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Coronavirus

 

 

Coronavirus : un petit sursis pour l’homme, un grand profit pour les pharmacies.

 

 

Je me trouvais du cĂŽtĂ© de la Gare du Nord. Je me suis dit que j’allais essayer de me procurer un numĂ©ro d’El Watan. Depuis que dans le 8Ăšme arrondissement de Paris, j’ai croisĂ© un journaliste d’El Watan, je me suis mis en tĂȘte de le lire. C’était avant d’interviewer le rĂ©alisateur Abdel Raouf Dafri dont j’ai dĂ©jĂ  reparlĂ© rĂ©cemment. ( A Voir absolument ).

 

A entendre ce journaliste, il Ă©tait facile de l’acheter dans un kiosque Ă  journaux. C’était il y a plusieurs semaines. Toujours dans le 8 Ăšme arrondissement, j’ai recroisĂ© ce journaliste il y a quelques jours alors que je me rendais Ă  la projection de presse du film Brooklyn Secret (Brooklyn Secret.) Mais avant que je puisse lui exposer mes difficultĂ©s pour trouver Ă  la vente ce journal qui le rĂ©munĂ©rait, il avait disparu.

 

Dans un point presse bien pourvu du 13Ăšme arrondissement oĂč on ne le vend plus depuis une dizaine d’annĂ©es, on m’avait suggĂ©rĂ© que j’avais mes chances Ă  BarbĂšs. C’est lĂ  que des anciens clients de ce point presse se rendraient dĂ©sormais pour acheter El Watan.

 

Je me suis imaginĂ© que j’avais mes chances Ă  la Gare du Nord. Puisque c’est proche de BarbĂšs. Je me suis trompĂ©. A la place, le vendeur a fait de l’humour. El Watan ? L’AlgĂ©rie ? J’ai commencĂ© moi aussi Ă  faire de l’humour :

« Vous savez que l’AlgĂ©rie existe ? Â». Il m’a rĂ©pondu sans dĂ©tour :

« Je sais que l’armĂ©e existe
je suis algĂ©rien Â».

Il m’a confirmĂ© qu’il Ă©tait probable que El Watan soit en vente Ă  BarbĂšs. Mais je ne me voyais pas aller jusqu’à BarbĂšs. Je me suis contentĂ© du New York Time  et de El Pais.

 

Par paresse, je lis trĂšs peu de presse Ă©trangĂšre. C’est un tort. C’est un tort de se contenter du minimum de ce que l’on sait et de ce que l’on a pu apprendre ou commencĂ© Ă  apprendre Ă  l’école ou ailleurs. De rester dans son confort. C’est comme ça qu’ensuite, avec l’habitude, le quotidien, notre regard sur nous-mĂȘmes et sur notre environnement se rĂ©trĂ©cit et qu’aprĂšs on pleure sur soi-mĂȘme parce-que notre vie est pourrie. Qu’il ne s’y passe jamais rien ou pas suffisamment selon nous.

Mais, lĂ , j’ai achetĂ© The New York Times  et El Pais. MĂȘme si je savais que je les lirais trĂšs partiellement, cela me permettrait dĂ©jĂ  de partir ailleurs.

J’ai plus feuilletĂ© le New York Times car mon manque de pratique de l’Espagnol m’handicapait avec El Pais.

 

Dans le train du retour, je me suis assis Ă  quelques mĂštres d’un SDF bouffi par l’alcool que je connais de vue. Je crois qu’il rĂ©side dans ma ville. Une dame venait de lui donner de l’argent. Mais dĂšs qu’il m’a aperçu prĂšs de lui, il m’a sollicitĂ© et en a redemandĂ©. A dĂ©faut d’argent, il m’a d’abord demandĂ© l’heure car il ne pouvait pas voir. Puis, il a fini par me demander de lui donner un journal. Pour lire. Pour s’informer. Il avait manifestement envie de parler Ă  quelqu’un. Lorsque je lui ai dit que les journaux Ă©taient en Anglais et en Espagnol, il a renoncĂ©. Par contre, lorsque quelques minutes plus tard, un autre homme est venu faire la manche dans le mĂȘme wagon en passant parmi les voyageurs, il l’a aussitĂŽt menacĂ© et lui a dit de se casser. L’autre homme a poursuivi son Ɠuvre avec le sourire.

 

Ce matin, je suis passĂ© Ă  la pharmacie. Je savais que je n’y trouverais pas El Watan. Aussi me suis-je abstenu de le demander. J’étais lĂ  pour acheter une lotion capillaire pour ma compagne. J’ai dĂ©jĂ  fait « pire Â» :

Je devais avoir Ă  peine une vingtaine d’annĂ©es lorsque ma mĂšre m’avait demandĂ© de lui acheter une paire de collants. Cela ne m’avait pas dĂ©rangĂ©. Depuis le temps que ma mĂšre m’envoyait faire des courses. J’étais ressorti du supermarchĂ© et, dans les rues de Pointe-Ă -Pitre, j’avais rapidement compris que certaines personnes qui m’avaient croisĂ© avaient des yeux de drones leur permettant de voir parfaitement Ă  travers le sac en plastique transparent que je portais en toute dĂ©contraction.

 

Ce matin, pas de collant parmi mes achats. J’étais Ă  la caisse quand j’ai entendu un homme plus jeune que moi demander Ă  une autre caisse un masque FFP2. J’ai aussitĂŽt fait le rapprochement avec le coronavirus Covid-19 bien que, sans cet homme, j’aurais Ă©tĂ© incapable de savoir le dĂ©finir de cette façon.

Devant moi, le pharmacien qui me servait m’a rĂ©pondu qu’il allait voir s’il en restait. Il m’a d’abord dit qu’un masque coĂ»tait 2,99 euros, l’unitĂ©. Puis, revenant avec trois masques, il m’a prĂ©sentĂ© ses excuses : un masque coĂ»tait 3,99 euros. Je les ai nĂ©anmoins pris tous les trois.

 

Le pharmacien m’a confirmĂ© que, oui, c’était bien les masques prĂ©ventifs pour le coronavirus. Il m’a dit qu’il espĂ©rait que cela allait s’arranger. Il m’a rĂ©pondu qu’ils n’en n’avaient pas toujours mais qu’il y avait en ce moment une certaine demande surtout des touristes. Il se trouve que les seuls touristes « reconnaissables Â» que j’ai pu voir dans cette pharmacie parisienne sont asiatiques. Peut-ĂȘtre chinois. Peut-ĂȘtre japonais.

