĂ© pour m’arrĂŞter, mon avant-bras gauche a butĂ© contre un feu de signalisation. L’arrière gauche de mon casque, dans un Ă©lan de solidaritĂ©, a suivi. Je me suis aussi fait mal au majeur de ma main droite. Depuis, Ă  cette main-lĂ , j’ai encore le doigt d’honneur un peu douloureux. Mais ça va de  mieux en mieux mĂŞme si je m’en sers peu. 

 

Je ne roulais pas particulièrement vite lors de ma chute. Le sol était plutôt sec. Il faisait plutôt jour. Je n’avais de problème de visibilité particulier. Je n’étais pas fatigué plus que de raison ou distrait.

 

Très vite, deux cyclistes se sont arrĂŞtĂ©s Ă  ma hauteur sur le haut trottoir. Ils allaient dans le sens inverse. Ils m’ont demandĂ© si ça allait bien. Mais, oui ! MĂŞme si je ne voyais pas ce qui avait bien pu se passer.

 

Le cycliste le plus proche m’a dit :

« Ă§a a Ă©tĂ© impressionnant Ă  voir ! Â». Je les ai remerciĂ©s. Puis, ils sont partis.

 

Je n’ai pas eu le temps d’avoir peur. J’ai plutôt été en colère. Une chute aussi idiote dès le premier jour. Alors que tout allait bien.

 

 

Par prĂ©caution, avant de prendre le train, je suis allĂ© voir les pompiers de la gare St Lazare afin qu’ils m’examinent. J’ai ainsi appris qu’était  est frĂ©quent que des personnes glissent sur les pavĂ©s de la place de la Concorde. Depuis, mĂŞme si j’ai vu et continue de voir des cyclistes prendre ce passage avec leur vĂ©lo pliant, je l’évite en passant sur le trottoir. A ce jour, je n’ai pas fait d’autre chute. Et, Boulevard Raspail, Ă  quelques mètres derrière moi, rĂ©cemment, un jour de pluie, c’est un conducteur de Vespa qui a chutĂ©. Sans gravitĂ©. J’avais entendu parler du fait que les Vespa ont une très mauvaise stabilitĂ©. Pourtant, les pneus de la Vespa sont plus larges que ceux de mon vĂ©lo pliant qui sont d’ailleurs supposĂ©s bĂ©nĂ©ficier d’une bonne adhĂ©rence.

 

J’ai oublié de dire qu’après ma chute, je me suis racheté un nouveau casque de vélo. Alors, je vois assez régulièrement des personnes porter le très beau casque de la marque Kask. Je me demande souvent comment elles font. Ce casque coûte plus de 150 euros. Je trouve ça très cher. Même si je tiens à ma vie et à ma tête. Le nouveau casque, de la marque Abus, que j’ai acheté (chez Décathlon) m’a coûté 50 euros.

 

L’autre limite que je vois concernant mon vĂ©lo, c’est sa « sujĂ©tion Â» au vent. Lorsque je pĂ©dale et que je reçois un vent de travers, j’ai un peu l’impression d’être sur la mer, emportĂ© par le courant. Mais ce n’est peut-ĂŞtre qu’une impression.

 

 

Les pièges du vĂ©lo d’une manière gĂ©nĂ©rale :

Libéré du carcan des correspondances de métro comme de l’attente de son moyen de transport pour se rendre d’un point A à un point B, la tentation est grande de vouloir décider de fractionner l’espace-temps. Et de foncer. Peu importe la signalisation- ou les autres- et peu importe quelques mesures de précaution.

 

Je peux ainsi tĂ©moigner du fait que Batman fait du vĂ©lo. Il a la trentaine, pĂ©dale sans casque, sur un vĂ©lo de course de taille normale, mesure environ 1m65 pour une cinquantaine de kilos. Et sprinte, avec son manteau de Columbo grand ouvert, au point de laisser sur place le  cycliste sportswear qui porte un sac de la marque WANDRD PRVKE  , qui, au feu rouge, ne peut que le voir disparaĂ®tre, une fois son excès de vitesse accompli.

 

Mais ne me faites pas dire que Batman est seulement un homme. Avec ou sans Brompton – qui semble optimiser les effets de la poussĂ©e rectale de celles ou ceux qui avancent sur ce genre de vĂ©lo- Batman peut aussi ĂŞtre une femme.

 

Des livreurs de Mc Do, après l’heure du couvre-feu durant la pandĂ©mie du Covid, près du PanthĂ©on, fĂ©vrier ou mars 2021.

 

Batman  peut aussi ĂŞtre un livreur (je vois beaucoup moins de livreuses de repas). Un livreur qui, près du carrefour de l’OdĂ©on, s’engueule avec un chauffeur de bus alors que celui-ci a la prioritĂ© ( Ă  droite) lorsqu’il dĂ©bouche assez subitement. Le livreur voit alors le chauffeur de bus comme celui qui l’empĂŞche de faire son travail et de gagner sa vie ! Tout ça, pour s’arrĂŞter Ă  peine cinquante mètres plus loin oĂą se trouve sa « base Â» en quelque sorte.

 

 

La vitesse est l’un des ennemis des cyclistes. Prendre son vélo pour aller plus vite est selon moi un des grands pièges. En ce moment, après plusieurs essais d’itinéraires, je mets entre 27 et 32 minutes pour aller au travail et en revenir. Un de mes collègues, pour le même trajet, met….18 minutes. Tranquillement. Il m’a précisé qu’au début, il mettait 30 minutes, tout transpirant. Mais je ne me lancerai pas dans une compétition du chrono à vélo pour aller au travail.

 

Les avantages et les bĂ©nĂ©fices du vĂ©lo pour aller au travail :

 

Outre l’aspect pratique, se rendre lĂ  oĂą l’on a besoin ou envie d’aller, il y a le fait, de concilier comme on le dit « l’utile et l’agrĂ©able Â». On ne dĂ©pend pas d’un mĂ©tro ou d’un bus. On a donc une certaine libertĂ© ou une certaine autonomie. Et, en plus, on fait du sport sans se dire forcĂ©ment que l’on fait du sport. Ce qui reste l’une des meilleures manières de faire du sport : en rĂ©alisant un acte concret et utile. Et, mieux, de manière ludique.

 

Si je mets entre 27 et 32 minutes pour réaliser mon trajet, c’est parce-que je ne force pas trop pour aller vite. Parfois oui, parfois non. Et, dès qu’à un endroit, je trouve que ce serait bien de prendre une ou deux photos, je m’arrête pour prendre ma photo. Je peux même faire un petit détour s’il le faut. Puisque, de toute façon, j’ai prévu large en partant de chez moi. Et, quand je rentre du travail, je ne fais pas la course.

 

 

Mais l’avantage et le bĂ©nĂ©fice les plus Ă©tonnants Ă  aller au travail Ă  vĂ©lo Ă  chaque fois comme je le fais depuis que j’ai mon vĂ©lo pliant, c’est qu’en quelques semaines, j’ai dĂ©jĂ  pratiquement oubliĂ© ce que ça fait de sortir de son train, descendre les escalators, rejoindre sa correspondance, poireauter sur un quai de mĂ©tro (ou de RER) en attendant que le vĂ©hicule ferroviaire arrive. Monter, descendre des escalators, des escaliers. C’est vraiment une vie de con ! Et, le pire, c’est qu’on l’accepte rapidement, cette vie de con.

 

 

Rouler sous la pluie m’invite à la prudence pour la glisse. Mais, à part ça, avec des vêtements adéquats, ça se passe très bien. En arrivant au travail, comme je suis en avance, je me douche, je me change puisque j’ai cette possibilité-là. Et puis, c’est parti pour la journée ou la nuit de travail.

 

S’il fait froid, faire du vélo, avec, là aussi, les vêtements adéquats, ça réchauffe et ça stimule. Le point sensible reste les mains. Trouver des bons gants lorsqu’il fait froid selon la thermorégulation qui est la nôtre peut être un exercice assez difficile. Mais la solution est sûrement à portée de main dans un article ou une astuce que l’on n’a pas encore dénichée.

 

C’est plutôt s’il fait très chaud que cela m’incommoderait un peu de faire du vélo.

 

Mais le risque maximal,  pour moi, c’est en cas de verglas voire de neige. Ce serait, pour moi, les seules raisons qui pourraient, pendant deux ou trois jours, me dĂ©cider Ă  recommencer Ă  venir au travail en prenant le mĂ©tro etc….Ă  ceci près que, je peux aussi marcher. Si je m’y prends suffisamment Ă  l’avance. Si ce n’est pas trop loin. ça me fait sourire lorsque, dans la rue, on me dit que «  c’est loin Â», alors qu’il s’agit de marcher quinze minutes.

 

 

VĂ©lo Taffe : pourquoi ce titre ?

 

J’ai dĂ©couvert l’expression « vĂ©lo-taf Â» il y a seulement quelques mois. Mais au moment d’écrire cet article, il m’a amusĂ© de faire un jeu de mot.

 

Si je suis non-fumeur depuis toujours, j’aime ces moments, oĂą, l’on prend le temps de s’apesantir comme lorsque l’on prend une taffe. C’est un petit peu mon Ă©quivalent du Birth of the Cool de Miles Davis, lorsqu’il avait dĂ©cidĂ© de ralentir le tempo du Jazz qui se jouait alors. 

 

Donc, VĂ©lo Taffe, non pour se remplir les poumons et le cerveau- ou les autres organes- de tumeur et de nicotine. Mais pour prendre le temps de respirer. Pour retrouver son souffle et son inspiration. En regardant Ă  nouveau autour de soi. 

Si l’article de cette nouvelle rubrique a Ă©tĂ© long, c’est parce-que cela faisait plusieurs semaines que je pensais Ă  m’y atteler. Mais je ne disposais pas du temps nĂ©cessaire. Les articles suivants devraient ĂŞtre plus courts.

Article Ă©crit avec le concours de l’album Myopia d’Agnes Obel, et, avant cela, de l’album The Good, The Bad & The Queen du groupe du mĂŞme nom ( avec Feu Tony Allen) et de l’album Meat is Murder de The Smiths que je dĂ©couvrais. 

Franck Unimon, ce jeudi 18 mars 2021.

 

 

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Conventions

 

Forum des Halles, Février 2021.

                               Conventions

Vouloir faire resurgir le passé, c’est aspirer au voyage avec le navire coulé.

 

 

Ce jour que l’on voit  enfin se rapprocher arrive peut-ĂŞtre avec une pierre. Et cette pierre sera pour nous. MĂŞme si l’on a travaillĂ© avec intelligence afin que notre trajectoire s’amĂ©liore.

 

Il y aura bientôt pire que ce que nous vivons. Je suis désolé de l’écrire. Ce n’est pas dans mes habitudes d’être pessimiste. Et, je ne me sens pas particulièrement pessimiste, ce qui est peut-être pire.

 

Si la majoritĂ© l’emporte en thĂ©orie, je constate autour de moi que la majoritĂ© n’attend qu’une chose. Car, comme la majoritĂ©, je suis très nombriliste et rĂ©sume le monde Ă  ce que je vis et Ă  mon entourage immĂ©diat :

 

Recommencer Ă  vivre, aussi vite que possible, comme « avant Â» l’épidĂ©mie. Retrouver certaines libertĂ©s.

 

Forum des Halles, Février 2021.

 

Les vaccins anti-Covid sont beaucoup attendus parce-que l’on espère qu’ils vont aussi nous inoculer le passé d’avant l’épidémie.

 

Je « sais Â» très bien que des personnes ont perdu leur emploi, vont le perdre ou risquent de le perdre Ă  cause du Covid et ses variants. Ainsi qu’à cause du bizness que font certains labos- et quelques gouvernements- avec les vaccins.  

