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Leave no Trace

L’actrice Thomasin McKenzie et l’acteur Ben Foster. Photo issue du site allocinĂ©

                                                 Leave no Trace

 

Instinctivement,  et avec un petit peu de chance, pour survivre Ă  une guerre,  il est peut-ĂŞtre nĂ©cessaire de prĂ©fĂ©rer sa vie Ă  son âme. Plus tard, oĂą que l’on soit, notre âme saura nous rappeler ce choix : il n y a pas de meilleure proie pour elle que celle ou celui que l’on croĂ®t ĂŞtre. Le trauma ou la culpabilitĂ© feront alors partie des tomahawks de notre âme. Et nos parcours de reconnaissance, les plus prudents comme les plus sophistiquĂ©s, seront plus d’une fois pris de court par la trajectoire de ses tomahawks.  

 

Leave no trace raconte l’histoire d’un père et de sa fille Tom, adolescente. Tous deux ont dĂ©cidĂ© de vivre en autarcie en pleine nature, dans les Etats-Unis d’aujourd’hui, Ă  l’abri des hostilitĂ©s du monde urbain contemporain. Ils ont rompu le fil avec la toile d’internet, des rĂ©seaux sociaux et des multiples mutations technologique comme avec la toile de Spiderman. Bien que blancs, leur mode de vie est bien plus proche de celui des AmĂ©rindiens d’avant l’arrivĂ©e des colons europĂ©ens et du dĂ©part du gĂ©nocide que du mode de vie rĂ©siduel des geeks. A les voir aussi bien rĂ´dĂ©s  dès le dĂ©but du film, on comprend que cela fait dĂ©ja un bail  que ça dure. Pour nous, citadins remorquĂ©s par toute une gestuelle industrielle et administrative, leur quotidien sera l’équivalent de vingt fois le sommet de l’Annapurna et de plusieurs gĂ©nĂ©rations d’existences Ă  la dure. Pour eux, vivre de cette façon est tout ce qu’il y a- Ă  peu près- de plus normal. Ils ne lisent donc pas les diverses chroniques du site UrbanTrackz et n’en n’entendront sans doute jamais parler. En plus, ils n’ont mĂŞme pas la radio. Mais quelques livres dont un dictionnaire.

 

Jennifer Lawrence, dans  » Winter’s Bone ». En voyant ce film au cinĂ©ma Ă  sa sortie, mĂŞme si j’avais beaucoup aimĂ© le film, je ne m’attendais pas Ă  ce que moins de cinq ans plus tard, cette actrice connaisse une telle accĂ©lĂ©ration de sa carrière. Photo issue du site allo cinĂ©

 

 

Dans son film Winter’s Bone (rĂ©alisĂ© en 2010), dĂ©jĂ , qui avait fait connaĂ®tre l’actrice Jennifer Lawrence et lui avait ensuite permis en Ă  peu près cinq ans, top chrono, de devenir une actrice oscarisĂ©e et remarquable, la rĂ©alisatrice Debra Granik, mettait en scène la « relation Â» de Ree, jeune femme de 17 ans, avec son père. La jeune Ree (l’actrice Jennifer Lawrence, donc), aĂ®nĂ©e de plusieurs enfants,  vivait dans cette AmĂ©rique- blanche- oubliĂ©e ou profonde, rurale et rĂ©gulatrice de ses propres lois. Cette AmĂ©rique, dans la forĂŞt des Ozarks, Ă©tant l’une des rĂ©vĂ©latrices et des cicatrices d’un certain inconscient amĂ©ricain.

Au dĂ©but de Winter’s Bone,  Ree apprenait que leur père, «  ancien dealer Â», avait mis leur maison en caution et qu’ils  risquaient donc l’expulsion (ça vous rappelle un chouĂŻa  The Hunger Games ?). Cela la dĂ©cidait Ă  sortir de la maison et Ă  partir Ă  la recherche de leur père parti plus longtemps que d’habitude. Dehors, dans ce patelin de l’Etat du Missouri, la frĂ©quentation de la famille paternelle s’avĂ©rait ĂŞtre un danger potentiel parmi d’autres :

 

L’acteur John Hawkes dans  » Winter’s bone » que j’ai plutĂ´t Ă©tĂ© habituĂ© Ă  voir jouer des gentils garçons. Jusqu’Ă  ce que je le voie dans  » Winter’s bone ». Photo issue du site allocinĂ©.

 

Le frère aĂ®nĂ© du père ( l’acteur John Hawkes, très bon dans ce rĂ´le et si diffĂ©rent de celui qu’il tient dans Moi, toi et les tous autres de et avec Miranda July, 2005)  Ă©tant la version humaine d’un loup très superficiellement socialisĂ© et  pouvant se montrer aussi menaçant que violent.  

 

 

MYAB_05-17_02449.CR2. L’actrice Thomasin McKenzie et l’acteur Ben Foster dans  » Leave no Trace ». Photo issue du site allocinĂ©

 

 

 

Dans Leave no trace, la jeune Tom (l’actrice Thomasin Mc Kenzie) et l’acteur Ben Foster vont un peu plus loin dans la relation entre un père et sa fille. Dans une forĂŞt, ils dorment cĂ´te Ă  cĂ´te dans une mĂŞme tente en pleine nature Ă  l’écart de tous et entretiennent entre eux la mĂŞme relation fusionnelle et symbiotique que celles qu’ils fondent avec cet environnement naturel situĂ© aux abords de la ville de Portland, Oregon.  Ils y ont Ă©tabli leur campement provisoire. On pourrait les voir comme des espèces de babas cool ; comme un père et une fille ayant une relation incestueuse ou comme ces nombreux « Ă©vaporĂ©s Â» de la sociĂ©tĂ© japonaise qui font partie des dĂ©classĂ©s de la sociĂ©tĂ©.

 

 

Rambo I
Rambo: first blood
1982
RÂŽal. : Ted Kotcheff
Sylvester Stallone
Collection Christophel Photo issue du site allociné

 

On pourrait aussi voir ce film comme une dĂ©clinaison du personnage de Rambo vivant dans la forĂŞt avec sa fille puisque le type d’entraĂ®nement que le père (l’acteur Ben Foster), ancien vĂ©tĂ©ran de guerre (en Irak ou en Afghanistan ? Ce n’est pas prĂ©cisĂ©) enseigne Ă  sa fille marche sur ses traces :

 

Leave no Trace.

 

L’actrice Saoirse Ronan et l’acteur Eric Bana dans le film « Hanna » de Joe Wright. Photo issue du site allocinĂ©

 

 

L’âge un peu plus juvénile du personnage de Tom par rapport au personnage de Ree rappelle aussi celui de Hanna réalisé par Joe Wright en 2011 avec l’actrice Saoirse Ronan dans le rôle principal face à Eric Bana et Cate Blanchett.

 

L’actrice Thomasin McKenzie dans  » Leave no Trace ». Photo issue du site allocinĂ©.

 

Mais dans Leave no Trace, Debra Granik dĂ©limite très bien son sujet : on n’est ni dans une relation incestueuse et ni dans un film de Rambo. Et c’est une des nombreuses habilitĂ©s de son film qui, pourtant, par certains cĂ´tĂ©s, en tant que rĂ©alisatrice, rappelle aussi le cinĂ©ma d’une Kathryn Bigelow pour sa capacitĂ© Ă  savoir filmer, quand l’histoire le nĂ©cessite, un certain mode de contact classifiĂ© comme « viril Â» et « masculin Â». Mais  Debra Granik donne plus d’importance aux femmes et Ă  la relation. Kathryn Bigelow est plus portĂ©e sur la « castagne Â».

 

Une photo tirée du film  » Démineurs » de Kathryn Bigelow. Photo issue du site allociné.

 

 

DĂ©mineurs qui donnera l’Oscar en 2010  Ă  Kathryn Bigelow est plutĂ´t un film de « mec Â» rĂ©alisĂ© par une femme. Pendant que dans le cinĂ©ma d’un Jeff Nichols (Take Shelter, Mud, Midnight Special), ce sont plutĂ´t des hommes qui, malgrĂ© leur sensibilitĂ© maternelle et leur vulnĂ©rabilitĂ©, restent maitres de leur destin en faisant des sacrifices.   

 

 

Dans Leave no Trace, L’intervention des Rangers et leur façon d’entrer en contact, de façon « virile Â» et « masculine Â», avec le père de Tom et celle-ci dans la forĂŞt, succède ici Ă  l’intervention  de l’armĂ©e amĂ©ricaine ou des des cow-boys du temps de la colonisation des Etats-Unis au dĂ©triment des AmĂ©rindiens. Sauf qu’ici, le père de Tom, ancien vĂ©tĂ©ran de l’armĂ©e qui a donc sans doute pratiquĂ© ce mĂŞme genre d’intervention Ă  l’étranger, est ici l’égal de l’AmĂ©rindien dĂ©logĂ© de son rĂŞve terrestre. TraquĂ©, capturĂ© puis persĂ©cutĂ© par un Etat amĂ©ricain qu’il a contribuĂ©- comme des milliers d’autres- Ă  maintenir puissant et omniprĂ©sent  au delĂ  de ses frontières, le père de Tom se retrouve rĂ©introduit de force avec elle dans ce rĂŞve amĂ©ricain qu’il avait dĂ©cidĂ© de fuir et dont il a voulu, coĂ»te que coĂ»te, la prĂ©server.

Dans Leave no trace, l’ennemi n’est pas le Noir, le Latinos, l’Homosexuel, le transexuel, le musulman, le Mormon, le tueur en sĂ©rie, le dealer, le proxĂ©nète, la bande rivale, le mafieux ni mĂŞme le marginal ou la femme. Mais bien l’Etat AmĂ©ricain, son consumĂ©risme, et sa norme dominante qui sont ce rĂŞve qu’il entend continuer de perpĂ©tuer et d’imposer Ă  marche forcĂ©e avec une bienveillance aussi sincère qu’inquiĂ©tante Ă  ses citoyens.  

 

Cette bienveillance bien rĂ´dĂ©e, bien Ă©duquĂ©e, aussi puissante Ă©conomiquement que psychiquement, est bien entendu un poison invasif aussi destructeur que le glyphosate dans les cultures ou le plastique dans les ocĂ©ans :

 

Tom et son père, comme les AmĂ©rindiens, font l’expĂ©rience- obligĂ©e- de la vie dans une rĂ©serve. A partir de lĂ , on « sait Â» que cette expĂ©rience aura des effets contraires et secondaires sur Tom et son père. Et que celui-ci, comme n’importe quel parent devant son enfant devenu adolescent puis adulte, va  bientĂ´t ĂŞtre touchĂ© par l’obsolescence malgrĂ© tous ses combats et tous ses souhaits pour son enfant. Car ses projets de vie sociale comme ceux proposĂ©s par l’Etat amĂ©ricain finissent par tourner dans le vide. Ce vide est fait de mort et de dĂ©pression. Face Ă  cette mort et Ă  cette dĂ©pression, le père de Tom propose et impose une  marche et une fuite perpĂ©tuelle, concrète et nomade dans la nature.  Sur le territoire amĂ©ricain, il est restĂ© ce soldat engagĂ© dans une guerre par l’Etat amĂ©ricain hors du territoire amĂ©ricain quelques annĂ©es plus tĂ´t et qui continue de chercher Ă  prĂ©server  sa survie.  Cette guerre est un Tomahawk  dont l’impact quelque peu mystique lui a pris sa vie,  lui laissant l’éclat apparemment intact de son corps et de certaines convenances sociales telles que la politesse. Mais les Ă©lans chaloupĂ©s du titre Natural Mystic de Bob Marley ont malheureusement Ă©tĂ© largement arrachĂ©s par l’implantation d’un lancinant syndrome post-traumatique ou PTSD en Anglais.

