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Gémissements

 Gémissements.

C’est notre souffle qui nous tient. C’est à dire : trois fois rien. Dans nos pensées et nos souvenirs se trouvent tant de trajectoires. De ce fait, on ne s’étonnera pas si je fais quelques excursions en des temps et des événements différents et si je me retrouve ensuite à nouveau dans le présent.

 

Aujourd’hui, ce mercredi 5 aout 2020 où il a fait entre 29 et 30 degrés à Paris, je devrais être au cinéma. J’ai l’impression de le trahir. Il y a tant de films à voir même si le nombre de films a été restreint. Les salles de cinéma, pour celles qui ont pu rouvrir depuis le 22 juin,  peinent à s’en sortir économiquement.

 

Enrôlées dans la bobine du cycle Covid-19, les salles de cinéma ont peu de spectateurs. Je m’en suis aperçu directement le 14 juillet en allant voir Tout simplement noir de Jean-Pascal Zadi. Le film m’a beaucoup plu. J’en parle dans un article qui porte le nom du film sur mon blog: Tout simplement Noir.

 

Mais nous étions à peine dix spectateurs dans la grande salle de ce multiplexe parisien que je connais depuis plus de vingt ans. C’est vrai que j’y suis allé à la première séance, celle de 9h et quelques, mais je ne crois pas que l’heure matinale ait joué tant que ça sur le nombre que nous étions dans la salle :

 

 Le confinement de plusieurs semaines dû à la pandémie du Covid-19 et l’arrivée de l’été au moins ont eu un effet sécateur sur le nombre des entrées. En plus, cela fait plusieurs mois qu’il fait beau. Je crois que les gens ont besoin de se rattraper. Ils ont aussi peut-être peur que le couteau d’un autre confinement ne se déploie à nouveau sous leur  gorge.  

 

 

Mais on va un petit peu oublier le Devoir ce matin. Ou on va le défendre autrement.  On va se faire notre cinéma à domicile.

 

 

Les photos qui défilent dans le diaporama sont un assemblage à la fois de quelques photos de vacances, d’ouvrages que je lis, ai essayé de lire ou voudrais lire, du Cd dont la musique m’a inspiré….

 

Et je vais essayer de vous parler d’à peu près tout ça à ma façon.

 

 

On va vers l’autre pour essayer de combler ou de soulager un vide. Mais nous ne partons pas du même vide. Nous ne portons pas le même vide. Et nous ne parlons peut-être même pas du même vide. Beaucoup de conditions sont donc assez souvent réunies pour que, dans la vie, nous fassions….un bide. Et, pourtant, nous connaissons des réussites et des possibilités de réussite. Mais encore faut-il savoir s’en souvenir et s’en apercevoir.

 

 

Je ne connaissais pas du tout Magali Berdah dont j’ai commencé à lire la biographie, Ma Vie en Réalité. J’en suis à la moitié. Et j’ai très vite décidé de lire son livre plutôt que celui de Julia De Funès intitulé Développement ( Im) Personnel.  Qu’est-ce que je reproche au livre de Julia De Funès dont j’ai commencé à lire l’ouvrage ?

 

Le fait, d’abord, que l’on sente la « bonne élève » qui a eu des très bonnes notes lors de ses études supérieures et qui a, donc, une très haute opinion d’elle-même. Je suis bien-sûr pour avoir des bonnes notes et pour faire des études supérieures autant que possible. Je suis aussi  favorable  au fait d’avoir de l’estime de soi.  Parce qu’il peut être très handicapant pour soi-même comme pour notre entourage de passer notre vie à avoir peur de tout comme à toujours décider que l’on ne sait jamais rien et que l’on ne sait absolument rien faire en toute circonstance.

 

 Mais je ne crois pas à la certitude absolue. Y compris la certitude scolaire.

 

Julia De Funès veut « philosophiquement » « déconstruire » les arnaques des « coaches » et des vendeurs de « recettes du bonheur » qui font florès. C’est très bien. Et j’espère bien profiter de ce qu’elle a compris de ces arnaques. Mais elle abat ses certitudes en se servant de sa carte routière de la philosophie dont elle connaît des itinéraires et des soubresauts par cœur.  

 

Elle, elle Sait. Et elle va nous démontrer comme elle Sait  quitte à ce que, pour cela, en la lisant, on ait mal à la tête en essayant de suivre sa propre pensée inspirée de celles de très grands philosophes qu’elle a déchiffrés et qui ont résolu depuis l’antiquité le mal dont on essaie de se guérir aujourd’hui en tombant dans les bras et sur les ouvrages des  commerçants du développement personnel qu’elle veut confondre.

 

Résultat immédiat : pour accéder à sa connaissance et profiter de ses lumières, on comprend dès les premières pages de son livre qu’il faut avoir la philo dans la peau. On lit son livre comme on pourrait lire un livre de Droit. J’aime la philo. Et j’aime prendre le temps de réfléchir.

 

 J’aime moins avoir l’impression, lorsque je lis un livre,  de devoir apprendre des lois. En plus, et c’est sûrement un de mes torts, dès les premières pages, Julia de Funès cite Luc Ferry comme une de ses références.  D’abord, je n’ai pas compris tout de suite. J’ai confondu Luc Ferry avec le Jules Ferry de l’école publique. Oui, j’ai fait ça. Ce genre de confusion. Et puis, comme Julia de Funès cite plusieurs fois Luc Ferry en moins de dix pages, j’ai  fini par comprendre.

 

J’ai sûrement de très très gros préjugés envers Luc Ferry, ancien Ministre de l’Education. Mais, de lui, j’ai surtout retenu qu’il avait une très belle femme et qu’il savait se faire payer très cher pour des conférences sur la philo. Et quand je pense à lui, je « vois » surtout quelqu’un de très suffisant. Je n’ai pas beaucoup aimé ce qu’il a pu dire, dans le journal Les Echos,  ou peut-être plus dans Le Figaro. A savoir, que, selon lui, après le confinement, le business reprendrait «  as usual » et que, en quelque sorte, les Nicolas Hulot et toutes celles et tous ceux qui pensent comme lui, peuvent aller se rhabiller avec leurs histoires de « Il faut changer le monde et essayer de tirer des enseignements de ce que la pandémie du Covid a pu nous obliger à comprendre du monde et de la vie ».

 

On a le droit de critiquer Nicolas Hulot et celles et ceux qui lui ressemblent. On peut critiquer plein de choses sur la manière dont la pandémie a été gérée et dont elle continue d’être gérée. Mais dire que ce sera « business as usual » revient à dire que notre monde marche bien tel qu’il est économiquement, politiquement, industriellement et socialement ; qu’il est réglé comme une horloge suisse et que rien ne peut ou ne doit modifier cet ordre et cet état du monde dans lequel un Luc Ferry, « philosophe » de formation a ses entrées et ses privilèges. Même si Luc Ferry a sans aucun doute des connaissances et des raisonnements plus qu’honorables, il est vrai que, pour moi, pour l’instant, l’homme qu’il incarne est pour moi un repoussoir. Et voir que, dès le début de son livre que j’ai eu pour l’instant un plaisir limité à lire, Julia de Funès le place sur un piédestal, m’a poussé à fermer son livre et à passer à la biographie de Magali Berdah.

 

Oui, Magali Berdah.

 

Car, la biographie de Magali Berdah, c’est le contraire. Je ne connaissais pas Magali Berdah auparavant. Et en tombant sur son livre à la médiathèque, il y a quelques jours, je me suis dit que je pourrais apprendre quelque chose. De mon époque. Pour moi. Pour mon blog. Afin de  mieux le promouvoir mais aussi, peut-être, l’orienter différemment. Sans pour autant aller dans la téléréalité ou biberonner du Cyril Hanouna que Magali Berdah cite comme un de ses premiers soutiens avant de devenir «  la manageuse » des influenceurs et des influenceuses. Avec Julia de Funès, finalement, on est dans une pensée très puritaine. Pensée que je partage aussi. Car je ne me fais pas tant que ça une si haute opinion de moi-même :

 

Je peux, aussi, être très très puritain à ma manière. Si ! Si !

 

Sauf que avoir un certain sens et une certaine idée de la moralité ne suffit pas pour être heureux et pour ce que l’on appelle « réussir sa vie ». Car notre vie se résume quand même souvent à ces deux questions :

 

Sommes-nous heureux ? Et faisons vraiment nous tout ce que nous pouvons, dans la mesure de nos moyens, pour être heureux ?

Parce-que pour moi, réussir sa vie, c’est ça : être heureux autant que possible, le plus longtemps possible et savoir le redevenir si on est malheureux, triste ou déprimé.

 

Et si je veux bien croire que Julia de Funès peut m’aider, aussi, à répondre à ces deux questions au moins dans son livre, je crois que Magali Berdah peut également y contribuer. Car je ne vois pas pourquoi citer Luc Ferry pourrait suffire à me rendre heureux. 

 

Alors que la biographie de Magali Berdah, elle, est concrète. On peut trouver qu’elle nous raconte sa vie de façon à passer pour une Cosette. On lui reprochera peut-être de trop étaler sa vie privée, de se donner le beau rôle (celui de la victime, de la personne  moralement intègre ou protectrice) et de s’en servir pour son sens de la Communication et des affaires. Elle est peut-être ou sans doute moins « jolie » moralement que ce qu’elle nous donne à entrevoir dans son livre mais elle nous parle aussi d’un monde que l’on connaît :

 

Celui où des personnes vulnérables (mineures comme adultes), ignorantes, bosseuses et de bonne volonté, peuvent se faire….arnaquer, kidnapper, trahir etc…..

