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Corona Circus self-défense/ Arts Martiaux

Un déménagement de 22 ans

 

Un dĂ©mĂ©nagement de 22 ans :

En 1999, il y a 22 ans, j’aidais Vassili, un ancien collĂšgue, Ă  emmĂ©nager dans son nouvel appartement Ă  AsniĂšres.  Nous devions ĂȘtre quatre ou cinq.

 

Nous nous Ă©tions finalement retrouvĂ©s tous les deux, lui et moi, Ă  transporter ses meubles depuis son appartement d’Auvers sur Oise jusqu’à son nouvel appartement Ă  AsniĂšres sur Seine. PrĂšs de la gare de BĂ©con les BruyĂšres. Un appartement de 60 mĂštres carrĂ©s ou un peu plus dans un immeuble ancien des annĂ©es 30.

 

A cette Ă©poque, j’étais encore locataire. Et je n’avais encore jamais Ă©tĂ© « propriĂ©taire Â» moi-mĂȘme de mon propre appartement
moyennant un crĂ©dit immobilier de plusieurs annĂ©es. Il m’avait fallu du temps pour accepter de changer de mentalitĂ© :

 

Pour passer de locataire oĂč je payais un loyer mensuel. A l’idĂ©e d’un crĂ©dit immobilier que j’allais m’engager  Ă  rembourser tous les mois pendant plus de quinze ans. Car j’avais bĂ©nĂ©ficiĂ©, pour partie, d’un prĂȘt Ă  taux zĂ©ro. Ce qui Ă©tait une nouveautĂ© Ă  l’époque, pour inciter Ă  acheter.

 

 

Je connaissais des collĂšgues, souvent en couple avec enfants, qui avaient « achetĂ© Â» leur maison depuis plusieurs annĂ©es. Leur exemple et les encouragements de certains d’entre eux avaient fini par me convaincre que c’était une bonne dĂ©cision, pour moi, Ă  mon tour, bien qu’encore cĂ©libataire, « d’acheter Â» et de devenir propriĂ©taire, mĂȘme d’une petite surface.

 

En 1999, j’aurais Ă©tĂ© incapable d’acheter cet appartement que  venait d’acquĂ©rir Vassili. Plus ĂągĂ© que moi d’environ dix annĂ©es, Vassili avait aussi Ă©conomisĂ©. Vassili n’est pas du genre « coquet Â». Il fait peu de dĂ©penses. Moins que moi. Je crois aussi qu’il avait perçu un peu d’hĂ©ritage. Son appartement me faisait envie pour sa surface, sa localisation et sa proximitĂ© avec Paris. Mais je crois n’avoir jamais eu les moyens de m’en acheter un pareil. A l’époque, je crois qu’il l’avait achetĂ© – moyennant un apport financier et un crĂ©dit immobilier-  550 000 francs. A l’époque, ma capacitĂ© d’emprunt maximale Ă©tait de 430 000 francs sur vingt ans. Je m’en Ă©tais tenu Ă  un prĂȘt de 350 000 francs pour l’appartement que j’allais acheter ensuite sur plan. Un 23 mĂštres carrĂ©s.  

 

J’aurais sĂ»rement « dĂ» Â» prendre une surface plus petite que son appartement en cherchant dans l’ancien comme lui. Mais, Ă  l’époque, j’avais besoin d’acheter dans du neuf. Cela me rassurait. J’avais sĂ»rement besoin, aussi, de rester prĂšs de ma famille Ă  Cergy-Pontoise :

 

De ma mĂšre, de ma sƓur et de mon frĂšre au moins. Ma sƓur avait alors 22 ans et commençait Ă  peine Ă  travailler pour gagner sa vie. Notre frĂšre, lycĂ©en, avait 17 ans. BientĂŽt, Ă  la demande de notre mĂšre, j’allais finalement accepter de renoncer Ă  ma vie de cĂ©libataire et de locataire. Afin de permettre Ă  ma sƓur et Ă  mon frĂšre de vivre avec moi dans un F3 que nous allions louer et obtenir de la mairie de Cergy-StChristophe en moins de trois mois. Ce qui serait impossible aujourd’hui en 2021 oĂč toute demande de location prend facilement deux Ă  trois ans voire plus, je crois, avant d’obtenir une rĂ©ponse ou d’ĂȘtre satisfaite.

 

 

Enfin. En 1999, Vassili et moi en avions chiĂ© pour son dĂ©mĂ©nagement. Sortir ses meubles de son appartement d’Auvers sur Oise avait Ă©tĂ© simple :

 

C’était au rez de chaussĂ©e.

 

Les monter dans son nouvel appartement avait Ă©tĂ© plus Ă©puisant :

 

C’était au quatriĂšme Ă©tage sans ascenseur.

 

Vers la fin,  alors que nous avions montĂ© une bonne partie des meubles, cela en devenait comique, Vassili dĂ©crĂ©tait que tout nouveau meuble qui restait allait finir sa marche :

 

«  A la cave ! Â».

 

 

J’étais sous le coup d’une rupture amoureuse. Cette rupture amoureuse m’avait donnĂ© suffisamment de motivation pour ces travaux de « force Â». Mais, malgrĂ© elle, Ă  la fin, j’avais approuvĂ© ces dĂ©cisions de fourguer ce qui restait des meubles
à la cave !

 

AprĂšs que nous ayons eus terminĂ©s, Vassili m’avait dit :

 

« Je te remercie infiniment Â». Il avait aussi parlĂ© d’une « reconnaissance Ă©ternelle Â». Ces propos m’avaient un peu Ă©tonnĂ©.

 

Mais il est vrai que, mĂȘme si par la suite, lui et moi nous sommes modĂ©rĂ©ment revus ou appelĂ©s, notre relation est restĂ©e. Et, chaque fois que je l’ai sollicitĂ© par la suite pour un de mes dĂ©mĂ©nagements, il a toujours Ă©tĂ© prĂ©sent.

 

Depuis 1999, notre monde et nos vies ont plus que changé.

 

Prince et MichaĂ«l Jackson sont morts. Le Rap et internet ont essaimĂ©.  Les rĂ©seaux sociaux, les sites de rencontres type Tinder, Tok Tok ( Tik Tok ? ), Twitter, Snapchat, Instagram et autres aussi.

 

Le Ghosting s’est normalisĂ© au mĂȘme titre que la marchandisation des rapports humains.

 

On parle des mouvements Me#too et de Balance ton porc.

 

La numĂ©ro 2 de Facebook, une AmĂ©ricaine, Sheryl Sandberg,  proclame :

 

« Le monde irait mieux avec les femmes aux commandes Â». Mais aussi :

« Les pays gouvernĂ©s par des femmes ont eu les taux de mortalitĂ© dus au coronavirus les plus bas Â» (page 11 du journal « gratuit Â» Vingt minutes du lundi 22 mars 2021). « (
.) Lorsque les hommes rĂ©ussissent, les gens attribuent cela Ă  leurs compĂ©tences. Lorsqu’une femme rĂ©ussit, on attribue cela Ă  la chance et au travail (
.) Â».

 

 

Toute personne qui a du succÚs ou une certaine réussite sociale, femme ou homme, blanche ou noire, le doit souvent, à mon avis, en plus de ses compétences, à la chance et au travail.

 

Chance d’ĂȘtre « arrivĂ© Â» au bon moment, au bon endroit. « Chance Â» d’avoir rencontrĂ© les bonnes personnes au bon moment. A la place, d’autres, tout autant « compĂ©tentes Â» et « travailleuses Â» ont plutĂŽt la malchance de rencontrer leur « fossoyeur Â», leur futur proxĂ©nĂšte, leur exploiteur ou la mauvaise substance qui va les liquider.

 

Mais peu importe que ce que raconte Sheryl Sandberg puisse manquer de nuance ou occulter les travers de la firme puissante (Facebook) qu’elle reprĂ©sente. Comme toute personne qui a rĂ©ussi (femme ou homme, de couleur blanche ou autre) ses paroles, du fait, de son « succĂšs Â» auront toujours plus d’éclat et plus de lĂ©gitimitĂ© que ceux de la personne lambda.

 

MĂȘme si Sheryl Sandberg – comme toute personne publique ayant rĂ©ussi- raconte n’importe quoi. Cela me rappelle ces propos d’un joueur de Foot qui, aprĂšs avoir rencontrĂ© Lilian Thuram, avait dit un jour Ă  son propos :

 

« C’est un Monsieur ! Â». 

 

LĂ  encore, peu importe d’ĂȘtre d’accord avec les positions de Lilian Thuram Ă  propos du racisme, ou d’autre sujets. Puisque son trĂšs bon palmarĂšs- rĂ©cent et encore dans les mĂ©moires– de Footballeur professionnel lui attribuait une aura immĂ©diate. Sauf que si  Lilian Thuram avait eu les mĂȘmes idĂ©es en n’ayant qu’un CV de Footballeur de quatorziĂšme division, le mĂȘme footballeur professionnel, en le rencontrant, l’aurait sans doute Ă  peine considĂ©rĂ©.

 

 

Nous sommes nombreux Ă  avoir ce genre d’attitude. Nous sommes souvent Ă©bahis devant telle personne parce qu’elle a accompli ce que nous aimerions accomplir ou que peu ont accompli. Ce faisant, nous oublions qu’à notre niveau, nous rĂ©alisons l’impossible bien plus souvent que nous ne le croyons. Sauf que ce n’est pas mĂ©diatisĂ©. Et que nous avons le tort, aussi, de l’oublier ou d’estimer que cela a bien moins de valeur que les actions de toutes ces « grandes personnes Â» surmĂ©diatisĂ©es – souvent trĂšs bien entourĂ©es– que nous regardons. Parce-que, contrairement Ă  elles, nous ne sommes pas le numĂ©ro un ou le numĂ©ro deux d’une Ă©mission de tĂ©lĂ©, d’une grande entreprise, d’un mĂ©dia rĂ©putĂ© ou d’une Ă©quipe de Foot prestigieuse.

 

 

 

Lorsque hier matin, je me suis prĂ©parĂ© pour aller donner un coup de main Ă  Vassili pour ce dĂ©mĂ©nagement, j’ai eu un moment de doute. Je me suis demandĂ© pourquoi, Ă  nouveau, j’allais me retrouver dans une situation oĂč nous allions ĂȘtre si peu pour ce dĂ©mĂ©nagement : MĂȘme la chaine TF1 serait absente.

En plus, la veille, j’avais commencĂ© Ă  avoir mal au genou au point de me demander si j’allais pouvoir ĂȘtre en capacitĂ© d’y participer. J’aime participer Ă  des dĂ©mĂ©nagements. Mais vingt deux ans Ă©taient passĂ©s.

 

Pendant le dĂ©mĂ©nagement, j’ai aussi connu quelques moments de flottement devant l’organisation un peu « empirique Â» de mon ami Vassili. Lorsqu’arrivĂ©s devant la porte du garage donnant accĂšs au double box oĂč nous allions entreposer ses meubles, lui-mĂȘme ignorait si le camion allait « passer Â». Il a aussi exposĂ© quelques limites lorsqu’il s’agissait de piloter le dit-camion. 

 

Le camion ne pouvait pas passer. Et entrer dans le garage. Heureusement que nous avons pris le temps de vérifier tous ensemble au préalable.

 

J’ai un peu entrevu le moment oĂč ce dĂ©mĂ©nagement supposĂ© ĂȘtre « light Â» pouvait se transformer en Ă©popĂ©e ou en sinistre. Ou en supplice de longue durĂ©e.

 

Finalement, cela s’est bien passĂ©. Il a fallu un peu guider notre ami de temps Ă  autre pour bien diriger le camion. Ainsi que dans les escaliers de l’immeuble en descendant un ou deux meubles volumineux assez lourds. Ou lui rappeler, en pleine pandĂ©mie du Covid, la nĂ©cessitĂ© de porter un masque voire lui en donner un alors que nous nous retrouvions Ă  trois, cĂŽte Ă  cĂŽte, dans le mĂȘme camion.

 

Cependant, vingt deux ans plus tard,  Ă  nouveau, tout s’est bien dĂ©roulĂ©.

 

Ce dĂ©mĂ©nagement m’a permis de rencontrer une personne qui s’avĂšre ĂȘtre scĂ©nariste de documentaires, ĂȘtre allĂ© plusieurs fois en Afrique et dont la compagne est monteuse. Soit une personne que je suis en principe appelĂ© Ă  revoir.

 

 

Et, Ă  la fin, notre ami Vassili, nous a  pleinement exprimĂ© sa reconnaissance. Alors que nous n’attendions rien de particulier de lui Ă  ce moment-lĂ , je crois, l’autre ami et moi.

 

Il m’a semblĂ© que tous les vaccins contre le Covid, et tout ce fatras de certitudes que nous pouvons avoir sur bien des sujets ne valaient alors pas grand chose en comparaison avec ces remerciements de Vassili, cet engagement commun de nos corps pour rĂ©aliser ce dĂ©mĂ©nagement, et la concrĂ©tisation ou la confirmation de cette amitiĂ©. 

 

Sans doute parce-que je suis vieux jeu, has been mais aussi un loser. Car ce n’est certainement pas en m’y prenant comme ça que je passerai Ă  la tĂ©lĂ© ou deviendrai numĂ©ro deux d’un grand mĂ©dia ou d’une grande entreprise.

 

 

Franck Unimon, ce mardi 23 mars 2021.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Corona Circus Vélo Taffe

Vélo Taffe : une histoire de goudron

Place de la Concorde, Paris, Février 2021.

 

                                            VĂ©lo Taffe : une histoire de goudron

A chaque coup de pĂ©dale, je prends le pouls du macadam. Je m’écarte de l’écrou des tumeurs que sont les correspondances du mĂ©tro.  Des cycles de « Veuillez nous excuser pour la gĂȘne occasionnĂ©e Â». (cf.  Une ligne 14 Ă  bloc ! )

 

Pour fuir cette mauvaise fumĂ©e et ces rimes qui puent des pieds, cela fait un peu plus d’un mois maintenant que je me rends Ă  vĂ©lo au travail.

 

 

 Quelques uns de mes critĂšres pour le choix d’un vĂ©lo :

 

Depuis des annĂ©es – bien avant la pandĂ©mie du Covid et premier confinement de l’annĂ©e derniĂšre qui a stimulĂ© l’usage du vĂ©lo – je lorgnais sur le vĂ©lo pliant.

 

Je possĂšde le mĂȘme VTT plutĂŽt lĂ©ger depuis plus de vingt ans. Je suis dĂ©jĂ  allĂ© au travail avec lui depuis chez moi. Mais son inconvĂ©nient est que je dois le laisser dans un local fermĂ© Ă  dix minutes Ă  pied de chez moi. Par manque de place Ă  la maison.

MĂȘme s’il a vieilli et qu’il ne s’agit ni d’un vĂ©lo de luxe ou de compĂ©tition, je refuse de l’attacher dehors et de prendre le risque de me le faire voler.

 

L’avantage du vĂ©lo pliant est de pouvoir se ranger facilement chez soi. Mais aussi de pouvoir ĂȘtre amenĂ© Ă  peu prĂšs partout avec autant d’aisance. En plus, en se renseignant un peu, on apprend qu’un vĂ©lo pliant peut ĂȘtre aussi rapide qu’un « vrai Â» vĂ©lo :

 

Un vélo de plus grande taille, avec braquets et plusieurs vitesses.

 

A condition de bien choisir son vĂ©lo pliant. Bien-sĂ»r, il existe des premiers prix Ă  150 ou 200 euros mais j’ai facilement acceptĂ© le conseil d’éviter ces premiers prix. Il y a ce que j’appelle les « fausses Ă©conomies» :

 

On prend un article le moins cher possible en pensant que cela ne vaut pas le coĂ»t. Et, finalement, en pratique, on le paie plus cher Ă  mesure des ennuis  mĂ©caniques ou autres. Sauf que, lĂ , personne ne vous dira  « Veuillez nous excuser pour la gĂȘne occasionnĂ©e Â» pendant que vous regarderez passer les autres cyclistes bien heureux de continuer de rouler tout en vous ignorant ou, au mieux, en vous offrant un air dĂ©solĂ©.

 

 

Il y a donc un minimum Ă  mettre dans un vĂ©lo, pliant ou non, afin de se garantir une bonne durĂ©e de vie. Il y a plus de vingt ans, j’avais dĂ©cidĂ© de mettre 3000 francs dans mon VTT. Je m’étais renseignĂ© auparavant sur la qualitĂ© des piĂšces de la marque Shimano qui constituaient le vĂ©lo. C’était une somme assez importante mĂȘme pour l’époque. Mais je pouvais alors me le permettre. Et, aujourd’hui, plus de vingt ans plus tard, je peux tĂ©moigner du fait que je n’ai pas eu de mauvaise surprise ou de regret concernant cet effort financier.

 

Je me suis surtout servi de mon VTT pour des parcours que l’on rĂ©serve aux VTC  ou aux vĂ©los de course. Je suis un vĂ©tĂ©tiste du dimanche. Mais je voulais un vĂ©lo solide qui puisse aller partout si j’en avais le besoin. Et puis, je considĂšre le vĂ©lo comme l’une des meilleures inventions mĂ©caniques de l’ĂȘtre humain. Aussi, je crois qu’il faut savoir mettre le prix lorsque l’on s’achĂšte un vĂ©lo.

 

Il y a encore des gens qui gardent leur vĂ©lo toute leur vie et qui le transmettent Ă  leurs enfants. Pour moi, ce genre de bien a une valeur particuliĂšre en plus d’avoir un usage pratique Ă©vident. Je m’en rends bien compte lorsque je croise de temps en temps, celles et ceux qui partent fourailler dans les poubelles rĂ©cupĂ©rant ce dont d’autres se dĂ©barrassent. Ces « fourailleurs Â» sont souvent Ă  vĂ©lo. Car c’est plus pratique pour se dĂ©placer sur des kilomĂštres et pour transporter des objets en faisant le moins d’efforts possibles.

