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Le discours de l’actrice Aïssa Maïga aux Césars 2020

 

 

Le discours de l’actrice Aïssa Maïga aux Césars de cette année 2020 :

 

J’ai suivi de très loin ce qui s’est passé aux Césars cette année. Je ne connais même pas le palmarès des récompenses avec précision.

J’avais lu que Terzian et son équipe avaient démissionné avant la cérémonie. Suite à une pétition de professionnels du cinéma lui adressant un certain nombre de reproches.

J’avais entendu parler et lu à propos de Polanski, du fait que la présence de son film J’accuse ainsi que sa nomination avaient été insupportables pour bien des personnes en raison de l’agression sexuelle dont il avait été l’auteur aux Etats-Unis il y a plusieurs années. Pays dont il a fui la justice.

J’ai lu en filigrane que cette cérémonie des Césars avait été considérée comme « insipide ». Et j’avais peut-être un peu entendu parler du discours d’Aïssa Maïga mais alors, vraiment, en sourdine. L’affaire Polanski, les réactions diverses qu’elle avait suscitées, le Coronavirus Covid 19 puis le 49.3 du gouvernement Philippe-Macron pour imposer la réforme des retraites avaient emporté le plus gros de mon attention en ce qui concerne les actualités en France. J’avais aussi appris que toute la rédaction des Cahiers du cinéma avait démissionné après que le journal ait été racheté par vingt hommes d’affaires ( dont Xavier Niel, PDG de Free, un des actionnaires du journal de Le Monde, et prétendant au rachat de France Antilles) dont le projet est de faire des Cahiers du cinémaun journal « chic » mais aussi de dire aux journalistes de quels films ils doivent parler.

 

Mais un très proche m’a adressé hier ou avant hier le lien vers la vidéo du discours d’Aïssa Maïga aux Césars cette année. Des liens vers des articles ou des vidéos, on en reçoit tous désormais à l’époque internet. Ça fuse. Certains articles et certaines vidéos sont drôles, parodiques, critiques, en colère, déprimants, faux (les « fameuses » Fake news). Et d’autres sont bien réels.

 

Aujourd’hui, tout le monde peut donner son avis sur tout et tout le temps très facilement. Trop facilement. Et cela peut aussi se retourner contre nous d’une part si nos propos déplaisent. Puisque tout le monde peut donner son avis sur tout, tout le temps et très facilement, une ou plusieurs personnes peuvent très bien être d’un avis contraire au nôtre et considérer que sa mission ou leur mission est de nous voir comme une cible à atteindre ou à détruire.

 

Et puis, d’autre part,  comme nous l’explique très bien un Edward Snowden dans son livre Mémoires vives, ( E. Snowden est quelqu’un qui s’y connaît très bien en informatique ainsi qu’en ce qui concerne toutes ces ingérences dans nos vies privées que nous permettons chaque fois que nous tâtons du numérique) tout ce que nous faisons sur internet laisse des traces quasi indélébiles. A moins, bien-sûr d’être un expert de l’informatique en particulier en matière de cryptage. Donc tenir ou écrire certains propos considérés comme « vulgaires » ou « indignes » sur le net peut nous suivre toute notre vie y compris après notre mort. Même en cas de catastrophe nucléaire nous apprend toujours Edward Snowden dans son livre.

 

Avec cet article, j’espère donc rester digne car je ne suis pas un expert en cryptage.

En cela, j’imite un petit peu Aïssa Maïga lorsqu’elle a prononcé son discours aux Césars en février, en clair, à visage découvert et sans cryptage. Pourquoi ?

 

J’ai lu que le discours d’Aïssa Maïga prononcé aux Césars dernièrement était un discours « racialiste» et « embarrassant ».

Maintenant que j’ai regardé la vidéo de ce discours deux fois,  j’ai le sentiment d’avoir au moins le devoir de m’exprimer à son propos. Et, j’écris bien « Devoir ». Parce-que ce qu’Aïssa Maïga dit dans son discours aux Césars concernant cette nécessité de plus de diversité dans le cinéma français, je l’ai moi-même écrit et dit. Et répété depuis des années. Dans des articles relatifs au cinéma. Dans la vie réelle. Donc, maintenant qu’Aïssa Maïga a pris le risque (oui, elle a pris un très gros risque personnel et professionnel en tenant ce discours à la cérémonie des Césars !), j’aurais l’impression de me défiler si je m’abstenais de prendre le temps d’écrire un article pour dire ce que je pense de son discours. Surtout un discours dans la sphère du cinéma alors que j’écris régulièrement des articles qui ont trait au cinéma. Donc, je ne peux pas faire comme si j’étais absent ou ignorant de l’événement maintenant que j’ai vu et pris connaissance de la vidéo et du contenu du discours d’Aïssa Maïga.

