Catégories
Cinéma

How to have Sex un film de Molly Manning Walker

Tara ( l’actrice Mia McKenna Bruce) et Badger ( l’acteur Shaun Thomas).

How to have Sex un film de Molly Manning Walker

Plus de deux semaines sont passées depuis que j’ai vu ce film en projection de presse.

Et je n’ai toujours rien écrit dessus. Le film va bientôt sortir et j’ai déjà commencé à apercevoir – sur l’affiche du film- des commentaires de la presse dithyrambiques.

Pour « bien » m’aider à rédiger cet article, j’ai égaré les quelques notes, bicoques de mes pensées, que j’avais écrites peu après avoir vu le film. Je les retrouverai peut-être après, lorsque le film sera sorti. Ce 15 novembre 2023. 

Ce matin, je me mets à repenser à ce film alors que, pour d’autres raisons qui n’ont rien à voir avec lui, je raisonne tout seul à propos de ces besoins que nous avons, qui nous poussent à vivre certaines relations douloureuses ou heureuses, et qui se partagent  peu avec les contingences de la morale et du Devoir.

Le titre du film est une entourloupe. Le sexe. Le sexe, ça excite.

Tara ( l’actrice Mia McKenna Bruce) et Skye ( l’actrice Lara Peake)

Ou ça effraie.

C’est un peu comme une chouette qui nous surprend la nuit ou dans un environnement inconnu et dont on a du mal à identifier, avec autorité, l’identité ou les véritables intentions à notre sujet. On s’est alors beaucoup trop avancé, d’un pas décidé, pour passer de l’autre côté et, maintenant, on commence un peu à hésiter. A se hérisser. Mais on ne peut plus reculer. On a oublié ou perdu le trajet qui pourrait nous faire revenir à notre point de départ. Lorsque l’on était sain et sauf et que l’on avait envie d’aller de l’avant. On s’était voulu déterminé, on se rencontre maintenant autrement. On se rend compte que l’on n’avait pas tout à fait tout prévu comme on le croyait au départ, en terrain familier.

On croit que le sujet de How to have sex, c’est le sexe. On a de quoi se frotter les mains ou se caresser les lèvres du vagin en découvrant ce titre si l’on est « intéressé ( e) ».

Em ( l’actrice Enva Lewis) et Tara ( l’actrice Mia McKenna Bruce) deux des amies « for Life ».

Le résumé de l’histoire nous apprend que trois copines, Em, Skye et Tara, mineures, et encore collégiennes, partent en vacances dans l’équivalent d’un endroit comme Ibiza afin de perdre leur virginité et de connaître ce grand moment de la première fois contre le corps de l’autre. Sea, Sex and sun.

Mais il faut voir ce que l’on met dans la boite à lettres du sexe. Cette boite à lettres se trouve dans notre tête.

Badger ( l’acteur Shaun Thomas)

Pour certaines personnes, il s’agit de tirer son coup et de s’en battre les couilles- ou les ovaires- après, que l’on soit un homme ou une femme.

Je suis tombé récemment sur une vidéo de la chanteuse Miley Cirus affirmant crânement qu’après avoir couché avec quelqu’un, celle-ci ou celui-ci n’existe plus. C’est à peu près l’équivalent d’un cadavre qui a rempli son office – ainsi que ses orifices- de son vivant et dont il faut se débarrasser ou dont il faut s’éloigner au plus vite par la suite sans laisser de traces. 

Avec Miley Cirus, lorsque l’on a un rapport sexuel, on n’est pas là pour vivre ensemble.  Ni pour concevoir une quelconque relation. Si l’on recherchait un suivi de relation comme on le fait d’une lettre suivie par la poste, on s’est trompé d’endroit et de personne.

On s’est juste mis « bien » pour coucher ensemble. On est bien d’accord ! Que les choses soient claires !

Sous cette vidéo de ce qui ressemblait à une interview de Miley Cirus, on pouvait lire des commentaires admiratifs et enthousiastes de personnes vantant son inconditionnelle franchise. Je n’ai aucune idée de l’âge moyen de ces admiratrices et admirateurs mais j’ai envie de croire qu’ils étaient « jeunes », c’est à dire, pour faire très simple :

Moins de trente ans.

Tara ( l’actrice Mia McKenna Bruce)

Lorsque l’on a moins de trente ans (ou plus ) et que, finalement, on a vécu assez peu d’histoires ou de relations qui comptent, on pourrait rejoindre cet avis de Miley Cirus ou de ces « fans ».

« Moi, c’est juste pour baiser ». « C’était pour s’amuser. Je ne lui ai rien promis. On n’est pas marié… ».

Nous sommes régulièrement « convaincus » que le sexe est devenu une livraison banale sans engagement particulier de notre part :

Entre les pubs dénudées ; les soirées plus ou moins festives; les occasions et les propositions diverses; les lieux et les sites dits de rencontres; les femmes et les hommes qui voient le sexe comme Miley Cirus ; les images élaborées d’influenceuses ou de stars féminines (Beyoncé, Rihanna etc…) acharnées à se montrer suggestives et parfaitement à l’aise pour nous expliquer que tout cela est transgressif et vise surtout à secouer ou démolir la pudibonderie hypocrite, veule et patriarcale préétablie dont le seul projet- ou objet- est de domestiquer mais aussi d’éradiquer la femme ;

Beaucoup est fait, dit, répété et montré pour nous convaincre que la sexualité, finalement, même pas mal. C’est même un outil ou un engin de délivrance et d’affirmation de soi en tant que personne libre, consciente et responsable.

 » Je fais de mon corps ce que je veux… »

Skye ( l’actrice Lara Peake), Em ( l’actrice Enva Lewis) et Tara ( l’actrice Mia McKenna Bruce).

 

Tel est à peu près l’état d’esprit de Em, Skye et Tara, les trois « meilleures amies pour la vie » lorsqu’elles décident de partir ensemble dans ce lieu de ré-jouissances où, à la façon d’un club Méd, bien des animations sont organisées (par des adultes souvent plus âgés que les jeunes venant s’y défouler) afin de boire beaucoup d’alcool mais aussi de permettre des interpénétrations charnelles faciles et rééditées sans, a priori, aucune conséquence.

Sur le papier, un tel programme, cela peut être le pied à condition d’accepter de se bourrer la gueule et de trouver ça festif. Personnellement, dans ce genre d’ambiance, j’aurais dérangé et emmerdé bien des gens car prendre une cuite, partir vomir ensuite et avoir plaisir à le raconter ne m’a jamais fait bander. Probablement, je le sais maintenant, parce-que je suis un type coincé et sans avenir.

Mais là où se rendent nos trois héroïnes, Em, Skye et Tara, fort heureusement, tout le monde ou à peu près est beaucoup plus drôle, sait prendre la vie du bon côté et se montre consentant et participatif puisque l’on y vient tous pour ça. Cela change tellement des mimiques et des corps embarrassés et des méthodes de dragues à deux balles, lorsque, dans la rue, sur la plage, en pleine forêt, sur l’autoroute ou dans le métro, on croise un inconnu ou une inconnue qui nous plait sans trop savoir  comment l’aborder ou en prenant le risque-en public- de se faire jeter ou traiter de pauvre type, de pervers ou de harceleur.