 

 

 

La marque Brompton :

 

 

 La marque Brompton est actuellement, et depuis des annĂ©es, la Rolls du vĂ©lo pliant. La premiĂšre fois que j’avais croisĂ© un Brompton, c’était au quartier de la DĂ©fense, au centre commercial Les Quatre Temps il  y a plusieurs annĂ©es. C’était dans un magasin de bricolage. Le vĂ©lo se trouvait avec son propriĂ©taire. Celui-ci m’avait rĂ©pondu en ĂȘtre content.

 

Le vĂ©lo m’était apparu beau. Il m’avait donnĂ© envie. Mais, Ă  l’époque, je n’avais pas de besoin particulier de vĂ©lo pliant. Je n’ai aucune idĂ©e ou aucun souvenir de son prix. Par contre, aujourd’hui, le prix d’un Brompton est exorbitant. Je veux bien mettre de l’argent dans un vĂ©lo mais, psychologiquement, et financiĂšrement, j’ai des limites.

Le premier prix pour un Brompton dĂ©passe les 1200 euros. Ensuite, il y a tout un tas d’autres critĂšres Ă  prendre en compte :

 

Le nombre de vitesses, le poids etc
.

 

Il m’a Ă©tĂ© conseillĂ© de prendre un vĂ©lo pliant qui dispose au moins de six vitesses. Quant Ă  la taille des roues, je crois que l’on m’avait recommandĂ© un diamĂštre de 26 pouces.

Mais lorsque l’on se trouve sur un site qui vous prĂ©sente les vĂ©los Brompton, vous avez un certain nombre de modĂšles sauf que le prix, lui, reste de plus en plus agressif pour votre compte en banque.

 

J’achĂšterai peut-ĂȘtre un Brompton, un jour, pour me faire plaisir d’autant que pour en avoir croisĂ© quelques uns sur la route, les Brompton me semblent pourvus de spĂ©cificitĂ©s qui les rendent particuliĂšrement aĂ©rodynamiques et performants. Sans forcer. Mais, pour l’instant, c’est trop cher pour moi.

 

La marque Tern :

Moins connue que Brompton, assez confidentielle, cette marque semble offrir des gages de fiabilitĂ© mais aussi d’accessibilitĂ© financiĂšre plus facile par rapport Ă  la marque Brompton. Mais son premier prix se situe aux alentours de 800 euros si j’ai bien retenu. A nouveau, je veux bien mettre de l’argent dans cette technique de pointe qu’est le vĂ©lo pliant, mais j’ai pour l’instant du mal Ă  allonger 800 euros dans un vĂ©lo pliant qui, pour moi, reste un vĂ©lo miniature. MĂȘme si j’ai pu apprendre qu’un « vĂ©lo pliant peut ĂȘtre aussi rapide qu’un vĂ©lo normal
. Â».

 

Pour choisir son vĂ©lo, on peut aussi le faire selon des canons esthĂ©tiques. Pour ma part, je trouve qu’esthĂ©tiquement, il y a aussi des beaux vĂ©los dans la marque Tern. Pour faire un jeu de mot trĂšs facile: les vĂ©los Tern sont loin d’ĂȘtre ternes.

 

Mais le premier prix est à 800 euros ensuite ça grimpe assez haut, aussi.

 

La Marque Moma :

Je n’ai rien lu de particulier sur cette marque. Mais d’aprĂšs ses prix, je trouve cette marque sur la ligne des prix pratiquĂ©s par la chaine DĂ©cathlon. Je parle de cette marque parce-que j’en ai croisĂ© quelques uns et que leurs propriĂ©taires en semblaient satisfaits. Le vĂ©lo Ă©tait assez passe-partout et jouait son rĂŽle de vĂ©lo pliant.

 

 

Mon attirail :

 

J’ai optĂ© pour ce qui est actuellement le vĂ©lo pliant le plus haut de gamme chez DĂ©cathlon : Le B’Twin Tilt 900 qui coĂ»te 499 euros et un petit peu plus si l’on prend la formule crĂ©dit pour l’acheter. En trois ou quatre fois. Ce que j’ai fait.

 

Pourquoi ce modĂšle ?

 

Tout d’abord, j’avais et ai un a priori dĂ©favorable sur la marque B’Twin de DĂ©cathlon. MĂȘme si je veux bien croire que la chaine DĂ©cathlon fasse des recherches pour amĂ©liorer ses produits et les amener au prix le plus accessible en fonction des possibilitĂ©s de sa clientĂšle, pour moi, DĂ©cathlon  reste connotĂ© comme une sorte de TATI  des articles de sport. MĂȘme si j’ai pu acheter bien des articles de sport Ă  DĂ©cathlon et en ai Ă©tĂ© plutĂŽt satisfait.

 

Mais il y a un dĂ©ficit d’image ou d’éducation  de ma part envers la marque DĂ©cathlon:

 

Pour moi, un vĂ©lo DĂ©cathlon est de qualitĂ© moyenne. Peut-ĂȘtre parce-que DĂ©cathlon reste une chaine de grande surface et, qu’en tant que telle, je crois qu’elle ne peut offrir qu’un conseil bas de gamme puisqu’elle privilĂ©gie les gros volumes lorsqu’elle vend des produits. Et vu qu’ils sont Ă  un prix courant ou « facile Â», ce n’est pas grave, si, Ă  un moment ou Ă  un autre, l’article que l’on a achetĂ© « chez Â» DĂ©cathlon nous lĂąche. Il suffit d’aller en racheter un autre Ă  un prix tout autant abordable que le premier.

 

Par ailleurs, des avis que j’ai pu lire sur le B’Twin Tilt 900 sur le net Ă©taient trĂšs critiques. MĂȘme si, ensuite, des avis relativisaient expliquant que, depuis, DĂ©cathlon avait rectifiĂ© ce qui n’allait pas. Mais sans communiquer Ă  ce sujet.

 

 

C’est aprĂšs avoir vu le film  Maudit !- un film d’Emmanuel Parraud d’Emmanuel Parraud en projection de presse que je me suis dĂ©cidĂ© Ă  aller commander mon vĂ©lo pliant. C’était pendant les vacances scolaires du mois de fĂ©vrier.

 

Dix jours plus tard, je recevais un mail ou un sms m’informant de son arrivĂ©e dans le magasin oĂč je l’avais commandĂ©.

 

J’ai optĂ© pour le B’Twin Tilt 900 car 500 euros Ă©tait le maximum que je pouvais accepter de mettre, psychologiquement, dans l’acquisition d’un vĂ©lo pliant. Et je me suis dit qu’en prenant le haut de gamme actuel de DĂ©cathlon, je pourrais me faire une idĂ©e assez juste de ce que peut offrir un vĂ©lo pliant Ă  peu prĂšs convenable.

 

 

Qu’a mon vĂ©lo pliant de convenable ?

 

 

Son poids, par exemple : 12, 2 kgs. Certains vĂ©los pliants font 14 kgs. D’autres peuvent ne faire que 8 kgs mais ils sont nettement plus chers que le mien. J’ai oubliĂ© le poids de mon VTT. Mais 12,2 kgs, c’est assez facile Ă  soulever. 

 

Son nombre de vitesses : Il en a neuf. Certains vĂ©los pliants n’ont pas de vitesse ou en ont six. D’autres en ont peut-ĂȘtre plus.

 

Concernant la façon de le plier, j’ai compris que la façon de plier son vĂ©lo varie selon la marque. Vu qu’il s’agit de mon premier vĂ©lo pliant, je n’ai aucun Ă©lĂ©ment de comparaison. Mais je peux nĂ©anmoins dire que s’il est affirmĂ© qu’il suffit de quinze secondes pour le plier et le dĂ©plier, que je continue plutĂŽt de mettre une bonne minute pour le faire. Je ne suis peut-ĂȘtre pas trĂšs douĂ© alors que le personnel de DĂ©cathlon, lui, subit peut-ĂȘtre des entraĂźnements intensifs de pliage et de dĂ©pliage de vĂ©lo. Mais ça n’est pas grave. Car mĂȘme en prenant une minute ou deux pour le plier ou le dĂ©plier, c’est assez simple. Ensuite, c’est agrĂ©able de pouvoir s’en aller sur son vĂ©lo et de voir comme on se dĂ©place aisĂ©ment plus rapidement que les piĂ©tons.

De toute façon, mĂȘme dĂ©pliĂ©, le vĂ©lo prend en effet une place raisonnable dans le train. En effet, si je me passe du mĂ©tro dans Paris pour aller au travail et en repartir, je continue de prendre le train pour aller jusqu’à Paris et en repartir.

Gare d’Argenteuil, fĂ©vrier 2021.

 

 

La maniabilité de mon vélo me paraßt bonne.

 

 

Question vitesse, je peux confirmer qu’il m’est arrivĂ©, Ă  mes dĂ©buts, de surprendre quelques cyclistes, sur leur vĂ©lo « montĂ© Â» en les rattrapant sans trop forcer puis en les dĂ©passant y compris dans une montĂ©e. En remontant le boulevard St Michel par exemple vers le jardin du Luxembourg. Ce fut assez amusant de facilitĂ©.

 

 

Ses limites :

A la fin de ma premiĂšre journĂ©e de vĂ©lo pliant, j’ai quittĂ© le travail tout content. Et puis, sur les pavĂ©s de la place de la Concorde, alors que j’étais Ă  quelques minutes de « l’arrivĂ©e Â» ( la gare St Lazare, pour moi), ma roue avant a dĂ©chaussĂ© sans que je ne comprenne pourquoi.

 

Quelques secondes plus tard, j’étais en train d’essayer de me rattraper sur mes deux pieds alors que je me dirigeais dans un sprint survoltĂ© vers le haut trottoir qui borde les pavĂ©s. PrĂȘt Ă  tenter les qualifs pour le championnat de France des dix mĂštres.  J’ai rĂ©ussi Ă  Ă©viter de heurter la « haie » du trottoir. Mais, malgrĂ© toute ma volontĂ© pour m’arrĂȘter, mon avant-bras gauche a butĂ© contre un feu de signalisation. L’arriĂšre gauche de mon casque, dans un Ă©lan de solidaritĂ©, a suivi. Je me suis aussi fait mal au majeur de ma main droite. Depuis, Ă  cette main-lĂ , j’ai encore le doigt d’honneur un peu douloureux. Mais ça va de  mieux en mieux mĂȘme si je m’en sers peu. 

 

Je ne roulais pas particuliĂšrement vite lors de ma chute. Le sol Ă©tait plutĂŽt sec. Il faisait plutĂŽt jour. Je n’avais de problĂšme de visibilitĂ© particulier. Je n’étais pas fatiguĂ© plus que de raison ou distrait.

 

TrĂšs vite, deux cyclistes se sont arrĂȘtĂ©s Ă  ma hauteur sur le haut trottoir. Ils allaient dans le sens inverse. Ils m’ont demandĂ© si ça allait bien. Mais, oui ! MĂȘme si je ne voyais pas ce qui avait bien pu se passer.

 

Le cycliste le plus proche m’a dit :

« Ă§a a Ă©tĂ© impressionnant Ă  voir ! Â». Je les ai remerciĂ©s. Puis, ils sont partis.

 

Je n’ai pas eu le temps d’avoir peur. J’ai plutĂŽt Ă©tĂ© en colĂšre. Une chute aussi idiote dĂšs le premier jour. Alors que tout allait bien.

 

 

Par prĂ©caution, avant de prendre le train, je suis allĂ© voir les pompiers de la gare St Lazare afin qu’ils m’examinent. J’ai ainsi appris qu’était  est frĂ©quent que des personnes glissent sur les pavĂ©s de la place de la Concorde. Depuis, mĂȘme si j’ai vu et continue de voir des cyclistes prendre ce passage avec leur vĂ©lo pliant, je l’évite en passant sur le trottoir. A ce jour, je n’ai pas fait d’autre chute. Et, Boulevard Raspail, Ă  quelques mĂštres derriĂšre moi, rĂ©cemment, un jour de pluie, c’est un conducteur de Vespa qui a chutĂ©. Sans gravitĂ©. J’avais entendu parler du fait que les Vespa ont une trĂšs mauvaise stabilitĂ©. Pourtant, les pneus de la Vespa sont plus larges que ceux de mon vĂ©lo pliant qui sont d’ailleurs supposĂ©s bĂ©nĂ©ficier d’une bonne adhĂ©rence.

 

J’ai oubliĂ© de dire qu’aprĂšs ma chute, je me suis rachetĂ© un nouveau casque de vĂ©lo. Alors, je vois assez rĂ©guliĂšrement des personnes porter le trĂšs beau casque de la marque Kask. Je me demande souvent comment elles font. Ce casque coĂ»te plus de 150 euros. Je trouve ça trĂšs cher. MĂȘme si je tiens Ă  ma vie et Ă  ma tĂȘte. Le nouveau casque, de la marque Abus, que j’ai achetĂ© (chez DĂ©cathlon) m’a coĂ»tĂ© 50 euros.

 

L’autre limite que je vois concernant mon vĂ©lo, c’est sa « sujĂ©tion Â» au vent. Lorsque je pĂ©dale et que je reçois un vent de travers, j’ai un peu l’impression d’ĂȘtre sur la mer, emportĂ© par le courant. Mais ce n’est peut-ĂȘtre qu’une impression.

 

 

Les piĂšges du vĂ©lo d’une maniĂšre gĂ©nĂ©rale :

LibĂ©rĂ© du carcan des correspondances de mĂ©tro comme de l’attente de son moyen de transport pour se rendre d’un point A Ă  un point B, la tentation est grande de vouloir dĂ©cider de fractionner l’espace-temps. Et de foncer. Peu importe la signalisation- ou les autres- et peu importe quelques mesures de prĂ©caution.

 

Je peux ainsi tĂ©moigner du fait que Batman fait du vĂ©lo. Il a la trentaine, pĂ©dale sans casque, sur un vĂ©lo de course de taille normale, mesure environ 1m65 pour une cinquantaine de kilos. Et sprinte, avec son manteau de Columbo grand ouvert, au point de laisser sur place le  cycliste sportswear qui porte un sac de la marque WANDRD PRVKE  , qui, au feu rouge, ne peut que le voir disparaĂźtre, une fois son excĂšs de vitesse accompli.

 

Mais ne me faites pas dire que Batman est seulement un homme. Avec ou sans Brompton – qui semble optimiser les effets de la poussĂ©e rectale de celles ou ceux qui avancent sur ce genre de vĂ©lo- Batman peut aussi ĂȘtre une femme.

 

Des livreurs de Mc Do, aprĂšs l’heure du couvre-feu durant la pandĂ©mie du Covid, prĂšs du PanthĂ©on, fĂ©vrier ou mars 2021.

 

Batman  peut aussi ĂȘtre un livreur (je vois beaucoup moins de livreuses de repas). Un livreur qui, prĂšs du carrefour de l’OdĂ©on, s’engueule avec un chauffeur de bus alors que celui-ci a la prioritĂ© ( Ă  droite) lorsqu’il dĂ©bouche assez subitement. Le livreur voit alors le chauffeur de bus comme celui qui l’empĂȘche de faire son travail et de gagner sa vie ! Tout ça, pour s’arrĂȘter Ă  peine cinquante mĂštres plus loin oĂč se trouve sa « base Â» en quelque sorte.

 

 

La vitesse est l’un des ennemis des cyclistes. Prendre son vĂ©lo pour aller plus vite est selon moi un des grands piĂšges. En ce moment, aprĂšs plusieurs essais d’itinĂ©raires, je mets entre 27 et 32 minutes pour aller au travail et en revenir. Un de mes collĂšgues, pour le mĂȘme trajet, met
.18 minutes. Tranquillement. Il m’a prĂ©cisĂ© qu’au dĂ©but, il mettait 30 minutes, tout transpirant. Mais je ne me lancerai pas dans une compĂ©tition du chrono Ă  vĂ©lo pour aller au travail.

 

Les avantages et les bĂ©nĂ©fices du vĂ©lo pour aller au travail :

 

Outre l’aspect pratique, se rendre lĂ  oĂč l’on a besoin ou envie d’aller, il y a le fait, de concilier comme on le dit « l’utile et l’agrĂ©able Â». On ne dĂ©pend pas d’un mĂ©tro ou d’un bus. On a donc une certaine libertĂ© ou une certaine autonomie. Et, en plus, on fait du sport sans se dire forcĂ©ment que l’on fait du sport. Ce qui reste l’une des meilleures maniĂšres de faire du sport : en rĂ©alisant un acte concret et utile. Et, mieux, de maniĂšre ludique.

 

Si je mets entre 27 et 32 minutes pour rĂ©aliser mon trajet, c’est parce-que je ne force pas trop pour aller vite. Parfois oui, parfois non. Et, dĂšs qu’à un endroit, je trouve que ce serait bien de prendre une ou deux photos, je m’arrĂȘte pour prendre ma photo. Je peux mĂȘme faire un petit dĂ©tour s’il le faut. Puisque, de toute façon, j’ai prĂ©vu large en partant de chez moi. Et, quand je rentre du travail, je ne fais pas la course.

 

 

Mais l’avantage et le bĂ©nĂ©fice les plus Ă©tonnants Ă  aller au travail Ă  vĂ©lo Ă  chaque fois comme je le fais depuis que j’ai mon vĂ©lo pliant, c’est qu’en quelques semaines, j’ai dĂ©jĂ  pratiquement oubliĂ© ce que ça fait de sortir de son train, descendre les escalators, rejoindre sa correspondance, poireauter sur un quai de mĂ©tro (ou de RER) en attendant que le vĂ©hicule ferroviaire arrive. Monter, descendre des escalators, des escaliers. C’est vraiment une vie de con ! Et, le pire, c’est qu’on l’accepte rapidement, cette vie de con.

 

 

Rouler sous la pluie m’invite Ă  la prudence pour la glisse. Mais, Ă  part ça, avec des vĂȘtements adĂ©quats, ça se passe trĂšs bien. En arrivant au travail, comme je suis en avance, je me douche, je me change puisque j’ai cette possibilitĂ©-lĂ . Et puis, c’est parti pour la journĂ©e ou la nuit de travail.

 

S’il fait froid, faire du vĂ©lo, avec, lĂ  aussi, les vĂȘtements adĂ©quats, ça rĂ©chauffe et ça stimule. Le point sensible reste les mains. Trouver des bons gants lorsqu’il fait froid selon la thermorĂ©gulation qui est la nĂŽtre peut ĂȘtre un exercice assez difficile. Mais la solution est sĂ»rement Ă  portĂ©e de main dans un article ou une astuce que l’on n’a pas encore dĂ©nichĂ©e.

