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( Arts Martiaux) A Toute épreuve : une interview de Maitre Jean-Pierre Vignau

Maitre Jean-Pierre Vignau chez lui, ce samedi 21 novembre 2020.

 

 » Tu as le feu vert ». Cette phrase de Jean-Pierre Vigneau, je m’en suis rappelĂ© quelques heures plus tard, hier soir (ce mardi 24 novembre 2020). 

Dans l’article Arts Martiaux : un article inspirĂ© par Maitre Jean-Pierre Vignau

j’Ă©voquais cette interview filmĂ©e de Maitre Jean-Pierre Vignau. C’Ă©tait ce samedi 21 novembre 2020. 

Hier ( mardi 24 novembre) j’ai tentĂ© de joindre Jean-Pierre avant de publier mon article. Pour le prĂ©venir. Mais aussi pour voir avec lui s’il prĂ©fĂ©rait lire l’article auparavant. RĂ©pondeur. Finalement, j’ai publiĂ© l’article. Puis, quelques heures plus tard, je lui ai envoyĂ© le lien de l’article par sms. Jean-Pierre m’a alors appelĂ©.

 » J’ai ratĂ© l’appel tout Ă  l’heure » m’a-t’il dit. Je lui ai alors expliquĂ© oĂą j’en Ă©tais et lui ai demandĂ© comment il voulait que l’on s’y prenne. Et, lĂ , la phrase de Jean-Pierre est arrivĂ©e simplement.

 

Le Feu vert.

 

Dans cette simple phrase, toute la confiance de Jean-Pierre. Nous nous sommes rencontrĂ©s une seule fois. Il n’a jamais rien lu de moi. Et, je devine qu’il ne lira peut-ĂŞtre pas l’article tout de suite s’il le fait. Il a mieux Ă  faire ailleurs. Comme, par exemple, Ă©couter dans quelques heures (ce mardi 24 novembre au soir) ce que va dire « Le PrĂ©sident » concernant le maintien ou l’assouplissement des mesures concernant le confinement Ă  propos de la pandĂ©mie du Covid. 

 

 » Le prĂ©sident ?! ». Je pense alors au PrĂ©sident de la FĂ©dĂ©ration de KaratĂ© ou des Arts Martiaux mĂŞme si je ne sais pas de qui il s’agit.

Non ! Le PrĂ©sident Macron, me rĂ©pond Jean-Pierre. Je me suis tellement « moulé » dans un certain mode de vie depuis la pandĂ©mie et les mesures de confinement. J’ai Ă©tĂ© si convaincu qu’il allait nous falloir faire montre de patience, que, depuis le tout premier discours – Mi-mars- du PrĂ©sident de la RĂ©publique, Emmanuel Macron, « notre » PrĂ©sident, je n’Ă©coute plus ses discours. 

Ou, peut-ĂŞtre, que je n’ai toujours pas digĂ©rĂ© cette ambiance de fin du monde de son premier discours Mi-Mars. Je n’ai jamais cru non plus Ă  mon statut « de hĂ©ros de la nation ». Je n’ai jamais comptĂ© sur la production expresse et miraculeuse du vaccin « magique ». Alors que je m’Ă©tais inquiĂ©tĂ© quant Ă  la perte de certaines de nos libertĂ©s. MĂŞme si je me suis rapidement « fait » Ă  cette nĂ©cessitĂ© des gestes barrières. Et Ă  un petit peu de discernement quand c’est possible. 

Mon « indiffĂ©rence » actuelle envers le PrĂ©sident Emmanuel Macron vient peut-ĂŞtre aussi du fait que, mĂŞme s’il prend la parole et essaie de paraĂ®tre comme celui qui reste le chef d’orchestre,  j’ai fini par considĂ©rer que la pandĂ©mie est depuis quelques mois devenue notre vĂ©ritable prĂ©sidente installĂ©e.

Une « PrĂ©sidente » Covid autour de laquelle sont très vite venus graviter quelques parasites, dont « notre » PrĂ©sident, alors qu’elle ne devait ĂŞtre que passagère. A la suite de cela, j’ai en quelque sorte « flouté » l’image de « notre » PrĂ©sident actuel, persuadĂ© de sa propre impuissance.

Mais j’ai sĂ»rement tort de banaliser Emmanuel Macron et celles et ceux qui gouvernent avec lui et les autres. Mon manque de clairvoyance Ă  leur sujet vient certainement du fait que je n’ai aucune compĂ©tence politique. Que je vis un peu au jour le jour et avec une  perspective assez limitĂ©e. Ce confinement et cette distanciation sociale ont des effets abortifs sur notre imaginaire.  Sauf pour certains qui continuent d’agir, d’entreprendre et de dĂ©cider. L’Ă©preuve du VendĂ©e Globe est lĂ  pour nous le rappeler. Si certains concurrents en tĂŞte peinent, Ă  certains moments, Ă  rĂ©cupĂ©rer le vent qui les fera avancer de nouveau, ils sont nĂ©anmoins toujours en mer, en avance sur d’autres. Et, lorsque le vent « rejaillit », ils sont, Ă  nouveau, bien plus avancĂ©s que d’autres qui traĂ®nent derrière.

Lorsque la pandĂ©mie du covid rĂ©gressera pour de bon, et que l’horizon se dĂ©gagera, on devrait voir apparaĂ®tre, installĂ©es Ă  des fonctions clĂ©, pour notre Ă©poque et notre sociĂ©tĂ©, certaines personnes que l’on avait jusque lĂ  ignorĂ©es ou sous-estimĂ©es. Ces personnes auront su profiter du contexte du Covid pour entreprendre ou bien se placer.

De mon cĂ´tĂ©, c’est parce-que, depuis Mi-Mars,  j’ai toujours respectĂ© les gestes barrières que je me suis autorisĂ© Ă  aller rencontrer Jean-Pierre chez lui ce samedi 21 novembre. Cela a Ă©tĂ© mon VendĂ©e Globe. Pour cela, il m’a suffi de dĂ©passer la distance kilomĂ©trique « autorisĂ©e » de un kilomètre autour de chez soi.  J’en avais besoin et j’Ă©tais inspirĂ©. Parce-que je me suis dit qu’en temps ordinaire, il aurait Ă©tĂ© plus Ă©tĂ© difficile d’obtenir aussi rapidement une telle rencontre avec Jean-Pierre, Ă  son domicile.

Dans ce « feu vert » qu’il m’a  donnĂ©, je mesure Ă  la fois la responsabilitĂ©, pour moi, de faire au mieux. Mais je me demande aussi, si moi-mĂŞme, il m’arrive de donner mon feu vert aussi facilement et aussi rapidement autour de moi. J’ai du mal Ă  le croire. 

 

Mais ce feu vert, oĂą cette autorisation, correspond aussi très bien Ă  Jean-Pierre. Car, comme on pourra le voir et l’entendre dans ces images, il est particulièrement vert. J’ai donnĂ© comme titre Ă  cette interview A Toute Ă©preuve. Je crois qu’il sera facile de comprendre la ou les raisons de ce titre.

Ps : je rappelle qu’une fois chez Jean-Pierre et Tina, après avoir obtenu leur accord pour l’interview, j’ai posĂ© mon camĂ©scope de poche sur la table et l’ai laissĂ© filmer tant qu’il pouvait (un peu plus d’une heure). L’interview n’Ă©tait pas prĂ©vue. Elle Ă©tait seulement vĂ©hiculĂ©e par ma tĂŞte dès que Jean-Pierre m’avait proposĂ© de venir chez lui pour acheter son livre Construire sa LĂ©gende. Mais encore fallait-il, une fois sur place, que lui et Tina acceptent l’interview. 

Lors de l’interview, Tina reste hors champ. J’estime que cela prĂ©serve sa tranquillitĂ©. Et, que, d’autre part, ses interventions- hors champ, donc- ajoutent une plus value Ă  l’interview. 

Franck Unimon, ce mercredi 25 novembre 2020. ( Pour regarder l’interview, cliquer sur le lien vimeo ci-dessous).

https://vimeo.com/482901714

 

 

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Arts Martiaux : un article inspiré par Maitre Jean-Pierre Vignau

Jean-Pierre Vignau, chez lui, ce samedi 21 novembre 2020.

 

           Arts Martiaux : un article inspirĂ© par Maitre  Jean-Pierre Vignau

 

L’inconnu :

 

 Jean-Pierre Vignau, pratiquant d’Arts Martiaux au moins depuis 1958, Maitre (ou Sensei) depuis plusieurs dĂ©cennies  m’était inconnu il y a encore sept mois. Son Ă©cole d’Arts Martiaux, le Fair Play Sport, se trouve dans le 20 ème arrondissement de Paris.

Sur cette photo ci-dessus que j’ai prise chez lui ce samedi après-midi, Jean-Pierre Vignau a l’allure d’un gentil papy tranquille. Cela s’explique par le sens de l’accueil avec lequel sa femme Tina et lui m’ont reçu. Et, avant ça, cela s’explique aussi par le fait que lorsque cette photo a Ă©tĂ© prise, nous en Ă©tions Ă  la fin de notre rencontre. D’abord, je suis convaincu qu’avant mĂŞme que je ne me dĂ©place pour venir chez lui, qu’il savait dĂ©ja que je n’Ă©tais pas un ennemi. Je crois que certaines personnes savent « lire » ou percevoir les rĂ©elles intentions de celles et ceux qui les entourent et les sollicitent.

 

Il est quantitĂ© de gens qui se pensent douĂ©s et perspicaces lorsqu’il s’agit de dĂ©coder ou de jauger les autres et qui s’illusionnent. Je ne mettrais Jean-Pierre ni dans cette catĂ©gorie de personnes et encore moins dans cette illusion. Pourtant, j’Ă©tais dĂ©tendu en sa prĂ©sence. Et,  je me suis rendu chez lui et sa femme en toute confiance. L’arme posĂ©e sur la table Ă  cĂ´tĂ© de lui n’est pas un objet de dĂ©coration que Jean-Pierre aurait achetĂ©e dans une brocante pour se faire plaisir. Pas plus qu’elle n’est lĂ  pour ouvrir le courrier des factures d’Ă©lectricitĂ© ou afin d’Ă©plucher les pommes de terre pour faire des frites. Jean-Pierre est allĂ© la chercher pour m’illustrer le mot d’une arme que je ne connaissais pas. Pour avoir un peu eu cette arme dans la main, je peux certifier qu’elle pèse son poids. Ce n’est pas du liège. Ni un jouet en aluminium. 

Jean-Pierre Vignau est «  9ème Dan I.B.A Hanshi Â». Je l’écris parce-que j’ai l’information sous les yeux lors de la rĂ©daction de cet article. Car le grade du Maitre a une importance formelle et est aussi un gage de lĂ©gitimitĂ© officielle. L’équivalent d’un « diplĂ´me Â» reconnu. MĂŞme si un grade, ou un Dan, est sĂ»rement plus qu’un diplĂ´me. Ce n’est pas son nombre de Dan, pourtant, qui m’a donnĂ© envie d’aller vers Jean-Pierre Vignau.

 

Son interview par LĂ©o Tamaki – dans le numĂ©ro 7 du magazine Self & Dragon– m’a appris son existence.

MalgrĂ© la petite faute de frappe sur le nom, il s’agit bien du mĂŞme homme que celui que j’ai pris en photo. Sauf qu’il est lĂ  en pleine dĂ©monstration.

 

Avant notre premier confinement, en fĂ©vrier, j’avais eu la possibilitĂ© de dĂ©couvrir un cours de Self-DĂ©fense dispensĂ© par Sifu Roger Itier, que je rencontrais pour la première fois. La seule fois Ă  ce jour. Mais quelques semaines après cet essai, qui m’avait plu, une certaine douleur persistante m’avait obligĂ© Ă  me rendre Ă  cette  Ă©vidence : Je m’étais blessĂ© et j’allais devoir en passer par un kinĂ©. Puis, le premier confinement dĂ» Ă  la pandĂ©mie du Covid-19, ses fermetures, ses peurs et ses inconnues,  Ă©tait arrivĂ© mi-Mars.