En pratique, malgré leurs bonnes dispositions, nos trois jeunes collégiennes vont découvrir qu’elles manquent peut-être encore un peu de réalisme. Et que l’on peut être une fille intelligente et rusée, et, par ailleurs, se jouer des tours à soi-même. Ou se faire rouler dans la farine.

Le réalisme, How to have sex en est pourvu. On pourra donc, lors de certaines scènes quasi-documentaires, se sentir quelque peu mal à l’aise sans être dans une position de voyeur. Comme devant des images du film Kids ( 1995) de Larry Clark auquel ce film m’a au moins fait penser. On pourra aussi se rappeler le personnage interprété par l’actrice Thora Birch dans le  American Beauty de Sam Mendes ( 1999) ou de certaines des paroles plus récentes du titre Teenage Fantasy de la chanteuse Jorja Smith. Une chanson qui aurait pu faire partie de la bande son du film.

How to have Sex, avec méthode, nous dévoile comment se forme le canevas qui va permettre la « chute » : on y trouve des personnes vulnérables qui se croient suffisamment prêtes, ouvertes, adultes et fortes pour l’aventure dans laquelle elles se sont lancées; une figure maternelle et protectrice qui ne peut pas être omniprésente et deviner la présence et l’imminence du danger; le sentimental crédule, timide, bienveillant et gentil dominé par « l’ami » tapi en embuscade, infiltré, qui, lui, agit à la moindre opportunité et sans le moindre scrupule.

Tout n’est pas pourri dans cet univers où des jeunes viennent un peu de tous les pays pour « s’amuser ». Mais il suffit qu’une personne malintentionnée s’invite et se cache parmi eux pour que les premières victimes apparaissent.

Initiatique, How to have sex l’est autant pour les trois protagonistes qu’il pourra l’être pour certaines spectatrices et spectateurs qui pourront aller voir ce film à partir de ce 15 novembre 2023.  

 

Franck Unimon, ce samedi 4 novembre 2023.

 

 

Catégories
En Concert

PJ Harvey à l’Olympia, octobre 2023

 

PJ Harvey, à l’Olympia, Paris, ce 12 octobre 2023. Photo©Franck.Unimon

PJ Harvey à l’Olympia, octobre 2023

PJ Harvey, c’est lors des années 90 et 2000 qu’elle avait tout emballé.  Je l’avais ratée au festival Rock En Seine entre 2003 et 2005 au parc de St Cloud. J’avais trop hésité.

Trente ans plus tard, ses deux dates pour l’Olympia ont été complètes. S’il y avait moins la queue pour son concert que pour celui des deux sœurs Ibeyi, PJ Harvey a néanmoins son public.

Ce 12 octobre 2023, après le concert de PJ Harvey. Photo©Franck.Unimon

On a plutôt la quarantaine voire la cinquantaine lorsque l’on vient voir PJ Harvey en concert et l’on est plutôt blanc, aussi. C’est ce que je me dis subitement alors que je me trouve dans la salle où, à part les vigiles pour filtrer les entrées ou dans la salle pour assurer la sécurité, je n’ai pas vu un seul noir dans le public.

Il y a aussi pas mal de femmes. De la trentaine à la cinquantaine.

Bien plus que lorsque j’étais allé découvrir Joe Bonamassa grâce à Christophe Goffette et, qu’à côté de moi, dès le début du concert, un homme avait chaussé ses lunettes noires et ostensiblement refusé toute interaction avec moi. Nous n’étions pas du tout du même bord. Lui, c’était un pur. Et, moi, je devais ressembler à un artéfact. Il était peut-être aussi dans la salle, parmi les spectateurs, ce soir.

PJ Harvey, à l’Olympia, ce 12 octobre 2023. Photo©Franck.Unimon

A ce concert de PJ Harvey, je le sais, se trouvent aussi un ami, rencontré trente ans plus tôt, et une de ses collègues dont j’ai fait la connaissance un peu plus tôt dans la journée. Avec eux, j’aurai un peu plus d’interactions car aucun des deux ne porte de lunettes noires.

Sans nous être consultés, tous les trois, nous avions pris notre place pour ce concert de PJ Harvey environ deux mois plus tôt. Les places sont vite parties.

Les artistes, entre eux, ont souvent bien moins de frontières que celles et ceux qui les « suivent » et les écoutent. C’est parce-que, progressivement, j’ai fait mien ce principe ou cette conduite de vie que j’ai été amené, il y a plusieurs années, à écouter PJ Harvey. Tout en écoutant du Zouk ( Jacob Desvarieux)  ou du Reggae ( En concert avec Hollie Cook au Trabendo).

Mon ami de trente ans, je le sais, n’écoute pas du tout du Zouk, du Kompa, de la Salsa ou du Reggae. Et encore moins du Dub :

( En concert avec Zentone à la Maroquinerie) .

Pas même du Funk. Lui, me (re)parlera de Franck Black (que j’ai eu la chance de voir un jour en concert et ce fut une très très belle performance), de John Zorn, de Roger Waters… Des artistes que je peux aimer écouter (Roger Waters) ou que j’ai essayé d’entendre (John Zorn).

Sa collègue, elle, après le concert, me donnera envie en m’apprenant avoir vu Massive Attack avec Tricky en 2008. Ces derniers jours, j’ai beaucoup écouté et réécouté Tricky. J’ai cherché des nouvelles versions de ses titres. Mon ami n’écoute pas Tricky. Mais PJ Harvey avait fait un titre avec lui :

Broken homes.

Après le concert, cependant, la collègue de mon ami me laissera un peu pantois lorsqu’elle citera les Artic Monkeys. Car elle n’a pas trop aimé la prestation que nous avons vue de PJ Harvey. Elle a trouvé les paroles très belles mais le son mauvais. Pour elle, on ne sentait pas assez les basses. Elle aurait voulu se sentir « transpercée » par les basses comme cela s’était fait lors du concert des Artic Monkeys ou de Massive Attack par exemple. Je connais les Artic Monkeys seulement de nom. D’après mes préjugés, c’est une musique froide, « blanche », ça ne se danse pas. Je n’ai pas envie d’y aller. Mais je n’ai rien écouté d’eux à ce jour alors que je peux beaucoup aimer des titres de Cure, Joy Division, Depeche Mode, Soft Cell, Radiohead….

 D’ailleurs, j’ai vu le film consacré à Ian Curtis, leader du groupe Joy Division : Control réalisé en 2007 par Anton Corbijn. J’ai aimé le film même s’il est déprimant.

Et, Tricky, lui-même, ou Massive Attack, ont assurément puisé aussi dans des inspirations qui ont pu être communes aux Artic Monkeys. On ne peut pas dire non plus que les compositions de Tricky et Massive Attack soient des inventions particulièrement festives.

PJ Harvey, A l’Olympia, ce 12 octobre 2023. Photo©Franck.Unimon

Mon ami, lui, pour nous redonner du tonus, après le concert, nous dit :

« Je pense qu’on est venu la voir trop tard. Il aurait fallu la voir vingt ans plus tôt ».

Mon ami souligne aussi que la mise en scène théâtrale de PJ Harvey ne l’a pas séduit. Il est vrai que, durant le concert, PJ Harvey a beaucoup posé tout à son rôle ou aux histoires qu’elle nous a racontées dans ses chansons. Mais cela a été très pratique pour moi. Pour prendre des photos. Je n’ai peut-être jamais réussi autant de photos en concert.