 

« Discours racialiste » et «  embarrassant » : j’ai lu ça à propos du discours d’Aïssa Maïga aux Césars. Je m’en suis tenu à ces deux mots. Je n’ai pas envie de m’amarrer indéfiniment à ce sujet.

 

Tout d’abord, j’aimerais que les personnes qui voient comme principaux défauts au discours d’Aïssa Maïga le fait d’être un « discours racialiste » et «  embarrassant » prennent, un jour,  la parole à visage découvert comme l’a fait Aïssa Maïga et dans les conditions dans lesquelles elle a pris cette parole.

 

C’est à dire en prenant le risque que cette prise de parole se retourne contre eux personnellement et professionnellement. Car je rappelle qu’elle est seule sur scène lorsqu’elle se lance dans ce discours. Seule face à plein de caméras et une salle pleine de regards tournés vers elle. Plus de mille personnes comme elle le dit à un moment donné. Donc, déjà, il faut s’imaginer pouvoir s’avancer en pleine lumière, face à plein de gens et plein de caméras qui vont disséquer et diffuser ensuite vos dires et vos gestes ainsi que votre anatomie, sous toutes les coutures.

 

Alors, on dira : C’est une comédienne. Elle est rôdée à ça. Oui. Mais une comédienne, ça a aussi le trac. Et, en outre, cette fois-ci, la comédienne vient pour dire un texte personnel avec sa propre voix. Il n y a pas de maquillage. Il n y a pas de possibilité de faire de nouvelles prises si ce qu’elle dit et donne à ce moment là est raté. Il n y aura pas d’entracte ou de page de pub si elle se loupe.

Et, en plus, cette « comédienne » qui est aussi une personne, vient pour aborder des sujets polémiques.

 

Donc, on peut dire qu’elle entre dans l’arène ou dans la fosse. Les personnes face à elle qui sont embarrassées que ce soit dans la salle ou devant leur écran prennent beaucoup moins de risques qu’elle. Puisque c’est elle qui met sur la table le sujet qui fâche. Le sujet ou les sujets qui sont tus généralement depuis des années. Il y a eu l’affaire Polanski lors de la soirée avant ou après son intervention. Et d’autres affaires proches. Aïssa Maïga arrive avec d’autres sujets sociétaux. Il est évident que pour bien se faire voir, en tant que comédien ou comédienne, à la cérémonie des Césars ou lors d’un casting, mieux vaut être sympathique,  charmant, élégant, drôle et plein de gratitude. Ça passe et ça passera souvent mieux. L’une des grandes aptitudes de bien des comédiennes et comédiens consiste à savoir séduire et à plaire à la bonne personne au bon moment. Ça peut transformer une carrière.  Aïssa Maïga, avec son discours, fait tout le contraire. On pourrait presque se demander si elle va bien. Ou si elle est suicidaire d’un point de vue professionnel et personnel alors qu’elle se jette dans son discours.

 

« Racialiste », le discours d’Aïssa Maïga ? C’est vrai.

 

Mais avant qu’Aïssa Maïga, prononce ce discours « racialiste », il faudrait peut-être déjà se rappeler qu’elle l’a subi pendant des années ce discours mais aussi cette attitude racialiste. Et les personnes qui ont du mal à digérer son discours aux Césars, où étaient-elles à ce moment-là ? Aux Césars ?

 

En plein tournage ?

 

 

Avant de voir et de vouloir poser Aïssa Maïga sur le trône de la femme raciste ( car c’est de ça qu’on parle en disant que son discours a été « racialiste » et «  embarrassant »), il faut déjà voir qu’elle, comme tant d’autres dans la société française, et qu’elle « cite », ont été victimes, sont victimes et seront victimes d’un certain racisme inhérent au cinéma français mais aussi…à la société française.

 

Il faudra aussi se rappeler que contrairement à un ancien président de la République comme Nicolas Sarkozy avec son discours de Dakar ou à Feu « Chichi » avec son « Le bruit et l’odeur » -qui sont des monuments de propos et de discours racialistes- , une Aïssa Maïga ne bénéficie pas d’une immunité présidentielle ou diplomatique ou médiatique lorsqu’elle s’exprime aux Césars.

 

 

« Embarrassant », son discours ? Bien-sûr qu’il est embarrassant.