 

Je « sais Â» aussi que d’autres personnes sont dĂ©cĂ©dĂ©es, vont dĂ©cĂ©der, ont perdu un proche ou une connaissance ou sont tombĂ©es malades. Et, je peux faire partie d’eux bientĂ´t sans le voir venir mĂŞme si j’ai Ă©tĂ© prĂ©venu.

 

Je m’abstiendrai de comparer ma vie Ă  celle d’une personne en prison que ce soit dans un centre pĂ©nitentiaire ou enfermĂ©e dans une maladie mentale et physique. En ce moment, alors que j’écris, j’ai toute latitude pour exposer mon idiotie. Et comme tout idiot, je me rĂ©pands en me croyant un peu original. Je ferais sĂ»rement mieux de faire des mots croisĂ©s ou de regarder une sĂ©rie dans mon coin comme d’autres le font. D’ailleurs, j’ai  commencĂ© Ă  regarder la dernière saison, la cinquième, de la sĂ©rie Le Bureau des LĂ©gendes crééé par Eric Rochant. Je n’envie pas du tout la vie de ces agents secrets qui passent leur temps Ă  frĂ´ler leur dernier souffle comme Ă  se mĂ©fier de tous.

 

Il y a tellement de dĂ©cisions et d’habitudes que nous prenons de nous-mĂŞmes depuis des annĂ©es et qui nous verrouillent un peu plus tous les jours. Pour toutes sortes de raisons que nous sortons de notre manche et que nous justifions. C’est notre magie  personnelle. Celle qui nous guidait et va continuer de le faire. Comme avant l’épidĂ©mie. On peut donc comparaitre libre tous les jours et ĂŞtre dĂ©jĂ  plus ou moins en prison. Et aussi contribuer Ă  emprisonner d’autres personnes autour de nous. 

 

 

C’est ce que j’appelle des conventions.

 

Des conventions de pensĂ©e. Des convictions intimes. Des conventions de comportements et d’attitudes envers la vie. L’inconvĂ©nient des conventions – ou des protocoles – c’est que mĂŞme si elles sont foireuses, une fois rĂ´dĂ©es, on les laisse nous guider de manière automatisĂ©e. Puisque la majoritĂ© les adopte ou les accepte, c’est donc qu’elles sont justifiĂ©es. Et puis, une fois lancĂ©es, il est très difficile de les arrĂŞter.

 

C’est bon, pour vous ?!

 

Ce jeudi matin, la secrétaire de cette clinique du 15ème arrondissement de Paris finalise au téléphone la prise d’un nouveau rendez-vous. Elle a la trentaine. Un peu plus tôt, de manière accueillante, elle m’a reçu. J’avais quinze minutes d’avance. J’ai fait un peu d’humour quand elle a d’abord cru comprendre que j’étais pompier. Elle a souri.

 

Puis, je me suis installé dans la salle d’attente vide où se trouvaient deux stagiaires en pédicurie-podologie. Peu après, ceux-ci sont partis rejoindre un des chirurgiens dans son bureau. De temps à autre, par les portes restées ouvertes des bureaux, j’entends donc des bouts de conversation. La leur. Et celle que la secrétaire a de temps à autre avec une autre femme qui se trouve dans un des bureaux. L’ambiance est détendue. Bien qu’il ait gelé la veille ou l’avant veille et qu’il fasse assez froid dehors, il y a également une belle luminosité. En arrivant, j’ai repéré une boulangerie qui m’a l’air de faire du bon pain. J’y passerai après mon rendez-vous.

 

Dans le train Paris-Argenteuil, fin janvier 2021.

 

 

La secrĂ©taire vient de m’apprendre que la chirurgienne que je viens consulter va avoir « quinze minutes de retard Â». J’accepte assez facilement les retards des autres. D’abord parce qu’il m’arrive d’être en retard. Mais aussi parce-que je trouverais idiot d’avoir un accident parce-que l’on se presse pour un rendez-vous pour lequel on est en retard. Ce qui m’importe, c’est, une fois sur place, la disponibilitĂ© que l’on a pour l’autre ou pour son travail. Bien-sĂ»r, Il y a des rendez-vous oĂą il faut ĂŞtre ponctuel ou en avance. Il ne servirait Ă  rien de se rendre Ă  un aĂ©roport en retard et de crier depuis le taxi alors que notre avion a dĂ©collĂ© : « Maintenant, je suis disponible ! Â».

 

Je viens voir cette chirurgienne pour un troisième avis. En banlieue parisienne, Ă  Cormeilles en Parisis, un chirurgien m’a bien opĂ©rĂ© il  a trois ans. Il est rĂ©putĂ© dans son domaine. Mais chaque fois que je lui pose certaines questions, il ne me rĂ©pond pas vraiment. Je vais le revoir bientĂ´t Ă  Eaubonne. A cause du Covid et de mon emploi du temps qui a changĂ©  en commençant un nouvel emploi, j’ai dĂ» repousser plusieurs fois ma prochaine consultation avec lui.

 

Pendant les vacances de NoĂ«l, j’ai vu un second chirurgien dans une clinique du 16ème arrondissement de Paris. Sympathique, celui-ci a aussi Ă©tĂ© pĂ©dagogue et suffisamment convaincant pour l’opĂ©ration du pied Ă  propos de laquelle je m’interroge. Deux techniques sont possibles. J’avais refusĂ© jusqu’alors l’une des deux techniques. Ce chirurgien m’a donnĂ© des bons arguments. Puis, il m’a invitĂ© Ă  prendre le temps de la rĂ©flexion. J’avais dit Ă  ce chirurgien que je sortais d’une nuit de travail et que j’étais infirmier.  Il a refusĂ© de me rĂ©pondre lorsque je lui ai demandĂ© le coĂ»t de l’opĂ©ration. Le premier chirurgien, lui, m’avait donnĂ© son tarif quand je lui avais posĂ© la question : 400 euros. Une toute petite partie remboursable selon ma mutuelle. Mes consultations avec lui me coĂ»tent entre 50 et 80 euros. C’est dĂ©jĂ  cher pour moi. Mais l’opĂ©ration Ă©tait nĂ©cessaire. Et j’ai prĂ©fĂ©rĂ© mettre le prix pour me garantir la meilleure opĂ©ration possible. PlutĂ´t que de me livrer au premier chirurgien venu.

 

Dans la clinique du 16ème arrondissement, la consultation avec le second chirurgien m’avait coĂ»tĂ© environ 110 euros. Quand j’avais prĂ©sentĂ© ma carte bancaire, la secrĂ©taire m’avait rappelĂ© que l’on pouvait payer uniquement en espèces ou par chèque ! C’était indiquĂ© ! Il y avait bien un distributeur de billets mais c’était « loin Â» m’avait-t’elle alors rĂ©pondu. Elle allait donc attendre que je lui envoie mon chèque par la poste pour m’adresser ensuite ma feuille de soins me permettant d’être remboursĂ©. Partiellement. Puisque ce chirurgien pratique aussi le dĂ©passement d’honoraires.

 

Je ne compte plus toutes ces personnes qui m’ont affirmĂ© qu’un lieu Ă©tait « loin Â» dès lors qu’il s’agit de marcher quelques minutes.

 

J’avais pris soin d’aller tirer de l’argent dans ce DAB qui Ă©tait « loin Â» et de revenir quelques minutes plus tard donner l’argent de la consultation Ă  la secrĂ©taire de cette clinique du 16ème arrondissement.

 

La chirurgienne que je viens voir aujourd’hui dans le 15ème arrondissement de Paris m’a Ă©tĂ© recommandĂ©e par le mĂ©decin du sport fĂ©dĂ©ral que je consulte ces derniers mois. Il m’a dit que l’atout de cette chirurgienne est qu’elle n’a pas :

 

« Le bistouri entre les dents ! Â».

 

Je consulte ce mĂ©decin du sport Ă  Levallois, une ville de banlieue parisienne, dans les Hauts de Seine, le dĂ©partement du 92. Levallois est une ville plutĂ´t cossue. C’est la petite sĹ“ur de Neuilly, dans le 16èmearrondissement. Depuis un peu plus de dix ans, je suis venu habiter Ă  Argenteuil pour me rapprocher de Paris. L’immobilier, dans l’ancien, y Ă©tait plus abordable que lĂ  oĂą j’habitais auparavant Ă  Cergy-le-Haut, une ancienne ville nouvelle plus Ă©loignĂ©e de Paris et plus proche du Vexin. 

 

Ce mĂ©decin du sport de Levallois m’a aussi conseillĂ© un nouveau podologue. J’étais devenu insatisfait du second podologue que je voyais depuis quelques annĂ©es dans la ville de St-Leu la ForĂŞt. 

 

La veille de mon rendez-vous avec cette chirurgienne, j’ai revu ce nouveau podologue dans un cabinet situĂ© près du jardin du Luxembourg. Pour venir chercher mes nouvelles semelles orthopĂ©diques. La pratique du sport et l’âge m’ont rendu indispensable l’usage de semelles orthopĂ©diques. On peut aimer les Ĺ“ufs sur le plat. J’ai les pieds plats. C’est moins grave que d’avoir le diabète, un cancer, une psychose, de l’hypertension, des problèmes de poids, de dos…. ou le Covid.

Mais, d’un point de vue biomĂ©canique et pratique, avoir les pieds plats, lorsque l’on sollicite son corps sur la terre en faisant du sport,  cela entraĂ®ne des dĂ©sĂ©quilibres et des tensions de l’appareil locomoteur qui peuvent donner des tendinites, des douleurs musculaires ou ligamentaires. Si j’étais une personne strictement sĂ©dentaire et impermĂ©able au sport, Ă©voluant uniquement dans l’eau, sur l’eau, ou dans les airs,  ou jouant rĂ©gulièrement d’un instrument de musique, j’aurais peut-ĂŞtre pu me passer de ces semelles. Mais le sport terrestre fait partie de ma vie. MĂŞme si j’en pratique moins qu’auparavant et moins que je ne le voudrais.

 

 

Pour ce podologue, avec mes nouvelles semelles conçues avec la 3D, une opĂ©ration du pied n’est plus justifiĂ©e. Le cabinet de ce podologue se trouve donc près du jardin du Luxembourg, Ă  Paris. Cet endroit, pas plus que le 15èmearrondissement ou le 16ème arrondissement de Paris, ou Levallois, ne fait partie de mes foyers de vie.  J’ai beau avoir un travail  et un salaire fixe depuis plus d’une vingtaine d’annĂ©es, je n’en n’ai pas les moyens. J’ai toujours vĂ©cu en banlieue parisienne. Dans une ville oĂą se loger Ă©tait financièrement plus accessible. Lorsque j’entendais parler d’un loyer de 3000-3500 francs en plein Paris pour un appartement de 25 Ă  30 mètres carrĂ©s, un montant courant dans les annĂ©es 90, je me comportais comme un cheval refusant mentalement et physiquement de franchir l’obstacle.

 

Je suis allĂ© très loin dans mon refus et mon ignorance : Il  y a plus de vingt ans, lorsque le prix de l’immobilier Ă  l’achat, Ă  Paris, dans l’ancien, Ă©tait encore prĂ©sentable, j’ai ratĂ© le coche. J’ai prĂ©fĂ©rĂ© jouer la « sĂ©curité ». Faire un prĂŞt immobilier sur 15 ans pour acheter sur plan dans le neuf un studio de 23 mètres carrĂ©s Ă  Cergy-le-Haut, dans le Val d’Oise, une ville que je connaissais et oĂą j’habitais depuis une quinzaine d’annĂ©es. A plus de 45 minutes en transports en commun du jardin du Luxembourg ou du 15 ème arrondissement oĂą j’ai rendez-vous avec cette chirurgienne.

Je me rendais alors Ă  Paris, souvent dans les mĂŞmes endroits, toujours pour mes loisirs ou pour des achats.