Nous avons vieilli. PJ Harvey, aussi. Mais nous le reprochons plus à PJ Harvey qu’à nous-mêmes. Toutefois, moi, qui ai moins bien compris les paroles de ses chansons que mon ami et sa collègue, j’ai aimé le concert. Jusqu’alors, je n’avais pas remarqué le nombre de fois où elle mentionne les mots « Amour » et  « Jésus ».  

Au plus près de la scène afin de pouvoir faire mes photos, j’ai aimé le dévouement de PJ Harvey. J’ignore si cela a toujours été comme ça mais nous savions que son concert commencerait à 20 heures piles comme annoncé sur nos billets. Par ailleurs, des mesures ont été prises contre la revente des places de son concert au marché noir. Il vaut donc mieux avoir acheté son entrée par les biais officiels. J’ai un peu oublié maintenant mais il me semble avoir payé 55 euros pour être debout dans la fosse. Et, au départ, toutes les bonnes places près de la scène m’ont semblé déjà prises.

PJ Harvey, ce 12 octobre 2023, à l’Olympia. Photo©Franck.Unimon

La « prêtresse du Rock » PJ Harvey (c’est ainsi qu’elle a été surnommée dans la presse pour ces concerts) a développé sa conscience du monde. J’ai lu ou appris qu’elle se préoccupait de ce que nous faisions de notre planète, de ce qui s’y passait. Devenue plus cérébrale sans doute qu’à ses « débuts », comme Björk,  sa musique rentre moins dans le tas qu’avant. Et, il y a beaucoup moins de gravats après les passages de sa voix et de sa guitare. Or, visiblement, c’est ce que un certain nombre d’entre nous attendaient.

PJ Harvey change d’ailleurs plusieurs fois de guitare. Il s’agit donc d’un instrument qui lui reste familier. Le public reste sage ou tout en dévotion. Il s’anime d’emblée lorsque l’artiste entame certains de ses anciens « tubes » tels que Down by the water par lequel j’avais, je crois, entendu parler d’elle pour la première fois dans un film de Laetitia Masson avec Sandrine Kiberlain. Alors que Laetitia Masson, dans les années 90, était une réalisatrice de films d’auteurs qui étalonnait son époque.

PJ Harvey a aussi entonné Dress mais, si j’ai bien entendu, aucun titre de l’album Is it Desire ?

Je n’aurais pas dû pouvoir prendre toutes ces photos au concert de PJ Harvey. Même si dans la salle, j’ai bien vu des personnes prendre des photos, ou filmer, y compris à proximité d’un des vigiles, avec tout ce qu’il fallait pour bien zoomer, j’ai aussi vu une personne devoir déposer son appareil photo à la consigne avant d’entrer dans la salle.

Je suis content ou très content de ces photos. Et, je m’en sers non pas pour me faire du fric sur le dos de l’artiste et de celles et ceux qui travaillent avec elle, mais afin d’avoir des photos originales, mes photos, et pour restituer aussi bien que possible cette expérience qu’a été pour moi ce concert ainsi que l’œuvre d’une artiste. Avec autant de sincérité que possible ainsi qu’avec les moyens dont je dispose pour mon blog.

Pour le diaporama de photos que j’ai fait et qui arrive à la fin de cet article, j’ai choisi des anciens titres de PJ Harvey. Cela lui déplairait peut-être. Mais je crois que cela devrait faire plaisir à celles et ceux qui, comme moi, ont vieilli, et ont conservé une partie de leur jeunesse et de leur vitalité dans les fûts et les refus de ces titres.

Franck Unimon, ce mercredi 1er novembre 2023.

 

Catégories
Théâtre

Zingaro : Cabaret de l’exil femmes persanes conception Bartabas

Au théâtre Zingaro, à Aubervilliers, ce samedi 28 octobre 2023. Photo©Franck.Unimon

Zingaro : Cabaret de l’Exil femmes persanes (conception Bartabas)

 

Cela faisait des années que j’avais entendu parler de Bartabas, du théâtre Zingaro, de « ses » chevaux et que j’avais envie d’aller les voir. J’avais aussi lu un ou deux articles sur lui. Ou peut-être une interview. Cela m’avait décidé.

Bartabas, après la représentation ce samedi 28 octobre 2023 au théâtre Zingaro. Photo©Franck.Unimon

Mais mes envies sont aussi des bagages que je tire derrière moi. On peut me trouver excentrique et original. Pourtant, je vis le plus souvent avec les badges, les numéros, les heures, les consignes ou les directions qui me sont attribuées et pour lesquelles je (me) suis renseigné.

Il faut des sorts contraires ou en être arrivé à un stade particulier dans son histoire personnelle, pour, un jour, ou par moments, renoncer complètement et oublier beaucoup de ce que à quoi l’on a pu tenir pendant des années. Ou faire le nécessaire pour que tout arrive.

Il a fallu que je me marie et devienne père pour que je pense cette année à offrir à ma fille un spectacle de Bartabas comme cadeau d’anniversaire et que je l’y emmène avec sa mère.

J’avais bien vu un de ses spectacles. Mais c’était au château de Versailles. Dans une autre vie avec une autre personne. Nous étions loin. Cela allait vite. Il était difficile de bien distinguer ce qui se passait même s’il m’en était resté quelques visions. Et, cela n’était pas au théâtre Zingaro.

Une des parties du théâtre Zingaro, à Aubervilliers, ce samedi 28 octobre 2023, là où s’est tenu la représentation. Photo©Franck.Unimon

Créé en 1989, situé dans la ville d’Aubervilliers, je m’étais toujours imaginé que le théâtre Zingaro était difficile d’accès. Que c’était soit trop loin ou soit trop cher.

Je suis pourtant né en banlieue parisienne et ai toujours vécu en banlieue parisienne. Un de mes cousins vit depuis plus de vingt ans dans la ville de Saint Denis. J’ai déjà fait des voyages à l’étranger et en France. J’ai aimé ça et continuer d’aimer faire des voyages. A Paris et en île de France, je préfère largement les transports en commun à la voiture et je les emprunte très facilement depuis des années.

Je n’ai peut-être pas assez aimé.

Tout est fait pour pouvoir se rendre à la station Fort d’Aubervilliers, par la ligne 7 du métro, et aller au théâtre Zingaro. C’est même beaucoup plus pratique que la voiture, le soir de la finale de coupe du monde de Rugby au stade de France entre la Nouvelle Zélande et l’Afrique du Sud.

Lorsque, tous les trois, nous partons découvrir le théâtre Zingaro et son dernier spectacle Cabaret de l’Exil femmes persanes, le match de Rugby n’a pas encore débuté. Et nous sommes à quelques heures du passage à l’heure d’hiver. Mais nous sommes un samedi soir, entre 18 heures et 19 heures, en pleines vacances de la Toussaint.

Il y a beaucoup de monde dans le métro. Des touristes. Des personnes habillées pour sortir le samedi soir. Des amatrices et des amateurs de Rugby qui se rendent au « stade » (au stade de France) ou ailleurs pour regarder le match. Telle cette jeune femme plutôt longiligne d’une vingtaine d’années en face de qui je m’assieds, qui porte un maillot ( de Foot ou de Rugby ?) de l’équipe de France et des écouteurs intra-auriculaires sans fil.

Arrivés à la station Fort d’aubervilliers, juste avant le terminus, nous descendons et, tels des exilés, nous cherchons notre chemin.