 

Aïssa Maïga rappelle à celles et ceux qui l’oublient ou qui l’ignorent que si le cinéma est une industrie de divertissement, elle est aussi, en passant, un puissant moyen de propagande et aussi une usine à modèles. Des modèles auxquels on s’identifie. Ce qui nous donne envie d’aller au cinéma, c’est de pouvoir nous reconnaître dans les personnages et les situations que nous voyons au cinéma, comme dans les chansons des interprètes que nous écoutons ou des livres des auteurs que nous lisons. Et, il est très étonnant que l’on puisse accepter en France le caractère universel d’une œuvre lorsqu’elle est interprétée à l’écran par des acteurs majoritairement blancs mais, par contre que cette universalité soit si difficile à intégrer si dans l’histoire que l’on voit à l’écran, il y a plus d’acteurs arabes, asiatiques, noirs, handicapés, homos ou trans. Comme s’il y avait des sous-catégories de femmes, d’hommes, d’espèces ou d’organes pour susciter de l’émotion ou une identification chez les spectateurs. Et les « autres », l’élite des femmes et des hommes -qui serait supposément toujours ou souvent blanche- afin que les spectateurs comprennent mieux une histoire et s’identifient mieux aux enjeux et aux thèmes de cette histoire.

 

C’est ce qu’Aïssa Maïga dit selon moi dans son discours. Et, elle le dit de manière frontale et intelligible :

 

Il est impossible en l’écoutant de se dire que l’on n’a pas compris ce qu’elle a voulu dire à très peu de passages près. Cette « frontalité » ou cette franchise  a sûrement sincèrement agressé certaines personnes pourtant bien intentionnées en matière de diversité. Et c’est là où j’en arrive à cette question :

 

Aïssa Maïga avait-elle le choix ? Pouvait-elle s’exprimer avec plus d’humour, plus de douceur et plus de gentillesse ?

 

D’abord, je tiens à rappeler qu’Aïssa Maïga parle. Si elle persifle par moments voire peut se montrer insolente, elle ne fait pas exploser de bombe. Elle ne séquestre personne qu’elle aurait décidé de torturer seulement lors des nuits de pleine lune. Elle n’a cassé aucun meuble. Elle arrive les mains vides sans seringue contenant le coronavirus covid 19 ou covid 2628 541 880. Et elle s’adresse à des adultes, à des personnes responsables ainsi qu’à des décideuses et des décideurs valides. Elle ne s’adresse donc pas à des personnes faibles ou diminuées, respirant difficilement ou se déplaçant au moyen de déambulateurs ou de défibrillateurs. Contrairement à certains producteurs, réalisateurs, directeurs de casting, chefs d’entreprise (hommes ou femmes) qui ont abusé de leur pouvoir pour faire céder certaines personnes en état de vulnérabilité. Donc, je crois que cela limite beaucoup quand même les éventuels « dégâts » moraux ou psychologiques de ses propos.

 

Ensuite, ces personnes adultes auxquelles Aïsa Maïga s’adresse sont supposées être déjà plus qu’au courant  de ce qu’elle dénonce. Puisque cela dure depuis des « décennies ». Pas uniquement lors de la cérémonie des Césars. Parlez-en avec un Saïd Taghmaoui ou voire peut-être avec un Hubert Koundé, les autres « héros » du fim La Haine de Kassovitz dont on a beaucoup parlé lors de la sortie du film Les Misérables de Ladj Ly, sorti l’année dernière, primé au festival de Cannes ainsi qu’à ces derniers Césars si je ne me trompe.

 

Le film La Haine, prenons-le donc comme exemple, date, je crois, de 1995. Au lieu de se dépêcher de faire des reproches à Aïssa Maïga pour son discours aux Césars, il faudrait se demander ce qui l’oblige, en tant que professionnelle et en tant que personne, à prendre de tels risques en faisant un tel discours en 2020, soit 25 ans après le film La Haine.

 

Rappelons que La Haine qui avait été primé à l’époque au moins à Cannes, n’est pas un film comique alors qu’il décrit une certaine partie de la société française. Ce qui signifie quand même un peu, que sur certains points, depuis le film La Haine, la société française a plutôt régressé. Certaines personnes ont la possibilité et la faculté de l’ignorer parce qu’elles peuvent se permettre d’être dans le déni ou tout simplement parce qu’hormis quelques minutes de prise de conscience, en regardant un film par exemple, elles ignorent régulièrement qu’existe une certaine France ou d’autres France à côté de celle dans laquelle elles évoluent régulièrement.

