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Cinéma self-défense/ Arts Martiaux

Ip Man 4

 

 

                                        Ip Man 4- Le Dernier Combat

«  C’est naze ! ». Une grimace.

 

Il y a plein de films à voir au cinéma depuis que certaines salles ont rouvert le 22 juin. Des films que j’aimerais voir et à propos desquels j’ai un très bon a priori. Je vais en citer quelques uns :

 

Voir le jour  de Marion Laine ; The Crossing de Bai Xue ; L’infirmière de Kôji Fukada ; Le Défi du champion  de Leonardo D’agostini ; The Perfect Candidate de Haifaa Al-Mansour ; Lil’ Buck, Real Swan de Louis Wallecan et d’autres déjà sortis ou qui vont sortir en salles.

 

Mais je ne pourrai pas voir la plupart de ces films comme d’autres réalisations avant eux. D’abord parce-que j’écris pour le plaisir. Et ce plaisir ne me paie pas financièrement. C’est mon métier d’infirmier en pédopsychiatrie (de nuit depuis quelques années) qui continue de me faire vivre. Je ne me plains pas : bien des personnes sont au chômage ou ont perdu leur emploi récemment du fait du Covid-19 ou vont bientôt le perdre.

 

Ecrire un article

 

Ensuite, écrire un article me prend du temps. Au minimum entre 3 à 5 heures en moyenne.  Et c’est comme ça depuis longtemps.

 

Avant la naissance de ma fille, j’arrivais à concilier mon métier d’infirmier, mes séances de cinéma et l’écriture d’articles à propos des films que je voyais ou des acteurs et réalisateurs que je rencontrais. Ma fille est née. J’en suis content. Et, comme chaque parent, aussi, désormais, je fais l’expérience qu’avoir un enfant ou plusieurs divise mon temps par deux ou par trois.

 

Evidemment, entre choisir de passer du temps avec ma fille et passer du temps au cinéma et à écrire, je choisis encore ma fille.

 

 

Dans sa biographie Ma Vie en réalité que j’ai fini de lire, et dont je compte bien reparler bientôt dans un article, Magali Berdah, qui « s’occupe » des influenceurs tels Nabilla et Julien Tanti mais fait aussi de la télé,  dit travailler 16 heures par jour et fait comprendre qu’après ses journées de travail, elle enchaine avec sa vie de mère ( elle a trois filles) et de femme au « foyer ». Aujourd’hui, elle gagne très bien sa vie. Mais il y a encore quatre ou cinq ans, elle était surendettée.

 

 

Je n’ai pas 16 heures par jour à consacrer à l’écriture et à mon blog en plus de mon métier d’infirmier et de ma fille par exemple. C’est sûrement pour cela que je suis encore « loin » d’une certaine réussite avec mes articles et mon blog. D’autant que je constate « bien » que, souvent, derrière la réussite ( quelle que soit la réussite) se niche une certaine quantité d’heures de travail en plus d’un Savoir faire et d’un « ruisseau » ( un réseau) de connaissances et de sympathies dans le milieu où l’on veut évoluer.

Mon engagement dans mes articles et mon blog est sincère. Mais cet engagement est sans doute encore trop discontinu, trop limité et trop confidentiel pour rencontrer un public plus large. J’utilise aussi sans aucun doute des moyens de communication encore trop inappropriés.  J’aime prendre le temps d’écrire. Mes articles sont assez longs alors que l’on est beaucoup dans une époque d’images, de buzz et de « punchlines ». Une photo ou une vidéo bien choisie, bien montée, a une vitesse de propagation bien plus forte, peut-être équivalente à celle d’une balle, qu’une centaine de phrases.  

 

Et puis, je suis attaché à la polyvalence. Il y a des thématiques qui « marchent » bien sur le net pour peu qu’on en parle « bien » :

 

Mode et people, cosmétique, cuisine, tourisme, bricolage, certaines musiques, fitness, sport, un certain cinéma…..

 

Je ne rejette pas ces thématiques. Je peux aussi les accoster si ce n’est déjà fait. Mais j’aime aussi aller vers d’autres sujets que je crois moins porteurs. Ou peut-être aussi que je les « vends » très mal. Il est vrai que je ne me vois pas passer toutes mes journées sur mon blog, sur mes articles et sur les réseaux sociaux. Mais dès que j’ai un peu plus de disponibilité, j’en profite pour publier plusieurs articles de manière rapprochée.

 

 

A côté de ça, lire aussi prend du temps. Que ce soit des livres ou des articles. Ainsi qu’avoir une compagne (la mère de ma fille).

Même si ma compagne me laisse plus de latitude pour écrire, lire et faire du sport que certaines compagnes ou certains compagnons. Et, chez nous, je peux écrire jusqu’à très tard la nuit. Je peux aussi écrire après une nuit de travail sans me reposer et déjeuner. Puis, manger un bout de pain et de fromage et partir chercher ma fille au centre de loisirs parce-que c’est l’heure. C’est ce qui s’est passé il y a quelques jours en écrivant Gémissements. ( Gémissements).

 

 

On pense peut-être que ce que je raconte n’a rien à voir avec le film Ip man 4 ? Que je ferais mieux de parler du film au lieu de raconter ma vie ? Pourtant, dès le début de cet article, à ma façon, j’ai commencé à raconter le film et à donner mon avis à son sujet. 

 

C’est naze !

 

 

«  C’est naze ! ». C’est une remarque faite par un de mes anciens collègues dans un des précédents hôpitaux où j’ai travaillé. Spock (c’est le surnom que je lui avais donné) allait beaucoup moins souvent moi au cinéma. Mais il trouvait « nazes » tous ces films de Kung-Fu, d’action, d’arts martiaux et de sports de combat où tout était prétexte pour se bastonner.

 

C’était il y a plus de vingt ans.

 

Spock est aujourd’hui à la retraite depuis plusieurs années. Il a fait partie de mes modèles :

 

Que ce soit au travail ou dans la vie, il semblait toujours maitre de lui-même et serein. Il semblait toujours savoir comment agir et penser. Et je l’avais vérifié plusieurs fois en pratique devant des situations où j’estimais que j’aurais fait « moins bien » que lui. Où j’aurais plus que pataugé.

 

Spock avait aussi pour lui la faculté de l’humour et de la dérision.

 

Lors de cette remarque «  c’est naze ! », Spock, mon aîné de plusieurs années, était déja un homme établi avec femme, maison, petit chien, grosse voiture ( une BMW) et enfant. Plus tard, la quarantaine passée, il allait passer son permis moto et nous allions le voir arriver au travail sur sa grosse moto. A ce jour, je n’ai jamais réussi à briser l’interdit maternel me commandant de ne jamais faire de la moto. Pourtant, mes yeux brillent assez souvent en voyant passer une moto.

Aide-soignante pendant des années en réanimation, ma mère avait eu à s’occuper de plusieurs jeunes motards qui, une fois sortis du coma lui avaient dit :

 

« E….tu as un fils ? Ne lui achète jamais de moto ! ». A l’âge de l’adolescence, lorsque, comme d’autres jeunes garçons je m’étais avancé vers ma mère en faveur d’une mobylette, celle-ci s’était très vite montrée catégorique. Et je n’ai même pas essayé d’insister. Ma mère m’avait préparé depuis tellement d’années à ce refus.

 

 

Lorsque j’ai commencé à connaître Spock, après mon service militaire, je venais d’emménager dans un studio de fonction fourni alors par l’hôpital. J’étais encore célibataire et je collectais plutôt les histoires sentimentales à la mords-moi-le-nœud. Professionnellement, j’étais au début de ma croissance même si j’avais déja commencé à me constituer quelques expériences. Spock, lui, il était bien-sûr déjà un professionnel reconnu plutôt unanimement. Une sorte « d’ancien » à qui je m’adressais lorsque j’avais besoin de  réponses diverses sur certains sujets personnels et professionnels sensibles et qui m’a accordé plusieurs fois son attention et sa bienveillance. Il était d’autres personnes dans le service, parmi mes collègues plus âgés, principalement des hommes, que je voyais comme des modèles. Spock en faisait partie. Scapin et D….aussi. Ainsi que P, un autre infirmier dont j’admirais la décontraction en toute circonstance, le fait qu’il soit musicien ainsi que son humour. Tous ces collègues qui faisaient partie de mes modèles avaient le sens de l’humour. Y compris de l’humour très noir. Ce qui me convenait bien.

 

Et puis, à force d’apprendre, on « grandit ». D….s’est suicidé. Il a été retrouvé pendu au bout d’une corde chez lui par son fils adolescent. P est devenu la « chose » de notre cadre que j’avais un peu connue infirmière alors que j’étais encore étudiant ( on disait « l’élève » pour « élève infirmier) et qui, l’accès au Pouvoir « aidant », s’est érigée de plus en plus en autorité dynastique – et supra anxieuse. Et, ceci, avec le consentement mutuel du médecin chef, parfait dans le rôle hypocrite et politique du descendant direct de Ponce Pilate qui s’en lavait les mains pourvu que « sa » maison (le service et le pôle de psychiatrie adulte de l’hôpital) lui appartienne.

Scapin, lui, avait eu besoin de partir travailler dans un autre service de l’hôpital.

De mon côté, j’ai fait quelques conneries dont, selon moi, les principales, ont surtout été de négliger l’image (entre autre, parce-que je m’auto-dévalorisais beaucoup) que je donnais de moi. D’être trop gentil et de m’en remettre un peu trop à la bonne compréhension et au bon vouloir des autres. Et d’être resté trop longtemps collé à ce service et à cet hôpital devenus une sorte de seconde membrane ( névrotique) à laquelle j’avais fini par avoir peur de m’arracher. Alors que je savais qu’il fallait le faire. Comme je savais avoir déjà travaillé ailleurs avant ce service et cet hôpital et donc être capable de le refaire. Mais il y avait une dissociation entre ce que je comprenais intellectuellement : ce que la raison me soufflait de faire. Et mes émotions ( la peur, l’attachement névrotique) et mon corps.

 

Mais quand arrive le déclic, enfin, on part. On part par nécessité. Pour soi.  

 

 

Dans Ip Man 4, Ip Man, la soixantaine, apprend qu’il est porteur d’un cancer malin. Or, son fils adolescent cumule les conneries à l’école. Il se bat tout le temps pour un oui et pour un non. Son fils est  (aussi) en colère contre lui depuis la mort de sa mère. Ip Man (l’acteur Donnie Yen) envisage donc d’envoyer son fils poursuivre ses études aux Etats-Unis puisque l’établissement où est scolarisé son fils ne veut plus lui donner de nouvelle chance. Les Etats-Unis sont l’équivalent d’un pays de la Seconde chance. Là où l’on peut repartir du bon pied. Comme une bonne pension. Mais ce voyage est quand même une aventure. Changer de pays. De langue. De culture. De mœurs. De monnaie. Ip Man, qui a réellement existé, dans la vraie vie, n’a pas fait ce voyage. Mais il aurait pu. D’ailleurs, quand j’y pense maintenant, mon grand-père paternel avait environ la soixantaine, l’âge du personnage d’Ip Man dans le film, la première fois qu’il a quitté sa Guadeloupe natale pour venir en France où plusieurs de ses fils ( dont mon propre père) étaient partis travailler à l’âge adulte.

 

 En quittant mon service de psychiatrie adulte où j’avais connu Spock, Scapin, D, P et d’autres,  j’avais été surpris d’apprendre qu’aucun de mes collègues, dans une certaine unanimité, ne se seraient risqués à tenter l’expérience professionnelle et personnelle que je m’apprêtais à vivre : aller travailler en pédopsychiatrie. A faire le « voyage » en pédopsychiatrie.

 

C’était il y a vingt ans.

 

Entretemps, j’avais aussi appris que les super-héros n’existent pas. Certains modèles que j’avais pu idéaliser à une époque de ma vie m’étaient apparus, avec le temps, plus vulnérables qu’ils ne le semblaient. Plus faillibles. Voire pas toujours si honorables que cela.

J’avais également appris que même celles et ceux qui roulent des mécaniques et qui semblent increvables et très sûrs d’eux ont tous leurs moments indiscutables de faiblesse ou de débâcle. Et, moi aussi, j’avais dû apprendre à faire connaissance avec mes propres limites :

On peut jouer un rôle devant les autres à condition de savoir rester sincère au moins avec soi-même et de bien se connaître. Ça nous évitera de trop en faire. De trop nous la jouer. Ça nous aidera, aussi, à avoir des relations plus sincères avec les autres. On peut truquer les apparences et tricher avec elles. Et on peut obtenir plein de « choses » comme ça. En truquant. Mais cela impliquera de passer sa vie en restant sur le qui-vive en permanence. Je ne veux pas d’une vie telle qu’on la voit dans Le Talentueux Mr Ripley.

 

 

Quand débute Ip Man 4, Ip Man est un homme simple. Il n’est plus ce jeune combattant d’un milieu social aisé aimant relever les défis comme nous le montre Wong Kar-Wai au début de son film The Grandmaster ( réalisé en 2013) avec l’acteur Tony Leung Chiu-Wai dans le rôle d’Ip Man.

 

Dans Ip Man 4, Ip Man, pourtant réputé, subsiste en donnant des cours de Wing Chun dans son école à des élèves qui l’idolâtrent mais qui sont aussi très bornés et assez peu doués. Ils rappellent ces élèves dont Kacem Zoughari parle dans l’interview qu’il donne au magazine Yashima dit ( je cite ce passage dans l’article Gémissements) :

 

 

«  Certains élèves copient le maitre jusque dans ses déformations de dos, de genou, etc. Au-delà de l’aspect caricatural, c’est même délétère pour leur santé ! Ce type de pratiquants intégristes refusent souvent aussi souvent de voir ce qui se fait ailleurs pour ne pas corrompre l’image qu’ils ont de leur maître. C’est une grave erreur ».

 

Ces élèves (comme ceux d’Ip Man dans Ip Man 4) sont incapables de penser par eux-mêmes. Ils se fondent dans le groupe.  A mon avis, ces élèves n’ont pas de conscience. Pas de capacité- bienveillante- d’autocritique. Ils sont soit sur la défensive soit dans l’attaque. Il y a très peu de nuance entre ces deux actions. On peut  aussi retrouver ça chez  certains intégristes (religieux, administratifs,  technocratiques, conjugaux ou autres) qui s’évertuent à appliquer des règles et des protocoles à la microseconde et au millimètre près par automatisme sans prendre le temps, à un moment ou à un autre, de se demander si la procédure ou l’action engagée était véritablement, rétrospectivement, la plus appropriée. On attaque et on frappe d’abord. On réfléchit après. Si on y pense. Si on estime utile de se demander après coup si c’était bien utile d’attaquer d’abord. Dans une scène du film, face à une situation totalement nouvelle – quoique pacifique- on voit donc les élèves d’Ip Man très combattifs, excités et très bavards. Mais aussi très bornés et très sourds. Ils provoquent eux-mêmes la bagarre qu’ils entendent éviter en espérant sincèrement protéger leur Maitre qui, à aucun moment, n’est menacé : Ip Man.