Sous le chapiteau où il est possible de se restaurer et de s’asseoir près du théâtre Zingaro, ce samedi 28 octobre 2023. Photo©Franck.Unimon

Le jeune homme noir (la vingtaine) devant lequel je me fige et que je salue avant de l’interroger tient son téléphone portable à la main. Il est un petit plus grand que moi, debout, près de l’une des sorties du métro.

A l’intonation et aux accents de sa voix comparativement à mes expressions en Français « soutenu », je mesure à la fois sa surprise mais aussi que nous sommes, lui et moi, de deux mondes différents mais aussi que nous sommes bien en banlieue.

Pourtant, nous venons d’Argenteuil et je suis né à Nanterre. Argenteuil et Nanterre – là où j’y ai vécu en immeuble HLM- n’ont rien à voir avec Versailles, St Germain en Laye, Neuilly sur Seine ou le 6 ème arrondissement de Paris.

Mais nous sommes néanmoins deux étrangers lui et moi qui parlons alors dans une même langue, le Français, tout en ayant- a priori- des perspectives très différentes.

Toujours sous le même chapiteau que précédemment, ce samedi 28 octobre 2023, au théâtre Zingaro. Photo©Franck.Unimon

Je vois bien que le théâtre Zingaro, Bartabas, ça ne lui dit rien même s’il est du quartier vraisemblablement et qu’il me renseigne. J’ai été pareil que lui, durant des années, adolescent, lorsque je passais devant le théâtre des Amandiers, à Nanterre, et que je voyais, étonné et dubitatif, des personnes faire la queue dans la rue afin d’y entrer. Nous avons habité à environ dix minutes à pied du théâtre des Amandiers jusqu’en 1985. Soit quatre ans avant la création du théâtre Zingaro à Aubervilliers, ville qui, comme Nanterre, avait alors probablement un maire communiste.

Chaque fois que je connais un peu plus l’histoire du théâtre des Amandiers de Nanterre, je me rappelle avec une certaine amertume de ce genre d’opportunités que j’ai pu rater à cause, déjà, de mon infirmité :

Le manque de curiosité, de volonté et d’autonomie de pensée. Tout cela conduit à la cécité – morale, intellectuelle, psychologique- et à la lâcheté tant morale, que sociale et physique.

Ou, comme cela est mon cas, par moments, à une sorte de rage, de colère et d’amertume contre moi-même. Parce-que j’ai une certaine mémoire contre moi-même.

Personne, dans mon histoire, dans mon quartier, dans mes relations ou dans ma famille n’avait pu ou n’avait su saisir la chance ou l’intérêt que cela pouvait être, pour nous, personnes de banlieue, de milieu social modeste ou moyen, quelles que soient nos origines ou nos religions, d’avoir un tel lieu culturel près de chez nous.

Malgré les ambitions d’ouverture et de mixité sociale du théâtre des Amandiers et de tous les endroits ou de toutes les personnes qui lui ressemblent ou qui lui ont ressemblé.

Pourtant, j’étais une personne normale.

Quelques uns des artistes après la représentation, ce samedi 28 octobre 2023 au théâtre Zingaro. Photo©Franck.Unimon

J’allais à l’école, à la bibliothèque. Je regardais la télé, le journal télévisé. Je lisais. Je faisais mes devoirs, scolaires ou autres.
Et, lorsque je ne les faisais pas et les remplaçais par des bêtises ou des mauvais comportements et que j’étais démasqué, j’étais puni ou corrigé, que ce soit à l’école ou à la maison. Mauvaise note, gifles, oreilles tirées, remontrances devant la classe, coups de ceinture à la maison ou en public, engueulades.
Je jouais aussi au Foot avec les copains ou un autre sport. Je rigolais aussi avec eux. Je n’étais pas un isolé. Je partais en vacances. En colonie ou avec ma famille. J’avais des rêves et de l’imagination. J’avais une vie semblable à d’autres. Et, j’apprenais ce qu’il y avait à apprendre pour que tout se passe bien pour moi, par la suite.

En montant les marches nous amenant à la sortie du métro, ce samedi soir, sous la pluie qui ne nous avait pas quittés, il a fallu interroger deux ou trois autres personnes à une station de bus pour trouver le théâtre.

Un homme noir d’une cinquantaine d’années qui vendait des marrons grillés sous la pluie et qui ne connaissait pas le coin. Une femme noire, large, la quarantaine, qui voyait avec délivrance son bus se rapprocher. C’est une seconde femme, également noire, nettement plus âgée et plus svelte, à côté d’elle, qui m’a répondu que c’était sur le même trottoir, un peu plus loin.

Malgré les panneaux indiquant le théâtre Zingaro dès la sortie du métro, la pluie, la nuit et l’inconnu faisaient de nous des myopes ou des presque aveugles. Nous aurions tout aussi bien pu nous égarer un peu. Un grand centre commercial ou une autoroute restent mieux signalés. D’autant que, lorsque je cherche un endroit en me déplaçant à pied, malgré les GPS et les plans devenus courants depuis des années dans nos smartphones, je persiste à chercher parmi les personnes que je croise dans la rue, les étoiles qui vont m’indiquer ma route jusqu’à ma destination.

L’entrée du théâtre Zingaro se trouve à à peine cinq minutes à pied de la station de métro.

Les musiciennes et chanteuses, lors de la représentation : Firozeeh Raeesdanae, Shadi Fathi, Farnaz Modarresifar, Niloufar Mohseni. Photo©Franck.Unimon

Puisque l’on nous parlait d’un Fort, je m’attendais à ce que le théâtre Zingaro se découvre dans l’enceinte d’un fort et soit en quelque sorte invisible à l’extérieur. Mais c’est depuis la rue que le théâtre Zingaro s’expose. C’est aussi un lieu, un monde, qui impose son architecture et son univers dès l’accueil et la présentation des billets.
Il m’a fait penser au théâtre du Soleil « d’Ariane » Mnouchkine qui se trouve à la cartoucherie Vincennes dont Bartabas s’était sûrement en partie inspiré comme il s’était sûrement, aussi, inspiré du théâtre des Amandiers.

Alors qu’aujourd’hui existe une crise sévère de l’immobilier et qu’il a pu se construire à l’excès des logements en défigurant certains quartiers, le théâtre Zingaro fait penser à ce qui reste de certains millésimes d’espaces conçus pour être beaux, pour être accueillants, pour être divertissants, pour être chauds, pour être confortables, pour être aérés, pour y venir en famille avec ses enfants, pour libérer et faire rêver et réfléchir celles et ceux qui y viennent ne serait-ce que pour y voir un spectacle. Et, l’on comprend vite que ce programme vaut le déplacement mais aussi le prix que l’on peut mettre pour le vivre et/ou y assister. J’ai payé 39 euros la place pour ma fille, et deux fois 59 euros pour ma compagne et moi afin d’être bien placés de manière à ce que je puisse faire des photos.

Finalement, alors que je fais partie des mitrailleurs anarchiques de la prise de vue, je n’ai fait aucune photo durant le spectacle car j’ai très rapidement accepté de respecter au moins les chevaux et les artistes mais aussi l’état d’esprit du lieu.