Pour le mĂŞme prix que mon studio, un ou deux ans plus tĂ´t,  une de mes amies qui vivait alors Ă  Paris, avait achetĂ© dans le 19ème arrondissement, près de la Villette, un appartement de 45 mètres carrĂ©s, en loi carrez, dans l’ancien, au sixième et dernier Ă©tage sans ascenseur d’un immeuble. Elle avait fait faire quelques travaux.

 

Elle avait eu une très bonne intuition. C’était avant le passage à l’euro.

 

A moins d’être « parrainĂ© Â» par quelqu’un de bienveillant et de clairvoyant, lorsque l’on ignore la façon dont tourne l’horloge du monde ou d’une sociĂ©tĂ©, on accumule rapidement plusieurs fuseaux horaires de retard. On prend donc de plus ou moins bonnes dĂ©cisions en s’appuyant sur nos conventions. MĂŞme si l’on est travailleur et passablement intelligent. Et nos dĂ©cisions, lorsqu’elles sont mauvaises, peuvent ĂŞtre de bonnes dĂ©cisions que nous avons prises avec plusieurs fuseaux horaires de retard….    

 

Je ne suis pas riche. Mais, comme beaucoup, je suis travailleur et je peux me lever tĂ´t. Y compris pour effectuer un certain travail non rĂ©munĂ©rĂ©.  On dit qu’il faut aussi faire ce que l’on aime par plaisir et sans attendre pour autant de faire de l’argent avec. J’applique cette convention au moins pour ce blog mais aussi en amitiĂ© et dans mon mĂ©tier d’infirmier en psychiatrie et en pĂ©dopsychiatrie : lorsque je m’engage dans mon travail, gĂ©nĂ©ralement,  je ne pense pas Ă  l’argent qui va arriver sur mon compte en banque. Ce n’est pas ma première motivation. Et, c’est sans doute, aussi, ce qui, depuis des annĂ©es, m’a lourdement pĂ©nalisĂ©. Pour ne pas dire  Â«Â planté » dans une certaine Ă©volution personnelle et sociale.   

Car, pour ma santĂ©, que j’estime prioritaire, par contre,  j’accepte de mettre le prix lorsque je pars consulter. On est bien capable de lâcher bien plus d’argent dans une nouvelle paire de sneakers, des Ă©couteurs bluetooth – qui nous rendront peut-ĂŞtre sourds-, un nouveau tĂ©lĂ©phone portable ou pour tout un tas de vĂŞtements et d’objets que l’on utilisera assez peu et que l’on oubliera ensuite. Nous sommes incitĂ©s Ă  ça en permanence.Cela fait partie des conventions de la majoritĂ© d’entre nous. 

Quelques jours avant les fĂŞtes de NoĂ«l 2020, près des Galeries Lafayette et des Magasins Printemps, Ă  Paris près de l’OpĂ©ra Garnier.

 

Mais  je ne crois pas non plus que les meilleurs spĂ©cialistes de la santĂ© soient toujours celles et ceux qui nous font payer leurs consultations les plus chères ou qui disposent du matĂ©riel le plus moderne. Mais pour commencer Ă  le comprendre, j’ai d’abord dĂ» passer Ă  la caisse plusieurs fois….  

D’ailleurs, dans cette clinique du 15ème arrondissement, le chirurgien qui m’avait opéré il y a trois ans pour 400 euros consulte aussi. Mais un autre jour.

 

Gare de Paris St-Lazare, novembre 2020.

 

 

Plus jeune, en particulier Ă  l’adolescence, et mĂŞme un peu après, j’avais tendance Ă  nĂ©gliger tout ce qui est suivi mĂ©dical après une blessure sportive. Il est convenu dans la mentalitĂ© de bien des sportifs, qu’il faut ĂŞtre prĂŞt Ă  se faire mal lorsque l’on pratique. Donc, une blessure, ça peut  aussi attendre pour ĂŞtre soignĂ©e ou correctement soignĂ©e. Lorsque j’allais consulter, plus jeune, je ne faisais pas toujours attention au fait que certains mĂ©decins se contentaient d’appliquer des protocoles de traitements.

Avec l’expérience, plus d’une fois, c’est moi qui ai dû demander la prescription d’un certain nombre de séances de kinésithérapie en plus du traitement médicamenteux censé tout résoudre par lui-même. Je prends le moins de médicaments possible.

 

Après mon intervention chirurgicale du pied il y a trois ans, le chirurgien m’avait prescrit une certaine quantité d’antalgiques qui aurait permis à un toxicomane de monter un petit commerce. Ou à une personne lambda de peut-être devenir toxicomane. Cette pharmacie aurait aussi pu constituer le début d’un trésor pour de la médecine de guerre. Il fallait bien compenser l’absence de présence médicale- et surtout paramédicale- alors que la personne opérée retourne chez elle quelques heures après l’intervention chirurgicale.

 

J’avais dû insister auprès de ce chirurgien pour obtenir un certain nombre de séances de kiné pour ma rééducation. Il était persuadé que son intervention chirurgicale se suffisait et que je pouvais reprendre le travail après trois semaines d’arrêt. A l’écouter, je me devais seulement de faire ma rééducation tout seul chez moi.

 

 Il m’avait fallu deux bonnes semaines d’arrĂŞt de travail supplĂ©mentaires, davantage de sĂ©ances de kinĂ© et en retournant au travail, je boitais encore du fait de la douleur consĂ©cutive Ă  l’opĂ©ration chirurgicale.

La profession infirmière, aussi, mĂŞme non sportive, peut avoir tendance Ă  se surmener ou Ă  ĂŞtre surmenĂ©e mĂŞme lorsqu’elle devrait lever le pied. Il existe aussi d’autres professions, paramĂ©dicales, ou autres, qui sont soumises durablement aux mĂŞmes conflits de loyautĂ© entre leur sens du Devoir ou du sacrifice et leurs conditions de vie, de travail ou salariales, plutĂ´t dĂ©favorables. C’est peut-ĂŞtre le cas de cette secrĂ©taire qui m’a accueilli pour cette consultation.

Et c’Ă©tait comme ça bien avant l’Ă©pidĂ©mie du Covid. 

 

En venant voir cette chirurgienne ce jeudi, j’aimais, aussi – c’est peut-ĂŞtre un clichĂ©-  l’idĂ©e d’obtenir l’avis d’une femme.

 

Venir en avance m’a donnĂ© le temps d’apprendre le montant de la consultation : 112 euros. DĂ©duction faite de ce que me rembourseraient la sĂ©curitĂ© sociale et ma mutuelle, 93 euros resteraient Ă  ma charge. Le prix de cette consultation, 112 euros, correspond Ă  peu près Ă  ce que je gagne en une journĂ©e de travail comme infirmier après bientĂ´t trente ans d’anciennetĂ©. 

 

Comme j’attends, une jeune femme vient se présenter au secrétariat. Elle explique avoir trente minutes de retard. Elle avait rendez-vous à 9h15. Il est 9h45. J’avais quant à moi rendez-vous à 9h30. Et je suis là depuis 9h15.

 

Quelques minutes plus tard, la chirurgienne, la cinquantaine, sort de l’ascenseur. Je suis assis presque en face, Ă  cĂ´tĂ© du secrĂ©tariat. La secrĂ©taire lui dit bonjour en l’appelant par son prĂ©nom alors qu’elle file vers un bureau. Bureau oĂą elle est bientĂ´t rejointe par la secrĂ©taire. Je l’entends donner des nouvelles de sa fille qui  vient d’emmĂ©nager avec son copain. «  C’est bien Â» conviennent, ravies, la secrĂ©taire avec l’autre femme qui Ă©tait dĂ©jĂ  prĂ©sente dans un des bureaux Ă  mon arrivĂ©e.

 

 

La chirurgienne reparaît quelques minutes plus tard. Elle appelle la personne qui est arrivée avec trente minutes de retard. Laquelle se lève et va à la rencontre de la chirurgienne. Je la laisse partir. Je me lève alors calmement. Je viens annoncer à la secrétaire, revenue à sa place, que je m’en vais.

 

Bien que je n’aie ni la tĂŞte et ni la voix de Serge Gainsbourg, il faut quelques secondes Ă  la secrĂ©taire pour rassembler l’information que je viens de lui donner.  Alors,  je l’aide avec mes mots qui ne deviendront jamais un tube Ă  la radio :

 

«  J’ai passĂ© trois quarts d’heure dans les transports en commun pour venir. Je suis arrivĂ© avec 15 minutes d’avance. Madame arrive avec 20 minutes de retard et prend une personne qui est arrivĂ©e après moi…. Â».

 

La secrĂ©taire,  demi-sourire gĂŞnĂ©, je crois qu’elle a subitement chaud au visage, reste  professionnelle et pĂ©dagogue. Et m’explique :

 

« Oui, j’ai bien vu que vous veniez de loin. …c’est une patiente qui avait rendez-vous avant vous…. Â». Je lui fais comprendre que cet argument, pour moi, ne tient pas. Elle n’insiste pas :

 

« Je le lui dirai. Je vous laisse rappeler pour reprendre rendez-vous ? Â».

 

« Peut-ĂŞtre, peut-ĂŞtre pas ! Â». Puis, je m’en vais en prenant le temps de passer aux toilettes auparavant.

 

 

 

Confinement doré

 

Dans le train Paris-Argenteuil, fin janvier 2021.

Depuis le dĂ©but de l’épidĂ©mie du Covid, nous nous plaignons du couvre-feu, du confinement. Et, nous avons raison de nous plaindre de la perte de libertĂ©s occasionnĂ©e – ou justifiĂ©e- par l’épidĂ©mie. Je pense Ă  certains lieux obligĂ©s de rester fermĂ©s telles que les salles de cinĂ©ma, les musĂ©es et les salles de théâtre dont nous avons aussi besoin.  Comme certains lieux de pratique sportive. Voire, de restauration…

 

 

A côté de ça, pour moi, la secrétaire et la chirurgienne de cette clinique, au moins, et toutes les personnes qui leur ressemblent, femmes comme hommes, vivent dans un monde confiné. Dans un confinement doré. Et cela n’est pas dû à l’épidémie du Covid. C’était déjà comme ça avant l’épidémie du Covid.

Je n’ai pas de problème particulier, au dĂ©part, avec le fait de parcourir un certain nombre de kilomètres ou de passer un certain temps dans les trajets pour me rendre quelque part. Si j’ai une bonne raison de m’y rendre. Mais c’est peut ĂŞtre un tort. Et cela peut ĂŞtre une très mauvaise habitude, le rĂ©sultat de mon Ă©ducation, que j’ai contractĂ©e tĂ´t, avant l’âge adulte et qui consiste en quelque sorte Ă  ĂŞtre capable de se donner, de manière rĂ©pĂ©tĂ©e, sans compter. Car, selon le type d’interlocuteur ou d’interlocutrice auquel on a affaire, accepter facilement ou comme une Ă©vidence de rĂ©aliser certains efforts- et trouver cela normal de manière implicite- créé d’emblĂ©e un handicap ou un rapport de dominĂ©-dominant. Cela revient Ă  se brader mĂŞme si on vous parlera de « gentillesse » ou de « gĂ©nĂ©rosité » vous concernant :

Dans le monde confinĂ© de cette secrĂ©taire ou de cette chirurgienne, dans leur royaume, il est « normal Â» de faire attendre des patients. De disposer d’eux.  Et de les faire raquer ensuite. Il y a bien d’autres fois oĂą je l’ai acceptĂ©.

 

J’accepte que la chirurgienne ait eu une bonne raison d’être en retard. J’aurais même accepté qu’elle prenne le temps de se rendre aux toilettes ou de se laver les mains si elle en avait eu envie ou besoin.