 

Par chance, près de mon travail, se trouve un centre de presse resté ouvert pendant le confinement. Centre où j’ai pris l’habitude de me procurer des journaux relatifs aux actualités. Et où, en prenant le temps de passer dans les rayons, j’ai aperçu les magazines Yashima, Self & Dragon, Taichi Chuan mais aussi Self & Dragon Special Aikido.Inspiré par un certain besoin d’Arts Martiaux, j’ai commencé à acheter régulièrement leurs numéros.

 

J’avais entendu parler de Roger Itier, Maitre en Arts Martiaux chinois, en suivant deux ou trois ans plus tĂ´t une formation Massage bien-ĂŞtre au centre Tao situĂ© dans le 19ème arrondissement. Formation que j’ai « terminĂ©e Â» Ă  ce jour. Lors de cette formation, de façon plus ou moins intuitive, influencĂ© sans doute par mes prĂ©cĂ©dentes expĂ©riences  sportives, erreurs incluses, j’avais commencĂ© Ă  percevoir l’importance du souffle. On nous avait sensibilisĂ© Ă  l’importance de nos gestes, de notre rythme, de notre prĂ©sence, mais aussi du placement comme du balancement de notre corps dans l’espace par rapport Ă  l’autre. Afin d’éviter de nous Ă©puiser le moins possible. Mais aussi, afin de ne pas nous faire du mal Ă  nous-mĂŞmes. La personne qui pratique le massage pour le bien-ĂŞtre d’autrui est aussi supposĂ©e faire attention Ă  sa personne lorsqu’elle pratique.  Je crois que l’on peut retrouver ça dans un Art Martial.

 

Pendant cette formation massage bien-être, j’avais été étonné de finir par comprendre que dans bien des pratiques sportives, et depuis des années, ne serait-ce que pour faire de simples étirements, peu d’attention était apportée à notre respiration. A travers le sport, trop de fois, notre rapport au corps est un rapport raide, brutal et mécanique. Machinal. Il est plus que courant de voir des sportives et des sportifs tirer sur des extrémités de leur corps sans y penser et sans tenir compte de leur respiration après ou avant une séance d’entraînement. On leur a dit ou ils ont appris qu’il faut faire ça, alors, elles et ils font ça. J’ai fait partie de cette population. Et j’en fais sûrement encore partie.

J’ai pris du temps pour m’apercevoir que la plus grande partie des Ă©tirements que nous « faisons Â» dĂ©coule souvent de postures de yoga oĂą savoir bien respirer est indispensable.

 

Si ce comportement que nous avons adoptĂ© envers notre corps et notre respiration a d’abord des incidences telles que des blessures diverses – physiques et morales-  par entĂŞtement, nĂ©gligence, imprudence ou ignorance, ce comportement a aussi des retombĂ©es sur nos rapports avec les autres comme avec le monde. Mais j’écris ça maintenant. Je n’ai pas racontĂ© tout ce bla-bla Ă  Roger Itier ce jour oĂą je l’avais rencontrĂ©. Lui, il savait dĂ©jĂ  tout ça largement.

 

J’ai fait mon essai. A la fin du cours, je me suis rhabillĂ© après avoir pris le temps de me doucher et de discuter. Je me suis ensuite aperçu que je m’étais blessĂ©. Le confinement est arrivĂ©. Et, lĂ , j’ai fait comme tout le monde. A ceci près que j’ai fait partie de celles et ceux qui ont continuĂ© de se rendre Ă  leur travail comme si «  de rien n’était Â» pendant la première vague du Covid. Puisque ma profession de soignant fait partie des professions en activitĂ© tous les jours de l’annĂ©e et sur toutes les « branches Â» horaires de jour comme de nuit. Et, durant le premier confinement, donc, après mes nuits de travail, le centre de presse a en quelque sorte remplacĂ© la mĂ©diathèque de ma ville.

 

 

Dans le Self & Dragon numĂ©ro 7,  LĂ©o Tamaki m’avait permis de dĂ©couvrir Jean-Pierre Vignau. LĂ©o Tamaki, aussi, m’était inconnu. Aujourd’hui, je peux Ă©crire son prĂ©nom et son nom de tĂŞte car je me suis dĂ©sormais un peu mieux familiarisĂ© avec eux. Je « sais Â» que LĂ©o Tamaki est un Maitre d’AĂŻkido, qu’il a Ă©tĂ© un Ă©lève de Jean-Pierre Vignau,  qu’il travaille, aussi,  en tant que journaliste, pour le magazine Yashima. Qu’il tient un blog. Qu’il a créé son Ă©cole d’AĂŻkido, KinshikaĂŻ. Et que plus de deux cents jours par an, de par le monde, il dispense des cours d’AĂŻkido.

 

Mais soyons- Ă  peu près- concis :  

 

A mesure que je parcourais ces divers magazines traitant des arts martiaux asiatiques,   j’apprenais l’existence d’un certain nombre de Maitres d’Arts Martiaux semblant, d’un seul coup, sortir d’une mĂŞme boite tels ces automates meurtriers d’allure enfantine dans l’adaptation cinĂ©matographique de l’œuvre de Philippe K.Dick : Planète Hurlante.

 

 

 

Sauf que ces Maitres d’Arts martiaux ne criaient pas sur le papier. C’était principalement des hommes. Asiatiques ou occidentaux. La plupart avaient Ă  leur actif vingt Ă  trente annĂ©es, en moyenne, de pratique cumulĂ©e dans diffĂ©rentes disciplines martiales.  Plusieurs de ces pratiquants Ă©taient des Maitres enseignant depuis plusieurs dĂ©cennies.  Jean-Pierre Vignau fait partie de ces « derniers Â».

Un certain nombre de ces Maitres Ă©taient passĂ©s ou enseignaient dans des villes, Paris et des villes de la banlieue parisienne par exemple, oĂą je ne comptais plus mes allĂ©es et venues. Et, moi, « amateur Â» d’Arts Martiaux depuis des annĂ©es, plutĂ´t sportif, Ă  peu près ouvert et curieux, attachĂ© Ă  une certaine polyvalence, j’étais passĂ© Ă  cĂ´tĂ©.

 

C’était Ă  se demander oĂą j’avais vĂ©cu, par quelles vitrines je m’étais laissĂ© happer et, aussi, qui j’avais rencontrĂ© pendant toutes ces annĂ©es.  

 

Je sais avoir fait et continué de faire des rencontres importantes en dehors des Arts Martiaux.

 

Pourtant, plusieurs fois, en lisant Yashima, Self & Dragon, Self & Dragon spĂ©cial AĂŻkido, TaĂŻ Chi Chuan ou TaĂŻ Chi Mag, j’ai eu le sentiment d’avoir ratĂ© une partie de ma vie.  En « occultant Â» tous ces Maitres et tous ces enseignements dont j’entrevoyais les traits -au travers de persiennes – dans ces articles que je lisais.

 

Si tout dans la vie peut être Art Martial et que la pratique d’un Art Martial ne se résume par à la satisfaction ressentie dans un dojo ou sur un tatamis, il y a quand même, pour moi, un sentiment de gâchis, dans le fait d’avoir ignoré des personnes (Maitres, pratiquantes et pratiquants d’Arts Martiaux) pendant tant d’années.

 

 

 

Aujourd’hui, si je cite Conor McGregor, vedette du MMA prĂ©sentĂ© par Google comme un « pratiquant d’Art Martial Â» ou Aya Nakamura, il y a des chances pour qu’une certaine partie de la jeunesse masculine et fĂ©minine de France sache de qui je parle. Il y a une vingtaine d’annĂ©es, les « Ă©quivalents Â» de Conor McGregor avaient aussi une certaine notoriĂ©tĂ©. Les Gracie, FĂ©dor Emelianenko, Bertrand Amoussou, JĂ©rome Le Banner, Gilles Arsène, Andy Hug et d’autres concernant le MMA et l’UFC.  Et, n’oublions pas dans le registre de la boxe, Mike Tyson. Je les « connaissais Â» eux et d’autres : j’avais vu des vidĂ©os ou lu Ă  leur propos.

 

Photo prise Ă  la gare de Paris St Lazare, ce 25 novembre 2020.

 

Si je cite Aya Nakamura, plus chanteuse de son Ă©tat que combattante de MMA, mĂŞme si l’on peut comparer son succès mĂ©diatique et ses punchlines  Ă  ceux de certaines vedettes de MMA, c’est parce-que, comme Conor McGregor, ses vidĂ©os sur Youtube ou sur les rĂ©seaux sociaux totalisent gĂ©nĂ©ralement beaucoup plus de vues, et de loin, que les vidĂ©os montrant Jean-Pierre Vignau ou d’autres Maitres d’Arts Martiaux en dĂ©monstration sur youtube.

 

C’est un peu l’histoire du Blues ou du Jazz, ou d’une « quelconque Â» musique ou Ĺ“uvre artistique, par exemple, qui se rĂ©pète. Aujourd’hui, des grandes vedettes de Rock, de Pop ou de Rap doivent beaucoup Ă  leurs aĂ®nĂ©s du Blues ou du Jazz. Pourtant, ce sont les vedettes de Rock de Pop ou de Rap dont on connaĂ®t le plus les Ĺ“uvres, les spectacles, l’image ou le succès. Et ce sont leurs concerts qui affichent complet dans des salles gigantesques dont le prix d’accès peut ĂŞtre excessif tandis que les plus « anciens Â» et les moins « people Â» jouent dans des salles plus modestes pour des sommes pouvant ĂŞtre deux Ă  trois fois moins Ă©levĂ©es. Aujourd’hui, la pandĂ©mie du Covid, sorte d’ogre sanitaire qui annihile et dĂ©vore nos volontĂ©s, empĂŞche les concerts. Mais lorsqu’il se sera un peu Ă©loignĂ©,  de mĂŞme que la menace terroriste, on peut s’attendre Ă  ce que, pour compenser, beaucoup d’entre nous aurons besoin de se distraire dans toutes formes de rĂ©jouissances et de festivitĂ©s immĂ©diates et extĂ©rieures. Dont des concerts et des festivals.  

 

J’aime Ă©couter la musique d’Aya Nakamura comme il m’est arrivĂ© de regarder des combats de Conor McGregor et d’autres combattants ou d’aller Ă  des concerts et des festivals. Je m’étonne simplement d’avoir pu ĂŞtre en partie captivĂ© par une certaine partie du « spectre Â» des possibilitĂ©s qui nous est offert en permanence sur internet ou ailleurs. Au dĂ©triment des Arts Martiaux par exemple. Parce-que, je me crois et me croyais assez ouvert.

 

C’est ouvert :

 

 J’avais entendu parler de Maitre Henry PlĂ©e de son vivant (celui-ci est dĂ©cĂ©dĂ© en 2014 Ă  l’âge de 91 ans).  J’ai pratiquĂ© un peu de judo. J’ai lu, il y a une vingtaine d’annĂ©es, La Pierre et le Sabre d’ Eiji Yoshikawa, roman inspirĂ© de la vie de Miyamoto Musashi. Une fois, dans ma vie, grâce Ă  une amie, je suis allĂ© au Japon. C’était en 1999, l’annĂ©e de la sortie du film Matrix des frères Wachowski, avant qu’ils ne deviennent deux femmes, film que j’avais tenu Ă  aller revoir au Japon dans une salle de cinĂ©ma. Avec cette amie, j’étais allĂ© assister Ă  un tournoi de Sumo Ă  Tokyo.

 

Comme nous le savons, nous disposons aujourd’hui d’un très grand accès- quasiment illimité- à l’information et aux connaissances.

Mais tout dĂ©pend de ce que nous cherchons.  Et comment nous le cherchons. Nous disposons de plus en plus facilement « d’armes Â» de plus en plus puissantes. Mais nous rĂ©gressons peut-ĂŞtre de plus en plus concernant la Maitrise de nos Ă©motions, de nos jugements comme de nos actions. Nous manquons peut-ĂŞtre, de plus en plus, d’éducation. Me concernant, par exemple, il est Ă©vident que si, aujourd’hui, je retournais au Japon, que j’irais y chercher autre chose qu’il y a une vingtaine d’annĂ©es. Et ce serait sans doute pareil pour les autres destinations oĂą je me suis dĂ©jĂ  rendu de par le passĂ©.