 

 

J’ai choisi de travailler en psychiatrie (puis en pédopsychiatrie) au lieu de rester dans un service de soins somatiques car j’ai refusé d’être un automate. Je crois que la santé mentale est un milieu qui m’a permis de penser, de mieux penser, par moi-même.  Mais on peut travailler en psychiatrie et en pédopsychiatrie et se comporter comme un automate. On peut aussi combattre comme un automate. 

 

On peut même faire sa vie comme un automate tout en cumulant les honneurs et les signes extérieurs de « réussite » et d’épanouissement personnel.

 

On peut aussi très bien penser et croire que l’on peut tout résoudre dans sa vie juste par l’adresse de la pensée. En psychiatrie et en pédopsychiatrie, on peut aussi être très « fort » (on est surtout très névrosé) dans ce domaine :

Pour croire à ce que j’appelle la pensée « souveraine ». Qu’il suffit de penser pour aller bien et mieux.

Dans certains compartiments de ma vie et à certains moments de ma vie, mon « entraînement » en psychiatrie m’a aidé et m’aide. Mais dans d’autres situations, je suis aussi complètement à côté de la plaque ou je peux être complètement à côté de la plaque.

 

 

J’ai appris que, peu après son départ à la retraite, Spock avait quitté femme et enfants pour partir vivre avec un ancien amour. Spock, l’inébranlable, s’est révélé, finalement, plus vulnérable. Il a été jugé moralement, par certaines connaissances communes, pour cela. Il l’est sûrement encore. Spock, homme très droit, en partant vivre avec cet ancien amour a pu alors donner l’impression d’être un fuyard, un menteur, un calculateur et un homme égoïste qui battait pavillon après avoir claironné pendant des années que tout dans sa vie lui allait. Au point qu’il avait pu lui arriver de citer son mariage en exemple, avec un peu de provocation, devant des jeunes collègues ( des femmes) séparées ou divorcées de leur compagnon ou de leur conjoint.

 

 

Plus qu’un vantard et un fuyard, je vois en Spock un homme qui, devant la mort, s’est dit qu’il ne lui restait plus beaucoup de temps pour le perdre dans les options du mensonge. Et pour lequel, vivre selon ses désirs plutôt que selon ses devoirs et les apparences sociales, est devenu alors la priorité. Il y a des femmes et des hommes qui font le même choix que Spock bien plus tôt. Il en est d’autres qui aimeraient pouvoir faire ce genre de choix.

 

Les arts martiaux sont aussi un art de vivre et donnent aussi des réponses à ce qui nous préoccupe. Pour d’autres, la religion joue ce rôle. 

 

Dans Ip Man 4, on pourrait penser qu’Ip Man, expert en arts martiaux, saurait comment s’y prendre avec son fils. On comprend très vite que c’est le contraire. Le grand expert Ip Man est dépassé par les agissements de son fils adolescent qui lui manque de respect de façon répétée. C’est un des points du film que j’ai le plus aimés d’autant qu’il me parle beaucoup en tant que père :

 

Avant d’être père, lorsque je lisais des interviews de célébrités diverses, j’étais obsédé par une question qui revenait assez souvent et qui était :

 

Quelles sont ses relations avec ses parents ?

 

Aujourd’hui,  régulièrement, lorsque je vois une célébrité quelconque, je me dis assez souvent :

 

«  Dans ce domaine, il (ou elle) est extraordinaire. C’est un champion (ou, c’est une championne). Mais je me demande comment il/elle s’en sort avec son enfant lorsqu’il se réveille la nuit ? Son enfant fait-il ses nuits ? ».

 

Récemment, sur un réseau social, un ami très sportif a posté une nouvelle vidéo d’un coach fitness faisant une démonstration. Je n’ai rien à dire sur sa démonstration et je n’ai rien contre ce coach fitness. Mais, ça a été plus fort que moi : nous voyons en permanence des vidéos de vedettes (ou autres) dont la vie semble réglée comme du papier à musique, progéniture comprise. Alors, j’ai laissé un commentaire dans lequel je disais que j’aimerais bien voir ce coach fitness lorsque sa compagne lui rappelle qu’il y a la vaisselle et le ménage à faire, la couche du bébé à changer etc….

 

Je crois que ça n’a pas plu à un internaute. Et je le comprends : ce coach fitness n’est pas là pour nous parler de sa vie personnelle. Mais ma réaction a été provoquée par cette lassitude de voir régulièrement des images de « personnes » quelque peu immaculées tandis que, nous, au quotidien, hé bien, il nous arrive de ramer sans maquilleuse et sans monteur pour raccommoder le tout et nous restituer une image très flatteuse de nous-mêmes.

 

Même si Ip Man, dans Ip Man 4 reste évidemment très digne, il m’a beaucoup plu de voir ce sujet d’une relation conflictuelle entre un père (illustre qui plus est) et son fils adolescent dans un film « d’arts martiaux ». Parce-que l’univers des Arts Martiaux et des sports de combat et de Self-Défense est quand même un univers, où, malgré toutes les paroles officielles de « humilité », « respect de l’autre » etc…on va aussi très loin dans le narcissisme, la suffisance et l’autosatisfaction. Ce que l’on retrouve (ce narcissisme et cette suffisance)  dans Ip Man 4 lorsqu’Ip Man, arrivé depuis peu aux Etats-Unis, va rendre visite au président de l’association culturelle chinoise. Lequel président de l’association culturelle chinoise est le seul habilité à lui faire la lettre de recommandation pouvant lui permettre d’inscrire son fils ans un établissement américain.

 

 

On peut le dire, je crois : si Ip Man croit naïvement et humblement que cette rencontre va se dérouler facilement, il est reçu comme de la merde par ce président d’association culturelle chinoise. Ainsi que par la majorité des personnes qui constituent l’assemblée qui entoure ce président d’association culturelle, équivalent dans cette situation d’un haut dignitaire chinois alors que pour les Américains (blancs) il est n’est qu’un « petit » chinois de rien du tout.

 

Jet Li dans le film  » The One ». Photo achetée lors d’un festival de Cannes au début des années 2010.

 

La Grimace

 

La grimace mentionnée au début de cet article est peut-être celle du lecteur ou de la lectrice devant la longueur de cet article. Mais elle est sûrement celle de Christophe, c’est son vrai prénom, il y a une dizaine d’années, lorsqu’au festival de Cannes, tout content, je venais de lui montrer une photo de Jet Li que je venais d’acheter avec d’autres photos d’autres actrices et acteurs dans des films qui n’ont rien à voir avec jet Li :

 

Karin Viard, Salma Hayek, Antonio Banderas, Béatrice Dalle, Jean-Hugues Anglade et Daniel Auteuil, Forest Whitaker, Sami Bouajila, Wesley Snipes, John Malkovich, Guillaume et Gérard Depardieu, Marie Meideros, Jeanne Balibar….

 

C’était alors l’époque du mensuel de cinéma papier, Brazil, dont Christophe était le rédacteur en chef. Brazil ou Le cinéma sans concessions dont j’étais un des rédacteurs.

 

Brazil était un journal plutôt tourné vers le cinéma d’auteur de tous horizons ainsi que vers le cinéma bis. Et assez peu sur le cinéma commercial et les grosses productions. Donc, pas tout à fait sur les films de Jet Li.

 

 

La continuité de Bruce Lee

 

 

Mais, pour moi, Jet Li, c’était la continuité de Bruce Lee. J’avais été épaté par la prestation de Jet Li plusieurs années plus tôt dans L’Arme fatale 4 (réalisé en 1998 par Richard Donner) face à Danny Glover et Mel Gibson. Et c’est drôle de mentionner L’Arme Fatale 4  dans un article où je parle de Ip Man 4.

 

Les pitreries de Jackie Chan (dans certains de ses films) après la mort de Bruce Lee m’avaient d’abord beaucoup contrarié. Il m’avait fallu des années pour comprendre la valeur d’un Jackie Chan. Sûrement parce-que je n’avais pas vu les « bons » films pour le découvrir.

Mais avec Jet Li, dans L’Arme Fatale 4, ça avait été instantané et, ensuite, j’avais essayé d’en savoir plus sur lui.

 

La mauvaise image des films de Kung-Fu, d’action, d’arts martiaux, de Wu Xi Pian et autres, provient du fait qu’en occident, on a enfermé ces films dans une boite. Celle d’un spectacle. Celle d’une addition de performances. Celle d’une caricature de l’homme infatigable, capable de cascades martiales innombrables comme dans un cirque. On a gardé ce qui tape à l’oeil dans les arts martiaux. On en a fait une sorte de pop-corn ou de téléréalité avec un scénario stéréotypé et simplet que l’on a décliné à la chaine un peu comme cela se fait dans beaucoup de films pornos. Parce-qu’il y avait un marché et du fric à se faire. Les gens voulaient voir des films de Kung Fu ? Ils voulaient un peu d’exotisme ?  On allait leur donner des films de Kung Fu.

 

Résultat : l’Histoire et l’esprit des arts martiaux ont disparu puisque tout ce que l’on a cherché à répliquer, c’est une recette pour faire venir des consommateurs plutôt que des adeptes ou des disciples éventuels. Un peu comme on l’a fait avec Lourdes ou tout autre lieu de recueil religieux devenu l’équivalent d’un centre commercial.

 

 

C’est quand même Spock, je crois, qui m’avait recommandé la lecture de La Pierre et le sabre  que j’avais lu ! ( et beaucoup aimé). Ce livre d’Eiji Yoshikawa, classique pour certains adeptes des Arts Martiaux, a pourtant bien des points communs ( et vitaux) avec des personnalités comme Bruce Lee, Jet Li ou d’autres qui se sont fait connaître dans des films considérés comme « nazes » par Spock et d’autres !

 

 

Bruce Lee et Michaël Jackson :

 

Et puis, à l’inverse, lorsque certains intellectuels, peut-être pour se donner un côté « rebelle » ou « rock and roll », parlaient de Bruce Lee, ça a pu faire flop. Je repense à ce livre écrit par un journaliste des Cahiers du cinéma. Son intention était louable. Mais en commençant à lire son livre ( j’ai vite interrompu sa lecture) dans lequel il nous parlait de son attachement à Bruce Lee, j’avais eu cette impression que la musicienne et chanteuse Me’shell a pu décrire en écoutant certains morceaux de musique de Michaël Jackson produits post-mortem :

 

Celle d’une musique sans corps.

 

Me’Shell Ndégéocello avait appris que Michaël Jackson avait besoin de danser quand il enregistrait en studio. Et que cela ne ressortait pas dans certains des titres produits –et commercialisés- plusieurs années après sa mort.

 

En commençant à lire le livre de ce journaliste des Cahiers du cinéma, j’avais peut-être eu la même impression :

Trop d’intellect. Pas assez de corps. Pour un livre censé nous parler de Bruce Lee !

Ça fait penser à ces musiciens très calés techniquement mais dont la musique nous ennuie. Ou à ces profs très cultivés mais dont les cours sont atones.

 

A travers mes articles, j’essaie autant que possible d’éviter de ressembler à ces exemples.

 

 

 

Ip Man 4 – Le dernier combat de Wilson Yip, donc.

 

 

Le magazine Taichichuan ( le numéro 2 paru il y a plusieurs semaines) montre l’acteur Donnie Yen, interprète de Ip Man, en couverture. Le magazine, par son rédacteur en chef, encense le film.

 

 

 

J’ai envoyé un mail au rédacteur en chef de Taichichuan  (et également rédacteur en chef d’autres magazines tels que Self & Dragon mais aussi Survivre) pour demander à l’interviewer. C’était il y a plus d’un mois. Je n’ai pas eu de réponse. Sans doute ce rédacteur en chef était-il trop occupé. Peut-être aussi considère-t’il que ce sont plutôt les Maitres et experts qui interviennent dans les magazines dont il est le rédacteur en chef qu’il faudrait plutôt chercher à rencontrer et à interviewer ?

Et puis, même si je suis devenu un lecteur des magazines dont il est le rédacteur en chef, je suis un inconnu pour lui. Et il avait sûrement d’autres priorités. Ou, peut-être faut-il que, d’une certaine façon, je persiste et fasse mes preuves ? Comme Ip Man, lorsqu’il débarque aux Etats-Unis dans Ip Man 4, doit faire ses preuves. Lui, avec son attitude et les Arts martiaux. Moi, avec mes articles.

 

 

Ce n’est néanmoins pas pour faire mes « preuves » ou pour apporter des preuves éventuelles que j’ai choisi hier matin, après ma nuit de travail, d’aller voir Ip Man 4. Et de poursuivre la rédaction de cet article aujourd’hui après ma deuxième nuit de travail et avant ma sieste de récupération.

 

Hier, je suis allé voir ce film par plaisir. Comme on peut déjà l’avoir compris avec mon anecdote, à Cannes, à propos de la photo de Jet Li.

 

 

 

L’acteur Donnie Yen

 

J’ai découvert Donnie Yen au cinéma il y a environ vingt ans. Je vérifie tout de suite :

 

Au moins depuis le film Hero réalisé en 2002 par Zhang Yimou. Je ne me rappelle pas particulièrement de lui dans Blade 2  réalisé par Guillermo Del Toro la même année.

 

Et, spontanément, dans L’Auberge du Dragon réalisé en 1992 par Raymond Lee et Tsui Hark, je me souviens surtout de Maggie Cheung que l’on ne voit plus aujourd’hui au cinéma et qui semble avoir « disparu » du cinéma peu après sa palme d’or d’interprétation pour son rôle dans Clean, réalisé en 2004 par Olivier Assayas et qui, pour moi, n’était pas du tout son meilleur rôle.

 

Une fois, j’ai aperçu Maggie Cheung se rendant dans la salle de cinéma dont je venais peut-être de sortir. C’était avant son rôle dans In the mood for love de Wong Kar Wai (réalisé en 2000), je crois. Personne n’avait fait attention à elle m’a-t’il semblé. Par contre, mon regard sur elle avait sans doute été trop appuyé car j’avais eu l’impression qu’elle avait senti mon attention particulière.

 

Dans les années 90 et 2000, lorsque je pense au cinéma asiatique, je pense d’abord à des acteurs comme Tony Leung Chiu-Wai (un de mes acteurs préférés qui rejoue avec Maggie Cheung dans In The Mood for love et qui, lui, obtiendra la palme d’or d’interprétation à Cannes, l’année où Björk obtiendra la palme d’or d’interprétation pour son rôle dans Dancer in the dark  de Lars Von Trier).

 

Dans les années 90 et 2000, lorsque je pense au cinéma asiatique, je pense aussi à Chow Yun-Fat, aux réalisateurs John Woo, Kirk Wong et Johnnie To. Bien-sûr, j’ai entendu parler de Tsui Hark et je lis et achète le magazine HK vidéo dont je dois avoir conservé tous les numéros.