 

Par contre, j’ai plus de mal Ă  digĂ©rer l’absence de bonjour de cette chirurgienne en arrivant après quinze Ă  vingt minutes de retard. Pour une consultation Ă  112 euros. Or, cette absence de « bonjour Â» d’une professionnelle de la santĂ© qui passe devant la salle d’attente de son lieu de consultations est aussi une convention très courante.

 

Pour moi, l’ambition de la secrétaire ne doit pas se limiter au fait de pouvoir appeler la chirurgienne par son prénom. Si elle peut appeler la chirurgienne par son prénom, alors, elle est aussi capable de faire valoir à cette chirurgienne le fait que j’étais le patient à voir d’abord. Mais il y a une telle habitude à ce que les gens qui viennent consulter s’en tiennent à certaines conventions de prosternation totale devant des professionnels de la santé.

 

Pourtant, je n’ai rien de particulier contre les chirurgiens et les mĂ©decins. Et, j’ai Ă©tĂ© très frĂ©quentable. Voire sans doute trop frĂ©quentable. Car j’ai respectĂ© certaines conventions de politesse et de diplomatie. D’autres personnes, plus « nerveuses Â» ou plus « fières Â»,  Ă   ma place, auraient retournĂ© la salle d’attente.

 

Visiblement, cette secrétaire et cette chirurgienne ne connaissent pas cette vie-là. Où un certain manque de considération peut se payer cash. Leur confinement est un confinement doré.

 

Je n’attends aucun changement particulier dans leurs conventions de pensĂ©es. Je suis sĂ»rement passĂ© pour un « caractĂ©riel Â» ou pour quelqu’un qui ne sait pas vivre.

 

En sortant de la clinique, je me suis rendu à la boulangerie que j’avais repérée en arrivant. Les baguettes traditions que j’ai achetées y sont vraiment bonnes.

Puis, j’en ai profité pour marcher jusqu’à apercevoir la Tour Eiffel.

 

Février 2021. Non, il ne fait pas froid !

 

J’ai eu une pensée pour cet homme qui, poussé par ses hallucinations vraisemblablement, s’est rendu à la Tour Eiffel, et s’est mis à errer autour. Lorsque la police, appelée par un employé de la Tour Eiffel, est arrivée à quatre heures du matin, l’homme n’a pas pu expliquer la raison de sa présence. Il semblait confus, ne pas avoir toute sa tête, bien que très calme.

Ensuite, j’ai pris le bus 80 vers St Lazare.

 

En passant près de Matignon, j’ai pensĂ© Ă  cette femme venue chercher protection auprès du PrĂ©sident Macron. Un mois et demi plus tĂ´t, elle s’était rendue au commissariat pour les mĂŞmes raisons. Mais on ne l’avait pas crue. Alors, cette fois, elle avait dĂ©cidĂ© de s’adresser Ă  plus haut. Elle craignait pour sa vie. Elle Ă©tait «  Un TrĂ©sor vivant Â» mais personne ne voulait la croire !

Elle avait sur elle sa clé de voiture, ses papiers, son téléphone portable, trois cartes bancaires, deux chéquiers et quelques affaires.

 

Ces deux personnes, on s’en doute, bien que de bonne foi, avaient contre elles d’avoir enfreint les «bonnes Â» conventions. Les conventions oĂą l’on reste Ă  sa place. Et oĂą l’on s’en tient aux horaires et aux lieux oĂą l’on a le droit d’agir et de se comporter d’une certaine façon. Les religions, aussi, peuvent fournir et prescrire leur lot de conventions. La particularitĂ© de certaines conventions, mĂŞme lorsqu’elles nous interdisent de vivre, c’est d’avoir une date de pĂ©remption très lointaine ou indĂ©finiment renouvelable. 

 

Si j’avais retourné la salle d’attente de cette clinique, peut-être que, comme cet homme et cette femme, j’aurais, moi, aussi, été interpelé par les forces de police.

 

 

Franck Unimon, ce jeudi 18 fĂ©vrier 2021.  

 

 

 

 

 

 

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Une ligne 14 Ă  bloc !

 

Gare de Lyon, ce vendredi 12 fĂ©vrier 2021 au matin, vers 9h10. Cette rame du ligne 14 du mĂ©tro vient d’arriver Ă  la gare de Lyon après ĂŞtre restĂ©e immobilisĂ©e trente minutes dans le tunnel. Jusqu’Ă  ce qu’une agent de la RATP parvienne Ă  la conduire manuellement. Cette rame de mĂ©tro va repartir sans passagers.

                                            Une ligne 14 Ă  bloc !

Le Grand Paris, environ trente millions d’habitants, c’est pour bientôt. Les Jeux olympiques de 2024 en France, et ses millions ou ses milliards de visiteurs, ses heures de retransmissions et ses pubs, encore plus tôt.

 

Si cette date est retenue. Si nous avons le droit de sortir.

 

Les pharaons d’Egypte, en exploitant et en tuant dans l’oeuf des  quantitĂ©s indĂ©nombrables d’ouvriers, ont entre-autres laissĂ© des pyramides qu’aujourd’hui, nous admirons. Car elles sont bien plus cĂ©lèbres que tous ces clandestins, aujourd’hui disparus, qui auront contribuĂ© Ă  leur Ă©lĂ©vation.

 

Nous, pour nos grands projets, nous avons besoin de transports en commun ad hoc. Et, peu importe que nous soyons anonymes. Pourvu que ça roule dans la farine.

 

Pour cela, nous pouvons compter sur la Ligne 14 entièrement automatisĂ©e. La ligne 14, ça fuse ! Et ça ne se refuse pas. Depuis la gare St Lazare, la ligne 14 a Ă©tĂ© bien des fois mon arme de rĂ©duction temporelle pour aller dans les salles de cinĂ©ma.

Mais depuis plusieurs mois, les cinĂ©mas et les salles de théâtre sont fermĂ©es, remplacĂ©es par les festivals pandĂ©mie, vaccins, couvre-feu et confinement qui s’opposent aux rapprochements humains. Heureusement que des bibliothèques et des librairies sont ouvertes ou ont rouvert pour compenser un peu ce traitement au scalpel – sans anesthĂ©sie- que subissent  bien des espaces culturels.

 

Pour le bien-ĂŞtre de l’économie, il a aussi Ă©tĂ© plus rapidement permis de s’attrouper  de nouveau aux heures de pointe dans les transports en commun parisiens. Comme ce matin, ce vendredi 12 fĂ©vrier 2021, ou, après une nuit de travail de douze heures, je me dirige vers la ligne 14 Ă  la station Bercy. La tempĂ©rature extĂ©rieure est alors d’environ -1 degrĂ©. Nous connaissons une vague de froid depuis deux Ă  trois jours.

 

Mon rêve, alors qu’il est près de 8h30, en finir au plus vite avec ce trajet jusqu’à Paris St Lazare. Puis, là, prendre mon train de banlieue. J’aurais bien-sûr préféré vivre dans un appartement avec vue dégagée sur la Pyramide du Louvre. Mais on fait ce que l’on peut. Même si c’est sûrement de ma faute si j’ai raté une bonne partie de ma vie. Je n’avais qu’à choisir de devenir pharaon au lieu de manquer d’ambition. Quand on veut, on peut.

 

Faute d’ambition, je me contente ce matin d’avoir une place assise dans la ligne 14. Et de me dire que dans dix minutes, je marcherai vers le grand hall de la gare St Lazare.  C’est un bon dĂ©but vers mon destin de moins que rien.

 

Mais j’ai Ă  peine imaginĂ© ce scĂ©nario de film de sĂ©rie V que le mĂ©tro de la ligne 14 se bloque sur les rails en plein tunnel. Sans doute la ligne 14 a-t’elle Ă©tĂ© vexĂ©e par mes pensĂ©es indignes. Parce-que, très vite, je me fais la remarque que, première lame des rails pendant des annĂ©es, la ligne 14 semble ĂŞtre devenue un second couteau alors qu’elle dessert, depuis quelques semaines maintenant, les nouvelles stations Sanofi,  4 milliards, Actionnaires, et Vaccin anti-Covid prĂ©vu pour la fin de l’annĂ©e. Heureusement qu’elle ne dessert pas en plus les stations Pfizer, Moderna, Astrazeneca, Sputnik V, Masque chirurgical. Mais ça viendra sĂ»rement.  Chaque pirogue en son temps. Mais comme c’était mieux, lorsque la Ligne 14 avait Paris St Lazare pour dĂ©part et terminus.

 

 

Assez rapidement, une voix Off nous informe que nous sommes arrĂŞtĂ©s. Cette voix  nous quittera seulement lorsqu’une femme agent de la RATP viendra nous rejoindre afin de conduire « manuellement Â» la superbe ligne 14.

 

Heureusement, notre sauveuse arrive assez rapidement. Cela fait alors environ quinze minutes que nous sommes dans l’au-delà des rails. Là où je suis, pratiquement en tête du métro, au niveau des troisièmes portes, personne ne panique. Tout le monde reste calme même s’il semblerait qu’une personne essaie, sans insister, d’ouvrir les portes. L’agent de la RATP lui demande de ne rien en faire. L’homme avorte sa tentative.

 

Un autre passager s’avance pour prendre une photo puis retourne à sa place. Une autre passagère, assise en face de moi, prévient qu’elle sera en retard pour son rendez-vous de 9h. Il lui est proposé un autre rendez-vous à 11h15.

 

Avant de me décider pour la ligne 14, j’avais testé d’autres itinéraires. Depuis deux à trois semaines, j’ai l’impression que les défauts techniques dans les transports en commun se multiplient. Ligne J, Ligne 6 du métro. Une amie m’a parlé de la ligne B du RER. L’usure due à la pandémie semble avoir gagné le matériel qui nous transporte. Or, les transports en commun, lorsqu’ils permettent à des femmes, des enfants et des hommes, de se rendre d’un point vers un autre, afin d’accomplir leur mission, leur travail ou un projet quelconque, deviennent l’équivalent du système sanguin d’une société.

Si le système sanguin d’une société se bloque, celui-ci peut finir par se détériorer. Car il a besoin d’échanges entre son intérieur et l’extérieur. D’une certaine fluidité comme d’une certaine mobilité. Une société qui se fige peut ainsi finir par se retrouver sous dialyse ou sous galère.

 

 

Après quinze minutes d’échanges d’un certain nombre de protocoles et de procĂ©dures techniques avec son collègue- ou son supĂ©rieur- l’employĂ©e de la RATP rĂ©ussit Ă  redonner un Ă©lan vital au mĂ©tro de la ligne 14. On dirait Sigourney Weaver aux commandes d’un vaisseau dans Alien.  La gare de Lyon, et la sortie du tunnel, n’était pas si loin que ça, finalement. L’état de choc du mĂ©tro de la ligne 14 aura durĂ© trente minutes.

 

Des applaudissements justifiĂ©s saluent la rĂ©ussite de l’agent de la RATP. Après ça, il  faut trouver un itinĂ©raire bis. Pour moi, ça sera la ligne A du RER jusqu’à OpĂ©ra. Puis, je prĂ©fère marcher jusqu’à la gare St Lazare.

Gare de Lyon, ligne 14 ce vendredi 12 février 2021 vers 9h10. Après avoir réussi à rejoindre la gare de Lyon, il nous est demandé de descendre et de prendre un autre itinéraire pour la suite de notre voyage. Le temps que le trafic de la ligne 14 vers St Ouen reprenne.