 

Mais si nous sommes de plus en plus agressifs envers les autres et envers nous-mĂŞmes, c’est sans doute, aussi, parce-que, dans le fond, malgrĂ© les  « progrès Â»,  notre sentiment d’insĂ©curitĂ© personnel a  Ă©galement augmentĂ©.

 

 

Ma rencontre ce week-end avec Jean-Pierre Vignau est peut-ĂŞtre une tentative de dĂ©but de rĂ©ponse Ă  cette question :

 

Qu’est-ce qu’un Maitre ?

 

 

Qu’est-ce que l’on recherche chez lui ?

 

Est-ce celle ou celui auquel on se soumet parfois ou souvent aveuglement, jusqu’à l’étranglement, en l’échange d’un peu de (sa) protection ?  

 

Est-ce celle ou celui qui nous permet de devenir rĂ©sistants et autonomes quelles que soient les difficultĂ©s ou les handicaps que nous rencontrerons dans la vie ?

 

Pour certains, Le Maitre est celui qui vous forme, qui vous dĂ©livre un permis de tuer et d’intimider qui sera le moyen de devenir cĂ©lèbre en mĂŞme temps que meurtrier et terroriste.  Ou mercenaire. Je ne recherche pas ce genre de Maitre. J’ai « lu Â» cependant que Jean-Pierre Vignau avait Ă©tĂ© un temps, mercenaire.

 

Pour d’autres, le Maitre ou la Maitresse est celle ou celui qui vous isole et vous protège du Monde comme de tous ses dangers et de ses perversitĂ©s et vous «  aide ( ?!!) Â» Ă  vous en « purifier Â» en vous sĂ©parant de toutes vos possessions matĂ©rielles, spirituelles mais aussi de vos vies relationnelles acquises dans notre Monde « malsain Â». Ce n’est pas pour moi.

Pour d’autres, le Maitre ou la Maitresse est celle ou celui qui vous promettra un Etat militaire et policier. La paix dans les rues. La torture et la censure derrière les murs. Je ne veux pas de ce genre de Maitre, non plus.

 

Il est aussi des Maitres et des Maitresses qui acquièrent une très forte position sociale et Ă©conomique qui se mesure aussi Ă  l’étendue des possessions matĂ©rielles. Disposer d’une voiture luxueuse, d’un château ou d’une villa Ă  montrer ne m’a pas conquis. Cette « absence Â» d’ambition, dans un monde oĂą avoir des « relations Â»  peut ĂŞtre bien plus avantageux que les compĂ©tences et la bonne volontĂ© m’a sĂ»rement desservi. Mais cela n’empĂŞche pas d’apprendre et de s’en tenir Ă  certaines prioritĂ©s :  

 

On ne « voit Â» pas un Maitre ou une Maitresse dans une vidĂ©o, sur un site ou dans un article. On les rencontre. Au mĂŞme titre que si l’on se contente de voir sa vie plutĂ´t que de l’expĂ©rimenter, on se contente alors de l’envisager. Tel le fumeur de shit devant son joint,  le buveur devant son verre, l’escroc devant sa combine,  le tueur devant son arme, l’agresseur devant sa victime.

 

L’exigence vis-Ă -vis de soi mĂŞme :

 

Si je suis exigeant envers moi-même, Jean-Pierre Vignau l’est sans doute encore beaucoup plus envers lui-même. Et depuis bien plus longtemps que moi.

 

C’est sans doute, pour moi, une des différences nécessaires entre un Maitre et un élève. Et c’est parce-que cette différence se perçoit concrètement que se créent l’autorité, la légitimité et l’écoute du Maitre.

 

Si certaines valeurs aujourd’hui se « perdent Â» ou semblent se perdre, c’est peut-ĂŞtre, aussi,  parce qu’elles sont d’un cĂ´tĂ© rĂ©servĂ©es, telles des places de parking, Ă  quelques titulaires avant mĂŞme leur naissance. Tandis que ces mĂŞmes valeurs continuent d’être livrĂ©es telles des jolies phrases ou des emballages sous vide Ă  d’autres qui doivent se contenter de parpaings pour sommiers lorsqu’ils s’endorment le soir. Après que ces derniers se soient faits « arnaquer Â» un certain nombre de fois, certains d’entre eux finissent par se mĂ©fier de tout y compris des meilleures volontĂ©s qu’ils rencontrent peut-ĂŞtre trop tard.

 

Il y a aussi des histoires de « clan Â» peut-ĂŞtre de plus en plus ancrĂ©es. Des histoires et des croyances hĂ©rĂ©ditaires qui guident, qui brident, et qui nous disent que lorsque l’on fait partie d’un clan, d’un quartier ou d’une famille, qu’il est impossible de faire partie d’un autre ou de plusieurs autres. Mais il y a peut-ĂŞtre aussi cette revendication identitaire jusque-boutiste et suicidaire  qui consiste Ă  vouloir absolument retrouver ailleurs ce que l’on vit et pense tous les jours chez soi. MĂŞme si on y tourne en rond et que cela nous dĂ©truit, nous et notre entourage.

 

On choisit de rencontrer une Maitresse ou un Maitre plutôt qu’un (e ) autre selon là où on est. Parce qu’elle ou lui nous semble la personne la plus crédible mais aussi la plus accessible et la mieux disponible pour nous aider à nous éloigner ou nous sortir de certaines impasses.

 

Une Maitresse ou un Maitre est une personne exigeante. Lorsque l’on se prĂ©sente devant elle ou lui, nous venons avec nos aptitudes, notre potentiel mais, aussi, avec certaines  attitudes et ignorances qui nous maintiennent dans une certaine incomplĂ©tude. Nos ambitions et la façon que nous avons de nous percevoir font aussi partie de nos habitudes et de nos ignorances.

 

L’exigence, l’exemple, autant que l’empathie, la persévérance, l’optimisme mais, aussi, l’autocritique font, selon moi, partie de la panoplie du Maitre. Même si, bien-sûr, toute Maitresse et tout Maitre est aussi un être humain avec ses faiblesses. Et que si certains Maitres ont plus de réussite avec certains élèves, certains élèves ont aussi plus de réussite avec certains Maitres.

 

Dans son interview, lors de notre rencontre,  Jean-Pierre Vignau le dit :

 

« Mon but, c’est de dĂ©courager… Â». Et, il explique que, pendant les trois premières annĂ©es de pratique, il s’emploie Ă  dĂ©courager l’élève. Cela a de quoi intimider. Trois ans, dans notre vie oĂą beaucoup doit ĂŞtre obtenu rapidement ou aller vite, c’est très long.

 

J’ai connu un kinĂ© sportif, il y a plusieurs annĂ©es, qui m’avait presque tenu les mĂŞmes propos que Jean-Pierre Vignau. Il m’avait expliquĂ© que lorsqu’un sportif venait le voir pour une rééducation, il le mettait « minable ! Â» pendant les sĂ©ances. Mais qu’en contrepartie, celui-ci se remettait sur pied. Dans d’autres expĂ©riences, on peut retrouver ce genre d’exigence. On peut bien-sĂ»r penser Ă  l’armĂ©e. Mais aussi Ă  une Ă©cole prestigieuse rĂ©servĂ©e Ă  une Ă©lite. Pour moi, une Ă©lite, cela peut ĂŞtre aussi bien une très bonne Ă©cole de menuiserie, de pâtisserie, de boulangerie, de mĂ©canique ou de cuisine. Pas uniquement une Ă©cole d’intellos. L’intellect, le fait d’avoir une certaine aisance pour le verbe, la culture, les concepts et la thĂ©orie,  mĂŞme si j’y souscris, cela ne fait pas tout.

 

On peut s’inscrire dans un club d’art martial sans faire partie d’une élite. On peut être un modèle sans être un intello.

 

Dans son livre, paru en 2016, La Fabrique du Monstre, (10 ans d’immersion dans les quartiers nord de Marseille, parmi les plus inĂ©galitaires de France) que je suis en train de lire, le journaliste Philippe Pujol nous explique que certains- une minoritĂ©- sont prĂŞts Ă  vendre du shit, Ă  faire des braquages mais aussi Ă  tuer pour… « rĂ©ussir Â» Ă  exister socialement de façon expresse. Rapidement. MĂŞme si leur vie et celle des autres autour d’eux doit ĂŞtre courte.

 

Jean-Pierre Vignau, pour exigeant qu’il soit, est le contraire d’un Monstre. Dans l’interview que je fais de lui, on pourra ainsi entendre, Ă  un moment donnĂ©, le  peu d’estime qu’il peut se porter.

 

« Analphabète jusqu’à ses 28 ans Â», il fait partie de celles et ceux qui ont beaucoup vĂ©cu, beaucoup vu et entendu, qui continuent de pratiquer et qui, selon moi, sont un exemple. D’abord, parce qu’ils sont toujours vivants. Ensuite, parce-que, si l’on vient les rencontrer avec les « bonnes Â» intentions, simplicitĂ© et honnĂŞtetĂ©, je crois que ces gens-lĂ , nous recevrons bien et ne nous raconterons pas de bobards. MĂŞme si, et c’est normal, ils garderont leurs secrets. Car Les secrets s’éliminent Ă  mesure que l’on fait ses preuves. Or, on peut mourir sans jamais faire ses preuves. Comme on peut passer Ă  cĂ´tĂ© d’elles toute notre vie durant.

 

Construire sa légende

 

Le numĂ©ro de tĂ©lĂ©phone portable de Jean-Pierre Ă©tait notĂ© en bas de l’annonce pour son club, Fair Play– dans le 20ème arrondissement de Paris- Ă  la fin du magazine Self-DĂ©fense. Je crois ĂŞtre passĂ© devant son club l’annĂ©e dernière en me rendant pour la première fois chez un ami. Je vĂ©rifierai.

 

Lorsque la semaine dernière,  j’ai composĂ© le numĂ©ro de tĂ©lĂ©phone de Jean-Pierre la première fois, je pensais tomber sur un rĂ©pondeur. J’ai eu Jean-Pierre directement. J’avais lu qu’il dĂ©dicaçait son dernier ouvrage, Construire sa LĂ©gende, paru en 2020.

 

C’était il y a plus d’un mois. Je me rappelle que dans le magazine Self & Dragon, Vignau rĂ©pondait Ă  un moment donnĂ© Ă  LĂ©o Tamaki :

 

« Moi, pour certaines personnes qui pratiquent le KaratĂ©, je fais partie des malades mentaux. Je pratique et j’enseigne des techniques qui se rapprochent de la rĂ©alitĂ©, mais en les dosant Ă©videmment». (page 28 de Self & Dragon numĂ©ro 7). Ce genre de propos ainsi que le reste m’ont sans doute parlĂ©.