 

Cette guerre qui sĂ©questre le père de Tom est une fenĂŞtre aussi impossible Ă  refermer qu’à expulser. Soit tout le contraire de son corps dont la prĂ©sence sur le sol amĂ©ricain dĂ©range les Lois de l’Etat amĂ©ricain. Son corps sans dĂ©rogation peut donc ĂŞtre expulsĂ© ou manipulĂ© par les rangers ou sollicitĂ© par les forces sociales qui essaient de le rĂ©insĂ©rer dans un bercail (la rĂ©serve, un mĂ©tier imposĂ©) qui est en contradiction avec ses entrailles…mais qui sĂ©duit et rassure en partie sa fille, Tom, la moitiĂ© saine de ses entrailles, qui est la seule personne avec laquelle son esprit accepte et souhaite encore ĂŞtre reliĂ©. Si le professeur Xavier des X-Men Ă©tait lĂ , il dirait Ă  propos du père de Tom que celui-ci refuse de le laisser entrer dans ses pensĂ©es et ses Ă©motions.  

 

 

De son cĂ´tĂ©, face Ă  la mort Ă  la dĂ©pression, l’Etat amĂ©ricain, lui,  propose et impose Ă  ses citoyens, sĂ©duits ou forcĂ©s, de rester reliĂ©s Ă  une fuite perpĂ©tuelle, concrète et sĂ©dentaire dans le consumĂ©risme et une certaine vie urbaine et connectĂ©e. Il faut se rappeler que des citoyens tels que Edward Snowden ou Bradley Manning( dĂ©sormais Chelsea Manning), considĂ©rĂ©s comme des traitres Ă  la Nation amĂ©ricaine ou comme des  « lanceurs d’alerte Â», sont au dĂ©part des citoyens amĂ©ricains. Mais aussi des militaires particulièrement compĂ©tents dans le domaine informatique.

 

Ce n’est peut-ĂŞtre pas un hasard si un Edward Snowden, par exemple,  hyper-connectĂ©, apparemment plus Geek et plus urbain que nomade, et semblant plus proche de la figure fictive lambda du civil Mr Anderson ( NĂ©o sous son pseudo) dans Matrix (1999) des ex-frères Wachowski (dĂ©sormais Lana et Lilly) que du père de Tom dans Leave no Trace, est au dĂ©part un citoyen amĂ©ricain :

 

Pour parodier un peu les ex-frères Wachowski, Edward Snowden, en Ă©tant dans la « vraie vie » un des agents actifs au sein de «  la matrice Â» des services secrets amĂ©ricains, Ă©tait particulièrement informĂ© de cette manière dont nous sommes constamment privĂ©s de nos libertĂ©s individuelles et de nos possibilitĂ©s rĂ©elles de nous Ă©panouir en tant qu’individus malgrĂ© les vitrines, les Ă©crans, les selfies, mais aussi les crĂ©dits, et les miroirs sĂ©duisants et rassurants oĂą nous prenons plaisir Ă  rester captifs pendant des heures, de nuit comme de jour, seuls ou avec nos proches et nos aussi nombreux que «virtuels Â», rĂ©els ou Ă©phĂ©mères amis et connaissances.

 

Et, afin de prĂ©venir tout malentendu, il faut aussi voir les religions, les partis politiques, la façon dont on les pratique, certaines associations, sectes, groupes et organismes auxquels on s’identifie comme faisant aussi, potentiellement, partie de ces « vitrines, Ă©crans, selfies et miroirs sĂ©duisants oĂą nous prenons plaisir Ă  rester captifs… Â» car ils nous servent d’antidĂ©presseurs et d’anxiolytiques. Notre mode de vie connectĂ© nous laisse en effet souvent la libertĂ© de  choisir entre une certaine dĂ©pression et une certaine parano ambiante avec plein d’ilots de consommation au milieu afin de nous ressourcer.  

 

 

 Dans Leave no Trace, Tom, grâce  aussi aux apprentissages qu’elle a faits aux cĂ´tĂ©s de son père, a cernĂ© ces miroirs aux alouettes. Ceux de la sociĂ©tĂ© amĂ©ricaine ainsi que ceux de son père, qui se rĂ©vèle, malgrĂ© ses extraordinaires compĂ©tences pour la survie, ĂŞtre une sorte de petit poucet, incapable de se retrouver un foyer. Parce-que ses plaies sont devenues son vĂ©ritable foyer. Et Tom a compris qu’elle ne pourra pas l’aider davantage Ă  se sĂ©parer de ce foyer.  

 

On pourrait reprocher au film d’être une apologie idĂ©alisĂ©e du mode de vie survivaliste car il est vrai que Debra Granik nous montre une vision plutĂ´t apaisĂ©e et « peace and love Â» de cette tendance.  L’argent est ici dĂ©laissĂ© ou seulement utilisĂ© ponctuellement lorsque l’on doit en repasser, furtivement, par le « continent Â» de la sociĂ©tĂ© de consommation qui ressemble alors Ă  une gigantesque Ă©tendue dĂ©lĂ©tère.  La prioritĂ© est donnĂ©e Ă  l’entraide,  la spiritualitĂ©, la tranquillitĂ©, l’acceptation des autres et Ă  la cohabitation avec la nature.

 

 

Tom est aussi une de ces ados « modèles Â» que le cinĂ©ma nous pond rĂ©gulièrement. MĂŞme si Leave no Traceappartient plus au cinĂ©ma d’auteur ou dit indĂ©pendant qu’au cinĂ©ma grand spectacle. On peut concevoir que sa relation privilĂ©giĂ©e avec son père, faite d’affection rĂ©ciproque, alors que tant d’enfants souffrent de l’absence et du manque de complicitĂ© avec leurs parents, puisse expliquer une telle harmonie. Mais, en gĂ©nĂ©ral, dans la « vraie vie Â», lorsque l’on vit vingt quatre heures sur vingt quatre, en exclusivitĂ© avec celles et ceux qu’on aime, mĂŞme Ă  l’air libre, on finit par se crĂ©er quelques embrouilles Ă  deux balles. Alors, on en dĂ©duira que Debra Granik a voulu adoucir un peu  l’histoire suffisamment chargĂ©e comme ça.

 

Car Leave no Trace est peut-ĂŞtre un titre trompeur.

 

Après la guerre contre les Anglais pour obtenir son indĂ©pendance, après la traite NĂ©grière et les Etats esclavagistes, après le gĂ©nocide des AmĂ©rindiens, l’Etat AmĂ©ricain, Première puissance mondiale, semble incapable d’enrayer sa marche guerrière hors de ses frontières comme Ă  l’intĂ©rieur de ses terres. Ses citoyens mutilĂ©s, lynchĂ©s, dĂ©portĂ©s,  massacrĂ©s et oubliĂ©s en sont les multiples traces.  

 

 

Cet article a été rédigé avec une pensée particulière pour Aude et Pierre.

 

 

Franck Unimon, lundi 18 novembre 2019.

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Cinéma

Ad Astra

Photo issue du site Allociné.

 

 Ad Astra, un film de James Gray.

 

A travers ce nouveau film de James Gray, il y a au moins deux histoires : celle du cinĂ©ma qui rĂ©plique Ă  l’infini des histoires qui ont enchantĂ© nos aĂ®nĂ©s cinĂ©philes- avec d’autres acteurs- et que l’on nous a plus ou moins racontĂ©s ou que l’on a aperçus. Et celle de l’HumanitĂ© qui, pour diffĂ©rentes raisons, souvent du fait de ses carnages et de ses naufrages intĂ©rieurs et extĂ©rieurs, s’oblige Ă  chercher une meilleure vie dans un au-delĂ . Pour accĂ©der Ă  cet au-delĂ , l’HumanitĂ© est prĂŞte Ă  commettre d’autres crimes et d’autres horreurs tout en prĂ©textant que c’est pour avancer et pour faire Ă©voluer l’HumanitĂ©.

Pour accéder à un autre cinéma, James Gray est prêt à s’engager derrière d’autres films réalisés par d’autres dont il connaît sûrement chaque plan par cœur.

 

Il y a au moins du Apocalypse Now (Francis Ford Coppola en 1979) dans Ad Astra. Mais Brad Pitt a remplacé Martin Sheen et Tommy Lee Jones (cela aurait pu être Nick Nolte) est ici le Marlon Brando du nouveau film de James Gray. On parlera sûrement aussi de Stanley Kubrick, Terrence Malick….

James Gray est un réalisateur cultivé et multi-médaillé. Dans l’alcôve des cinéphiles, les films de James Gray sont fait de ce cuivre que bien des regards seront toujours prêts à polir alors on le suit dans ce film qui est bien le sien quelles que soient les œuvres qui l’on précédé et qui ont pu l’inspirer.

 

 

Brad Pitt est ici un super-hĂ©ros amĂ©ricain de plus qui traverse  son Vietnam, son Afghanistan, son AlgĂ©rie, son Rwanda, son Irak ou sa Syrie intĂ©rieure et antĂ©rieure ( sa furie mystĂ©rieuse) tout le long du film pour trouver et rejoindre- peut-ĂŞtre-  ce père (Tommy Lee Jones), astronaute pionnier et autre « hĂ©ros Â», parti s’établir dans l’espace en abandonnant femme et enfant (le personnage de Brad Pitt alors qu’il avait 16 ans) et que beaucoup dĂ©crivent comme Ă©tant une Ă©toile morte.

 

Entre la mémoire de celle ou de celui qui nous a abandonné et l’espoir de le retrouver intact dans le corail intergalactique, mais aussi qu’il nous guérisse de notre naufrage moral, il existe bien des récifs et des rencontres qui nous dévient ou cherchent plutôt à nous forcer à changer de sujet. Brad Pitt, homme mûr quitté par sa femme (Liv Tyler), épuisée de son absence, connaît tout ça dans Ad Astra.

 

Le film est-il rĂ©ussi ? S’agit-il d’une singerie facticement mĂ©taphysique ? Tommy Lee Jones est une Ă©toile moindre que Marlon Brando, ça c’est sĂ»r. NĂ©anmoins, ce film est un fruit mur que James Gray nous tend et que l’on aurait tort d’ignorer mĂŞme si on peut lui reprocher, un petit peu, de ne pas assumer assez la fin de son film comme s’il avait hĂ©sitĂ© entre une conclusion Ă  la Gravity et la fin fracassante (de l’HumanitĂ© ?) que sa conscience lui a pourtant, sĂ»rement, maintes fois commandĂ©e au vu de sa filmographie mais Ă  l’imminence de laquelle il continue de se dĂ©rober. James Gray n’est pas un rĂ©alisateur de commande, c’est certain. Et, nous, on en redemande.

 

Plus bas, il y a un article Ă  propos d’un autre film. Oui, le titre initial Ad Astra de cet article ne le laisse pas supposer. Et alors ? Il y a mĂŞme ensuite un autre article sur un troisième film. Vous verrez, c’est court et rapide Ă  lire. 

 

                                                           

 

Photo issue du site allociné.

 

 

 

Papicha , un film de Mounia Meddour

 

 

 

Dans l’AlgĂ©rie des annĂ©es 90 du terrorisme religieux et du couvre-feu,  une gĂ©nĂ©ration après la guerre de la libĂ©ration, Nedjma ( l’actrice Lyna Khoudri)  est une brillante Ă©tudiante et une couturière douĂ©e. La nuit, avec une de ses amies, Nedjma prend la mesure de sa jeunesse :

 Elle fait le mur, se maquille, fume et se rend en boite de nuit -en taxi- oĂą elle vend ses robes Ă  des algĂ©roises aisĂ©es. Cela, aussi, grâce aux backchichs qu’elle donne au gardien de la citĂ© universitaire qui pourrait ĂŞtre son père et qui fait l’aveugle lorsqu’elle sort et rentre au petit matin.

 

Les étoiles de Nedjma sont son pays et cette vie qu’elle veut faire défiler par ses doigts dans ses robes. Mais l’avenir de Nedjma et de ses amies se coud de plus en plus dans la toile d’araignée grandissante de l’intégrisme religieux.