 

Contraint Ă  lĂ©zarder avec d’autres dans le mĂ©tro immobilisĂ©, j’ai repensĂ© au vĂ©lo pliant que j’avais commandĂ© la semaine dernière. Car j’en avais assez de dĂ©pendre de ces « dĂ©fauts techniques Â» rĂ©pĂ©tĂ©s. En moins d’un mois, j’estime avoir rencontrĂ© plus de dĂ©convenues dues Ă  des  » dĂ©fauts techniques » liĂ©s aux transports en communs qu’en plusieurs annĂ©es de trajets. NĂ©anmoins, un de mes nouveaux collègues, adepte de la ligne 13 du mĂ©tro, m’avait dit que je m’étais un peu trop prĂ©cipitĂ©. J’avais commencĂ© Ă  me dire que partir plus tĂ´t de chez moi permettait d’échapper Ă  ce genre de dĂ©sagrĂ©ment. Et, ce collègue avait mĂŞme rĂ©ussi Ă  me convaincre de recommencer Ă  prendre la ligne 13, une ligne de mĂ©tro dont j’ai choisi de limiter l’usage au strict minimum pendant des annĂ©es. Au point de presque exclure son existence de ma mĂ©moire.  Alors que la ligne 13, lorsqu’elle marche, est en effet rapide.

Mais tout usager de la ligne 13 connait sa rĂ©putation de ligne souvent marquĂ©e par les arrĂŞts pour causes techniques ou de sur-encombrement. Sans oublier la « culture » de pickpocket qui lui est accolĂ©e. Mais l’extension de la ligne 14 a aussi pour but d’allĂ©ger la ligne 13. Et, je me suis dit que ce collègue avait finalement raison. En prenant la ligne 13, cela s’Ă©tait bien passĂ©.  Jusqu’Ă  ce que je m’aperçoive qu’un autre collègue, un mordu de la ligne 14, avait pu mettre encore moins de temps que moi pour son trajet. 

 

 Mais maintenant…..

Gare de Lyon, ce vendredi 12 fĂ©vrier 2021. Le trafic est interrompu jusqu’Ă  environ 9h15 sur la ligne 14 du mĂ©tro du fait de l’impair technique que nous avons connu pendant trente minutes. Il est donc demandĂ© aux voyageurs que l’on voit en haut d’attendre la reprise du trafic de la ligne 14 vers la Porte de St Ouen.

 

Franck Unimon, ce vendredi 12 février 2021.

 

 

 

 

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Tu ressembles à ça ?!

 

 

J’ai aperçu son visage grâce à la porte entre-ouverte de son bureau. C’était la première fois que je le voyais vraiment. Lui et tous les autres se connaissaient depuis des années. Mais, moi, le petit nouveau, je les découvrais tous à cette époque des masques. Cela faisait à peine un mois que j’étais avec eux, et ce que je voyais, c’étaient des yeux, des fronts, des cheveux et assez peu de visages sauf, bien-sûr, au moment des repas. Pour ceux que je partageais avec certaines et certains d’entre eux. Ou épisodiquement lors de certaines pauses.

 

Je devais avoir presque dix ans, lorsque je me suis avancĂ© pour lui dire :

 

« Ah ? Tu ressembles Ă  ça ?! Â». Il Ă©tait près de 19H. Comme la veille, pour dĂ©buter cette journĂ©e qui allait se terminer vers 20h, je m’étais levĂ© Ă  5h50. Et, jusque lĂ , tout s’était bien passĂ© avec l’ensemble des personnes et des situations rencontrĂ©es.

 

Après avoir dit ça, je suis resté là, sur le seuil. Il était seul, assis derrière son bureau. Il n’avait pas l’air occupé. Quelques jours plus tôt, lors de notre première rencontre où il avait opté pour garder son masque alors que je déjeunais, ça s’était passé de façon détendue. J’avais fait de l’humour à propos de son refus de se découvrir. J’avais mentionné l’importance de préserver sa pudeur. Il l’avait bien pris.

 

Il a commencĂ© Ă  m’expliquer plutĂ´t sĂ©rieusement qu’il s’était laissĂ© pousser la moustache. C’était comme une sorte de confession que je ne demandais pas. J’ai compris qu’il n’était pas très satisfait du rĂ©sultat. Mais qu’il avait fait de son mieux. Et puis, il a tiquĂ© sur le terme : « Tu ressembles Ă  ça ?! Â». J’ai aussitĂ´t rĂ©cupĂ©rĂ© toutes mes annĂ©es. Je n’avais pas dix ans. J’étais dans mon nouvel emploi depuis Ă  peine un mois. Et, j’y faisais connaissance avec un nouvel environnement ainsi qu’avec une bonne cinquantaine de nouvelles et de nouveaux collègues. Dès les dĂ©buts, j’avais dĂ©jĂ  entendu parler de Radio Langue de pute, qui, ici, Ă©mettait sur bien des frĂ©quences comme partout. Sauf qu’ici, les frĂ©quences affleuraient davantage au grand jour. Le matin, un collègue qui terminait sa nuit, proche de la retraite, que je croisais pour la première fois, m’avait dit avec le sourire :

 

« J’ai entendu parler de toi. Tu verras, ici, c’est une petite famille…. (sous-entendu : tout se sait rapidement et les ragots sont fournis avec le wifi et la fibre optique intĂ©grĂ©s) Â».

 

Debout, de l’autre cĂ´tĂ© du bureau de ce nouveau collègue, je l’ai regardĂ© buter sur ce que je venais de dire. Nos propos peuvent ĂŞtre bilingues ou trilingues. Mais il Ă©tait trop tard pour que je me reprenne. Ni lui ni moi n’avions dix ans. Je savais pertinemment qu’isolĂ© et pris au pied de la lettre, le terme « Ă§a Â» pouvait ĂŞtre dĂ©gradant. Mais ce n’était pas mon intention en disant « Ă§a Â». Et le contexte avait aussi son importance :

 

Hormis nos proches et celles et ceux que nous connaissions dĂ©jĂ  avant la pandĂ©mie du covid et l’épopĂ©e des masques que nous vivons depuis plusieurs mois, notre cerveau compose une certaine image avec le peu que nous voyons du visage des autres. Le dĂ©calage est frĂ©quent mais il nous apprend quelque chose sur notre perception- imparfaite-  et immĂ©diate de notre environnement.  Et ce n’est pas une histoire de manque d’intĂ©rĂŞt.

 

Un peu plus tĂ´t, ce jour-lĂ , je crois, alors qu’elle dĂ©jeunait, j’avais vu de profil une personne que j’avais vue jusque lĂ  seulement de face. Mais que je connaissais uniquement porteuse d’un masque. En la voyant dĂ©masquĂ©e pour la première fois alors qu’elle mangeait devant moi, je m’étais demandĂ© si c’était bien la mĂŞme personne. Alors que je savais que c’était  elle ! Je pensais, pourtant, l’avoir plus d’une fois plus que que bien regardĂ©e :

 

Je l’avais rencontrĂ©e lors de mes trois entretiens de prĂ©-embauche, elle comme moi portant notre masque.  Je la trouvais plutĂ´t sympathique. Elle Ă©tait dĂ©sormais ma supĂ©rieure hiĂ©rarchique en chef.

 

 

Mais impossible de parler de ça Ă  mon nouveau collègue. J’étais trop imbibĂ© par ce qui Ă©tait en train de se dĂ©rouler. D’autant qu’à deux reprises, pour essayer de dĂ©samorcer le malentendu, j’avais baissĂ© mon propre masque et lui avais dit avec le sourire :

 

« Moi, je ressemble Ă  ça ! Â».

 

 A le voir continuer de rĂ©gurgiter ma phrase « Tu ressembles Ă  ça ?! Â», je me suis dit :

 

Soit cet homme, toute sa vie durant, a aspiré à s’élever socialement.

Soit, malgrĂ© son envergure, il a toujours eu une mauvaise image de lui. Et moi, le « jeune Â» nouveau  collègue, en moins de dix secondes, j’avais Ă©crabouillĂ© tout ça.

 

 

Je n’avais pas rĂŞvĂ© de lui  par la suite. Mais j’allais savoir assez vite lorsque je retournerais au travail si Radio Langue de pute avait lancĂ© un avis de recherche Ă  mon sujet. Ou si une vendetta Ă©tait en cours me concernant.

 

Des histoires de vengeance peuvent se décider pour bien moins que ça.

 

Franck Unimon, ce mardi 9 février 2021.

 

 

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Faire son marché

 

 

                                                   Faire son marchĂ©

 

 

Lorsque l’on est assuré d’avoir le ventre plein, on peut trouver plus séduisant que l’étalage d’un stand de marché derrière des bâches en plastique.

 

En 1960, sur le marchĂ© d’HĂ©loĂŻse  de la ville d’Argenteuil, il y avait des moutons, des chèvres, de la volaille. Et une brocante.

 

C…, agriculteur et producteur, était présent. C’était avant l’édification de la salle des fêtes Jean Vilar aujourd’hui plus ou moins menacée de destruction selon les divers projets hôteliers – de luxe- et commerciaux du maire, Georges Mothron. Afin, officiellement, de tenter d’augmenter l’attractivité de la ville.

 

C…est le le doyen des commerçants. Il me raconte un peu avant tout ça.  Il y a deux ans maintenant, Ă  peu près, je le lui avais demandĂ©. Il avait acceptĂ© Ă  condition de ne pas faire de politique.  Puis, c’était moi, le jeune, qui, comme tous les jeunes, avait dĂ©laissĂ© ce qui lui avait prĂ©existĂ©.  J’avais toujours trouvĂ© mieux Ă  vivre, Ă  Ă©crire ou Ă  faire ailleurs.

 

En revenant quelques fois sur le marché, je venais lui dire bonjour et lui rappeler que je reviendrais. Comme une bouchée de politesse qu’on adresse à quelqu’un pour le faire patienter au bord d’une piste de danse. Alors que cette personne ne nous a rien demandé. Alors que l’on se croit le gardien de l’éternité. Mais on n’est jamais rien d’autre que le plus grand gardien de nos infirmités.

 

Puis, du temps est passĂ©. J’ai arrĂŞtĂ© de venir sur le marchĂ©. Ensuite, il y a eu cette mĂŞlĂ©e -ou cette Ă©pidĂ©mie- qui, plus vite que la Junk food, a rempli nos assiettes et nos viscères avec du mastic Ă  partir de mars 2020.  Toutes les pistes de danse se sont vidĂ©es. C’était l’annĂ©e dernière.

 

Heureusement, C…a encore tout son temps et toute sa tête. Peut-être plus que beaucoup d’autres qui ont pourtant moins que ses 84 ans.

 

Il fait 0°C, ce dimanche 10 janvier 2021, lorsqu’enfin, j’honore ce que je m’étais dit Ă  moi-mĂŞme. J’arrive un peu avant 9 heures. J’aurais voulu venir plus tĂ´t. Il y aura davantage de monde Ă  partir de 10 heures.  C…lui, s’est levĂ© Ă  4h30 et est sur le marchĂ© depuis 6h30. Il partira Ă  13h30 et m’annonce :

 

« Ceux dehors partent Ă  15 heures Â».

 

Je lui demande : « Comment faites-vous avec le froid ? Â».

C…rigole : «  Comme tout le monde ! Â».

 

Il est aussi sur le marchĂ© d’Ermont deux fois par semaine. Ses fils ont leur stand sur les marchĂ©s de St Denis, Puteaux, sur le marchĂ© des Bergères Ă  Nanterre et aussi Ă  Paris. Il me fait les Ă©loges du marchĂ© des Bergères. C’est celui de mon enfance. Je n’y suis pas retournĂ© depuis des dĂ©cennies.  A cette Ă©poque, dans les annĂ©es 70, cette partie de Nanterre Ă©tait sĂ»rement plus populaire qu’aujourd’hui. Il m’invite Ă  y aller.

 

Sur le marché d’Argenteuil, il paie son abonnement 250 euros pour 15 jours. Pour l’instant, personne ne peut prendre sa succession car la mairie tient absolument à trouver un producteur. Il y en a de moins en moins, m’affirme C. Il a connu le grand-oncle du maire d’Argenteuil actuel. Ce grand-oncle vendait des fruits et des légumes. Tout comme le grand-père.