 

Lorsque je l’ai appelĂ©, j’en Ă©tais Ă  l’étape oĂą je cherchais la rencontre. Après ĂŞtre restĂ© des annĂ©es sous cloche en quelque sorte. La rencontre des Maitres. Mais aussi celle de la vie loin du Covid et du second confinement que nous «connaissons Â». Ou que nous apprenons Ă  connaĂ®tre :

 

Au nom du Covid, nous acceptons un certain mode de vie que nous aurions refusĂ© il y a encore quelques mois. Cette semaine, en partant chercher ma fille au centre de loisirs, j’ai croisĂ© la mère d’un de ses copains. Celle-ci, comme nous, quittait le centre de loisirs avec son fils et sa fille. Une fois en dehors du centre de loisirs, cette mère, infirmière comme moi (elle, en soins somatiques, moi en pĂ©dopsychiatrie) avait très vite retirĂ© son masque et l’avait fait enlever Ă  ses enfants. Elle m’avait expliquĂ© :

 

« Dès que je peux, je leur fais retirer leur masque ! Â». A cĂ´tĂ© d’elle, moi, qui, il y a encore un mois, acceptais tranquillement de sortir avec ma fille sans que celle-ci porte un masque anti-covid, jusqu’à ce que l’école et le centre de loisirs rendent son port obligatoire, j’ai confessĂ©, plutĂ´t penaud :

 

« Moi, je ne sais plus ce qu’il faut faire… Â». J’approuvais totalement la rĂ©action de cette mère et « collègue Â». Mais je considĂ©rais aussi que cela ne pouvait pas faire de « mal Â» Ă  ma fille- vu qu’elle entendait parler du Covid depuis des mois- de garder son masque jusqu’à la maison. Sauf qu’imposer le masque sur le visage Ă  nos enfants lorsque cela est injustifiĂ©, c’est comme leur poser sur le visage l’équivalent d’une muselière. Et, dĂ©jĂ , d’une certaine façon, dès leur plus jeune âge et avec notre complicitĂ©, c’est leur apprendre Ă  ĂŞtre dociles voire imbĂ©ciles. Ou Ă  devenir, plus tard, des enragĂ©s.

 

Me refuser à ma part imbécile

 

Lorsque Jean-Pierre Vignau m’a proposĂ© de venir chez lui pour lui acheter son livre au lieu de le commander sur internet, j’ai aussitĂ´t acceptĂ©.  Cela signifiait sans doute aussi pour moi que je pouvais, encore, jusqu’à un certain point, me refuser Ă  ma part imbĂ©cile.

Je m’en serais voulu si j’avais refusĂ© ou si j’avais prĂ©fĂ©rĂ© commander son livre comme une pizza  sur internet.

 

J’étais serein en prenant la route. Ma compagne était à la maison avec notre fille. Je n’avais pas à penser à l’heure du retour pour aller chercher notre fille à la sortie de l’école ou du centre.

 

A mon arrivée, je me suis garé devant le domicile d’un des voisins de Jean-Pierre.

Jean-Pierre m’a proposé de me garer dans l’enceinte de son parking extérieur. Il m’a guidé alors que j’effectuais ma marche arrière. En sortant de ma voiture, j’avais mis mon masque anti-Covid. Lui, m’a d’emblée reçu à visage découvert. Sa femme Tina, aussi. Lorsque j’ai abordé le sujet du masque avec Jean-Pierre, celui-ci m’a rapidement fait comprendre que je pouvais enlever le mien.

 

En me tenant à distance bien-sûr, j’ai donc enlevé mon masque. C’est de cette façon que la rencontre s’est faite. Si je crois bien-sûr que l’on peut se dire beaucoup avec nos yeux, il était pour moi inconcevable de garder mon masque, donc de cacher mon visage, alors que Jean-Pierre et Tina, qui me voyaient pour la première fois, et étaient sans masque, m’admettaient chez eux.

 

 Cette interview, samedi après-midi, Ă©tait informelle. Quelque peu improvisĂ©e. Si, officiellement, je venais acheter le dernier livre de Jean-Pierre, c’est une fois sur place que je lui ai demandĂ© si je pouvais filmer pour mon blog. Bien-sĂ»r, dès qu’il m’a proposĂ© de venir chez lui, je me suis dit que je me devais de l’interviewer.

 

Jean-Pierre en a parlĂ© Ă  son Ă©pouse. J’ai obtenu leur accord. Jean-Pierre Ă©tait dĂ©jĂ  assis. J’ai posĂ© mon camĂ©scope de poche, l’ai allumĂ© et l’ai laissĂ© filmer comme ça venait. Tant qu’il pouvait.  J’ai effectuĂ© deux incises dans le montage. Mes remarques auraient pu ĂŞtre mieux prĂ©parĂ©es et l’on m’entend moyennement lorsque je parle. J’aurais prĂ©fĂ©rĂ©, idĂ©alement, avoir une meilleure Ă©locution, moins bafouiller. En somme, lorsque je regarde et Ă©coute ces images, j’aurais aimĂ© mieux faire l’acteur et le comĂ©dien.  Maquiller mes interventions afin que ça passe « mieux Â» comme dans un clip d’Aya Nakamura ou lors d’une provocation de Conor McGregor sans doute. Mais je n’étais pas venu pour fabriquer mon rĂ´le ou pour tourner mon clip. Et,  on entend très bien les rĂ©ponses, fournies, de Jean-Pierre comme celles de sa femme. Donc, pour moi, le principal est prĂ©sent et bien audible.

 

 

Cela a duré un peu plus d’une heure. L’interview en images s’arrête brutalement mais je crois qu’il y a suffisamment de matière. Quel que soit ce que ce que j’ai été capable de retenir de ces moments, je suis persuadé d’avoir appris quelque chose ce samedi. Par exemple, en reprenant aujourd’hui cet article depuis le début pour la quatrième fois, je sais y avoir incorporé des idées qui m’ont été inspirées par notre rencontre il y a maintenant deux jours (trois jours maintenant). Et d’autres arriveront sans doute après la publication de cet article et de cette interview.

 

Je n’ai pas encore lu le dernier livre de Jean-Pierre, Construire sa lĂ©gende.

 

Dans le numĂ©ro 9 du magazine Yashima d’octobre 2020, page 8,  LĂ©o Tamaki mentionne la biographie de Jean-Pierre Vignau, Corps d’acier  (je l’ai achetĂ©e d’occasion via le net) . Ainsi que le documentaire Le maĂ®tre et le batard qui lui est consacrĂ©. L. Tamaki encourage surtout Ă  « un moment de pratique avec lui Â» ( Jean-Pierre Vignau).

LĂ©o Tamaki prĂ©sente Jean-Pierre Vignau comme «  simple et direct Â». C’est ce Ă  quoi je m’attendais. Et c’est ce que j’ai vĂ©cu et qui se retrouve, je crois, dans ce que mon camĂ©scope, qui a sa vie propre, a filmĂ©.  

 

Je suis convaincu que Jean-Pierre et Tina, samedi après-midi, m’ont donné quelque chose.

 

J’espère, Ă©videmment, que cet article et, plus tard, la vidĂ©o de mon interview leur rendra la pareille. Ainsi qu’à d’autres. Pour l’instant, mon ordinateur « rame Â» pour exporter ce que j’ai filmĂ©. C’est peut-ĂŞtre mieux comme ça pour le moment. En attendant, je publie dĂ©jĂ  cet article. Parce-que je pense qu’il prĂ©pare un peu Ă  l’interview filmĂ©e de Jean-Pierre. Et, peut-ĂŞtre, je le souhaite, parce qu’il contribuera un peu, Ă  bien ou mieux apprĂ©hender les Arts Martiaux d’une certaine façon.  

 

Cet article est long. Peut-ĂŞtre trop long. Il dĂ©couragera sans doute un certain nombre de lectrices et de lecteurs. Mais sa longueur est peut-ĂŞtre aussi une forme de « protection Â» contre ce Big Bang permanent du « clash et du buzz Â» qui constelle et Ă©parpille dĂ©sormais  nos existences. Big Bang dont tout et n’importe quoi peut sortir Ă  n’importe quel moment. Le pire comme le meilleur. Alors que si je parle- un peu- d’Arts Martiaux, je tiens particulièrement Ă  ce que ce soit le meilleur qui ressorte et qui soit retenu par celles et ceux qui liront cet article et qui verront- ou non- l’interview de Sensei Jean-Pierre Vignau lorsque je la posterai.

 

Franck Unimon, ce mardi 24 novembre 2020.

 

 

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J’ai bugĂ© !

 

 

                                                   J’ai bugĂ© ! 

Ce dimanche soir, j’ai assez vite perçu que cela ne se passait pas comme prévu.

 

Ordinairement, depuis Argenteuil, on met entre 11 et 17 minutes par le train pour arriver à Paris St Lazare. Mais ce dimanche matin, en revenant du travail, j’ai découvert qu’il y avait des travaux sur la voie ferrée ce week-end. Et que j’allais devoir prendre une navette en passant par la gare de Bécon-Les-Bruyères.

 

Cela s’est très bien passĂ© ce dimanche matin Ă  BĂ©con-les-Bruyères. MĂŞme si, avec les Ă©vĂ©nements rĂ©cents, l’attentat jihadiste dans une Ă©glise catholique Ă  Nice, et la symbolique du bus, sorte de convoi possible vers la mort, je n’ai pu m’empĂŞcher d’avoir un petit peu de retenue en abordant la navette. Devant  celle-ci, un employĂ© barbu nous attendait. Oui, nous en sommes parfois un peu lĂ  avec les inconnus. Pour peu qu’une situation imprĂ©vue s’impose Ă  nous après un Ă©vĂ©nement aussi effrayant que celui de Nice ou d’ailleurs. La mort de Samuel Paty avait aussi Ă  peine refroidi.

 

 

Ma retenue passagère devant cet employé avant de monter dans la navette fut le moment, ce dimanche matin, où j’avais un peu bugé. Ensuite, le trajet s’était fait sans encombre en une vingtaine de minutes jusqu’à la gare d’Argenteuil. Puis, j’étais rentré chez moi.

 

Ce dimanche soir, le chauffeur de la navette qui arrive Ă  la gare d’Argenteuil pour nous transporter jusqu’à la gare de BĂ©con-les-Bruyères est noir. Je serais Ă©videmment montĂ© mĂŞme s’il avait Ă©tĂ© Arabe. Et barbu. Mais, disons, que je suis montĂ© en toute confiance. Alors mĂŞme que je sais- en thĂ©orie- que l’on peut ĂŞtre noir et jihadiste :

 

Pour avoir lu Les Revenants ( publiĂ© en 2016) de David Thomson il y a un ou deux ans, je « sais Â» que des compatriotes antillais sont partis faire le Jihad en Syrie. Par ailleurs, certains Ă©vĂ©nements au NigĂ©ria ou au Mali nous montrent bien qu’il existe des noirs jihadistes.

 

Le jihadisme est une sorte de pèlerinage fait de diffĂ©rents visages et de diffĂ©rents sexes dont l’unique monument est la mort. Tout le contraire de ma vie et de mon mĂ©tier. MĂŞme si, dernièrement, je suis tombĂ© par hasard devant la proximitĂ© qui peut exister entre le verbe « guĂ©rir Â» et le mot «guerrier». 

 

Et ça me plait bien, ça, de me dire que celles et ceux qui essaient de guérir, que ce soit se guérir eux-mêmes ou les autres, puissent être ou sont des guerriers.

 

Malgré les armes de destruction massive, les horreurs et les apparences, les vrais et les plus grands guerriers sont peut-être, finalement, toutes celles et ceux qui s’efforcent de guérir le monde plutôt que de le meurtrir ou de le conquérir. Et cette guérison commence d’abord par soi-même.

 

Nous avons tellement Ă  guĂ©rir en nous :

 

Nos peurs, nos colères, nos préjugés, notre ignorance, nos exigences.

 

Je ne pensais pas Ă  ça dans la navette ce dimanche soir. Nous Ă©tions une dizaine de passagers. Des Noirs et des Arabes. On me croit sans doute obsĂ©dĂ© par la couleur de peau des gens. Et, je le suis en partie. Mais, c’est pourtant un fait : dans cette navette, ce dimanche soir, en partance depuis la gare d’Argenteuil, nous Ă©tions bien principalement des Noirs et des Arabes. Aucun asiatique. Aucun blanc.

 

Peut-ĂŞtre deux femmes. Des hommes pour le reste. Cette information ethnique a pour moi plus valeur sociologique que valeur morale.

 

Si nous étions partis de la gare de St Germain en Laye, que je connais un peu, ou d’Enghien les Bains (plus proche d’Argenteuil), je veux bien croire qu’il y aurait eu, peut-être, un petit peu plus de mixité sociale. Et, encore, cela dépend des horaires.

Ce dimanche soir, je ne sais pas oĂą ces autres passagers se rendaient. Mais, moi,  j’allais au travail pour ma troisième nuit de suite.