 

C’est plutĂŽt s’il fait trĂšs chaud que cela m’incommoderait un peu de faire du vĂ©lo.

 

Mais le risque maximal,  pour moi, c’est en cas de verglas voire de neige. Ce serait, pour moi, les seules raisons qui pourraient, pendant deux ou trois jours, me dĂ©cider Ă  recommencer Ă  venir au travail en prenant le mĂ©tro etc
.Ă  ceci prĂšs que, je peux aussi marcher. Si je m’y prends suffisamment Ă  l’avance. Si ce n’est pas trop loin. ça me fait sourire lorsque, dans la rue, on me dit que «  c’est loin Â», alors qu’il s’agit de marcher quinze minutes.

 

 

VĂ©lo Taffe : pourquoi ce titre ?

 

J’ai dĂ©couvert l’expression « vĂ©lo-taf Â» il y a seulement quelques mois. Mais au moment d’écrire cet article, il m’a amusĂ© de faire un jeu de mot.

 

Si je suis non-fumeur depuis toujours, j’aime ces moments, oĂč, l’on prend le temps de s’apesantir comme lorsque l’on prend une taffe. C’est un petit peu mon Ă©quivalent du Birth of the Cool de Miles Davis, lorsqu’il avait dĂ©cidĂ© de ralentir le tempo du Jazz qui se jouait alors. 

 

Donc, VĂ©lo Taffe, non pour se remplir les poumons et le cerveau- ou les autres organes- de tumeur et de nicotine. Mais pour prendre le temps de respirer. Pour retrouver son souffle et son inspiration. En regardant Ă  nouveau autour de soi. 

Si l’article de cette nouvelle rubrique a Ă©tĂ© long, c’est parce-que cela faisait plusieurs semaines que je pensais Ă  m’y atteler. Mais je ne disposais pas du temps nĂ©cessaire. Les articles suivants devraient ĂȘtre plus courts.

Article Ă©crit avec le concours de l’album Myopia d’Agnes Obel, et, avant cela, de l’album The Good, The Bad & The Queen du groupe du mĂȘme nom ( avec Feu Tony Allen) et de l’album Meat is Murder de The Smiths que je dĂ©couvrais. 

Franck Unimon, ce jeudi 18 mars 2021.

 

 

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Corona Circus

Conventions

 

Forum des Halles, Février 2021.

                               Conventions

Vouloir faire resurgir le passĂ©, c’est aspirer au voyage avec le navire coulĂ©.

 

 

Ce jour que l’on voit  enfin se rapprocher arrive peut-ĂȘtre avec une pierre. Et cette pierre sera pour nous. MĂȘme si l’on a travaillĂ© avec intelligence afin que notre trajectoire s’amĂ©liore.

 

Il y aura bientĂŽt pire que ce que nous vivons. Je suis dĂ©solĂ© de l’écrire. Ce n’est pas dans mes habitudes d’ĂȘtre pessimiste. Et, je ne me sens pas particuliĂšrement pessimiste, ce qui est peut-ĂȘtre pire.

 

Si la majoritĂ© l’emporte en thĂ©orie, je constate autour de moi que la majoritĂ© n’attend qu’une chose. Car, comme la majoritĂ©, je suis trĂšs nombriliste et rĂ©sume le monde Ă  ce que je vis et Ă  mon entourage immĂ©diat :

 

Recommencer Ă  vivre, aussi vite que possible, comme « avant Â» l’épidĂ©mie. Retrouver certaines libertĂ©s.

 

Forum des Halles, Février 2021.

 

Les vaccins anti-Covid sont beaucoup attendus parce-que l’on espĂšre qu’ils vont aussi nous inoculer le passĂ© d’avant l’épidĂ©mie.

 

Je « sais Â» trĂšs bien que des personnes ont perdu leur emploi, vont le perdre ou risquent de le perdre Ă  cause du Covid et ses variants. Ainsi qu’à cause du bizness que font certains labos- et quelques gouvernements- avec les vaccins.  

 

Je « sais Â» aussi que d’autres personnes sont dĂ©cĂ©dĂ©es, vont dĂ©cĂ©der, ont perdu un proche ou une connaissance ou sont tombĂ©es malades. Et, je peux faire partie d’eux bientĂŽt sans le voir venir mĂȘme si j’ai Ă©tĂ© prĂ©venu.

 

Je m’abstiendrai de comparer ma vie Ă  celle d’une personne en prison que ce soit dans un centre pĂ©nitentiaire ou enfermĂ©e dans une maladie mentale et physique. En ce moment, alors que j’écris, j’ai toute latitude pour exposer mon idiotie. Et comme tout idiot, je me rĂ©pands en me croyant un peu original. Je ferais sĂ»rement mieux de faire des mots croisĂ©s ou de regarder une sĂ©rie dans mon coin comme d’autres le font. D’ailleurs, j’ai  commencĂ© Ă  regarder la derniĂšre saison, la cinquiĂšme, de la sĂ©rie Le Bureau des LĂ©gendes crééé par Eric Rochant. Je n’envie pas du tout la vie de ces agents secrets qui passent leur temps Ă  frĂŽler leur dernier souffle comme Ă  se mĂ©fier de tous.

 

Il y a tellement de dĂ©cisions et d’habitudes que nous prenons de nous-mĂȘmes depuis des annĂ©es et qui nous verrouillent un peu plus tous les jours. Pour toutes sortes de raisons que nous sortons de notre manche et que nous justifions. C’est notre magie  personnelle. Celle qui nous guidait et va continuer de le faire. Comme avant l’épidĂ©mie. On peut donc comparaitre libre tous les jours et ĂȘtre dĂ©jĂ  plus ou moins en prison. Et aussi contribuer Ă  emprisonner d’autres personnes autour de nous. 

 

 

C’est ce que j’appelle des conventions.

 

Des conventions de pensĂ©e. Des convictions intimes. Des conventions de comportements et d’attitudes envers la vie. L’inconvĂ©nient des conventions – ou des protocoles – c’est que mĂȘme si elles sont foireuses, une fois rĂŽdĂ©es, on les laisse nous guider de maniĂšre automatisĂ©e. Puisque la majoritĂ© les adopte ou les accepte, c’est donc qu’elles sont justifiĂ©es. Et puis, une fois lancĂ©es, il est trĂšs difficile de les arrĂȘter.

 

C’est bon, pour vous ?!

 

Ce jeudi matin, la secrĂ©taire de cette clinique du 15Ăšme arrondissement de Paris finalise au tĂ©lĂ©phone la prise d’un nouveau rendez-vous. Elle a la trentaine. Un peu plus tĂŽt, de maniĂšre accueillante, elle m’a reçu. J’avais quinze minutes d’avance. J’ai fait un peu d’humour quand elle a d’abord cru comprendre que j’étais pompier. Elle a souri.

 

Puis, je me suis installĂ© dans la salle d’attente vide oĂč se trouvaient deux stagiaires en pĂ©dicurie-podologie. Peu aprĂšs, ceux-ci sont partis rejoindre un des chirurgiens dans son bureau. De temps Ă  autre, par les portes restĂ©es ouvertes des bureaux, j’entends donc des bouts de conversation. La leur. Et celle que la secrĂ©taire a de temps Ă  autre avec une autre femme qui se trouve dans un des bureaux. L’ambiance est dĂ©tendue. Bien qu’il ait gelĂ© la veille ou l’avant veille et qu’il fasse assez froid dehors, il y a Ă©galement une belle luminositĂ©. En arrivant, j’ai repĂ©rĂ© une boulangerie qui m’a l’air de faire du bon pain. J’y passerai aprĂšs mon rendez-vous.

 

Dans le train Paris-Argenteuil, fin janvier 2021.

 

 

La secrĂ©taire vient de m’apprendre que la chirurgienne que je viens consulter va avoir « quinze minutes de retard Â». J’accepte assez facilement les retards des autres. D’abord parce qu’il m’arrive d’ĂȘtre en retard. Mais aussi parce-que je trouverais idiot d’avoir un accident parce-que l’on se presse pour un rendez-vous pour lequel on est en retard. Ce qui m’importe, c’est, une fois sur place, la disponibilitĂ© que l’on a pour l’autre ou pour son travail. Bien-sĂ»r, Il y a des rendez-vous oĂč il faut ĂȘtre ponctuel ou en avance. Il ne servirait Ă  rien de se rendre Ă  un aĂ©roport en retard et de crier depuis le taxi alors que notre avion a dĂ©collĂ© : « Maintenant, je suis disponible ! Â».

 

Je viens voir cette chirurgienne pour un troisiĂšme avis. En banlieue parisienne, Ă  Cormeilles en Parisis, un chirurgien m’a bien opĂ©rĂ© il  a trois ans. Il est rĂ©putĂ© dans son domaine. Mais chaque fois que je lui pose certaines questions, il ne me rĂ©pond pas vraiment. Je vais le revoir bientĂŽt Ă  Eaubonne. A cause du Covid et de mon emploi du temps qui a changĂ©  en commençant un nouvel emploi, j’ai dĂ» repousser plusieurs fois ma prochaine consultation avec lui.

 

Pendant les vacances de NoĂ«l, j’ai vu un second chirurgien dans une clinique du 16Ăšme arrondissement de Paris. Sympathique, celui-ci a aussi Ă©tĂ© pĂ©dagogue et suffisamment convaincant pour l’opĂ©ration du pied Ă  propos de laquelle je m’interroge. Deux techniques sont possibles. J’avais refusĂ© jusqu’alors l’une des deux techniques. Ce chirurgien m’a donnĂ© des bons arguments. Puis, il m’a invitĂ© Ă  prendre le temps de la rĂ©flexion. J’avais dit Ă  ce chirurgien que je sortais d’une nuit de travail et que j’étais infirmier.  Il a refusĂ© de me rĂ©pondre lorsque je lui ai demandĂ© le coĂ»t de l’opĂ©ration. Le premier chirurgien, lui, m’avait donnĂ© son tarif quand je lui avais posĂ© la question : 400 euros. Une toute petite partie remboursable selon ma mutuelle. Mes consultations avec lui me coĂ»tent entre 50 et 80 euros. C’est dĂ©jĂ  cher pour moi. Mais l’opĂ©ration Ă©tait nĂ©cessaire. Et j’ai prĂ©fĂ©rĂ© mettre le prix pour me garantir la meilleure opĂ©ration possible. PlutĂŽt que de me livrer au premier chirurgien venu.

 

Dans la clinique du 16Ăšme arrondissement, la consultation avec le second chirurgien m’avait coĂ»tĂ© environ 110 euros. Quand j’avais prĂ©sentĂ© ma carte bancaire, la secrĂ©taire m’avait rappelĂ© que l’on pouvait payer uniquement en espĂšces ou par chĂšque ! C’était indiquĂ© ! Il y avait bien un distributeur de billets mais c’était « loin Â» m’avait-t’elle alors rĂ©pondu. Elle allait donc attendre que je lui envoie mon chĂšque par la poste pour m’adresser ensuite ma feuille de soins me permettant d’ĂȘtre remboursĂ©. Partiellement. Puisque ce chirurgien pratique aussi le dĂ©passement d’honoraires.

 

Je ne compte plus toutes ces personnes qui m’ont affirmĂ© qu’un lieu Ă©tait « loin Â» dĂšs lors qu’il s’agit de marcher quelques minutes.

 

J’avais pris soin d’aller tirer de l’argent dans ce DAB qui Ă©tait « loin Â» et de revenir quelques minutes plus tard donner l’argent de la consultation Ă  la secrĂ©taire de cette clinique du 16Ăšme arrondissement.

 

La chirurgienne que je viens voir aujourd’hui dans le 15Ăšme arrondissement de Paris m’a Ă©tĂ© recommandĂ©e par le mĂ©decin du sport fĂ©dĂ©ral que je consulte ces derniers mois. Il m’a dit que l’atout de cette chirurgienne est qu’elle n’a pas :

 

« Le bistouri entre les dents ! Â».

 

Je consulte ce mĂ©decin du sport Ă  Levallois, une ville de banlieue parisienne, dans les Hauts de Seine, le dĂ©partement du 92. Levallois est une ville plutĂŽt cossue. C’est la petite sƓur de Neuilly, dans le 16Ăšmearrondissement. Depuis un peu plus de dix ans, je suis venu habiter Ă  Argenteuil pour me rapprocher de Paris. L’immobilier, dans l’ancien, y Ă©tait plus abordable que lĂ  oĂč j’habitais auparavant Ă  Cergy-le-Haut, une ancienne ville nouvelle plus Ă©loignĂ©e de Paris et plus proche du Vexin. 

 

Ce mĂ©decin du sport de Levallois m’a aussi conseillĂ© un nouveau podologue. J’étais devenu insatisfait du second podologue que je voyais depuis quelques annĂ©es dans la ville de St-Leu la ForĂȘt. 

 

La veille de mon rendez-vous avec cette chirurgienne, j’ai revu ce nouveau podologue dans un cabinet situĂ© prĂšs du jardin du Luxembourg. Pour venir chercher mes nouvelles semelles orthopĂ©diques. La pratique du sport et l’ñge m’ont rendu indispensable l’usage de semelles orthopĂ©diques. On peut aimer les Ɠufs sur le plat. J’ai les pieds plats. C’est moins grave que d’avoir le diabĂšte, un cancer, une psychose, de l’hypertension, des problĂšmes de poids, de dos…. ou le Covid.

Mais, d’un point de vue biomĂ©canique et pratique, avoir les pieds plats, lorsque l’on sollicite son corps sur la terre en faisant du sport,  cela entraĂźne des dĂ©sĂ©quilibres et des tensions de l’appareil locomoteur qui peuvent donner des tendinites, des douleurs musculaires ou ligamentaires. Si j’étais une personne strictement sĂ©dentaire et impermĂ©able au sport, Ă©voluant uniquement dans l’eau, sur l’eau, ou dans les airs,  ou jouant rĂ©guliĂšrement d’un instrument de musique, j’aurais peut-ĂȘtre pu me passer de ces semelles. Mais le sport terrestre fait partie de ma vie. MĂȘme si j’en pratique moins qu’auparavant et moins que je ne le voudrais.

 

 

Pour ce podologue, avec mes nouvelles semelles conçues avec la 3D, une opĂ©ration du pied n’est plus justifiĂ©e. Le cabinet de ce podologue se trouve donc prĂšs du jardin du Luxembourg, Ă  Paris. Cet endroit, pas plus que le 15Ăšmearrondissement ou le 16Ăšme arrondissement de Paris, ou Levallois, ne fait partie de mes foyers de vie.  J’ai beau avoir un travail  et un salaire fixe depuis plus d’une vingtaine d’annĂ©es, je n’en n’ai pas les moyens. J’ai toujours vĂ©cu en banlieue parisienne. Dans une ville oĂč se loger Ă©tait financiĂšrement plus accessible. Lorsque j’entendais parler d’un loyer de 3000-3500 francs en plein Paris pour un appartement de 25 Ă  30 mĂštres carrĂ©s, un montant courant dans les annĂ©es 90, je me comportais comme un cheval refusant mentalement et physiquement de franchir l’obstacle.

 

Je suis allĂ© trĂšs loin dans mon refus et mon ignorance : Il  y a plus de vingt ans, lorsque le prix de l’immobilier Ă  l’achat, Ă  Paris, dans l’ancien, Ă©tait encore prĂ©sentable, j’ai ratĂ© le coche. J’ai prĂ©fĂ©rĂ© jouer la « sĂ©curité ». Faire un prĂȘt immobilier sur 15 ans pour acheter sur plan dans le neuf un studio de 23 mĂštres carrĂ©s Ă  Cergy-le-Haut, dans le Val d’Oise, une ville que je connaissais et oĂč j’habitais depuis une quinzaine d’annĂ©es. A plus de 45 minutes en transports en commun du jardin du Luxembourg ou du 15 Ăšme arrondissement oĂč j’ai rendez-vous avec cette chirurgienne.

Je me rendais alors Ă  Paris, souvent dans les mĂȘmes endroits, toujours pour mes loisirs ou pour des achats.

Pour le mĂȘme prix que mon studio, un ou deux ans plus tĂŽt,  une de mes amies qui vivait alors Ă  Paris, avait achetĂ© dans le 19Ăšme arrondissement, prĂšs de la Villette, un appartement de 45 mĂštres carrĂ©s, en loi carrez, dans l’ancien, au sixiĂšme et dernier Ă©tage sans ascenseur d’un immeuble. Elle avait fait faire quelques travaux.

 

Elle avait eu une trĂšs bonne intuition. C’était avant le passage Ă  l’euro.

 

A moins d’ĂȘtre « parrainĂ© Â» par quelqu’un de bienveillant et de clairvoyant, lorsque l’on ignore la façon dont tourne l’horloge du monde ou d’une sociĂ©tĂ©, on accumule rapidement plusieurs fuseaux horaires de retard. On prend donc de plus ou moins bonnes dĂ©cisions en s’appuyant sur nos conventions. MĂȘme si l’on est travailleur et passablement intelligent. Et nos dĂ©cisions, lorsqu’elles sont mauvaises, peuvent ĂȘtre de bonnes dĂ©cisions que nous avons prises avec plusieurs fuseaux horaires de retard….    

 

Je ne suis pas riche. Mais, comme beaucoup, je suis travailleur et je peux me lever tĂŽt. Y compris pour effectuer un certain travail non rĂ©munĂ©rĂ©.  On dit qu’il faut aussi faire ce que l’on aime par plaisir et sans attendre pour autant de faire de l’argent avec. J’applique cette convention au moins pour ce blog mais aussi en amitiĂ© et dans mon mĂ©tier d’infirmier en psychiatrie et en pĂ©dopsychiatrie : lorsque je m’engage dans mon travail, gĂ©nĂ©ralement,  je ne pense pas Ă  l’argent qui va arriver sur mon compte en banque. Ce n’est pas ma premiĂšre motivation. Et, c’est sans doute, aussi, ce qui, depuis des annĂ©es, m’a lourdement pĂ©nalisĂ©. Pour ne pas dire  Â«Â planté » dans une certaine Ă©volution personnelle et sociale.   