Le grand-oncle a vendu son corps de ferme à Argenteuil puis est parti vivre dans le Vexin. Mothron, le maire actuel (précédemment déjà édile plusieurs fois de la ville) n’a pas pris la suite de son grand-père et de son grand-oncle. Il est devenu ingénieur. Et maire.

Le neveu du maire, m’apprend C, vend du café un peu plus loin, sur le marché.

 

Sur le marchĂ© d’Ermont, c’est diffĂ©rent. C a pris la suite de ses parents. Et, il tient Ă  « prolonger le plus longtemps possible Â».

 

Un habituĂ©, d’origine arabe, arrive. Il porte un liserĂ© de moustache. Après avoir saluĂ© C, il sort une bouteille dont il nous apprend la composition : de l’eau, du miel et des agrumes. Il dit en boire tous les jours :

« C’est ça, notre pharmacie ! Â» dĂ©clare-t’il en dĂ©signant les fruits vendus par C et la poissonnerie voisine. Il refusera de faire le vaccin anti-Covid quand il deviendra obligatoire ! Quitte Ă  rester chez lui !

 

C, avec un grand sourire tranquille, rĂ©pond : « Moi, je le ferai Â».

L’homme poursuit :

« J’ai plus de 60 ans. Je me porte bien… Â».

C s’esclaffe et me prend Ă  tĂ©moin : «  Il est jeune ! Â».

 

Une femme d’origine antillaise passe rapidement devant le stand :

« Salut Papy ! Â».

« Salut, ma belle ! Â» rĂ©pond C.

 

Après avoir pris quelques fruits, le client argumente :

« Je suis mĂ©decin….mĂŞme si je ne suis pas reconnu Â» ajoute-il un peu Ă  voix baisse comme Ă  lui-mĂŞme.

 

J’avais oublié toute cette dramaturgie que l’on peut obtenir dans un marché. Il suffit de s’y promener.

 

J’ai bien sĂ»r pris des fruits Ă  C. Des pommes, des poires, des kakis. Et je l’ai remerciĂ©. Il a acceptĂ© facilement que je prenne son stand en photo. Mais quand j’ai parlĂ© de le photographier, il a disparu. Au point que je me demande si je l’ai inventĂ©. Et aussi, si c’est bien lui qui m’a laissĂ© ce texte :

 

                                                      Vols ancrĂ©s

 

Même si ce sont souvent les mêmes, nos pensées sont des milliers d’oiseaux qui en enfantent d’autres. Il faut apprendre à regarder pour savoir, selon nos priorités, sur lesquels s’appuyer pour s’orienter. Ils ne se valent pas tous. Certains sont des leurres. D’autres, des impasses. Mais ils proviennent tous de nos cages et cherchent tous à retrouver l’atmosphère où ils étaient avant de nous rencontrer. Car nous les avons capturés. Nous avons besoin de nos pensées comme des oiseaux car ils savent toujours où se trouve le ciel. Et nous, sans eux, nous ne savons pas.

 

Ecrire, c’est dĂ©placer nos cages. C’est plonger dans la page certains oiseaux plutĂ´t que d’autres et permettre Ă  d’autres,  qui les regardent et les Ă©coutent, de trouver leur direction et, peut-ĂŞtre, de trouer certaines interdictions qui les clouaient Ă  l’impuissance.

Photo prise devant le conservatoire d’Argenteuil, ce lundi 25 janvier 2021.

 

 

Franck Unimon, ce mercredi 27 janvier 2021.  

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Sur le marché de Dieu

Le marchĂ© d’Argenteuil, Boulevard d’HĂ©loĂŻse, ce vendredi 8 janvier 2021.

 

Sur le marchĂ© de Dieu                                                  

 

« Certains estiment avoir été secourus parce qu’ils ont été élus.

D’autres estiment avoir le droit de tuer parce qu’ils ont été élus.

MoralitĂ© : Dieu nous sauvera tous ».

 

Hier matin, j’avais quittĂ© ce dĂ©lirium très mince ainsi que ma colère envers Dieu et certains de ses adeptes, lorsqu’à l’entrĂ©e de l’école de ma fille, je me suis adressĂ© au directeur.

Celui-ci m’a rĂ©pondu qu’il partageait  mon inquiĂ©tude. Les absences rĂ©pĂ©tĂ©es de la maitresse depuis la rentrĂ©e au mois de septembre ne lui permettaient pas, jusqu’alors, de « visibilitĂ© Â». Mais, celle-ci Ă©tant dĂ©sormais officiellement en congĂ©, depuis ce mois de janvier, du fait de sa grossesse, il allait pouvoir vĂ©ritablement faire les dĂ©marches.  Pour obtenir une remplaçante ou un remplaçant attitrĂ© (e). Mais, impossible pour lui de savoir quand cette remplaçante ou ce remplaçant arriverait.

 

Il m’a conseillé de me rendre sur le site du CNED, en accès libre, afin de trouver des cours en rapport avec la scolarité de ma fille. Tout en reconnaissant que cela ne vaudrait pas la présence d’une maitresse ou d’un maitre. Il a ajouté que si la nomination d’une remplaçante ou d’un remplaçant traînait, qu’il solliciterait l’association des parents d’élèves ou FCPE dont il se trouve que je suis un des membres intermittents.

 

Malgré ses éléments de langage, j’ai cru en la sincérité du nouveau directeur de l’école publique où ma fille est scolarisée. Croisant la maitresse de l’année dernière de ma fille, nous nous sommes mutuellement adressés nos vœux de bonne année. Celle-ci m’a dit qu’elle espérait vraiment qu’il y aurait une remplaçante ou un remplaçant pour la classe de ma fille.

 

Après ça, je me suis rendu dans mon service, à Paris, à quarante cinq minutes de là en transports en commun. Pour mon pot de départ. Dans quelques jours, je commencerai dans un nouvel établissement.

J’étais en retard Ă  mon pot de dĂ©part mais j’ai choisi de prendre mon temps.  Au lieu de dĂ©buter Ă  10h comme je l’avais annoncĂ©, mon pot a plutĂ´t dĂ©butĂ© vers 10h50. Il devait se terminer pour midi.

 

En raison des mesures sanitaires dues Ă  la pandĂ©mie, nous Ă©tions un nombre limitĂ© de personnes dans la salle Ă  manger du service. Pas plus de quinze. Cela n’avait rien Ă  voir avec ces pots de dĂ©part d’ Â« avant Â», oĂą nous pouvions ĂŞtre une quarantaine ou beaucoup plus dans une mĂŞme salle et sans masques. Mais, alors, que courent angoisse et polĂ©miques Ă  propos de la nĂ©cessitĂ© –ou non- de la vaccination anti-covid, ce pot de dĂ©part, mĂŞme s’il signifiait la fin de mon histoire dans ce « pays Â» qu’ a Ă©tĂ© ce service, Ă©tait pour moi capital.  Dans ce contexte oĂą nos peurs deviennent nos plus vibrantes ambitions, ou nos nouveaux extrĂ©mismes, tout moment de rĂ©jouissance, en respectant les gestes barrières, est un acte de rĂ©sistance. Je crois que dans toute Ă©preuve, les fĂŞtes et les pĂ©riodes de pause permettent- en prenant  certaines prĂ©cautions- de passer des caps difficiles. Cela peut nĂ©cessiter parfois de l’entraĂ®nement ou de devoir produire certains efforts pour s’obliger Ă  continuer de vivre alors que notre premier rĂ©flexe- ou notre humeur- serait d’attendre dans un coin. 

 

A chaque fin d’annĂ©e, nous achetons des objets de « bonheur Â». Nous en offrons par affection. Mais nous en offrons aussi par obligation. 

Mon âge ou le corona circus fait que les cadeaux qui m’ont le plus portĂ© pendant mon pot de dĂ©part- et aussi en dehors de lui- ont d’abord Ă©tĂ© ces collègues prĂ©sents, leurs regards, leurs sourires, leurs rires ainsi que leurs mots en public ou en apartĂ©.

 

Je suis revenu le soir pour dire au revoir Ă  d’autres collègues. A nouveau, des moments qui comptent. MĂŞme si j’étais fatiguĂ© en rentrant chez moi, pendant les horaires du couvre-feu. A la gare St-Lazare, en attendant l’affichage de la voie de mon train de 23h43, il y avait pratiquement autant voire plus d’agents de sĂ©curitĂ© que de « voyageurs Â».  Je me suis partiellement endormi dans le train comme d’autres fois. Mais je me suis rĂ©veillĂ© au bon endroit et au bon moment.

 

Ce matin, après avoir emmenĂ© Ă  nouveau ma fille Ă  l’école, je suis retournĂ© au marchĂ© d’Argenteuil.  Pour la première fois depuis le premier confinement de mi-mars 2020. Dehors, il faisait un degrĂ© celsius. 

Sur le marchĂ© d’Argenteuil, Bd HĂ©loĂŻse, ce vendredi 8 janvier 2021.

 

 

J’ai été content de le revoir. Lui, le doyen du marché, avec ses plus de 80 ans. Il connaît le marché d’Argenteuil depuis environ cinquante ans. Il y a bientôt deux ans maintenant, je lui avais dit que je reviendrais l’interroger. Pour mon blog. Il avait accepté. Mais je ne l’avais pas fait. Nous avons pris rendez-vous pour ce dimanche où il sera sur le marché à partir de 6h30.

 

Devant la poissonnerie, une femme m’a interpellé, tout sourire. Je l’avais connue quelques années plus tôt à l’atelier d’écriture animé à la médiathèque d’Argenteuil. Il était arrivé de nous recroiser par la suite dans la ville. Avec son masque sur le visage, je ne l’avais pas reconnue. Infirmière anesthésiste à la retraite, elle m’a appris continuer de faire quelques vacations à l’hôpital d’Ermont. Elle avait pris sa retraite après quinze ans et quelques mois d’activité professionnelle après avoir été maman trois fois.

Elle m’a expliqué, un peu ironique, que son nombre de vacations était limité. Plus on a travaillé en tant qu’infirmière durant sa carrière et plus on peut faire de vacations, une fois à la retraite. Elle se trouve dans la situation inverse.

 

Elle m’a dit que les noix de st Jacques se congelaient très bien. Qu’elle les faisait décongeler dans du lait de vache et un peu d’eau, la veille pour le lendemain.

 

Plus loin, la commerçante Ă  qui j’achetais des pains aux dattes ainsi que des Msemen m’a appris que son père Ă©tait dĂ©cĂ©dĂ© en avril. Il avait 75 ans. Elle m’a prĂ©cisĂ© qu’il n’était pas mort du coronavirus. Avant de mourir, celui-ci lui a dit de continuer son commerce :

 

« MĂŞme si c’est un euro, gagne-le avec ton travail Â». Je voyais bien qui Ă©tait son père, assez souvent lĂ , avec deux de ses frères et, quelques fois, une de ses jeunes sĹ“urs.

 

Trente ans qu’elle est là. Je me souviens que deux ou trois ans plus tôt, elle m’avait expliqué comme le froid lui rentrait dedans alors qu’elle travaillait sur le marché. Je lui avais conseillé de se procurer l’équivalent d’une polaire. Elle m’avait écouté avec attention. Mais je doute qu’elle n’ait fait le déplacement pour s’acheter le vêtement en question.

 

La dame qui faisait les Msemen et les pains aux dattes a arrĂŞtĂ©. C’était dĂ©jĂ  le cas avant la pandĂ©mie.  Je m’étais dĂ©placĂ© une ou deux fois en vain jusqu’au marchĂ©.