 

 

A la gare de Colombes, tout allait bien. Même si j’ai été un peu étonné que le chauffeur s’arrête à la gare de Colombes avant de passer par la gare Le Stade.

 

J’ai vu le chauffeur se renseigner pour la suite de l’itinéraire auprès d’agents de circulation, une jeune femme et un jeune homme, noirs tous les deux. Le prochain arrêt semblait être deux ou trois rues plus loin.

 

Un jeune homme est allé voir le conducteur pour lui demander s’il s’arrêtait bientôt. Il voulait descendre à Bois-Colombes et nous étions dans Bois-Colombes. Très sûr de lui, le chauffeur, dont le masque anti-covid était baissé sur le menton durant tout le trajet, lui a affirmé que c’était pour bientôt.

 

A la gare d’Argenteuil, j’avais vu ce jeune dégingandé arriver. La vingtaine, lui et un autre passager traînant une valise à roulettes, s’étaient alors reconnus. Depuis le fond du bus, on les entendait discuter. Le plus jeune s’exprimant à voix haute.

 

Il avait eu sa mamie au téléphone un peu plus tôt et avait essayé de lui expliquer.

 

« J’ai  arrĂŞtĂ© l’école très tĂ´t car la rue m’a appelĂ© Â». Son copain s’était alors mis Ă  rire.

 

Puis, inquiet pour le climat politique de la France, celui qui avait appelĂ© sa mamie avait lâchĂ© :

 

« 2002. On est dĂ©jĂ  dans la merde, arrĂŞtez avec Lepen ! Â». Rires des autres passagers dans la navette.

 

Ensuite, leurs projets pour l’avenir avaient Ă©tĂ© exposĂ©s :

 

« Une petite femme, un petit boulot, un petit travail, et voilĂ  ! Â».

 

A ce moment, pour une raison inconnue, le chauffeur avait repris la route pour…Argenteuil. Puis, il fit ce constat Ă  voix haute :

 

« J’ai bugĂ© ! Â».

 

Dans un carrefour, il fit demi-tour. Au moins savait-il manœuvrer le véhicule.

 

Nous étions bien avancés dans la ville d’Asnières, et nous nous rapprochions de Clichy, lorsque je me suis dit qu’il fallait aller voir le chauffeur. Là, celui-ci m’a appris qu’il ne connaissait pas le parcours. La SNCF l’avait mandaté mais ce n’était pas son trajet habituel. Il était donc volontaire mais limité.

 

Les autres passagers sont restés plutôt calmes. Même s’il a été étonnant de voir comme, même en étant correctement renseignés, on peut comprendre une même information différemment. Un passager, le plus proche du conducteur, croyait par exemple que la navette allait nous emmener directement à la gare St Lazare.

J’ai dû apprendre à certains passagers qu’il y avait la gare d’Asnières sur Seine et la gare de Bécon les Bruyères. Qu’il s’agissait de deux gares différentes même si toutes les deux se trouvent dans la ville d’Asnières.

 

Le chauffeur de bus m’a d’abord un petit peu « rĂ©sistĂ© Â». Lorsque j’ai essayĂ© de l’orienter, je m’appuyais sur le fait que je connaissais un petit peu le coin. Non, aller Ă  gauche lĂ  oĂą il Ă©tait indiquĂ© St Denis et Clichy n’était pas notre direction.

Apercevoir assez vite un panneau montrant BĂ©con les Bruyères m’a rendu un peu crĂ©dible. Plus que le jeune homme « de Bois Colombes Â» qu’il a d’abord voulu consulter et qui, heureusement, a bien pris la tournure des Ă©vĂ©nements et n’a jamais tentĂ© d’avoir un rĂ´le d’éclaireur.

 

Voir un ou deux autres panneaux et les montrer au conducteur a continué de nous mettre sur la bonne voie. D’autant que, son téléphone à la main, celui-ci a voulu s’en servir comme GPS. C’est bien utile, le GPS sur le téléphone. Sauf lorsqu’il vous indique la mauvaise route. Un copilote improvisé avec deux yeux et une tête, et qui parle, ça peut aussi aider.

 

Nous sommes arrivés à la gare de Bécon les Bruyères après quarante bonnes minutes de route. Le chauffeur, soulagé, m’a remercié. Ainsi qu’un des passagers, que je trouvais plutôt assez jovial alors que nous marchions dans les rues calmes nous menant à la gare de Bécon les Bruyères. Le quartier était agréable et aussi plutôt cossu.

 

 

Le train pour Paris St Lazare est arrivĂ©. Nous Ă©tions dedans depuis Ă  peine quelques minutes, lorsque, assis un peu plus loin devant moi, j’ai vu « mon Â» passager jovial apostropher une femme qui Ă©tait au tĂ©lĂ©phone avec ses Ă©couteurs :

 

« Parle plus doucement ! Sale raciste ! Tu me prends pour les blancs ?! Je te cogne, moi ! Â».

 

Debout, la femme, a d’abord tenu tĂŞte sur le ton de «  Si vous n’êtes pas content, descendez du train!». Puis, elle s’est rapidement rassise et a parlĂ© plus doucement. Notre homme qui avait arrĂŞtĂ© d’être jovial avait dĂ» ĂŞtre persuasif.

 

A la station Cardinet ou Clichy Levallois, deux jeunes couples sont montés dans la voiture. Détendus, souriants, ils ignoraient tout ce qui avait pu se passer depuis notre départ d’Argenteuil. Je me suis dit que la vie se déroule de cette façon tous les jours.

 

Pour rapide qu’ait Ă©tĂ© notre trajet jusqu’à St Lazare depuis BĂ©con les Bruyères, j’étais content d’arriver. Avant que les portes du train ne s’ouvrent sur le quai, me revoilĂ  cĂ´te Ă  cĂ´te avec « mon Â» jovial. J’essaie de lui dire quelques mots. De le raisonner. Il me rĂ©pond :

«  Je les dĂ©teste Â».

 

Avant de nous sĂ©parer, j’ai juste l’élan de lui rĂ©pondre :

 

«  La haine n’est pas la solution Â». Puis, nous nous souhaitons mutuellement une bonne soirĂ©e.

 

 

Franck Unimon, ce mercredi 4 novembre 2020.  

 

 

 

 

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Immobilier

 

                                                   Immobilier

Il claudique mais ça n’empêche pas de marcher ensemble. Je l’ai connu alors qu’il était gérant d’un supermarché près de chez moi. Il le tenait avec autorité depuis sa caisse. Avec un regard d’aigle. Il disait à peine bonjour. Ou du bout des lèvres. Normal, pour un aigle.

 

Puis, il a arrĂŞtĂ©. Il a changĂ© de projet.  Alors, il a pris un peu plus le temps de discuter avec moi lorsque l’on a continuĂ© de se croiser. Puisque nous habitons Ă  peu près dans le mĂŞme quartier. Dans le supermarchĂ©, pendant des annĂ©es, il avait travaillĂ© de 5h Ă  21h. Il m’avait demandĂ© :

 

« Tu l’aurais fait ?! Â». Je lui avais confirmĂ© que je ne l’aurais pas fait.

Un autre jour, il m’a appris qu’il achetait des appartements aux enchères. Une fois, il m’a proposé d’y aller avec lui. Au tribunal de Pontoise. J’ai décliné. Peut-être mes principes ou ma disponibilité. Racheter à bas prix ce qui a pu constituer le projet et la vie des gens. Ou je n’étais tout simplement pas prêt à tenter cette aventure.

 

Je l’ai recroisé tout à l’heure à la boulangerie. Je venais de prendre mes baguettes. Lui, il sortait de la pièce du boulanger. Comme s’il était chez lui. Il m’a reconnu malgré mon masque anti-Covid. Il avait du pain dans la bouche.

 

Les murs de cette boulangerie sont restĂ©s vides pendant plusieurs annĂ©es. Une fois, j’y avais achetĂ© une confiture faite maison, payĂ©e cinq euros. Une arnaque. Une de mes collègues en avait rigolĂ© avec moi. Puis, il a rachetĂ© les murs. Il m’a expliquĂ© un jour son principe : Il loue. C’est Ă  celui qui tient la boulangerie de faire en sorte que son commerce marche !

 

Alors que nous nous éloignons de la boulangerie, il me demande si le pain est bon. J’ai les bras remplis de baguettes. J’ai oublié de prévoir un sac. Je réponds que le pain est très bon dans cette boulangerie.

 

Comme il me rappelle être seulement propriétaire des murs, j’en profite pour bénéficier de sa connaissance du marché immobilier dans notre ville d’Argenteuil. Récemment, en lisant par dessus l’épaule d’une personne qui regardait son téléphone portable, j’ai appris que le journal Les échos se demandait si ce deuxième reconfinement allait faire baisser les prix. L’article des Echos expliquait qu’avant ce deuxième reconfinement, les acheteurs avaient recommencé à se manifester. Mais, là….

 

Pour lui, Covid ou non, la vie continue. Il touche et dĂ©place son masque rĂ©gulièrement Ă  pleine main tout en me parlant. 500 euros la location pour 10 mètres carrĂ©s. 600 euros de loyer pour un 25-30 mètres carrĂ©s. Pour 38 mètres carrĂ©s ? 800 euros. Il m’explique qu’investir dans l’immobilier Ă  Argenteuil vaut le coup. Y habiter, non.

1200 demandes de location par jour m’apprend-t’il. Il m’approuve lorsque je dis qu’Argenteuil attire car c’est une ville proche de Paris.

Au centre, le maire de la ville d’Argenteuil, Georges Mothron, lors de la journĂ©e d’ouverture de la saison 2020-2021 au centre culturel Le Figuier Blanc.

 

 

Je pars acheter Le Canard Enchaîné. En première page d’un journal, j’aperçois un article qui parle de l’attentat jihadiste récent à Vienne. Si les Viennois sont, et je le comprends facilement, sous le choc, ici, et ailleurs, on est loin de tout ça.

 

Par contre, je connais quelqu’un qui est encore sous le choc. Une commerçante près de chez moi.

 

Elle a ouvert son commerce il y a Ă  peine deux mois. Il a l’air d’assez bien marcher. Ce week-end, quelqu’un a essayĂ© de partir avec la caisse mais, aussi, de s’envoler avec ce qu’elle vend. De l’alimentaire. Elle m’a appris ça ce matin. J’ai d’abord pensĂ© Ă  cette pĂ©riode de plusieurs mois qui avait prĂ©cĂ©dĂ© l’ouverture de son magasin. PĂ©riode durant laquelle des travaux avaient Ă©tĂ© effectuĂ©s. Mais quand je repasse la voir, elle me dit que c’était comme si la personne connaissait les lieux et avait la clĂ©. Aucune effraction. Elle ne sait pas si elle va rester.  Je la comprends : il y a quelques semaines, elle a dĂ» coopĂ©rer avec une fuite d’eau. Et, maintenant, ce cambriolage sans effraction. Les voleurs ont rĂ©ussi Ă  ouvrir la porte de devant mais ont Ă©chouĂ© Ă  faire monter le rideau de fer.

 

Au commissariat où elle est allée porter plainte, on lui a répondu que lors de ce week-end de la Toussaint, il y avait eu beaucoup d’infractions. L’agence immobilière qui gère les murs s’est contentée de lui répondre qu’elle lui avait remis des clés et qu’elle est fermée le dimanche. La propriétaire ne s’est pas manifestée.

 

 

Franck Unimon, ce mercredi 4 novembre 2020.

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L’air de rien

 

                                                     L’air de rien

Il n’a l’air de rien. Mais il dit bonjour. Contrairement à sa collègue, plus haute placée, qui, me voyant les approcher, s’éloigne en m’ignorant.

 

J’ai déjà vu sa collègue, peut-être l’adjointe du gérant de ce supermarché, passer devant la clientèle attendant l’ouverture sans adresser le moindre bonjour. Nous étions alors à peu près une dizaine, dont des femmes et des hommes, et, parmi nous, sans doute un certain nombre d’habitués.