Car, pour ma santĂ©, que j’estime prioritaire, par contre,  j’accepte de mettre le prix lorsque je pars consulter. On est bien capable de lĂącher bien plus d’argent dans une nouvelle paire de sneakers, des Ă©couteurs bluetooth – qui nous rendront peut-ĂȘtre sourds-, un nouveau tĂ©lĂ©phone portable ou pour tout un tas de vĂȘtements et d’objets que l’on utilisera assez peu et que l’on oubliera ensuite. Nous sommes incitĂ©s Ă  ça en permanence.Cela fait partie des conventions de la majoritĂ© d’entre nous. 

Quelques jours avant les fĂȘtes de NoĂ«l 2020, prĂšs des Galeries Lafayette et des Magasins Printemps, Ă  Paris prĂšs de l’OpĂ©ra Garnier.

 

Mais  je ne crois pas non plus que les meilleurs spĂ©cialistes de la santĂ© soient toujours celles et ceux qui nous font payer leurs consultations les plus chĂšres ou qui disposent du matĂ©riel le plus moderne. Mais pour commencer Ă  le comprendre, j’ai d’abord dĂ» passer Ă  la caisse plusieurs fois
.  

D’ailleurs, dans cette clinique du 15Ăšme arrondissement, le chirurgien qui m’avait opĂ©rĂ© il y a trois ans pour 400 euros consulte aussi. Mais un autre jour.

 

Gare de Paris St-Lazare, novembre 2020.

 

 

Plus jeune, en particulier Ă  l’adolescence, et mĂȘme un peu aprĂšs, j’avais tendance Ă  nĂ©gliger tout ce qui est suivi mĂ©dical aprĂšs une blessure sportive. Il est convenu dans la mentalitĂ© de bien des sportifs, qu’il faut ĂȘtre prĂȘt Ă  se faire mal lorsque l’on pratique. Donc, une blessure, ça peut  aussi attendre pour ĂȘtre soignĂ©e ou correctement soignĂ©e. Lorsque j’allais consulter, plus jeune, je ne faisais pas toujours attention au fait que certains mĂ©decins se contentaient d’appliquer des protocoles de traitements.

Avec l’expĂ©rience, plus d’une fois, c’est moi qui ai dĂ» demander la prescription d’un certain nombre de sĂ©ances de kinĂ©sithĂ©rapie en plus du traitement mĂ©dicamenteux censĂ© tout rĂ©soudre par lui-mĂȘme. Je prends le moins de mĂ©dicaments possible.

 

AprĂšs mon intervention chirurgicale du pied il y a trois ans, le chirurgien m’avait prescrit une certaine quantitĂ© d’antalgiques qui aurait permis Ă  un toxicomane de monter un petit commerce. Ou Ă  une personne lambda de peut-ĂȘtre devenir toxicomane. Cette pharmacie aurait aussi pu constituer le dĂ©but d’un trĂ©sor pour de la mĂ©decine de guerre. Il fallait bien compenser l’absence de prĂ©sence mĂ©dicale- et surtout paramĂ©dicale- alors que la personne opĂ©rĂ©e retourne chez elle quelques heures aprĂšs l’intervention chirurgicale.

 

J’avais dĂ» insister auprĂšs de ce chirurgien pour obtenir un certain nombre de sĂ©ances de kinĂ© pour ma rééducation. Il Ă©tait persuadĂ© que son intervention chirurgicale se suffisait et que je pouvais reprendre le travail aprĂšs trois semaines d’arrĂȘt. A l’écouter, je me devais seulement de faire ma rééducation tout seul chez moi.

 

 Il m’avait fallu deux bonnes semaines d’arrĂȘt de travail supplĂ©mentaires, davantage de sĂ©ances de kinĂ© et en retournant au travail, je boitais encore du fait de la douleur consĂ©cutive Ă  l’opĂ©ration chirurgicale.

La profession infirmiĂšre, aussi, mĂȘme non sportive, peut avoir tendance Ă  se surmener ou Ă  ĂȘtre surmenĂ©e mĂȘme lorsqu’elle devrait lever le pied. Il existe aussi d’autres professions, paramĂ©dicales, ou autres, qui sont soumises durablement aux mĂȘmes conflits de loyautĂ© entre leur sens du Devoir ou du sacrifice et leurs conditions de vie, de travail ou salariales, plutĂŽt dĂ©favorables. C’est peut-ĂȘtre le cas de cette secrĂ©taire qui m’a accueilli pour cette consultation.

Et c’Ă©tait comme ça bien avant l’Ă©pidĂ©mie du Covid. 

 

En venant voir cette chirurgienne ce jeudi, j’aimais, aussi – c’est peut-ĂȘtre un clichĂ©-  l’idĂ©e d’obtenir l’avis d’une femme.

 

Venir en avance m’a donnĂ© le temps d’apprendre le montant de la consultation : 112 euros. DĂ©duction faite de ce que me rembourseraient la sĂ©curitĂ© sociale et ma mutuelle, 93 euros resteraient Ă  ma charge. Le prix de cette consultation, 112 euros, correspond Ă  peu prĂšs Ă  ce que je gagne en une journĂ©e de travail comme infirmier aprĂšs bientĂŽt trente ans d’anciennetĂ©. 

 

Comme j’attends, une jeune femme vient se prĂ©senter au secrĂ©tariat. Elle explique avoir trente minutes de retard. Elle avait rendez-vous Ă  9h15. Il est 9h45. J’avais quant Ă  moi rendez-vous Ă  9h30. Et je suis lĂ  depuis 9h15.

 

Quelques minutes plus tard, la chirurgienne, la cinquantaine, sort de l’ascenseur. Je suis assis presque en face, Ă  cĂŽtĂ© du secrĂ©tariat. La secrĂ©taire lui dit bonjour en l’appelant par son prĂ©nom alors qu’elle file vers un bureau. Bureau oĂč elle est bientĂŽt rejointe par la secrĂ©taire. Je l’entends donner des nouvelles de sa fille qui  vient d’emmĂ©nager avec son copain. «  C’est bien Â» conviennent, ravies, la secrĂ©taire avec l’autre femme qui Ă©tait dĂ©jĂ  prĂ©sente dans un des bureaux Ă  mon arrivĂ©e.

 

 

La chirurgienne reparaĂźt quelques minutes plus tard. Elle appelle la personne qui est arrivĂ©e avec trente minutes de retard. Laquelle se lĂšve et va Ă  la rencontre de la chirurgienne. Je la laisse partir. Je me lĂšve alors calmement. Je viens annoncer Ă  la secrĂ©taire, revenue Ă  sa place, que je m’en vais.

 

Bien que je n’aie ni la tĂȘte et ni la voix de Serge Gainsbourg, il faut quelques secondes Ă  la secrĂ©taire pour rassembler l’information que je viens de lui donner.  Alors,  je l’aide avec mes mots qui ne deviendront jamais un tube Ă  la radio :

 

«  J’ai passĂ© trois quarts d’heure dans les transports en commun pour venir. Je suis arrivĂ© avec 15 minutes d’avance. Madame arrive avec 20 minutes de retard et prend une personne qui est arrivĂ©e aprĂšs moi
. Â».

 

La secrĂ©taire,  demi-sourire gĂȘnĂ©, je crois qu’elle a subitement chaud au visage, reste  professionnelle et pĂ©dagogue. Et m’explique :

 

« Oui, j’ai bien vu que vous veniez de loin. 
c’est une patiente qui avait rendez-vous avant vous
. Â». Je lui fais comprendre que cet argument, pour moi, ne tient pas. Elle n’insiste pas :

 

« Je le lui dirai. Je vous laisse rappeler pour reprendre rendez-vous ? Â».

 

« Peut-ĂȘtre, peut-ĂȘtre pas ! Â». Puis, je m’en vais en prenant le temps de passer aux toilettes auparavant.

 

 

 

Confinement doré

 

Dans le train Paris-Argenteuil, fin janvier 2021.

Depuis le dĂ©but de l’épidĂ©mie du Covid, nous nous plaignons du couvre-feu, du confinement. Et, nous avons raison de nous plaindre de la perte de libertĂ©s occasionnĂ©e – ou justifiĂ©e- par l’épidĂ©mie. Je pense Ă  certains lieux obligĂ©s de rester fermĂ©s telles que les salles de cinĂ©ma, les musĂ©es et les salles de théùtre dont nous avons aussi besoin.  Comme certains lieux de pratique sportive. Voire, de restauration…

 

 

A cĂŽtĂ© de ça, pour moi, la secrĂ©taire et la chirurgienne de cette clinique, au moins, et toutes les personnes qui leur ressemblent, femmes comme hommes, vivent dans un monde confinĂ©. Dans un confinement dorĂ©. Et cela n’est pas dĂ» Ă  l’épidĂ©mie du Covid. C’était dĂ©jĂ  comme ça avant l’épidĂ©mie du Covid.

Je n’ai pas de problĂšme particulier, au dĂ©part, avec le fait de parcourir un certain nombre de kilomĂštres ou de passer un certain temps dans les trajets pour me rendre quelque part. Si j’ai une bonne raison de m’y rendre. Mais c’est peut ĂȘtre un tort. Et cela peut ĂȘtre une trĂšs mauvaise habitude, le rĂ©sultat de mon Ă©ducation, que j’ai contractĂ©e tĂŽt, avant l’Ăąge adulte et qui consiste en quelque sorte Ă  ĂȘtre capable de se donner, de maniĂšre rĂ©pĂ©tĂ©e, sans compter. Car, selon le type d’interlocuteur ou d’interlocutrice auquel on a affaire, accepter facilement ou comme une Ă©vidence de rĂ©aliser certains efforts- et trouver cela normal de maniĂšre implicite- créé d’emblĂ©e un handicap ou un rapport de dominĂ©-dominant. Cela revient Ă  se brader mĂȘme si on vous parlera de « gentillesse » ou de « gĂ©nĂ©rosité » vous concernant :

Dans le monde confinĂ© de cette secrĂ©taire ou de cette chirurgienne, dans leur royaume, il est « normal Â» de faire attendre des patients. De disposer d’eux.  Et de les faire raquer ensuite. Il y a bien d’autres fois oĂč je l’ai acceptĂ©.

 

J’accepte que la chirurgienne ait eu une bonne raison d’ĂȘtre en retard. J’aurais mĂȘme acceptĂ© qu’elle prenne le temps de se rendre aux toilettes ou de se laver les mains si elle en avait eu envie ou besoin.

 

Par contre, j’ai plus de mal Ă  digĂ©rer l’absence de bonjour de cette chirurgienne en arrivant aprĂšs quinze Ă  vingt minutes de retard. Pour une consultation Ă  112 euros. Or, cette absence de « bonjour Â» d’une professionnelle de la santĂ© qui passe devant la salle d’attente de son lieu de consultations est aussi une convention trĂšs courante.

 

Pour moi, l’ambition de la secrĂ©taire ne doit pas se limiter au fait de pouvoir appeler la chirurgienne par son prĂ©nom. Si elle peut appeler la chirurgienne par son prĂ©nom, alors, elle est aussi capable de faire valoir Ă  cette chirurgienne le fait que j’étais le patient Ă  voir d’abord. Mais il y a une telle habitude Ă  ce que les gens qui viennent consulter s’en tiennent Ă  certaines conventions de prosternation totale devant des professionnels de la santĂ©.

 

Pourtant, je n’ai rien de particulier contre les chirurgiens et les mĂ©decins. Et, j’ai Ă©tĂ© trĂšs frĂ©quentable. Voire sans doute trop frĂ©quentable. Car j’ai respectĂ© certaines conventions de politesse et de diplomatie. D’autres personnes, plus « nerveuses Â» ou plus « fiĂšres Â»,  Ă   ma place, auraient retournĂ© la salle d’attente.

 

Visiblement, cette secrĂ©taire et cette chirurgienne ne connaissent pas cette vie-lĂ . OĂč un certain manque de considĂ©ration peut se payer cash. Leur confinement est un confinement dorĂ©.

 

Je n’attends aucun changement particulier dans leurs conventions de pensĂ©es. Je suis sĂ»rement passĂ© pour un « caractĂ©riel Â» ou pour quelqu’un qui ne sait pas vivre.

 

En sortant de la clinique, je me suis rendu Ă  la boulangerie que j’avais repĂ©rĂ©e en arrivant. Les baguettes traditions que j’ai achetĂ©es y sont vraiment bonnes.

Puis, j’en ai profitĂ© pour marcher jusqu’à apercevoir la Tour Eiffel.

 

Février 2021. Non, il ne fait pas froid !

 

J’ai eu une pensĂ©e pour cet homme qui, poussĂ© par ses hallucinations vraisemblablement, s’est rendu Ă  la Tour Eiffel, et s’est mis Ă  errer autour. Lorsque la police, appelĂ©e par un employĂ© de la Tour Eiffel, est arrivĂ©e Ă  quatre heures du matin, l’homme n’a pas pu expliquer la raison de sa prĂ©sence. Il semblait confus, ne pas avoir toute sa tĂȘte, bien que trĂšs calme.

Ensuite, j’ai pris le bus 80 vers St Lazare.

 

En passant prĂšs de Matignon, j’ai pensĂ© Ă  cette femme venue chercher protection auprĂšs du PrĂ©sident Macron. Un mois et demi plus tĂŽt, elle s’était rendue au commissariat pour les mĂȘmes raisons. Mais on ne l’avait pas crue. Alors, cette fois, elle avait dĂ©cidĂ© de s’adresser Ă  plus haut. Elle craignait pour sa vie. Elle Ă©tait «  Un TrĂ©sor vivant Â» mais personne ne voulait la croire !

Elle avait sur elle sa clé de voiture, ses papiers, son téléphone portable, trois cartes bancaires, deux chéquiers et quelques affaires.

 

Ces deux personnes, on s’en doute, bien que de bonne foi, avaient contre elles d’avoir enfreint les «bonnes Â» conventions. Les conventions oĂč l’on reste Ă  sa place. Et oĂč l’on s’en tient aux horaires et aux lieux oĂč l’on a le droit d’agir et de se comporter d’une certaine façon. Les religions, aussi, peuvent fournir et prescrire leur lot de conventions. La particularitĂ© de certaines conventions, mĂȘme lorsqu’elles nous interdisent de vivre, c’est d’avoir une date de pĂ©remption trĂšs lointaine ou indĂ©finiment renouvelable. 

 

Si j’avais retournĂ© la salle d’attente de cette clinique, peut-ĂȘtre que, comme cet homme et cette femme, j’aurais, moi, aussi, Ă©tĂ© interpelĂ© par les forces de police.

 

 

Franck Unimon, ce jeudi 18 fĂ©vrier 2021.  

 

 

 

 

 

 

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Une ligne 14 Ă  bloc !

 

Gare de Lyon, ce vendredi 12 fĂ©vrier 2021 au matin, vers 9h10. Cette rame du ligne 14 du mĂ©tro vient d’arriver Ă  la gare de Lyon aprĂšs ĂȘtre restĂ©e immobilisĂ©e trente minutes dans le tunnel. Jusqu’Ă  ce qu’une agent de la RATP parvienne Ă  la conduire manuellement. Cette rame de mĂ©tro va repartir sans passagers.

                                            Une ligne 14 Ă  bloc !

Le Grand Paris, environ trente millions d’habitants, c’est pour bientît. Les Jeux olympiques de 2024 en France, et ses millions ou ses milliards de visiteurs, ses heures de retransmissions et ses pubs, encore plus tît.

 

Si cette date est retenue. Si nous avons le droit de sortir.

 

Les pharaons d’Egypte, en exploitant et en tuant dans l’oeuf des  quantitĂ©s indĂ©nombrables d’ouvriers, ont entre-autres laissĂ© des pyramides qu’aujourd’hui, nous admirons. Car elles sont bien plus cĂ©lĂšbres que tous ces clandestins, aujourd’hui disparus, qui auront contribuĂ© Ă  leur Ă©lĂ©vation.

 

Nous, pour nos grands projets, nous avons besoin de transports en commun ad hoc. Et, peu importe que nous soyons anonymes. Pourvu que ça roule dans la farine.

 

Pour cela, nous pouvons compter sur la Ligne 14 entiĂšrement automatisĂ©e. La ligne 14, ça fuse ! Et ça ne se refuse pas. Depuis la gare St Lazare, la ligne 14 a Ă©tĂ© bien des fois mon arme de rĂ©duction temporelle pour aller dans les salles de cinĂ©ma.

Mais depuis plusieurs mois, les cinĂ©mas et les salles de théùtre sont fermĂ©es, remplacĂ©es par les festivals pandĂ©mie, vaccins, couvre-feu et confinement qui s’opposent aux rapprochements humains. Heureusement que des bibliothĂšques et des librairies sont ouvertes ou ont rouvert pour compenser un peu ce traitement au scalpel – sans anesthĂ©sie- que subissent  bien des espaces culturels.

 

Pour le bien-ĂȘtre de l’économie, il a aussi Ă©tĂ© plus rapidement permis de s’attrouper  de nouveau aux heures de pointe dans les transports en commun parisiens. Comme ce matin, ce vendredi 12 fĂ©vrier 2021, ou, aprĂšs une nuit de travail de douze heures, je me dirige vers la ligne 14 Ă  la station Bercy. La tempĂ©rature extĂ©rieure est alors d’environ -1 degrĂ©. Nous connaissons une vague de froid depuis deux Ă  trois jours.

 

Mon rĂȘve, alors qu’il est prĂšs de 8h30, en finir au plus vite avec ce trajet jusqu’à Paris St Lazare. Puis, lĂ , prendre mon train de banlieue. J’aurais bien-sĂ»r prĂ©fĂ©rĂ© vivre dans un appartement avec vue dĂ©gagĂ©e sur la Pyramide du Louvre. Mais on fait ce que l’on peut. MĂȘme si c’est sĂ»rement de ma faute si j’ai ratĂ© une bonne partie de ma vie. Je n’avais qu’à choisir de devenir pharaon au lieu de manquer d’ambition. Quand on veut, on peut.