Avant la représentation, le public a été d’ailleurs invité à appliquer le mot « Respect » mais aussi à « éteindre son intelligence artificielle même si cela est difficile pour certains ». Les photos de cet article ont donc été prises- sans flash comme toujours- avant la représentation ou à la fin de celle-ci. Je ne suis pas très content de ces photos (il va vraiment falloir que j’apprenne à me servir correctement de mes appareils photos). Par contre, je suis content d’être allé au théâtre Zingaro et que cela ait plu à ma compagne et à notre fille. Et, je me demande si je vais y retourner bientôt.

Près d’un des deux bars au théâtre Zingaro, après la représentation, ce samedi 28 octobre 2023. Photo©Franck.Unimon. Sur les deux photos du bas, on peut reconnaître Bartabas, il y a quelques années.

Il est plutôt rare d’envier la caissière ou l’employé d’un supermarché lorsque l’on part y faire ses achats. Mais on peut croire et espérer que celles et ceux qui travaillent au théâtre Zingaro y ont une belle vie ou se consacrent à une œuvre qui a son importance bien au delà de sa valeur marchande. Alors qu’il est tant d’autres endroits où l’on donne de soi où par lesquels on passe où croyance et espérance passent pour des expériences de dégénérés qu’il importe d’éconduire et de détruire.

C’est en partie ce que raconte Cabaret de l’Exil Femmes persanes où les principaux rôles sont tenus par des femmes de différents profils. Une jeune femme naine ouvre le spectacle et déclame. D’autres, cavalières, danseuses, acrobates, chanteuses ou musiciennes ont d’autres silhouettes. Mais avec leurs partenaires masculins, toutes réclament leur droit de vivre ainsi que leur droit à l’Amour.

Bien-sûr, on ne peut que penser à ce qui se passe depuis quelques temps en Iran mais aussi partout où des femmes sont martyrisées et tuées. Cela peut aussi se passer en France, près du théâtre Zingaro mais aussi à Versailles ou dans le 6ème arrondissement de Paris.

Le cercle dans lequel se déroule le spectacle ainsi que ses diverses dimensions vise sans doute à nous dire que notre vie se déroule souvent sur plusieurs niveaux. Il y a ce sur quoi nous fixons la plus grande partie de notre attention, ce vers quoi, aimantés, obsédés, nous nous dirigeons. Et, il y a tout ce qui nous entoure de merveilleux, de fantastique ou de possible et que nous ne voyons pas ou que nous ratons.

Ainsi, c’est la première fois, où, en me rendant à un spectacle, j’ai été surpris d’être reçu par la chaleur thermique présente alors que nous venions nous asseoir aux places que j’avais réservées et payées. Je m’attendais à ce qu’il fasse froid. Pour moi, il fallait qu’il fasse froid dans l’enceinte du théâtre car, dehors, en plus de la pluie, la température avait baissé ces derniers jours. Et, pour les chevaux, je me disais qu’il valait mieux qu’il fasse assez froid.

Par ailleurs, devant nous, comme pour d’autres, la table était mise : une théière remplie, quatre petits verres, quatre boudoirs et quatre serviettes en papier étaient disposés sur notre table de quatre. Je ne pouvais que saluer la jeune femme qui nous avait précédé et, ensuite, lui proposer de lui servir du thé comme je l’avais fait au préalable pour ma compagne et notre fille. Ce fut un contraste avec la brutalité et la totalité des concerts, des festivals, des pièces de théâtre, des séances de cinéma et autres manifestations culturelles auxquels je suis parti assister et où , généralement, c’est toujours chacun pour soi ou pour nos connaissances. Même si nous venons admirer ou découvrir la même œuvre ou le même artiste que beaucoup d’autres inconnus, nous nous comportons en ces circonstances de la même façon que nous pouvons le faire dans les transports en commun, en voiture ou sur notre lieu de travail ! En troupeaux séparés ou en individualités forcenées.

Pour conclure et pour l’anecdote, et, je suis un peu désolé d’être quelque peu paralysé avec ça car je sais que ce sujet revient assez régulièrement dans mes articles :

La représentation de Cabaret de l’Exil Femmes persanes à laquelle nous avons assisté hier soir était complète ainsi que celle d’aujourd’hui. Mais lorsque les lumières se sont rallumées, en plus de moi, j’ai vu un seul homme noir dans la salle, au sein du public.

Je ne lui ai pas parlé. Cependant, à vue d’œil, je dirais qu’il avait une bonne quarantaine d’années.
Il demeure un paradoxe entre, d’un côté, beaucoup de noirs (et d’autres) présents ou qui vivent aux alentours du théâtre Zingaro depuis des années et si peu, manifestement, qui, de leur propre volonté ou par curiosité, viennent y voir ce qui s’y passe.

On devrait peut-être inventer le service culturel obligatoire.

Cela existe peut-être déjà quelque part. A partir d’un certain âge, et pour une certaine durée, on devrait peut-être obliger les jeunes femmes et les jeunes hommes, quelles que soient leurs origines, le volume de leur poitrine, la taille de leur pénis, celle de leurs religions, de leur classe sociale et de leur compte en banque, à quitter pendant un certain temps leur quartier, leur famille et leur environnement afin de partir découvrir mais aussi afin de participer à la création d’oeuvres culturelles et artistiques diverses.

Et, toute personne ou toute famille qui s’y opposerait devrait être sanctionnée moralement ou pénalement ou considérée comme désertant ses obligations civiques envers ses semblables. Ou perçue comme potentiellement dangereuse. Après tout, nous sommes beaucoup à devoir quitter un jour notre famille, nos amis, nos copines, nos copains et notre environnement pour des obligations au moins d’ordre économique ou personnelles. Et nous faisons avec généralement.

Au théâtre Zingaro, après la représentation, ce samedi 28 octobre 2023. Un feu de camp avait été fait. Photo©Franck.Unimon

La culture et l’Art, à eux seuls, ne sauvent pas de la barbarie, mais avoir à les créer, à les transmettre, à y assister et rencontrer véritablement d’autres personnes mais aussi des figures qui y contribuent, cela procure sans doute plus facilement d’autres ambitions, d’autres armes, d’autres âmes mais aussi d’autres responsabilités que celles de morceler sa prochaine ou son prochain pour de vrai ou de les ensorceler avec des barbelés.

Franck Unimon, ce mercredi 1er novembre 2023.

Catégories
Catherine Breillat

Catherine Breillat, aussi insupportable que remarquable

Catherine Breillat, aussi insupportable que remarquable

 

Il y a trois ans, la citer dans mon article sur le film ADN de Maïwenn qui allait sortir en 2020 a sans doute contribué à me faire rayer de la liste des journalistes pouvant la rencontrer ou voir ses prochains films en projection de presse. ( ADN-un film de Maïwenn au cinema le 28 octobre 2020 )

Cela a sans doute beaucoup déplu à l’attaché de presse qui s’occupe de ses films.

Comparer Maïwenn à Catherine Breillat ?!

Pour qui je me prenais ?!

Pourtant, j’avais aimé ADN de Maïwenn comme ses films précédents et, cela, depuis son tout premier : Pardonnez-moi (2006).  