Mais je pense aussi beaucoup, au Japon (pays où je me rendrai en 1999, l’année de la sortie du film Matrix des « frères » Wachowski) et à Takeshi Kitano dont je vais voir la plupart des films.

 

Le premier film que je vois de Takeshi Kitano est Sonatine (réalisé en 1993). Et mon film préféré de John Woo avant son exil pour les Etats-Unis est A toute épreuve (ou Hard-boiled) réalisé en 1992.

 

Evidemment, j’irai voir Tigre et Dragon d’Ang Lee (réalisé en 2000) dont j’ai vu les premiers films comme Garçon d’honneur (réalisé en 1993).

 

J’irai aussi voir Le Secret des Poignards volants réalisé en 2004 par Zhang Yimou par exemple.

 

Mais il me faut encore plusieurs années avant que je n’apprécie vraiment des acteurs comme Leslie Cheung (un des rôles principaux dans Adieu ma concubine, de Chen Kaige, palme d’or à Cannes en 1993 ex-aequo avec La Leçon de Piano de Jane Campion que j’ai également vu et aimé) Andy Lau…ou Donnie Yen.

 

Leslie Cheung s’est malheureusement suicidé il y a plusieurs années maintenant.

Andy Lau m’a marqué par son rôle dans Infernal Affairs  dont le premier volet a été réalisé par Andrew Lau et Alan Mak en 2002.

 

Et, je crois que j’ai commencé à véritablement aimer le jeu de Donnie Yen en prenant de l’âge et avec les Ip Man. C’est assez récent. Un ou deux ans peut-être. J’ai déjà oublié.

 

Ces quelques acteurs asiatiques cités ( Andy Lau, Leslie Cheung, Chow Yun Fat, Tony Leung Chiu Wai, Donnie Yen….) s’ils sont majoritairement chinois ou de Hong-Kong, à l’exception de Takeshi Kitano, qui est japonais, ont pour eux d’avoir interprété des rôles dont des valeurs se retrouvent dans le personnage de Ip Man. A commencer peut-être par une certaine intégrité morale.

 

 Une certaine intégrité morale

 

 

 

Avoir une très grande intégrité morale ne suffit pas à voir Ip Man dans Ip Man 4. Aux Etats-Unis, Ip Man tombe surtout de haut lorsqu’il rencontre avec humilité ses compatriotes chinois. Ceux-ci le méprisent. Le problème, c’est qu’en tant qu’experts d’arts martiaux,  et en tant que chinois, leur attitude aurait dû être le contraire. Mais ils s’estiment en droit d’avoir une telle attitude et, ce, en tant que personnes hautement civilisées et raffinées. L’intégrité morale d’Ip Man se confronte…. à l’intégrisme de ses pairs. Et, ce qui est malin dans le scénario, c’est que ces pairs reprochent à Ip Man les agissements de Bruce Lee aux Etats-Unis, un de ses anciens élèves, mais, aussi, d’une certaine façon, son fils spirituel. On peut dire qu’Ip Man collectionne les problèmes avec ses fils. L’un, à Hong-Kong, passe son temps à se battre et se fait exclure de l’école. L’autre ( Bruce Lee), réussit à s’intégrer aux Etats-Unis et à susciter l’admiration publique mais inspire jalousies et suspicion. On pourrait voir un comique de répétition mais on a plutôt tendance à avoir de la compassion pour Ip man. Alors que reste-il à Ip Man comme atouts ? La persévérance, la confiance en soi et le sens de la diplomatie comme le refus d’offenser qui que ce soit mais aussi le refus de se rabaisser.

 

Bruce Lee dans Ip Man 4

Je m’en remets totalement à la compétence du chorégraphe, des acteurs et artistes martiaux dans ce film. Ce n’est quand même pas moi qui vais espérer apprendre à Scott Adkins ( le Marine Barton Geddes dans le film), à Danny Kwok-Kwan ( Bruce Lee dans le film) à Donnie Yen et aux autres comment on doit donner un coup de pied.

 

Mais Bruce Lee fait partie du panthéon de notre mémoire. Et cela pouvait être très risqué de le faire «revivre » dans Ip Man 4. Hé bien, l’acteur Danny Kwok-Kwan, qui l’interprète dans Ip Man 4 , m’a bien plu. Mieux :

Aux Etats-Unis, on peut considérer que les Américains qui défient Bruce Lee ( Karaté contre Wing Chun pour simplifier) sont des enfants qui ont mal tourné. On me pardonnera mon obsession dans cet article pour la filiation mais cette image me plait. Dans Ip Man 4, je vois tous ces Américains qui, forts de leur Karaté, veulent affronter Bruce Lee, puis Ip Man, comme des enfants qui auraient reçu un enseignement martial  mais avec de mauvais tuteurs et qui souhaitent ensuite ardemment se mesurer ( ou se frotter) à des adultes : des Maitres. 

Il y a d’ailleurs peut-être un sous-entendu dans le film : celui d’opposer la culture chinoise, millénaire, à la culture américaine, une culture jeune voire adolescente, donc immature, faite d’imports en tout genres, et qui croit pouvoir tout surmonter et tout maitriser par les seuls effets de sa volonté, de ses relations et de sa vitalité. D’ailleurs, tous les opposants américains que l’on voit dans le film sont des caricatures du cow-boy bourrin qui sont tout en force. 

 

Kacem Zoughari (encore lui) dans le magazine Yashima, explique que bien des Maitres d’arts martiaux, délibérément, transmettaient partiellement une partie de leur Savoir à leurs élèves lorsque ceux-ci arrivaient à un certain niveau de pratique donc de conscience. Et que pour confondre parmi ses élèves, le « traître » éventuel, celui qui, ensuite allait « donner » ou vendre à une autre école une partie de son Savoir, il arrivait aussi que des Maitres changent des mouvements. A tel élève, ils montraient tels mouvements ou telle variation. A tel autre, d’autres mouvements. Le but était donc de prévenir les trahisons mais aussi de prendre le temps d’évaluer si l’élève était fiable.

 

Dans Ip Man 4, on peut voir les Américains comme des combattants arrogants, très fiers d’exhiber leur trésor de guerre, le Karaté, qu’ils ont arraché aux fiers japonais qu’ils ont aussi humiliés avec leurs deux bombes atomiques. Mais je crois qu’il faut aussi voir ces combattants américains comme les reflets enlaidis par l’ego, donc comme les rejetons, de ces Maitres qui les ont « enfantés ». Car ces combattants américains ont appris leur Karaté avec des Maitres et peu importe qu’ils soient japonais alors qu’Ip man et Bruce Lee, eux, sont chinois :

 

Les Maitres ( et pères spirituels) de ces combattants américains auraient dû s’assurer qu’ils auraient – ensuite- été dignes de l’enseignement reçu.  Cela me rappelle un souvenir :

Enfant, j’ai pratiqué un peu le karaté. Je n’étais pas très doué. Mais je me souviens de Boussade, dont le frère aîné pratiquait aussi le karaté. Un autre de ses frères, que j’allais croiser des années plus tard sur un tatamis, pratiquait, lui, le Judo. Et il avait dû être un très très bon judoka. Je me rappelle encore de certaines des « balayettes » ( ou sasaé) qu’il m’a passées en me narguant des années plus tard, alors, que, très fier de mon judo pubescent, j’attaquais. 

 

Mais notre professeur de karaté, Danco ( ou Danko), avait un jour fait passer les ceintures. Boussade connaissait son kata pour changer de ceinture. J’aimais bien Boussade. C’était un camarade d’école. Mais, ce jour-là, Danco avait refusé de lui donner sa ceinture supérieure (la bleue ou la marron). Parce-que, lors de son kata, Boussade avait mis trop de hargne. Trop de violence. J’avais 12 ans tout au plus ce jour-là. Et j’avais été plutôt triste pour Boussade. Mais  je me rappelle encore de cette leçon aujourd’hui quarante ans plus tard. Comme on le voit, ce genre d’expérience marque.

 

 

Dans Ip Man 4, il est difficile de croire que les combattants américains qui défient Ip Man et Bruce Lee aient été remis à leur place par leur Maitre et père spirituel comme Boussade l’avait été ce jour par Danco ( ou Danko).

 

Un Maitre, un professeur ou même un éducateur peut être un père spirituel ou symbolique. Certains de ces Maitres sont fascinés par la violence et l’encensent. D’autres ne s’en laissent pas conter par la violence. La violence ne les séduit pas. Et j’ai tendance à penser qu’un Maitre qui sait s’en tenir à une certaine abstinence en matière de violence pourra plus facilement inciter ses élèves au pacifisme. Alors que le « Maitre » qui, lui, kiffe la violence et le fait de soumettre les autres encouragera plus facilement ses élèves à aller vers la violence voire et vers….le terrorisme. Surtout si ses élèves l’admirent et boivent ses paroles. Pour certains terroristes, pratiquer le jihad avec force violence et explosions revient sans doute à avoir  » l’esprit du sabre » tel que peut le concevoir un pratiquant d’arts martiaux. Dans le film Opération Dragonle dernier film réalisé du vivant de Bruce Lee, Han, est plus proche du meneur de secte et du terroriste que du pratiquant d’arts martiaux qu’il a pourtant été. L’histoire se déroule sur une île. Mais on aurait pu imaginer que si ce film se tournait aujourd’hui, qu’on y verrait aussi des attentats dans certaines parties du monde comme on peut le voir dans bien des films de James Bond vers lequel Opération Dragon lorgne. 

 

Pour revenir à Bruce Lee dans Ip Man 4, on nous le montre plutôt pragmatique et responsable (bien qu’un peu provocateur tout de même). Il accepte le combat. Car il sait que le combat fait partie du Voyage qu’il a initié en se rendant aux Etats-Unis.  C’est, du reste, un des sens du film et de tous les films de ce genre :

Le combat est un voyage mais aussi un tremblement. S’opposer à l’autre pousse à faire un voyage vers soi-même. Un voyage intérieur dont les tremblements nous révèlent à nous-mêmes. Ulysse a accompli l’odyssée. Bruce Lee, lui, fait de même au travers des arts martiaux qu’il amène aux Etats-Unis. A moins que ce ne soient les arts martiaux qui, par leur existence propre, ne le poussent à se rendre aux Etats-Unis. Puisque au travers de ces Maitres chinois qu’Ip Man rencontre aux Etats-Unis, on comprend qu’ils sont les gardiens exclusifs et féroces d’un art martial qui a peut-être été très vivant en eux auparavant mais qu’ils ont laissé mourir en quelque sorte pour mieux laisser pousser le souvenir qu’ils en ont. 

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 Il me semble que lors du  second combat de rue de Bruce Lee (face à un adversaire qui se servira finalement d’un nunchaku), on accède à une dimension mystique des arts martiaux. C’est une chose de voir que Bruce Lee devine les mouvements – prévisibles pour  lui- car mal appris finalement, mal incorporés, ou trop vite ingurgités, de son adversaire qui a suffisamment de pratique pour intimider le citoyen lambda étranger au combat. Pratique qui se révèle grossière devant un Maitre comme Bruce Lee qui « est » le combat. Un peu comme si, dans l’océan, on voulait battre à la nage un dauphin ou un requin avec une paire de palmes en carbone.

 

C’en est une autre de « voir », lorsque l’adversaire de Bruce Lee, dominé, sort son nunchaku comme une baguette magique,  que c’était comme s’il touchait en fait à une divinité ou à un objet sacré qu’il souillait. Et que, pour cela, Bruce Lee, alors quasiment en transe, le corrigeait.

 

 

Conclusion

 

 

Dans cette opposition entre différents pratiquants d’arts martiaux dans Ip Man 4- Le dernier combat, on perçoit que pour certains adeptes, les arts martiaux servent surtout à détruire ou à assurer un sentiment personnel de suffisance et de supériorité.  Pour Ip Man, les Arts martiaux doivent servir à « vaincre les préjugés ». Si en prime abord, la position de Ip Man est « jolie » moralement et que ses relations avec son fils ainsi qu’avec la fille d’un de ses rivaux font partie des gros atouts du film, le message final gâche beaucoup. Parce-que le message final, concernant l’opposition entre le Wing Chun et le karaté, c’est qu’en raison de son efficacité finalement démontrée, le Wing Chun va être enseigné…aux Marines qui sont formés pour détruire et tuer de par le monde pour assurer la domination américaine. Donc, c’est quand même dommage d’avoir réalisé un film qui prône la tolérance, l’antiracisme, qui montre à des pères qu’ils font erreur lorsqu’ils s’obstinent à vouloir  à tout prix imposer leurs propres rêves à leurs enfants pour, au final, nous dire :

 

Grâce à Ip Man et au Wing Chun, l’armée américaine sera désormais encore plus forte. Merci la Chine ! Quant aux Marines fortes têtes tels que Barton Geddes ( interprété par Scott Adkins) et son bras droit, Collins, qui se font « ratatiner », on ne sait pas ce qu’ils auront appris de leur défaite. Qu’ils ont eu tort ? Ou qu’ils doivent s’entraîner plus dur au karaté pour revenir plus fort et aller défier Ip Man dans sa tombe ?

 

 

Pareil pour la jeune lycéenne américaine, blonde aux yeux bleus, qui, faute d’avoir échoué à museler la jeune chinoise Yonah a eu recours au harcèlement et à la violence physique : on ignore ce qu’elle devient à la fin du film. La maitresse de Bruce Lee ?

 

 

Cet article est une construction. Quelle que soit l’énergie consacrée pour l’écrire et le temps passé dessus, il est loin d’être une vérité absolue. Chaque nouvel article est sans doute un ancien article que l’on a déjà écrit et que l’on essaie de mieux écrire afin qu’il soit au plus près de nos émotions et de nos réflexions du moment.

 

 

 

Franck Unimon, ce vendredi 14 aout 2020.

 

 

 

 

 

  

 

 

 

 

 

 

 

 

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Gémissements

 Gémissements.

C’est notre souffle qui nous tient. C’est à dire : trois fois rien. Dans nos pensées et nos souvenirs se trouvent tant de trajectoires. De ce fait, on ne s’étonnera pas si je fais quelques excursions en des temps et des événements différents et si je me retrouve ensuite à nouveau dans le présent.

 

Aujourd’hui, ce mercredi 5 aout 2020 où il a fait entre 29 et 30 degrés à Paris, je devrais être au cinéma. J’ai l’impression de le trahir. Il y a tant de films à voir même si le nombre de films a été restreint. Les salles de cinéma, pour celles qui ont pu rouvrir depuis le 22 juin,  peinent à s’en sortir économiquement.