 

Faute d’ambition, je me contente ce matin d’avoir une place assise dans la ligne 14. Et de me dire que dans dix minutes, je marcherai vers le grand hall de la gare St Lazare.  C’est un bon dĂ©but vers mon destin de moins que rien.

 

Mais j’ai Ă  peine imaginĂ© ce scĂ©nario de film de sĂ©rie V que le mĂ©tro de la ligne 14 se bloque sur les rails en plein tunnel. Sans doute la ligne 14 a-t’elle Ă©tĂ© vexĂ©e par mes pensĂ©es indignes. Parce-que, trĂšs vite, je me fais la remarque que, premiĂšre lame des rails pendant des annĂ©es, la ligne 14 semble ĂȘtre devenue un second couteau alors qu’elle dessert, depuis quelques semaines maintenant, les nouvelles stations Sanofi,  4 milliards, Actionnaires, et Vaccin anti-Covid prĂ©vu pour la fin de l’annĂ©e. Heureusement qu’elle ne dessert pas en plus les stations Pfizer, Moderna, Astrazeneca, Sputnik V, Masque chirurgical. Mais ça viendra sĂ»rement.  Chaque pirogue en son temps. Mais comme c’était mieux, lorsque la Ligne 14 avait Paris St Lazare pour dĂ©part et terminus.

 

 

Assez rapidement, une voix Off nous informe que nous sommes arrĂȘtĂ©s. Cette voix  nous quittera seulement lorsqu’une femme agent de la RATP viendra nous rejoindre afin de conduire « manuellement Â» la superbe ligne 14.

 

Heureusement, notre sauveuse arrive assez rapidement. Cela fait alors environ quinze minutes que nous sommes dans l’au-delĂ  des rails. LĂ  oĂč je suis, pratiquement en tĂȘte du mĂ©tro, au niveau des troisiĂšmes portes, personne ne panique. Tout le monde reste calme mĂȘme s’il semblerait qu’une personne essaie, sans insister, d’ouvrir les portes. L’agent de la RATP lui demande de ne rien en faire. L’homme avorte sa tentative.

 

Un autre passager s’avance pour prendre une photo puis retourne Ă  sa place. Une autre passagĂšre, assise en face de moi, prĂ©vient qu’elle sera en retard pour son rendez-vous de 9h. Il lui est proposĂ© un autre rendez-vous Ă  11h15.

 

Avant de me dĂ©cider pour la ligne 14, j’avais testĂ© d’autres itinĂ©raires. Depuis deux Ă  trois semaines, j’ai l’impression que les dĂ©fauts techniques dans les transports en commun se multiplient. Ligne J, Ligne 6 du mĂ©tro. Une amie m’a parlĂ© de la ligne B du RER. L’usure due Ă  la pandĂ©mie semble avoir gagnĂ© le matĂ©riel qui nous transporte. Or, les transports en commun, lorsqu’ils permettent Ă  des femmes, des enfants et des hommes, de se rendre d’un point vers un autre, afin d’accomplir leur mission, leur travail ou un projet quelconque, deviennent l’équivalent du systĂšme sanguin d’une sociĂ©tĂ©.

Si le systĂšme sanguin d’une sociĂ©tĂ© se bloque, celui-ci peut finir par se dĂ©tĂ©riorer. Car il a besoin d’échanges entre son intĂ©rieur et l’extĂ©rieur. D’une certaine fluiditĂ© comme d’une certaine mobilitĂ©. Une sociĂ©tĂ© qui se fige peut ainsi finir par se retrouver sous dialyse ou sous galĂšre.

 

 

AprĂšs quinze minutes d’échanges d’un certain nombre de protocoles et de procĂ©dures techniques avec son collĂšgue- ou son supĂ©rieur- l’employĂ©e de la RATP rĂ©ussit Ă  redonner un Ă©lan vital au mĂ©tro de la ligne 14. On dirait Sigourney Weaver aux commandes d’un vaisseau dans Alien.  La gare de Lyon, et la sortie du tunnel, n’était pas si loin que ça, finalement. L’état de choc du mĂ©tro de la ligne 14 aura durĂ© trente minutes.

 

Des applaudissements justifiĂ©s saluent la rĂ©ussite de l’agent de la RATP. AprĂšs ça, il  faut trouver un itinĂ©raire bis. Pour moi, ça sera la ligne A du RER jusqu’à OpĂ©ra. Puis, je prĂ©fĂšre marcher jusqu’à la gare St Lazare.

Gare de Lyon, ligne 14 ce vendredi 12 février 2021 vers 9h10. AprÚs avoir réussi à rejoindre la gare de Lyon, il nous est demandé de descendre et de prendre un autre itinéraire pour la suite de notre voyage. Le temps que le trafic de la ligne 14 vers St Ouen reprenne.

 

Contraint Ă  lĂ©zarder avec d’autres dans le mĂ©tro immobilisĂ©, j’ai repensĂ© au vĂ©lo pliant que j’avais commandĂ© la semaine derniĂšre. Car j’en avais assez de dĂ©pendre de ces « dĂ©fauts techniques Â» rĂ©pĂ©tĂ©s. En moins d’un mois, j’estime avoir rencontrĂ© plus de dĂ©convenues dues Ă  des  » dĂ©fauts techniques » liĂ©s aux transports en communs qu’en plusieurs annĂ©es de trajets. NĂ©anmoins, un de mes nouveaux collĂšgues, adepte de la ligne 13 du mĂ©tro, m’avait dit que je m’étais un peu trop prĂ©cipitĂ©. J’avais commencĂ© Ă  me dire que partir plus tĂŽt de chez moi permettait d’échapper Ă  ce genre de dĂ©sagrĂ©ment. Et, ce collĂšgue avait mĂȘme rĂ©ussi Ă  me convaincre de recommencer Ă  prendre la ligne 13, une ligne de mĂ©tro dont j’ai choisi de limiter l’usage au strict minimum pendant des annĂ©es. Au point de presque exclure son existence de ma mĂ©moire.  Alors que la ligne 13, lorsqu’elle marche, est en effet rapide.

Mais tout usager de la ligne 13 connait sa rĂ©putation de ligne souvent marquĂ©e par les arrĂȘts pour causes techniques ou de sur-encombrement. Sans oublier la « culture » de pickpocket qui lui est accolĂ©e. Mais l’extension de la ligne 14 a aussi pour but d’allĂ©ger la ligne 13. Et, je me suis dit que ce collĂšgue avait finalement raison. En prenant la ligne 13, cela s’Ă©tait bien passĂ©.  Jusqu’Ă  ce que je m’aperçoive qu’un autre collĂšgue, un mordu de la ligne 14, avait pu mettre encore moins de temps que moi pour son trajet. 

 

 Mais maintenant
..

Gare de Lyon, ce vendredi 12 fĂ©vrier 2021. Le trafic est interrompu jusqu’Ă  environ 9h15 sur la ligne 14 du mĂ©tro du fait de l’impair technique que nous avons connu pendant trente minutes. Il est donc demandĂ© aux voyageurs que l’on voit en haut d’attendre la reprise du trafic de la ligne 14 vers la Porte de St Ouen.

 

Franck Unimon, ce vendredi 12 février 2021.

 

 

 

 

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Tu ressembles à ça ?!

 

 

J’ai aperçu son visage grĂące Ă  la porte entre-ouverte de son bureau. C’était la premiĂšre fois que je le voyais vraiment. Lui et tous les autres se connaissaient depuis des annĂ©es. Mais, moi, le petit nouveau, je les dĂ©couvrais tous Ă  cette Ă©poque des masques. Cela faisait Ă  peine un mois que j’étais avec eux, et ce que je voyais, c’étaient des yeux, des fronts, des cheveux et assez peu de visages sauf, bien-sĂ»r, au moment des repas. Pour ceux que je partageais avec certaines et certains d’entre eux. Ou Ă©pisodiquement lors de certaines pauses.

 

Je devais avoir presque dix ans, lorsque je me suis avancĂ© pour lui dire :

 

« Ah ? Tu ressembles Ă  ça ?! Â». Il Ă©tait prĂšs de 19H. Comme la veille, pour dĂ©buter cette journĂ©e qui allait se terminer vers 20h, je m’étais levĂ© Ă  5h50. Et, jusque lĂ , tout s’était bien passĂ© avec l’ensemble des personnes et des situations rencontrĂ©es.

 

AprĂšs avoir dit ça, je suis restĂ© lĂ , sur le seuil. Il Ă©tait seul, assis derriĂšre son bureau. Il n’avait pas l’air occupĂ©. Quelques jours plus tĂŽt, lors de notre premiĂšre rencontre oĂč il avait optĂ© pour garder son masque alors que je dĂ©jeunais, ça s’était passĂ© de façon dĂ©tendue. J’avais fait de l’humour Ă  propos de son refus de se dĂ©couvrir. J’avais mentionnĂ© l’importance de prĂ©server sa pudeur. Il l’avait bien pris.

 

Il a commencĂ© Ă  m’expliquer plutĂŽt sĂ©rieusement qu’il s’était laissĂ© pousser la moustache. C’était comme une sorte de confession que je ne demandais pas. J’ai compris qu’il n’était pas trĂšs satisfait du rĂ©sultat. Mais qu’il avait fait de son mieux. Et puis, il a tiquĂ© sur le terme : « Tu ressembles Ă  ça ?! Â». J’ai aussitĂŽt rĂ©cupĂ©rĂ© toutes mes annĂ©es. Je n’avais pas dix ans. J’étais dans mon nouvel emploi depuis Ă  peine un mois. Et, j’y faisais connaissance avec un nouvel environnement ainsi qu’avec une bonne cinquantaine de nouvelles et de nouveaux collĂšgues. DĂšs les dĂ©buts, j’avais dĂ©jĂ  entendu parler de Radio Langue de pute, qui, ici, Ă©mettait sur bien des frĂ©quences comme partout. Sauf qu’ici, les frĂ©quences affleuraient davantage au grand jour. Le matin, un collĂšgue qui terminait sa nuit, proche de la retraite, que je croisais pour la premiĂšre fois, m’avait dit avec le sourire :

 

« J’ai entendu parler de toi. Tu verras, ici, c’est une petite famille
. (sous-entendu : tout se sait rapidement et les ragots sont fournis avec le wifi et la fibre optique intĂ©grĂ©s) Â».

 

Debout, de l’autre cĂŽtĂ© du bureau de ce nouveau collĂšgue, je l’ai regardĂ© buter sur ce que je venais de dire. Nos propos peuvent ĂȘtre bilingues ou trilingues. Mais il Ă©tait trop tard pour que je me reprenne. Ni lui ni moi n’avions dix ans. Je savais pertinemment qu’isolĂ© et pris au pied de la lettre, le terme « Ă§a Â» pouvait ĂȘtre dĂ©gradant. Mais ce n’était pas mon intention en disant « Ă§a Â». Et le contexte avait aussi son importance :

 

Hormis nos proches et celles et ceux que nous connaissions dĂ©jĂ  avant la pandĂ©mie du covid et l’épopĂ©e des masques que nous vivons depuis plusieurs mois, notre cerveau compose une certaine image avec le peu que nous voyons du visage des autres. Le dĂ©calage est frĂ©quent mais il nous apprend quelque chose sur notre perception- imparfaite-  et immĂ©diate de notre environnement.  Et ce n’est pas une histoire de manque d’intĂ©rĂȘt.

 

Un peu plus tĂŽt, ce jour-lĂ , je crois, alors qu’elle dĂ©jeunait, j’avais vu de profil une personne que j’avais vue jusque lĂ  seulement de face. Mais que je connaissais uniquement porteuse d’un masque. En la voyant dĂ©masquĂ©e pour la premiĂšre fois alors qu’elle mangeait devant moi, je m’étais demandĂ© si c’était bien la mĂȘme personne. Alors que je savais que c’était  elle ! Je pensais, pourtant, l’avoir plus d’une fois plus que que bien regardĂ©e :

 

Je l’avais rencontrĂ©e lors de mes trois entretiens de prĂ©-embauche, elle comme moi portant notre masque.  Je la trouvais plutĂŽt sympathique. Elle Ă©tait dĂ©sormais ma supĂ©rieure hiĂ©rarchique en chef.

 

 

Mais impossible de parler de ça Ă  mon nouveau collĂšgue. J’étais trop imbibĂ© par ce qui Ă©tait en train de se dĂ©rouler. D’autant qu’à deux reprises, pour essayer de dĂ©samorcer le malentendu, j’avais baissĂ© mon propre masque et lui avais dit avec le sourire :

 

« Moi, je ressemble Ă  ça ! Â».

 

 A le voir continuer de rĂ©gurgiter ma phrase « Tu ressembles Ă  ça ?! Â», je me suis dit :

 

Soit cet homme, toute sa vie durant, a aspirĂ© Ă  s’élever socialement.

Soit, malgrĂ© son envergure, il a toujours eu une mauvaise image de lui. Et moi, le « jeune Â» nouveau  collĂšgue, en moins de dix secondes, j’avais Ă©crabouillĂ© tout ça.

 

 

Je n’avais pas rĂȘvĂ© de lui  par la suite. Mais j’allais savoir assez vite lorsque je retournerais au travail si Radio Langue de pute avait lancĂ© un avis de recherche Ă  mon sujet. Ou si une vendetta Ă©tait en cours me concernant.

 

Des histoires de vengeance peuvent se décider pour bien moins que ça.

 

Franck Unimon, ce mardi 9 février 2021.

 

 

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Faire son marché

 

 

                                                   Faire son marchĂ©

 

 

Lorsque l’on est assurĂ© d’avoir le ventre plein, on peut trouver plus sĂ©duisant que l’étalage d’un stand de marchĂ© derriĂšre des bĂąches en plastique.

 

En 1960, sur le marchĂ© d’HĂ©loĂŻse  de la ville d’Argenteuil, il y avait des moutons, des chĂšvres, de la volaille. Et une brocante.

 

C
, agriculteur et producteur, Ă©tait prĂ©sent. C’était avant l’édification de la salle des fĂȘtes Jean Vilar aujourd’hui plus ou moins menacĂ©e de destruction selon les divers projets hĂŽteliers – de luxe- et commerciaux du maire, Georges Mothron. Afin, officiellement, de tenter d’augmenter l’attractivitĂ© de la ville.

 

C
est le le doyen des commerçants. Il me raconte un peu avant tout ça.  Il y a deux ans maintenant, Ă  peu prĂšs, je le lui avais demandĂ©. Il avait acceptĂ© Ă  condition de ne pas faire de politique.  Puis, c’était moi, le jeune, qui, comme tous les jeunes, avait dĂ©laissĂ© ce qui lui avait prĂ©existĂ©.  J’avais toujours trouvĂ© mieux Ă  vivre, Ă  Ă©crire ou Ă  faire ailleurs.

 

En revenant quelques fois sur le marchĂ©, je venais lui dire bonjour et lui rappeler que je reviendrais. Comme une bouchĂ©e de politesse qu’on adresse Ă  quelqu’un pour le faire patienter au bord d’une piste de danse. Alors que cette personne ne nous a rien demandĂ©. Alors que l’on se croit le gardien de l’éternitĂ©. Mais on n’est jamais rien d’autre que le plus grand gardien de nos infirmitĂ©s.

 

Puis, du temps est passĂ©. J’ai arrĂȘtĂ© de venir sur le marchĂ©. Ensuite, il y a eu cette mĂȘlĂ©e -ou cette Ă©pidĂ©mie- qui, plus vite que la Junk food, a rempli nos assiettes et nos viscĂšres avec du mastic Ă  partir de mars 2020.  Toutes les pistes de danse se sont vidĂ©es. C’était l’annĂ©e derniĂšre.

 

Heureusement, C
a encore tout son temps et toute sa tĂȘte. Peut-ĂȘtre plus que beaucoup d’autres qui ont pourtant moins que ses 84 ans.

 

Il fait 0°C, ce dimanche 10 janvier 2021, lorsqu’enfin, j’honore ce que je m’étais dit Ă  moi-mĂȘme. J’arrive un peu avant 9 heures. J’aurais voulu venir plus tĂŽt. Il y aura davantage de monde Ă  partir de 10 heures.  C
lui, s’est levĂ© Ă  4h30 et est sur le marchĂ© depuis 6h30. Il partira Ă  13h30 et m’annonce :

 

« Ceux dehors partent Ă  15 heures Â».

 

Je lui demande : « Comment faites-vous avec le froid ? Â».

C
rigole : «  Comme tout le monde ! Â».

 

Il est aussi sur le marchĂ© d’Ermont deux fois par semaine. Ses fils ont leur stand sur les marchĂ©s de St Denis, Puteaux, sur le marchĂ© des BergĂšres Ă  Nanterre et aussi Ă  Paris. Il me fait les Ă©loges du marchĂ© des BergĂšres. C’est celui de mon enfance. Je n’y suis pas retournĂ© depuis des dĂ©cennies.  A cette Ă©poque, dans les annĂ©es 70, cette partie de Nanterre Ă©tait sĂ»rement plus populaire qu’aujourd’hui. Il m’invite Ă  y aller.

 

Sur le marchĂ© d’Argenteuil, il paie son abonnement 250 euros pour 15 jours. Pour l’instant, personne ne peut prendre sa succession car la mairie tient absolument Ă  trouver un producteur. Il y en a de moins en moins, m’affirme C. Il a connu le grand-oncle du maire d’Argenteuil actuel. Ce grand-oncle vendait des fruits et des lĂ©gumes. Tout comme le grand-pĂšre.

Le grand-oncle a vendu son corps de ferme Ă  Argenteuil puis est parti vivre dans le Vexin. Mothron, le maire actuel (prĂ©cĂ©demment dĂ©jĂ  Ă©dile plusieurs fois de la ville) n’a pas pris la suite de son grand-pĂšre et de son grand-oncle. Il est devenu ingĂ©nieur. Et maire.

Le neveu du maire, m’apprend C, vend du cafĂ© un peu plus loin, sur le marchĂ©.

 

Sur le marchĂ© d’Ermont, c’est diffĂ©rent. C a pris la suite de ses parents. Et, il tient Ă  « prolonger le plus longtemps possible Â».