 

Aïssa Maïga n’avait donc pas d’autre choix que d’essayer de secouer le cocotier avec un discours comme le sien pour tenter de sortir un peu de leurs facilités de pensée et de leurs habitudes certaines décideuses et certains décideurs. Ainsi que d’autres personnes.

 

Aïssa Maïga est aussi une femme. Ce détail là a aussi son importance. Dans son discours, je vois aussi une femme qui s’exprime là où la société française préfère sans doute encore des femmes qui se taisent. Lorsque l’on regarde par exemple Pénélope Fillon, la femme de l’ancien premier Ministre François Fillon et ex-futur potentiel Président de la République, actuellement jugé, on est assez loin de se dire que l’on est là face à une femme de décision. Même si, évidemment, les apparences peuvent être trompeuses et l’attitude de Pénélope Fillon devant la caméra peut aussi résulter d’une stratégie.  

 

Aïssa Maïga ressemble néanmoins davantage à ces femmes qui ont décidé de prendre la parole et non de se contenter de réciter- avec les éléments de langage qui leur ont été attribués- ce qu’elle est censée dire ou penser. Comme ont pu s’exprimer des femmes qui ont été victimes de viol, d’attouchement ou de harcèlement dans le milieu du cinéma ou dans la société, dans le sport de haut niveau par exemple.

 

Mais en Aïssa Maïga,  je vois aussi une femme qui s’exprime dans la mouvance des femen. Donc, avant de vouloir lui coller l’étiquette d’une « femme noire » qui se serait prise pour une Angela Davis ou une Toni Morrisson ( même si ces deux femmes peuvent aussi faire partie de ses modèles) il faut déjà la voir comme une femme qui est complètement raccord avec son époque. L’époque d’une Virginie despentes. D’une Béatrice Dalle. D’une Brigitte Fontaine. D’une Casey. D’une Angèle. D’une Aya Nakamura. D’une Nicole Ferroni. D’une Blanche Gardin. D’une Shirley Souagnon et d’autres….

 

Une époque où des femmes expriment assez radicalement leur point de vue et aspirent à cesser d’être souvent victimes du bon vouloir des hommes car elles n’ont pas d’autre choix : c’est soit se montrer radicale ou être victime.

Une époque où le droit à l’IVG est de plus en plus menacé. Entendre ça remue peut-être assez peu certains hommes en 2020 mais sans doute que bien des femmes sont horrifiées devant cette menace qui concerne le droit à l’IVG.

 

 

Ai-je à peu près dit concernant le discours d’Aïssa Maïga ?  Pour toute la partie où je suis d’accord avec son discours, je crois.

 

Puis, viennent mes réserves. Evidemment, ce qui donnera pleinement raison ou non à Aïssa Maïga, quelles que soient mes réserves, ce sera l’avenir. Pour elle. Mais aussi pour les autres.

 

« Racialiser » son discours était selon moi inévitable :

 

Car cela permet d’appeler un chat, un chat. D’éviter les «  Je ne savais pas » ; «  Je n’étais pas au courant » ; « Ah, bon, ça se passe comme ça en France avec les minorités ? ». «  Mais dans quel monde vit-on ? En France ? ».

 

On peut même se dire que parmi celles et ceux qui reprochent à son discours d’être « racialisé », se trouvent sans doute quelques personnes de mauvaise foi qui, ni vues, ni connues, aimeraient bien continuer (vont continuer) de perpétuer leurs pratiques.

 

Or, le discours d’Aïssa Maïga intervient comme un gros coup de projecteur inattendu qui viendrait déranger leur « trafic ». Et on peut voir dans ce « trafic » une sorte de « trafic d’influence » puisque le cinéma et aussi le théâtre, comme bien des arts médiatisés en général, génèrent une influence ainsi que des modèles pour les autres :

Acteurs, créateurs, producteurs comme spectateurs.

 

Et le discours d’Aïssa Maïga est bien équivalent à celui d’un sportif de haut niveau qui déciderait de dire que dans le milieu sportif où il évolue, beaucoup de sportifs se dopent. Et que pratiquement tout le monde dans le milieu le sait. Donc, évidemment, ça passe mal auprès de certaines personnes,  sportifs de haut niveau ou dans les instances dirigeantes, qui ont intérêt, pour des raisons économiques et personnelles, à ce que le système reste comme il est.