 

Et Magali Berdah nous raconte aussi comment elle s’en « sort ». Concrètement. Ainsi que certains de ses fiascos et de ses coups durs. Par des exemples répétés. Ce qui parle souvent beaucoup mieux qu’en citant des philosophes ou des Anciens Ministres, fussent-ils très cultivés et dans le « Vrai » lorsqu’ils ( nous) parlent. A moins que ces Anciens Ministres et philosophes ne se parlent, d’abord, à eux-mêmes.

 

Oui, Magali Berdah est beaucoup dans l’affectif. Elle le dit et le fait comprendre avec sa « garde rapprochée » parmi ses collaborateurs. Et elle est à l’aise avec l’argent et le fait d’en gagner beaucoup. Il n’est pas donné à tout le monde, comme elle, de s’épancher facilement auprès d’autrui. Moi, par exemple, dans la vraie vie, je me confie oralement assez peu. C’est une histoire de pudeur et de méfiance. Quant à l’argent, en gagner beaucoup n’a pas été ma priorité lorsque j’ai commencé à travailler. Je ferais plutôt partie des personnes qui auraient du mal à mieux mettre en valeur mes articles par exemple.

 

 

 Vis à vis de la « célébrité », je suis ambivalent :

 

J’aime me mettre en scène et faire le spectacle. Vraiment. Mais j’aime aussi pouvoir être tranquille, pouvoir me retirer et me faire oublier. Soit deux attitudes très difficilement conciliables qui expliquent par exemple au moins, en partie, la raison pour laquelle mon blog a sûrement (beaucoup) moins de vues qu’il ne pourrait en avoir. Mais aussi la raison pour laquelle, à ce jour, mon activité de comédien est plutôt une activité sous-marine (c’est peut-être aussi pour cela que je pratique l’apnée) ou sous-cutanée voire intramusculaire.

 

C’est sûrement aussi pour cela que, certaines fois, je me retrouve à nouveau au moins témoin de certaines situations qui, dans mon métier d’infirmier, restent la norme.

 

Parce-que lorsque l’on est infirmier, on aime assez peu se mettre en scène et prendre toute la lumière. On est plus dans le don de soi que dans la revendication pour soi. Et ça amène ce résultat et cette vérité automatiquement renouvelée :

 

D’autres profitent de cette lumière et de cet argent.

 

Dans son livre, Magali Berdah explique qu’elle découvre l’univers de la téléréalité et des réseaux sociaux en rencontrant Jazz, une ancienne candidate de téléréalité,  amie d’une de ses anciennes salariées, Martine, à qui elle rend un service.

 

A cette époque, Magali Berdah, mariée, trois enfants, est surendettée, et a surtout une expérience consistante en tant que commerciale et auto-entrepreneuse dans les assurances et les mutuelles. A première vue, grossièrement, on dira que cela n’a rien à voir. Sauf que Magali Berdah, est fonceuse, bosseuse, curieuse. Elle a sans doute aussi envie de garantir à ces jeunes vedettes cette protection et cette sécurité dont elle a manqué enfant.  

 

Magali Berdah offre donc à ces jeunes vedettes son sens des affaires et du commerce ; une certaine indépendance. Ainsi qu’une présence affective permanente qui contraste avec ce monde des marques, des reflets et des images qu’incarnent et vendent ces jeunes vedettes qu’elle protège.

 

Quelques temps plus tôt, alors qu’elle était déprimée du fait de ses problèmes professionnels, financiers et personnels répétitifs, elle s’était confiée à une amie. Laquelle lui avait conseillé de consulter un Rav (l’équivalent d’un rabbin) de sa connaissance. Magali Berdah, juive non pratiquante, avait accepté de le rencontrer. Après s’être racontée,  ce Rav, le Rav Eli, lui avait affirmé qu’un de ses ancêtres, du côté de son grand-père maternel, était lui-même un Rabbin très « réputé » considéré comme un Tsadik.

 

Dans le vocabulaire hassidique, le Tsadik est un « homme juste ». Un Maitre spirituel. L’équivalent d’un Saint. Mais ce Saint n’est pas protégé par Dieu de son vivant. Par contre, ce Tsadik protègera un « descendant » et lui « offrira une vie extraordinaire : qui sort de l’ordinaire ».

Et le Rav Eli d’apprendre à Magali qu’elle était cette personne protégée par le Tsadik.

 

Ces propos du Rav étaient-ils sincères ? Relèvent-ils de la gonflette morale ou du placebo ? Sont-ils l’équivalent de ces « trucs » vendus et proposés par les coaches « bien-être » que Julia De Funès veut «déconstruire » ?

 

Je précise d’abord que je ne suis pas juif. Où alors je l’ignore. Mais j’aime beaucoup l’histoire de cette rencontre dans laquelle je vois du conte et de l’universel. Un conte pour adultes. Un conte qu’on aurait pu évidemment transposer autrement en parlant d’une rencontre avec un marabout, un psychologue, un Imam ou toute autre rencontre étonnante ou mystérieuse pourvu que ce soit une rencontre hors-norme, hors de nos habitudes et inattendue dans une période de notre vie où l’on a besoin de changement mais où on ne sait pas comment s’y prendre pour donner une autre direction à notre vie.

 

 

Dans cette histoire du Tsadik qui est l’équivalent du Saint, je pense bien-sûr à la vallée des Saints qu’un ami m’a conseillé d’aller découvrir lors de notre séjour récent en Bretagne. On trouvera facilement mon diaporama de la vallée des Saints sur mon blog. La Vallée des Saints

 

Pour l’instant, je ne vois pas quelles retombées concrètes sur ma vie a pu avoir le fait d’avoir pris la décision de me rendre avec ma compagne et ma fille à la vallée des Saints. Et ma remarque fera sans doute sourire ou ne manquera pas de me faire envisager comme un candidat idéal pour le programme subliminal de n’importe quel gourou foireux et vénal.

 

Alors, il reste le Tsadik, équivalent du Saint, qui, je crois, lui, sera plus difficile à contredire et à déloger, que l’on se moque de moi ou pas :

 

Religion juive ou pas, le soignant, infirmier ou autre, est souvent assimilé au Saint ou à la bonne sœur. Lorsque l’on regarde les conditions de travail et les conditions salariales d’un infirmier et qu’on les compare à ce que celui-ci donne de sa personne au cours d’une carrière, on « sait » que le compte n’y est pas du tout. Et que les infirmiers, comme d’autres corps soignants, sont sous-payés et sous estimés comparativement à ce qu’ils donnent. Mais aussi comparativement à ce qu’ils endurent. J’ai déjà entendu dire que, souvent, dans les ancêtres des soignants, il y a eu un malade, une grande souffrance. Mais on peut aussi penser, à travers l’exemple du Tsadik, qu’un soignant (infirmier ou autre) est un Tsadik et que, lui aussi, donnera sa protection à un de ses descendants un jour ou l’autre.

 

Cette histoire-là me plait beaucoup et elle m’est inspirée en lisant la biographie de Magali Berdah. Pas en lisant l’ouvrage de Julia de Funès. J’ai presque envie d’ajouter :

 

« Alors que cela aurait dû être le contraire. A quoi sert-t’il d’avoir autant de connaissances- comme Julia de Funès- si c’est pour plomber l’atmosphère et le moral des gens alors que ceux-ci essaient de trouver des astuces pour s’alléger, respirer un petit peu mieux et s’octroyer un peu de répit avant de devoir reprendre leur labeur ? ».

 

Récemment, dimanche après-midi, j’ai effectué un remplacement dans un service. La collègue infirmière du matin, ai-je appris plus tard, se lève à 3 heures du matin lorsqu’elle commence sa journée de travail à 6h45.

 

C’est sans doute rare qu’une infirmière se lève aussi tôt lorsqu’elle commence à 6h45 pour être à l’heure au travail. Mais je l’aurais vu au moins une fois dans ma vie.

 

Ce qui est moins rare, c’est d’avoir appris que cette infirmière avait pu se faire « défoncer » en plein staff un matin parce-que le travail n’avait pas été fait en temps et en heure. Pour quelle raison ?

Peut-être parce qu’elle était nouvelle dans le service. Et encore en CDD. Mais, aussi, parce-que le service manque de personnel infirmier. Quatre infirmiers en poste dans le service alors qu’il en manque sept autres. Il y a sept postes d’infirmier vacants dans ce service. Le service tourne donc régulièrement avec des remplaçants.

 

Ce qui est aussi moins rare, c’est qu’en se faisant « défoncer » en plein staff, cette infirmière ait subi sans broncher. C’est une étudiante infirmière présente lors des faits qui, ensuite, en a parlé au collègue infirmier qui m’a raconté ça le dimanche après-midi.

 

Ce qui est également moins rare c’est d’avoir demandé ce dimanche (j’étais alors présent) à cette même infirmière de revenir travailler le lendemain matin sur son jour de repos. Parce qu’il manquait du personnel infirmier le lundi matin.  

 

 Pourquoi je parle de ça ? Le Covid a fait des soignants, officiellement, «  des héros ». Mais des personnes se font « défoncer » cette fois-ci physiquement, sur la place publique lorsqu’ils rappellent à d’autres citoyens de porter- correctement- le masque de prévention anti-covid. Ou simplement d’un porter un.

 

Pendant ce temps, dans leur service, des soignants continuent de se faire « défoncer » en plein staff comme cette collègue infirmière. On peut donc défoncer en plein staff une héroïne. Et c’est normal.