 

Nedjma doit apprendre en grandissant que ce pays dans lequel elle a grandi est devenu, pour elle, un pays rĂŞvĂ© dont le seul succès vĂ©ritable, c’est la tombe et le sang. Mais incapable de se laisser convertir par cette pĂ©nombre, elle s’oppose au renoncement. Contrairement Ă  un Brad Pitt dans Ad Astra, Nedjma n’a pas d’autre planète oĂą espĂ©rer se panser en compagnie d’un père Ă©ventuel. MĂŞme si, pour elle aussi, l’amour est une dĂ©route. Patriote jusque-boutiste, Nedjma et ses amies sont menacĂ©es par celles et ceux qui s’estiment les plus purs et les plus justes tandis que d’autres, « justes Â» opportunistes, en profitent pour faire des affaires ou pour obtenir par la force ou le chantage ce que les lois de la paix rĂ©prouvent.

 

Le film  Papicha nous met devant les yeux ce « passĂ© Â» de plus en plus prĂ©sent pour lequel certains hĂ©ros et martyrs sont prĂŞts Ă  mourir afin d’en faire notre futur et notre rĂ©sidence principale. Ce n’est plus le rĂŞve amĂ©ricain et mĂ©galo dont le personnage de Tommy Lee Jones, dans Ad Astra, incarne l’impuissance devant la vie mais le rĂŞve du suicide pour tous.

 

 

Photo issue du site allociné.

 

Terminator : Dark Fate un film de Tim Miller.

 

 

 

Après avoir vu Papicha, il fallait bien sortir de la tombe et remonter la pente. Terminator : Dark Fate est fait pour ça. MĂŞme si dans les Terminator, l’avenir est très sombre, on sait que cela va bien se finir Ă  un moment donnĂ© pour les hĂ©ros. Pour les autres, celles et ceux qui font partie du dĂ©cor, hĂ© bien, ils font partie du dĂ©cor. Donc, il faut bien qu’ils servent Ă  quelque chose, Ă  mourir par exemple, afin de rendre la menace crĂ©dible et pour que nos hĂ©ros gagnent du relief et nous Ă©tonnent. Et puis, on ne va quand mĂŞme pas plaindre tous ces gens qui se font Ă©clipser dans le film :

Ils sont payés pour ça car c’est du cinéma.

 

Donc, en allant voir Terminator : Dark Fate, on ne va pas (trop) plaindre les victimes. De toute façon, les hĂ©ros font très vite leur deuil de leurs proches. Le stress post-traumatique est vite Ă©liminĂ© chez eux. LĂ  oĂą beaucoup de personnes resteraient prostrĂ©es, se feraient sur elles et seraient incapables de s’alimenter ou d’avoir une conversation sĂ©rieuse ( sur le rĂ©sultat du prochain match de Foot par exemple), lĂ , on a affaire Ă  des vrais soldats qui ne se plaignent jamais et encaissent très bien les coups durs. MĂŞme sans entraĂ®nement comme c’est le cas de Dani Ramos (l’actrice Natalia Reyes) qui, cette fois-ci, doit ĂŞtre protĂ©gĂ©e.

 

Car dans Terminator : Dark Fate l’intrigue est devenue encore plus fĂ©ministe qu’à l’origine. Trois hĂ©roĂŻnes pour un hĂ©ros. Ça donne bien-sĂ»r de la nouveautĂ©. Trois femmes et, pourrait-on dire, trois types de femmes :

 

Sarah Connor (l’actrice Linda Hamilton) une vieille blonde très masculine.  Grace (l’actrice Mackenzie Davis) une (grande) femme blonde augmentĂ©e Ă  la Ghost in the shell ou empruntĂ©e Ă  Blade Runner (il y a bien des prĂŞts de joueurs entre clubs de Football)  mais en plus humaine et en plus friable. Et Dani Ramos, une Latinos qui va se dĂ©couvrir l’hĂ©roĂŻne d’une histoire dans un pays ou le PrĂ©sident amĂ©ricain actuel (Trump) qu’elle ne connaĂ®t pas et qui n’est jamais citĂ© en veut Ă  son peuple de l’autre cĂ´tĂ© de la frontière.

 

Même le méchant (l’acteur Gabriel Luna) a un physique de Latinos. Schwarzie, lui, vieillit bien (72 ans) comme souvent. Et en voyant le film, je me suis dit que cela allait nous faire tout drôle lorsqu’il allait disparaître pour de bon. Parce qu’à force de l’avoir vu dans Terminator et revenir, surtout, plusieurs fois dans Terminator, je suis sûr que nous sommes des millions à désormais croire que cet homme est indestructible car il a toujours été là sur nos écrans. Avant Trump. Avant Daech. Avant Bachar El Assad. Avant Poutine. Avant les gilets jaunes. Avant Macron. Ça va nous faire tout drôle lorsqu’il sera parti pour de bon. Alors on profite bien de son humour dans Dark Fate car c’est lui qui en transporte le plus tout en nous parlant des Etats-Unis et de leurs rapports aux armes à feu. Terminator/Schwarzie a aussi une certaine vision- drôle- de la vie de couple.

 

Mais ayons un mot tout particulièrement pour l’actrice Linda Hamilton qui rempile dans le film Ă  près de 70 ans ou peut-ĂŞtre plus (63 ans dans les faits : pourvu qu’elle ne lise pas mon article). Oui, elle a vieilli. Mais quelle vieille ! On ne la trouvera pas Ă  l’EHPAD, elle. Ou alors, c’est elle qui dirigera le personnel et lui fera faire des pompes (Ă  insuline ou Ă  hĂ©parine).

 

Les actrices Linda Hamilton et Dani Ramos. Photo issue du sité allociné.

 

Cependant, un dĂ©tail en particulier me retient lorsque je repense Ă  Linda Hamilton dans le film :

J’ai plutĂ´t entendu dire qu’avec la mĂ©nopause, les femmes devenaient de grandes candidates Ă  l’ostĂ©oporose et aux fractures. Dans Dark Fate, l’actrice Linda Hamilton (Sarah Connor) se fait brutaliser plus d’une fois par le Terminator lĂ©tal ( l’acteur Gabriel Luna). Et elle n’a pas une fracture. A peine un petit bleu. MĂŞme pas un Ĺ“dème ou une varice qui explose. C’est un indice : Linda Hamilton, aussi, nous survivra. Et, c’est tant mieux.

 

Lorsque nous serons morts, nous la laisserons, elle et Schwarzenneger/Terminator s’expliquer avec les intégristes qui ont fait tant de mal à Nedjma et ses amies dans Papicha. En espérant qu’outre-tombe, il y ait des écrans plats partout avec beaucoup de bons programmes télés, avec des bons films, des bons documentaires, des bons débats et une bonne télécommande. Mais sans la pub. La pub, ça attire les vers et après ça, on ne peut plus rien voir jusqu’à ce que le programme reprenne.

 

Franck Unimon.

 

 

 

 

 

 

 

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Crédibilité

Crédibilité

 

 

                                                                     CrĂ©dibilitĂ©                                                   

 

 

Nous étions une cinquantaine ce matin à attendre l’arrivée des membres de la direction. Il faisait un peu frais et l’atmosphère était humide. Certaines et certains portaient le brassard de leur délégation syndicale voire un drapeau. Un bon nombre, comme moi, portait uniquement ses vêtements ordinaires.

 

La veille, une de mes collègues avait insisté pour être présent afin d’exprimer de nouveau à notre direction certaines de nos doléances. Elle m’avait convaincu de venir. Et, ce matin, je ne la voyais pas. Mais j’avais reconnu deux autres collègues que je n’attendais pas. Et, j’avais fait la toute dernière partie du trajet avec une militante qui était venue un matin faire un remplacement dans notre service et que j’avais reconnue.

 

Un des dĂ©lĂ©guĂ©s syndicaux, animant la manifestation, a fait du bruit avec d’autres manifestants. Assez vite, une personne est venue « nous Â» prier de nous faire plus discrets car des personnes Ă©taient en train de passer un examen. Je suis restĂ© lĂ  Ă  regarder et Ă  Ă©couter ce qui se passait :

Ce matin, comme lors des quelques fois où j’ai manifesté depuis mes études, j’étais venu pour être présent, écouter, éventuellement faire des rencontres et comprendre un peu mieux ce qui se passait. Pas pour faire du bruit et encore moins pour casser que ce soit une ambiance ou des objets.

 

Devant la persistance du « bruit Â», d’autres personnes, prĂ©sentes comme nous dehors devant le bâtiment de la direction, ont alors entrepris de nous « raisonner Â» afin de faire moins de bruit. Jusqu’alors, je les prenais pour des manifestantes comme nous (c’étaient exclusivement des femmes). Un de mes collègues, dont j’ai dĂ©couvert ce matin le militantisme Ă©prouvĂ©, a rĂ©torquĂ© Ă  l’une d’entre elles que ce n’était pas son problème ! Puis, il lui a tournĂ© le dos.

 

J’ai essayé d’en savoir un peu plus. Je me suis approché de ce groupe de femmes qui nous avait adressé quelques sourires et dont plusieurs fumaient une cigarette en attendant une échéance qui se révélait être différente de la nôtre.

L’une d’elle m’a alors expliquĂ© que le bruit que nous faisions alors que d’autres personnes, des collègues, passaient leur examen, nuisait Ă  notre dĂ©marche. Et que notre attitude avait plutĂ´t pour effet de nous retirer de la « crĂ©dibilitĂ© Â». Il fallait donc comprendre que nous Ă©tions une cinquantaine de demeurĂ©s et que nous ferions mieux de la fermer tel un troupeau en quarantaine afin d’être Ă©coutĂ©s et pris en considĂ©ration.

 

J’ai rĂ©pondu plutĂ´t diplomatiquement Ă  cette personne :

« Il n’y a pas de façon idĂ©ale pour s’y prendre Â». «  Avant ce matin, il y a eu toutes ces fois oĂą nous n’avons pas fait de bruit et oĂą nous nous sommes bien tenus. Et, finalement, nous sommes obligĂ©s de revenir pour redire des choses qui ont dĂ©jĂ  Ă©tĂ© dites Â».

J’ai ajoutĂ© :

« Ce matin, je ne suis pas venu pour faire du bruit ou pour dĂ©ranger celles et ceux qui passent un examen Â».

 

Je ne me souviens pas de ce que m’a alors rĂ©pondu cette « collègue Â». Mais j’ai nĂ©anmoins retenu que celles et ceux que nous Ă©tions susceptibles de perturber lors de leurs examens avaient pour but de devenir de futurs cadres. Et que celle Ă  laquelle je venais de m’adresser faisait vraisemblablement partie de ces futurs cadres ou en tout cas aspirait Ă  le devenir.

Je n’ai pas développé ce sujet avec elle. Je n’étais pas venu pour ça et le dialogue, ce matin, était déjà devenu impossible entre elle, ses semblables, et nous. Mais je me suis ensuite demandé quel genre d’employé(e) avait été cette éphémère interlocutrice et ses semblables et ce qu’elle avait bien pu percevoir de son milieu professionnel.

 

L’ironie veut qu’en me rendant ce matin Ă  cette manifestation, je suis passĂ© Ă  cĂ´tĂ© du bâtiment de l’ANFH. L’ironie rĂ©side dans le sujet marquĂ© au tableau dans une des salles de l’ANFH devant un groupe de professionnels :

 

« Connaissez-vous vraiment l’environnement professionnel dans lequel vous Ă©voluez?».

 

En m’éloignant de cette salle de cours, aperçue depuis la rue, afin de me rendre à cette manifestation, j’avais jugé cette question très sensée d’une manière générale. J’ignorais que dix minutes plus tard, j’allais faire l’expérience concrète que nous pouvons, en exerçant le même métier, avoir une connaissance opposée de notre environnement professionnel. A moins que mon interlocutrice éphémère et moi ayons, dès le début, toujours évolué dans des environnements professionnels totalement différents en exerçant, pourtant, le même métier.