La pâtissière,  Ă˘gĂ©e de 66 ans, que je n’ai jamais vue, a des problèmes de santĂ© avec son bras. Notre «virtuose Â» des pains aux dattes et des Msemen, ai-je appris ce matin, les faisait bĂ©nĂ©volement, sans rien dire. Pour aider des pauvres. L’argent donnĂ© pour acheter ses pains aux dattes et ses Msemen permettait d’aider des pauvres.

 

Sur le marché, d’autres personnes font aussi des Msemen continue la commerçante, qui vend aussi du pain et des croissants, mais ce n’est pas fait de façon traditionnelle et c’est moins bon. J’acquiesce.

 

Avant de la quitter, elle me demande si ça va bien pour moi. Ma famille. Si j’ai une famille. Et, elle me souhaite le meilleur et de prendre soin de moi, Inch Allah. Je pars en la saluant.

 

Alors que, mes courses contre moi, je me rapproche de l’avenue Gabriel Péri, je laisse passer un homme derrière moi. Casquette type béret, baskets Nike, Jeans, manteau type redingote, l’homme élégant me remercie rapidement. Un sac de pain à la main, il revient vraisemblablement aussi du marché. C’est alors que je vois sa silhouette s’éloigner devant moi que je crois le reconnaître.

Quelques annĂ©es plus tĂ´t, cet homme tenait une boulangerie-pâtisserie, de l’autre cĂ´tĂ© de l’ avenue Gabriel PĂ©ri, quelques dizaines de mètres devant nous. Issu d’un milieu modeste peut-ĂŞtre de la ville d’Argenteuil oĂą il est sans doute nĂ© et a vĂ©cu bien plus longtemps que moi, il avait rĂ©ussi Ă  faire une Ă©cole dans la restauration plutĂ´t prestigieuse. Son portrait avait Ă©tĂ© fait dans le magazine local – gratuit- quelques mois après l’ouverture de son commerce.

Je faisais partie de « ses Â» clients. Ses produits Ă©taient bons voire très bons. Pourtant, chaque fois que j’avais essayĂ© de nouer une forme de contact un peu personnel avec lui, il avait toujours esquivĂ©, mĂ©fiant. Etrange pour un commerçant qui a plutĂ´t intĂ©rĂŞt Ă  fidĂ©liser sa clientèle. Chez le marchand de primeurs du centre ville oĂą j’ai mes habitudes, et oĂą il avait les siennes, je l’avais vu, une fois, s’empiffrer comme un crevard, de quelques bouchĂ©es d’un fruit. Hilare, il avait Ă©tĂ© content de son coup. Comme celui qui, gamin, avait beaucoup manquĂ©. Sauf qu’il Ă©tait alors un commerçant respectĂ© et plutĂ´t en bons termes avec le marchand de primeurs.

 

A Argenteuil, le bail commercial de la première annĂ©e est offert par la ville. A la fin de cette première annĂ©e, « notre Â» boulanger-pâtissier avait disparu. Un jour, on avait retrouvĂ© son commerce fermĂ©. Le marchand de primeurs m’avait appris que notre homme aurait Ă©tĂ© infidèle Ă  sa femme. Laquelle tenait rĂ©gulièrement la caisse.

Ce matin, alors que je marche derrière notre homme, je le vois qui regarde une première femme, de l’autre cĂ´tĂ© de la rue. Alors qu’il traverse le boulevard Gabriel PĂ©ri et s’arrĂŞte au milieu afin de laisser passer les voitures,  Ă  quelques mètres, sur sa droite, une femme lui fait face. Nouveau regard très concernĂ© de notre boulanger-pâtissier.

 

Il m’arrive aussi de regarder les femmes de façon aussi pavlovienne. Mais je repense Ă  l’historique de       « notre Â» homme.  A la façon dont il a coulĂ© sa propre entreprise -qui ne demandait qu’à marcher- pour s’enfuir.  Puis, pour rĂ©apparaĂ®tre plus tard dans la ville, incognito, comme s’il lui Ă©tait impossible de s’en dissocier. Tout ça, pour mater comme un affamĂ© ou un mendiant la moindre femme qu’il aperçoit. PrĂ©fĂ©rer les miettes Ă  un festin. PrĂ©fĂ©rer les oubliettes Ă  un destin…. Je me dis que cela est pour lui une addiction. On ne peut pas bien nourrir les autres avec sa boulangerie et sa pâtisserie si l’on pĂ©trit en soi -en permanence- un gouffre. 

 

Pourtant, il a une belle allure et marche bien plus vite que moi. A cause de mon masque et de mon souffle, j’ai de la buĂ©e sur mes lunettes. Je ne fais donc que l’apercevoir pour la dernière fois avant qu’il n’entre dans un immeuble qui borde le boulevard Gabriel PĂ©ri oĂą se trouvait son commerce.  Je ne peux pas affirmer que c’était vĂ©ritablement lui. Cependant, Dieu, lui,  n’a jamais de buĂ©e devant les yeux. Et, il le sauvera aussi.

Sur le marchĂ© d’Argenteuil, Bd HĂ©loĂŻse, ce vendredi 8 janvier 2021.

 

Franck Unimon, ce vendredi 8 janvier 2020.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Le changement

 

                                                         Le Changement

 

 Â« Ellen MacArthur, dans le VendĂ©e Globe, c’est 200 000 euros de facture tĂ©lĂ©phonique ». Dans cette phrase laconique (son livre Olivier de Kersauson- Le Monde comme il me parle ), Olivier de Kersauson, « mon Â» Bernard Lavilliers des ocĂ©ans, rĂ©sumait l’évolution matĂ©rielle des conditions de navigation lors du VendĂ©e Globe. Course maritime qui se tient encore en ce moment. Evolution confirmĂ©e par le navigateur Fabrice Amedeo qui, ce 11 dĂ©cembre dernier, a dĂ» abandonner la course après que son système informatique de bord ait lâchĂ© en pleine mer.

 

PeinĂ© d’avoir dĂ» abandonner, Fabrice Amedeo a nĂ©anmoins expliquĂ© que «  Tabarly doit sans doute se retourner dans sa tombe Â» au vu de la dĂ©pendance aux ordinateurs de plusieurs des participants du VendĂ©e Globe. Amedeo a ajoutĂ© qu’il aurait pu continuer « Ă  l’ancienne Â». Mais que sans l’assistance de ses ordinateurs de bord, son bateau serait devenu «  diabolique Â».

Je crois que son ami Yannick Bestaven, actuellement en tĂŞte, peut gagner le VendĂ©e Globe. Lorsque Charlie Dalin Â«Â menait » la course , j’avais Ă©tĂ© marquĂ© par la tranquillitĂ© de Bestaven, alors qu’il Ă©tait sur une mer agitĂ©e. Mais aussi par sa façon de rassurer- tel un bercement- quant au fait que le bateau se portait bien. Plus tard, j’avais appris qu’il avait dĂ» attendre 12 ans pour participer Ă  nouveau Ă  la course du VendĂ©e Globe. Je crois voir en Bestaven un certain croisement du nouveau et de l’ancien monde dans le domaine de la navigation plus que chez Charlie Dalin. Un peu comme s’il Ă©tait « entre » un Jean Le Cam et un Charlie Dalin.  

 

Dans mon article sur le livre ( il en a Ă©crit d’autres) de Kersauson, Le Monde comme il me parle, je n’avais pas citĂ© cette phrase Ă  propos d’Ellen MacArthur. Car, pour ironique ou vacharde que soit cette formulation selon moi assez « Kersausonienne Â», j’admire toutes ces personnes que je viens de citer. D’Ellen MacArthur Ă  Fabrice Amedeo. En incluant Kersauson Ă©videmment. Je n’oublie pas qu’avant de devenir une navigatrice reconnue, MacArthur avait Ă©tĂ© une jeune femme. Et, qu’Ă  16 ou 17 ans, seule sur son bateau ( Kersauson l’ignore peut-ĂŞtre ou l’a peut-ĂŞtre oubliĂ©)  elle avait tournĂ© le dos Ă  un certain conformisme. Conformisme dans lequel, pour ma part, j’Ă©tais devenu de plus en plus performant. Alors que j’affirmais m’en Ă©loigner. Ce qui est pire. 

 

Devant mon « indulgence », pour les navigateurs actuels « aidĂ©s » par la technologie, on pourra penser que je ne me mouille pas. Que je suis « mou Â» du genou. Ou que je manque d’aplomb pour parler proprement. De mon cĂ´tĂ©, système informatique ou pas, si je « donne Â» Ă  Kersauson et aux autres anciens une dimension a priori plus imposante qu’aux navigateurs actuels dans le VendĂ©e Globe, cette Ă©preuve reste nĂ©anmoins hors de portĂ©e de l’individu ordinaire et lunaire. Hors de ma portĂ©e en tout cas.

Car il s’agit toujours de rĂ©aliser un tour du Monde en solitaire sur un bateau avec tous les risques que les vagues, les vents, les courants, l’environnement et l’épuisement produisent et imposent. De jour comme de nuit. Avec pour seuls pouls et seuls rĂ©conforts, la peau, les os, les muscles et ce que l’on a dans la tĂŞte. C’est d’abord la femme et l’homme sur le bateau qui dĂ©cide de quitter le port. Et de poursuivre la mer.  Aucun système informatique ou tĂ©lĂ©phonique aussi ergonomique soit-il, Ă  moins d’ĂŞtre kidnappĂ©, distrait  ou endormi au moment du dĂ©part du bateau, ne prendra cette dĂ©cision.

On a sans doute pu s’émerveiller, bien tranquillement chez soi, du sauvetage de Kevin Escoffier par Jean Le Cam comme si le scĂ©nario avait Ă©tĂ© Ă©crit Ă  l’avance. Et penser ou croire que ce sauvetage avait Ă©tĂ© une formalitĂ©. Vu qu’il a Ă©tĂ© « rĂ©ussi Â» et que, depuis, Jean Le Cam, a repris sa route.  On est souvent très inspirĂ© pour banaliser rapidement ce qui a Ă©tĂ© rĂ©ussi. Et pour ensuite « passer Ă  autre chose Â».

 

Lorsque je le pourrai, je relirai et regarderai à nouveau le récit de ce sauvetage en mer.

 

On peut aussi envier ces participantes et ces participants devant le spectacle de cette libertĂ© dont ils nous envoient rĂ©gulièrement- grâce aux innovations technologiques- l’image et le son. LibertĂ© qui contraste encore plus que d’habitude avec nos vies du fait de nos moeurs doublement confinĂ©es pour raisons sanitaires.   

On peut aussi reprocher à ces aventuriers d’être plus ou moins les complices- ou les ouvriers- sponsorisés d’une certaine société spectacle qui fait de nous des êtres de plus en plus passifs, soumis, et rapidement adeptes du premier anxiolytique; du premier antalgique; ou du premier programme venu au moindre inconfort.

Mais je « plains Â» aussi ces marins- femmes et hommes- lorsque je pense Ă  leur retour au bercail. Lorsqu’elles et ils devront tenir sur terre en rĂ©duisant de nouveau leurs empreintes aux cendres et aux confettis d’une vie « ordinaire Â». Car il faut bien une certaine force surhumaine pour rester Ă  l’endroit et endurer une vie quotidienne qui nous entraĂ®ne rĂ©gulièrement, et assez facilement, Ă  partir de travers.  

En attendant, ces chemins qu’ont pris et prennent ces femmes et ces hommes sur leur bateau restent des horizons dĂ©goupillĂ©s. Aujourd’hui ou demain, on ne sait pas ce qui peut en sortir. Un accident,  un imprĂ©vu. Tout peut survenir. Le naufrage ou l’Ă©tat de grâce. Peu importe la beautĂ© des photos ou des vidĂ©os envoyĂ©es antĂ©rieurement. Peu importe la « noblesse Â», « l’intelligence Â», « l’expĂ©rience Â», « la vaillance Â» ou le « courage Â» de celle ou celui qui se retrouvera en Ă©tat de faiblesse convoquĂ© par ses dernières limites. Elle ou il remplacera alors le chaĂ®non manquant entre la parole et le silence.