 

Alors, qu’est-ce qu’il reste aux soignants héroïques alors qu’ils continuent de se faire défoncer par leur hiérarchie ? Il leur reste la dépression ou le burn-out. Il leur reste les accidents de travail. Il leur reste les congés longue maladie. Il leur reste la démission. Il leur reste la colère ou la contestation. Il leur reste le Tsadik ou son équivalent. Et c’est en lisant la biographie de Magali Berdah, que je n’ai pas terminée, que je le comprends. Pas en lisant le livre sûrement très cultivé de Julia de Funès.

 

Ce matin, ça a fait marrer une de mes jeunes collègues infirmières lorsque je leur ai parlé de Magali Berdah. Elle était sans doute gentiment amusée par une de mes nouvelles bizarreries. Pourtant, je ne fais que prolonger à ma façon ce en quoi je crois depuis des années.

 

Miles Davis disait « My mind is not shut » : Mon esprit n’est pas fermé. Dans la revue Yashima dont j’ai beaucoup aimé les articles cette fois-ci, il y a entre autres une interview de Kacem Zoughari.

 

Kacem Zoughari est «  docteur en Histoire et Culture du Japon et adepte de Ninjutsu du plus haut niveau ». J’ai découvert l’existence de Kacem Zoughari il y a à peine dix jours par ce magazine Yashima acheté durant mes vacances.

 

Quel rapport entre la téléréalité, le monde du fric et du commerce de Magali Berdah et l’ascèse martiale à laquelle se tient Kacem Zoughari que je devrais appeler au moins Sensei ou Maitre au vu de ses titres ?  A priori, à la télé, ce n’est pas la même chaine. Il n’y a aucun rapport si on oppose ces deux personnes et ces deux expériences selon leur image et leur parcours. Et puis, dans l’interview, Kacem Zoughari dit par exemple :

 

« Quand j’arrive là-bas (au Japon), je pense être bon. J’ai représenté la discipline à Bercy et à la télé et je suis ceinture noire. Mais au premier cours chez Ishizuka sensei, on me reprend. On me reprend gentiment, mais j’ai l’impression d’être giflé ! ».

 

On peut donc être « très bon », bosseur et expérimenté comme le pense alors Kacem Zoughari et, comme Magali Berdah, dans son domaine professionnel…échouer.

 

Or, que l’on évolue dans le commerce ou dans le domaine des arts martiaux ou ailleurs, ce qui va importer, c’est notre réaction par rapport à « l’échec ». Ce que l’on va être capable d’apprendre et d’accepter de cet échec.

 

Plus tard, Kacem Zoughari dit :

 

«  (….) Hatsumi sensei dit parfois : « Tu veux être bon, shuraba ni ike ». Va où a lieu le carnage ».

 

On peut penser au « carnage » de la guerre. Mais on peut aussi penser au « carnage » de la souffrance et de la violence auquel le soignant où le travailleur social est régulièrement exposé. Et Magali Berdah parle aussi de certaines périodes de «  sa vie chaotique ».

 

Et j’ai particulièrement aimé lorsque Kacem Zoughari dit :

 

« Certains élèves copient le maitre jusque dans ses déformations de dos, de genou, etc. Au-delà de l’aspect caricatural, c’est même délétère pour leur santé ! Ce type de pratiquants intégristes refuse souvent aussi de voir ce qui se fait ailleurs pour ne pas corrompre l’image qu’ils ont de leur maître. C’est une grave erreur ».

 

Bien entendu, je n’attends pas que Kacem Zoughari verse dans l’univers de la téléréalité et dans le monde de Cyril Hanouna. Mais on a compris que selon mes aptitudes et mon état d’esprit, je peux trouver des parties de mes besoins et de mes réponses tant dans ce qu’enseigne Kacem Zoughari que dans ce que raconte Magali Berdah.

D’autant que Kacem Zoughari confirme aussi :

 

« (…..) car beaucoup d’obstacles se dressent sur la voie d’un adepte. Il y a d’abord les désillusions. Le monde martial, comme tout microcosme, comporte de nombreuses personnes à la moralité douteuse. Il faut alors avoir foi dans les bénéfices de la pratique pour trouver le recul de se dire que les actes d’un individu ne définissent pas la valeur d’une discipline ».

 

 

Il y aurait bien-sûr davantage à dire de l’interview de Kacem Zoughari et je le ferai peut-être un autre jour.

 

Mais l’article va bientôt se terminer et je veux d’abord répondre à des questions que je crois possibles devant certaines des photos :

 

La voix du Raid écrit par Tatiana Brillant (avec la collaboration de Christine Desmoulins), ancienne négociatrice du RAID, parce-que je crois que son expérience peut aussi m’apprendre quelque chose dans mon métier comme dans ma vie. Tatiana Brillant, dont, d’ailleurs, le père est pompier. Et la mère….infirmière. Tatiana Brillant qui dit, page 24 :

 

«  (….) Ayant cette fois accès à mon dossier, j’ai appris que lors des précédents tests j’avais été reçue première avec l’observation suivante :

 

 «  Première candidate. Impressionnante malgré son jeune âge. Bonnes réactions, empathie naturelle ».

C’est ainsi que je suis entrée au RAID le 1er mars 2004. A Bièvres, dans l’Essonne, mon rêve se réalisait ! Tout cela validait à jamais le mantra qui rythme ma vie :

 

« Il ne faut rien s’interdire ».

 

« L’empathie » est une aptitude qui peut être dévaluée dans un monde où l’image, le statut social, la célébrité, la rapidité, la rentabilité et le fric remportent souvent le gros lot.

 

Le personnel infirmier sait ce qu’est l’empathie même s’il se fait régulièrement enfler. Parce qu’il est plus dans le sacrifice et le don de soi que dans l’empathie me dira-t’on. Peut-être. Mais on voit à travers Tatiana brillant, Magali Berdah mais aussi Kacem Zoughari, qui l’évoque d’une certaine façon dans un passage de son interview, que « l’empathie » est compatible avec la réussite professionnelle et personnelle.

 

 

Tout bouge autour de moi de Dany Laferriere, membre de l’Académie française. Pour le titre. Pour la littérature. Parce-que je n’ai encore rien lu de lui. Parce qu’il parle d’Haïti, où il se trouvait, lors du tremblement de terre du 12 janvier 2010 :

 

  «  Des choses vues » qui disent l’horreur, mais aussi le sang-froid des Haïtiens. Que reste-il quand tout tombe ? La culture. Et l’énergie d’une forêt de gens remarquables ».

 

 

Parce qu’Haïti est une île où j’aurais aimé être allé depuis des années. Mais son régime politique et sa pauvreté m’ont jusque là trop inquiété. Je suis « entré » un peu à Haïti d’abord par le cinéma de Raoul Peck dans les années 90 par son film, L’Homme sur les quais. J’ai vu d’autres films de lui. Et même des séries. Je l’ai aussi rencontré et interviewé deux fois. Une fois lors du festival de Cannes au début des années 2010. Une autre fois, à Paris.

 

Il y a quelques photos de nos vacances en Bretagne. A la vallée des Saints ( avec les statues en granit) et aussi à Quiberon, du côté du port-Haliguen, où nous sommes passés avant que le port du masque ne devienne obligatoire dans la rue.

 

Le titre que j’ai choisi sur l’album Nordub  réalisé par Sly & Robbie et Nils Petter Molvaer feat Eivind Aarset and Vladislav Delay s’appelle :

 

European Express.

 

C’est le septième titre de l’album. Après avoir lu des critiques dithyrambiques sur cet album, je me suis décidé à l’acheter. J’avais déjà écouté deux anciens albums de Nils Petter Molvaer. J’appréhendais qu’il soit trop présent avec ses traversées électroniques et sa trompette qui louche vers Miles mais sans l’attrait de Miles sur moi.

 

Sly and Robbie, depuis leur trajectoire Reggae avec Black Uhuru, Gainsbourg et beaucoup d’autres dans les années 70 et 80 ont depuis longtemps débouché dans d’autres atmosphères musicales. J’attendais beaucoup de cet album. J’attendais du Dub. J’ai d’abord été déconfit. Puis, en le reprenant en revenant de vacances, il s’est à nouveau vérifié que certains albums nous demandent du temps pour entrer dedans.

 

European Express,  de par sa dynamique, est le titre qui m’a semblé le plus approprié pour cet article.

 

 

Cet article est sans doute plus long qu’il n’aurait dû, une fois de plus. Alors, j’espère qu’il ne sera pas trop fastidieux à lire et que les photos qui l’accompagnent vous iront aussi.

Ici, si on le souhaite, on pourra écouter cet article dans sa version audio :

 

 

Après un concert, il arrivait que Miles engueule certains de ses musiciens après qu’ils aient, selon lui, mal joué. Sans doute estimait-il qu’ils n’avaient pas pris assez de risques. Il leur disait :

 

 «  Jouez ce que vous savez jouer ! ».

 

J’ai écrit ce que je sais écrire. C’est le souffle qui nous tient. C’est à dire : trois fois rien.

 

 

Franck Unimon, ce mercredi 5 aout 2020.

 

 

 

 

 

 

 

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Le Jihad, c’est les autres.