 

Enrôlées dans la bobine du cycle Covid-19, les salles de cinéma ont peu de spectateurs. Je m’en suis aperçu directement le 14 juillet en allant voir Tout simplement noir de Jean-Pascal Zadi. Le film m’a beaucoup plu. J’en parle dans un article qui porte le nom du film sur mon blog: Tout simplement Noir.

 

Mais nous étions à peine dix spectateurs dans la grande salle de ce multiplexe parisien que je connais depuis plus de vingt ans. C’est vrai que j’y suis allé à la première séance, celle de 9h et quelques, mais je ne crois pas que l’heure matinale ait joué tant que ça sur le nombre que nous étions dans la salle :

 

 Le confinement de plusieurs semaines dû à la pandémie du Covid-19 et l’arrivée de l’été au moins ont eu un effet sécateur sur le nombre des entrées. En plus, cela fait plusieurs mois qu’il fait beau. Je crois que les gens ont besoin de se rattraper. Ils ont aussi peut-être peur que le couteau d’un autre confinement ne se déploie à nouveau sous leur  gorge.  

 

 

Mais on va un petit peu oublier le Devoir ce matin. Ou on va le défendre autrement.  On va se faire notre cinéma à domicile.

 

 

Les photos qui défilent dans le diaporama sont un assemblage à la fois de quelques photos de vacances, d’ouvrages que je lis, ai essayé de lire ou voudrais lire, du Cd dont la musique m’a inspiré….

 

Et je vais essayer de vous parler d’à peu près tout ça à ma façon.

 

 

On va vers l’autre pour essayer de combler ou de soulager un vide. Mais nous ne partons pas du même vide. Nous ne portons pas le même vide. Et nous ne parlons peut-être même pas du même vide. Beaucoup de conditions sont donc assez souvent réunies pour que, dans la vie, nous fassions….un bide. Et, pourtant, nous connaissons des réussites et des possibilités de réussite. Mais encore faut-il savoir s’en souvenir et s’en apercevoir.

 

 

Je ne connaissais pas du tout Magali Berdah dont j’ai commencé à lire la biographie, Ma Vie en Réalité. J’en suis à la moitié. Et j’ai très vite décidé de lire son livre plutôt que celui de Julia De Funès intitulé Développement ( Im) Personnel.  Qu’est-ce que je reproche au livre de Julia De Funès dont j’ai commencé à lire l’ouvrage ?

 

Le fait, d’abord, que l’on sente la « bonne élève » qui a eu des très bonnes notes lors de ses études supérieures et qui a, donc, une très haute opinion d’elle-même. Je suis bien-sûr pour avoir des bonnes notes et pour faire des études supérieures autant que possible. Je suis aussi  favorable  au fait d’avoir de l’estime de soi.  Parce qu’il peut être très handicapant pour soi-même comme pour notre entourage de passer notre vie à avoir peur de tout comme à toujours décider que l’on ne sait jamais rien et que l’on ne sait absolument rien faire en toute circonstance.

 

 Mais je ne crois pas à la certitude absolue. Y compris la certitude scolaire.

 

Julia De Funès veut « philosophiquement » « déconstruire » les arnaques des « coaches » et des vendeurs de « recettes du bonheur » qui font florès. C’est très bien. Et j’espère bien profiter de ce qu’elle a compris de ces arnaques. Mais elle abat ses certitudes en se servant de sa carte routière de la philosophie dont elle connaît des itinéraires et des soubresauts par cœur.  

 

Elle, elle Sait. Et elle va nous démontrer comme elle Sait  quitte à ce que, pour cela, en la lisant, on ait mal à la tête en essayant de suivre sa propre pensée inspirée de celles de très grands philosophes qu’elle a déchiffrés et qui ont résolu depuis l’antiquité le mal dont on essaie de se guérir aujourd’hui en tombant dans les bras et sur les ouvrages des  commerçants du développement personnel qu’elle veut confondre.

 

Résultat immédiat : pour accéder à sa connaissance et profiter de ses lumières, on comprend dès les premières pages de son livre qu’il faut avoir la philo dans la peau. On lit son livre comme on pourrait lire un livre de Droit. J’aime la philo. Et j’aime prendre le temps de réfléchir.

 

 J’aime moins avoir l’impression, lorsque je lis un livre,  de devoir apprendre des lois. En plus, et c’est sûrement un de mes torts, dès les premières pages, Julia de Funès cite Luc Ferry comme une de ses références.  D’abord, je n’ai pas compris tout de suite. J’ai confondu Luc Ferry avec le Jules Ferry de l’école publique. Oui, j’ai fait ça. Ce genre de confusion. Et puis, comme Julia de Funès cite plusieurs fois Luc Ferry en moins de dix pages, j’ai  fini par comprendre.

 

J’ai sûrement de très très gros préjugés envers Luc Ferry, ancien Ministre de l’Education. Mais, de lui, j’ai surtout retenu qu’il avait une très belle femme et qu’il savait se faire payer très cher pour des conférences sur la philo. Et quand je pense à lui, je « vois » surtout quelqu’un de très suffisant. Je n’ai pas beaucoup aimé ce qu’il a pu dire, dans le journal Les Echos,  ou peut-être plus dans Le Figaro. A savoir, que, selon lui, après le confinement, le business reprendrait «  as usual » et que, en quelque sorte, les Nicolas Hulot et toutes celles et tous ceux qui pensent comme lui, peuvent aller se rhabiller avec leurs histoires de « Il faut changer le monde et essayer de tirer des enseignements de ce que la pandémie du Covid a pu nous obliger à comprendre du monde et de la vie ».

 

On a le droit de critiquer Nicolas Hulot et celles et ceux qui lui ressemblent. On peut critiquer plein de choses sur la manière dont la pandémie a été gérée et dont elle continue d’être gérée. Mais dire que ce sera « business as usual » revient à dire que notre monde marche bien tel qu’il est économiquement, politiquement, industriellement et socialement ; qu’il est réglé comme une horloge suisse et que rien ne peut ou ne doit modifier cet ordre et cet état du monde dans lequel un Luc Ferry, « philosophe » de formation a ses entrées et ses privilèges. Même si Luc Ferry a sans aucun doute des connaissances et des raisonnements plus qu’honorables, il est vrai que, pour moi, pour l’instant, l’homme qu’il incarne est pour moi un repoussoir. Et voir que, dès le début de son livre que j’ai eu pour l’instant un plaisir limité à lire, Julia de Funès le place sur un piédestal, m’a poussé à fermer son livre et à passer à la biographie de Magali Berdah.

 

Oui, Magali Berdah.

 

Car, la biographie de Magali Berdah, c’est le contraire. Je ne connaissais pas Magali Berdah auparavant. Et en tombant sur son livre à la médiathèque, il y a quelques jours, je me suis dit que je pourrais apprendre quelque chose. De mon époque. Pour moi. Pour mon blog. Afin de  mieux le promouvoir mais aussi, peut-être, l’orienter différemment. Sans pour autant aller dans la téléréalité ou biberonner du Cyril Hanouna que Magali Berdah cite comme un de ses premiers soutiens avant de devenir «  la manageuse » des influenceurs et des influenceuses. Avec Julia de Funès, finalement, on est dans une pensée très puritaine. Pensée que je partage aussi. Car je ne me fais pas tant que ça une si haute opinion de moi-même :

 

Je peux, aussi, être très très puritain à ma manière. Si ! Si !

 

Sauf que avoir un certain sens et une certaine idée de la moralité ne suffit pas pour être heureux et pour ce que l’on appelle « réussir sa vie ». Car notre vie se résume quand même souvent à ces deux questions :

 

Sommes-nous heureux ? Et faisons vraiment nous tout ce que nous pouvons, dans la mesure de nos moyens, pour être heureux ?

Parce-que pour moi, réussir sa vie, c’est ça : être heureux autant que possible, le plus longtemps possible et savoir le redevenir si on est malheureux, triste ou déprimé.

 

Et si je veux bien croire que Julia de Funès peut m’aider, aussi, à répondre à ces deux questions au moins dans son livre, je crois que Magali Berdah peut également y contribuer. Car je ne vois pas pourquoi citer Luc Ferry pourrait suffire à me rendre heureux. 

 

Alors que la biographie de Magali Berdah, elle, est concrète. On peut trouver qu’elle nous raconte sa vie de façon à passer pour une Cosette. On lui reprochera peut-être de trop étaler sa vie privée, de se donner le beau rôle (celui de la victime, de la personne  moralement intègre ou protectrice) et de s’en servir pour son sens de la Communication et des affaires. Elle est peut-être ou sans doute moins « jolie » moralement que ce qu’elle nous donne à entrevoir dans son livre mais elle nous parle aussi d’un monde que l’on connaît :

 

Celui où des personnes vulnérables (mineures comme adultes), ignorantes, bosseuses et de bonne volonté, peuvent se faire….arnaquer, kidnapper, trahir etc…..

 

Et Magali Berdah nous raconte aussi comment elle s’en « sort ». Concrètement. Ainsi que certains de ses fiascos et de ses coups durs. Par des exemples répétés. Ce qui parle souvent beaucoup mieux qu’en citant des philosophes ou des Anciens Ministres, fussent-ils très cultivés et dans le « Vrai » lorsqu’ils ( nous) parlent. A moins que ces Anciens Ministres et philosophes ne se parlent, d’abord, à eux-mêmes.

 

Oui, Magali Berdah est beaucoup dans l’affectif. Elle le dit et le fait comprendre avec sa « garde rapprochée » parmi ses collaborateurs. Et elle est à l’aise avec l’argent et le fait d’en gagner beaucoup. Il n’est pas donné à tout le monde, comme elle, de s’épancher facilement auprès d’autrui. Moi, par exemple, dans la vraie vie, je me confie oralement assez peu. C’est une histoire de pudeur et de méfiance. Quant à l’argent, en gagner beaucoup n’a pas été ma priorité lorsque j’ai commencé à travailler. Je ferais plutôt partie des personnes qui auraient du mal à mieux mettre en valeur mes articles par exemple.

 

 

 Vis à vis de la « célébrité », je suis ambivalent :

 

J’aime me mettre en scène et faire le spectacle. Vraiment. Mais j’aime aussi pouvoir être tranquille, pouvoir me retirer et me faire oublier. Soit deux attitudes très difficilement conciliables qui expliquent par exemple au moins, en partie, la raison pour laquelle mon blog a sûrement (beaucoup) moins de vues qu’il ne pourrait en avoir. Mais aussi la raison pour laquelle, à ce jour, mon activité de comédien est plutôt une activité sous-marine (c’est peut-être aussi pour cela que je pratique l’apnée) ou sous-cutanée voire intramusculaire.

 

C’est sûrement aussi pour cela que, certaines fois, je me retrouve à nouveau au moins témoin de certaines situations qui, dans mon métier d’infirmier, restent la norme.

 

Parce-que lorsque l’on est infirmier, on aime assez peu se mettre en scène et prendre toute la lumière. On est plus dans le don de soi que dans la revendication pour soi. Et ça amène ce résultat et cette vérité automatiquement renouvelée :

 

D’autres profitent de cette lumière et de cet argent.

 

Dans son livre, Magali Berdah explique qu’elle découvre l’univers de la téléréalité et des réseaux sociaux en rencontrant Jazz, une ancienne candidate de téléréalité,  amie d’une de ses anciennes salariées, Martine, à qui elle rend un service.

 

A cette époque, Magali Berdah, mariée, trois enfants, est surendettée, et a surtout une expérience consistante en tant que commerciale et auto-entrepreneuse dans les assurances et les mutuelles. A première vue, grossièrement, on dira que cela n’a rien à voir. Sauf que Magali Berdah, est fonceuse, bosseuse, curieuse. Elle a sans doute aussi envie de garantir à ces jeunes vedettes cette protection et cette sécurité dont elle a manqué enfant.  

 

Magali Berdah offre donc à ces jeunes vedettes son sens des affaires et du commerce ; une certaine indépendance. Ainsi qu’une présence affective permanente qui contraste avec ce monde des marques, des reflets et des images qu’incarnent et vendent ces jeunes vedettes qu’elle protège.

 

Quelques temps plus tôt, alors qu’elle était déprimée du fait de ses problèmes professionnels, financiers et personnels répétitifs, elle s’était confiée à une amie. Laquelle lui avait conseillé de consulter un Rav (l’équivalent d’un rabbin) de sa connaissance. Magali Berdah, juive non pratiquante, avait accepté de le rencontrer. Après s’être racontée,  ce Rav, le Rav Eli, lui avait affirmé qu’un de ses ancêtres, du côté de son grand-père maternel, était lui-même un Rabbin très « réputé » considéré comme un Tsadik.

 

Dans le vocabulaire hassidique, le Tsadik est un « homme juste ». Un Maitre spirituel. L’équivalent d’un Saint. Mais ce Saint n’est pas protégé par Dieu de son vivant. Par contre, ce Tsadik protègera un « descendant » et lui « offrira une vie extraordinaire : qui sort de l’ordinaire ».

Et le Rav Eli d’apprendre à Magali qu’elle était cette personne protégée par le Tsadik.

 

Ces propos du Rav étaient-ils sincères ? Relèvent-ils de la gonflette morale ou du placebo ? Sont-ils l’équivalent de ces « trucs » vendus et proposés par les coaches « bien-être » que Julia De Funès veut «déconstruire » ?

 

Je précise d’abord que je ne suis pas juif. Où alors je l’ignore. Mais j’aime beaucoup l’histoire de cette rencontre dans laquelle je vois du conte et de l’universel. Un conte pour adultes. Un conte qu’on aurait pu évidemment transposer autrement en parlant d’une rencontre avec un marabout, un psychologue, un Imam ou toute autre rencontre étonnante ou mystérieuse pourvu que ce soit une rencontre hors-norme, hors de nos habitudes et inattendue dans une période de notre vie où l’on a besoin de changement mais où on ne sait pas comment s’y prendre pour donner une autre direction à notre vie.

 

 

Dans cette histoire du Tsadik qui est l’équivalent du Saint, je pense bien-sûr à la vallée des Saints qu’un ami m’a conseillé d’aller découvrir lors de notre séjour récent en Bretagne. On trouvera facilement mon diaporama de la vallée des Saints sur mon blog. La Vallée des Saints

 

Pour l’instant, je ne vois pas quelles retombées concrètes sur ma vie a pu avoir le fait d’avoir pris la décision de me rendre avec ma compagne et ma fille à la vallée des Saints. Et ma remarque fera sans doute sourire ou ne manquera pas de me faire envisager comme un candidat idéal pour le programme subliminal de n’importe quel gourou foireux et vénal.