 

Jusqu’à maintenant, j’ai entendu parler du coronavirus Covid-19 sans m’en inquiĂ©ter plus que ça. Mais, ce matin, je me suis dit que cela pouvait ĂȘtre bien de « s’équiper Â». En sachant que, selon les dires de ce pharmacien un masque a une durĂ©e d’efficacitĂ© de 8 heures. Il serait donc convenable si l’épidĂ©mie du coronavirus arrive en France qu’elle soit trĂšs rapide. Ou d’avoir de quoi acheter un nombre plutĂŽt consĂ©quent de masques. Mais je me suis dit ça aprĂšs avoir quittĂ© la pharmacie et aprĂšs avoir payĂ© les trois masques. Parce qu’en reprenant le mĂ©tro, j’ai pris le temps de lire le journal gratuit distribuĂ© devant la pharmacie. J’ai jetĂ© ce journal depuis. Mais je me souviens qu’aprĂšs un match laborieux, le PSG, hier, a battu Bordeaux 4-3 au parc des Princes. Que El Matador « Cavani Â» a marquĂ© son 200Ăšme but avec le PSG toutes compĂ©titions confondues. Que Neymar a trouvĂ© le moyen d’écoper d’un second carton jaune et de se faire exclure. Il sera donc absent pour le prochain match face Ă  Dijon. Qu’au dĂ©but du match, des supporters avaient montrĂ© une pancarte demandant Ă  M’bappĂ©, Neymar et Marquinhos de « porter leurs couilles Â».

A part ça, l’équipe de France de Rugby, en battant le Pays de Galles, confirmait qu’elle Ă©tait une trĂšs belle Ă©quipe. Et puis, tout au dĂ©but du journal, le coronavirus en Italie. L’inquiĂ©tude en Europe. Deux morts.

En rentrant, j’ai regardĂ© Ă  nouveau Le New York Times et El Pais. Hier, dans Le New York Times, j’avais pris le temps de lire l’article consacrĂ© Ă  l’acteur, scĂ©nariste et rĂ©alisateur amĂ©ricain Ben Affleck qui parlait de son addiction Ă  l’alcool. Au fait que son propre pĂšre Ă©tait devenu sobre alors qu’il avait 19 ans. L’alcoolisme de son frĂšre Casey, que l’on n’a plus vu depuis quelques temps sur les Ă©crans, Ă©tait aussi mentionnĂ©.

 

 

C’est sur El Pais que j’ai vu l’article dont s’est sans doute inspirĂ© le journal gratuit d’aujourd’hui concernant le coronavirus. Entre-temps, les prĂšs de 4 euros par masque avaient commencĂ© Ă  me peser. Lorsque j’en ai discutĂ© avec ma compagne, j’ai Ă©tĂ© obligĂ© de me rendre compte que je m’étais fait arnaquer. Comme d’autres. PrĂšs de 4 euros pour un masque qui ressemble Ă  un petit slip jetable pour bĂ©bĂ© et dont le coĂ»t Ă  la fabrication doit se compter en centimes et peut-ĂȘtre mĂȘme en micro-centimes. Pour un slip jetable qui est peut-ĂȘtre fabriquĂ© en Chine, ce qui serait comique en plus.

 

L’anxiĂ©tĂ© et l’esprit de prĂ©vention avaient encore frappĂ©. Lorsque ce n’est pas sous forme de pub sur le net, dans la boite Ă  lettres, Ă  la tĂ©lĂ©, au cinĂ©ma, Ă  la radio, dans la rue, dans les transports en commun, sur le tĂ©lĂ©phone portable, la tablette ou Ă  la banque, c’est sous forme de terrorisme, d’extrĂ©misme politique, de catastrophe, de meurtres ou d’épidĂ©mie sanitaire qu’ils s’infiltrent. Avant que le moindre virus n’ait eu le temps de visiter nos poumons, nous sommes dĂ©jĂ  contaminĂ©s par l’anxiĂ©tĂ© et l’achat de prĂ©vention qui sont une forme de crachat civil rĂ©servĂ© Ă  ces ĂȘtres civilisĂ©s et socialisĂ©s que nous sommes. Jusqu’à ce qu’une rupture de stock apparaisse….

 

Mais je crois encore que je rĂ©ussirai Ă  me rendre Ă  BarbĂšs afin d’y trouver El Watan avant que le coronavirus ne trouve l’adresse de mon organisme.  

 

Franck Unimon, lundi 24 février 2020.

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Cinéma Ecologie

SystĂšme K

Photos pour cet article issues du site Allociné.

     

                                             

Produits de l’énergie du KO, ils sont les diadĂšmes Ă©loignĂ©s de nos rĂȘves bĂȘta-bloquĂ©s. Celles et ceux qui sont lĂ  mais que l’on ne voit pas. MĂȘme s’ils Ă©taient Ă  notre portĂ©e, cela ne changerait pas :

Le regard de l’occident est toujours cet oxydant rayant de la carte leurs matiĂšres premiĂšres et leur laissant pour sacs Ă  main des freins aux Ă©clats toxiques. Et nous rĂ©pĂ©tons cet accident car nous sommes cet occident.   

 

Plusieurs annĂ©es aprĂšs Staff Benda Bilili (Au delĂ  des apparences) qui avait rĂ©pandu de la vibration ondulante sur le festival de Cannes avec ses musiciens en chaise ambulante, Renaud Barret revient une nouvelle fois. On pouvait reprocher Ă  l’entraĂźnant Staff Benda Bilili qu’il avait corĂ©alisĂ© avec Florent de la Tullaye – que l’on retrouve dans le gĂ©nĂ©rique de son SystĂšme K –  de nous montrer «  en corps Â» des noirs musiciens au rythme et au membre plus roulants que la misĂšre,  le dĂ©sespoir et la violence.  Kate Moss s’en souvient peut-ĂȘtre. Il y manquait Ă  peine Franck Vincent pour que la fĂȘte soit complĂšte. Si on ne peut pas un peut s’amuser de temps en temps
.

 

Pour sĂ»r, Staff Benda Bilili Ă©tait bien plus qu’une animation en caisson hyperbare rĂ©alisĂ©e pour le Club Med. Mais avec  SystĂšme K, oĂč l’on aperçoit Kinshasa entre les barres, Renaud Barret signe un documentaire sincĂšre et attachant. Nous ne sommes plus sur les Champs ElysĂ©es Ă  la sortie d’un flacon d’eau de toilette luxueuse. Nous ne sommes plus en train de pleurer une Star du Basket disparue dans un accident d’hĂ©licoptĂšre, ou occupĂ©s Ă  frissonner d’avance devant le grand dĂ©barquement prĂ©sumĂ© du coronavirus chinois qui viendra bientĂŽt nous anĂ©antir et nous diviser pour avoir espĂ©rer destituer le PrĂ©sident AmĂ©ricain Donald Trump qui a pu rĂ©cupĂ©rer son double permis Ă  tweet illimitĂ©.  Au lieu de choisir la marque Apple plutĂŽt que Huawei.