 

Ça a commencé lors d’une nouvelle séance de kiné. Pour une tendinite. J’en ai déjà parlé et j’en reparlerai :

Les kinés sont les professionnels de la santé que j’ai- de très loin- le plus rencontrés dans ma vie. J’ai une enquête à finir sur l’histoire de mon corps. Il doit y avoir des raisons pour que je retourne régulièrement, depuis mon adolescence,  dans le port  des kinés, ces réparateurs du mouvement. Sans doute que je répète des gestes interdits en forçat qui se déplace à contre-courant.

 

J’ai donc connu plusieurs cabinets ou plusieurs ports de kinés dans ma vie. Celui-ci est près de chez moi. J’y suis d’abord allé les premières fois il y a deux ou trois ans pour des raisons très pratiques : afin de se rendre en béquilles à une rééducation après une intervention chirurgicale, mieux vaut éviter le parcours avec des cols à quinze pour cent à  grimper sur plusieurs kilomètres afin d’accéder au cabinet du kiné.

 

 

Sauf peut-être pendant le confinement récent, les kinés ne chôment pas. Ce sont des professionnels très demandés. J’ai connu deux sortes de kinés :

Celles et ceux qui vous prennent en individuel et qui, durant la séance de 20 à 30 minutes, s’occupent uniquement ou principalement de vous. Et celles et ceux qui vous donnent des exercices à faire, ou vous mettent sous machine, partent s’occuper de quelqu’un d’autre et viennent vous voir de temps à autre pour s’assurer du fait que tout se passe bien.

 

J’imagine bien-sûr que tous ces kinés ont leurs raisons.  Certains expliqueront que certains traitements et certaines rééducations ne nécessitent pas leur présence permanente. D’autres, qu’il faut qu’ils amortissent le coût de leur matériel de pointe très couteux et qu’ils n’ont pas d’autre choix que d’enchaîner le nombre de patients ou de clients d’autant que ceux-ci sont devenus de plus en plus nombreux.

 

 

Le cabinet de kiné où je me rends a été pour moi une découverte la première fois :

 

Il y a bien quelques pièces isolées où je devine que des patients sont dans une certaine intimité. Mais pour l’essentiel, le cabinet de kiné est un open space sans cloisons où l’on peut être vingt à trente personnes en soins et en rééducation en même temps allongé ou en train de réaliser tel exercice de rééducation ou de renforcement musculaire, ou en train de recevoir un soin par un kiné. Du fait de l’épidémie, avec la sortie du confinement, nous sommes tenus de venir avec un masque, un sac où ranger nos manteaux et de nous laver les mains avant la séance ou d’utiliser du gel hydroalcoolique mis à notre disposition à l’entrée.

 

Cette particularité « open space » pourrait faire sourire alors que l’on nous parle beaucoup de respect  de la « confidentialité » un peu partout : dans les labos d’analyses, dans les administrations diverses, dans les hôpitaux. Mais cette proximité ne me dérange pas d’autant qu’en général les kinés qui officient ont su créer une certaine convivialité dans leurs relations comme avec nous. Et puis, il y a la télé.

 

Car dans ce cabinet « open space », il y a une télé souvent allumée. Dans un autre cabinet de kiné que j’ai fréquenté, la télé passait uniquement du sport. On était dans un cabinet de kinés spécialisés dans le sport.

 

Dans ce cabinet, on aime beaucoup le sport aussi et les événements qui en parlent. Mais on aime aussi beaucoup débattre. Il est arrivé que la chaine choisie soit Arte et cela m’apaisait. Mais depuis que j’y suis retourné il y a bientôt un bon mois maintenant, on a droit à la chaine Cnews. A chacune de mes séances, Cnews est dans la place avec cette émission animée et patronnée par un journaliste entouré de chroniqueurs majoritairement masculins même si on trouve aussi quelques femmes.

 

 

Parmi mes premières séances avec Cnews, le sujet, répété, portait sur les violences policières en France. Après l’épidémie du coronavirus, le thème des violences policières a effectué sa percée. C’était avant le résultat du deuxième tour des élections municipales qui a finalement eu lieu hier et qui a réélu Isabelle Hidalgo comme maire de Paris face à Rachida Dati et Agnès Buzyn, ex-Ministre de la santé partie en pleine épidémie Covid remplacer la candidature de Benjamin Grivaux pour cause de scandale dû à des vidéos de Monsieur le sexe en érection. C’était avant la réouverture des salles de cinéma qui ont pu s’adapter au covid-19.

 

 

Lors d’une de mes séances kiné, il y a donc eu débat non sur mes érections ou sur ce que je pouvais penser de celle de l’homme politique Benjamin Grivaux, mais sur les violences policières. Un des kinés, assez incrédule, m’a demandé si, moi, en tant que noir, je m’étais déjà senti défavorisé devant la police. Cette question personnelle m’a été posée en public puisque nous sommes dans un cabinet « open space ».

 

On se rappelle du contexte : d’un côté, aux Etats-Unis, la mort du noir américain Georges Floyd, sous le genou d’un flic blanc, Derek Chauvin, déjà connu «  pour violences ». Georges Floyd aurait été, a été suspecté, de vouloir se servir d’un faux billet de vingt dollars. Résultat :

Il est mort étouffé par le policier Derek Chauvin alors qu’il répétait qu’il ne pouvait pas respirer. La scène a été filmée par une jeune noire avec son téléphone portable. J’ai oublié le prénom de cette jeune noire. Mais j’ai retenu son nom : Frazier. Comme l’ancien boxeur noir, champion du monde, et grand rival de Muhammad Ali, un des héros encore aujourd’hui de bien des jeunes dans les cités et banlieues.

 

Muhammad Ali a été un de mes héros lorsque j’étais adolescent. Et je reste attaché à son histoire. Mais je sais aussi qu’il a manqué de correction envers Joe Frazier et Malcolm X qui sont aussi des modèles. Je sais aussi que Muhammad Ali, lorsqu’il s’appelait encore Cassius Clay, doit d’avoir été « orienté » vers la boxe par un flic…blanc. Après qu’il se soit fait voler son vélo.

 

Adama Traoré, mort il y a quatre ans en France après une interpellation policière, est l’autre personne qui a ravivé le sujet des violences policières. Officiellement, la façon dont il a été interpellé physiquement n’a rien à voir avec sa mort. Sauf que les autopsies réalisées par d’autres experts sollicités par la famille d’Adama Traoré disent le contraire.

 

 

Je n’ai pas regardé sur le net la vidéo de la mort de Georges Floyd. Je n’ai pas lu le livre qui parle d’Adama Traoré et de la façon dont il est mort. Je crois celles et ceux qui disent que les deux histoires sont très différentes. Mais je crois aussi que celles et ceux qui le disent le font aussi pour se soulager. Parce qu’une fois  qu’on a dit que les deux histoires n’ont rien à voir, c’est comme si l’on pouvait changer de sujet juste après la page de pub et après avoir affirmé que tout va bien.

 

Je ne crois pas que la police française soit raciste. Mais j’ai déjà été interpellé deux ou trois fois par des policiers, dont au moins une fois voire deux ou trois fois parce-que j’étais noir, et même si deux ou trois fois, c’est « peu » et que tout s’est bien et rapidement terminé, pour moi, en tant que personne, c’est déjà beaucoup et, je « sais » que cela aurait pu se terminer plus mal pour moi alors que j’étais… « innocent ».

 

Si la « compétence » ou ce qui ressemble à de l’intelligence de la part du policier ou des flics rencontrés lors de « mes » contrôles a sans doute contribué au fait que cela se soit bien et rapidement terminé, je crois aussi que je dois saluer, à chaque fois, la capacité que j’ai eu de rester calme, coopératif, optimiste et d’avoir pu m’exprimer poliment et « correctement ». Mais en situation de stress, et un contrôle est une situation stressante, nous savons tous qu’il peut être très difficile pour bien des personnes de rester « calme », « coopératif » et de continuer de s’exprimer « correctement » :

 

C’est à dire, sans crier, sans s’énerver, sans s’agiter, sans regarder son interlocuteur ou ses interlocuteurs avec dédain ou colère, ou avec peur, en employant des mots nuancés et des intonations diplomatiques voire harmoniques et mélodieuses dans la voix.

 

 

Parce-que je crois vraiment que dans ces deux ou trois situations de contrôle que j’ai vécues, qu’il aurait suffi que je m’emporte pour qu’en face, de manière-réflexe ou conditionnée, un des représentants de l’ordre se sente à son tour agressé, pris à la gorge, et se persuade très vite d’être en présence d’un énième individu récalcitrant.

 

A partir de là, une réaction en chaine s’enclenche, et, moi, l’innocent, j’aurais très bien pu me retrouver avec une clé de bras dans le dos, plaqué contre un mur, sommé de vider mes poches devant tout le monde, comme il m’a déjà pu m’arriver de le voir pratiqué en prenant les transports en commun. Transports en commun, le train et le métro en particulier, qu’en tant que banlieusard, je prends régulièrement depuis mon adolescence.

 

Cette expérience-là, ce vécu-là, cette quasi-certitude que cela peut ou pourrait « partir en couille » face à la police lors d’un simple contrôle, je crois qu’en France, aujourd’hui en 2020, si l’on est un homme arabe ou noir qui a grandi en France, dans un environnement régulièrement quadrillé par les forces de l’ordre, on les a ou on les assimile à partir de notre adolescence. Et le verbe « assimiler » a sa place ici dans toute son ambiguïté.

 

 

Je ne suis pas anti-flic. Je ne me sens pas anti-flic. Je considère même que bien des flics ont à exécuter des ordres et des missions que leur impose leur hiérarchie du supérieur direct au Ministère de l’Intérieur.