Mais je n’avais pas encore tout à fait compris, alors, à quel point Catherine Breillat peut exaspérer les autres  (elle dit elle-même qu’elle est souvent « détestée ») mais aussi comme on peut s’empresser de s’éloigner d’elle comme d’une personne qu’il faudrait de toute urgence rebouter. Elle pourrait faire penser un petit peu au boxeur Muhammad Ali, Breillat, lorsque celui-ci fanfaronnait et que ses adversaires ou ses détracteurs se disaient entre eux :

« Il faudrait lui faire fermer sa gueule une bonne fois pour toutes ! Oui, mais qui peut le faire ? ».

Si la maladie de Parkinson finit par assagir Muhammad Ali, un AVC et une hémiplégie avaient entrepris de faire à peu près pareil pour Breillat :

« Ma mère m’a coupé horizontalement et l’hémiplégie, verticalement » raconte Breillat dans ce livre d’entretiens avec Murielle Joudet, sorti récemment ( Je ne crois qu’en moi) peu après son dernier film L’été Dernier ( au cinéma depuis le 13 septembre 2023). Un film peut-être éclipsé par la présence sur les écrans de Anatomie d’une chute (Palme d’or à Cannes) dernière réalisation de Justine Triet qui rencontre un bon succès en salles depuis sa sortie le 23 aout 2023 (plus d’un million  de spectateurs).  Un film que j’ai vu à un jour près après ou avant celui du dernier Breillat et dont même le titre peut aussi l’évoquer.

Avant que, ces deux ou trois derniers mois, je ne réentende parler de Breillat, réalisatrice, la dernière fois que je l’avais évoquée, un peu amusé, et en avais entendu parler, c’était vers 2010 ou 2011. Je venais d’assister à un débat lors du festival Chéries, chéris au forum des halles.

Peut-être à propos du thème « Qu’est-ce qu’être Queer ? ». Je ne connaissais pas le terme. Je me demandais de quoi il s’agissait.

Aujourd’hui, j’en sais à peine beaucoup plus mais, ce soir-là, j’avais entendu et appris que le réalisateur Jacques Demy était homosexuel. Cela semblait un fait établi mais aussi une sorte de prix ou de trophée acquis à la cause LGBT. C’était donc important, lors de cette soirée, de dire que Jacques Demy, le réalisateur et modèle admiré et reconnu par la critique et le monde du cinéma, était homosexuel.  

C’était l’équivalent de James Brown chantant des années plus tôt:

« Say it loud, I’m Black and proud ! ». Là, on était dans « Say it loud, I’m gay and proud ! ».

Je comprenais la logique. Même si j’étais un peu étonné par ce besoin de dire.

A ce jour, je n’ai vu aucun des films de Demy même si je connais bien sûr de nom au moins Les Parapluies de Cherbourg. « On » nous en parle tellement ainsi que des sœurs Deneuve si magnifiques…

 Je le regarderai sans doute un jour mais je trouve que les critiques idolâtrent beaucoup Demy  ce qui me donne beaucoup envie de m’en éloigner. Et puis, je n’ai pas encore perçu, pour moi, la nécessité primordiale de voir ses films.

Lors de ce débat très sérieux ( je ne me rappelle pas qu’il y ait eu beaucoup d’humour lors des interventions) j’avais aussi entendu un participant estimer que le cinéma de François Ozon ( dont j’ai vu et aimé plusieurs de ses premiers films) était « queer ».

Assis en haut de cette salle amphithéâtre plutôt remplie dans mon souvenir, j’entendais et découvrais ce soir-là des avis et des visions qui m’étaient étrangers.

A la fin de ce débat, alors qu’un de ses animateurs en était à remonter les marches afin de sortir de la salle, je lui avais dit, un peu provocateur et amusé, alors qu’il s’avançait devant moi :

« Il y a une personne dont vous avez oublié de parler : Catherine Breillat… ».

Celui-ci m’avait alors regardé, et, comme on annonce un décret, m’avait rapidement et très sérieusement répondu :

« Catherine Breillat ? Elle s’est faite escroquer, je crois ! ». Puis, aussitôt, il était parti, me plantant-là avec des restes me permettant de comprendre que Catherine Breillat était définitivement sur la touche. Que l’on n’entendrait plus parler d’elle. Que sa bouche avait été clôturée pour de bon.

J’avais alors à peine entendu parler du fait qu’elle s’était en effet bien faite (dé)plumer par Christophe Rocancourt- le « bien connu» arnaqueur des stars- alors qu’elle était encore quelque peu convalescente d’une hémiplégie contractée à la suite d’un AVC.

Comme je suis un demi-tiède et une personne foncièrement peu curieuse, je n’avais pas beaucoup poussé mes recherches pour chercher à en savoir plus. Catherine Breillat n’était pas une de mes proches. Et, je n’avais pas encore forcément compris, alors, comme ce qu’elle était ou pouvait raconter m’importait beaucoup plus que le fait de voir Les Parapluies de Cherbourg (1963) de Jacques Demy.

Il nous faut parfois des années pour nous apercevoir que telle personne ou telle œuvre a une importance très particulière pour nous. L’une des premières fois où je me rappelle avoir eue cette impression, ce fut après la dissolution du groupe….NTM.

Tant que le groupe NTM de Kool Shen et de Joey Starr était en activité, je les écoutais et les regardais plus ou moins de loin. Je m’accrochais plutôt à leurs frasques que je réprouvais moralement. Je promettais alors à Joey Starr une existence courte et un épilogue existentiel douloureux, honteux et brutal en raison de ses excès. Je ne lui donnais pas plus de quarante années de vie.

Je préférais MC Solaar à NTM. Je l’avais vu en concert au Zénith une fois. MC Solaar était tellement plus classe, plus respectable. Il n’avait pas ces tics de langage ou gestuels auxquels, schématiquement, on identifiait et auxquels on identifie encore les personnes de la banlieue. Je venais aussi de la banlieue et je n’avais pas les attitudes et les propos de Joey Starr et Kool Shen. Je n’aspirais pas à leur ressembler ou à ce que l’on me confonde avec eux. Eux, c’étaient des mauvais garçons. Ils étaient violents, ils étaient agressifs, ils parlaient mal, se comportaient mal. Avec eux, tout pouvait partir en vrille à n’importe quel moment. Or, moi, j’avais plutôt l’esprit gazon de jardin britannique. Tout devait être impeccable et carré au centimètre près comme sur le stade de Wimbledon. Il ne devait pas y avoir de trous ou de bouteilles vides de bière, de rhum ou de vodka par terre. Kool Shen et Joey Starr, c’était sûr que si vous les invitiez chez vous, qu’en repartant, ils vous laissaient plein de mégots partout y compris dans les yaourts et les pots de confiture. En plus, votre logement était délabré et, à coup sûr, ils (ou leurs copains ) vous auraient tabassés entretemps pour vous remercier de les avoir invités ou parce qu’il n y avait pas assez de filles et que la musique ne leur avait pas plu.

Je n’aurais pas pris le risque de passer une soirée avec Kool Shen et Joey Starr. Alors qu’avec MC Solaar, j’aurais pu l’envisager. Nous aurions bu du thé, discuté de la banlieue et parlé philosophie….

Même si le voir en concert m’avait….déçu. Mais pendant des années, j’ai eu du mal à faire mon coming out et à reconnaître que son concert m’avait laissé frustré.  Cela voulait  bien dire quelque chose même si, sur scène, et bien entouré ( Soon MC, Les Démocrates D…) MC Solaar ne s’était pas ménagé.