 

Alors, il reste le Tsadik, équivalent du Saint, qui, je crois, lui, sera plus difficile à contredire et à déloger, que l’on se moque de moi ou pas :

 

Religion juive ou pas, le soignant, infirmier ou autre, est souvent assimilé au Saint ou à la bonne sœur. Lorsque l’on regarde les conditions de travail et les conditions salariales d’un infirmier et qu’on les compare à ce que celui-ci donne de sa personne au cours d’une carrière, on « sait » que le compte n’y est pas du tout. Et que les infirmiers, comme d’autres corps soignants, sont sous-payés et sous estimés comparativement à ce qu’ils donnent. Mais aussi comparativement à ce qu’ils endurent. J’ai déjà entendu dire que, souvent, dans les ancêtres des soignants, il y a eu un malade, une grande souffrance. Mais on peut aussi penser, à travers l’exemple du Tsadik, qu’un soignant (infirmier ou autre) est un Tsadik et que, lui aussi, donnera sa protection à un de ses descendants un jour ou l’autre.

 

Cette histoire-là me plait beaucoup et elle m’est inspirée en lisant la biographie de Magali Berdah. Pas en lisant l’ouvrage de Julia de Funès. J’ai presque envie d’ajouter :

 

« Alors que cela aurait dû être le contraire. A quoi sert-t’il d’avoir autant de connaissances- comme Julia de Funès- si c’est pour plomber l’atmosphère et le moral des gens alors que ceux-ci essaient de trouver des astuces pour s’alléger, respirer un petit peu mieux et s’octroyer un peu de répit avant de devoir reprendre leur labeur ? ».

 

Récemment, dimanche après-midi, j’ai effectué un remplacement dans un service. La collègue infirmière du matin, ai-je appris plus tard, se lève à 3 heures du matin lorsqu’elle commence sa journée de travail à 6h45.

 

C’est sans doute rare qu’une infirmière se lève aussi tôt lorsqu’elle commence à 6h45 pour être à l’heure au travail. Mais je l’aurais vu au moins une fois dans ma vie.

 

Ce qui est moins rare, c’est d’avoir appris que cette infirmière avait pu se faire « défoncer » en plein staff un matin parce-que le travail n’avait pas été fait en temps et en heure. Pour quelle raison ?

Peut-être parce qu’elle était nouvelle dans le service. Et encore en CDD. Mais, aussi, parce-que le service manque de personnel infirmier. Quatre infirmiers en poste dans le service alors qu’il en manque sept autres. Il y a sept postes d’infirmier vacants dans ce service. Le service tourne donc régulièrement avec des remplaçants.

 

Ce qui est aussi moins rare, c’est qu’en se faisant « défoncer » en plein staff, cette infirmière ait subi sans broncher. C’est une étudiante infirmière présente lors des faits qui, ensuite, en a parlé au collègue infirmier qui m’a raconté ça le dimanche après-midi.

 

Ce qui est également moins rare c’est d’avoir demandé ce dimanche (j’étais alors présent) à cette même infirmière de revenir travailler le lendemain matin sur son jour de repos. Parce qu’il manquait du personnel infirmier le lundi matin.  

 

 Pourquoi je parle de ça ? Le Covid a fait des soignants, officiellement, «  des héros ». Mais des personnes se font « défoncer » cette fois-ci physiquement, sur la place publique lorsqu’ils rappellent à d’autres citoyens de porter- correctement- le masque de prévention anti-covid. Ou simplement d’un porter un.

 

Pendant ce temps, dans leur service, des soignants continuent de se faire « défoncer » en plein staff comme cette collègue infirmière. On peut donc défoncer en plein staff une héroïne. Et c’est normal.

 

Alors, qu’est-ce qu’il reste aux soignants héroïques alors qu’ils continuent de se faire défoncer par leur hiérarchie ? Il leur reste la dépression ou le burn-out. Il leur reste les accidents de travail. Il leur reste les congés longue maladie. Il leur reste la démission. Il leur reste la colère ou la contestation. Il leur reste le Tsadik ou son équivalent. Et c’est en lisant la biographie de Magali Berdah, que je n’ai pas terminée, que je le comprends. Pas en lisant le livre sûrement très cultivé de Julia de Funès.

 

Ce matin, ça a fait marrer une de mes jeunes collègues infirmières lorsque je leur ai parlé de Magali Berdah. Elle était sans doute gentiment amusée par une de mes nouvelles bizarreries. Pourtant, je ne fais que prolonger à ma façon ce en quoi je crois depuis des années.

 

Miles Davis disait « My mind is not shut » : Mon esprit n’est pas fermé. Dans la revue Yashima dont j’ai beaucoup aimé les articles cette fois-ci, il y a entre autres une interview de Kacem Zoughari.

 

Kacem Zoughari est «  docteur en Histoire et Culture du Japon et adepte de Ninjutsu du plus haut niveau ». J’ai découvert l’existence de Kacem Zoughari il y a à peine dix jours par ce magazine Yashima acheté durant mes vacances.

 

Quel rapport entre la téléréalité, le monde du fric et du commerce de Magali Berdah et l’ascèse martiale à laquelle se tient Kacem Zoughari que je devrais appeler au moins Sensei ou Maitre au vu de ses titres ?  A priori, à la télé, ce n’est pas la même chaine. Il n’y a aucun rapport si on oppose ces deux personnes et ces deux expériences selon leur image et leur parcours. Et puis, dans l’interview, Kacem Zoughari dit par exemple :

 

« Quand j’arrive là-bas (au Japon), je pense être bon. J’ai représenté la discipline à Bercy et à la télé et je suis ceinture noire. Mais au premier cours chez Ishizuka sensei, on me reprend. On me reprend gentiment, mais j’ai l’impression d’être giflé ! ».

 

On peut donc être « très bon », bosseur et expérimenté comme le pense alors Kacem Zoughari et, comme Magali Berdah, dans son domaine professionnel…échouer.

 

Or, que l’on évolue dans le commerce ou dans le domaine des arts martiaux ou ailleurs, ce qui va importer, c’est notre réaction par rapport à « l’échec ». Ce que l’on va être capable d’apprendre et d’accepter de cet échec.

 

Plus tard, Kacem Zoughari dit :

 

«  (….) Hatsumi sensei dit parfois : « Tu veux être bon, shuraba ni ike ». Va où a lieu le carnage ».

 

On peut penser au « carnage » de la guerre. Mais on peut aussi penser au « carnage » de la souffrance et de la violence auquel le soignant où le travailleur social est régulièrement exposé. Et Magali Berdah parle aussi de certaines périodes de «  sa vie chaotique ».

 

Et j’ai particulièrement aimé lorsque Kacem Zoughari dit :

 

« Certains élèves copient le maitre jusque dans ses déformations de dos, de genou, etc. Au-delà de l’aspect caricatural, c’est même délétère pour leur santé ! Ce type de pratiquants intégristes refuse souvent aussi de voir ce qui se fait ailleurs pour ne pas corrompre l’image qu’ils ont de leur maître. C’est une grave erreur ».

 

Bien entendu, je n’attends pas que Kacem Zoughari verse dans l’univers de la téléréalité et dans le monde de Cyril Hanouna. Mais on a compris que selon mes aptitudes et mon état d’esprit, je peux trouver des parties de mes besoins et de mes réponses tant dans ce qu’enseigne Kacem Zoughari que dans ce que raconte Magali Berdah.

D’autant que Kacem Zoughari confirme aussi :

 

« (…..) car beaucoup d’obstacles se dressent sur la voie d’un adepte. Il y a d’abord les désillusions. Le monde martial, comme tout microcosme, comporte de nombreuses personnes à la moralité douteuse. Il faut alors avoir foi dans les bénéfices de la pratique pour trouver le recul de se dire que les actes d’un individu ne définissent pas la valeur d’une discipline ».

 

 

Il y aurait bien-sûr davantage à dire de l’interview de Kacem Zoughari et je le ferai peut-être un autre jour.

 

Mais l’article va bientôt se terminer et je veux d’abord répondre à des questions que je crois possibles devant certaines des photos :

 

La voix du Raid écrit par Tatiana Brillant (avec la collaboration de Christine Desmoulins), ancienne négociatrice du RAID, parce-que je crois que son expérience peut aussi m’apprendre quelque chose dans mon métier comme dans ma vie. Tatiana Brillant, dont, d’ailleurs, le père est pompier. Et la mère….infirmière. Tatiana Brillant qui dit, page 24 :

 

«  (….) Ayant cette fois accès à mon dossier, j’ai appris que lors des précédents tests j’avais été reçue première avec l’observation suivante :

 

 «  Première candidate. Impressionnante malgré son jeune âge. Bonnes réactions, empathie naturelle ».

C’est ainsi que je suis entrée au RAID le 1er mars 2004. A Bièvres, dans l’Essonne, mon rêve se réalisait ! Tout cela validait à jamais le mantra qui rythme ma vie :

 

« Il ne faut rien s’interdire ».

 

« L’empathie » est une aptitude qui peut être dévaluée dans un monde où l’image, le statut social, la célébrité, la rapidité, la rentabilité et le fric remportent souvent le gros lot.

 

Le personnel infirmier sait ce qu’est l’empathie même s’il se fait régulièrement enfler. Parce qu’il est plus dans le sacrifice et le don de soi que dans l’empathie me dira-t’on. Peut-être. Mais on voit à travers Tatiana brillant, Magali Berdah mais aussi Kacem Zoughari, qui l’évoque d’une certaine façon dans un passage de son interview, que « l’empathie » est compatible avec la réussite professionnelle et personnelle.

 

 

Tout bouge autour de moi de Dany Laferriere, membre de l’Académie française. Pour le titre. Pour la littérature. Parce-que je n’ai encore rien lu de lui. Parce qu’il parle d’Haïti, où il se trouvait, lors du tremblement de terre du 12 janvier 2010 :

 

  «  Des choses vues » qui disent l’horreur, mais aussi le sang-froid des Haïtiens. Que reste-il quand tout tombe ? La culture. Et l’énergie d’une forêt de gens remarquables ».

 

 

Parce qu’Haïti est une île où j’aurais aimé être allé depuis des années. Mais son régime politique et sa pauvreté m’ont jusque là trop inquiété. Je suis « entré » un peu à Haïti d’abord par le cinéma de Raoul Peck dans les années 90 par son film, L’Homme sur les quais. J’ai vu d’autres films de lui. Et même des séries. Je l’ai aussi rencontré et interviewé deux fois. Une fois lors du festival de Cannes au début des années 2010. Une autre fois, à Paris.

 

Il y a quelques photos de nos vacances en Bretagne. A la vallée des Saints ( avec les statues en granit) et aussi à Quiberon, du côté du port-Haliguen, où nous sommes passés avant que le port du masque ne devienne obligatoire dans la rue.

 

Le titre que j’ai choisi sur l’album Nordub  réalisé par Sly & Robbie et Nils Petter Molvaer feat Eivind Aarset and Vladislav Delay s’appelle :

 

European Express.

 

C’est le septième titre de l’album. Après avoir lu des critiques dithyrambiques sur cet album, je me suis décidé à l’acheter. J’avais déjà écouté deux anciens albums de Nils Petter Molvaer. J’appréhendais qu’il soit trop présent avec ses traversées électroniques et sa trompette qui louche vers Miles mais sans l’attrait de Miles sur moi.

 

Sly and Robbie, depuis leur trajectoire Reggae avec Black Uhuru, Gainsbourg et beaucoup d’autres dans les années 70 et 80 ont depuis longtemps débouché dans d’autres atmosphères musicales. J’attendais beaucoup de cet album. J’attendais du Dub. J’ai d’abord été déconfit. Puis, en le reprenant en revenant de vacances, il s’est à nouveau vérifié que certains albums nous demandent du temps pour entrer dedans.

 

European Express,  de par sa dynamique, est le titre qui m’a semblé le plus approprié pour cet article.

 

 

Cet article est sans doute plus long qu’il n’aurait dû, une fois de plus. Alors, j’espère qu’il ne sera pas trop fastidieux à lire et que les photos qui l’accompagnent vous iront aussi.

Ici, si on le souhaite, on pourra écouter cet article dans sa version audio :

 

 

Après un concert, il arrivait que Miles engueule certains de ses musiciens après qu’ils aient, selon lui, mal joué. Sans doute estimait-il qu’ils n’avaient pas pris assez de risques. Il leur disait :

 

 «  Jouez ce que vous savez jouer ! ».

 

J’ai écrit ce que je sais écrire. C’est le souffle qui nous tient. C’est à dire : trois fois rien.

 

 

Franck Unimon, ce mercredi 5 aout 2020.

 

 

 

 

 

 

 

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Le Jihad, c’est les autres.

 

Ça a commencé lors d’une nouvelle séance de kiné. Pour une tendinite. J’en ai déjà parlé et j’en reparlerai :

Les kinés sont les professionnels de la santé que j’ai- de très loin- le plus rencontrés dans ma vie. J’ai une enquête à finir sur l’histoire de mon corps. Il doit y avoir des raisons pour que je retourne régulièrement, depuis mon adolescence,  dans le port  des kinés, ces réparateurs du mouvement. Sans doute que je répète des gestes interdits en forçat qui se déplace à contre-courant.

 

J’ai donc connu plusieurs cabinets ou plusieurs ports de kinés dans ma vie. Celui-ci est près de chez moi. J’y suis d’abord allé les premières fois il y a deux ou trois ans pour des raisons très pratiques : afin de se rendre en béquilles à une rééducation après une intervention chirurgicale, mieux vaut éviter le parcours avec des cols à quinze pour cent à  grimper sur plusieurs kilomètres afin d’accéder au cabinet du kiné.

 

 

Sauf peut-être pendant le confinement récent, les kinés ne chôment pas. Ce sont des professionnels très demandés. J’ai connu deux sortes de kinés :

Celles et ceux qui vous prennent en individuel et qui, durant la séance de 20 à 30 minutes, s’occupent uniquement ou principalement de vous. Et celles et ceux qui vous donnent des exercices à faire, ou vous mettent sous machine, partent s’occuper de quelqu’un d’autre et viennent vous voir de temps à autre pour s’assurer du fait que tout se passe bien.

 

J’imagine bien-sûr que tous ces kinés ont leurs raisons.  Certains expliqueront que certains traitements et certaines rééducations ne nécessitent pas leur présence permanente. D’autres, qu’il faut qu’ils amortissent le coût de leur matériel de pointe très couteux et qu’ils n’ont pas d’autre choix que d’enchaîner le nombre de patients ou de clients d’autant que ceux-ci sont devenus de plus en plus nombreux.

 

 

Le cabinet de kiné où je me rends a été pour moi une découverte la première fois :

 

Il y a bien quelques pièces isolées où je devine que des patients sont dans une certaine intimité. Mais pour l’essentiel, le cabinet de kiné est un open space sans cloisons où l’on peut être vingt à trente personnes en soins et en rééducation en même temps allongé ou en train de réaliser tel exercice de rééducation ou de renforcement musculaire, ou en train de recevoir un soin par un kiné. Du fait de l’épidémie, avec la sortie du confinement, nous sommes tenus de venir avec un masque, un sac où ranger nos manteaux et de nous laver les mains avant la séance ou d’utiliser du gel hydroalcoolique mis à notre disposition à l’entrée.