 

Dans SystĂšme K, Nous sommes souvent dans la rue, entre le camion Iveco, le taxi moto sur lequel on monte Ă  trois,  la vente d’une reproduction de la Joconde, de sacs en plastique remplis d’eau, dans le pays des quatre barrages oĂč une grande partie de la population vit sans eau courante (100 francs le bidon d’eau) et sans Ă©lectricitĂ©.

 

Censure, rĂ©pression, superstitions et vĂ©nalitĂ© de l’église et de l’Etat sont  un programme permanent ainsi qu’une seule certitude : L’instant prĂ©sent.

 

En face, Renaud Barret choisit de nous montrer la vitalitĂ© des performances de certains artistes, quelques moments de leur conscience et certaines de leurs rencontres avec la population qui les environne. «  Des artistes, ici Ă  Kin ? Â» demande un homme.

 

On y croise d’abord Freddy Tsimba qui explique plus tard avoir eu la chance de percer «  le mur invisible Â» qui sĂ©pare l’artiste solitaire et pauvre de celui qui est reconnu internationalement et estime avoir la responsabilitĂ© de laisser la porte ouverte derriĂšre lui.

On y voit GĂ©raldine qui accepte de respirer des «  fumĂ©es toxiques Â» lorsqu’elle crĂ©e et qui a compris qu’elle Ă©tait « liĂ©e Ă  la fumĂ©e Â».

BĂ©ni, orphelin de pĂšre belge et de mĂšre congolaise quand il avait six ans, aimerait quitter ce pays de « merde Â» ( la RDC ) mais explique que les Belges et lui, «  On ne se comprend pas Â» et, aussi, qu’il s’est « synchronisĂ© avec le plastique Â». Suivent d’autres performances et d’autres artistes.

Devant SystĂšme K, on ne sait pas si l’on est devant notre futur ou devant le passĂ©. Mais ce qui est sĂ»r, c’est que ce systĂšme est dĂ©jĂ  le prĂ©sent de certaines et certains d’entre nous.

 

Je me demande ce qu’en a pensĂ© la trĂšs bonne revue AwotĂ©lĂ© consacrĂ©e aux cinĂ©mas d’Afrique.

Franck Unimon, ce jeudi 13 fĂ©vrier 2020. 

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Cinéma Ecologie

Marche avec les loups

Photo issue du site allociné comme les suivantes.

Pour cause de Selfie hier ( film rĂ©alisĂ© par Thomas Bidegain et Marc Fitoussi), ce matin, je suis allĂ© voir le documentaire Marche avec les loups de et avec Jean-Michel Bertrand. Avant qu’il disparaisse sans doute rapidement des Ă©crans.

 

Afin d’avoir le droit d’obtenir ma place dans une salle de cinĂ©ma et voir marcher Jean-Michel Bertrand dans les Alpes et le Jura,  j’ai d’abord dĂ» accepter d’entrer dans les transports en commun parisiens bondĂ©s aux heures de pointe.

Il y a plusieurs annĂ©es, quelqu’un m’avait rĂ©sumĂ© de cette façon une « soirĂ©e qui craint Â» :

« C’est une soirĂ©e oĂč tu payes dix balles l’entrĂ©e, oĂč il n’ y a pas de meuf et oĂč tu sais qu’à un moment donnĂ©, quelqu’un va s’embrouiller avec un autre Â».

 

Ce matin, il n y a pas eu de torsion de vocabulaire ou d’action circulaire dans le train Bombardier. Mais il y a eu une promiscuitĂ© intermittente avec une certaine haleine testamentaire ou avec un abcĂšs dentaire. Je n’ai pas cherchĂ© Ă  en savoir plus.

En pleine inquiĂ©tude Ă  propos de la Chine qui, en plus d’ĂȘtre de plus en prĂ©sentĂ©e comme une menace fantĂŽme et visible d’un point de vue Ă©conomique et identitaire, nous « envoie Â» maintenant sa grippe mortuaire, il a fallu refaire connaissance avec la persistance. 

 

Au dĂ©but de son documentaire rĂ©alisĂ© en 2018, Jean-Michel Bertrand nous apprend ĂȘtre parti marcher dans les Alpes « pendant trois ans et avec une seule obsession : croiser le regard des loups». On le suit donc dans les Alpes et le Jura, plutĂŽt en hiver,  jusqu’à moins dix neuf degrĂ©s. Son voyage ressemble au chemin de Compostelle vers la vie sauvage. MĂȘme si Jean-Michel Bertrand nous le dit :

 

«  La frontiĂšre entre le sauvage et ce qui ne l’est pas est illusoire Â». Il est vrai que dans une soirĂ©e qui « craint Â» ou dans des transports en commun dĂ©goulinant de monde, vouloir s’asseoir peut revenir Ă  prendre le risque de s’exposer Ă  un coup de rasoir. Mais on est trĂšs loin de tout ça dans le documentaire de Jean-Michel Bertrand. Alchimie de l’homme du « passĂ© Â» et de l’homme  «connectĂ© Â» avec son matĂ©riel de campeur de pointe,  ses camĂ©ras automatiques et son tĂ©lĂ©phone portable qui lui transmet des images et des vidĂ©os en temps rĂ©el, Il nous guide dans un monde oubliĂ© parce-que nous l’avons fui et abandonnĂ© pour le profit total de la modernitĂ©. Et aussi parce-que nous sommes originaires d’autres cultures du monde.

 

 

 

Lorsque l’on regarde Jean-Michel Bertrand, on se dit que l’électricitĂ© rime aussi avec l’obscuritĂ©  d’un certain nombre de nos activitĂ©s qui nous semblent si importantes. Alors que si l’on prenait vraiment le temps de faire le tri, on s’apercevrait que bien avant l’invention du GPS, d’internet et de nos applications mobiles, nous nous Ă©tions dĂ©jĂ  perdus. La comĂ©die Selfie  parle de ça d’une autre façon.

Jean-Michel Bertrand nous dit aussi :

 

« La force du loup, c’est le groupe Â». On retrouve ça chez bien des groupes humains hostiles comme amicaux. Pourtant, on dit aussi que nous vivons de plus en plus dans une sociĂ©tĂ© individualiste oĂč c’est « chacun pour soi Â». Et, lors de mon trajet de quelques minutes dans mon train bondĂ© de ce matin pour rejoindre Paris,  puis dans le mĂ©tro, seules les personnes qui se connaissaient dĂ©jĂ  sont restĂ©es ensemble. Toutes les autres, la majoritĂ©, ont juste composĂ© les unes avec les autres comme elles le pouvaient, le temps du trajet, sans se rencontrer. Avant de rencontrer celles et ceux avec lesquels elles sont prĂ©sumĂ©es ĂȘtre ensemble au travail, Ă  la maison, dans un commerce ou dans une administration.  