Les NTM, eux, j’avais eu peur d’aller les voir en concert. Pour leur public. Seul à vouloir m’y rendre, je n’avais pas envie de me faire agresser en plein concert par une bande. Si on m’avait obligé à y aller, peut-être que je serais resté très prudemment proche de la première issue de secours. Et, si on m’y avait mal regardé, peut-être que je me serais gelé instantanément sur place. Je n’aurais peut-être pas pu écouter grand chose. J’aurais peut-être passé la plus grande partie de mon temps, durant le concert, à observer et à surveiller autour de moi si quelqu’un me voulait du mal.  Et, à la fin, je serais peut-être parti en courant. En sprintant pendant au moins cinq cents mètres. Jusqu’à ce que je me sente en sécurité en quelque part.

Donc, à la place de NTM, j’étais allé voir, toujours seul, le premier concert de Me’Shell Ndégeocello à l’Elysée Montmartre, je crois, après son premier album : Plantation Lullabies. Une ambiance beaucoup plus safe. Sur scène, Me’Shell nous avait fait un festival. Chant, claviers, basse, présence, avec ses petites lunettes rondes et son allure longiligne/androgyne, elle avait tenu son groupe et nous avait servi de la vie. A aucun moment, je ne m’étais senti menacé. ( Me’Shell Ndégeocello au festival Jazz à la Villette ce 1er septembre 2023 )

Pour essayer de me racheter de ma lâcheté concernant NTM, j’étais allé voir I Am à l’Olympia. Ils y avaient fêté leur million d’albums vendus mais aussi entonné leur Je chante le Mia. Un des meilleurs concerts auxquels j’ai assistés tant pour les artistes que pour l’ambiance dans la salle. Mais aussi pour avoir la vie sauve peut-être.

C’était dans les années 90. Alors que maintenant, écouter du RAP, aller à un concert de Rap, c’est tout à fait mainstream. Vous allez rencontrer des personnes de bonne famille, d’un (très) bon milieu social, très bonnes études, blanc cachemire, vous dire qu’elle sont allées voir tel artiste de Rap ou les entendre employer des formules telles que « Je m’en bats les couilles » comme si c’était normal.

C’est à peu près au milieu des années 2000, après avoir appris la dissolution du groupe NTM, après quatre albums, que j’avais commencé à comprendre que plusieurs de leurs titres avaient à voir avec mon histoire. Tant qu’ils faisaient partie du décor sonore ou médiatique et semblaient permanents, je ne leur prêtais pas une attention particulière ou alors, plutôt pour réprouver ou craindre leurs manières et leurs façons de faire.

Leurs apparences me dérangeaient. Ce n’était pas comme ça qu’il fallait faire. Pour tout dire, à l’époque, je trouvais même Joey Starr très moche alors qu’aujourd’hui, lorsque je revois des images de lui à cette époque, je le trouve beau gosse. C’est étonnant, hein ?

Lorsque Kool Shen et Joey Starr ont finalement disparu du décor sonore et médiatique en tant que NTM, je me suis aperçu qu’il me manquait quelque chose. Et, avec Breillat, il y a sûrement eu le même phénomène et la même prise de conscience.

Assez ironiquement, l’histoire ou l’avenir, m’a donné en quelque sorte raison.

Puisque, par la suite, Joey Starr a commencé à faire du cinéma ( il m’a tout de suite convaincu en tant qu’acteur) et a rencontré Maïwenn au moins pour faire le film Polisse (2011) qui avait marqué le festival de Cannes, une année où j’y avais été comme journaliste de cinéma.

J’y avais alors croisé une journaliste (pour Le Parisien, je crois) d’une bonne quarantaine d’années toute fière de me répondre qu’elle allait interviewer Joey Starr !

L’attaché de presse qui s’occupait du film Polisse de Maïwenn étant fâché avec le média cinéma (le mensuel papier Brazil) pour lequel j’écrivais, j’avais, moi, été privé « de » Joey Starr comme l’on est privé de dessert. Et, j’étais parti interviewer Valérie Donzelli pour La Guerre est déclarée, film qu’elle avait co-réalisé avec Jérémie Elkaïm, également présent en tant qu’acteur dans Polisse.

 

De son côté, Kool Shen, lui, l’autre moitié de NTM, a fini par incarner Christophe Rocancourt au cinéma dans la fiction que Breillat a tirée de sa rencontre avec celui-ci d’après son ouvrage Abus de faiblesse dont j’ai terminé la lecture hier soir.

 

Joey Starr/ Maïwenn, Kool Shen/ Catherine Breillat, il sera difficile de me convaincre que l’une et l’autre n’ont absolument rien en commun.

Par ailleurs, que ce soit chez l’une ou chez l’autre, on peut trouver, dans leur cinéma, plutôt que du Jacques Demy, du Pialat, du Jean Yanne ou même…du Jean-Pierre Mocky. Je sais qu’en écrivant ça, je leur attribue des références « masculines » mais ce n’est pas une insulte. D’autant que, dans une certaine mesure, malgré leur machisme et leurs outrances, ces trois artistes masculins ont sans doute, aussi, eu des traits féministes….et féminins. Si l’on se rappelle, aussi, leur insolence, leur attachement à leur indépendance ou leur mépris pour certaines convenances, on doit bien parvenir à déboucher à nouveau sur des artistes tels que Catherine Breillat, Maïwenn… NTM ou d’autres.

J’avais donc vu juste, à la fin de ce débat sur la question « Queer », en mentionnant Catherine Breillat. Et, j’avais aussi vu juste, dans mon article sur le film de Maïwenn qui venait de sortir, de la citer Breillat à nouveau. Sauf que je l’avais fait intuitivement comme je le fais, aussi, de l’usage de certains mots ou de certaines tournures de phrases sans être toujours capable, sur le moment, de l’expliquer ou de le théoriser.

Aujourd’hui, ce 1er novembre 2023, jour de la Toussaint, s’il me plait bien sûr de parler de Catherine Breillat parce-que c’est le jour de la Toussaint, bien que je ne sache pas très bien dans les détails à quoi cela correspond à part pour réciter que c’est « le jour de la fête des morts », je peux un peu plus expliquer ce qui me tient chez Breillat.

D’abord, il est difficile de se débarrasser de Catherine Breillat. Elle est toujours quelque part en train de mijoter une recette ou une action qui nous sera servi à table à un moment ou à un autre, qu’on le décide ou non.

Lorsque j’ai commencé à essayer de me rappeler par quel film je l’ai découverte la première fois, je me suis trompé. J’avais oublié le titre. J’ai essayé Parfait Amour (1996), Romance ( 1999). Ça ne collait pas. L’histoire dont je me rappelais, avec l’acteur Patrick Chesnay, ne figurait dans aucune distribution des films de Breillat que je regardais. L’histoire d’une femme, mariée, qui ne parvenait pas à faire le deuil de son histoire d’amour avec son amant. Deuil difficile que son mari, Patrick Chesnais, encaissait stoïquement avec cette patte qui lui est spécifique, Mi-droopy, mi-Pierre Richard.

A la fin du film, la femme, qui passait par tous les états, finissait par se jeter dans une rivière depuis un gros rocher la surplombant d’une bonne dizaine de mètres. Puis, elle réapparaissait, bien vivante, à la surface. Pour moi, c’était du Breillat.