 

Cette particularité « open space » pourrait faire sourire alors que l’on nous parle beaucoup de respect  de la « confidentialité » un peu partout : dans les labos d’analyses, dans les administrations diverses, dans les hôpitaux. Mais cette proximité ne me dérange pas d’autant qu’en général les kinés qui officient ont su créer une certaine convivialité dans leurs relations comme avec nous. Et puis, il y a la télé.

 

Car dans ce cabinet « open space », il y a une télé souvent allumée. Dans un autre cabinet de kiné que j’ai fréquenté, la télé passait uniquement du sport. On était dans un cabinet de kinés spécialisés dans le sport.

 

Dans ce cabinet, on aime beaucoup le sport aussi et les événements qui en parlent. Mais on aime aussi beaucoup débattre. Il est arrivé que la chaine choisie soit Arte et cela m’apaisait. Mais depuis que j’y suis retourné il y a bientôt un bon mois maintenant, on a droit à la chaine Cnews. A chacune de mes séances, Cnews est dans la place avec cette émission animée et patronnée par un journaliste entouré de chroniqueurs majoritairement masculins même si on trouve aussi quelques femmes.

 

 

Parmi mes premières séances avec Cnews, le sujet, répété, portait sur les violences policières en France. Après l’épidémie du coronavirus, le thème des violences policières a effectué sa percée. C’était avant le résultat du deuxième tour des élections municipales qui a finalement eu lieu hier et qui a réélu Isabelle Hidalgo comme maire de Paris face à Rachida Dati et Agnès Buzyn, ex-Ministre de la santé partie en pleine épidémie Covid remplacer la candidature de Benjamin Grivaux pour cause de scandale dû à des vidéos de Monsieur le sexe en érection. C’était avant la réouverture des salles de cinéma qui ont pu s’adapter au covid-19.

 

 

Lors d’une de mes séances kiné, il y a donc eu débat non sur mes érections ou sur ce que je pouvais penser de celle de l’homme politique Benjamin Grivaux, mais sur les violences policières. Un des kinés, assez incrédule, m’a demandé si, moi, en tant que noir, je m’étais déjà senti défavorisé devant la police. Cette question personnelle m’a été posée en public puisque nous sommes dans un cabinet « open space ».

 

On se rappelle du contexte : d’un côté, aux Etats-Unis, la mort du noir américain Georges Floyd, sous le genou d’un flic blanc, Derek Chauvin, déjà connu «  pour violences ». Georges Floyd aurait été, a été suspecté, de vouloir se servir d’un faux billet de vingt dollars. Résultat :

Il est mort étouffé par le policier Derek Chauvin alors qu’il répétait qu’il ne pouvait pas respirer. La scène a été filmée par une jeune noire avec son téléphone portable. J’ai oublié le prénom de cette jeune noire. Mais j’ai retenu son nom : Frazier. Comme l’ancien boxeur noir, champion du monde, et grand rival de Muhammad Ali, un des héros encore aujourd’hui de bien des jeunes dans les cités et banlieues.

 

Muhammad Ali a été un de mes héros lorsque j’étais adolescent. Et je reste attaché à son histoire. Mais je sais aussi qu’il a manqué de correction envers Joe Frazier et Malcolm X qui sont aussi des modèles. Je sais aussi que Muhammad Ali, lorsqu’il s’appelait encore Cassius Clay, doit d’avoir été « orienté » vers la boxe par un flic…blanc. Après qu’il se soit fait voler son vélo.

 

Adama Traoré, mort il y a quatre ans en France après une interpellation policière, est l’autre personne qui a ravivé le sujet des violences policières. Officiellement, la façon dont il a été interpellé physiquement n’a rien à voir avec sa mort. Sauf que les autopsies réalisées par d’autres experts sollicités par la famille d’Adama Traoré disent le contraire.

 

 

Je n’ai pas regardé sur le net la vidéo de la mort de Georges Floyd. Je n’ai pas lu le livre qui parle d’Adama Traoré et de la façon dont il est mort. Je crois celles et ceux qui disent que les deux histoires sont très différentes. Mais je crois aussi que celles et ceux qui le disent le font aussi pour se soulager. Parce qu’une fois  qu’on a dit que les deux histoires n’ont rien à voir, c’est comme si l’on pouvait changer de sujet juste après la page de pub et après avoir affirmé que tout va bien.

 

Je ne crois pas que la police française soit raciste. Mais j’ai déjà été interpellé deux ou trois fois par des policiers, dont au moins une fois voire deux ou trois fois parce-que j’étais noir, et même si deux ou trois fois, c’est « peu » et que tout s’est bien et rapidement terminé, pour moi, en tant que personne, c’est déjà beaucoup et, je « sais » que cela aurait pu se terminer plus mal pour moi alors que j’étais… « innocent ».

 

Si la « compétence » ou ce qui ressemble à de l’intelligence de la part du policier ou des flics rencontrés lors de « mes » contrôles a sans doute contribué au fait que cela se soit bien et rapidement terminé, je crois aussi que je dois saluer, à chaque fois, la capacité que j’ai eu de rester calme, coopératif, optimiste et d’avoir pu m’exprimer poliment et « correctement ». Mais en situation de stress, et un contrôle est une situation stressante, nous savons tous qu’il peut être très difficile pour bien des personnes de rester « calme », « coopératif » et de continuer de s’exprimer « correctement » :

 

C’est à dire, sans crier, sans s’énerver, sans s’agiter, sans regarder son interlocuteur ou ses interlocuteurs avec dédain ou colère, ou avec peur, en employant des mots nuancés et des intonations diplomatiques voire harmoniques et mélodieuses dans la voix.

 

 

Parce-que je crois vraiment que dans ces deux ou trois situations de contrôle que j’ai vécues, qu’il aurait suffi que je m’emporte pour qu’en face, de manière-réflexe ou conditionnée, un des représentants de l’ordre se sente à son tour agressé, pris à la gorge, et se persuade très vite d’être en présence d’un énième individu récalcitrant.

 

A partir de là, une réaction en chaine s’enclenche, et, moi, l’innocent, j’aurais très bien pu me retrouver avec une clé de bras dans le dos, plaqué contre un mur, sommé de vider mes poches devant tout le monde, comme il m’a déjà pu m’arriver de le voir pratiqué en prenant les transports en commun. Transports en commun, le train et le métro en particulier, qu’en tant que banlieusard, je prends régulièrement depuis mon adolescence.

 

Cette expérience-là, ce vécu-là, cette quasi-certitude que cela peut ou pourrait « partir en couille » face à la police lors d’un simple contrôle, je crois qu’en France, aujourd’hui en 2020, si l’on est un homme arabe ou noir qui a grandi en France, dans un environnement régulièrement quadrillé par les forces de l’ordre, on les a ou on les assimile à partir de notre adolescence. Et le verbe « assimiler » a sa place ici dans toute son ambiguïté.

 

 

Je ne suis pas anti-flic. Je ne me sens pas anti-flic. Je considère même que bien des flics ont à exécuter des ordres et des missions que leur impose leur hiérarchie du supérieur direct au Ministère de l’Intérieur.

 

 

Mais je m’estimerais très naïf si, en tant qu’homme noir, en France, je me considérais toujours l’exact égal du citoyen blanc ou de la citoyenne blanche lambda en cas de contrôle de police. J’ai quand même été interpellé un jour à la gare de Sartrouville par une femme-flic qui faisait manifestement ses preuves devant ses collègues masculins (la BAC du coin ?) afin de savoir si je portais sur moi du cannabis ! Selon quels critères ?!

 

La gare était pratiquement déserte et je me rendais à mon travail ce jour-là. J’étais déjà soignant et faisais déjà partie «  des héros de la Nation ».

Avec son air bonhomme, la femme flic s’est adressée à moi avec un aplomb comme si, d’emblée, j’étais suspect. Je n’avais sur moi ni cigarette, ni joint. J’étais un simple passager qui venait de sortir de son RER ou de son train et qui allait à son travail. J’avais mon titre de transport comme tous les jours. J’ai eu droit à un contrôle d’identité. Et à un mini-interrogatoire sous le regard de ses collègues masculins postés derrière elle.

J’ai d’abord répondu poliment. Puis, son interrogatoire se faisant insistant et intimidant

(elle me faisait comprendre que si j’avais du shit sur moi, ça allait mal se passer pour moi), j’ai commencé à répondre calmement. Et ironiquement. Parce-que ça commençait à m’agacer. Et, là, coup de baguette magique, sans me fouiller, d’un signe de la tête, elle m’a fait comprendre que je pouvais y aller ( ou dégager, c’est selon la sensibilité de chacun). Cette expérience apparaitra peut-être anodine pour certaines personnes. Mais pas pour d’autres. Et je ne suis pas sûr que d’autres personnes, à ma place, seraient restées aussi calmes que moi. Et, oui, je considère avoir eu de la chance ce jour-là car mon ironie, venue de mon agacement compréhensible, aurait pu se retourner contre moi.

 

 

 

Pour ces quelques raisons et ces quelques exemples, même si, oui, je pense que les deux situations Georges Floyd/Adama Traoré sont différentes et que ça me dérange aussi beaucoup de savoir que, de son vivant, Adama Traoré pratiquait «  l’extorsion sur des personnes vulnérables », ce qui est l’autre mot pour dire « racket », je me sens plutôt concerné en tant qu’homme noir, par les violences qui ont tué ces deux hommes.

 

Et, encore plus, en écoutant certains des propos tenus sur Cnews pendant une de mes séances de kiné. Cela s’est passé après la fresque de Stains montrant Georges Floyd et Adama Traoré côte à côte. Je comprends que l’on puisse parler d’amalgame, de récupération en mettant Georges Floyd et Adama Traoré ensemble au vu du casier judiciaire différent des deux hommes et aussi de la façon dont « l’interpellation » s’est passée :

 

D’un côté, avec Georges Floyd, images à l’appui, sauf nouvelle information qui changerait la donne, on a l’acharnement d’un policier, fier de lui, et déjà connu pour faits de violence. Un policier peut-être maintenu dans ses fonctions par sa hiérarchie car estimé « efficace » ou pratique et disponible lors de certaines situations sensibles. Ce que l’on retrouve déjà «  un peu » en France où, depuis plusieurs mois, le gouvernement Macron-Philippe sait qu’il doit rester en bons termes avec la police afin de pouvoir compter sur elle pour faire le sale travail de répression lors de certaines manifestations sociales du type gilets jaunes ou autres. Et je l’écris avec respect pour la police.

 

De l’autre, avec Adama Traoré, on n’a pas les images de sa mort en direct après son interpellation et les différentes autopsies se contredisent.

 

Mais qu’il y’ait amalgame, récupération ou non en accolant Georges Floyd et Adama Traoré dans cette fresque à Stains, il me semble que « l’expérience » du spectacle d’une certaine justice montre au citoyen lambda qu’attendre docilement et patiemment que la Justice se fasse correctement peut être une erreur stratégique :

 

Les affaires du Médiator ou des prothèses PIP du Roundup de Monsanto ou, plus « simplement », la façon dont certaines professions (soignantes et autres) pourtant nécessaires se font balader par les différents gouvernements contraignent le citoyen lambda à comprendre qu’être victime et « seulement » manifester civilement ou porter plainte peut être insuffisant pour obtenir réparation ou justice.

 

Il faut aussi réaliser des coups médiatiques. Faire le buzz. Il faut des catastrophes ou des épidémies. Il faut faire peur. Il faut se faire respecter comme force de nuisance par les autorités officielles. Puisque même des personnes coupables, dès qu’elles en ont les moyens au moins financiers, savent choisir les bons avocats qui trouveront les astuces, les bons ressorts, les erreurs, les failles ou les fautes de procédures, afin de retarder le jugement, le casser ou l’éviter.

 

 

Donc, je vois cette fresque à Stains comme un moyen d’essayer d’obtenir que la Justice française, si elle a été mal influencée, de bien ou de mieux faire son travail dans l’affaire Traoré. D’autant que sur le plateau de CNews, la fresque réalisée par certains propos a été plutôt palpitante :

 

Elle, il y a encore quelques semaines, je ne la connaissais pas. Elle regrette et combat la perte des hautes valeurs qui ont fait la France. Pourtant, ses succès personnels et médiatiques proviennent peut-être aussi du fait de cette « perte » des hautes valeurs qu’elle regrette tant.

Elle ne le dira pas car elle fait partie des premiers de la classe, qui plus est sur un plateau de télé. Mais elle croit à la supériorité des races. Ce n’est pas de sa faute. La destinée est ainsi et le souligner, c’est évidemment être aigri.

Bien-sûr, les personnes qu’elle désigne comme l’ennemi sont souvent parmi celles qui refusent de la servir, elle, moralement si irréprochable.

Plutôt belle femme – et elle le sait- elle se sert de son minois devant le « journaliste » qui pilote le journal comme le propriétaire d’un ballon de foot qui veut bien jouer avec les autres à condition que ce soit lui qui marque le plus de buts.

 

Elle, elle n’est pas comme ça. Assez souvent, elle se tait. Elle entend être plus sage que certains des chroniqueurs et des intervenants plus âgés qu’elle compte bien ringardiser. Sa pensée est ouverte là où elle regarde vu que son œil est toujours juste et que sa langue tinte bien. Pourtant, malgré sa parole qui lui donne l’allure d’un sac à main de luxe, elle dit aussi des ordures :

 

Quand elle récite et affirme que la plupart des étranglements réalisés par la police sont  «  la violence légitime et nécessaire de l’Etat » et qu’ils  se déroulent «  en général, sans problème », on aimerait qu’elle nous raconte ses expériences d’étranglement que l’on devine nombreuses. Non par voyeurisme : mais afin qu’elle nous rassure quant aux effets d’une telle expérience lorsque l’on est innocent et qu’une interpellation a mal tourné. Mais, bien-sûr, elle n’est pas responsable des circonstances comme des situations qui créent le recours à cette pratique.

Lors de sa rencontre avec Bachar El-Assad en Syrie, elle aurait trouvé celui-ci « doux ». C’est peut-être une fausse information. Autrement, cela pourrait expliquer sa vision tranquillisante de l’étranglement d’un citoyen par des forces de l’ordre.

 

 

Un intervenant présent ce jour-là à côté d’elle, politologue, semble déguster un tiramisu en déclarant que le parti socialiste n’existe plus désormais. Peut-être que tout son bonheur à être sur ce plateau est condensé dans cette phrase. Pouvoir enfin la dire librement et à visage découvert sans avoir à se retourner. Cela respire presque l’enfant qui a longtemps été battu par un parent socialiste. Et, fin gourmet, il explique que c’est  pour sauver le très peu qui lui reste que le parti socialiste s’accroche à la cause de l’antiracisme du côté d’Assa Traoré, la sœur d’Adama Traoré.