 

 

Mais je m’estimerais très naïf si, en tant qu’homme noir, en France, je me considérais toujours l’exact égal du citoyen blanc ou de la citoyenne blanche lambda en cas de contrôle de police. J’ai quand même été interpellé un jour à la gare de Sartrouville par une femme-flic qui faisait manifestement ses preuves devant ses collègues masculins (la BAC du coin ?) afin de savoir si je portais sur moi du cannabis ! Selon quels critères ?!

 

La gare était pratiquement déserte et je me rendais à mon travail ce jour-là. J’étais déjà soignant et faisais déjà partie «  des héros de la Nation ».

Avec son air bonhomme, la femme flic s’est adressée à moi avec un aplomb comme si, d’emblée, j’étais suspect. Je n’avais sur moi ni cigarette, ni joint. J’étais un simple passager qui venait de sortir de son RER ou de son train et qui allait à son travail. J’avais mon titre de transport comme tous les jours. J’ai eu droit à un contrôle d’identité. Et à un mini-interrogatoire sous le regard de ses collègues masculins postés derrière elle.

J’ai d’abord répondu poliment. Puis, son interrogatoire se faisant insistant et intimidant

(elle me faisait comprendre que si j’avais du shit sur moi, ça allait mal se passer pour moi), j’ai commencé à répondre calmement. Et ironiquement. Parce-que ça commençait à m’agacer. Et, là, coup de baguette magique, sans me fouiller, d’un signe de la tête, elle m’a fait comprendre que je pouvais y aller ( ou dégager, c’est selon la sensibilité de chacun). Cette expérience apparaitra peut-être anodine pour certaines personnes. Mais pas pour d’autres. Et je ne suis pas sûr que d’autres personnes, à ma place, seraient restées aussi calmes que moi. Et, oui, je considère avoir eu de la chance ce jour-là car mon ironie, venue de mon agacement compréhensible, aurait pu se retourner contre moi.

 

 

 

Pour ces quelques raisons et ces quelques exemples, même si, oui, je pense que les deux situations Georges Floyd/Adama Traoré sont différentes et que ça me dérange aussi beaucoup de savoir que, de son vivant, Adama Traoré pratiquait «  l’extorsion sur des personnes vulnérables », ce qui est l’autre mot pour dire « racket », je me sens plutôt concerné en tant qu’homme noir, par les violences qui ont tué ces deux hommes.

 

Et, encore plus, en écoutant certains des propos tenus sur Cnews pendant une de mes séances de kiné. Cela s’est passé après la fresque de Stains montrant Georges Floyd et Adama Traoré côte à côte. Je comprends que l’on puisse parler d’amalgame, de récupération en mettant Georges Floyd et Adama Traoré ensemble au vu du casier judiciaire différent des deux hommes et aussi de la façon dont « l’interpellation » s’est passée :

 

D’un côté, avec Georges Floyd, images à l’appui, sauf nouvelle information qui changerait la donne, on a l’acharnement d’un policier, fier de lui, et déjà connu pour faits de violence. Un policier peut-être maintenu dans ses fonctions par sa hiérarchie car estimé « efficace » ou pratique et disponible lors de certaines situations sensibles. Ce que l’on retrouve déjà «  un peu » en France où, depuis plusieurs mois, le gouvernement Macron-Philippe sait qu’il doit rester en bons termes avec la police afin de pouvoir compter sur elle pour faire le sale travail de répression lors de certaines manifestations sociales du type gilets jaunes ou autres. Et je l’écris avec respect pour la police.

 

De l’autre, avec Adama Traoré, on n’a pas les images de sa mort en direct après son interpellation et les différentes autopsies se contredisent.

 

Mais qu’il y’ait amalgame, récupération ou non en accolant Georges Floyd et Adama Traoré dans cette fresque à Stains, il me semble que « l’expérience » du spectacle d’une certaine justice montre au citoyen lambda qu’attendre docilement et patiemment que la Justice se fasse correctement peut être une erreur stratégique :

 

Les affaires du Médiator ou des prothèses PIP du Roundup de Monsanto ou, plus « simplement », la façon dont certaines professions (soignantes et autres) pourtant nécessaires se font balader par les différents gouvernements contraignent le citoyen lambda à comprendre qu’être victime et « seulement » manifester civilement ou porter plainte peut être insuffisant pour obtenir réparation ou justice.

 

Il faut aussi réaliser des coups médiatiques. Faire le buzz. Il faut des catastrophes ou des épidémies. Il faut faire peur. Il faut se faire respecter comme force de nuisance par les autorités officielles. Puisque même des personnes coupables, dès qu’elles en ont les moyens au moins financiers, savent choisir les bons avocats qui trouveront les astuces, les bons ressorts, les erreurs, les failles ou les fautes de procédures, afin de retarder le jugement, le casser ou l’éviter.

 

 

Donc, je vois cette fresque à Stains comme un moyen d’essayer d’obtenir que la Justice française, si elle a été mal influencée, de bien ou de mieux faire son travail dans l’affaire Traoré. D’autant que sur le plateau de CNews, la fresque réalisée par certains propos a été plutôt palpitante :

 

Elle, il y a encore quelques semaines, je ne la connaissais pas. Elle regrette et combat la perte des hautes valeurs qui ont fait la France. Pourtant, ses succès personnels et médiatiques proviennent peut-être aussi du fait de cette « perte » des hautes valeurs qu’elle regrette tant.

Elle ne le dira pas car elle fait partie des premiers de la classe, qui plus est sur un plateau de télé. Mais elle croit à la supériorité des races. Ce n’est pas de sa faute. La destinée est ainsi et le souligner, c’est évidemment être aigri.

Bien-sûr, les personnes qu’elle désigne comme l’ennemi sont souvent parmi celles qui refusent de la servir, elle, moralement si irréprochable.

Plutôt belle femme – et elle le sait- elle se sert de son minois devant le « journaliste » qui pilote le journal comme le propriétaire d’un ballon de foot qui veut bien jouer avec les autres à condition que ce soit lui qui marque le plus de buts.

 

Elle, elle n’est pas comme ça. Assez souvent, elle se tait. Elle entend être plus sage que certains des chroniqueurs et des intervenants plus âgés qu’elle compte bien ringardiser. Sa pensée est ouverte là où elle regarde vu que son œil est toujours juste et que sa langue tinte bien. Pourtant, malgré sa parole qui lui donne l’allure d’un sac à main de luxe, elle dit aussi des ordures :

 

Quand elle récite et affirme que la plupart des étranglements réalisés par la police sont  «  la violence légitime et nécessaire de l’Etat » et qu’ils  se déroulent «  en général, sans problème », on aimerait qu’elle nous raconte ses expériences d’étranglement que l’on devine nombreuses. Non par voyeurisme : mais afin qu’elle nous rassure quant aux effets d’une telle expérience lorsque l’on est innocent et qu’une interpellation a mal tourné. Mais, bien-sûr, elle n’est pas responsable des circonstances comme des situations qui créent le recours à cette pratique.

Lors de sa rencontre avec Bachar El-Assad en Syrie, elle aurait trouvé celui-ci « doux ». C’est peut-être une fausse information. Autrement, cela pourrait expliquer sa vision tranquillisante de l’étranglement d’un citoyen par des forces de l’ordre.

 

 

Un intervenant présent ce jour-là à côté d’elle, politologue, semble déguster un tiramisu en déclarant que le parti socialiste n’existe plus désormais. Peut-être que tout son bonheur à être sur ce plateau est condensé dans cette phrase. Pouvoir enfin la dire librement et à visage découvert sans avoir à se retourner. Cela respire presque l’enfant qui a longtemps été battu par un parent socialiste. Et, fin gourmet, il explique que c’est  pour sauver le très peu qui lui reste que le parti socialiste s’accroche à la cause de l’antiracisme du côté d’Assa Traoré, la sœur d’Adama Traoré.

Sa joie lui donne raison d’autant que si le parti socialiste, aujourd’hui, est inexistant, c’est peut-être pour beaucoup parce-que son « tonton » et son premier Président, François Mitterrand, a su verser dans sa famille politique, durant quatorze ans de 1981 à 1995, le poison suffisant afin qu’aucun de ses neveux ou nièces en politique ne puisse être en mesure de lui succéder et de le dépasser par la suite. Mais, de cela, le politologue, la bouche pleine de tiramisu, n’en parle pas. Ni personne d’ailleurs sur ce plateau de télé. 1995, c’était il y a 25 ans. C’est déjà loin. Et peut-être que, désormais, aussi, lorsque l’on est ou que l’on a été socialiste et que l’on repense à cette période, que l’on se sent nostalgique ou honteux. Honteux d’y avoir cru.

 

Très en confiance, le politologue affirme que, dans les cités, les gens en « ont marre » des actions d’Assa Traoré. J’ai sûrement de grands préjugés mais il m’est difficile de l’imaginer faisant le tour des cités et s’entendant dire qu’Assa Traoré en fait trop. Personne ne le conteste ou ne met en doute ses propos sur le plateau de télé.

 

Néanmoins, «  Les Bretons et les Provençaux n’ont pas la même tête » professe néanmoins le politologue pour expliquer que la France s’est faite en unifiant des personnes très différentes. Et donc qu’il est possible d’intégrer des personnes de tous horizons. La France, selon-lui, est d’ailleurs un des pays les plus diversifiés au monde et donc en aucun cas, raciste. Mais que cela implique de se rejoindre autour d’une identité nationale commune.