 

Il y a presque dix ans maintenant, je m’étais rendu Ă  l’hĂ´pital Ville-Evrard pour assister Ă  un colloque dont le sujet Ă©tait : « Patients difficiles et dangereux ».

 

Lors d’une intervention, une cadre infirmière, accompagnĂ©e d’une infirmière, avait dĂ©crit une situation dans un service oĂą, « administrĂ©e Â» au moins par une pĂ©nurie de personnel et de tabac, en l’absence d’un mĂ©decin un jour de week-end, le personnel soignant prĂ©sent pouvait se retrouver durement exposĂ© Ă  la violence- et aux manques- des patients. J’avais voulu faire le beau et, au micro, j’avais alors dit qu’en entendant cette description, cela donnait l’impression d’une « profession Ă  bout de souffle Â». Très vite, des soignantes s’étaient empressĂ©es de me voir comme le traĂ®tre qui les mĂ©prisait et les jugeait. Et plusieurs d’entre elles avaient tenu Ă  affirmer qu’elles n’étaient pas Ă  bout de souffle !

 

J’avais optĂ© pour ne pas rĂ©pondre. J’aurais sans doute dĂ». J’aurais sans doute dĂ» reprendre la parole- et le micro qui s’était « envolĂ© Â»- et mieux expliquer que je ne comprenais pas que des professionnels continuent- encore- d’accepter des conditions de travail contraignantes et dĂ©valorisantes en restant dans le mĂŞme service. Tout en se plaignant. Pendant des annĂ©es.

Ce jour-lĂ , j’aurais sans doute dĂ» dire aussi que dans ce colloque, comme souvent, la parole Ă©tait (reste ) la propriĂ©tĂ© et la proie de celles et ceux qui ont le pouvoir hiĂ©rarchique et administratif tandis que le « petit Â» personnel attend plutĂ´t sagement ou avec crainte qu’on la lui donne ou que les « puissants Â» dĂ©livrent la solution magique tant espĂ©rĂ©e ou un quelconque sortilège Ă  mĂŞme d’annihiler tous ces cauchemars qui repoussent plus vite que l’hydre.

 

Depuis, environ dix ans plus tard, et plusieurs fois, lors de manifestations (pas uniquement Ă  l’hĂ´pital), j’ai dĂ©jĂ  vu Ă©crit les termes «  Ă  bout de souffle Â». Je ne connais pas ces personnes qui ont Ă©crit ça.

 

 

Ce matin, il y avait trop de bruit pour moi dans les escaliers lorsque nous sommes montés rejoindre les dirigeants de l’hôpital. Nous étions pourtant censés le faire discrètement. Fort heureusement, nous avons seulement eus un ou deux étages à monter.

 

La salle était déja préparée pour un CTE. Et d’une cinquantaine, nous sommes passés à environ soixante dix ou quatre vingt personnes dans cette assez grande salle. Du café chaud, du sucre et du jus d’orange étaient à disposition à l’entrée. Quelques personnes, parmi les manifestants, se sont servies.

 

Le directeur de l’hĂ´pital et ses adjoints Ă©taient debout cĂ´te Ă  cĂ´te. Sur la « pancarte Â» posĂ©e sur la table devant eux, Ă  leur place, se trouvaient leur prĂ©nom et leur nom.  C’était la première fois que je pouvais mettre un visage sur trois de ces noms dont j’avais dĂ©jĂ  entendu parler. Je ne crois pas qu’ils se soient amusĂ©s Ă  intervertir leur place. Je ne crois pas non plus que ce soit eux qui aient Ă©crit leur propre prĂ©nom et leur propre nom sur leur « pancarte Â». Et, je ne crois pas non plus qu’ils se soient chargĂ©s de l’intendance qui avait permis Ă  cette salle d’être prĂ©sentable comme elle l’était.

 

Le dĂ©lĂ©guĂ© syndical « animateur Â» s’est adressĂ© en prioritĂ© Ă  nos trois dirigeants principaux. Trois hommes. Tout le reste du staff des dirigeants Ă©tait constituĂ© de femmes. La secrĂ©taire du CTE Ă©tait aussi une femme. Mais sĂ©parons-nous tout de suite de certains prĂ©jugĂ©s si c’est possible :

 

Dès qu’une personne adopte les codes et la culture d’un certain mode de management et de dĂ©cision, le fait qu’il soit un homme ou une femme importe peu. LĂ , je souligne que les trois dirigeants principaux et officiels sont des « hommes Â» pour rappeler comment s’organise encore le Pouvoir dans « notre Â» hĂ´pital Ă  l’image du monde politique, de notre pays, de notre culture. Et du monde.

 

C’est bien Ă  des hommes politiques que nos trois dirigeants en costume m’ont fait penser ce matin. Chacun son style :

 

L’un avait un visage avec les yeux cernĂ©s du cuir de celui qui a de la poigne, de l’endurance et dont l’énergie est celle d’une locomotive que rien ni personne ne doit arrĂŞter.

L’autre, crâne rasĂ©, lunettes bien pensĂ©es, avait l’attitude zen de celui qui  reste en Ă©quilibre stable quelle que soit l’averse ou le courant.

Le troisième enfin, avait le petit sourire fin, presque invisible, de celui qui vous lacère entre deux rais de lumière avec le savoir-faire et le savoir-taire de la hyène.

Et puis, il y avait celles qui étaient à leurs côtés ou de part et d’autre de la pièce et dont il est difficile de connaître avec précision l’exacte capacité de décision et de réflexion ainsi que leur plan de carrière ou de cimetière.

 

Le trio nous a tranquillement regardĂ© entrer dans la salle comme s’il assistait pour la Ă©nième fois au mĂŞme cirque de manifestation : slogans, quelques coups de sifflet.

 

Après deux ou trois minutes, le calme s’est fait et le dĂ©lĂ©guĂ© syndical « animateur Â» a parlĂ© et dit que la parole allait ĂŞtre donnĂ©e aux employĂ©s prĂ©sents. Le directeur de l’hĂ´pital a rĂ©pondu qu’une CTE Ă©tait prĂ©vue pour dĂ©buter Ă  9h30 (Ă  peu près l’heure oĂą nous sommes entrĂ©s dans la salle). Il a demandĂ© Ă  la secrĂ©taire de la CTE s’il Ă©tait possible d’accorder «  cinq minutes Â» pour Ă©couter. La secrĂ©taire de la CTE, debout et Ă  l’écart des dirigeants, derrière les manifestants, a rapidement rĂ©pondu qu’elle Ă©tait d’accord ! Elle ne paraissait pas plus effrayĂ©e que ça.

 

 Après un petit silence, un employĂ© a pris la parole. Au bout d’une minute environ, le directeur lui a coupĂ© la parole au ton de :

« Nous n’abordons pas les situations personnelles en CTE ! Â». L’employĂ© ne s’est pas laissĂ© faire. Un dĂ©lĂ©guĂ© syndical a fait valoir que cet employĂ© exprimait une situation qui concernait tout un service.

 

D’autres dolĂ©ances ont Ă©tĂ© exprimĂ©es. Des heures sup non payĂ©es. L’impossibilitĂ© de joindre le service de la DRH et l’obligation d’en passer dĂ©sormais par une boite vocale. La pĂ©nurie de personnel. L’absence d’une stratĂ©gie de recrutement. La fermeture des services. La disparition de ce qui faisait l’attractivitĂ© d’un hĂ´pital (crèche, aide au logement…). L’hygiène : une employĂ©e a remarquĂ© qu’il y avait des souris dans certains services mais a constatĂ© qu’il n’y en n’avait pas dans cette salle de rĂ©union !

 

Une militante a interpelĂ© le directeur :

« Certaines personnes ont fait une heure trente de trajet pour venir ce matin, alors regardez-les bien!». Le directeur a alors rĂ©pondu qu’il venait de remercier toutes les personnes prĂ©sentes. Comme il avait aussi dit que certains des sujets qui venaient d’être Ă©voquĂ©s allaient ĂŞtre abordĂ©s lors de cette CTE.

 

Un peu plus tĂ´t, le dirigeant Â« zen Â», lorsqu’il avait rĂ©pondu, avait levĂ© l’index tout en s’exprimant. Le dirigeant « hyène Â», lui, n’a pas lâchĂ© un seul mot.

Une des dirigeantes a eu quelques sourires. Cela a fini par lui ĂŞtre reprochĂ© par une employĂ©e qui a trouvĂ© insupportable qu’elle puisse sourire ainsi alors que l’on parlait de « burn-out Â» du personnel. La dirigeante s’est alors dĂ©fendue de prendre cela Ă  la lĂ©gère.

 

J’aimerais revoir plusieurs de ces personnes, isolĂ©es et sorties de leur rĂ´le de dirigeant lors de circonstances imprĂ©vues, par exemple en vacances, avec femmes ou compagnons ainsi qu’avec leurs enfants voire avec leur animal domestique s’ils en « ont ». Si certaines resteraient bien-sĂ»r emmurĂ©es dans le mĂŞme type de relation, d’autres seraient sans doute plus frĂ©quentables. Mais nous n’Ă©tions pas lĂ  pour parler de ça.

 

Nous sommes partis vers 10h. Nos cinq minutes d’intervention avaient finalement duré vingt bonnes minutes.

Puis, en bas, et dehors, Ă  nouveau devant le bâtiment oĂą nous nous Ă©tions donnĂ©s rendez-vous ce matin, le dĂ©lĂ©guĂ© syndical « animateur Â» a fait la conclusion de ce qui s’était passĂ©. Il a dit que nous nous Ă©tions très bien exprimĂ©s. Que maintenant allait se dĂ©rouler la CTE au cours de laquelle des reprĂ©sentants du personnel allaient nous dĂ©fendre. Et qu’il importait d’être prĂ©sent pour la manifestation le 14 novembre.

 

 

Ce 20 novembre, le film Les misĂ©rables ( prix du jury Ă  Cannes cette annĂ©e)  de Ladj Ly va sortir en salles. Dans une interview, Ladj Ly a dĂ©clarĂ© que cela faisait des annĂ©es que bien des gens sont  des gilets jaunes dans les banlieues. Dans diffĂ©rentes catĂ©gories de la population et de certaines professions, les gilets jaunes sont lĂ©gion depuis des annĂ©es voire depuis une bonne gĂ©nĂ©ration. Et c’est bien-sĂ»r le cas dans le milieu de la SantĂ©. Dans les annĂ©es 80, le professeur Schwartzenberg, bref Ministre de la SantĂ© et cancĂ©rologue rĂ©putĂ©, devant les manifestations infirmières, avait Ă  peu près dit :

 

«  Le gouvernement n’a pas le droit de laisser pourrir cette grève Â». C’est pourtant ce qui s’était produit. Il y a trente ans et depuis plus de trente ans, les diffĂ©rents gouvernements ont laissĂ© pourrir bien des grèves infirmières et autres ( voir le documentaire rĂ©cemment sorti de Jean-Pierre Thorn L’âcre parfum des immortelles).

C’est une certaine vision du monde, une certaine mĂ©thode de gestion et de management intensive et rĂ©pĂ©titive qui nous a amenĂ©s Ă  ĂŞtre lĂ , ce matin, comme d’autres et d’autres fois. Pourtant, ce matin,  aucun d’entre nous ne portait de gilet jaune. Bien qu’il soit possible que certains d’entre nous aient dĂ©ja manifestĂ© avec des gilets jaunes. Comme si, sans mĂŞme nous concerter, nous nous Ă©tions tous appliquĂ©s Ă  bien nous dĂ©marquer du mouvement des gilets jaunes.