Sa joie lui donne raison d’autant que si le parti socialiste, aujourd’hui, est inexistant, c’est peut-être pour beaucoup parce-que son « tonton » et son premier Président, François Mitterrand, a su verser dans sa famille politique, durant quatorze ans de 1981 à 1995, le poison suffisant afin qu’aucun de ses neveux ou nièces en politique ne puisse être en mesure de lui succéder et de le dépasser par la suite. Mais, de cela, le politologue, la bouche pleine de tiramisu, n’en parle pas. Ni personne d’ailleurs sur ce plateau de télé. 1995, c’était il y a 25 ans. C’est déjà loin. Et peut-être que, désormais, aussi, lorsque l’on est ou que l’on a été socialiste et que l’on repense à cette période, que l’on se sent nostalgique ou honteux. Honteux d’y avoir cru.

 

Très en confiance, le politologue affirme que, dans les cités, les gens en « ont marre » des actions d’Assa Traoré. J’ai sûrement de grands préjugés mais il m’est difficile de l’imaginer faisant le tour des cités et s’entendant dire qu’Assa Traoré en fait trop. Personne ne le conteste ou ne met en doute ses propos sur le plateau de télé.

 

Néanmoins, «  Les Bretons et les Provençaux n’ont pas la même tête » professe néanmoins le politologue pour expliquer que la France s’est faite en unifiant des personnes très différentes. Et donc qu’il est possible d’intégrer des personnes de tous horizons. La France, selon-lui, est d’ailleurs un des pays les plus diversifiés au monde et donc en aucun cas, raciste. Mais que cela implique de se rejoindre autour d’une identité nationale commune.

Le journaliste qui « anime » le débat abonde dans son sens et cite, référence sans doute à son passé de journaliste sportif…. Aldo Platini. On revient donc en France au début des années 80 à l’époque de la première élection de François Mitterrand. La France qui ferait particulièrement vibrer notre « animateur » serait-elle celle des années 80 ?

Toujours est-il qu’il nous parle d’Aldo Platini qui  avait prénommé son fils, futur grand footballeur…Michel. Avec interdiction «  de parler à la maison la langue d’origine ». Néanmoins, précise tout de suite « notre » journaliste, « …il ne s’agit pas de refouler les origines…. ».

Mais elles ont peut-être été un peu trop refoulées, ces origines, pour que « Michel », quitte la France et termine- brillamment- sa carrière de footeux à la Juventus de Turin, un club de Foot italien….

 

Est critiqué aussi, au cours du débat, cette trop grande fascination des jeunes pour « Nos bons Maitres américains ». La sémantique « Bons Maitres » est amusante et retournée :

 

Les Français se révoltent contre leurs Maitres américains. Mais s’agit-il du Français franchouillard ? Gaullien ? De celui de l’ancien empire colonial français qui était alors plus puissant que les Etats-Unis avant son indépendance ?

Ou des jeunes français noirs, et autres, qui, pour s’émanciper, se choisissent d’autres modèles culturels, idéologiques et politiques aux Etats-Unis ?

Tout cela est flou, messieurs et madame qui débattez et savez mieux penser et mieux parler que nous qui vous regardons et vous écoutons.

 

On perçoit en tout cas un aveu d’impuissance et une rancœur envers les Etats-Unis qui sont plus forts que « nous », « nous » qui étions si puissants avant. Nous voudrions être des modèles pour cette jeunesse qui nous défie et nous embarrasse et nous n’y arrivons pas. Alors, que les Etats-Unis, eux, ils ont la cote auprès de bien des jeunes. Mais quels modèles proposez-vous ? Des modèles comme ceux  des débats que vous avez et imposez sur Cnews ? Ou un des intervenants, satisfait de lui, affirme que les personnes présentes à la marche en mémoire d’Adama Traoré sont surtout ou principalement des « bobos blancs » et plutôt socialistes ?

 

Je crois être moins fasciné que je ne l’étais par les Etats-Unis lorsque j’étais adolescent. Mon séjour à New-York m’a sûrement moyennement plu parce-que je l’ai effectué en 2011 et que je m’étais davantage ouvert au monde et à la pensée entre-temps. Pourtant, sans être un idolâtre des Etats-Unis, on est obligé de constater que ceux-ci sont encore la Première Puissance Mondiale dans certains domaines :

 

Une émission animée par Billy Crystal ou Jimmy Fallon a beaucoup plus de classe qu’une émission animée par Thierry Ardisson, Laurent Ruquier ou Cyril Hanouna.

 

 

Plusieurs des débatteurs- dont le journaliste « maitre des lieux » finissent pas conclure d’un commun accord, qu’il faudrait traiter par l’indifférence tous ces représentants noirs, en France, qui tiennent des propos racialistes à propos des Blancs. Cela apparaît le meilleur moyen afin de donner moins d’ampleur médiatique à tous ces propos extrémistes et haineux et la meilleure façon d’y répondre. Par contre, écouter Eric Zemmour et converser avec lui semble éclairant et nullement racialisant.

 

 

Mais « il faudrait quand même retirer cette fresque à Stains », dit le journaliste-« propriétaire » du débat sur Cnews. Mais comment faire, demande-t’il ?!

 

La réponse est pourtant évidente : Lui et plusieurs de ses invités qui savent tout, qui gagnent bien plus que nous, grâce à la pub, grâce à la télé, grâce à leur renommée, n’ont qu’à faire comme la plupart des gens. Prendre un seau, de l’eau bouillante, un peu de bicarbonate, quelques éponges,  se déplacer et aller faire le ménage. Et s’ils pouvaient aussi faire un peu le ménage dans leur tête (mais comment ?) ce serait bien, aussi.

 

A la fin, notre journaliste-débatteur, se confie :

 

« Je vais vous dire, modestement, ce qui me choque. Je n’ai rien contre Rosa Parks mais pourquoi on n’appelle pas certains endroits (ou stades) Jean de La Fontaine ? ».

 

 

Près de moi, le kiné qui, lors d’une séance précédente m’avait demandé, si, en tant que noir, je m’étais déjà senti défavorisé devant la police, en France, réfléchit à voix haute en passant :

 

«  Rosa Parks….c’est pas une histoire de bus, de racisme ? Je me souviens plus…. ».

 

 

 

Franck Unimon, lundi 29 juin 2020.

 

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Corona Circus Ecologie self-défense/ Arts Martiaux

Self-défense

Photo prise à Paris, lors du dernier week-end de Mai 2020.

 

 

                                                                   Self-Défense

 

 « Je vous attendais ».

 

 

Même s’il s’est mis à pleuvoir abondamment hier soir, depuis plusieurs jours, les gens sont globalement plutôt heureux de pouvoir sortir à nouveau de chez eux. Ça se voit. Je le vois en partant au travail ou en sortant de chez moi. J’aperçois des couples très amoureux. Je m’attends à ce qu’un certain nombre d’eux, rapidement, s’incitent à arrêter d’être deux. D’autres fois,  dans certains quartiers comme récemment du côté de Denfert Rochereau, avec mon masque sur le visage, j’ai l’impression d’être un spécimen ou un attardé. 

 

La deuxième vague du Covid-19 ne s’est pas faite sentir. Beaucoup de personnes en concluent que l’épidémie a disparu. Il a fait beau depuis pratiquement trois mois – même si les températures avaient pu être fraiches le matin en mars- et beaucoup de personnes en avaient assez d’être confinées depuis mi-mars. En plus, le gouvernement a décidé du déconfinement le 11 Mai (et non le 12 comme je l’ai écrit dans mon précédent article Avec ou sans masques ). Et, depuis deux ou trois jours (le 2 juin, je crois) la limitation de déplacement des 100 kilomètres a cessé d’exister. Un certain nombre de personnes sont donc parties prendre l’air en province. Sur Facebook, réseau social bien connu par les plus de vingts ans et les vieux (sourire), j’ai ainsi pu voir des photos de connaissances parties s’aérer du côté de Paimpaul en Bretagne ou en Normandie, à chaque fois près de la mer.

 Enfin, hier soir, en retournant au travail, j’ai revu pour la première fois depuis trois mois des personnes installées en terrasse d’un café ou d’une brasserie. Il y avait du monde. 

 

Photo prise à Paris en allant au travail, lors du dernier week-end de Mai 2020.

 

 

La pandémie du covid-19 a simplifié mon agenda. Je me suis très bien passé de certaines activités que j’ai du plaisir à faire : médiathèque, cinéma, pratique de l’apnée en club, librairies, achats de blu-ray, magasins de loisirs, etc…autant de déplacements que j’ai arrêté de pratiquer. Là où avant la pandémie, je me démultipliais voire me dispersais, pendant la pandémie, je me suis facilement limité à continuer d’aller au travail, continuer de prendre des photos, continuer d’écrire, être davantage avec ma fille, continuer mes étirements, être davantage avec ma compagne, contacter certaines personnes.

 

Par contre, pendant plusieurs semaines,  j’ai fait plus de vélo pour me rendre au travail. Je suis parti bien plus tôt de chez moi pour m’y rendre d’une manière générale. J’ai changé mon itinéraire pour me rendre au travail et ma façon de m’y rendre :

 

Avant la pandémie, je m’y rendais principalement en train et métro en partant de chez moi 45 ou 50 minutes plus tôt. Durant la pandémie, avec la rareté des trains,  j’y suis plusieurs fois allé à vélo, et, surtout, après avoir pris le train, j’ai beaucoup pris le bus. En partant de chez moi 90 minutes plus tôt. Et, j’ai marché aussi. J’ai continué de marcher. Je marchais déjà avant la pandémie mais moins pour me rendre au travail. Depuis deux à trois semaines, sans doute depuis le 11 Mai, je me suis relâché. Je pars maintenant plus tard de chez moi : comme avant les mesures de confinement. Mais je continue de prendre le bus le plus possible, une fois arrivé à St Lazare.

 

On voit beaucoup mieux ce qui nous entoure en prenant le bus, je trouve. Et la pandémie m’a poussé à ça:

Beaucoup regarder autour de moi. Pas uniquement par inquiétude. Mais aussi par curiosité. Cette curiosité que j’avais perdue par habitude et aussi en m’immergeant dans le métro et dans la foule qui sont souvent les cendriers de nos regards.

 

Avant la pandémie, j’avais commencé à lire La Dernière étreinte de l’éthologue Franz de Waal. Un très bon livre, très agréable, emprunté à la médiathèque de ma ville et que j’ai toujours.

Avec la pandémie, j’ai perdu ma lecture. Bercé par l’étreinte de la pandémie, je n’ai pas pu remettre ma tête à cette lecture même si je sais en théorie que son contenu aurait très bien servi à décrypter ce que nous avons vécu et continuons de vivre depuis la pandémie.

Par contre, j’ai lu beaucoup plus de journaux que d’habitude durant la pandémie. Cela a été instinctif. Une mesure d’autoprotection personnelle : à l’anxiété générale relayée par la télé, les réseaux sociaux, les collègues, les amis et les proches, j’ai assez vite préféré le Savoir du papier, la diversité des journaux et des langues ainsi que l’expérience physique du déplacement jusqu’au point presse. J’ai eu de la chance :

Il y a un point presse près de mon travail qui est resté ouvert pendant toute la pandémie et, cela, dès 7h30 jusqu’à 20h.

 

Lorsque l’on parle de self-défense, on s’arrête souvent à la définition standard : on pense d’abord au fait d’apprendre à se défendre physiquement d’une attaque menée par un ou plusieurs agresseurs.

Il y a quelques jours, une nuit, sur un réseau social que tout le monde connaît et sur lequel beaucoup de monde exprime ses états d’âmes et ses certitudes, moi y compris, une copine a posté une vidéo d’un cours de self-défense. Cela m’a étonné venant de cette copine que je connais comme étant une très grande intellectuelle et qui était assez peu portée, officiellement, sur ce genre de discipline la dernière fois que nous nous étions rencontrés. C’était il y a plusieurs années.

 

J’ai regardé la vidéo d’autant que la self-défense, les sports de combats et les arts martiaux font aussi partie, depuis des années, de mes centres d’intérêt.

Dans un gymnase, un instructeur aguerri que j’ai découvert, faisait ses démonstrations devant ses «élèves ». La cinquantaine rugissante, en Jeans, tee-shirt et baskets, il en imposait à ses trente ou quarante élèves. Et chacun de ses partenaires se retrouvait évidemment au sol, immobilisé ou contré, au moyen d’une clé ou d’une soumission, d’une percussion. Ça ne traînait pas. Collant le plus possible à des situations réelles, son but était à l’évidence de pouvoir proposer à ses élèves ou à ses stagiaires des méthodes efficaces, rapides à assimiler et à reproduire, avec un minimum d’entraînement.

Si je devais comparer son enseignement à la façon dont nous essayons de soigner en santé mentale, je dirais que son enseignement était plus proche de la thérapie brève et comportementale que de la psychanalyse. Avec la self-défense, on est dans l’urgence, le comportementalisme, dans l’efficacité et dans l’action. Et non dans la masturbation intellectuelle et dans le bla-bla. Je peux d’autant plus l’écrire que je suis très attaché à la psychanalyse.

Si je devais comparer son enseignement à la façon dont on apprend le jeu d’acteur, je dirais qu’il était plus proche de ce que je comprends de l’actor’s studio et de toute formation où l’on engage le corps et où on lui fait acquérir- ou désinhiber- des réflexes dont l’être humain, en tant qu’être animal, est doté en principe s’il veut pouvoir survivre et se défendre. A moins d’avoir été « castré », tellement détruit et humilié, qu’il n’a plus la moindre force, volonté ou aspiration à se révolter. Ou à moins de tout intellectualiser en permanence et de tout miser, en tant qu’acteur, sur la diction d’un texte.

 

La particularité de toutes ces démonstrations de self-défense, de sports de combats ou d’arts martiaux auxquelles nous assistons en direct ou via une vidéo, c’est qu’elles tournent souvent à l’avantage de l’instructeur. Et ça donne envie. Ou ça suscite l’admiration. On se dit :

« J’aimerais bien apprendre ce qu’il enseigne pour pouvoir me défendre en cas de besoin ou pour pouvoir défendre celles et ceux à qui je tiens ».

 

De son côté, l’instructeur se doit d’être convaincant lors de ses démonstrations. Pas uniquement d’un point de vue technique. Mais aussi de par son attitude, son réalisme, et, voire, par son éthique. Et l’instructeur en question mettait tant de conviction devant ses élèves, si volontaires et si inexpérimentés de toute évidence d’un point de vue pugilistique, que cela donnait l’impression qu’il passait vraisemblablement sa vie à penser combat, self-défense, combat, self-défense. Cela en devenait un peu comique. Mieux vaut rire que mourir.

Mais attention : je ne critique pas. J’ai appris qu’il valait mieux  être à même de savoir se défendre en certaines circonstances plutôt que de compter sur des amabilités et sur la chance. Sauf qu’il faut savoir quand se défendre, comment, contre qui, dans quelles proportions et où. Et Avoir aussi, une conscience. De soi, de nos actes, des autres, de notre environnement. 