 

Dangereux

 

Je ne vois pas ce qu’il y a de si dangereux dans le fait de dire bonjour Ă  des clients mais aussi Ă  des patients dans une salle d’attente. Comme si les voir, et le leur  confirmer, c’était prendre un risque particulier. Equivalent Ă  celui d’entrer dans un poulailler. Sauf qu’à la place des poules, des coqs et des poulets, il y aurait une foule de mendiants qui, nous prenant pour des Ă©pis de maĂŻs, pourrait nous transformer en moignons. Bien portants le matin, nous pourrions rentrer chez nous le soir Ă  l’état de cul-de-jatte avec notre carte d’invaliditĂ© simplement parce-que nous avons sautĂ© sur une mine en disant « bonjour Â».

 

Mais cette collègue n’est pas le sujet : je ne crois pas que l’on puisse rĂ©aliser un saut de quatre mètres en s’enterrant. Laissons-la donc et toutes celles et ceux qui lui ressemblent dĂ©taler vers leurs apothĂ©oses et leurs fuites. Comme nous tous, ils n’iront pas plus loin, un jour ou l’autre, que la thrombose ou l’extinction. Et leurs signes de distinction sociale muette ou autre n’y changeront rien.

 

Lui, je ne l’avais pas vu depuis plusieurs mois. En souriant, il m’a demandĂ© :

 

«  Et la petite ? Â». Je lui ai rĂ©pondu qu’elle Ă©tait Ă  l’école. La dernière fois, il avait constatĂ© comme elle avait grandi. Sans aller jusqu’à la poursuite aux flatteries et aux compliments, en tant que parent, ça fait du bien et c’est utile d’entendre le tĂ©moignage extĂ©rieur, et sincère, de quelqu’un d’autre sur son enfant. Et il n’est pas nĂ©cessaire pour cela que ce « tĂ©moin Â» ou cette « tĂ©moin Â» soit notre ami. SincĂ©ritĂ©, nuance et contradiction bienveillante devraient, pourtant, aussi, faire partie des piliers de toute amitiĂ© rĂ©elle ou officielle.  

 

La maladie du temps

 

 

Nous sommes tous les témoins potentiels des uns et des autres. C’est un rôle qui peut être difficile. Mais, le plus souvent, il s’agit quand même, tout simplement, de se guérir partiellement de cette maladie du temps à laquelle nous souscrivons souvent.

 

Le plus souvent, il s’agit quand même, tout simplement, de prendre son temps.

 

J’ai donc pris à peu près cinq minutes pour discuter avec ce vigile de supermarché. Cela fait plusieurs années que je le croise lorsque je vais y faire quelques courses. Et que nous nous disons bonjour. Comme je le fais, aussi, avec ses autres collègues vigiles. Tous noirs.

 

Certains intellectuels très mĂ©diatisĂ©s en France savent affirmer que la plupart des dĂ©tenus et des dĂ©linquants, en France, seraient des noirs et des Arabes. Et quelques journalistes et patrons, tout autant bien « Ă©clairĂ©s Â» par les projecteurs et leurs fortes personnalitĂ©s- financières, mĂ©diatiques et politiques- boivent ça comme du petit lait.

 

Mais ces intellectuels disent beaucoup moins que beaucoup de vigiles, d’agents de sĂ©curitĂ©, d’entretien, de soignants ou d’ouvriers de chantier qui continuent de protĂ©ger, de nettoyer, de soigner et de  construire la France sont, aussi, des noirs et des Arabes.

 

 

Pour m’amuser, je veux bien essayer d’imaginer quelques uns de ces intellectuels et journalistes, femmes comme hommes, officiant en tant que vigile, agent de sĂ©curitĂ© ou ouvrier de chantier. En tant que mĂ©decin, infirmier ou aide-soignant. Ou, mĂŞme, en tant que caissière ou caissier. Ça changera un peu de certains hymnes nationaux qui voient les vaisseaux de l’immigration, lorsqu’ils ne coulent pas sous les flots et sous le bĂ©ton, comme la chienlit sĂ©paratiste qui ensevelit et abĂ®me la France sous tous les flĂ©aux :

 

Drogues, grand banditisme, terrorisme, maladies, intégrisme religieux, récession du niveau scolaire, carbonisation économique, viols, vols.

 

Car il faut savoir que, pour certaines et certains, un Noir et un Arabe, c’est forcément ça. Même si on lui dit bonjour.

 

Et je ne me fais aucune illusion : une personne originaire de l’Outre-Mer a bien la nationalitĂ© française de naissance. Mais ça reste nĂ©anmoins une personne noire. Donc, dans la rue, Ă  première vue, c’est une personne susceptible d’être une personne immigrĂ©e.

 

 

Norme de pensée

 

MĂŞme si je me sens Français, je connais cette « norme Â» de pensĂ©e. Je l’ai d’une certaine façon intĂ©riorisĂ©e comme une sorte de solfège. Un solfège que je me dois de transmettre en partie Ă  ma fille de manière circonstanciĂ©e (ni trop, ni pas assez) afin qu’elle soit suffisamment Ă©duquĂ©e pour s’adapter au monde qui l’entoure :

 

Chanter La Reine des Neiges comme d’autres enfants, oui. Mais la laisser croire que tout le monde voudra d’elle comme une personne « libĂ©rĂ©e, dĂ©livrĂ©e Â», non.

 

Il n’est pas nĂ©cessaire d’être allĂ© au conservatoire ou d’avoir fait de très hautes Ă©tudes pour apprendre ce solfège. Pas besoin non plus de mĂ©thode Assimil. Dès l’enfance, l’air de rien, on apprend ce solfège  un petit peu tous les jours. Chacun, chez soi, en Ă©coutant des gens très intelligents et très affirmĂ©s. On apprend ainsi que les Noirs, les Arabes, les Blancs, les asiatiques et les autres ceci…et cela. Et, il faut dire que certains faits collent très bien- comme certaines affiches et certains tracts politiques- Ă  l’image que l’on s’était fait et que l’on se fait de certaines personnes.

 

A la « fin Â», ce qui peut changer cette lecture de la partition des autres, c’est la rencontre. Le fait de prĂ©fĂ©rer l’action Ă  la superstition et  Ă  la mauvaise expĂ©rience. Quand il y  a eu une mauvaise expĂ©rience. En sortant de chez soi. Et ça commence par dire bonjour.

Par prendre le temps d’écouter ce que les autres sont et ont à nous dire. S’ils ont envie de nous le dire. S’ils sentent que l’on est prêt à les écouter un peu. Mais aussi à les croire. Et, donc, à les voir pour ce qu’ils sont.

 

Je ne parle pas d’aller discuter avec un proxĂ©nète qui est en train de tabasser une de ses « employĂ©es-victimes Â», avec un dealer qui est pleine livraison de marchandise ou avec un braqueur en train de faire l’amour avec sa voiture-bĂ©lier. Ou de vouloir sympathiser Ă  tout prix avec la voisine ou le voisin qui, pour une raison ou pour une autre, prĂ©fère entrer et sortir de l’immeuble par les toits plutĂ´t qu’en empruntant les escaliers communs.

 

Discuter

 

Je suis restĂ© Ă  peu près cinq minutes Ă  discuter avec ce vigile de sĂ©curitĂ©.  Ă‡a, c’était dans mes compĂ©tences. Dans ma vie de tous les jours, j’ai cette « chance Â» :

 

Je rencontre plus souvent des vigiles de sĂ©curitĂ© comme lui et avec lesquels ça se passe très bien. Je rencontre très rarement des proxĂ©nètes qui tabassent une de leurs « employĂ©es-victimes Â», un dealer livrant sa marchandise de plusieurs tonnes en bas de chez moi ou des braqueurs qui prĂ©parent leur prochain casse sur mon palier.  

 

 

Amazon fait le guet

 

A quelques mètres des casiers de livraison du site Amazon situés à l’entrée du supermarché, il m’a appris qu’il avait d’abord arrêté l’école en CM2.

Les 200 milliards d’euros ou de dollars d’Amazon ( la fortune du PDG d’Amazon, Jeff Bezos, l’homme le plus riche du monde, s’est tellement accentuĂ©e depuis l’épidĂ©mie du Covid que l’évaluer en dollars ou en euros n’a plus d’importance ) ont continuĂ© de faire le guet dans notre dos pendant notre conversation. 

 

Après le CM2, il  a effectuĂ© un mĂ©tier manuel  et technique. Sur les chantiers. Je n’ai pas l’impression, s’il en avait eu la possibilitĂ©, qu’il se serait arrĂŞtĂ© au CM2. Nos penseurs et nos patrons qui, eux, « savent tout Â» sont gĂ©nĂ©ralement allĂ©s bien plus loin que le CM2 et ont, plutĂ´t rarement, travaillĂ© sur un chantier comme cet homme. Pendant 12 ans, au Portugal. Un pays qu’il avait « dĂ©couvert Â».

 

Donc, oui, il m’a confirmĂ© avoir appris Ă  parler Portugais. En prenant des cours du soir. Ce qui lui a permis d’atteindre un niveau de 3ème. Mais, Ă©tudier dans ces conditions, tout en travaillant et en ayant une vie de famille, c’est « difficile Â» me dit-il. Et je le concède facilement.

 

Reconversion

 

Puis, il a Ă©tĂ© au chĂ´mage. Ce qui l’a amenĂ© Ă  venir vivre en France oĂą il est donc devenu vigile dans ce supermarchĂ©. Mais il a une maison au Portugal :

 

 Â« LĂ -bas, quand on a un travail, c’est plus facile qu’en France Â» m’explique-t’il.

J’ai un niveau d’études supĂ©rieur Ă  lui et je ne le savais pas. Pas plus que je ne sais parler Portugais. Et, je ne suis jamais allĂ© au Portugal, pays dont j’ai dĂ©jĂ  entendu dire du « bien Â».

 

Il préfère la vie au Portugal à la vie en France. Trop de stress si j’ai bien compris. Mais nous sommes en région parisienne. Il raisonnerait peut-être différemment en province me dis-je maintenant.

 

Du fait du Covid, il n’a pas pu retourner au pays cette annĂ©e. Je le croyais HaĂŻtien. Il est de la CĂ´te-d’Ivoire.  Et puis, en Ă©tĂ©, le billet d’avion revient Ă  1200 voire 1300 euros par personne. Donc, cette annĂ©e, les vacances estivales se sont dĂ©roulĂ©es en Normandie et Ă  la Rochelle. Il connaissait dĂ©jĂ  la Rochelle.

 

Vivre en disant bonjour

 

RĂ©sumons :

Cet homme, qui a fait moins  d’études que moi, parle autant de langues que moi si ce n’est davantage. Et il a su se reconvertir face au chĂ´mage en changeant de pays, de culture et de langue. Et il a une maison au Portugal. Un pays, qui, Ă©conomiquement, s’en sort plutĂ´t bien mĂŞme si, actuellement, le Portugal est moins « puissant Â» que la France.

 

 Je me demande si nos penseurs (politiques et autres) qui chient sur l’immigration en permanence auraient Ă©tĂ© capables, seraient capables, un jour, de faire ce que cet homme a fait :

Changer de pays, de culture et de langue. Et vivre, l’air de rien. En disant bonjour.

 

Franck Unimon, ce jeudi 17 septembre 2020.

 

 

 

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Chercher son chemin

                                                Chercher son chemin

Chercher son chemin, cela arrive à tout le monde. Dans le métro. Sur la route. Dans un magasin. Sur le net. Dans une administration.

 

Je demande facilement mon chemin aux gens. Je préfère encore ça à une application. Lorsque je suis piéton.

 

Je renseigne aussi assez facilement les autres lorsque je le peux.

 

Il y a quelques semaines, alors que je reviens de la boulangerie près de chez moi, un homme m’aborde. La quarantaine ou la cinquantaine, il s’exprime difficilement en Français. Il me montre son tĂ©lĂ©phone portable. Sur l’écran, je vois une adresse. Le nom de la rue me dit quelque chose. Mais je ne suis pas sĂ»r. Machinalement, je lis en bas de l’écran :

 

« 100 euros pour 30 minutes. Fellation, massage, cunni…. Â». C’est tout ce que j’ai retenu.