 

Et c’est comme ça tous les jours depuis des annĂ©es. On peut ĂȘtre hyper-connectĂ© mais sans se calculer. Sauf pour s’insulter, s’épier ou pour se menacer.

 

 

Marche avec les loups, c’est le contraire de ça. MĂȘme si Jean-Michel Bertrand est le seul humain que l’on voit au premier plan. Il nous donne son avis sur cette haine pour le loup qui provient selon lui de croyances mĂ©diĂ©vales. Il nous parle du loup mais je me dis que d’autres dĂ©fendent les requins et les ours comme lui, dĂ©fend le loup. Et, bien-sĂ»r, j’ai repensĂ© au livre de Nastassja Martin, Croire aux fauves . Ainsi qu’au film The Ride de StĂ©phanie Gillard. Ce sont des Ɠuvres-frontiĂšres entre le passĂ© et le prĂ©sent. Entre l’inhumain et l’humain. Entre l’innommable et l’inhumĂ©. 

Jean-Michel Bertrand cite Robert Hainard, un Ă©cologiste oubliĂ© qui, devant la destruction de la nature, a pu dire ou Ă©crire :

« On me tue mon infini Â».

 

On peut voir ce documentaire de Jean-Michel Bertrand comme seulement fait de trĂšs belles images de la nature, de loups et d’autres animaux. On peut le voir comme un Into the Wild dĂ©cafĂ©inĂ© et monastique. Comme un manifeste pro-loup, ce qui a beaucoup dĂ©plu Ă  certaines personnes qui ont voulu empĂȘcher sa sortie. ( Je crois que Jean-Michel Bertrand a aussi reçu des menaces de mort).

 

Mais on peut aussi voir Marche avec les loups comme une Ɠuvre qui s’escrime Ă  nous faire percevoir l’infini. Ce qui est quand mĂȘme beaucoup mieux que d’attendre de retrouver le quai , dans un train ou dans un mĂ©tro bondĂ©, alors que celui-ci est arrĂȘtĂ© sur la voie ferrĂ©e plutĂŽt que sur la voie lactĂ©e.  

 

Franck Unimon, mardi 28 janvier 2020. 

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Ecologie Puissants Fonds/ Livres

Croire aux fauves

 

                                                      Croire aux fauves

Terminer un livre. Il n y a pas plus illusoire. Il y a l’idĂ©e d’une victoire. Alors que chaque livre devrait nous Ă©jecter de ce genre de croyance. Etre une frontiĂšre, une trajectoire. Et nous rapprocher du rĂȘve.

 

Mais nous ne rĂȘvons plus, nous dit Nastassja Martin dans son livre, Croire aux fauves. Nous laissons les atomes et les pixels de nos vies modernes rĂȘver des traces Ă  notre place.

 

A la fin de ma lecture de Croire aux fauves, il y a quelques jours, j’étais hĂ©bĂ©tĂ© :

 

J’étais incapable de me sortir -d’en parler- de ce livre de 151 pages de taille moyenne.

 

Depuis, j’ai cherchĂ© un autre mĂ©dicament, commencĂ© Ă  tourner d’autres pages sans rĂ©ussir Ă  me dĂ©cider vraiment :

 

Les Chamans ( Hier et Aujourd’hui) de Jean-Patrick Costa.

 

L’ApothĂ©ose des vaincus ( Philosophie et champ jazzistique) de Christian BĂ©thune.

 

Catherine Ringer Et les Rita Mitsouko de Stan Cuesta (avec une prĂ©face d’Alfredo Arias)

 

Ecrit sur la bouche de Claude Olievenstein

 

Deep de James Nestor

 

L’An V de la RĂ©volution algĂ©rienne de Frantz Fanon dont Abdel Raouf Dafri m’a parlĂ© lors de son interview pour son film Qu’un sang impur… qui sort demain ( Interview en apnĂ©e avec Abdel Raouf Dafri ). 

 

Mon pĂšre, ce tueur de Thierry Crouzet

 

 

Alors, je passe un peu d’un livre Ă  un autre, comme un alpiniste passerait d’une montagne Ă  une autre. Dans le Ecrit sur la bouche d’Olivenstein, publiĂ© en 1995, il y a cette phrase, page 15 : « La bouche garde le souvenir de notre passĂ© (
) Â».

Cela peut correspondre avec ce qu’écrit Nastassja Martin en 2019 dans son livre Croire aux fauves, page 113 :

 

«  Le fauve mord la mĂąchoire pour rendre la parole Â».

 

 

Dans Deep, je suis tombĂ© sur ce passage qui raconte que le Capitaine Cook avait embarquĂ© pour un de ses voyages, le chef d’une tribu «  primitive Â». Non seulement, celui-ci lui avait fait dĂ©couvrir un certain nombre de « mondes Â» (d’autres contrĂ©es)  en les lui montrant sur la carte. Mais, quel que soit l’endroit oĂč ils se trouvaient sur la mer, ce « chef Â» restait capable de situer exactement sur la carte l’endroit oĂč se trouvait son « pays Â».

Toujours dans le mĂȘme livre, James Nestor nous parle d’une autre tribu (aborigĂšne ?) qui, dans son langage quotidien, intĂ©grait en permanence les points cardinaux : nord, sud, ouest, est.

 

Si je me fie Ă  ma pensĂ©e cartĂ©sienne d’occidental parisien Ă©duquĂ©, « normal Â», bornĂ© et « responsable Â» de 2020, je dirais que ces sujets et ces livres font partie de mes envies d’exotisme du moment en pleine pĂ©riode des soldes d’hiver. Et que Nastassja Martin, anthropologue, brillante Ă©tudiante, Ă©lĂšve de Philippe Descola, formĂ©e Ă  la psychanalyse, sĂ»rement une trĂšs belle femme Ă  «  l’origine Â», trĂšs bonne alpiniste, russophone et sans doute capable de parler d’autres langues en plus du Français,  d’un ( trĂšs) bon milieu social, guidĂ©e par son arrogance et son sentiment de supĂ©rioritĂ©, s’est Ă  nouveau  aventurĂ©e sur un territoire encore sauvage, dans les montagnes du Kamtchatka ; a fait le voyage de trop en aout 2015 et est tombĂ©e sur un ours qui l’a dĂ©figurĂ©e. Elle lui a rĂ©sistĂ© et, les yeux fermĂ©s, avec son piolet, a rĂ©ussi Ă  le blesser. Autrement, il l’aurait sans doute tuĂ©e. L’ours s’est Ă©chappĂ©. Nastassja Martin est une combattante et une survivante. Elle raconte ce que cette rencontre lui a donnĂ© dans la peur et dans la douleur. Sans voyeurisme et sans exhibitionnisme.