Et, Ă©videmment, aucun d’entre nous n’a cassĂ©, menacĂ© ou insultĂ© non plus qui que ce soit ou quoique ce soit. Un classique lors de nos manifestations. Comme il est aussi classique que le personnel soignant, lui, parte Ă  la casse, le plus souvent en silence et dans l’oubli des «dirigeants Â». Lesquels dirigeants font peut-ĂŞtre vĂ©ritablement, par moments, quand ils sont pris d’un sursaut de conscience et lorsque la durĂ©e de leur « mandat » le leur permet, ce qu’ils peuvent, mais qui ne peuvent pas, aussi, combler tout ce qui a pu ĂŞtre nĂ©gligĂ© et oubliĂ© pendant des annĂ©es avant eux.

 

Les trois dirigeants que nous avons vus ce matin n’avaient pas peur de nous. A l’hĂ´pital, c’est une tradition sĂ©culaire d’avoir des employĂ©s qui ont, dans leur grande majoritĂ©, peur de leurs dirigeants. Que les dirigeants soient directeurs d’hĂ´pital, responsables du service de DRH, mĂ©decins ou cadres. Comme dans toute entreprise, il y a une sorte d’organigramme un peu militaire qui y rĂ©gente les relations humaines selon les vertiges hiĂ©rarchiques. Avec cette particularitĂ©, je le rappelle, que nous parlons d’un personnel majoritairement fĂ©minin dans un monde dirigĂ© par des hommes. Personnel soignant dont les principales motivations sont de soigner et d’assister et non de se bagarrer Ă  l’image de ces combattants- armĂ©s- qui sont entraĂ®nĂ©s et aguerris pour survivre, nuire, dĂ©truire, tuer et proscrire. Les dirigeants politiques-  et bien d’autres dirigeants- savent construire leurs discours, leurs attitudes et leurs projets en fonction de ces motivations et de ces particularitĂ©s d’engagement :

On ne s’adresse pas à Rambo ou à Terminator de la même façon que l’on va s’adresser à un soignant, celui-ci fut-il légitimement en colère et en nombre.

 

 

Ce matin, nous sommes repartis sans faire de bruit. Le jour oĂą des dirigeants dĂ©cideront de faire matraquer  par des forces de l’ordre celles et ceux dont le mĂ©tier est de soigner, sans doute que beaucoup changera. En attendant, nous continuons de nous adresser Ă  celles et ceux qui ont pouvoir de dĂ©cision, et, en principe de rĂ©flexion, car nous pensons que c’est comme ça qu’il faut faire. Que c’est comme cela que nous pouvons gagner en crĂ©dibilitĂ©.

 

 

 

Franck Unimon, mardi 5 novembre 2019.

 

 

 

 

 

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Massage assis

 

 

                                                              Massage Assis

« A un moment, il faut rendre leur corps aux gens Â» m’avait dit ma tutrice en formation massage. C’était il y a trois ou quatre ans. Je me trouvais alors chez elle et sa compagne près de la gare de l’Est. Je venais de lui faire un massage sur table.

 

«  Le corps, c’est l’inconscient Â» m’avait dit un collègue pĂ©dopsychiatre et lacanien que je n’ai jamais massĂ© et que j’ai du mal Ă  imaginer recevant un massage. Ce collègue brillant et attachant fait selon moi partie de toutes ces personnes atteintes profondĂ©ment par ce que j’appelle la nĂ©vrose de «  la pensĂ©e souveraine Â».  Mais il est possible que je me plante complètement :

Dans certaines conditions -qu’elles choisissent- beaucoup de personnes peuvent  nous Ă©tonner par leur ouverture d’esprit.

 

«  Le massage peut permettre certaines dĂ©rives sectaires Â» m’avait Ă  peu près dit une amie kinĂ© avec laquelle nous avions, un moment, envisagĂ© de rĂ©aliser des massages Ă  quatre mains sur table.

 

«  Le massage, c’est un bon moyen de drague ? Â» m’avait demandĂ© lors d’un Ă©vĂ©nement techno, avec un air « complice Â», un jeune commercial sĂ»rement dĂ©jĂ  particulièrement douĂ© pour sĂ©duire.

 

«  J’ai dĂ©jĂ  fait (reçu) plein de massages Â» m’avait dit mon « cobaye Â» : un robuste moniteur de plongĂ©e et d’apnĂ©e, motard par ailleurs. Il se trouvait alors sur la table de massage et j’étais en train de lui masser le dos dans ce centre de plongĂ©e et d’apnĂ©e que je dĂ©marchais afin d’y proposer mes services.

 

Un de mes amis d’enfance avait, soudainement, entrepris de satisfaire un besoin urgent alors que je le massais sur table : consulter ses sms.

 

Mon petit frère (déjà adulte) était resté endormi cinq bonnes minutes sur la table après que j’aie eu fini de le masser la première fois.

 

Lors d’un Ă©change de pratiques de massages, il m’est arrivĂ© de me faire masser par un homme qui, en cours de route, avait eu envie d’un autre genre d’échanges. Nous Ă©tions chez lui et j’étais sur la table tandis que le programme radiophonique de France Culture diffusait son contenu. Cette erreur d’aiguillage, rĂ©gulĂ©e Ă  un moment donnĂ©, a aussi fait partie de ma formation. Et de celle de ma compagne. Comme elle me l’a ensuite dit lorsque je lui ai racontĂ© :

« Tu as de la chance d’avoir une femme comme moi Â».

 

Après le judo, après quelques expĂ©riences de comĂ©dien au théâtre et au cinĂ©ma dans des courts-mĂ©trages, après l’écriture, après la plongĂ©e, après le journalisme (bĂ©nĂ©vole) cinĂ©ma, après des annĂ©es d’exercice en psychiatrie et en pĂ©dopsychiatrie, je m’étais dĂ©cidĂ© Ă  suivre l’exemple d’autres collègues de mon service afin de me former au massage bien-ĂŞtre. Avant « Ă§a Â», plus jeune, je voulais ĂŞtre kinĂ© pour travailler dans le sport. Je voulais ĂŞtre journaliste. Faire de la philo et de la psycho.

Je m’étais finalement arrĂŞtĂ© Ă  la formation d’infirmier. C’est encore ce mĂ©tier qui, aujourd’hui, Ă©conomiquement, administrativement et socialement me fait « vivre Â» et, aussi, « m’estampille Â» et « m’étiquette Â».

 

Le mĂ©tier d’infirmier qui suscite tant de « correctes Â» et de sincères admirations est aussi un mĂ©tier de femmes- et d’executant(es)- dans une sociĂ©tĂ© et un monde masculin oĂą les dirigeants sont principalement certains hommes. Un certain type, un certain genre d’hommes.

 

Le mĂ©tier d’infirmier ne m’a jamais suffi. MĂŞme si une partie de ses valeurs me suivent souvent dans ce que je fais ailleurs, mon identitĂ© est Ă  cheval sur plusieurs cultures. Et je bascule rĂ©gulièrement de l’une Ă  autre. Aujourd’hui, je « suis Â» infirmier en pĂ©dopsychiatrie mais m’incarcĂ©rer dans cette gestuelle, cette pensĂ©e et ce vocabulaire, c’est me rĂ©duire en cendres. Je suis vivant et mobile. Ma poitrine se soulève, s’abaisse et je respire. Dans mes pensĂ©es, je chasse autant que possible les cendres et la dĂ©prime qui peuvent m’encombrer. Je les perçois lorsque elles commencent Ă  devenir trop prĂ©sentes, les perce. Et j’évacue.

 

 

Je n’étais pas particulièrement déprimé lorsque j’ai décidé, au début de cette semaine, de répondre à cet appel du 1er novembre.

 

 

Quelques fois, comme d’autres « anciens Â» stagiaires, je reçois de certains de mes anciens formateurs en massage « bien-ĂŞtre Â» des messages. Il peut s’agir, comme pour ce 1er novembre, d’être volontaire pour rĂ©viser et de permettre Ă  la formatrice d’avoir un nombre pair de participants.

 

Aujourd’hui, j’ai renoncĂ© Ă  me reconvertir dans le massage bien-ĂŞtre. Une de mes anciennes partenaires de jeu au théâtre ( pour la pièce La ComĂ©die des erreurs de Shakespeare que nous avions jouĂ©e avec d’autres au théâtre du Nord-Ouest)  avait raison :

Faire du massage bien-ĂŞtre est la continuitĂ© du mĂ©tier d’infirmier or ce que je voudrais dĂ©velopper en prioritĂ©, c’est plutĂ´t ma personnalitĂ© culturelle et artistique. Mais le massage, comme d’autres actes (respirer, Ă©crire, lire, pratiquer l’apnĂ©e, la photo) fait aujourd’hui partie de moi. Proche de l’Art martial et de la mĂ©ditation, le massage est un arc et aussi le miroir de ce que nous sommes. Entre la flèche et nous, ce qui changera la donne, plus que d’établir des records ou de vouloir devenir le meilleur masseur « du monde Â», c’est et ce sera l’intention.

 

RĂ©cemment, Ă  une formation sur le thème de SpiritualitĂ© et addictions, j’ai demandĂ© Ă  un intervenant quels Ă©taient les gardes fous contre une emprise sectaire ou jihadiste. Il m’a rĂ©pondu :

 

Liberté, gratuité et charité.

 

On peut évidemment devenir un professionnel (en massage bien-être ou dans une autre spécialité) et se faire légitimement rémunérer à hauteur de notre engagement. Et s’épanouir. Mais les rapports que l’on adopte et que l’on adoptera avec la liberté, la gratuité et la charité conditionnent et conditionneront beaucoup nos intentions ainsi que, souvent, ce que l’on vivra véritablement.

 

Ce 1er novembre, jour fĂ©riĂ©, je suis peut-ĂŞtre venu dans cet Ă©tat d’esprit :

 

Je n’ai pas gagné d’argent. J’ai été massé et j’ai massé. J’ai écouté, parlé et interrogé. Puis, à la fin de la journée, je suis parti faire ma nuit de travail à l’hôpital en ayant eu le sentiment d’avoir passé une très bonne journée. D’avoir été au rendez-vous avec moi-même.

 

 Ma journĂ©e avait d’abord bien commencĂ©- et tĂ´t- avec ma fille. Je m’étais bien entendu avec elle afin qu’elle laisse sa mère se reposer. J’étais parti de la maison plutĂ´t content de moi. Au lieu de m’être Ă  nouveau fâchĂ© :

 

J’allais passer ce jour fĂ©riĂ© avec d’autres personnes, la plupart inconnues, mais auparavant, je lui avais transmis quelque chose de la vie et du monde dans l’entente, l’apaisement et une comprĂ©hension, je l’espère, rĂ©ciproques. C’est ce qui, je crois, est Ă  l’oeuvre dans tout « bon Â» massage comme dans toutes ces relations avec les autres ainsi qu’avec nous-mĂŞmes que nous recherchons et essayons quelques fois- ou souvent- de vivre.

 

 

Franck Unimon, ce dimanche 3 novembre 2019.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Marseille-Toulon-La Ciotat, octobre 2019

 

 

Marseille.

 

 

Nous Ă©tions Ă  Marseille la semaine dernière. Nous sommes passĂ©s quelques heures Ă  Toulon et avons aussi pris un peu la lumière Ă  La Ciotat. Au moment d’Ă©crire cet article, je me dis que rien ne m’oblige Ă  parler de cette expĂ©rience lunaire qu’est un voyage de manière scrupuleusement chronologique. Lorsque j’ouvre mon robinet en ce moment j’entends ça :

 

 

 

Cette sculpture, nous l’avons dĂ©ja vue. Je suis retournĂ© la voir, cette fois, pour connaĂ®tre le nom de son auteur. Car, sans le nom de son auteur, cette oeuvre est un peu une sĂ©pulture. Pour l’artiste et pour ce qu’il a voulu dire :

 

 

Maintenant, nous « savons ». 