 

Lorsque je relève la tĂŞte, je reste bien-sĂ»r maitre de moi-mĂŞme. Face Ă  moi, l’homme est restĂ©  impassible. Il ne me fait pas penser Ă  un rabatteur. Ni Ă  un adepte des plans Ă  trois. Et encore moins Ă  un humoriste.

 

Il me fait penser Ă  un travailleur loin de son pays qui a trouvĂ© ce « plan Â» pour s’évader de son ordinaire. Un ordinaire, ici, qui doit ĂŞtre très Ă©loignĂ© de ce qui peut faire rĂŞver dans le pays de la «ville-lumière Â».

 

J’essaie de faire comprendre à cet homme que je suis désolé. Je ne suis pas certain de savoir où se trouve cette rue. L’homme me remercie et continue. Il a sans doute montré son téléphone portable à d’autres personnes sur son chemin.

 

Quelques jours plus tard

 

Quelques jours plus tard, je consulte un médecin du sport. Je lui demande s’il connaît un bon médecin acupuncteur. Oui. Il me remet la carte de quelqu’un qu’il connaît. Je prends la carte.

 

Plus tard, je vais sur le site de ce médecin acupuncteur. Seule façon de prendre rendez-vous avec elle. Il y a aussi une photo d’elle. C’est plutôt une jolie femme sur la photo. C’est son droit.

 

Mais le tarif est le mĂŞme : 100 euros pour 30 minutes.

 

Franck Unimon, lundi 7 septembre 2020.

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Crédibilité Croisements/ Interviews

Conocido y conocido

 

                                              Conocido y  conocido

Beaucoup voudraient changer de vie. Puis, ils se figent.

 

Lui, il avait pris les choses en main. Il avait quitté son pays. Interpellé à Paris, sans papiers, inoffensif, il avait été relâché. Il n’avait pas démérité. Il était parti retrouver son père en Allemagne.

Détecté alors qu’il marchait le long de la voie ferrée dans le Val d’Oise, il avait été emmené à l’hôpital puis dans le service où je travaillais alors.

 

L’ambassade de son pays avait été contactée. Un de ses représentants s’était déplacé.

 

Au dĂ©but, plusieurs collègues voulaient l’accompagner pour le rapatrier dans son pays, du cĂ´tĂ© de SĂ©ville. Mais, par moments, mĂŞme si assez peu de collègues parlaient sa langue natale, elles comprenaient Ă  sa façon de « cracher Â» les mots qu’il pouvait tenir des propos orduriers. Et qu’il pouvait, aussi, avoir un comportement inĂ©lĂ©gant.

 

J’avais donc pu l’accompagner en prenant l’avion avec lui.  MĂŞme si, au prĂ©alable, Ă  l’aĂ©roport, la fantaisie des rĂ©servations ou de l’administration m’avait rĂ©vĂ©lĂ© qu’il Ă©tait  prĂ©vu de nous sĂ©parer. Moi en première classe et lui en seconde. Ou le contraire.

 

Après quelques explications, on avait bien voulu nous mettre ensemble. En Première.

 

Lorsque l’on nous avait proposé du champagne, il avait tenté sa chance en m’interrogeant poliment du regard. J’avais refusé. L’alcool et certains traitements sont antagonistes. Il avait accepté.

 

Le vol, de deux ou trois heures, s’était bien déroulé. A notre arrivée, l’infirmier en soins psychiatriques et lui s’étaient aussitôt reconnus. Auprès de lui, il avait alors arboré la mine de l’animal domestique tout content de retrouver une connaissance familière.

 

InterrogĂ©, l’infirmier m’avait rĂ©pondu en Espagnol :

 

« Conocido y  conocido Â». Connu comme le loup blanc. A ses cĂ´tĂ©s, le patient avait approuvĂ© par un petit sourire tendre de connivence.

 

J’avais ensuite passé deux ou trois jours délicieux à Séville.

 

C’est avec cette histoire en tĂŞte que j’ai Ă©tĂ© volontaire rĂ©cemment  pour accompagner une patiente Ă  l’aĂ©roport afin qu’elle s’en retourne chez elle, en CorĂ©e….

 

Franck Unimon, lundi 7 septembre 2020.

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Argenteuil Croisements/ Interviews

La Route du Tiep

 

 

                                              La Route du Tiep

Qu’est-ce qu’un igname ?

 

«  Qu’est-ce qu’un igname ? Â». Lors d’un atelier d’écriture, un homme d’une soixantaine d’annĂ©es m’avait un jour posĂ© cette question. On dĂ©couvre aussi le monde par ses lĂ©gumes, ses plantes et sa cuisine.

 

J’avais bien sĂ»r expliquĂ© ce qu’est un igname.  Bien que nĂ© en  France, mon Ă©ducation et mes vacances familiales en Guadeloupe m’avaient fait connaĂ®tre le zouk, le kompa, l’igname, le fruit Ă  pain (et non le fruit Ă  peines), le piment, les donbrĂ©s et d’autres spĂ©cialitĂ©s culinaires antillaises.

 

 

Je dois Ă  mon amie BĂ©a, d’origine martiniquaise, de quelques annĂ©es mon aĂ®nĂ©e, d’avoir dĂ©couvert le Tiep ( «  riz au poisson Â»), les pastels et le M’Balax. J’avais 21 ou 22 ans. Olivier de Kersauson, le navigateur, avait 23 ou 24 ans lorsqu’il a fait la rencontre d’Eric Tabarly (son livre Le Monde comme il me parle, dont j’ai dĂ©butĂ© la lecture). Moi, Ă  23 ou 24 ans, j’entrais davantage de plain pied dans la fonderie des hĂ´pitaux. J’avais fait la connaissance de BĂ©a pendant ma formation.

 

Elle était déja en couple avec C… un Cap verdien, de plusieurs années son aîné.

Et c’est au cours d’une grande fĂŞte avec eux, dans le Val D’oise, je crois, du cĂ´tĂ© de Jouy le Moutier, que j’avais dĂ©couvert :

 

 Tiep, pastels et M’Balax.

 

Le Tiep n’est pas le nom d’un vent ou d’un microclimat proche de la ville de Dieppe. Il n’a pas de lien de parentĂ© Ă  avec la pitiĂ©. Et il n’a pas Ă©tĂ© recensĂ© sur le continent  du Tchip que les Antilles se partagent très bien avec l’Afrique. Le Tiep ou ThiĂ©boudiene  est le plat national du SĂ©nĂ©gal.

 

Avec BĂ©a, indirectement, moi qui ne suis, Ă  ce jour, toujours pas allĂ© en Afrique, j’ai dĂ©couvert des bouts du SĂ©nĂ©gal. Du Wolof et du Cap Vert. Avant que CĂ©saria Evora ne (re) devienne populaire et que le chanteur StromaĂ©, beaucoup plus tard, n’en parle dans une de ses chansons. Avant que Youssou N’Dour ne lâche son tube 7 secondsavec Neneh Cherry. Hit que j’ai toujours eu beaucoup de mal Ă  supporter. Si Ă©loignĂ© de son M’Balax que j’ai, finalement, pu voir, aimer et Ă©couter sur scène trente ans plus tard : l’annĂ©e dernière Ă  la (dernière ?) fĂŞte de l’Huma.

 

 

Par hasard

 

J’ai retrouvé la route du Tiep il y a quelques mois. Par hasard. J’avais rendez-vous près de la gare du Val de Fontenay pour acheter une lampe de poche. Entre le moment où j’ai découvert le Tiep et les pastels et cette transaction, il s’est passé environ trente ans. J’avais bien-sûr mangé à nouveau du Tiep entre-temps. Mais cela était occasionnel. En me rendant sur certains marchés.

 

Le Val de Fontenay n’est pas mon coin. Je n’y habite pas. J’y Ă©tais allĂ© Ă  une « Ă©poque Â», ou, durant une annĂ©e, j’y avais Ă©té…entraĂ®neur de basket. Mais je parlerai de cette expĂ©rience dans un autre article. Ce matin, je m’applique Ă  me mettre au rĂ©gime :

 

Pour faire court

 

J’essaie de faire des phrases courtes. Et d’écrire un article court. C’est Yoast qui l’affirme : Certaines de mes phrases durent plus de vingt mois . Je sais que c’est vrai.

 

Mes articles manquent de titres. Si je décode bien Yoast, je fais beaucoup de victimes parmi mes lectrices et lecteurs. Et je pourrais mieux faire. Je n’écoute pas toujours Yoast.

 

En revenant de ma « transaction Â», il y a quelques mois, je suis donc retournĂ© Ă  la gare du Val de Fontenay. Et j’ai oubliĂ© si j’avais aperçu ce traiteur Ă  l’aller mais je m’y suis pointĂ© avant de reprendre le RER. J’y suis retournĂ© plusieurs fois depuis. Ainsi que ce week-end puisque nous avions prĂ©vu de faire un repas au travail.

 

 

 

 

Au Thiep DĂ©lices d’Afrique Keur Baye Niass

 

La nouveautĂ©, c’est que je suis allĂ© deux jours de suite au Thiep DĂ©lices d’Afrique Keur Baye Niass. Le vendredi, c’est le jour du Tiep au poisson. Les autres jours, on y trouve, entre-autres, du Tiep Ă  la viande qui me plait bien. Mais je voulais goĂ»ter son Tiep au poisson. J’ai donc appelĂ© suffisamment tĂ´t pour passer commande. Puis, une fois, sur place, j’ai vu qu’il ne restait plus de pastels. La cuisinière m’a confirmĂ© qu’il n’y en n’avait plus. ça m’a frustrĂ© mais c’était de ma faute. J’aurais dĂ» en commander en mĂŞme temps que le Tiep. Donc, le lendemain, j’ai rappelĂ© assez tĂ´t et j’ai commandĂ© des pastels au poisson. Et quelques uns Ă  la viande. Pour goĂ»ter.

 

 

Avec nos masques sur le visage : de cĹ“ur Ă  coeur

 

Avec nos masques sur le visage, nous sommes encore plus indistincts que « d’habitude Â». C’est peut-ĂŞtre aussi pour cette raison que j’ai tenu Ă  donner mon prĂ©nom, la veille. Puis que, lorsque j’y suis retournĂ©, que j’ai fait ce que je fais quelques fois : parler avec les gens. Leur demander de me parler d’eux. Un peu de cĹ“ur Ă  cĹ“ur. Je fais ça avec les personnes avec lesquelles je me sens bien. Avec lesquelles je ne discute pas du prix de ce qu’elles me vendent. On pourrait dire que cette dame qui me dĂ©passe d’une bonne dizaine de centimètres, et qui a sans doute presque l’âge de ma mère, est peut-ĂŞtre un Ă©quivalent maternel pour moi. Mais je ne crois pas que ce soit la seule raison.

 

Un mal pour un bien 

 

J’avais dĂ©jĂ  appris, qu’auparavant, elle travaillait avec ses collègues du cĂ´tĂ© de CrĂ©teil. Mais qu’elle avait dĂ» quitter les lieux que la RATP avait mis Ă  sa disposition. J’ai appris qu’avant de faire la cuisine, elle faisait dans le prĂŞt- Ă - porter. Elle avait trouvĂ© des fournisseurs en Italie et ça avait marchĂ© très vite. «  Je vendais de la bonne came ! Â» me dit-elle sans qu’il soit question de quoique ce soit d’autre que de prĂŞt-  Ă - porter. J’avais dĂ©jĂ  entendu parler de la qualitĂ© italienne en matière de vĂŞtements et de chaussures.

 

Le prĂŞt Ă  porter a Ă©tĂ© fructueux de 2004 jusqu’à environ 2015. Et puis, la concurrence chinoise…. 