 

Si je laisse tomber cette corde de pensĂ©e, je dirais que je suis en ce moment incapable de regarder un film et de me fixer sur un livre parce-que la poussĂ©e animiste du livre de Nastassja Martin m’épouse et me rappelle une histoire perdue qui vient de loin. Mais je ne l’ai pas encore Ă©crite :

Nous sommes surtout douĂ©s, dĂ©sormais, pour savoir nous repĂ©rer et nous rĂ©pĂ©ter dans des administrations et des magasins. Pour nous cantonner Ă  certaines de nos fonctions et  Ă  certaines actions Ă  des horaires et des pĂ©riodes paramĂ©trĂ©s. Alors que pour vivre nous devrions plus nous inspirer de nos rĂȘves que des murs qui nous regardent.

 

 

Nastassja Martin, encore, dans son Croire aux fauves, page 121 :

 

 

«  (
.) personne n’a Ă©coutĂ© Antonin Artaud qui, pourtant, avait raison. Il faut sortir de l’aliĂ©nation que produit notre civilisation. Mais la drogue, l’alcool, la mĂ©lancolie et in fine la folie et/ou la mort ne sont pas une solution, il faut trouver autre chose. C’est ce que j’ai cherchĂ© dans les forĂȘts du nord, ce que je n’ai que partiellement trouvĂ©, ce que je continue de traquer Â».

 

 

 

Franck Unimon, ce mardi 21 janvier 2020.

 

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Ecologie Puissants Fonds/ Livres

Une autre fin du monde est possible

 

 

 

 

 

 

 

  • Les revoilĂ  ! 

 

Il y a maintenant deux ou trois ans, la lecture de leur livre Comment tout peut s’effondrer. Petit manuel de collapsologie Ă  l’usage des gĂ©nĂ©rations prĂ©sentes m’avait assommĂ©. Et puis, sous l’effet du dĂ©ni sans doute, la vie avait continuĂ©.

 

Mais les revoilĂ  avec un nouveau livre :

Une autre fin du monde est possible ( vivre l’effondrement et pas seulement y survivre) et, cette fois, Pablo Servigne et RaphaĂ«l Stevens sont rejoints par Gauthier Chapelle pour la rĂ©daction de ce livre. Et j’ai remis ça. J’ai Ă©galement lu cet ouvrage. Cela m’a pris plus d’un mois. Bien que ce livre puisse se lire en moins d’une semaine.

Tout autant fourni en bibliographies et rĂ©fĂ©rences diverses, Une autre fin du monde est possible ( vivre l’effondrement et pas seulement y survivre) est typiquement le genre de livre dont vous ne parlez pas autour de vous Ă  moins de vouloir prendre le risque de passer pour fou, parano, extrĂ©miste, sĂ©ropositif, nĂ©gatif, pessimiste ou pour celle ou celui qui a subitement pĂ©tĂ© plusieurs plombs ou plusieurs cĂąbles en mĂȘme temps. Le sujet a trĂšs mauvaise haleine et transmet des trĂšs trĂšs mauvaises vibrations. Et cela ne se perçoit peut-ĂȘtre pas dans mes articles mais, dans la vie, j’aime plutĂŽt rire et faire rire.

 

  • obĂ©ir

 

 

C’est vraisemblablement pour ces quelques raisons que depuis la fin de sa lecture il y a plusieurs jours maintenant, je me suis abstenu d’en parler. Et que je me suis lancĂ© dans la lecture de Leçons de danse, leçons de vie de Wayne Byars, un ouvrage plus rassurant et pourtant complĂ©mentaire avec le rĂ©cent ouvrage de Pablo Servigne, RaphaĂ«l Stevens et Gauthier Chapelle.

Une autre fin du monde est possible est typiquement le genre de livre dont vous ne parlez pas autour de vous, lorsque vous vivez parmi des gens «normaux », mais qui vous rĂ©veille en pleine nuit pour Ă©crire Ă  son sujet. C’est ce qui est en train de m’arriver. Cela m’est bien sĂ»r arrivĂ© pour d’autres articles diffĂ©rents et plus joyeux, mais c’est ce qui m’arrive pour ce livre. Il est 4h35 et tout Ă  l’heure, ce livre m’a en quelque sorte dit ( oui, certains livres et certains mots me parlent) :

« Franck, le moment est arrivĂ© pour toi de parler de moi. C’est mon tour ! J’ai suffisamment attendu ». Et j’ai dĂ©cidĂ© d’obĂ©ir. 

 

  • Le SymptĂŽme Take Shelter

 

 

Le réalisateur Jeff Nichols, au festival de Cannes en 2011.

 

 

 

J’aimerais encore que ma façon de rĂ©agir Ă  la lecture de ce livre soit dĂ» au symptĂŽme Take Shelter, titre du film du rĂ©alisateur Jeff Nichols oĂč l’acteur Michael Shannon, pĂšre de famille et fils d’une schizophrĂšne, commence Ă  avoir des visions d’une catastrophe Ă  venir. Et, malgrĂ© la dĂ©sapprobation gĂ©nĂ©rale de la communautĂ© et l’incomprĂ©hension de sa femme (l’actrice Jessica Chastain), celui-ci dĂ©cide, en s’endettant, de construire un abri pour sa fille et sa femme.

Dans Take Shelter, il s’agit d’une catastrophe naturelle qui touche leur rĂ©gion ( au Texas, je crois) et non d’un effondrement mondial. Mais Ă  Cannes, alors que mon collĂšgue journaliste, Johan, et moi l’interviewions- je faisais l’interprĂšte- pour le magazine cinĂ©ma Brazil, Jeff Nichols nous avait expliquĂ© qu’en devenant pĂšre lui-mĂȘme, il avait commencĂ© Ă  percevoir le monde comme pouvant ĂȘtre particuliĂšrement menaçant.

Lorsque j’avais lu le prĂ©cĂ©dent ouvrage de Pablo Servigne et RaphaĂ«l Stevens Comment tout peut s’effondrer, j’étais moi-mĂȘme devenu pĂšre. Et les trois auteurs de Une autre fin du monde est possible prĂ©cisent aussi ĂȘtre malgrĂ© tout devenus pĂšres. L’ñge des enfants n’est pas prĂ©cisĂ© mais je suppose que nous parlons Ă  chaque fois d’enfants de moins de dix ans, soit un Ăąge oĂč, dans l’espĂšce humaine, les enfants sont particuliĂšrement vulnĂ©rables. Et leurs parents aussi sans doute. Cette prĂ©cision « psychologique » permettra peut-ĂȘtre de mieux faire comprendre mon Ă©tat d’esprit alors que j’écris sur cet ouvrage.