C’est pour beaucoup la peur d’une disparition effrayante, et solitaire, qui nous fait accepter 365 jours sur 365, une certaine vie plus terre Ă  terre, routinière, sĂ©curisante. En grappillant, après en avoir demandĂ© l’autorisation, ça et lĂ , quelques « sorties Â» destinĂ©es Ă  nous permettre de nous « vider la tĂŞte Â». Pour ensuite recommencer Ă  la remplir avec diverses pollutions.

Système informatique performant ou non, la peur d’une mort imposée a peu changé. Hormis peut-être sa présentation.

Il y a quelques mois, Mi-Mars, lors du premier confinement dĂ» au Covid, Ă©tait considĂ©rĂ©e comme naĂŻve , ou le crâne portĂ© par la cocaĂŻne, toute personne pensant que le Monde allait changer. Aujourd’hui, neuf mois plus tard,  il est sans doute plus facile de s’apercevoir que le Monde a changĂ©. Et qu’il va continuer de changer du fait de la pandĂ©mie du Covid. Comme il avait dĂ©jĂ  changĂ© après d’autres Ă©vĂ©nements. Qu’il s’agisse d’attentats ou d’autres catastrophes marquantes ici et ailleurs. Mais le changement, mĂŞme s’il s’affirme, peut ĂŞtre moins perceptible que lorsqu’une navigatrice ou un navigateur, en pleine mer, cesse d’émettre pour disparaĂ®tre.

 

On s’habitue et on s’adapte aussi plus ou moins au changement. Pour l’instant, cela me fait tout drĂ´le, lorsque je vais consulter mon « ethno-mĂ©decin Â», spĂ©cialisĂ©e en mĂ©decine chinoise, de pouvoir payer par avance par virement. J’ai encore l’impression, si je le faisais, que mon argent partirait directement sur un compte occulte dans les Ă®les CaĂŻman. En la payant Ă  chaque fois en espèces, j’ai l’impression d’être un mafieux qui blanchit de l’argent ou d’être un homme qui la drague et qui veut lui en mettre plein la vue avec ses- petits- billets de banque.

Cela reste étonnant de recevoir ses prescriptions par mail.

Cela me fait encore un peu drĂ´le de prendre certains rendez-vous mĂ©dicaux sur le net sans passer par une personne «rĂ©elle Â» que j’ai d’abord au bout du fil.

Je suis encore déconcerté de n’avoir jamais rencontré la conseillère en gestion de patrimoine qui nous a pourtant permis de renégocier- l’an passé- le rachat de notre prêt immobilier. Je ne lui ai parlé qu’une fois directement au téléphone. Ensuite, tout s’est fait exclusivement par mails. Chaque fois que je l’appelle, je tombe systématiquement sur son répondeur. Elle me rappelle ensuite et me laisse un message. Mais elle me répond surtout par mails. Je vais finir par croire qu’elle m’évite ou qu’elle est un logiciel.

A cĂ´tĂ© de ces expĂ©riences de « vie Â» de plus en plus dĂ©matĂ©rialisĂ©es ou « augmentĂ©es Â», il reste encore possible de faire des rencontres en « direct Â». Mais, peut-ĂŞtre qu’un jour, il sera devenu normal de dire : 

«  Ma relation avec untel, c’est 25 millions de sms. Donc, c’est une relation qui a comptĂ©. Par contre, untel,  10 millions de sms, c’était juste une relation de boulot. Et, lui, 75 000 sms. Une relation de politesse ! Juste bonjour, au-revoir Â».

Pour terminer cet article, un petit jeu en laissant la parole Ă  quatre anciens. A vous d’attribuer le bon auteur aux affirmations suivantes :

 » Il ne faut jamais se laisser emmener par les Ă©lĂ©ments, il faut aller « avec », il faut tenter de les accompagner et de les comprendre ». 

 » S’il arrive que tu tombes, apprends vite Ă  chevaucher ta chute. Que ta chute devienne cheval, pour continuer le voyage ». 

 » Pour avoir l’idĂ©e d’un mouvement, il faut le faire mille fois. Pour le connaĂ®tre, il faut le rĂ©pĂ©ter dix mille fois. Et pour le possĂ©der, il faut l’accomplir cent mille fois ». 

 » La berceuse dĂ©mente des tempĂŞtes les balançait dans sa camisole de force« . 

 

( FrankĂ©tienne. Melville, extrait de son livre Moby Dick. Olivier de Kersauson. Un proverbe japonais ancien). 

 

Franck Unimon, Lundi 28 décembre 2020.

 

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L’Apparition

 

L’Apparition

 

 

J’étais très content de devoir aller dans une agence de l’opérateur Orange. Il fallait faire tester la livebox. Eventuellement en avoir une nouvelle qui marcherait mieux que celle que j’avais depuis des années.

 

Et me faire tester aussi, peut-être. J’étais parfois saisi de microcoupures. Alors, j’avais du mal à me connecter. Quand on me parlait, j’avais la parole vide. Cela devenait une idée fixe.

 

Au bout du fil, quelques jours plus tôt, Anissa, la technicienne que j’avais contactée, avait fait son possible. Elle avait fait des tests à distance. Pour conclure qu’il me fallait me rapprocher physiquement d’une agence de l’opérateur Orange. Celle de ma ville, et peut-être de ma vie, avait fermé deux ou trois ans plus tôt.

 

J’ai pris le train.

 

Cela m’a semblĂ© plus pratique d’aller Ă  l’agence d’OpĂ©ra. Près de l’OpĂ©ra Garnier. Internet et la tĂ©lĂ©phonie mobile cĂ´toyaient la musique classique.  Nous habitons dans ces paradoxes en permanence. Et cela nous semble normal.

 

 

Très vite, en arrivant à Paris, je me suis retrouvé dans les décors de Noël. Il y avait du monde dans les rues et devant les magasins. Les achats de Noël. C’était une seconde raison d’être content. Cette obligation de faire la fête sur commande. De faire des achats.

 

Impossible de changer de cerveau. Aussi, tout ce que je voulais, c’était que l’on me change ma livebox. Mais le manager m’a très vite contrarié. Il m’a expliqué qu’il me fallait un bon. La technicienne ne m’en avait pas fourni. Tout ce qu’il pouvait faire, c’était tester la livebox. Il m’a demandé de patienter. Cela pouvait prendre cinq ou dix minutes.

 

Nous Ă©tions dans un sous-sol sans fenĂŞtres et surchauffĂ©. Un Ă©clairage veillait Ă  simuler la lumière du jour mais elle Ă©chouait Ă  faire oublier notre enfermement. Enfermement auquel les  employĂ©s semblaient indiffĂ©rents. Quelques ordinateurs, quelques stands, l’esprit d’équipe et une fonction dĂ©finie pour quelques heures suffisaient pour oublier.

Moi, je n’oubliais pas. J’avais dû me déplacer.

 

Je suis reparti avec ma livebox. Elle marchait très bien. Le manager m’a remis le bordereau du test. Par geste commercial ou par diplomatie, il m’a remis une clĂ© 4 G wifi provisoire valable deux mois. Il m’en a expliquĂ© le fonctionnement très simple :

 

«  On allume lĂ  oĂą on Ă©teint Â».

 

La bonne nouvelle, c’est que j’avais peu attendu dans l’agence.

 

Dans une rue que je n’avais aucune raison de prendre dans ce sens vu qu’elle m’éloignait de la gare du retour, j’ai croisĂ© un homme.  Le magasin Le Printemps Ă©tait sur ma gauche de l’autre cĂ´tĂ© de la rue.

 

Plus petit que moi, l’homme avançait masquĂ© comme nous tous en cette pĂ©riode Covid. Il portait un catogan. Ce que j’ai perçu de son visage m’était familier. Le temps que son identitĂ© se forge dans mes pensĂ©es, il m’avait presque passĂ©. Je me suis retournĂ© et l’ai regardĂ© marcher. Ses jambes Ă©taient très arquĂ©es. Alors qu’il s’éloignait, j’ai imaginĂ© les moqueries, plus jeune, et une de ses phrases :

« J’ai eu une jeunesse un peu compliquĂ©e Â» qui laissait supposer qu’il avait dĂ» beaucoup se bagarrer, enfant.

 

Son sac sur le dos, un repas de l’enseigne Prêt à manger à la main, le voilà qui s’arrête à cinquante mètres. Il a enlevé son masque et commence à boire à la paille ce qui est peut-être une soupe. Je me rapproche.

 

Mon masque sur le visage, je le salue et lui demande :

 

« Vous ĂŞtes LĂ©o Tamaki ? Â». Mais avant mĂŞme qu’il ne me le confirme, je savais.

 

Je lui ai parlĂ© de son blog, de Jean-Pierre Vignau ( Arts Martiaux : un article inspirĂ© par Maitre Jean-Pierre Vignau). Il m’a Ă©coutĂ©. Je me demandais s’il Ă©tait encore dans son Ă©cole vu que j’avais cru comprendre qu’il Ă©tait souvent en voyage. Avec le sourire, il acquiesce concernant ses voyages frĂ©quents. Puis, me prĂ©cise qu’il est toujours prĂ©sent dans son Ă©cole qui se trouve «  Ă  quinze minutes Ă  pied d’ici Â». Qu’il espère rouvrir en janvier.

 

Sa question arrive vite : «  Vous avez dĂ©jĂ  pratiquĂ© ? Â». «  J’ai pratiquĂ© un peu de judo Â».

Lorsque je lui parle de mes horaires de travail de nuit, je retrouve le tranchant de sa pensée telle que je l’ai perçue dans une vidéo où il est face à Greg MMA. Mais aussi dans ses articles pour les magazines Yashima et Self& Dragon. C’est un homme qui réagit avant même que l’on ait eu le temps de saisir les conséquences de ce que l’on formule. On imagine facilement que c’est pareil en cas d’attaque.

 

L’échange est bref. Un moment, j’enlève mon masque afin qu’il voie mon visage lorsque je me prĂ©sente. Je me dis souvent que cela doit ĂŞtre insolite de se faire aborder par un inconnu masquĂ©. Mais cela ne semble pas le dĂ©sarmer plus que ça. C’est une question de contexte et de tranquillitĂ© d’esprit peut-ĂŞtre. Nous sommes en plein jour, dans une grande avenue frĂ©quentĂ©e. Et, je suis venu calmement. Il y a quelques annĂ©es, assis dans un recoin de la rue de Lappe, en soirĂ©e, j’avais aperçu l’acteur Jalil Lespert qui passait avec ses deux enfants.  C’est un acteur dont j’aime beaucoup le jeu. Dont la carrière est Ă©tonnamment discrète. Je l’avais saluĂ© Ă  distance. Mais, Ă  sa façon de faire avancer ses enfants, j’avais compris que je l’avais surpris et un peu effrayĂ©. Ça m’a Ă©tonnĂ© d’apprendre rĂ©cemment que Jalil Lespert, le discret, vit dĂ©sormais une idylle avec Laeticia Halliday, la « veuve Â» de Johnny. Celle qui pleurait son « homme Â» il y a encore deux ans. Mais on a le droit de vivre.

 

LĂ©o Tamaki, c’est un autre monde que Johnny, Laeticia, Jalil Lespert et le cinĂ©ma. C’est le monde de l’AĂŻkido et des Arts martiaux. Les deux mondes peuvent se concilier : show « bises Â» et Arts Martiaux. Mais pour cela, dans le dĂ©sordre, il  faut avoir quelque chose de particulier qui rĂ©pond Ă  une nĂ©cessitĂ© voire des affinitĂ©s et, avant cela, des lieux de frĂ©quentation communs.

 

Franck Unimon, ce vendredi 18 décembre 2020.