Le journaliste qui « anime » le débat abonde dans son sens et cite, référence sans doute à son passé de journaliste sportif…. Aldo Platini. On revient donc en France au début des années 80 à l’époque de la première élection de François Mitterrand. La France qui ferait particulièrement vibrer notre « animateur » serait-elle celle des années 80 ?

Toujours est-il qu’il nous parle d’Aldo Platini qui  avait prénommé son fils, futur grand footballeur…Michel. Avec interdiction «  de parler à la maison la langue d’origine ». Néanmoins, précise tout de suite « notre » journaliste, « …il ne s’agit pas de refouler les origines…. ».

Mais elles ont peut-être été un peu trop refoulées, ces origines, pour que « Michel », quitte la France et termine- brillamment- sa carrière de footeux à la Juventus de Turin, un club de Foot italien….

 

Est critiqué aussi, au cours du débat, cette trop grande fascination des jeunes pour « Nos bons Maitres américains ». La sémantique « Bons Maitres » est amusante et retournée :

 

Les Français se révoltent contre leurs Maitres américains. Mais s’agit-il du Français franchouillard ? Gaullien ? De celui de l’ancien empire colonial français qui était alors plus puissant que les Etats-Unis avant son indépendance ?

Ou des jeunes français noirs, et autres, qui, pour s’émanciper, se choisissent d’autres modèles culturels, idéologiques et politiques aux Etats-Unis ?

Tout cela est flou, messieurs et madame qui débattez et savez mieux penser et mieux parler que nous qui vous regardons et vous écoutons.

 

On perçoit en tout cas un aveu d’impuissance et une rancœur envers les Etats-Unis qui sont plus forts que « nous », « nous » qui étions si puissants avant. Nous voudrions être des modèles pour cette jeunesse qui nous défie et nous embarrasse et nous n’y arrivons pas. Alors, que les Etats-Unis, eux, ils ont la cote auprès de bien des jeunes. Mais quels modèles proposez-vous ? Des modèles comme ceux  des débats que vous avez et imposez sur Cnews ? Ou un des intervenants, satisfait de lui, affirme que les personnes présentes à la marche en mémoire d’Adama Traoré sont surtout ou principalement des « bobos blancs » et plutôt socialistes ?

 

Je crois être moins fasciné que je ne l’étais par les Etats-Unis lorsque j’étais adolescent. Mon séjour à New-York m’a sûrement moyennement plu parce-que je l’ai effectué en 2011 et que je m’étais davantage ouvert au monde et à la pensée entre-temps. Pourtant, sans être un idolâtre des Etats-Unis, on est obligé de constater que ceux-ci sont encore la Première Puissance Mondiale dans certains domaines :

 

Une émission animée par Billy Crystal ou Jimmy Fallon a beaucoup plus de classe qu’une émission animée par Thierry Ardisson, Laurent Ruquier ou Cyril Hanouna.

 

 

Plusieurs des débatteurs- dont le journaliste « maitre des lieux » finissent pas conclure d’un commun accord, qu’il faudrait traiter par l’indifférence tous ces représentants noirs, en France, qui tiennent des propos racialistes à propos des Blancs. Cela apparaît le meilleur moyen afin de donner moins d’ampleur médiatique à tous ces propos extrémistes et haineux et la meilleure façon d’y répondre. Par contre, écouter Eric Zemmour et converser avec lui semble éclairant et nullement racialisant.

 

 

Mais « il faudrait quand même retirer cette fresque à Stains », dit le journaliste-« propriétaire » du débat sur Cnews. Mais comment faire, demande-t’il ?!

 

La réponse est pourtant évidente : Lui et plusieurs de ses invités qui savent tout, qui gagnent bien plus que nous, grâce à la pub, grâce à la télé, grâce à leur renommée, n’ont qu’à faire comme la plupart des gens. Prendre un seau, de l’eau bouillante, un peu de bicarbonate, quelques éponges,  se déplacer et aller faire le ménage. Et s’ils pouvaient aussi faire un peu le ménage dans leur tête (mais comment ?) ce serait bien, aussi.

 

A la fin, notre journaliste-débatteur, se confie :

 

« Je vais vous dire, modestement, ce qui me choque. Je n’ai rien contre Rosa Parks mais pourquoi on n’appelle pas certains endroits (ou stades) Jean de La Fontaine ? ».

 

 

Près de moi, le kiné qui, lors d’une séance précédente m’avait demandé, si, en tant que noir, je m’étais déjà senti défavorisé devant la police, en France, réfléchit à voix haute en passant :

 

«  Rosa Parks….c’est pas une histoire de bus, de racisme ? Je me souviens plus…. ».

 

 

 

Franck Unimon, lundi 29 juin 2020.

 

Catégories
Corona Circus Ecologie self-défense/ Arts Martiaux

Self-défense

Photo prise à Paris, lors du dernier week-end de Mai 2020.

 

 

                                                                   Self-Défense

 

 « Je vous attendais ».

 

 

Même s’il s’est mis à pleuvoir abondamment hier soir, depuis plusieurs jours, les gens sont globalement plutôt heureux de pouvoir sortir à nouveau de chez eux. Ça se voit. Je le vois en partant au travail ou en sortant de chez moi. J’aperçois des couples très amoureux. Je m’attends à ce qu’un certain nombre d’eux, rapidement, s’incitent à arrêter d’être deux. D’autres fois,  dans certains quartiers comme récemment du côté de Denfert Rochereau, avec mon masque sur le visage, j’ai l’impression d’être un spécimen ou un attardé. 

 

La deuxième vague du Covid-19 ne s’est pas faite sentir. Beaucoup de personnes en concluent que l’épidémie a disparu. Il a fait beau depuis pratiquement trois mois – même si les températures avaient pu être fraiches le matin en mars- et beaucoup de personnes en avaient assez d’être confinées depuis mi-mars. En plus, le gouvernement a décidé du déconfinement le 11 Mai (et non le 12 comme je l’ai écrit dans mon précédent article Avec ou sans masques ). Et, depuis deux ou trois jours (le 2 juin, je crois) la limitation de déplacement des 100 kilomètres a cessé d’exister. Un certain nombre de personnes sont donc parties prendre l’air en province. Sur Facebook, réseau social bien connu par les plus de vingts ans et les vieux (sourire), j’ai ainsi pu voir des photos de connaissances parties s’aérer du côté de Paimpaul en Bretagne ou en Normandie, à chaque fois près de la mer.

 Enfin, hier soir, en retournant au travail, j’ai revu pour la première fois depuis trois mois des personnes installées en terrasse d’un café ou d’une brasserie. Il y avait du monde. 

 

Photo prise à Paris en allant au travail, lors du dernier week-end de Mai 2020.

 

 

La pandémie du covid-19 a simplifié mon agenda. Je me suis très bien passé de certaines activités que j’ai du plaisir à faire : médiathèque, cinéma, pratique de l’apnée en club, librairies, achats de blu-ray, magasins de loisirs, etc…autant de déplacements que j’ai arrêté de pratiquer. Là où avant la pandémie, je me démultipliais voire me dispersais, pendant la pandémie, je me suis facilement limité à continuer d’aller au travail, continuer de prendre des photos, continuer d’écrire, être davantage avec ma fille, continuer mes étirements, être davantage avec ma compagne, contacter certaines personnes.

 

Par contre, pendant plusieurs semaines,  j’ai fait plus de vélo pour me rendre au travail. Je suis parti bien plus tôt de chez moi pour m’y rendre d’une manière générale. J’ai changé mon itinéraire pour me rendre au travail et ma façon de m’y rendre :

 

Avant la pandémie, je m’y rendais principalement en train et métro en partant de chez moi 45 ou 50 minutes plus tôt. Durant la pandémie, avec la rareté des trains,  j’y suis plusieurs fois allé à vélo, et, surtout, après avoir pris le train, j’ai beaucoup pris le bus. En partant de chez moi 90 minutes plus tôt. Et, j’ai marché aussi. J’ai continué de marcher. Je marchais déjà avant la pandémie mais moins pour me rendre au travail. Depuis deux à trois semaines, sans doute depuis le 11 Mai, je me suis relâché. Je pars maintenant plus tard de chez moi : comme avant les mesures de confinement. Mais je continue de prendre le bus le plus possible, une fois arrivé à St Lazare.

 

On voit beaucoup mieux ce qui nous entoure en prenant le bus, je trouve. Et la pandémie m’a poussé à ça:

Beaucoup regarder autour de moi. Pas uniquement par inquiétude. Mais aussi par curiosité. Cette curiosité que j’avais perdue par habitude et aussi en m’immergeant dans le métro et dans la foule qui sont souvent les cendriers de nos regards.

 

Avant la pandémie, j’avais commencé à lire La Dernière étreinte de l’éthologue Franz de Waal. Un très bon livre, très agréable, emprunté à la médiathèque de ma ville et que j’ai toujours.

Avec la pandémie, j’ai perdu ma lecture. Bercé par l’étreinte de la pandémie, je n’ai pas pu remettre ma tête à cette lecture même si je sais en théorie que son contenu aurait très bien servi à décrypter ce que nous avons vécu et continuons de vivre depuis la pandémie.

Par contre, j’ai lu beaucoup plus de journaux que d’habitude durant la pandémie. Cela a été instinctif. Une mesure d’autoprotection personnelle : à l’anxiété générale relayée par la télé, les réseaux sociaux, les collègues, les amis et les proches, j’ai assez vite préféré le Savoir du papier, la diversité des journaux et des langues ainsi que l’expérience physique du déplacement jusqu’au point presse. J’ai eu de la chance :

Il y a un point presse près de mon travail qui est resté ouvert pendant toute la pandémie et, cela, dès 7h30 jusqu’à 20h.