Hé bien, c’était du Brigitte Rouän qui jouait d’ailleurs le rôle principal ! Mais lorsque l’on regarde le titre du film, réalisé en 1996, on aurait pu dire que c’était du Breillat :

Post-coïtum, animal triste.

Dans son film Romance, on retrouve de ça. Mais on retrouve, aussi, la même colère et la même violence que peut mettre Maïwenn dans son Pardonnez-moi . Sauf que dans Romance, Breillat s’en « prend » à l’Amour, au couple amoureux. C’est son sujet. Tandis que Maïwenn ( mais je n’ai pas vu Mon Roi, réalisé en 2015 ) s’attaque plus à la famille. Même si j’ai relevé que dans Je ne crois qu’en moi, le livre d’entretiens livré par Murielle Joudet, s’il est régulièrement fait allusion à sa mère, avec laquelle elle a noué des relations très difficiles, et à sa sœur, son père n’est jamais mentionné une seule fois. Au point que j’ai cru que celui-ci était décédé lorsqu’elle était très jeune alors que dans les faits, il semble que non.

Sur la table de chevet de Breillat mais aussi à l’intérieur de ses chevilles,, il doit sans doute y avoir en permanence une sorte de plan qui, toujours, la ramène, vers ça. Le couple, l’Amour.

Et, elle bétonne, la Breillat. On peut dire, on a le droit de dire, qu’elle tringle sec et dur, à même la croupe, le sujet du couple et de l’Amour, Breillat.

C’est sans détour.

S’il est interdit d’en parler ou d’y aller, c’est que c’est pour elle. Et, elle y va, Breillat. Maïwenn, pour moi, n’est pas très différente. Elle, aussi, recherche le saut d’obstacles.

A côté de ça, on comprendra que L’Anatomie d’une chute de Justine Triet, même s’il m’a plu (il m’a même été recommandé par mon thérapeute) m’a moins touché que L’été dernier de Catherine Breillat.

Dans L’été dernier, sorti donc il y a presque deux mois ( le 13 septembre), j’ai retrouvé tout Breillat. Ses excès, sa franchise «  Oui, c’est vrai que c’est beau, l’Amour conjugal même si on s’emmerde » ( Breillat, dans le dernier livre d’entretiens sorti récemment intitulé Je ne crois qu’en moi).

Son humour.

Il peut m’arriver d’être mal à l’aise devant des images de Breillat. Mais je ne peux pas dire que c’est faux. Breillat montre ce qui peut arriver ou ce qui arrive. Elle ne nous montre pas ce qui doit ou devrait arriver.

J’ai parlé de Pialat, Jean Yanne, Mocky pour Breillat. Mais j’ai aussi pensé à Rohmer dont le cinéma me plait moins. Pialat, c’est quand même celui qui a réalisé, avec Marlène Jobert et Jean-Yanne :

Nous ne vieillirons pas ensemble.

Ça a quand même plus d’abattage que ce que peuvent se susurrer, avec un glaçon dans la bouche, les protagonistes des films de Rohmer que j’ai envie de voir se faire décapiter dans un film de zombies. Alors que dans les films de Pialat, Breillat ou Maïwenn, leurs personnages s’occupent du service après vente des aimables réglements de comptes.

J’ai oublié de dire que Breillat me fait penser, aussi, à Cioran :

«  L’homme va disparaître. C’est ce que j’ai dit un jour. Depuis, j’ai changé d’avis : Il doit disparaître ».

J’en profite pour me rappeler de la première fois que j’avais entendue la voix de Catherine Breillat. Une très belle voix, fort agréable. Dans son livre d’entretiens, Breillat dit qu’elle a été une très belle femme, avec une poitrine affolante, mais elle parle seulement de son physique et non de sa voix, pour moi, très séduisante. Je m’attendais davantage à une voix de crécelle vus ses films.  

Or, lorsque j’ai entendu la voix de Breillat pour la première fois, c’était pour l’entendre dire :

« Les acteurs qui ne se donnent pas, moi, je les déteste ! ».

Dans Abus de faiblesse, qu’elle a écrit avec l’aide de Jean-François Kervéan, elle affirme :

« En tant que réalisatrice, je suis la propriétaire des corps ».

On peut reprocher à Breillat ses méandres bourgeois, sa mauvaise foi, son égocentrisme, sa négligence envers celles et ceux qu’elle est censée protéger et non exposer.

Il demeure que , sans employer les termes  désormais très à la mode tels que « déconstruire », « empowerment », « transgresser », sans s’affirmer être une personne « rock and roll » et sans être une influenceuse pourvue de millions de followers, Breillat est, pense et fait ce que d’autres ne font qu’annoncer, fantasmer ou répéter.

Breillat, toute entière, n’en fait qu’à sa tête. Elle le fait comme quelqu’un d’insupportable peut le faire mais aussi comme un Joao César Monteiro que j’ai été étonné qu’elle cite et dont La Comédie de Dieu (1995)  m’avait…époustouflé. Pour aimer ce film, il faut au moins aimer les gentils fous, la fantaisie, l’insolence, mais aussi le plaisir et l’érotisme.

C’est comme cela que je m’explique que Breillat puisse être l’amie de la réalisatrice Claire Denis (je l’ai appris en lisant Abus de faiblesse). Mais c’est aussi comme ça que je m’explique l’apparition dans L’été dernier de l’avocat- aux extrêmes limites de la loi et des bonnes convenances- Karim Achoui.

Karim Achoui, en plus d’être cet avocat doué, roué et charismatique très fortement soupçonné de baigner dans le grand banditisme, serait ou a été un des « amis » de Christophe Rocancourt d’après ce qu’en dit Breillat également dans Abus de faiblesse, paru en 2009. Karim Achoui est celui qui a « écrit » en 2008 Un avocat à abattre  d’après la tentative d’assassinat dont il a été victime en 2007. On peut le voir, à l’image de Rocancourt, mais aussi de Breillat, comme quelqu’un qui joue ou a  souvent joué sa vie- et ses réussites- à la roulette :

Achoui, avec son savoir faire avec la loi et son métier d’avocat ; Rocancourt avec son habilité à habiter ses mensonges et à y faire entrer et participer – en toute confiance, jusqu’à les amener à un état avancé de dépendance-  ses victimes ; Breillat, avec son œuvre cinématographique et littéraire dans lesquelles elle transpose sa conscience et son intimité.

Breillat aurait été capable de suivre le tueur en série Guy Georges dans une chambre d’hôtel, de lui faire payer la chambre, de lui faire une scène, sans coucher avec lui, de l’étudier et de lui parler toute la nuit de telle façon, qu’à la fin, soulagé d’être délivré d’elle, Guy Georges aurait pu s’exclamer : « Elle m’a pris la tête ! ».

Pour ces quelques raisons autant que pour ces déraisons, je n’ai pas fini de voir ou revoir, mais aussi de lire ou d’entendre les propos et les œuvres de Madame Catherine Breillat, aussi insupportable que remarquable. J’aimerais bien, si elle le peut, si elle le veut, que Catherine Breillat fasse quelque chose avec « l’autre » Catherine, celle qui reste des Parapluies de Cherbourg de Demy. Mais c’est peut-être déjà trop tard ou cela l’a peut-être toujours été. Après tout, Léa Drucker dans L’été dernier, c’est un peu Catherine Deneuve ou Isabelle Huppert, plus jeunes.

Franck Unimon, ce mercredi 1er novembre 2023.