« Les gens regardaient plus leur porte-monnaie….mais la qualitĂ© n’était pas du tout la mĂŞme… Â». Elle a alors dĂ» rendre ses locaux Ă  la RATP. Locaux dans lesquels elle avait effectuĂ©s des travaux. Travaux pour lesquels la RATP ne l’a jamais dĂ©dommagĂ©e. A la place, la RATP a fini par lui proposer cet endroit Ă  la gare du Val de Fontenay oĂą c’est « dix fois mieux Â» m’explique-t’elle :

« Il y a plus de passage. Avec les bureaux. Et on est près de la gare. LĂ , il y a le RER A. Il y a le RER E».

 

Prendre la vie par le bon bout

 

En l’écoutant, je prends Ă  nouveau la mesure du fait que, quelles que soient les circonstances et le contexte qui nous prĂ©occupent, qu’il y a des personnes comme cette dame et ses collègues qui travaillent. Et qui prennent la vie par le bon bout.  La cuisine, elle en avait toujours fait. Et après le prĂŞt- Ă - porter, l’idĂ©e lui est donc venue rapidement. Je ne connais pas son niveau d’études. Et je prĂ©sume qu’elle est nĂ©e au SĂ©nĂ©gal et y a vĂ©cu sĂ»rement ses vingt premières annĂ©es. Comme mes propres parents ont vĂ©cu leurs vingt premières annĂ©es sur leur Ă®le natale, la Guadeloupe.

 

Je n’ai pas insistĂ© pour savoir, comment, venant du SĂ©nĂ©gal et de la France, on fait pour trouver des fournisseurs de prĂŞt- Ă  -porter en Italie. Mais cela implique au moins de quitter son quartier. De passer la frontière. D’avoir un rĂ©seau de connaissances. Ou de savoir aller rencontrer des gens, y compris Ă  l’étranger. De les dĂ©marcher et de leur inspirer confiance. De savoir s’exprimer un minimum dans leur langue. D’être fiable dans son travail. Ce qui est facilitĂ© lorsque l’on  aime le faire ( son travail).

 

« L’argent n’est souvent qu’une conséquence »

 

J’ai relevĂ© ces phrases  dans un livre empruntĂ© rĂ©cemment dans la mĂ©diathèque de ma ville, Ă  Argenteuil. Un ouvrage dont j’ai lu, pour l’instant, les dernières pages et que je chroniquerai peut-ĂŞtre.

 

Changer de vie professionnelle ( C’est possible en milieu de carrière) de Mireille Garolla, aux Ă©ditions Eyrolles. Les propos sont les suivants, en bas de la page 147 :

« Ce n’est pas parce-que vous allez faire quelque chose qui vous plaĂ®t que vous n’arriverez pas Ă  en tirer un bĂ©nĂ©fice.

L’équation n’est pas toujours aussi simpliste que : je rentre dans un système capitaliste, donc, je gagne de l’argent, quitte Ă  souffrir tous les jours jusqu’à l’âge de la retraite, et un autre système qui consisterait Ă  faire des choses qui vous plaisent rĂ©ellement mais qui ne devraient donner lieu qu’à des rĂ©munĂ©rations symboliques.

(……) l’argent n’est souvent qu’une consĂ©quence du fait que vous faites quelque chose qui vous plaĂ®t et que vous le faites correctement Â».

 

 

Cette femme et ses collègues font partie des personnes qui rendent ces phrases concrètes. De 11h à 22h tous les jours de la semaine.

 

Je me suis senti tenu de lui parler un peu de moi. C’était un minimum. Le mĂ©tier que je faisais. Dans quelle ville j’habitais. Elle m’a Ă©coutĂ© avec attention. 

 

Il y a un stade où ce n’est plus l’argent qui fait le monde

 

Alors que je restais discuter avec elle, pendant que son collègue préparait mes plats, j’ai commandé quelques pastels supplémentaires. Vu, que cette fois, il en restait quelques uns. J’ai aussi commandé deux canettes de jus. Il s’agissait, aussi, d’en rapporter un peu à la maison. Elle m’a fait cadeau des deux canettes comme des pastels supplémentaires. Evidemment, je les aurais payés sans négocier.

 

Après avoir payĂ©, j’étais sur le dĂ©part lorsqu’ouvrant le rĂ©frigĂ©rateur, elle m’a tendu une petite bouteille de jus de gingembre. Il y a un stade de la relation dans la vie, oĂą mĂŞme entre inconnus, ce n’est plus l’argent qui fait le monde. L’argent (re)devient un masque ou un accessoire. Et il vaut alors beaucoup moins que ce qu’une personne nous donne volontairement. 

 

Ce soir-lĂ , sur la route du Tiep

 

Lorsqu’elle m’a fait cadeau de ces pastels et de ces deux canettes, je n’ai pas vu une commerçante habile qui tient à fidéliser un client qui lui était sympathique. Même s’il faut aussi, lorsque l’on tient un commerce, et quand on tient à une relation, savoir chouchouter celles et ceux que l’on veut garder. Et je ne doute pas qu’elle sait très bien faire ça.

Mais ce que j’ai vu, c’est surtout une personne qui « sait Â» que l’on se parle et que l’on se voit maintenant, mais que l’on ne sait pas lorsque l’on se reverra.

Et si l’on se reverra.

Alors, avant de se sĂ©parer, on « arme » comme on peut celle ou celui que l’on a croisĂ© pour la suite du trajet. 

Certaines personnes font des enfants pour conjurer ça. Mais, moi, ce soir-lĂ  et sur la route du Tiep qui m’avait ramenĂ© Ă  nouveau jusqu’à elle, et pendant quelques minutes,  j’ai Ă©tĂ© sans doute , un peu, un de ses enfants.

C’était ce week-end.

 

Franck Unimon, ce lundi 24 aout 2020.

 

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Lieux communs du 15 aout

 

 

                                                      Lieux communs du 15 aoĂ»t

Ce 15 aoĂ»t, il est entrĂ© dans le mĂ©tro. Les deux titres qu’il a jouĂ©s -et avait dĂ©jĂ  probablement jouĂ©s  des milliers de fois- n’étaient pas de lui.  En guise de prĂ©liminaires, des artistes avaient dĂ©limitĂ© le terrain plusieurs annĂ©es auparavant. Peut ĂŞtre avant sa naissance et sa rĂ©sistance.

 

C’était les chants fracturés de sa vie. Des wagons qu’il essayait peut-être encore de raccrocher. Et que j’ai aussitôt écoutés.

 

C’était la première fois que le voyais. La première fois que je l’entendais. Et sûrement aussi la dernière fois. C’est ce que je crois. Il nous faut souvent plusieurs fois pour bien nous rappeler d’un nom, d’un visage, d’un usage ou d’une rencontre.

 

Peut-ĂŞtre pour contrer ça, j’ai très vite sorti mon appareil photo.  J’aurais pu faire sans.  En Ă©crivant. Mais je me rendais au travail. Il Ă©tait peu frĂ©quent que je passe par lĂ . Et j’étais un peu en retard. Il me fallait une image. Une marge. D’autant plus que, comme lui avec ces deux titres, les mots de cet article, je les ai dĂ©jĂ  employĂ©s des milliers de fois.

 

Je lui ai fait signe. Il m’a vu et m’a rapidement fait comprendre qu’il acceptait que je le prenne en photo. Je ne connais pas son nom, ni son âge ni  son histoire. Tout ce que je sais et ce que je vois, c’est comment il est « dressĂ© Â» (« habillĂ© Â»). Comment il est fait ; qu’il chante du Blues en Anglais ou en AmĂ©ricain et qu’il a la guitare appropriĂ©e.  Et en passant plus tard entre nous, après que je lui aie donnĂ© une pièce, il me donnera, en Anglais, les deux noms des artistes dont il a interprĂ©tĂ© les titres.

 

Je n’en saurai pas plus.  Et ça me suffira pour quelques minutes et davantage. ça m’apportera plus que ce que j’ai en commun avec des millions de gens. Cette partie de ma vie oĂą je m’entraĂ®ne souvent Ă  ĂŞtre un dĂ©funt plutĂ´t qu’un ĂŞtre vivant.

 

Le Blues vient de l’Afrique. C’est ce que j’ai lu et entendu dire. Je n’ai pas l’impression que les deux noirs africains prĂ©sents dans le mĂ©tro pressentent une Ă©motion particulière devant ce chanteur. OĂą alors ils sont très pudiques. La pudeur « africaine Â»â€¦.

 

Peut-ĂŞtre ces deux passagers africains ont-ils tout simplement dĂ©passĂ© la station du Blues depuis très longtemps. Car ils le vivent depuis tant d’agrĂ©gations que, pour eux, ça n’a plus rien d’exceptionnel. Alors que ça semble exceptionnel pour ce chanteur, blanc, qui a dĂ©couvert le Blues « rĂ©cemment Â». 

 

Peut-ĂŞtre aussi que le Blues de ce 15 aout et dont nous parlons en occident est-il une invention de « Blanc occidental Â» ? Les restes bazardĂ©s du Blues originel. Un peu comme ce qu’il peut rester d’une crĂ©ation, d’une bizarrerie ou d’une particularitĂ© individuelle, linguistique ou culturelle brute après son industrialisation, son concassage, sa standardisation et sa commercialisation. Un Ă©chantillon.

Je crois me rappeler qu’au dĂ©part, le Blues Ă©tait plutĂ´t une musique peu convenable. Donc interdite sur les lieux officiels et publics, les jours d’affluence comme en plein jour. Comme le Gro-Ka.  Comme le Maloya. Comme le Rock ensuite. Puis comme le Rap. Comme toute forme et force d’expression identitaire et culturelle intestine qui dĂ©range une norme et une forme de pensĂ©e militaire, Ă©conomique, sociale et religieuse dominante.

 

Après l’administration du traitement de choc- ou de cheval- de l’industrialisation, du concassage, et de la commercialisation, on viendra ensuite déplorer que telle source, tel Art, telle culture ou telle personne a perdu son âme et s’est tarie. Qu’elle est devenue polluée ou insipide….

 

Peut-ĂŞtre que ces remarques sont  des conneries dominantes. Et qu’il suffit d’écouter avec ses oreilles sans chercher Ă  faire pschitt et son show en jouant avec des « shit holes Â» : avec les trous Ă  merde de certaines Ă©lucubrations.   

 

Plus qu’une opposition chronique et manichĂ©enne entre noirs et blancs, et entre Occident et Afrique, cette anecdote avec ce chanteur de « mĂ©tro Â» est Ă  nouveau le constat de l’échec rĂ©pĂ©tĂ© de certains aspects de notre « modernitĂ© Â» :

 

Les transports en commun sont un formidable et indiscutable moyen de déplacement. Internet et les réseaux sociaux font désormais partie de nos transports en commun.

Mais nous sommes souvent les marchandises et les prisonniers communs de nos transports en commun. 

Et nous sommes des marchandises et des prisonniers Ă©blouis par des ailleurs qui sont sĂ»rement assis Ă  quelques mètres de nous. Mais nous ne les voyons pas. Nous ne les reconnaissons pas. Parce que nous avons d’autres connexions Ă  faire.  Il n’est pas certain que mĂŞme ce chanteur parti au bout de deux chansons pourtant calibrĂ©es pour s’Ă©vader s’en sorte mieux que nous :

On peut passer sa vie à être à l’heure à nos rendez-vous et, finalement, avoir néanmoins plusieurs trains ou plusieurs métros de retard.

 

Parfois, pour essayer de changer de vie et de boulons, certaines personnes dĂ©cident de tout faire sauter. D’autres se jettent sur les rails. D’autres encore agressent physiquement et moralement d’autres personnes ou les volent. Il s’agit heureusement d’une minoritĂ©. Ça créé du changement chez certaines personnes. Mais ça créé aussi beaucoup de traumatismes qui pousseront peut-ĂŞtre d’autres personnes Ă  vouloir ensuite tout faire sauter, se jeter sur les rails,  agresser et voler leur entourage…

 

 

Arrivé à ma station de métro, j’ai fait comme la plupart des gens. Je me suis descendu calmement dans un coin puis je suis allé travailler.

 

 

Franck Unimon, mercredi 19 aout 2020.

 

 

 

 

 

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