 

Un habituĂ©, d’origine arabe, arrive. Il porte un liserĂ© de moustache. AprĂšs avoir saluĂ© C, il sort une bouteille dont il nous apprend la composition : de l’eau, du miel et des agrumes. Il dit en boire tous les jours :

« C’est ça, notre pharmacie ! Â» dĂ©clare-t’il en dĂ©signant les fruits vendus par C et la poissonnerie voisine. Il refusera de faire le vaccin anti-Covid quand il deviendra obligatoire ! Quitte Ă  rester chez lui !

 

C, avec un grand sourire tranquille, rĂ©pond : « Moi, je le ferai Â».

L’homme poursuit :

« J’ai plus de 60 ans. Je me porte bien
 Â».

C s’esclaffe et me prend Ă  tĂ©moin : «  Il est jeune ! Â».

 

Une femme d’origine antillaise passe rapidement devant le stand :

« Salut Papy ! Â».

« Salut, ma belle ! Â» rĂ©pond C.

 

AprĂšs avoir pris quelques fruits, le client argumente :

« Je suis mĂ©decin
.mĂȘme si je ne suis pas reconnu Â» ajoute-il un peu Ă  voix baisse comme Ă  lui-mĂȘme.

 

J’avais oubliĂ© toute cette dramaturgie que l’on peut obtenir dans un marchĂ©. Il suffit de s’y promener.

 

J’ai bien sĂ»r pris des fruits Ă  C. Des pommes, des poires, des kakis. Et je l’ai remerciĂ©. Il a acceptĂ© facilement que je prenne son stand en photo. Mais quand j’ai parlĂ© de le photographier, il a disparu. Au point que je me demande si je l’ai inventĂ©. Et aussi, si c’est bien lui qui m’a laissĂ© ce texte :

 

                                                      Vols ancrĂ©s

 

MĂȘme si ce sont souvent les mĂȘmes, nos pensĂ©es sont des milliers d’oiseaux qui en enfantent d’autres. Il faut apprendre Ă  regarder pour savoir, selon nos prioritĂ©s, sur lesquels s’appuyer pour s’orienter. Ils ne se valent pas tous. Certains sont des leurres. D’autres, des impasses. Mais ils proviennent tous de nos cages et cherchent tous Ă  retrouver l’atmosphĂšre oĂč ils Ă©taient avant de nous rencontrer. Car nous les avons capturĂ©s. Nous avons besoin de nos pensĂ©es comme des oiseaux car ils savent toujours oĂč se trouve le ciel. Et nous, sans eux, nous ne savons pas.

 

Ecrire, c’est dĂ©placer nos cages. C’est plonger dans la page certains oiseaux plutĂŽt que d’autres et permettre Ă  d’autres,  qui les regardent et les Ă©coutent, de trouver leur direction et, peut-ĂȘtre, de trouer certaines interdictions qui les clouaient Ă  l’impuissance.

Photo prise devant le conservatoire d’Argenteuil, ce lundi 25 janvier 2021.

 

 

Franck Unimon, ce mercredi 27 janvier 2021.  

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Sur le marché de Dieu

Le marchĂ© d’Argenteuil, Boulevard d’HĂ©loĂŻse, ce vendredi 8 janvier 2021.

 

Sur le marchĂ© de Dieu                                                  

 

« Certains estiment avoir Ă©tĂ© secourus parce qu’ils ont Ă©tĂ© Ă©lus.

D’autres estiment avoir le droit de tuer parce qu’ils ont Ă©tĂ© Ă©lus.

MoralitĂ© : Dieu nous sauvera tous ».

 

Hier matin, j’avais quittĂ© ce dĂ©lirium trĂšs mince ainsi que ma colĂšre envers Dieu et certains de ses adeptes, lorsqu’à l’entrĂ©e de l’école de ma fille, je me suis adressĂ© au directeur.

Celui-ci m’a rĂ©pondu qu’il partageait  mon inquiĂ©tude. Les absences rĂ©pĂ©tĂ©es de la maitresse depuis la rentrĂ©e au mois de septembre ne lui permettaient pas, jusqu’alors, de « visibilitĂ© Â». Mais, celle-ci Ă©tant dĂ©sormais officiellement en congĂ©, depuis ce mois de janvier, du fait de sa grossesse, il allait pouvoir vĂ©ritablement faire les dĂ©marches.  Pour obtenir une remplaçante ou un remplaçant attitrĂ© (e). Mais, impossible pour lui de savoir quand cette remplaçante ou ce remplaçant arriverait.

 

Il m’a conseillĂ© de me rendre sur le site du CNED, en accĂšs libre, afin de trouver des cours en rapport avec la scolaritĂ© de ma fille. Tout en reconnaissant que cela ne vaudrait pas la prĂ©sence d’une maitresse ou d’un maitre. Il a ajoutĂ© que si la nomination d’une remplaçante ou d’un remplaçant traĂźnait, qu’il solliciterait l’association des parents d’élĂšves ou FCPE dont il se trouve que je suis un des membres intermittents.

 

MalgrĂ© ses Ă©lĂ©ments de langage, j’ai cru en la sincĂ©ritĂ© du nouveau directeur de l’école publique oĂč ma fille est scolarisĂ©e. Croisant la maitresse de l’annĂ©e derniĂšre de ma fille, nous nous sommes mutuellement adressĂ©s nos vƓux de bonne annĂ©e. Celle-ci m’a dit qu’elle espĂ©rait vraiment qu’il y aurait une remplaçante ou un remplaçant pour la classe de ma fille.

 

AprÚs ça, je me suis rendu dans mon service, à Paris, à quarante cinq minutes de là en transports en commun. Pour mon pot de départ. Dans quelques jours, je commencerai dans un nouvel établissement.

J’étais en retard Ă  mon pot de dĂ©part mais j’ai choisi de prendre mon temps.  Au lieu de dĂ©buter Ă  10h comme je l’avais annoncĂ©, mon pot a plutĂŽt dĂ©butĂ© vers 10h50. Il devait se terminer pour midi.

 

En raison des mesures sanitaires dues Ă  la pandĂ©mie, nous Ă©tions un nombre limitĂ© de personnes dans la salle Ă  manger du service. Pas plus de quinze. Cela n’avait rien Ă  voir avec ces pots de dĂ©part d’ Â« avant Â», oĂč nous pouvions ĂȘtre une quarantaine ou beaucoup plus dans une mĂȘme salle et sans masques. Mais, alors, que courent angoisse et polĂ©miques Ă  propos de la nĂ©cessitĂ© –ou non- de la vaccination anti-covid, ce pot de dĂ©part, mĂȘme s’il signifiait la fin de mon histoire dans ce « pays Â» qu’ a Ă©tĂ© ce service, Ă©tait pour moi capital.  Dans ce contexte oĂč nos peurs deviennent nos plus vibrantes ambitions, ou nos nouveaux extrĂ©mismes, tout moment de rĂ©jouissance, en respectant les gestes barriĂšres, est un acte de rĂ©sistance. Je crois que dans toute Ă©preuve, les fĂȘtes et les pĂ©riodes de pause permettent- en prenant  certaines prĂ©cautions- de passer des caps difficiles. Cela peut nĂ©cessiter parfois de l’entraĂźnement ou de devoir produire certains efforts pour s’obliger Ă  continuer de vivre alors que notre premier rĂ©flexe- ou notre humeur- serait d’attendre dans un coin. 

 

A chaque fin d’annĂ©e, nous achetons des objets de « bonheur Â». Nous en offrons par affection. Mais nous en offrons aussi par obligation. 

Mon Ăąge ou le corona circus fait que les cadeaux qui m’ont le plus portĂ© pendant mon pot de dĂ©part- et aussi en dehors de lui- ont d’abord Ă©tĂ© ces collĂšgues prĂ©sents, leurs regards, leurs sourires, leurs rires ainsi que leurs mots en public ou en apartĂ©.

 

Je suis revenu le soir pour dire au revoir Ă  d’autres collĂšgues. A nouveau, des moments qui comptent. MĂȘme si j’étais fatiguĂ© en rentrant chez moi, pendant les horaires du couvre-feu. A la gare St-Lazare, en attendant l’affichage de la voie de mon train de 23h43, il y avait pratiquement autant voire plus d’agents de sĂ©curitĂ© que de « voyageurs Â».  Je me suis partiellement endormi dans le train comme d’autres fois. Mais je me suis rĂ©veillĂ© au bon endroit et au bon moment.

 

Ce matin, aprĂšs avoir emmenĂ© Ă  nouveau ma fille Ă  l’école, je suis retournĂ© au marchĂ© d’Argenteuil.  Pour la premiĂšre fois depuis le premier confinement de mi-mars 2020. Dehors, il faisait un degrĂ© celsius. 

Sur le marchĂ© d’Argenteuil, Bd HĂ©loĂŻse, ce vendredi 8 janvier 2021.

 

 

J’ai Ă©tĂ© content de le revoir. Lui, le doyen du marchĂ©, avec ses plus de 80 ans. Il connaĂźt le marchĂ© d’Argenteuil depuis environ cinquante ans. Il y a bientĂŽt deux ans maintenant, je lui avais dit que je reviendrais l’interroger. Pour mon blog. Il avait acceptĂ©. Mais je ne l’avais pas fait. Nous avons pris rendez-vous pour ce dimanche oĂč il sera sur le marchĂ© Ă  partir de 6h30.

 

Devant la poissonnerie, une femme m’a interpellĂ©, tout sourire. Je l’avais connue quelques annĂ©es plus tĂŽt Ă  l’atelier d’écriture animĂ© Ă  la mĂ©diathĂšque d’Argenteuil. Il Ă©tait arrivĂ© de nous recroiser par la suite dans la ville. Avec son masque sur le visage, je ne l’avais pas reconnue. InfirmiĂšre anesthĂ©siste Ă  la retraite, elle m’a appris continuer de faire quelques vacations Ă  l’hĂŽpital d’Ermont. Elle avait pris sa retraite aprĂšs quinze ans et quelques mois d’activitĂ© professionnelle aprĂšs avoir Ă©tĂ© maman trois fois.

Elle m’a expliquĂ©, un peu ironique, que son nombre de vacations Ă©tait limitĂ©. Plus on a travaillĂ© en tant qu’infirmiĂšre durant sa carriĂšre et plus on peut faire de vacations, une fois Ă  la retraite. Elle se trouve dans la situation inverse.

 

Elle m’a dit que les noix de st Jacques se congelaient trĂšs bien. Qu’elle les faisait dĂ©congeler dans du lait de vache et un peu d’eau, la veille pour le lendemain.

 

Plus loin, la commerçante Ă  qui j’achetais des pains aux dattes ainsi que des Msemen m’a appris que son pĂšre Ă©tait dĂ©cĂ©dĂ© en avril. Il avait 75 ans. Elle m’a prĂ©cisĂ© qu’il n’était pas mort du coronavirus. Avant de mourir, celui-ci lui a dit de continuer son commerce :

 

« MĂȘme si c’est un euro, gagne-le avec ton travail Â». Je voyais bien qui Ă©tait son pĂšre, assez souvent lĂ , avec deux de ses frĂšres et, quelques fois, une de ses jeunes sƓurs.

 

Trente ans qu’elle est lĂ . Je me souviens que deux ou trois ans plus tĂŽt, elle m’avait expliquĂ© comme le froid lui rentrait dedans alors qu’elle travaillait sur le marchĂ©. Je lui avais conseillĂ© de se procurer l’équivalent d’une polaire. Elle m’avait Ă©coutĂ© avec attention. Mais je doute qu’elle n’ait fait le dĂ©placement pour s’acheter le vĂȘtement en question.

 

La dame qui faisait les Msemen et les pains aux dattes a arrĂȘtĂ©. C’était dĂ©jĂ  le cas avant la pandĂ©mie.  Je m’étais dĂ©placĂ© une ou deux fois en vain jusqu’au marchĂ©.

La pĂątissiĂšre,  ĂągĂ©e de 66 ans, que je n’ai jamais vue, a des problĂšmes de santĂ© avec son bras. Notre «virtuose Â» des pains aux dattes et des Msemen, ai-je appris ce matin, les faisait bĂ©nĂ©volement, sans rien dire. Pour aider des pauvres. L’argent donnĂ© pour acheter ses pains aux dattes et ses Msemen permettait d’aider des pauvres.

 

Sur le marchĂ©, d’autres personnes font aussi des Msemen continue la commerçante, qui vend aussi du pain et des croissants, mais ce n’est pas fait de façon traditionnelle et c’est moins bon. J’acquiesce.

 

Avant de la quitter, elle me demande si ça va bien pour moi. Ma famille. Si j’ai une famille. Et, elle me souhaite le meilleur et de prendre soin de moi, Inch Allah. Je pars en la saluant.

 

Alors que, mes courses contre moi, je me rapproche de l’avenue Gabriel PĂ©ri, je laisse passer un homme derriĂšre moi. Casquette type bĂ©ret, baskets Nike, Jeans, manteau type redingote, l’homme Ă©lĂ©gant me remercie rapidement. Un sac de pain Ă  la main, il revient vraisemblablement aussi du marchĂ©. C’est alors que je vois sa silhouette s’éloigner devant moi que je crois le reconnaĂźtre.

Quelques annĂ©es plus tĂŽt, cet homme tenait une boulangerie-pĂątisserie, de l’autre cĂŽtĂ© de l’ avenue Gabriel PĂ©ri, quelques dizaines de mĂštres devant nous. Issu d’un milieu modeste peut-ĂȘtre de la ville d’Argenteuil oĂč il est sans doute nĂ© et a vĂ©cu bien plus longtemps que moi, il avait rĂ©ussi Ă  faire une Ă©cole dans la restauration plutĂŽt prestigieuse. Son portrait avait Ă©tĂ© fait dans le magazine local – gratuit- quelques mois aprĂšs l’ouverture de son commerce.

Je faisais partie de « ses Â» clients. Ses produits Ă©taient bons voire trĂšs bons. Pourtant, chaque fois que j’avais essayĂ© de nouer une forme de contact un peu personnel avec lui, il avait toujours esquivĂ©, mĂ©fiant. Etrange pour un commerçant qui a plutĂŽt intĂ©rĂȘt Ă  fidĂ©liser sa clientĂšle. Chez le marchand de primeurs du centre ville oĂč j’ai mes habitudes, et oĂč il avait les siennes, je l’avais vu, une fois, s’empiffrer comme un crevard, de quelques bouchĂ©es d’un fruit. Hilare, il avait Ă©tĂ© content de son coup. Comme celui qui, gamin, avait beaucoup manquĂ©. Sauf qu’il Ă©tait alors un commerçant respectĂ© et plutĂŽt en bons termes avec le marchand de primeurs.

 

A Argenteuil, le bail commercial de la premiĂšre annĂ©e est offert par la ville. A la fin de cette premiĂšre annĂ©e, « notre Â» boulanger-pĂątissier avait disparu. Un jour, on avait retrouvĂ© son commerce fermĂ©. Le marchand de primeurs m’avait appris que notre homme aurait Ă©tĂ© infidĂšle Ă  sa femme. Laquelle tenait rĂ©guliĂšrement la caisse.

Ce matin, alors que je marche derriĂšre notre homme, je le vois qui regarde une premiĂšre femme, de l’autre cĂŽtĂ© de la rue. Alors qu’il traverse le boulevard Gabriel PĂ©ri et s’arrĂȘte au milieu afin de laisser passer les voitures,  Ă  quelques mĂštres, sur sa droite, une femme lui fait face. Nouveau regard trĂšs concernĂ© de notre boulanger-pĂątissier.

 

Il m’arrive aussi de regarder les femmes de façon aussi pavlovienne. Mais je repense Ă  l’historique de       « notre Â» homme.  A la façon dont il a coulĂ© sa propre entreprise -qui ne demandait qu’à marcher- pour s’enfuir.  Puis, pour rĂ©apparaĂźtre plus tard dans la ville, incognito, comme s’il lui Ă©tait impossible de s’en dissocier. Tout ça, pour mater comme un affamĂ© ou un mendiant la moindre femme qu’il aperçoit. PrĂ©fĂ©rer les miettes Ă  un festin. PrĂ©fĂ©rer les oubliettes Ă  un destin…. Je me dis que cela est pour lui une addiction. On ne peut pas bien nourrir les autres avec sa boulangerie et sa pĂątisserie si l’on pĂ©trit en soi -en permanence- un gouffre. 

 

Pourtant, il a une belle allure et marche bien plus vite que moi. A cause de mon masque et de mon souffle, j’ai de la buĂ©e sur mes lunettes. Je ne fais donc que l’apercevoir pour la derniĂšre fois avant qu’il n’entre dans un immeuble qui borde le boulevard Gabriel PĂ©ri oĂč se trouvait son commerce.  Je ne peux pas affirmer que c’était vĂ©ritablement lui. Cependant, Dieu, lui,  n’a jamais de buĂ©e devant les yeux. Et, il le sauvera aussi.

Sur le marchĂ© d’Argenteuil, Bd HĂ©loĂŻse, ce vendredi 8 janvier 2021.

 

Franck Unimon, ce vendredi 8 janvier 2020.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Le changement

 

                                                         Le Changement

 

 Â« Ellen MacArthur, dans le VendĂ©e Globe, c’est 200 000 euros de facture tĂ©lĂ©phonique ». Dans cette phrase laconique (son livre Olivier de Kersauson- Le Monde comme il me parle ), Olivier de Kersauson, « mon Â» Bernard Lavilliers des ocĂ©ans, rĂ©sumait l’évolution matĂ©rielle des conditions de navigation lors du VendĂ©e Globe. Course maritime qui se tient encore en ce moment. Evolution confirmĂ©e par le navigateur Fabrice Amedeo qui, ce 11 dĂ©cembre dernier, a dĂ» abandonner la course aprĂšs que son systĂšme informatique de bord ait lĂąchĂ© en pleine mer.

 

PeinĂ© d’avoir dĂ» abandonner, Fabrice Amedeo a nĂ©anmoins expliquĂ© que «  Tabarly doit sans doute se retourner dans sa tombe Â» au vu de la dĂ©pendance aux ordinateurs de plusieurs des participants du VendĂ©e Globe. Amedeo a ajoutĂ© qu’il aurait pu continuer « Ă  l’ancienne Â». Mais que sans l’assistance de ses ordinateurs de bord, son bateau serait devenu «  diabolique Â».