 

Lorsque l’on parle de self-défense, on s’arrête souvent à la définition standard : on pense d’abord au fait d’apprendre à se défendre physiquement d’une attaque menée par un ou plusieurs agresseurs.

Il y a quelques jours, une nuit, sur un réseau social que tout le monde connaît et sur lequel beaucoup de monde exprime ses états d’âmes et ses certitudes, moi y compris, une copine a posté une vidéo d’un cours de self-défense. Cela m’a étonné venant de cette copine que je connais comme étant une très grande intellectuelle et qui était assez peu portée, officiellement, sur ce genre de discipline la dernière fois que nous nous étions rencontrés. C’était il y a plusieurs années.

 

J’ai regardé la vidéo d’autant que la self-défense, les sports de combats et les arts martiaux font aussi partie, depuis des années, de mes centres d’intérêt.

Dans un gymnase, un instructeur aguerri que j’ai découvert, faisait ses démonstrations devant ses «élèves ». La cinquantaine rugissante, en Jeans, tee-shirt et baskets, il en imposait à ses trente ou quarante élèves. Et chacun de ses partenaires se retrouvait évidemment au sol, immobilisé ou contré, au moyen d’une clé ou d’une soumission, d’une percussion. Ça ne traînait pas. Collant le plus possible à des situations réelles, son but était à l’évidence de pouvoir proposer à ses élèves ou à ses stagiaires des méthodes efficaces, rapides à assimiler et à reproduire, avec un minimum d’entraînement.

Si je devais comparer son enseignement à la façon dont nous essayons de soigner en santé mentale, je dirais que son enseignement était plus proche de la thérapie brève et comportementale que de la psychanalyse. Avec la self-défense, on est dans l’urgence, le comportementalisme, dans l’efficacité et dans l’action. Et non dans la masturbation intellectuelle et dans le bla-bla. Je peux d’autant plus l’écrire que je suis très attaché à la psychanalyse.

Si je devais comparer son enseignement à la façon dont on apprend le jeu d’acteur, je dirais qu’il était plus proche de ce que je comprends de l’actor’s studio et de toute formation où l’on engage le corps et où on lui fait acquérir- ou désinhiber- des réflexes dont l’être humain, en tant qu’être animal, est doté en principe s’il veut pouvoir survivre et se défendre. A moins d’avoir été « castré », tellement détruit et humilié, qu’il n’a plus la moindre force, volonté ou aspiration à se révolter. Ou à moins de tout intellectualiser en permanence et de tout miser, en tant qu’acteur, sur la diction d’un texte.

 

La particularité de toutes ces démonstrations de self-défense, de sports de combats ou d’arts martiaux auxquelles nous assistons en direct ou via une vidéo, c’est qu’elles tournent souvent à l’avantage de l’instructeur. Et ça donne envie. Ou ça suscite l’admiration. On se dit :

« J’aimerais bien apprendre ce qu’il enseigne pour pouvoir me défendre en cas de besoin ou pour pouvoir défendre celles et ceux à qui je tiens ».

 

De son côté, l’instructeur se doit d’être convaincant lors de ses démonstrations. Pas uniquement d’un point de vue technique. Mais aussi de par son attitude, son réalisme, et, voire, par son éthique. Et l’instructeur en question mettait tant de conviction devant ses élèves, si volontaires et si inexpérimentés de toute évidence d’un point de vue pugilistique, que cela donnait l’impression qu’il passait vraisemblablement sa vie à penser combat, self-défense, combat, self-défense. Cela en devenait un peu comique. Mieux vaut rire que mourir.

Mais attention : je ne critique pas. J’ai appris qu’il valait mieux  être à même de savoir se défendre en certaines circonstances plutôt que de compter sur des amabilités et sur la chance. Sauf qu’il faut savoir quand se défendre, comment, contre qui, dans quelles proportions et où. Et Avoir aussi, une conscience. De soi, de nos actes, des autres, de notre environnement. 

 

En regardant cette vidéo de « stage », j’avais l’impression que l’instructeur s’entraînait et se préparait depuis des années au combat :

La majorité des instructeurs, profs, enseignants et maitres de combats, de self-défense et d’arts martiaux  parmi les plus connus et reconnus, à ce que j’ai constaté, sont généralement des pratiquants très expérimentés depuis dix, vingt années ou davantage dans plusieurs disciplines de défense et d’auto-défense.  

 

Et, l’instructeur de la vidéo  donnait l’impression que c’était comme s’il n’attendait que ça parce qu’au fond, sans combat,  il s’ennuyait :

C’était donc comme s’il attendait tous les jours que quelqu’un, enfin, vienne le « chercher » à la sortie de son travail, dans son sommeil, dans un magasin de vélo ou sur la route pour l’agresser. Et j’avais aussi l’impression que la majorité des stagiaires, en le voyant aussi affûté et percutant, n’avait qu’une envie (et moi aussi) en découvrant la somme de travail et de vécu à engranger pour lui ressembler :

 

Devenir son ami ou l’avoir comme ami dans la vie ou sur Facebook afin, qu’en cas de besoin, il vienne nous défendre rapidement.

 

 

 

En matière de self-défense, je me demande ce qui a manqué à Georges Floyd aux Etats-Unis ou à Adama Traoré et à tous les autres, arabes, asiatiques, femmes, enfants, personnes âgées, citoyens lambdas, homosexuels, trans, juifs, arméniens, les Amérindiens, les pauvres etc lorsqu’ils rencontrent leur prédateur.

 

 

Je parle du noir américain Georges Floyd et du Français Adama Traoré car ils font désormais partie de l’actualité funèbre maintenant que l’on n’a plus peur du Covid-19. Mais je crois qu’il faut aussi penser à bien d’autre victimes et c’est pour ça que j’ai ajouté ces autres « catégories » de personnes qui font souvent partie des victimes que ce soit dans une dictature ou dans une démocratie.

 

 

Dans le monde animal, la biche ou le cerf ne se fait pas toujours attraper par son prédateur. Mais il est quand même un certain nombre de proies et de gibiers qui se font dévorer. Georges Floyd et Adama Traoré font désormais partie de ces victimes qui se sont faites « dévorer ».

 

J’ai ressenti une grande lassitude en apprenant « l’histoire » de Georges Floyd. Comment elle s’est terminée après celle d’Adama Traoré il y a quatre ans. Ce sentiment de lassitude m’a interrogé. Je me suis demandé si j’étais devenu indifférent.  Plus jeune, j’aurais été en colère.

 

 

Je me suis demandé si je me sentais au dessus de ce qui leur était arrivé ou si je les rendais responsables de leur propre mort.

 

 

Je ne crois pas être indifférent à leur mort.

 

Parce qu’avant Georges Floyd et Adama Traoré, pour moi, lorsque j’avais 17 ans, il y avait eu le noir américain Georges Jackson et les frères de Soledad. Ainsi que, bien-sûr, le souvenir de Martin Luther King, Malcolm X, les Black Panthers. Plusieurs de mes modèles pour mon adolescence. Un groupe de Reggae comme Steel Pulse a composé un titre en mémoire de Georges Jackson. Le Reggae peut être perçu comme une musique juste festive pour l’été ou pour s’amuser alors que c’est une musique très militante.

 

Parmi mes modèles, adolescent, il y avait aussi eu Nelson Mandela. Et Steve Biko dont on parle beaucoup moins que Mandela et qui a, lui, été vraisemblablement assassiné lors de son emprisonnement:

Officiellement, Steve Biko aurait glissé en prenant une douche. Le groupe Steel Pulse mais aussi Peter Gabriel ont composé une chanson en son hommage.

 

Je me suis demandé pour quelle raison Biko avait été oublié et pour quelle raison, lui, contrairement à Mandela, n’avait pas survécu à son emprisonnement. Jusqu’à ce que j’apprenne, très récemment, que Steve Biko était bien plus critique que Nelson Mandela envers l’Apartheid. Qu’il était même critique envers l’ANC de Mandela. Et qu’il était aussi, plus isolé, médiatiquement, que Mandela.

 

Bien-sûr, adolescent, parmi mes modèles, il y avait aussi eu au moins les auteurs noirs américains : Richard Wright, Chester Himes, James Baldwin. Tous parlaient du racisme anti-noir aux Etats-Unis d’une façon ou d’une autre. Je connaissais aussi l’histoire du boxeur Cassius Clay, devenu Muhammad Ali. Mon père avait un livre sur lui dans le salon de notre appartement HLM. Je l’avais lu plus jeune comme cette préface qui parlait du noir John Henry qui, avec ses deux masses, avait été plus fort que la machine du blanc pour creuser un trou dans la terre. Et qui, après avoir remporté son pari, était rentré chez lui, s’était douché, avait fait sa prière, s’était couché pour ne plus se relever. 

Je connaissais aussi l’histoire des Jeux olympiques de Mexico en 1968. Le poing noir levé des athlètes noirs américains sur le podium : Lee Evans, Ron Freeman, John Carlos. Je connaissais aussi d’autres histoires également plus vieilles que moi d’athlètes que je n’avais jamais vu à la télé ( Zatopek, Wladimir Kuts, Peter Snell, Lasse Viren, Herb Elliot…). Je les avais lues dans les magazines de sport de mon père. 