 

  • Nous sommes peut-ĂȘtre des oies

 

Pour le reste, selon Pablo Servigne, RaphaĂ«l Stevens et Gauthier Chapelle, ainsi que pour d’autres (scientifiques, auteurs et militants
.), l’espĂšce humaine, en 2019, devant l’effondrement serait Ă  peu prĂšs Ă©quivalente Ă  celle de ces oies qui, la veille du repas de NoĂ«l, estimeraient que tout va pour le mieux car elles sont particuliĂšrement choyĂ©es. Ou Ă  ces proies et ces victimes qui, alors qu’elles se rendent Ă  un Ă©vĂ©nement heureux ou anodin, vivent peu aprĂšs une trĂšs mauvaise expĂ©rience qui se rĂ©vĂšlera dĂ©finitive ou traumatisante.

 

  • Plusieurs types de rĂ©actions d’oies

 

Devant de telles suggestions d’avenir que nos trois auteurs ( et d’autres) justifient largement, on a le choix entre plusieurs types de rĂ©actions :

DĂ©ni, colĂšre, dĂ©pression, renoncement, acceptation
.. et Pablo Servigne, RaphaĂ«l Stevens et Gauthier Chappelle le savent pour l’avoir vĂ©cu eux-mĂȘmes. Dans Comment tout peut s’effondrer, ils expliquaient par exemple que leurs relations avaient pu se tendre avec plusieurs de leurs proches.

Dans Une autre fin du monde est possible, ils évoquent un moment cette conséquence relationnelle et affective, page 264 :

« Qui n’a pas dĂ©jĂ  Ă©prouvĂ© des difficultĂ©s Ă  trouver oreille attentive lorsqu’il s’agit de parler d’un possible effondrement ? Lorsqu’on dĂ©couvre tout cela, surtout si c’est dans la solitude, le premier rĂ©flexe est de vouloir le partager rapidement avec des proches pour se sentir moins seul, ou parce qu’on les aime et qu’on estime que cette information est capitale pour leur sĂ©curitĂ©. Mais attention, lorsque les autres ne sont pas prĂȘts Ă  entendre (et c’est souvent le cas) les rĂ©actions sont souvent dĂ©sagrĂ©ables tout comme le sentiment de solitude et d’incomprĂ©hension qui peut en dĂ©couler. La premiĂšre chose Ă  faire est peut-ĂȘtre de prendre le temps d’intĂ©grer tout cela pour soi. Ceux qui n’ont pas la chance d’avoir des proches sensibles Ă  cette thĂ©matique peuvent Ă©changer facilement Ă  travers les rĂ©seaux sociaux. Lire un article, un commentaire, un livre ou un documentaire sur un sujet que l’on croyait tabou, et en parler librement, redonne du baume au cƓur ».

 

  • Une oie tĂąte du doigt deux groupes d’entraide

 

J’ai lu et voulu que ce livre soit moins « bon » que le prĂ©cĂ©dent. A un moment, en allant voir deux des sites de groupes d’entraide qu’ils citent, je me suis dit qu’il y avait un cĂŽtĂ© sectaire tout de mĂȘme dans leur façon de rĂ©agir. Mais cela fait aussi partie du dĂ©ni de vouloir voir le mal et des sectes dĂšs qu’il s’agit de changer de comportement et de vision sur notre vie et sur le monde.

 

  • En coloc au colloque

 

RĂ©cemment, un spĂ©cialiste des addictions qui intervenait lors d’un colloque organisĂ© sur le thĂšme de « SpiritualitĂ© et addictions » m’a donnĂ© cette rĂ©ponse simple afin de faire la diffĂ©rence entre un groupe ou un lieu bienveillant et une secte ou un groupe jihadiste (ou extrĂ©miste) qui proposeraient leur « aide » :

 

Liberté, Gratuité et Charité.

 

  • Dans l’arrondissement de la brĂšche

 

Il peut en effet ĂȘtre difficile Ă  la fois de continuer de vivre sa vie en s’abstenant de raser les murs tout en se disant- en mĂȘme temps- que ce monde que nous voyons et que nous avons toujours connu- et construit mentalement- malgrĂ© ses apparences de perpĂ©tuitĂ© toute puissante, a en son foyer une brĂšche d’éphĂ©mĂšre et d’illusoire et que celle-ci grandit de jour en jour que l’on s’en aperçoive ou non. Pour moi, le suicide de Christine Renon, la directrice d’Ă©cole maternelle publique de Pantin dans le 93 rĂ©cemment, la dĂ©gradation des conditions de travail dans l’Ă©cole publique,  la dĂ©gradation continue des conditions de travail dans l’hĂŽpital public depuis plus d’une vingtaine d’annĂ©es, la dĂ©gradation des conditions de travail dans la police font partie de l’effondrement. 

Servigne et Stevens l’avaient dĂ©jĂ  bien expliquĂ© dans Comment tout peut s’effondrer :

L’effondrement a dĂ©jĂ  commencĂ©. Que l’on parle du rĂ©chauffement climatique ou de la dĂ©tĂ©rioration de notre monde dans les domaines sociologiques, culturels, politiques, Ă©conomiques et militaires. Avant la grande catastrophe que tout le monde pourra « voir » Ă  l’Ɠil nu ou subir Ă©ventuellement, l’effondrement est avant tout une succession de disparitions, de dĂ©gradations et de tragĂ©dies dont on s’est accommodĂ© ou dont on s’accommode jour aprĂšs jour.

 

  • Les vers puissants

 

Les hommes politiques ( et j’écris « hommes » parce qu’à ce jour, hormis quelques exceptions, les principaux dirigeants politiques de notre monde sont et ont Ă©tĂ© des hommes) et les « Puissants » resteront sur la lancĂ©e de leur vision archaĂŻque du monde comme ils le font depuis des siĂšcles. Au mieux, ils rĂ©agiront dans l’urgence.