 

 

 

Dans mon prĂ©cĂ©dent article sur Marseille(  Marseille, octobre 2019)  , j’Ă©crivais qu’il m’avait fallu du temps pour aimer cette ville. Cette fois-ci, Marseille s’est très vite dĂ©fendue Ă  sa manière. De sa bouche, les premiers jours, sont d’abord sortis du froid, de la pluie ( des averses jusqu’Ă  faire dĂ©border provisoirement le Vieux-Port) et des jours gris. C’Ă©tait la première fois que je voyais Marseille comme ça. 

 

Je n’ai pas pas de photo d’inondation. Nous rentrions Ă  Marseille par le train  en provenance de Toulon lorsque l’averse est tombĂ©e. Elle nous a douchĂ© avec passion Ă  notre sortie de la gare. 

 

Dans Toulon.

 

Nous sommes allĂ©s Ă  Toulon parce-que s’y trouve un magasin de vĂŞtements techniques supposĂ©s rĂ©sistants et pratiques ( aussi bien faits pour le voyage que pour la ville) qui y a ouvert en 2014. Et il n y a qu’Ă  Toulon, pour l’instant, que la marque dispose d’un magasin physique. Autrement, il faut commander sur internet. Or, j’ai prĂ©fĂ©rĂ© me rendre sur place afin d’essayer les vĂŞtements et de me faire mon idĂ©e concernant les articles et les tailles. Lors des quelques heures passĂ©es Ă  Toulon, je me suis dit que cette ville a des atouts pour ĂŞtre plus attractive qu’elle ne l’est. Mais des -très- mauvais choix au moins architecturaux ont Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©s pour cette ville situĂ©e en bord de mer. On rĂ©sume souvent Toulon Ă  une ville raciste et d’extrĂŞme droite mais j’ai l’impression qu’elle est un peu plus nuancĂ©e que ça. 

 

Dans la rue D’Alger, Ă  Toulon.

 

 

Et,  Ă©videmment, ce « bateau » ( photo prĂ©cĂ©dente) est selon moi, au contraire, lui, une très belle rĂ©alisation. MĂŞme si je ne sais pas comment on vit dans ces immeubles. Concernant les vĂŞtements, pour l’instant, je suis plutĂ´t content.Ils sèchent vite en cas de lavage et sont agrĂ©ables Ă  porter mĂŞme par temps plutĂ´t chaud.

Il est une autre marque ( crééé en 2008) de vĂŞtements très techniques et tout autant prĂ©sentables en ville que j’ai dĂ©couverte rĂ©cemment. Non seulement, elle est plus onĂ©reuse. Mais en plus, cette fois-ci, le seul magasin physique se trouve Ă  Brooklyn. On peut commander par internet mais ça m’ennuie pour des raisons pratiques Ă©videntes ( essayage, coĂ»t…). Je regrette, en 2011, alors que nous Ă©tions Ă  New-York, de ne pas avoir alors connu cette marque. Je connais bien « quelqu’un » pour qui la ville de Brooklyn a un sens et une importance très particuliers. Mais demander ce genre de service m’embarrasse un peu. 

 

 

 

 

Sur l’Ă®le de Frioul.

 

Je portais les vĂŞtements achetĂ©s Ă  Toulon sur moi ( un tee-shirt et un pantalon) pour la première fois, Ă  Frioul. Et, le soleil Ă©tait revenu sur Marseille et les environs. En partant de chez nos amis en fin de matinĂ©e, nous sommes arrivĂ©s sur le Vieux-Port pour embarquer environ cinq Ă  dix minutes avant le dĂ©part du bateau. Parmi les personnes qui faisaient la queue pour embarquer, j’ai reconnu La VirĂ©e Ă  Paname avec leurs deux enfants. La dernière fois que j’avais rencontrĂ© C et H, rĂ©alisatrice et rĂ©alisateur de La VirĂ©e Ă  Paname, c’Ă©tait, je crois, au festival du court-mĂ©trage de Clermont Ferrand il y a peut-ĂŞtre quatre ou cinq ans. Comme nous, ils habitent dans l’Ă®le de France, et, comme nous, ils Ă©taient venus passer quelques jours Ă  Marseille. Comme nous aussi, ils Ă©taient dans le TGV que nous avions pris depuis Gare de Lyon le lundi. L’après-midi passĂ©e avec eux fut très agrĂ©able. C’est la seconde fois qu’Ă  Marseille, je rencontre quelqu’un que je connais personnellement de la rĂ©gion parisienne. La première fois, c’Ă©tait G que j’avais croisĂ© Ă  la terrasse d’un restaurant sur le Vieux-Port. Il Ă©tait lĂ  pour un tournage de Plus belle la vie. Et, d’ailleurs, je l’avais prĂ©sentĂ© aux amis marseillais qui nous ont hĂ©bergĂ© la semaine dernière. 

 

Sur l’Ă®le de Frioul.

 

Entre Marseille et les îles Frioul.

 

De retour Ă  Marseille. Sur notre gauche, le Mucem.

 

 

Marseille, vers les docks.

 

 

 

En revenant Ă  Marseille, j’ai aussi revu d’autres amis installĂ©s depuis plusieurs annĂ©es Ă  Auriol. La dernière fois que j’Ă©tais allĂ© chez eux, je me souviens que leurs deux fils Ă©taient au plus loin Ă  l’Ă©cole primaire. Aujourd’hui, l’un des deux effectue ses Ă©tudes Ă  Luminy.

J’ai aussi revu une ancienne collègue rencontrĂ©e Ă  Montesson il y a plus de 15 ans maintenant. Elle habite dĂ©sormais Ă  Ensues la Redonne.

 

Gare d’Ensues La Redonne.

Il y avait un petit côté gare de western désolée en arrivant. Mais nous sommes en provence.

 

Le trajet depuis Marseille St Charles pour Ensues La Redonne m’a fait passer par l’Estaque. Je n’Ă©tais jamais passĂ© par l’Estaque. La vue depuis le train a Ă©tĂ© très agrĂ©able. Nous Ă©tions plusieurs passagers, Ă  activer pathĂ©tiquement nos appareils photos pour prendre des clichĂ©s de la vue Ă  travers la vitre. Mais il me reste un petit fond de dignitĂ© et je garderai ces photos pour moi. 

Après avoir discutĂ© de Marseille, de Lyon et d’autres sujets avec elle et son mari, C m’a emmenĂ© Ă  Carry le Rouet qu’elle m’a fait dĂ©couvrir ( merci encore!). 

 

A Carry Le Rouet avec C.

 

 

 

 

 

 

 

Carry Le Rouet.

 

Il nous restait encore quelques jours et PĂ©pita, mon amie qui a quittĂ© Paris il y a une vingtaine d’annĂ©es pour revenir vivre Ă  Marseille, Ă©tait dĂ©sormais de repos Ă  la fin de la semaine. Alors que j’Ă©tais parti pour Ensues la Redonne, PĂ©pita a emmenĂ© ma compagne et notre fille en vadrouille. Je les ai retrouvĂ©es en fin d’après-midi. Ce qui m’a permis de prendre le bus et de revoir la corniche que j’avais dĂ©couverte pour la première fois avec S. il y a plus de vingt ans.

Le long de la corniche. Au bout Ă  gauche, le cercle des nageurs de Marseille par oĂą est passĂ©e et oĂą se trouve une partie de l’Ă©lite de la natation française ( Alain Bernard, Camille Lacourt….). Il est possible d’y avoir accès en tant que pratiquant « lambda », moyennant si j’ai bien retenu, deux cooptations, 1700 euros d’adhĂ©sion la première annĂ©e + 1700 euros.

 

PĂ©pita m’a donnĂ© rendez-vous près de la statue de David. Cela me parlait. Il y a plusieurs annĂ©es, j’avais passĂ© quelques nuits dans l’auberge de jeunesse qui se trouve un peu plus loin vers les calanques. A cette Ă©poque, PĂ©pita vivait encore Ă  Paris.

 

En attendant de retrouver PĂ©pita, ma compagne et notre fille, j’ai regardĂ© « David ». Il m’a fait penser Ă  quelqu’un qui s’Ă©tait statufiĂ© Ă  force d’ĂŞtre laissĂ© en plan et d’attendre que quelqu’un accepte de l’emmener quelque part. Ne te laisse pas faire, David ! La première station de bus n’est pas loin. 

Après nous être retrouvés, nous sommes allés nous asseoir au bord de la mer.

 

 

David Ă©tait encore au mĂŞme endroit la dernière fois que je l’ai regardĂ©. Mais il a peut-ĂŞtre le pouvoir de revĂŞtir plusieurs formes.

 

Marseille.

 

David, le bĂ©nĂ©vole, ramassait maintenant les dĂ©tritus laissĂ©s sur la plage. Une femme est venue l’aider. Notre fille aussi. Je l’ai laissĂ©e faire un petit peu puis je l’ai appelĂ©e et lui ai expliquĂ© que c’Ă©tait bien. Mais qu’il fallait qu’elle arrĂŞte car elle ramassait tout avec ses mains alors que David, lui, portait des gants et avait une pince. Je me suis abstenu de dire Ă  notre fille que j’estimais, aussi, que c’Ă©tait aux adultes qu’il revenait d’abord de prendre ce genre d’initiative et de responsabilitĂ© avant de s’en dĂ©charger sur des enfants. Ensuite, j’ai expliquĂ© Ă  David la raison pour laquelle j’avais appelĂ© notre fille. Ce qu’il a très bien compris. 

Marseille, hĂ´pital de la Timone.

 

En rentrant peut-ĂŞtre, ou en repartant le lendemain, nous sommes passĂ©s devant l’hĂ´pital de la Timone. L’hĂ´pital n’est pas un lieu de vacances et nous sommes simplement passĂ©s devant. Mais ça faisait des annĂ©es que j’entendais parler de cet hĂ´pital et, lĂ , il Ă©tait près de nous.

 

Au « dessus » de Cassis.

 

 

Nous aurions pu nous rendre Ă  Cassis. Mais je n’avais pas envie de m’y rendre mĂŞme si PĂ©pita nous a dit que c’Ă©tait très joli. Et, aussi très touristique. Or, nous Ă©tions un samedi.

Au « dessus » du vide. A notre arrivĂ©e, deux alpinistes venaient de terminer leur ascension. Ils m’ont rĂ©pondu que cela s’Ă©tait très bien passĂ© et qu’il faisait « limite » trop chaud.

 

 

Couple assis au dessus de Cassis.

 

 

Je préférais aller à La Ciotat.

La Ciotat.

 

 

Chaque fois que j’Ă©tais venu Ă  Marseille, je n’avais jamais eu l’envie d’y aller. Mais cette fois, j’avais particulièrement envie. Peut-ĂŞtre parce-que je l’avais aperçue lors de notre trajet en train pour Toulon. Egalement pour le son du nom de cette ville. L’idĂ©e que la ville ait perdu de son faste Ă©conomique m’attirait d’autant plus. Ainsi que le fait que le compagnon de PĂ©pita, Marseillais, et PĂ©pita nous disent soit mĂ©connaĂ®tre cette ville ou y ĂŞtre allĂ©e il y a plusieurs annĂ©es. 

 

 

En arrivant Ă  la Ciotat, PĂ©pita m’a rappelĂ© qu’elle Ă©tait aussi la ville des Frères Lumière, ceux qui avaient inventĂ© le cinĂ©ma. ça m’a d’autant plus donnĂ© envie d’ĂŞtre lĂ  et d’aller voir ce qui restait de cette Histoire.

 

 

 

 

Le cinĂ©ma Lumière, la photo des frères Lumières, le dĂ©corum, pour nous, c’Ă©tait bon ! C’Ă©tait lĂ  que ça s’Ă©tait passĂ©. Voir le dernier Terminator Ă  l’affiche du cinĂ©ma des Frères Lumière Ă©tait un dĂ©tail très amusant.