 

Et j’avais entendu parler de l’esclavage bien plus tôt (avant mes dix ans) : mon père m’avait raconté. Et, pour lui, le Blanc de France, était « l’ennemi ».

Mon père ne m’a pas parlé de la Négritude. Adolescent, j’avais entendu parler de la Négritude, de Césaire, Senghor et de Gontran Damas peut-être à la bibliothèque de Nanterre, endroit sacré que notre instituteur de CE2, Mr Pambrun, un jour, nous avait fait découvrir en nous y emmenant à pied depuis notre école publique, l’école Robespierre.  

 

La différence entre un Martin Luther King, un Malcolm X, certains meneurs des Black Panthers, un George Jackson, un Georges Floyd, un Adama Traoré et un Nelson Mandela qui meurt libre, et en symbole de Paix international,  tient peut-être aussi dans ces deux mots :

 

Self-défense.

 

Nelson Mandela ne pratiquait pas, je crois, de sport de combat. Je ne crois pas non plus qu’il portait d’arme sur lui. Même s’il a été, un temps, un adepte de la lutte armée.

Sans doute Nelson Mandela a-t’il eu la « chance » d’arriver au  bon moment  dans l’Histoire de l’Afrique du sud et dans l’histoire géopolitique internationale pour, finalement, après une vingtaine d’années d’emprisonnement, parvenir à rester un interlocuteur incontournable. Ne pas oublier, aussi, l’engagement de son ex-femme, Winnie Mandela, et la menace qu’elle représentait pour le gouvernement sud-africain même si, par la suite, certains faits ont été reprochés à Winnie Mandela. Ne pas oublier non plus que Nelson Mandela était entouré de soutiens infaillibles (avocats, d’autres militants incarcérés comme lui, un soutien international…).

 

Mais la chance et le soutien médiatique et autre ne font pas tout. Mandela a su faire et a pu faire les bons choix stratégiques à certains moments.

Angela Davis, aussi, à sa façon, lorsqu’elle avait été déclarée ennemie publique numéro un des Etats-Unis, a aussi été en mesure de pratiquer une self-défense qui lui a sauvé la vie. Et, cela est d’abord passé par la fuite par exemple. Une fuite durant laquelle elle avait été bien entourée. Car il faut pouvoir échapper au FBI ou à la CIA.  Angela Davis aussi avait été soutenue y compris de manière internationale.

 

 

Je me demande donc ce qui a manqué à Georges Floyd et à Adama Traoré en self-défense pour survivre. Le même genre de soutien qu’un Nelson Mandela ou qu’une Angela Davis ?

 

Pour Georges Floyd, il faut se rappeler que les Etats-Unis sont ce pays où des millions d’Amérindiens ont été exterminés par les colons européens afin de prendre la tête du pays. Et, il est même possible que des noirs enrôlés dans l’armée « américaine » aient participé à cette extermination contre la promesse par exemple de leur émancipation ou de leur naturalisation américaine. Lorsqu’un tel pays, les Etats-Unis, devient ensuite la première puissance Mondiale et une référence culturelle mondiale, on peut s’attendre à ce que certains de ses citoyens considèrent en 2020 pouvoir continuer de faire avec des noirs ce qui a pu être fait dans le passé en toute impunité avec des millions d’Amérindiens mais aussi durant la période de l’esclavage. D’autant plus dans un pays où dans certains Etats il est parfaitement légal et normal d’acheter et de posséder plusieurs armes létales. 

Le journal  » Le New York Times » de ce jeudi 4 juin 2020.

Aujourd’hui, aux Etats-Unis, si les Noirs font partie des plus touchés par l’épidémie du Covid-19, certains territoires amérindiens, aussi…   

 

 

 

Pareil pour la France, ex grande Puissance coloniale, et pays encore très côté à travers le monde :

Il doit bien y avoir, aussi, un certain nombre de personnes qui estiment que ce qui a pu être fait par la France « avant » dans les colonies peut se refaire aujourd’hui et demain.

 

En France, je refuse pourtant de raser les murs quand je sors. Bien-sûr, si je sais qu’une région ou une zone est une menace pour les personnes de ma couleur de peau, je ferai attention ou essaierai de l’éviter. Et si je sais qu’une certaine attitude peut m’attirer des ennuis, je ferai en sorte de m’en dispenser. ( Lire l’article C’est Comportemental ! ) Mais ça n’est pas toujours possible.

 

Il y a une  forme de mathématique mortuaire qui veut que si une proie se trouve un certain nombre de fois en contact avec son prédateur ou son agresseur potentiel, le risque de pressions et d’agressions augmente. C’est donc, finalement, un choix ou une incompétence au moins politique de permettre ou d’augmenter ce nombre de contacts, cette promiscuité, entre « chiens et chats ». Et, certains, chiens comme chats, préfèrent mourir au combat plutôt que de se laisser faire. Pendant ce temps-là, les maitres et les maitresses des « chiens et des chats », eux, s’en battent les mains. Ils peuvent se permettre de partir en week-end au bord de la mer ou d’aller voir ailleurs et d’être informés- de temps en temps- par quelques observateurs ou intermédiaires. Et d’intervenir et de faire de la communication lorsque ça peut faire du bien à leur image et à leur carrière.

 

Par découragement ou par lassitude, on se dit que l’Histoire des meurtres au moins racistes se répète.

 

Les réseaux sociaux ont beaucoup de travers : beaucoup de personnes qui s’y expriment y sont expertes sur à peu près tout puisqu’il est facile et gratuit de s’y exprimer. Et on y livre quantité d’informations personnelles qui régalent des entreprises déjà multimilliardaires (les GAFA et autres) ainsi que nos divers gouvernements qui, durant la pandémie, ont dû faire le plein d’informations pour des décennies concernant notre façon de réagir et d’inter-réagir en période de pandémie, d’inquiétude et de confinement. Je l’ai fait et le fais comme tout le monde. 

Mais les réseaux sociaux expriment aussi ce souhait, notre souhait idéalisé et répété, de faire partie d’une communauté. Sauf que, pour l’instant, ce souhait est souvent boiteux car nous avons beaucoup de mal à nous écouter et à nous accepter. Nous préférons encore trop trancher et décider quand  les autres ont tort et qui a tort. Tandis que nous, nous estimons être du côté de la raison et de la lucidité. Nous sommes donc encore un peu trop nombreux à être des dictateurs au moins virtuels ou digitaux. Peut-être qu’avec le temps et certaines expériences, nous finirons par être un peu moins dictateurs et à former un peu mieux cette communauté vivante (humaine et non-humaine) que, très maladroitement et très brutalement, nous essayons de créer et vers laquelle nous tâtonnons.

 

 

 

Je n’ai pas parlé de ça hier matin, à la jeune vendeuse du Relay  de la gare d’Argenteuil. J’étais venu acheter le dernier numéro du Canard Enchaîné lorsque j’ai vu que même le Relay, maintenant, vendait des masques de self-défense contre le covid-19. Un mois et demi plus tôt, environ, cette jeune vendeuse, comme ses collègues, travaillait sans aucune protection. Je m’en étais étonné sans insister. Comprenant que leur employeur était responsable de cette négligence, je m’étais abstenu de tout commentaire bruyant afin d’éviter de l’accabler davantage.

Deux ou trois semaines plus tard, la même vendeuse, d’autorité, se pointait à la sortie du Relay avec son flacon de gel hydro-alcoolique. C’était sa self-défense sanitaire et elle était déterminée à sauver sa peau. Comme les autres clients présents, je m’étais soumis à la leçon du gel hydro-alcoolique même si, à mon avis, j’étais suffisamment renseigné sur le sujet du fait de mon métier de soignant en pédopsychiatrie (ce qu’elle ignore). Et puis, par expérience, je reproche au gel hydro-alcoolique d’abîmer les mains. Je lui préfère donc le savon qui n’a pas attendu la fabrication  et la diffusion du gel hydro-alcoolique pour nous donner une hygiène respectable.

 

Hier matin, non seulement le flacon de gel hydro-alcoolique était  à disposition de façon facultative devant l’entrée du Relay mais la jeune vendeuse, non-masquée, derrière la protection plastifiée de sa caisse, dansait en reprenant les paroles d’un tube qui passait.

 

J’ai reconnu Aya Nakamura alors que la vendeuse répétait :

 « Ah, je m’en tape ! Si tu veux qu’on le fasse!».

 

Quand je lui ai demandé des renseignements concernant les masques réutilisables (2 pour 4, 40 euros. Une affaire ! ) elle n’a pas compris tout de suite. Ce n’est pas la première fois qu’elle réagit de cette manière. Mais avec la musique en plus, cette fois-ci, sérieuse, elle a tendu l’oreille comme une jeune femme qui vaque dans une boite de nuit et que j’aurais essayé de draguer comme un plouc.  J’ai eu l’impression de revenir plusieurs années-lumière en arrière. Et d’être transformé malgré moi en l’homme à tête de chou de Gainsbourg. Chanson que cette jeune n’a peut-être jamais écoutée. Et elle s’en battrait sans doute les couilles si elle le faisait.

 

« Il n’y a plus de masques réutilisables » a fini par me lâcher la jeune vendeuse totalement indifférente à mon corps. Elle a néanmoins fait l’effort de me répondre rapidement qu’elle ne savait pas quand il y ‘ en aurait. Peut-être la semaine prochaine. Après ça, elle était au maximum de son accomplissement commercial. Et elle a repris le refrain de sa chanson. 

 

Franck Unimon, jeudi 4 juin 2020.