Servigne, Stevens et Chapelle nous expliquent ( aprĂšs d’autres sans doute) que «Les trente glorieuses » qui ont suivi la Seconde Guerre Mondiale et qui nous ont toujours Ă©tĂ© dĂ©crites comme une pĂ©riode de grande croissance Ă©conomique seront peut-ĂȘtre surnommĂ©es plus tard « Les trente affreuses » d’un point de vue Ă©cologique. Or, nous sommes toujours calĂ©s sur ce modĂšle de dĂ©veloppement Ă©conomique et industriel qui consiste Ă  asservir et exploiter la terre, les ĂȘtres (humains et non humains), leur vitalitĂ© et leur richesse comme si celles-ci Ă©taient illimitĂ©es et nĂ©gligeables et qu’elles pourraient ĂȘtre remplacĂ©es par des innovations technologiques ou Ă©ventuellement ĂȘtre retrouvĂ©es en abondance sur une autre planĂšte.

 

  • Compost de pommes et solutions

 

Dans Une autre fin du monde, vivre l’effondrement (et pas seulement y survivre) Servigne, Stevens et Chapelle s’attachent à proposer des solutions.

 

Parmi elles, l’entraide, la solidaritĂ©, ĂȘtre dans l’art et dans la culture, le retour Ă  une certaine spiritualitĂ© mais aussi rĂ©apprendre Ă  vivre avec la nature et selon la nature.

Les trois auteurs nous rappellent comme nous sommes devenus des citadins forcenĂ©s de plus en plus connectĂ©s et, pourtant, nous sommes de plus en plus coupĂ©s de nous-mĂȘmes et des autres humains et non-humains.

On peut les trouver paradoxaux- peut-ĂȘtre afin de nous rassurer- comme ils peuvent Ă  la fois envisager le pire et dire qu’il y aura beaucoup de morts et de souffrance, Ă©voquer la possible Ă©mergence de bandes armĂ©es, et, en mĂȘme temps, donner l’impression , Ă  les lire, qu’en cas de catastrophe, il nous « suffira » de rester des personnes civilisĂ©es et de faire un travail sur nous-mĂȘmes pour nous en sortir. Alors que ce sera vraisemblablement, un « peu » la panique et la barbarie Ă  certains endroits :

 

  • Nomade’s land 

« L’avenir risque d’ĂȘtre en grande partie nomade » Ă©crivent-ils par exemple (page 264, encore apparemment).

 

  • Superbe parano orientĂ©e sud-ouest avec vue dĂ©gagĂ©e sur la mer, proche de toutes commoditĂ©s

 

RĂ©sumĂ© comme je viens de le faire, ce livre continuera peut-ĂȘtre de passer pour l’ouvrage rĂ©sultant d’un « complot » de survivalistes bobos permettant, il est vrai, l’essor lucratif d’une Ă©conomie de la survie au mĂȘme titre que le Bio, dĂ©sormais, est devenu une trĂšs bonne niche Ă©conomique- et un trĂšs bon investissement comme la fonte de la banquise- pour certains entrepreneurs, certains politiques, certains financiers et certains meneurs religieux ou sectaires. 

 

  • Les premiĂšres impressions…

 

On peut aussi rester sur l’impression premiĂšre qui consiste Ă  voir dans ces «histoires » d’effondrement l’expression d’une certaine parano affirmĂ©e qui ferait son coming out. La parano, on le sait, Ă©tant cette logique, qui, Ă  partir de certains faits rĂ©els, se confectionne et affectionne une seule vĂ©ritĂ©, la sienne, et repousse voire assujettit ou dĂ©truit sans pitiĂ© les autres vĂ©ritĂ©s.

Franck Unimon, ce vendredi 18 octobre 2019.

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Argenteuil Ecologie

Il fait beau

 

Il fait beau

 

Il fait beau. Nous revenons de la mĂ©diathĂšque. Nous avons aussi pu emprunter la premiĂšre saison des sĂ©ries P’tit Quinquin de Bruno Dumont et de The Handmaid’s Tale (La Servante Ecarlate ) crĂ©Ă©Ă© par Bruce Miller comme quelques dvds pour enfants.

 

 

« Excusez-moi
. ». Un monsieur d’une soixantaine d’annĂ©es nous croise.

« Je voudrais aller au Val d’Argenteuil ». Mais nous sommes Ă  Argenteuil centre ville.

OĂč veut-il aller ? Il ne sait pas. Dans une des poches extĂ©rieures de son gilet, plusieurs stylos. Mais aucun plan de signalisation pour le guider.

A-t’il une adresse ? Non. Je lui rĂ©pĂšte qu’il y’a aussi une gare au Val d’Argenteuil. Il m’explique qu’il a pris le bus pour arriver ici.

A-t’il un numĂ©ro de tĂ©lĂ©phone oĂč appeler ? Non plus. « J’ai appelĂ© tout Ă  l’heure mais il n’y’avait personne ». Il n’a pas de tĂ©lĂ©phone sur lui.

« Je peux aller au Val d’Argenteuil Ă  pied
 ». Je lui rĂ©ponds que ça va faire loin. Il me remercie, me salue, et me dit qu’il va continuer plus loin un peu au petit bonheur la chance.

 

 

 

 

Une semaine plus tÎt, il faisait aussi beau lorsque je suis allé découvrir ce nouveau lieu à Argenteuil centre-ville, derriÚre la médiathÚque  Aragon et Elsa Triolet :

Smile.

 

 

 

Son ouverture Ă©tait annoncĂ©e par un grand panneau au dessus du toit. Elle a Ă©tĂ© rĂ©cemment saluĂ©e dans la presse. Anciennement, une grande salle de Fitness se trouvait lĂ . Cela n’a pas marchĂ©. Auparavant, Ă  Argenteuil, il y’avait un petit magasin La Vie Claire prĂšs du commissariat municipal. Il avait fermĂ© Ă  mon arrivĂ©e Ă  Argenteuil en 2007 ou peu de temps aprĂšs celle-ci. Quelques personnes qui l’ont connu m’ont racontĂ© qu’on n’y trouvait pas de fruits. Et qu’il Ă©tait vraiment petit. En 2007, dans les commerces, la tendance bio Ă©tait moins dĂ©veloppĂ©e qu’aujourd’hui ou des enseignes certifiĂ©es bio sont de plus en plus visibles (Biocoop, La Vie Claire, Les Nouveaux Robinsons, Naturalia, Bio C Bon pour les principales).

Et en 2007, mĂȘme les supermarchĂ©s et les hypermarchĂ©s « traditionnels » n’avaient pas encore dĂ©diĂ© une partie de leurs rayons Ă  ce nouveau marchĂ© comme aujourd’hui. Ce petit magasin La Vie Claire Ă©tait donc trop en avance pour son Ă©poque dans Argenteuil, la ville aux plus de cent mille habitants, qui semble souvent captive- ou fautive- d’une hĂ©rĂ©ditĂ© mal rĂ©putĂ©e.