Je crois que son ami Yannick Bestaven, actuellement en tĂȘte, peut gagner le VendĂ©e Globe. Lorsque Charlie Dalin Â«Â menait » la course , j’avais Ă©tĂ© marquĂ© par la tranquillitĂ© de Bestaven, alors qu’il Ă©tait sur une mer agitĂ©e. Mais aussi par sa façon de rassurer- tel un bercement- quant au fait que le bateau se portait bien. Plus tard, j’avais appris qu’il avait dĂ» attendre 12 ans pour participer Ă  nouveau Ă  la course du VendĂ©e Globe. Je crois voir en Bestaven un certain croisement du nouveau et de l’ancien monde dans le domaine de la navigation plus que chez Charlie Dalin. Un peu comme s’il Ă©tait « entre » un Jean Le Cam et un Charlie Dalin.  

 

Dans mon article sur le livre ( il en a Ă©crit d’autres) de Kersauson, Le Monde comme il me parle, je n’avais pas citĂ© cette phrase Ă  propos d’Ellen MacArthur. Car, pour ironique ou vacharde que soit cette formulation selon moi assez « Kersausonienne Â», j’admire toutes ces personnes que je viens de citer. D’Ellen MacArthur Ă  Fabrice Amedeo. En incluant Kersauson Ă©videmment. Je n’oublie pas qu’avant de devenir une navigatrice reconnue, MacArthur avait Ă©tĂ© une jeune femme. Et, qu’Ă  16 ou 17 ans, seule sur son bateau ( Kersauson l’ignore peut-ĂȘtre ou l’a peut-ĂȘtre oubliĂ©)  elle avait tournĂ© le dos Ă  un certain conformisme. Conformisme dans lequel, pour ma part, j’Ă©tais devenu de plus en plus performant. Alors que j’affirmais m’en Ă©loigner. Ce qui est pire. 

 

Devant mon « indulgence », pour les navigateurs actuels « aidĂ©s » par la technologie, on pourra penser que je ne me mouille pas. Que je suis « mou Â» du genou. Ou que je manque d’aplomb pour parler proprement. De mon cĂŽtĂ©, systĂšme informatique ou pas, si je « donne Â» Ă  Kersauson et aux autres anciens une dimension a priori plus imposante qu’aux navigateurs actuels dans le VendĂ©e Globe, cette Ă©preuve reste nĂ©anmoins hors de portĂ©e de l’individu ordinaire et lunaire. Hors de ma portĂ©e en tout cas.

Car il s’agit toujours de rĂ©aliser un tour du Monde en solitaire sur un bateau avec tous les risques que les vagues, les vents, les courants, l’environnement et l’épuisement produisent et imposent. De jour comme de nuit. Avec pour seuls pouls et seuls rĂ©conforts, la peau, les os, les muscles et ce que l’on a dans la tĂȘte. C’est d’abord la femme et l’homme sur le bateau qui dĂ©cide de quitter le port. Et de poursuivre la mer.  Aucun systĂšme informatique ou tĂ©lĂ©phonique aussi ergonomique soit-il, Ă  moins d’ĂȘtre kidnappĂ©, distrait  ou endormi au moment du dĂ©part du bateau, ne prendra cette dĂ©cision.

On a sans doute pu s’émerveiller, bien tranquillement chez soi, du sauvetage de Kevin Escoffier par Jean Le Cam comme si le scĂ©nario avait Ă©tĂ© Ă©crit Ă  l’avance. Et penser ou croire que ce sauvetage avait Ă©tĂ© une formalitĂ©. Vu qu’il a Ă©tĂ© « rĂ©ussi Â» et que, depuis, Jean Le Cam, a repris sa route.  On est souvent trĂšs inspirĂ© pour banaliser rapidement ce qui a Ă©tĂ© rĂ©ussi. Et pour ensuite « passer Ă  autre chose Â».

 

Lorsque je le pourrai, je relirai et regarderai à nouveau le récit de ce sauvetage en mer.

 

On peut aussi envier ces participantes et ces participants devant le spectacle de cette libertĂ© dont ils nous envoient rĂ©guliĂšrement- grĂące aux innovations technologiques- l’image et le son. LibertĂ© qui contraste encore plus que d’habitude avec nos vies du fait de nos moeurs doublement confinĂ©es pour raisons sanitaires.   

On peut aussi reprocher Ă  ces aventuriers d’ĂȘtre plus ou moins les complices- ou les ouvriers- sponsorisĂ©s d’une certaine sociĂ©tĂ© spectacle qui fait de nous des ĂȘtres de plus en plus passifs, soumis, et rapidement adeptes du premier anxiolytique; du premier antalgique; ou du premier programme venu au moindre inconfort.

Mais je « plains Â» aussi ces marins- femmes et hommes- lorsque je pense Ă  leur retour au bercail. Lorsqu’elles et ils devront tenir sur terre en rĂ©duisant de nouveau leurs empreintes aux cendres et aux confettis d’une vie « ordinaire Â». Car il faut bien une certaine force surhumaine pour rester Ă  l’endroit et endurer une vie quotidienne qui nous entraĂźne rĂ©guliĂšrement, et assez facilement, Ă  partir de travers.  

En attendant, ces chemins qu’ont pris et prennent ces femmes et ces hommes sur leur bateau restent des horizons dĂ©goupillĂ©s. Aujourd’hui ou demain, on ne sait pas ce qui peut en sortir. Un accident,  un imprĂ©vu. Tout peut survenir. Le naufrage ou l’Ă©tat de grĂące. Peu importe la beautĂ© des photos ou des vidĂ©os envoyĂ©es antĂ©rieurement. Peu importe la « noblesse Â», « l’intelligence Â», « l’expĂ©rience Â», « la vaillance Â» ou le « courage Â» de celle ou celui qui se retrouvera en Ă©tat de faiblesse convoquĂ© par ses derniĂšres limites. Elle ou il remplacera alors le chaĂźnon manquant entre la parole et le silence.

C’est pour beaucoup la peur d’une disparition effrayante, et solitaire, qui nous fait accepter 365 jours sur 365, une certaine vie plus terre Ă  terre, routiniĂšre, sĂ©curisante. En grappillant, aprĂšs en avoir demandĂ© l’autorisation, ça et lĂ , quelques « sorties Â» destinĂ©es Ă  nous permettre de nous « vider la tĂȘte Â». Pour ensuite recommencer Ă  la remplir avec diverses pollutions.

SystĂšme informatique performant ou non, la peur d’une mort imposĂ©e a peu changĂ©. Hormis peut-ĂȘtre sa prĂ©sentation.

Il y a quelques mois, Mi-Mars, lors du premier confinement dĂ» au Covid, Ă©tait considĂ©rĂ©e comme naĂŻve , ou le crĂąne portĂ© par la cocaĂŻne, toute personne pensant que le Monde allait changer. Aujourd’hui, neuf mois plus tard,  il est sans doute plus facile de s’apercevoir que le Monde a changĂ©. Et qu’il va continuer de changer du fait de la pandĂ©mie du Covid. Comme il avait dĂ©jĂ  changĂ© aprĂšs d’autres Ă©vĂ©nements. Qu’il s’agisse d’attentats ou d’autres catastrophes marquantes ici et ailleurs. Mais le changement, mĂȘme s’il s’affirme, peut ĂȘtre moins perceptible que lorsqu’une navigatrice ou un navigateur, en pleine mer, cesse d’émettre pour disparaĂźtre.

 

On s’habitue et on s’adapte aussi plus ou moins au changement. Pour l’instant, cela me fait tout drĂŽle, lorsque je vais consulter mon « ethno-mĂ©decin Â», spĂ©cialisĂ©e en mĂ©decine chinoise, de pouvoir payer par avance par virement. J’ai encore l’impression, si je le faisais, que mon argent partirait directement sur un compte occulte dans les Ăźles CaĂŻman. En la payant Ă  chaque fois en espĂšces, j’ai l’impression d’ĂȘtre un mafieux qui blanchit de l’argent ou d’ĂȘtre un homme qui la drague et qui veut lui en mettre plein la vue avec ses- petits- billets de banque.

Cela reste étonnant de recevoir ses prescriptions par mail.

Cela me fait encore un peu drĂŽle de prendre certains rendez-vous mĂ©dicaux sur le net sans passer par une personne «rĂ©elle Â» que j’ai d’abord au bout du fil.

Je suis encore dĂ©concertĂ© de n’avoir jamais rencontrĂ© la conseillĂšre en gestion de patrimoine qui nous a pourtant permis de renĂ©gocier- l’an passĂ©- le rachat de notre prĂȘt immobilier. Je ne lui ai parlĂ© qu’une fois directement au tĂ©lĂ©phone. Ensuite, tout s’est fait exclusivement par mails. Chaque fois que je l’appelle, je tombe systĂ©matiquement sur son rĂ©pondeur. Elle me rappelle ensuite et me laisse un message. Mais elle me rĂ©pond surtout par mails. Je vais finir par croire qu’elle m’évite ou qu’elle est un logiciel.

A cĂŽtĂ© de ces expĂ©riences de « vie Â» de plus en plus dĂ©matĂ©rialisĂ©es ou « augmentĂ©es Â», il reste encore possible de faire des rencontres en « direct Â». Mais, peut-ĂȘtre qu’un jour, il sera devenu normal de dire : 

«  Ma relation avec untel, c’est 25 millions de sms. Donc, c’est une relation qui a comptĂ©. Par contre, untel,  10 millions de sms, c’était juste une relation de boulot. Et, lui, 75 000 sms. Une relation de politesse ! Juste bonjour, au-revoir Â».

Pour terminer cet article, un petit jeu en laissant la parole Ă  quatre anciens. A vous d’attribuer le bon auteur aux affirmations suivantes :

 » Il ne faut jamais se laisser emmener par les Ă©lĂ©ments, il faut aller « avec », il faut tenter de les accompagner et de les comprendre ». 

 » S’il arrive que tu tombes, apprends vite Ă  chevaucher ta chute. Que ta chute devienne cheval, pour continuer le voyage ». 

 » Pour avoir l’idĂ©e d’un mouvement, il faut le faire mille fois. Pour le connaĂźtre, il faut le rĂ©pĂ©ter dix mille fois. Et pour le possĂ©der, il faut l’accomplir cent mille fois ». 

 » La berceuse dĂ©mente des tempĂȘtes les balançait dans sa camisole de force« . 

 

( FrankĂ©tienne. Melville, extrait de son livre Moby Dick. Olivier de Kersauson. Un proverbe japonais ancien). 

 

Franck Unimon, Lundi 28 décembre 2020.

 

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L’Apparition

 

L’Apparition

 

 

J’étais trĂšs content de devoir aller dans une agence de l’opĂ©rateur Orange. Il fallait faire tester la livebox. Eventuellement en avoir une nouvelle qui marcherait mieux que celle que j’avais depuis des annĂ©es.

 

Et me faire tester aussi, peut-ĂȘtre. J’étais parfois saisi de microcoupures. Alors, j’avais du mal Ă  me connecter. Quand on me parlait, j’avais la parole vide. Cela devenait une idĂ©e fixe.

 

Au bout du fil, quelques jours plus tĂŽt, Anissa, la technicienne que j’avais contactĂ©e, avait fait son possible. Elle avait fait des tests Ă  distance. Pour conclure qu’il me fallait me rapprocher physiquement d’une agence de l’opĂ©rateur Orange. Celle de ma ville, et peut-ĂȘtre de ma vie, avait fermĂ© deux ou trois ans plus tĂŽt.

 

J’ai pris le train.

 

Cela m’a semblĂ© plus pratique d’aller Ă  l’agence d’OpĂ©ra. PrĂšs de l’OpĂ©ra Garnier. Internet et la tĂ©lĂ©phonie mobile cĂŽtoyaient la musique classique.  Nous habitons dans ces paradoxes en permanence. Et cela nous semble normal.

 

 

TrĂšs vite, en arrivant Ă  Paris, je me suis retrouvĂ© dans les dĂ©cors de NoĂ«l. Il y avait du monde dans les rues et devant les magasins. Les achats de NoĂ«l. C’était une seconde raison d’ĂȘtre content. Cette obligation de faire la fĂȘte sur commande. De faire des achats.

 

Impossible de changer de cerveau. Aussi, tout ce que je voulais, c’était que l’on me change ma livebox. Mais le manager m’a trĂšs vite contrariĂ©. Il m’a expliquĂ© qu’il me fallait un bon. La technicienne ne m’en avait pas fourni. Tout ce qu’il pouvait faire, c’était tester la livebox. Il m’a demandĂ© de patienter. Cela pouvait prendre cinq ou dix minutes.

 

Nous Ă©tions dans un sous-sol sans fenĂȘtres et surchauffĂ©. Un Ă©clairage veillait Ă  simuler la lumiĂšre du jour mais elle Ă©chouait Ă  faire oublier notre enfermement. Enfermement auquel les  employĂ©s semblaient indiffĂ©rents. Quelques ordinateurs, quelques stands, l’esprit d’équipe et une fonction dĂ©finie pour quelques heures suffisaient pour oublier.

Moi, je n’oubliais pas. J’avais dĂ» me dĂ©placer.

 

Je suis reparti avec ma livebox. Elle marchait trĂšs bien. Le manager m’a remis le bordereau du test. Par geste commercial ou par diplomatie, il m’a remis une clĂ© 4 G wifi provisoire valable deux mois. Il m’en a expliquĂ© le fonctionnement trĂšs simple :

 

«  On allume lĂ  oĂč on Ă©teint Â».

 

La bonne nouvelle, c’est que j’avais peu attendu dans l’agence.

 

Dans une rue que je n’avais aucune raison de prendre dans ce sens vu qu’elle m’éloignait de la gare du retour, j’ai croisĂ© un homme.  Le magasin Le Printemps Ă©tait sur ma gauche de l’autre cĂŽtĂ© de la rue.

 

Plus petit que moi, l’homme avançait masquĂ© comme nous tous en cette pĂ©riode Covid. Il portait un catogan. Ce que j’ai perçu de son visage m’était familier. Le temps que son identitĂ© se forge dans mes pensĂ©es, il m’avait presque passĂ©. Je me suis retournĂ© et l’ai regardĂ© marcher. Ses jambes Ă©taient trĂšs arquĂ©es. Alors qu’il s’éloignait, j’ai imaginĂ© les moqueries, plus jeune, et une de ses phrases :

« J’ai eu une jeunesse un peu compliquĂ©e Â» qui laissait supposer qu’il avait dĂ» beaucoup se bagarrer, enfant.

 

Son sac sur le dos, un repas de l’enseigne PrĂȘt Ă  manger Ă  la main, le voilĂ  qui s’arrĂȘte Ă  cinquante mĂštres. Il a enlevĂ© son masque et commence Ă  boire Ă  la paille ce qui est peut-ĂȘtre une soupe. Je me rapproche.

 

Mon masque sur le visage, je le salue et lui demande :

 

« Vous ĂȘtes LĂ©o Tamaki ? Â». Mais avant mĂȘme qu’il ne me le confirme, je savais.

 

Je lui ai parlĂ© de son blog, de Jean-Pierre Vignau ( Arts Martiaux : un article inspirĂ© par Maitre Jean-Pierre Vignau). Il m’a Ă©coutĂ©. Je me demandais s’il Ă©tait encore dans son Ă©cole vu que j’avais cru comprendre qu’il Ă©tait souvent en voyage. Avec le sourire, il acquiesce concernant ses voyages frĂ©quents. Puis, me prĂ©cise qu’il est toujours prĂ©sent dans son Ă©cole qui se trouve «  Ă  quinze minutes Ă  pied d’ici Â». Qu’il espĂšre rouvrir en janvier.

 

Sa question arrive vite : «  Vous avez dĂ©jĂ  pratiquĂ© ? Â». «  J’ai pratiquĂ© un peu de judo Â».

Lorsque je lui parle de mes horaires de travail de nuit, je retrouve le tranchant de sa pensĂ©e telle que je l’ai perçue dans une vidĂ©o oĂč il est face Ă  Greg MMA. Mais aussi dans ses articles pour les magazines Yashima et Self& Dragon. C’est un homme qui rĂ©agit avant mĂȘme que l’on ait eu le temps de saisir les consĂ©quences de ce que l’on formule. On imagine facilement que c’est pareil en cas d’attaque.

 

L’échange est bref. Un moment, j’enlĂšve mon masque afin qu’il voie mon visage lorsque je me prĂ©sente. Je me dis souvent que cela doit ĂȘtre insolite de se faire aborder par un inconnu masquĂ©. Mais cela ne semble pas le dĂ©sarmer plus que ça. C’est une question de contexte et de tranquillitĂ© d’esprit peut-ĂȘtre. Nous sommes en plein jour, dans une grande avenue frĂ©quentĂ©e. Et, je suis venu calmement. Il y a quelques annĂ©es, assis dans un recoin de la rue de Lappe, en soirĂ©e, j’avais aperçu l’acteur Jalil Lespert qui passait avec ses deux enfants.  C’est un acteur dont j’aime beaucoup le jeu. Dont la carriĂšre est Ă©tonnamment discrĂšte. Je l’avais saluĂ© Ă  distance. Mais, Ă  sa façon de faire avancer ses enfants, j’avais compris que je l’avais surpris et un peu effrayĂ©. Ça m’a Ă©tonnĂ© d’apprendre rĂ©cemment que Jalil Lespert, le discret, vit dĂ©sormais une idylle avec Laeticia Halliday, la « veuve Â» de Johnny. Celle qui pleurait son « homme Â» il y a encore deux ans. Mais on a le droit de vivre.

 

LĂ©o Tamaki, c’est un autre monde que Johnny, Laeticia, Jalil Lespert et le cinĂ©ma. C’est le monde de l’AĂŻkido et des Arts martiaux. Les deux mondes peuvent se concilier : show « bises Â» et Arts Martiaux. Mais pour cela, dans le dĂ©sordre, il  faut avoir quelque chose de particulier qui rĂ©pond Ă  une nĂ©cessitĂ© voire des affinitĂ©s et, avant cela, des lieux de frĂ©quentation communs.

 

Franck Unimon, ce vendredi 18 décembre 2020.