 

Heureusement, PĂ©pita a eu le rĂ©flexe d’entrer dans le cinĂ©ma et de demander aux employĂ©s prĂ©sents s’il Ă©tait possible de le visiter. Ils ( une femme et un homme) nous ont rapidement dĂ©trompĂ© : auparavant, cent ans plus tĂ´t, cet endroit Ă©tait une halle. Le vĂ©ritable cinĂ©ma oĂą les frères Lumière avaient marquĂ© l’Histoire du cinĂ©ma se trouvait ailleurs dans la ville.

 

La Ciotat.

 

PĂ©pita s’est rendue Ă  l’office du tourisme pour s’informer. Puis, en passant, nous avons achetĂ© du vrai savon de Marseille de la marque SĂ©rail. Ensuite, nous sommes repartis chercher le « vrai » cinĂ©ma des frères Lumière.

 

La Ciotat.

 

 

Ma compagne venait de me dire :  » ça fait drĂ´le de voir encore les traces de vie dans ces appartements » et de s’Ă©loigner. Je commençais Ă  prendre des photos de cet endroit lorsqu’une femme s’est arrĂŞtĂ©e sur un petit vĂ©lo, type vĂ©lo pliable. Elle m’a demandĂ© avec sympathie si j’Ă©tais de la Ciotat. Je lui ai rĂ©pondu non mais qu’est-ce que j’en savais, finalement, au vu de mon intĂ©rĂŞt soudain pour La Ciotat. En sortant un petit appareil photo, la dame, d’une soixantaine d’annĂ©es, m’a expliquĂ© que c’Ă©tait une partie de l’Histoire de la ville qui partait. Et tout ça, pour construire  » un hĂ´tel 36 Ă©toiles ! ». Elle m’a racontĂ© qu’enfant, il y a 40 ans ( ou plus), elle s’Ă©tait rendue dans ce théâtre. Et, aussi qu’il y a encore peu, cette caserne de pompiers Ă©tait active. Elle envisageait d’envoyer ensuite ses photos Ă  des amis et de leur dire :

« VoilĂ , ce que c’est devenu ! ». 

La dame Ă©tait engageante et j’aurais pu rester discuter un peu plus avec elle. J’ai nĂ©anmoins pris congĂ©. Notre fille est venue me chercher en courant. Ma propension Ă  prendre des photos faisait que j’Ă©tais rĂ©gulièrement distancĂ© et elle s’inquiĂ©tait que je me perde. 

 

C’est lĂ  oĂą ça s’est passĂ© avec les frères Lumière.

 

Voici le vĂ©ritable endroit oĂą les frères Lumière ont fait parler d’eux. L’endroit est assez dĂ©cevant extĂ©rieurement et nous nous sommes demandĂ©s si l’on nous cachait quelque chose. Mais un des employĂ©s nous a confirmĂ© que c’Ă©tait bien-lĂ . Chaque mercredi et chaque samedi, Ă  15h, ( il Ă©tait alors plutĂ´t 17h), a lieu une visite guidĂ©e et les piliers d’origine ont Ă©tĂ© conservĂ©s. L’employĂ© a ajoutĂ© que l’on « sent » , Ă  l’intĂ©rieur du cinĂ©ma, que le lieu a une histoire. Nous aurions pu entrer en allant Ă  la sĂ©ance de 20h mais il nous fallait rentrer.

A dĂ©faut de sĂ©ance cinĂ©ma et de visite, nous avons un peu profitĂ© de la terrasse extĂ©rieure qui donne vue sur la mer, de l’autre cĂ´tĂ© de la rue. J’ai aussi regardĂ© la programmation que l’employĂ© m’a confirmĂ© ĂŞtre du cinĂ©ma d’auteur en version originale.

 

La Ciotat.

Oui, ça donnait envie de revenir à La Ciotat. Pépita, elle-même, a été agréablement surprise par cette visite de la ville.

 

Avant de rentrer, nous sommes allĂ©s nous tremper les pieds dans l’eau. A l’entrĂ©e d’un club de plongĂ©e, dans le centre-ville, j’avais lu que la tempĂ©rature Ă©tait Ă  vingt degrĂ©s. Nous avons fait l’erreur Ă©tonnante en venant Ă  Marseille de laisser nos maillots de bain chez nous. Mais en dĂ©finitive, ce sĂ©jour nous a bien plu alors nous reviendrons. D’autant que ma compagne a prĂ©fĂ©rĂ© Marseille Ă  Lille ( Lille J + 4). Notre fille, elle, a aimĂ© les deux villes. 

 

 

Franck Unimon.

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Voyage

Marseille, octobre 2019

 

Marseille, octobre 2019

 

J’avais une vingtaine d’années lorsque j’ai découvert Marseille. C’était après un séjour à Edimbourg.

 

Je me persuadais d’ĂŞtre plus original et plus libre que la moyenne en suivant pourtant, Ă  quelques dĂ©tails près, le mĂŞme parcours que tout le monde. J’avais peur de l’engagement, du sida et du chĂ´mage.

 

Pour moi, Marseille Ă©tait une ville idĂ©ale car elle Ă©tait Ă  première vue compatible avec mes clichĂ©s : Le sud, l’accent, la sensualitĂ©, le soleil, la mer. Avant elle, des annĂ©es auparavant, j’avais rĂŞvĂ© de New-York et ça m’était passĂ©. Il y avait aussi eu Grenoble. Ça m’était aussi passĂ©. Comme pays, mon sĂ©jour un peu plus tard au Japon allait ĂŞtre un acmĂ© et aussi une rupture avec une partie de mon passĂ©. 

 

A l’arrivĂ©e, mon histoire avec Marseille ne se fit pas. Aujourd’hui, si je suivais mon envie de vivre dans une ville de province en France, ce serait plutĂ´t en Bretagne ou dans les Hauts de France.  

Néanmoins, et cela m’avait pris du temps, mais j’avais fini par aimer Marseille malgré tout. Marseille exige certainement du temps pour être aimée.

 

C’est une amie revenue vivre à Marseille il y a bientôt une vingtaine d’années qui m’a rappelé il y a quelques mois que je pouvais revenir, cette fois avec femme et enfant. Son invitation tenait toujours et je l’avais oubliée.

 

 

 

J’ai donc retrouvé la gare de Marseille St-Charles. Je n’avais pas d’attentes particulières hormis le fait de revoir le Vieux-port, Notre Dame de la Garde ainsi que cette amie, son compagnon, et une ancienne collègue venue s’installer dans la région avec son mari et leurs enfants.

 

  

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Franck Unimon, mercredi 23 octobre 2019.

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Cinéma

L’âcre parfum des immortelles

 

 

 

 

 

 

 

L’âcre parfum des immortelles un film de Jean-Pierre Thorn avec la voix de MĂ©lissa Laveaux. 

Au cinĂ©ma le 23 octobre 2019. 

 

Article de Franck Unimon

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Micro Actif

Descartes

 

 

Descartes : Voix et texte, Franck Unimon ce samedi 19 octobre 2019. 

 

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Ecologie Puissants Fonds/ Livres

Une autre fin du monde est possible

 

 

 

 

 

 

 

  • Les revoilĂ  ! 

 

Il y a maintenant deux ou trois ans, la lecture de leur livre Comment tout peut s’effondrer. Petit manuel de collapsologie Ă  l’usage des gĂ©nĂ©rations prĂ©sentes m’avait assommĂ©. Et puis, sous l’effet du dĂ©ni sans doute, la vie avait continuĂ©.

 

Mais les revoilĂ  avec un nouveau livre :

Une autre fin du monde est possible ( vivre l’effondrement et pas seulement y survivre) et, cette fois, Pablo Servigne et Raphaël Stevens sont rejoints par Gauthier Chapelle pour la rédaction de ce livre. Et j’ai remis ça. J’ai également lu cet ouvrage. Cela m’a pris plus d’un mois. Bien que ce livre puisse se lire en moins d’une semaine.

Tout autant fourni en bibliographies et références diverses, Une autre fin du monde est possible ( vivre l’effondrement et pas seulement y survivre) est typiquement le genre de livre dont vous ne parlez pas autour de vous à moins de vouloir prendre le risque de passer pour fou, parano, extrémiste, séropositif, négatif, pessimiste ou pour celle ou celui qui a subitement pété plusieurs plombs ou plusieurs câbles en même temps. Le sujet a très mauvaise haleine et transmet des très très mauvaises vibrations. Et cela ne se perçoit peut-être pas dans mes articles mais, dans la vie, j’aime plutôt rire et faire rire.

 

  • obĂ©ir

 

 

C’est vraisemblablement pour ces quelques raisons que depuis la fin de sa lecture il y a plusieurs jours maintenant, je me suis abstenu d’en parler. Et que je me suis lancé dans la lecture de Leçons de danse, leçons de vie de Wayne Byars, un ouvrage plus rassurant et pourtant complémentaire avec le récent ouvrage de Pablo Servigne, Raphaël Stevens et Gauthier Chapelle.

Une autre fin du monde est possible est typiquement le genre de livre dont vous ne parlez pas autour de vous, lorsque vous vivez parmi des gens «normaux », mais qui vous réveille en pleine nuit pour écrire à son sujet. C’est ce qui est en train de m’arriver. Cela m’est bien sûr arrivé pour d’autres articles différents et plus joyeux, mais c’est ce qui m’arrive pour ce livre. Il est 4h35 et tout à l’heure, ce livre m’a en quelque sorte dit ( oui, certains livres et certains mots me parlent) :

« Franck, le moment est arrivĂ© pour toi de parler de moi. C’est mon tour ! J’ai suffisamment attendu ». Et j’ai dĂ©cidĂ© d’obĂ©ir. 

 

  • Le SymptĂ´me Take Shelter

 

 

Le réalisateur Jeff Nichols, au festival de Cannes en 2011.

 

 

 

J’aimerais encore que ma façon de réagir à la lecture de ce livre soit dû au symptôme Take Shelter, titre du film du réalisateur Jeff Nichols où l’acteur Michael Shannon, père de famille et fils d’une schizophrène, commence à avoir des visions d’une catastrophe à venir. Et, malgré la désapprobation générale de la communauté et l’incompréhension de sa femme (l’actrice Jessica Chastain), celui-ci décide, en s’endettant, de construire un abri pour sa fille et sa femme.

Dans Take Shelter, il s’agit d’une catastrophe naturelle qui touche leur région ( au Texas, je crois) et non d’un effondrement mondial. Mais à Cannes, alors que mon collègue journaliste, Johan, et moi l’interviewions- je faisais l’interprète- pour le magazine cinéma Brazil, Jeff Nichols nous avait expliqué qu’en devenant père lui-même, il avait commencé à percevoir le monde comme pouvant être particulièrement menaçant.

Lorsque j’avais lu le précédent ouvrage de Pablo Servigne et Raphaël Stevens Comment tout peut s’effondrer, j’étais moi-même devenu père. Et les trois auteurs de Une autre fin du monde est possible précisent aussi être malgré tout devenus pères. L’âge des enfants n’est pas précisé mais je suppose que nous parlons à chaque fois d’enfants de moins de dix ans, soit un âge où, dans l’espèce humaine, les enfants sont particulièrement vulnérables. Et leurs parents aussi sans doute. Cette précision « psychologique » permettra peut-être de mieux faire comprendre mon état d’esprit alors que j’écris sur cet ouvrage.

 

  • Nous sommes peut-ĂŞtre des oies

 

Pour le reste, selon Pablo Servigne, Raphaël Stevens et Gauthier Chapelle, ainsi que pour d’autres (scientifiques, auteurs et militants….), l’espèce humaine, en 2019, devant l’effondrement serait à peu près équivalente à celle de ces oies qui, la veille du repas de Noël, estimeraient que tout va pour le mieux car elles sont particulièrement choyées. Ou à ces proies et ces victimes qui, alors qu’elles se rendent à un événement heureux ou anodin, vivent peu après une très mauvaise expérience qui se révèlera définitive ou traumatisante.