 

 

 

 

Mais douze ans ont passĂ©, mĂȘme Ă  Argenteuil, et Smile , ce lieu Ă©co-responsable, ouvert mi-juillet vient dĂ©sormais combler un manque prĂ©sent Ă  Argenteuil comme  ailleurs.

 

 

La caissiĂšre prĂ©sente au magasin ce jour-lĂ  m’explique qu’ils sont plusieurs Ă  s’ĂȘtre associĂ©s pour ouvrir cet endroit. Ils en avaient assez d’aller chercher ailleurs ce dont ils avaient besoin. Il est vrai qu’à ma connaissance, la premiĂšre grande surface Bio la plus proche, NaturĂ©o, ouverte il y’a deux ans environ, se trouve Ă  Cormeilles en Parisis, dans cette zone qui touche le Val d’Argenteuil et Sartrouville.

 

 

 

Smile ressemble à cet endroit que ses concepteurs auraient voulu avoir en tant qu’usagers.

 

 

Pour se rendre Ă  NaturĂ©o,  grande surface domiciliĂ©e Ă  Cormeilles en Parisis, il faut gĂ©nĂ©ralement ĂȘtre vĂ©hiculĂ©. Le lieu est assez Ă©loignĂ© de la gare du Val d’Argenteuil. On peut bien-sĂ»r s’y rendre Ă  vĂ©lo (en vingt Ă  trente minutes Ă  peu prĂšs) depuis Argenteuil centre ville Ă  condition de souhaiter un peu parfaire sa condition physique. Le magasin Smile, lui, est dans le centre ville d’Argenteuil, au 55 de la rue Antonin-Georges Belin. Dans le prolongement du bureau principal de la Banque postale qui a fermĂ© cet Ă©tĂ© et a Ă©tĂ© remplacĂ© pour partie par le nouveau bureau qui a ouvert dans le centre commercial Quai de Seine. Tandis que le second bureau de la Banque Postale, plus petit, non loin de lĂ , sera celui oĂč ont auront lieu les rendez-vous avec les conseillers.

Depuis la gare d’Argenteuil centre-ville, Smile est accessible Ă  pied en quinze minutes. Autrement, un certain nombre de bus depuis la gare s’arrĂȘte soit devant la mairie et la mĂ©diathĂšque Ă  cinq minutes Ă  pied de Smile. Tandis que d’autres s’arrĂȘtent encore un peu plus prĂšs ( Ă  une centaine de mĂštres) de Smile. N’oublions pas que les transports en commun (bus et train) font partie des points forts d’Argenteuil.

 

 

Il y’a assez peu de monde lorsque je viens dĂ©couvrir le « sourire ». Mais je m’y sens aussitĂŽt trĂšs bien. Plusieurs commerces ont tentĂ© leur chance Ă  Argenteuil ces dix derniĂšres annĂ©es dans le centre-ville. Certains ont pĂ©riclitĂ© aprĂšs deux ou trois annĂ©es. D’autres ont aussitĂŽt marchĂ©. J’ai l’intuition que Smile fera partie de ces derniers. D’autant que l’idĂ©e a Ă©tĂ© trĂšs bien pensĂ©e par les vingt associĂ©s qui habitent majoritairement Ă  Argenteuil.

En plus du magasin de produits en vrac, Smile offre un cafĂ©-cantine, un espace de travail partagĂ© et une restauration. Et ça sent trĂšs bon lors de mon passage pendant qu’une bonne musique d’ambiance dĂ©core la piĂšce en la prĂ©sence, Ă  un moment donnĂ©, de feu KassĂ© Mady DiabatĂ©.

 

 

Labels Bio, ZĂ©ro dĂ©chet, production locale (dans une distance comprise entre 50 et 200 kms d’Argenteuil) et commerce Ă©quitable sont deux des « critĂšres minimum » retenus pour « chaque produit ».

Des Ă©vĂ©nements sont prĂ©vus : « Fabrication de produits naturels et Ă©conomiques pour la maison et le corps ; Recycler, rĂ©parer et transformer ses objets du quotidien ; Culture : dĂ©bats, concerts, projections, jeux, expositions artistiques
 ; SolidaritĂ© : Gratiferia, Disco-Soupe, bourses aux graines, aux livres, aux jouets
. ».

 

D’autres initiatives Ă©cologiques et bio existaient dĂ©jĂ  Ă  Argenteuil sous la forme d’une AMAP prĂšs du conservatoire une fois par semaine, d’un marchand de primeurs bio, du marchĂ© de la Colonie et de certains Ă©vĂ©nements qui s’y dĂ©roulent comme d’une vente de lĂ©gumes (et de fruits ?) bio les mardis aprĂšs-midis Ă  la gare d’Argenteuil centre par exemple. Mais avec Smile, pour la premiĂšre fois, un lieu Ă©cologique et bio « pĂ©renne » s’ouvre Ă  Argenteuil :

Du lundi au samedi de 9h30 Ă  19h30 pour le magasin. (09 88 02 26 79)

Du lundi au mercredi de 8h00 Ă  22H30, du jeudi au samedi de 8h00 Ă  minuit et le dimanche de 11h Ă  23H00 pour le cafĂ© cantine et l’espace de travail partagĂ©. (09 88 02 26 87).

 

 

En discutant avec les deux personnes qui tiennent la restauration ce jour-lĂ , j’apprends que Smile va prochainement chercher de nouveaux associĂ©s afin de rĂ©unir une somme avoisinant les 30 000 euros, je crois, afin de concrĂ©tiser davantage le projet.

L’un des deux restaurateurs est particuliùrement confiant :

Ouvert mi-juillet, Smile marche dĂ©jĂ  plutĂŽt bien en plein mois d’aoĂ»t alors que les gens sont en vacances. Ce mĂȘme restaurateur est persuadĂ© que les autres enseignes bio type Naturallia, Vie Claire et autres s’inspireront ensuite de leur modĂšle. Je ne peux pas et ne souhaite pas le contredire :

S’il se trouve assez peu de monde lors de ma dĂ©couverte des lieux, je confirme avoir croisĂ© quelques personnes, comme moi-mĂȘme, qui, de toute Ă©vidence, Ă©taient dĂ©jĂ  en quĂȘte d’un endroit pareil. Et l’espace couvert plutĂŽt consĂ©quent et agrĂ©able que Smile peut mettre Ă  disposition de ses usagers et futurs habituĂ©s est un de ses autres atouts indĂ©niables.

 

 

Smile a une adresse mail : contact@smile.company, a visiblement un site , smile.company et est Ă©galement sur FB et Twitter : facebook.com/SmileCompanyFr/ et @SmileCompany1.

Cet article est la suite de Argenteuil.

 

Il fait beau.

 

Franck Unimon, samedi 24 aout 2019.