 

 

 

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Corps d’Acier/ un livre de MaĂźtre Jean-Pierre Vignau

 

 

Corps d’Acier(La Force conquise La violence maĂźtrisĂ©e)un livre de J-Pierre Vignau

 

Les FĂȘtes de ce NoĂ«l 2020 se rapprochent. Comme chaque annĂ©e, nous achĂšterons des objets du bonheur que nous offrirons. Nous sommes souvent prĂȘts Ă  payer de notre personne pour celles et ceux que nous aimons. Et pas uniquement Ă  NoĂ«l.

 

La pandĂ©mie du Covid que nous connaissons depuis plusieurs mois, avec ses masques, ses restrictions, ses consĂ©quences sociĂ©tales, affectives, Ă©conomiques, culturelles et ses « feuilletons Â» concernant la course aux vaccins, leur fabrication et leur distribution, donne encore plus de poids Ă  ce que nous vivons de « bien Â» avec les autres.

 

Pourtant, le bonheur ne s’achùte pas.

 

« Avant Â», la vie Ă©tait plus dure. « Avant Â», les clavicules obnubilĂ©es par l’étape de ma survie ou de ma libertĂ© immĂ©diate, je n’aurais pas pu m’offrir le luxe de m’épancher sur mon clavier d’ordinateur.

 

Mais, aujourd’hui, un sourire comme une dĂ©coration de NoĂ«l peut aussi ĂȘtre le prĂ©liminaire d’un carnage futur.

 

Avant, comme aujourd’hui, cependant, le bonheur existe.

 

Parce-que le bonheur ne s’achùve pas.

 

La lecture aprĂšs la rencontre :

 

 

Sauf qu’en tant qu’adultes, nous sommes souvent coupables. Soit de ne pas assez nous mouvoir. Soit d’ĂȘtre forts d’un Pouvoir que nous ne savons pas voir.  De mal nous protĂ©ger et de mal protĂ©ger notre entourage et notre environnement. Comme de tenir de fausses promesses. Et lorsque nous agissons et prenons certaines dĂ©cisions, nous agissons souvent comme des enfants. Les fĂȘtes de NoĂ«l et d’autres rĂ©jouissances officielles nous permettent de l’oublier. Sans doute prĂ©fĂ©rons-nous croire que c’est seulement en ces circonstances que nous nous comportons comme des enfants
..

 

Le livre Corps d’Acier La Force Conquise La violence MaitrisĂ©e de jean-Pierre Vignau publiĂ© en 1984 m’a parlĂ© parce-que le « petit Â» Vignau nĂ© en 1945 a parlĂ© Ă  l’enfant que je suis restĂ©.

 

D’ailleurs, c’est souvent comme ça lorsque l’on rencontre quelqu’un. L’enfant qu’il est ou qu’il a Ă©tĂ© parle d’abord Ă  nos rĂȘves prĂšs de la frontiĂšre de notre squelette.

C’est instinctif. ViscĂ©ral. C’est seulement aprĂšs, lorsque c’est possible, que, nous, les « civilisĂ©s Â», laissons Ă  nos lĂšvres et Ă  nos oreilles le temps de parler et d’écouter.

Et, assez gĂ©nĂ©ralement, alors, on finit par se reconnaĂźtre un peu dans l’autre.

 

 

J’ai lu ce livre aprĂšs avoir rencontrĂ© et interviewĂ© Maitre ( ou Sensei) Jean-Pierre Vignau comme je l’ai racontĂ©. ( Arts Martiaux) A Toute Ă©preuve : une interview de Maitre Jean-Pierre Vigneau ) Puis, juste aprĂšs ce livre, j’ai lu son dernier ouvrage, paru en 2020, Construire sa lĂ©gende Croire en soi, ne rien lĂącher et aller jusqu’au bout, qu’il a acceptĂ© de me dĂ©dicacer.

 

 Chacun ses Maitres :

Certaines et certains trouveront leurs Maitresses et leurs Maitres dans l’exemple et le parcours de personnalitĂ©s diverses. Aya Nakamura, Camille Chamoux, Booba, Kylian MbappĂ©, Donald Trump, Nicolas Sarkozy, Lilian Thuram, Zinedine Zidane, Benoit Moitessier, Olivier de Kersauson, Alain Mabanckou, Samuel Jackson, Miles Davis, Denzel Washington, Krzysztof Kieslowski, Damso, Blanche Gardin, Laure Calamy, Frantz Fanon, Robert Loyson, Jacob Desvarieux, Danyel Waro, Ann O’Aro, Cheick Tidiane Seck, Tony Allen, Amadou HampatĂ© Ba, Tony Leung Chiu Wai…

 

Certaines des quelques personnes que je viens de citer ne font pas partie de mes rĂ©fĂ©rences mais elles le sont pour d’autres. Des artistes, des sportifs de haut niveau, des femmes et des hommes politiques
.

 

On peut aussi trouver ses Maitresses ou ses Maitres chez des Maitres d’Arts Martiaux.

 

Si je suis sĂ©duit et sensible au parcours de bien des « personnalitĂ©s Â» d’hier et d’aujourd’hui, comme Ă  celui de Maitres d’Arts martiaux, j’ai, je crois, assez vite- et toujours- fait une distinction entre le titre et la personne.

 

Je choisirai toujours d’abord, si j’en ai la possibilitĂ©, la personne qui me parle personnellement. Correctement. MĂȘme si elle est sĂ©vĂšre et exigeante. DĂšs l’instant oĂč elle ou il me semblera juste.

 

Et, cela, avant son titre ou ses titres. Pour moi, une Maitresse ou un Maitre, c’est aussi celle ou celui qui a vĂ©cu. Qui a traversĂ© des frontiĂšres. Qui a peut-ĂȘtre morflĂ©. Qui s’est aussi trompĂ©. Qui en est revenu. Qui s’en souvient. Qui peut faire corps. Et qui peut ĂȘtre disponible pour transmettre Ă  d’autres ce qu’il a compris, vĂ©cu. Afin que celles-ci et ceux-ci vivent mieux, comprennent, s’autonomisent ou souffrent moins.

 

DĂšs les premiĂšres pages de Corps d’acier,  on apprend que Jean-Pierre Vignau, placĂ© enfant Ă  l’assistance publique, a Ă©tĂ© le dernier mĂŽme Ă  trouver une famille d’accueil dans une ferme dans le Morvan.

 

Cette famille qui l’a alors acceptĂ©, ou interceptĂ©, c’était un peu la famille de la derniĂšre chance. Jean-Pierre Vignau Ă©tait le plus chĂ©tif du lot. Or, les familles d’accueil Ă©taient plutĂŽt portĂ©es sur les enfants d’apparence robuste pour aider dans les diverses tĂąches de la maison.

 

Vignau raconte comment, conscient que c’était sa derniĂšre chance, il accourt vers cette femme qu’il voit pour la premiĂšre fois pour plaider sa cause et la convaincre.

Il se rĂ©tame alors devant elle et le directeur, embarrassĂ©, de l’assistance publique. Pour se relever et se plaquer contre cette adulte inconnue et, quasiment, l’implorer de le prendre
.

 

 

Une fois adoptĂ© par cette femme, les ennuis mĂ©dicaux de Jean-Pierre Vignau s’amoncellent. Cirrhose du foie, problĂšmes pulmonaires, dĂ©calcification, colonne vertĂ©brale en dĂ©licatesse
. On est donc trĂšs loin du portrait de l’enfant « parfait Â» ou douĂ©.

 

La greffe prend entre Vignau et ses parents « nourriciers Â». Mais pas avec l’école. Il sera analphabĂšte jusqu’à ses 28 ans et apprendra Ă  lire en prison.

 

Lors de ma rencontre avec lui fin novembre chez lui, un demi-siĂšcle plus tard,  nous avons surtout parlĂ© d’Arts martiaux ;  un peu de son expĂ©rience de videur (durant huit ans). Et de son accident lors d’une de ses cascades qui lui a valu la pose d’une prothĂšse de hanche alors qu’il Ă©tait au sommet de sa forme physique.

Nous avons peu parlĂ© de son enfance. Pourtant, il est Ă©vident que celle-ci, de par les blessures qu’elle lui a infligĂ©es, mais aussi grĂące au bonheur connu prĂšs de ses parents nourriciers, l’a poussĂ© dans les bras de bien des expĂ©riences, bonnes et mauvaises, qu’il raconte dans son Corps d’acier.

 

Je n’ai aucune idĂ©e de ce que cela peut faire de lire d’abord Construire sa lĂ©gende, son dernier ouvrage. Mais en le lisant aprĂšs Corps d’acier, j’ai vu dans Construire sa lĂ©gende une forme de synthĂšse intellectualisĂ©e et actualisĂ©e de ce que l’on peut trouver, de façon « brute Â», dans Corps d’acier.

 

Construire sa lĂ©gende a Ă©tĂ© co-Ă©crit par Jean-Pierre Vignau et Jean-Pierre Leloup «  formateur en relations humaines en France et au Japon Â».

Jean-Pierre Leloup « anime des confĂ©rences sur le dĂ©veloppement personnel Â» nous apprend entre autres la quatriĂšme de couverture. L’ouvrage est plus rapide Ă  lire que Corps d’Acier et le complĂšte. Corps d’Acier, lui, compte plus de pages ( 231 contre 159) a Ă©tĂ© publiĂ© par les Ă©ditions Robert Laffont  dans la collection VĂ©cu.

 

Donc, avec Corps d’Acier, on a un rĂ©cit direct d’un certain nombre d’expĂ©riences de vie de Jean-Pierre Vignau ( Assistance publique, ses parents nourriciers, sa mĂšre, son beau-pĂšre, la dĂ©couverte des Arts Martiaux, son passĂ© d’apprenti charcutier, de serveur, de mercenaire en Afrique, son flirt avec le SAC de l’ExtrĂȘme droite etc
). Dans un climat social qui peut rappeler la France de Mesrine – qu’il ne cite pas- ou du mercenaire Bob Denard qu’il ne cite pas davantage. Mais aussi Ă  l’époque du PrĂ©sident ValĂ©ry Giscard D’estaing (PrĂ©sident de 1974 Ă  1981) dĂ©cĂ©dĂ© rĂ©cemment voire du PrĂ©sident Georges Pompidou qui l’avait prĂ©cĂ©dĂ©.

 

Cette Ă©poque peut sembler Ă©trangĂšre et trĂšs lointaine Ă  beaucoup. Et puis, on arrive Ă  des passages oĂč on se dit que, finalement, ce qui existait Ă  cette Ă©poque peut encore se retrouver aujourd’hui. Exemples :

 

Page 89 (sur son expérience de mercenaire)

 

« L’Afrique, je n’ai pas grand chose Ă  en dire (
.). J’étais lĂ  pour me battre, pour oublier, si c’était possible. Pour me lancer Ă  corps perdu dans des combats auxquels, politiquement, je ne comprenais rien mais dont la violence effacerait peut-ĂȘtre Claudine de ma mĂ©moire Â».

 

Page 90 :

«  La grande majoritĂ© des gars du camp cherchaient Ă  anĂ©antir leur peur par tous les moyens, surtout grĂące Ă  l’alcool. Parfois, c’était Ă  se demander pourquoi ils Ă©taient lĂ . 80% d’entre eux faisaient croire aux autres qu’ils Ă©taient lĂ  pour la paye. Les autres 20% Ă©taient lĂ , paraĂźt-il, pour « casser du NĂšgre Â». En rĂ©alitĂ© tous ces bonshommes qui Ă©taient loin d’ĂȘtre des « supermen Â», Ă©taient larguĂ©s dans cette jungle pour des motivations semblables aux miennes. C’est-Ă -dire qu’une femme les avait laissĂ©s tomber, leur femme, leur mĂšre, leur sƓur etc
Et par dĂ©pit, ils s’étaient embarquĂ©s, comme moi, dans cette galĂšre Â».

 

Sur sa violence au travers de son expĂ©rience de videur :

Page 173 :

 

« Donc, tous les soirs, bagarre (
 ) C’était le n’importe quoi intĂ©gral, dans cette ambiance bizarre de trois quatre heures du matin, dans cette jungle pas africaine du tout ».

 

«  Quelque chose ne tournait pas rond en moi, aussi (
.). Je sentais que je commençais Ă  prendre du plaisir Ă  taper sur les emmerdeurs. La violence accumulĂ©e toutes ces annĂ©es Â».

 

« Ces soirĂ©es oĂč je risquais ma vie pour que les noctambules puissent s’agiter tranquillement sur les pistes de danse Â».

 

« J’étais devenu une sorte de machine parfaitement rodĂ©e et huilĂ©e, toujours en progrĂšs. Une machine Ă  dĂ©molir. Une machine Ă  tuer. MĂȘme quand je dormais je ne rĂȘvais que de bagarres, coups, courses dans les rues de mes rĂȘves Â».

 

Jusqu’au jour oĂč un Ă©vĂ©nement « l’éveille Â» particuliĂšrement et l’amĂšne Ă  changer d’attitude.  (L’évĂ©nement est relatĂ© dans le livre). A partir de lĂ , la pacification de soi qui est au cƓur de la pratique des Arts Martiaux prend le dessus. Mais comme on le comprend en lisant Corps d’Acier, il a fallu que Jean-Pierre Vignau vive un certain nombre d’épreuves et d’expĂ©riences auxquelles il a survĂ©cu. Et, il lui a fallu beaucoup de travail effectuĂ© au travers des Arts Martiaux – qu’il dĂ©bute Ă  13 ou 14 ans- tel qu’il en parle, page 190.

 

 

L’importance de persĂ©vĂ©rer dans le travail sur soi :

Page 190 :

 

«  La deuxiĂšme forme de recherche, celle Ă  laquelle je consacre mon temps et ma vie, est une esthĂ©tique du mouvement. Ce qui amĂšne Ă  une forme de logique spirituelle. Pour obtenir un rĂ©sultat, il faut travailler, travailler encore et toujours. On forme donc son corps, son endurance et la volontĂ© de son esprit. Et, sans mĂȘme la chercher, on obtient l’efficacitĂ© Â».

 

Dans ce passage, Vignau explicite que la voie martiale est assez longue. C’est donc un mode de vie. La voie martiale est le contraire d’une mode, d’un spectacle, d’un raccourci vers le chaos comme une dictature, le banditisme ou le terrorisme par exemple.

 

Par manque de travail sur soi, nos existences peuvent facilement devenir stĂ©rĂ©otypĂ©es et stĂ©riles mĂȘme si nous avons l’impression de « faire quelque chose Â» ou d’ĂȘtre «  quelqu’un Â». Vignau le dit Ă  sa maniĂšre, page 192 :

 

« Ici, quand je m’entrainais, c’était uniquement pour moi et pas pour aller frapper les images parlantes qui viendraient «  foutre la merde Â» le soir dans les boites Â».

Conclusion :

Pour conclure, dans Construire sa lĂ©gende Croire en soi, ne rien lĂącher et aller jusqu’au bout, page 42, il y a ce passage :

 

« La rĂ©action aux situations stressantes sont de trois ordres : combat, fuite, blocage, respectivement 15%, 15%, 70 % chez l’individu lambda. Les policiers du RAID, par exemple, inversent ce rapport avec 70% pour la rĂ©action de combat. Appliquons cela Ă  Vignau Ă  travers quelques unes de ses expĂ©riences Â».

 

 

Dans Construire sa lĂ©gende, il est aussi prĂ©cisĂ© plusieurs fois qu’il est inutile d’essayer de ressembler Ă  Vignau. Ou Ă  un policier du RAID, d’abord sĂ©lectionnĂ© pour des aptitudes mentales, psychologiques et physiques particuliĂšres. Puis formĂ© et surentraĂźnĂ© Ă  diverses mĂ©thodes de combat.  Avec et sans armes.

 

Chacune et chacun fait comme il peut. Cependant, certaines personnes, sans faire partie du RAID, savent trĂšs bien combattre. Mamoudou Gassama, le jeune Malien sans papiers, qui, le 26 Mai 2018,  avait sauvĂ© le gamin accrochĂ© dans le vide Ă  un balcon d’immeuble dans le 18Ăšme, avait selon moi combattu. Sans pour autant faire partie du RAID. Et je ne sais mĂȘme pas s’il Ă©tait pratiquant d’Arts Martiaux.

Ce 26 Mai 2018, Mamoudou Gassama avait au moins combattu l’impuissance et l’inaction devant la chute prĂ©visible de l’enfant suspendu dans le vide. Mais aussi  certains prĂ©jugĂ©s sur les migrants sans papiers.

 

Mais seule une minoritĂ© de personnes est capable de rĂ©agir spontanĂ©ment comme l’avait fait Mamoudou Gassama en risquant sa vie ce jour-lĂ . D’ailleurs, il avait Ă©tĂ© le seul, parmi les « badauds Â» prĂ©sents, Ă  pratiquer l’escalade jusqu’au gamin. 

 

On peut trouver des Maitres, des coaches, des thĂ©rapeutes ou autres personnes de confiance et bienveillantes qui peuvent nous permettre d’inverser un peu ces pourcentages lors de situations stressantes dans notre vie quotidienne. Pas nĂ©cessairement lors d’un combat ou d’une agression dans la rue.

 

On peut aussi diversifier nos expĂ©riences pratiques et sportives dans des disciplines qui, a priori, nous effraient ou nous semblent inaccessibles. Et se dĂ©couvrir, avec de l’entraĂźnement, certaines aptitudes que l’on ignorait.

 

Le combat, cela peut ĂȘtre, et c’est souvent, d’abord vis-Ă -vis de nous mĂȘmes qu’il se dĂ©roule. Vis-Ă -vis de nos propres peurs que nous acceptons de combattre ou devant lesquelles nous fuyons ou nous bloquons. Si nous acceptons de combattre certaines de nos peurs, nous pouvons changer de vie pour le meilleur au lieu de subir.

 

Corps d’Acier La force conquise La violence maitrisĂ©e et Construire sa lĂ©gende Croire sa lĂ©gende Ne rien lĂącher et aller jusqu’au bout parlent au moins de ça. Ou, alors, j’ai lu de travers et ratĂ© mon explication de texte.

 

 

 

Franck Unimon, ce vendredi 11 décembre 2020.