 

En regardant cette vidéo de « stage », j’avais l’impression que l’instructeur s’entraînait et se préparait depuis des années au combat :

La majorité des instructeurs, profs, enseignants et maitres de combats, de self-défense et d’arts martiaux  parmi les plus connus et reconnus, à ce que j’ai constaté, sont généralement des pratiquants très expérimentés depuis dix, vingt années ou davantage dans plusieurs disciplines de défense et d’auto-défense.  

 

Et, l’instructeur de la vidéo  donnait l’impression que c’était comme s’il n’attendait que ça parce qu’au fond, sans combat,  il s’ennuyait :

C’était donc comme s’il attendait tous les jours que quelqu’un, enfin, vienne le « chercher » à la sortie de son travail, dans son sommeil, dans un magasin de vélo ou sur la route pour l’agresser. Et j’avais aussi l’impression que la majorité des stagiaires, en le voyant aussi affûté et percutant, n’avait qu’une envie (et moi aussi) en découvrant la somme de travail et de vécu à engranger pour lui ressembler :

 

Devenir son ami ou l’avoir comme ami dans la vie ou sur Facebook afin, qu’en cas de besoin, il vienne nous défendre rapidement.

 

 

 

En matière de self-défense, je me demande ce qui a manqué à Georges Floyd aux Etats-Unis ou à Adama Traoré et à tous les autres, arabes, asiatiques, femmes, enfants, personnes âgées, citoyens lambdas, homosexuels, trans, juifs, arméniens, les Amérindiens, les pauvres etc lorsqu’ils rencontrent leur prédateur.

 

 

Je parle du noir américain Georges Floyd et du Français Adama Traoré car ils font désormais partie de l’actualité funèbre maintenant que l’on n’a plus peur du Covid-19. Mais je crois qu’il faut aussi penser à bien d’autre victimes et c’est pour ça que j’ai ajouté ces autres « catégories » de personnes qui font souvent partie des victimes que ce soit dans une dictature ou dans une démocratie.

 

 

Dans le monde animal, la biche ou le cerf ne se fait pas toujours attraper par son prédateur. Mais il est quand même un certain nombre de proies et de gibiers qui se font dévorer. Georges Floyd et Adama Traoré font désormais partie de ces victimes qui se sont faites « dévorer ».

 

J’ai ressenti une grande lassitude en apprenant « l’histoire » de Georges Floyd. Comment elle s’est terminée après celle d’Adama Traoré il y a quatre ans. Ce sentiment de lassitude m’a interrogé. Je me suis demandé si j’étais devenu indifférent.  Plus jeune, j’aurais été en colère.

 

 

Je me suis demandé si je me sentais au dessus de ce qui leur était arrivé ou si je les rendais responsables de leur propre mort.

 

 

Je ne crois pas être indifférent à leur mort.

 

Parce qu’avant Georges Floyd et Adama Traoré, pour moi, lorsque j’avais 17 ans, il y avait eu le noir américain Georges Jackson et les frères de Soledad. Ainsi que, bien-sûr, le souvenir de Martin Luther King, Malcolm X, les Black Panthers. Plusieurs de mes modèles pour mon adolescence. Un groupe de Reggae comme Steel Pulse a composé un titre en mémoire de Georges Jackson. Le Reggae peut être perçu comme une musique juste festive pour l’été ou pour s’amuser alors que c’est une musique très militante.

 

Parmi mes modèles, adolescent, il y avait aussi eu Nelson Mandela. Et Steve Biko dont on parle beaucoup moins que Mandela et qui a, lui, été vraisemblablement assassiné lors de son emprisonnement:

Officiellement, Steve Biko aurait glissé en prenant une douche. Le groupe Steel Pulse mais aussi Peter Gabriel ont composé une chanson en son hommage.

 

Je me suis demandé pour quelle raison Biko avait été oublié et pour quelle raison, lui, contrairement à Mandela, n’avait pas survécu à son emprisonnement. Jusqu’à ce que j’apprenne, très récemment, que Steve Biko était bien plus critique que Nelson Mandela envers l’Apartheid. Qu’il était même critique envers l’ANC de Mandela. Et qu’il était aussi, plus isolé, médiatiquement, que Mandela.

 

Bien-sûr, adolescent, parmi mes modèles, il y avait aussi eu au moins les auteurs noirs américains : Richard Wright, Chester Himes, James Baldwin. Tous parlaient du racisme anti-noir aux Etats-Unis d’une façon ou d’une autre. Je connaissais aussi l’histoire du boxeur Cassius Clay, devenu Muhammad Ali. Mon père avait un livre sur lui dans le salon de notre appartement HLM. Je l’avais lu plus jeune comme cette préface qui parlait du noir John Henry qui, avec ses deux masses, avait été plus fort que la machine du blanc pour creuser un trou dans la terre. Et qui, après avoir remporté son pari, était rentré chez lui, s’était douché, avait fait sa prière, s’était couché pour ne plus se relever. 

Je connaissais aussi l’histoire des Jeux olympiques de Mexico en 1968. Le poing noir levé des athlètes noirs américains sur le podium : Lee Evans, Ron Freeman, John Carlos. Je connaissais aussi d’autres histoires également plus vieilles que moi d’athlètes que je n’avais jamais vu à la télé ( Zatopek, Wladimir Kuts, Peter Snell, Lasse Viren, Herb Elliot…). Je les avais lues dans les magazines de sport de mon père. 

 

Et j’avais entendu parler de l’esclavage bien plus tôt (avant mes dix ans) : mon père m’avait raconté. Et, pour lui, le Blanc de France, était « l’ennemi ».

Mon père ne m’a pas parlé de la Négritude. Adolescent, j’avais entendu parler de la Négritude, de Césaire, Senghor et de Gontran Damas peut-être à la bibliothèque de Nanterre, endroit sacré que notre instituteur de CE2, Mr Pambrun, un jour, nous avait fait découvrir en nous y emmenant à pied depuis notre école publique, l’école Robespierre.  

 

La différence entre un Martin Luther King, un Malcolm X, certains meneurs des Black Panthers, un George Jackson, un Georges Floyd, un Adama Traoré et un Nelson Mandela qui meurt libre, et en symbole de Paix international,  tient peut-être aussi dans ces deux mots :

 

Self-défense.

 

Nelson Mandela ne pratiquait pas, je crois, de sport de combat. Je ne crois pas non plus qu’il portait d’arme sur lui. Même s’il a été, un temps, un adepte de la lutte armée.

Sans doute Nelson Mandela a-t’il eu la « chance » d’arriver au  bon moment  dans l’Histoire de l’Afrique du sud et dans l’histoire géopolitique internationale pour, finalement, après une vingtaine d’années d’emprisonnement, parvenir à rester un interlocuteur incontournable. Ne pas oublier, aussi, l’engagement de son ex-femme, Winnie Mandela, et la menace qu’elle représentait pour le gouvernement sud-africain même si, par la suite, certains faits ont été reprochés à Winnie Mandela. Ne pas oublier non plus que Nelson Mandela était entouré de soutiens infaillibles (avocats, d’autres militants incarcérés comme lui, un soutien international…).

 

Mais la chance et le soutien médiatique et autre ne font pas tout. Mandela a su faire et a pu faire les bons choix stratégiques à certains moments.

Angela Davis, aussi, à sa façon, lorsqu’elle avait été déclarée ennemie publique numéro un des Etats-Unis, a aussi été en mesure de pratiquer une self-défense qui lui a sauvé la vie. Et, cela est d’abord passé par la fuite par exemple. Une fuite durant laquelle elle avait été bien entourée. Car il faut pouvoir échapper au FBI ou à la CIA.  Angela Davis aussi avait été soutenue y compris de manière internationale.

 

 

Je me demande donc ce qui a manqué à Georges Floyd et à Adama Traoré en self-défense pour survivre. Le même genre de soutien qu’un Nelson Mandela ou qu’une Angela Davis ?

 

Pour Georges Floyd, il faut se rappeler que les Etats-Unis sont ce pays où des millions d’Amérindiens ont été exterminés par les colons européens afin de prendre la tête du pays. Et, il est même possible que des noirs enrôlés dans l’armée « américaine » aient participé à cette extermination contre la promesse par exemple de leur émancipation ou de leur naturalisation américaine. Lorsqu’un tel pays, les Etats-Unis, devient ensuite la première puissance Mondiale et une référence culturelle mondiale, on peut s’attendre à ce que certains de ses citoyens considèrent en 2020 pouvoir continuer de faire avec des noirs ce qui a pu être fait dans le passé en toute impunité avec des millions d’Amérindiens mais aussi durant la période de l’esclavage. D’autant plus dans un pays où dans certains Etats il est parfaitement légal et normal d’acheter et de posséder plusieurs armes létales. 

Le journal  » Le New York Times » de ce jeudi 4 juin 2020.

Aujourd’hui, aux Etats-Unis, si les Noirs font partie des plus touchés par l’épidémie du Covid-19, certains territoires amérindiens, aussi…   

 

 

 

Pareil pour la France, ex grande Puissance coloniale, et pays encore très côté à travers le monde :

Il doit bien y avoir, aussi, un certain nombre de personnes qui estiment que ce qui a pu être fait par la France « avant » dans les colonies peut se refaire aujourd’hui et demain.

 

En France, je refuse pourtant de raser les murs quand je sors. Bien-sûr, si je sais qu’une région ou une zone est une menace pour les personnes de ma couleur de peau, je ferai attention ou essaierai de l’éviter. Et si je sais qu’une certaine attitude peut m’attirer des ennuis, je ferai en sorte de m’en dispenser. ( Lire l’article C’est Comportemental ! ) Mais ça n’est pas toujours possible.

 

Il y a une  forme de mathématique mortuaire qui veut que si une proie se trouve un certain nombre de fois en contact avec son prédateur ou son agresseur potentiel, le risque de pressions et d’agressions augmente. C’est donc, finalement, un choix ou une incompétence au moins politique de permettre ou d’augmenter ce nombre de contacts, cette promiscuité, entre « chiens et chats ». Et, certains, chiens comme chats, préfèrent mourir au combat plutôt que de se laisser faire. Pendant ce temps-là, les maitres et les maitresses des « chiens et des chats », eux, s’en battent les mains. Ils peuvent se permettre de partir en week-end au bord de la mer ou d’aller voir ailleurs et d’être informés- de temps en temps- par quelques observateurs ou intermédiaires. Et d’intervenir et de faire de la communication lorsque ça peut faire du bien à leur image et à leur carrière.

 

Par découragement ou par lassitude, on se dit que l’Histoire des meurtres au moins racistes se répète.

 

Les réseaux sociaux ont beaucoup de travers : beaucoup de personnes qui s’y expriment y sont expertes sur à peu près tout puisqu’il est facile et gratuit de s’y exprimer. Et on y livre quantité d’informations personnelles qui régalent des entreprises déjà multimilliardaires (les GAFA et autres) ainsi que nos divers gouvernements qui, durant la pandémie, ont dû faire le plein d’informations pour des décennies concernant notre façon de réagir et d’inter-réagir en période de pandémie, d’inquiétude et de confinement. Je l’ai fait et le fais comme tout le monde. 

Mais les réseaux sociaux expriment aussi ce souhait, notre souhait idéalisé et répété, de faire partie d’une communauté. Sauf que, pour l’instant, ce souhait est souvent boiteux car nous avons beaucoup de mal à nous écouter et à nous accepter. Nous préférons encore trop trancher et décider quand  les autres ont tort et qui a tort. Tandis que nous, nous estimons être du côté de la raison et de la lucidité. Nous sommes donc encore un peu trop nombreux à être des dictateurs au moins virtuels ou digitaux. Peut-être qu’avec le temps et certaines expériences, nous finirons par être un peu moins dictateurs et à former un peu mieux cette communauté vivante (humaine et non-humaine) que, très maladroitement et très brutalement, nous essayons de créer et vers laquelle nous tâtonnons.

 

 

 

Je n’ai pas parlé de ça hier matin, à la jeune vendeuse du Relay  de la gare d’Argenteuil. J’étais venu acheter le dernier numéro du Canard Enchaîné lorsque j’ai vu que même le Relay, maintenant, vendait des masques de self-défense contre le covid-19. Un mois et demi plus tôt, environ, cette jeune vendeuse, comme ses collègues, travaillait sans aucune protection. Je m’en étais étonné sans insister. Comprenant que leur employeur était responsable de cette négligence, je m’étais abstenu de tout commentaire bruyant afin d’éviter de l’accabler davantage.

Deux ou trois semaines plus tard, la même vendeuse, d’autorité, se pointait à la sortie du Relay avec son flacon de gel hydro-alcoolique. C’était sa self-défense sanitaire et elle était déterminée à sauver sa peau. Comme les autres clients présents, je m’étais soumis à la leçon du gel hydro-alcoolique même si, à mon avis, j’étais suffisamment renseigné sur le sujet du fait de mon métier de soignant en pédopsychiatrie (ce qu’elle ignore). Et puis, par expérience, je reproche au gel hydro-alcoolique d’abîmer les mains. Je lui préfère donc le savon qui n’a pas attendu la fabrication  et la diffusion du gel hydro-alcoolique pour nous donner une hygiène respectable.

 

Hier matin, non seulement le flacon de gel hydro-alcoolique était  à disposition de façon facultative devant l’entrée du Relay mais la jeune vendeuse, non-masquée, derrière la protection plastifiée de sa caisse, dansait en reprenant les paroles d’un tube qui passait.

 

J’ai reconnu Aya Nakamura alors que la vendeuse répétait :

 « Ah, je m’en tape ! Si tu veux qu’on le fasse!».

 

Quand je lui ai demandé des renseignements concernant les masques réutilisables (2 pour 4, 40 euros. Une affaire ! ) elle n’a pas compris tout de suite. Ce n’est pas la première fois qu’elle réagit de cette manière. Mais avec la musique en plus, cette fois-ci, sérieuse, elle a tendu l’oreille comme une jeune femme qui vaque dans une boite de nuit et que j’aurais essayé de draguer comme un plouc.  J’ai eu l’impression de revenir plusieurs années-lumière en arrière. Et d’être transformé malgré moi en l’homme à tête de chou de Gainsbourg. Chanson que cette jeune n’a peut-être jamais écoutée. Et elle s’en battrait sans doute les couilles si elle le faisait.

 

« Il n’y a plus de masques réutilisables » a fini par me lâcher la jeune vendeuse totalement indifférente à mon corps. Elle a néanmoins fait l’effort de me répondre rapidement qu’elle ne savait pas quand il y ‘ en aurait. Peut-être la semaine prochaine. Après ça, elle était au maximum de son accomplissement commercial. Et elle a repris le refrain de sa chanson. 

 

Franck Unimon, jeudi 4 juin 2020.