 

  • Plusieurs types de rĂ©actions d’oies

 

Devant de telles suggestions d’avenir que nos trois auteurs ( et d’autres) justifient largement, on a le choix entre plusieurs types de réactions :

Déni, colère, dépression, renoncement, acceptation….. et Pablo Servigne, Raphaël Stevens et Gauthier Chappelle le savent pour l’avoir vécu eux-mêmes. Dans Comment tout peut s’effondrer, ils expliquaient par exemple que leurs relations avaient pu se tendre avec plusieurs de leurs proches.

Dans Une autre fin du monde est possible, ils évoquent un moment cette conséquence relationnelle et affective, page 264 :

« Qui n’a pas déjà éprouvé des difficultés à trouver oreille attentive lorsqu’il s’agit de parler d’un possible effondrement ? Lorsqu’on découvre tout cela, surtout si c’est dans la solitude, le premier réflexe est de vouloir le partager rapidement avec des proches pour se sentir moins seul, ou parce qu’on les aime et qu’on estime que cette information est capitale pour leur sécurité. Mais attention, lorsque les autres ne sont pas prêts à entendre (et c’est souvent le cas) les réactions sont souvent désagréables tout comme le sentiment de solitude et d’incompréhension qui peut en découler. La première chose à faire est peut-être de prendre le temps d’intégrer tout cela pour soi. Ceux qui n’ont pas la chance d’avoir des proches sensibles à cette thématique peuvent échanger facilement à travers les réseaux sociaux. Lire un article, un commentaire, un livre ou un documentaire sur un sujet que l’on croyait tabou, et en parler librement, redonne du baume au cœur ».

 

  • Une oie tâte du doigt deux groupes d’entraide

 

J’ai lu et voulu que ce livre soit moins « bon » que le précédent. A un moment, en allant voir deux des sites de groupes d’entraide qu’ils citent, je me suis dit qu’il y avait un côté sectaire tout de même dans leur façon de réagir. Mais cela fait aussi partie du déni de vouloir voir le mal et des sectes dès qu’il s’agit de changer de comportement et de vision sur notre vie et sur le monde.

 

  • En coloc au colloque

 

Récemment, un spécialiste des addictions qui intervenait lors d’un colloque organisé sur le thème de « Spiritualité et addictions » m’a donné cette réponse simple afin de faire la différence entre un groupe ou un lieu bienveillant et une secte ou un groupe jihadiste (ou extrémiste) qui proposeraient leur « aide » :

 

Liberté, Gratuité et Charité.

 

  • Dans l’arrondissement de la brèche

 

Il peut en effet ĂŞtre difficile Ă  la fois de continuer de vivre sa vie en s’abstenant de raser les murs tout en se disant- en mĂŞme temps- que ce monde que nous voyons et que nous avons toujours connu- et construit mentalement- malgrĂ© ses apparences de perpĂ©tuitĂ© toute puissante, a en son foyer une brèche d’éphĂ©mère et d’illusoire et que celle-ci grandit de jour en jour que l’on s’en aperçoive ou non. Pour moi, le suicide de Christine Renon, la directrice d’Ă©cole maternelle publique de Pantin dans le 93 rĂ©cemment, la dĂ©gradation des conditions de travail dans l’Ă©cole publique,  la dĂ©gradation continue des conditions de travail dans l’hĂ´pital public depuis plus d’une vingtaine d’annĂ©es, la dĂ©gradation des conditions de travail dans la police font partie de l’effondrement. 

Servigne et Stevens l’avaient déjà bien expliqué dans Comment tout peut s’effondrer :

L’effondrement a déjà commencé. Que l’on parle du réchauffement climatique ou de la détérioration de notre monde dans les domaines sociologiques, culturels, politiques, économiques et militaires. Avant la grande catastrophe que tout le monde pourra « voir » à l’œil nu ou subir éventuellement, l’effondrement est avant tout une succession de disparitions, de dégradations et de tragédies dont on s’est accommodé ou dont on s’accommode jour après jour.

 

  • Les vers puissants

 

Les hommes politiques ( et j’écris « hommes » parce qu’à ce jour, hormis quelques exceptions, les principaux dirigeants politiques de notre monde sont et ont été des hommes) et les « Puissants » resteront sur la lancée de leur vision archaïque du monde comme ils le font depuis des siècles. Au mieux, ils réagiront dans l’urgence.

Servigne, Stevens et Chapelle nous expliquent ( après d’autres sans doute) que «Les trente glorieuses » qui ont suivi la Seconde Guerre Mondiale et qui nous ont toujours été décrites comme une période de grande croissance économique seront peut-être surnommées plus tard « Les trente affreuses » d’un point de vue écologique. Or, nous sommes toujours calés sur ce modèle de développement économique et industriel qui consiste à asservir et exploiter la terre, les êtres (humains et non humains), leur vitalité et leur richesse comme si celles-ci étaient illimitées et négligeables et qu’elles pourraient être remplacées par des innovations technologiques ou éventuellement être retrouvées en abondance sur une autre planète.

 

  • Compost de pommes et solutions

 

Dans Une autre fin du monde, vivre l’effondrement (et pas seulement y survivre) Servigne, Stevens et Chapelle s’attachent à proposer des solutions.

 

Parmi elles, l’entraide, la solidaritĂ©, ĂŞtre dans l’art et dans la culture, le retour Ă  une certaine spiritualitĂ© mais aussi rĂ©apprendre Ă  vivre avec la nature et selon la nature.

Les trois auteurs nous rappellent comme nous sommes devenus des citadins forcenés de plus en plus connectés et, pourtant, nous sommes de plus en plus coupés de nous-mêmes et des autres humains et non-humains.

On peut les trouver paradoxaux- peut-être afin de nous rassurer- comme ils peuvent à la fois envisager le pire et dire qu’il y aura beaucoup de morts et de souffrance, évoquer la possible émergence de bandes armées, et, en même temps, donner l’impression , à les lire, qu’en cas de catastrophe, il nous « suffira » de rester des personnes civilisées et de faire un travail sur nous-mêmes pour nous en sortir. Alors que ce sera vraisemblablement, un « peu » la panique et la barbarie à certains endroits :

 

  • Nomade’s land 

« L’avenir risque d’être en grande partie nomade » écrivent-ils par exemple (page 264, encore apparemment).

 

  • Superbe parano orientĂ©e sud-ouest avec vue dĂ©gagĂ©e sur la mer, proche de toutes commoditĂ©s

 

RĂ©sumĂ© comme je viens de le faire, ce livre continuera peut-ĂŞtre de passer pour l’ouvrage rĂ©sultant d’un « complot » de survivalistes bobos permettant, il est vrai, l’essor lucratif d’une Ă©conomie de la survie au mĂŞme titre que le Bio, dĂ©sormais, est devenu une très bonne niche Ă©conomique- et un très bon investissement comme la fonte de la banquise- pour certains entrepreneurs, certains politiques, certains financiers et certains meneurs religieux ou sectaires. 

 

  • Les premières impressions…

 

On peut aussi rester sur l’impression première qui consiste à voir dans ces «histoires » d’effondrement l’expression d’une certaine parano affirmée qui ferait son coming out. La parano, on le sait, étant cette logique, qui, à partir de certains faits réels, se confectionne et affectionne une seule vérité, la sienne, et repousse voire assujettit ou détruit sans pitié les autres vérités.

Franck Unimon, ce vendredi 18 octobre 2019.

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Cinéma

Joker

                     

 

                                                     Joker

 

J’aurais aimĂ© dire uniquement beaucoup de bien de ce film rĂ©alisĂ© par Todd Philipps et sorti en salle ce 9 octobre. Mais je m’y suis ennuyĂ©. 

Je l’ai trouvĂ©- sĂ»rement comme mon article- trop dĂ©monstratif. 
La prestation de Joaquin Phénix lui donnera peut-être l’Oscar et d’autres superlatifs.

Mes rĂ©serves concernent principalement la façon dont le film a Ă©tĂ© rĂ©alisĂ© et non son jeu d’acteur. MĂŞme si Joaquin PhĂ©nix ne me fait pas oublier Jack Nicholson et Heath Ledger – j’ai lu qu’il les faisait oublier- dans les prĂ©cĂ©dents rĂ´les du Joker, son interprĂ©tation fait par moments penser au personnage paranoĂŻde de Jack Gyllenhaal dans le très bon Night Call (Nightcrawler) rĂ©alisĂ© en 2014 par Dan Gilroy ce qui me plait bien et, beaucoup trop, je trouve….au personnage incarnĂ© par Robert De Niro dans Taxi Driver qui a un rĂ´le dans le film. Pour ce cĂ´tĂ© : je me fais mon film dans ma tĂŞte. 

On peut sĂ»rement voir une continuitĂ© entre le Taxi Driver de Scorsese et Le Joker. On a aussi le droit d’avoir une grande admiration pour Robert De Niro. Le personnage de De Niro dans Taxi Driver et celui du Joker ici permettent de parler de la schizophrĂ©nie et de la duplicitĂ© des Etats-Unis mais aussi de celles de notre monde occidental libĂ©ral ( viscĂ©ral ?). 

On peut aussi penser au personnage de Rorschach dans The Watchmen. D’ailleurs, le message du film sur ces sujets (schizophrĂ©nie et duplicitĂ© des instances dirigeantes libĂ©rales et de nos sociĂ©tĂ©s occidentales « Ă©voluĂ©es ») ainsi que ses parallèles avec le personnage de V pour Vendetta (rĂ©alisations cinĂ©matographiques d’après les Ĺ“uvres d’Alan Moore), le mouvement Occupy Wall Street (ou actuellement, pour nous en France, le mouvement des gilets jaunes) lui donnent une grande lĂ©gitimitĂ©. 

Mais, autant on comprend l’Ă©vaporation de l’identitĂ© du Joker et ce que cette « évaporation » permet Ă  sa personnalitĂ©, autant le film, lui, finalement, manque d’une certaine personnalitĂ© :

On a donc droit à une musique « appropriée » – et insistante- comme si le réalisateur avait eu peur du vide, du froid, des cicatrices et des silences que le personnage du Joker a dans le bide.

On a droit Ă  des « rituels » rĂ©pĂ©tĂ©s ou Arthur Fleck/ Le Joker se fait humilier et bien bousculer y compris gratuitement. Sauf que ces rituels finissent par faire penser Ă  ces passages obligĂ©s que l’on trouve dans les circuits touristiques de masse. Un peu comme si le guide faisant une pause devant un coucher de soleil Ă©tudiĂ© se tournait vers vous et vous disait :

 » C’est maintenant le moment de vous embrasser ».

Malheureusement, dans la salle, personne n’a voulu m’embrasser. Alors, j’ai recommencĂ© Ă  regarder l’Ă©cran. Il fallait bien que je m’occupe.

Lorsque Charlize Theron, dans le Monster  de Patty Jenkins se fait humilier, les coups durs et la dĂ©gringolade morale qui s’ensuit (et qui prĂ©cède les meurtres) sont les nĂ´tres. Et il n’est pas nĂ©cessaire de mettre autant de tours d’Ă©crous au supplice comme c’est le cas dans Joker pour bien nous faire comprendre qu’il a souffert. Afin de nous pousser Ă  souhaiter qu’il devienne le contraire de la victime. Car Le Joker, c’est l’anti-Elephant ManElephant Man)

Et puis, l’image est peut-ĂŞtre trop propre ou trop parfaite pour un personnage aux noirceurs possessives. Le film est peut-ĂŞtre trop correct. C’est peut-ĂŞtre ça qui m’a dĂ©rangĂ© avec Joker. MĂŞme s’il y a un Ă©vident travail de fait et une bonne correspondance entre le Joker et la figure du Batman dont on comprend bien les futures nĂ©vroses et sa relation particulière avec ce « fou » qui prend ici la place du roi. 

Franck Unimon