 

C’est pour cette raison qu’Aïssa Maïga a pris de gros risques avec ce discours. On peut s’attendre à ce que quelques peaux de bananes soient jetées sur son parcours personnel et professionnel désormais. Et ce sera fait hors caméra. Et il se peut qu’elle soit seule pour encaisser ces peaux de bananes malgré la « sympathie » et le « soutien » qui lui seront témoignés. Bien-sûr, je choisis sciemment d’employer le terme « peaux de bananes » pour dire que certaines personnes voudront certainement la peau d’Aïssa Maïga après ce discours :

 

Parce qu’elle n’est pas restée à sa place de femme soumise voire de femme noire soumise ou d’actrice soumise. On choisira les termes que l’on préfère selon ce que l’on pensera.

 

Il est possible qu’avant même ce discours aux Césars, Aïssa Maïga ait déjà eu à faire avec un certain nombre de peaux de bananes sur son parcours. Elle en parle avec d’autres actrices dans son livre Noire N’Est Pas Mon Métier  que j’ai lu et sur lequel j’ai écrit un article. Je ne serais pas surpris d’apprendre que peu de personnes, parmi toutes les personnes présentes lors de la cérémonie des Césars, ont lu ce livre. Ce qui, à nouveau, démontre que la radicalité du discours d’Aïssa Maïga était nécessaire et inévitable. Dans Noire n’est pas mon métier, fait de témoignages de plusieurs actrices noires, Aïssa Maïga, lors de son témoignage raconte par exemple avoir été retirée de l’affiche d’un film dont elle avait le premier rôle avec un acteur blanc. L’acteur blanc, lui, est resté sur l’affiche pour annoncer la sortie du film aux spectateurs. Ce coup de sécateur dans l’image, que j’ignorais jusqu’à ce que je lise ce livre de témoignages, me semble un exemple de racialisation bien plus grave que son discours. Et en écrivant ça, je donne un nouvel argument en faveur de son discours aux Césars.

 

Cependant, il y a un « Mais ». La radicalité, ça peut heurter aussi des personnes bien intentionnées. Personnellement, je sais avoir encore un peu honte lorsque je repense à ces moments où j’ai pu, dans mes propos, me montrer à peu près aussi radical qu’une Aïssa Maïga lors de cette cérémonie des Césars, devant certains de mes amis…blancs qui, en toute bonne foi, m’acceptaient et m’acceptent en tant que personne. Et sans préjugé.

 

Avec ces deux amis auxquels je pense en particulier ( une femme et un homme qui ne se connaissent pas), je crois avoir eu la chance d’avoir connu beaucoup plus de moments agréables que de moments de tension raciale. Mais peut-être, et sans doute, qu’il se trouve d’autres personnes, dans ma vie quotidienne ou, qui, en lisant certains de mes articles, se sont senti injustement agressés et visés chaque fois que je parle de « Blancs » et de «  Noirs ».  

 

Lors de cette soirée des Césars, il est vraisemblable que parmi ces plus de 1500 personnes qui l’ont écoutée et regardée, qu’ Aïssa Maïga, de par son discours, ait heurté  des personnes et des professionnels sincèrement ouverts à la diversité. Je me rappelle encore pour ma part des propos de cet ami aujourd’hui décédé mais qui était resté mon ami :

 

« Je n’ai pas aimé du tout être racisé ! ». 

 

Certaines personnes diront que pour bien comprendre ce que certaines minorités vivent comme injustice, qu’il est sans doute « bon » et « nécessaire » que les tenants de la majorité fassent aussi l’expérience, quelques fois et provisoirement, d’être racisés ou ostracisés. Ce genre de raisonnement me laisse perplexe : car si l’on réclame une certaine justice et une certaine équité pour soi-même, je crois qu’il faut aussi la souhaiter pour autrui. Avec son discours radical, Aïssa Maïga a sans doute été injuste envers certaines personnes même si j’écris que sa radicalité était inévitable et nécessaire.

 

Et, d’une autre façon, commencer son discours en disant « nous » ou « on », fait d’elle une porte-parole. J’espère donc qu’avant son discours dont elle avait peut-être prévenu certaines personnes, qu’il y a bien plusieurs personnes qui ont approuvé son discours au préalable voire qui l’ont aidée à l’écrire. Autrement, dire « nous » ou « on » si elle a parlé uniquement en son nom pourrait se retourner contre elle. Mais il est vraisemblable après son livre Noire n’est pas mon métier qu’elle ait été soutenue par plusieurs personnes pour son discours même si elle est seule sur scène.  Et qu’elle surprend visiblement certaines personnes dans la salle avec son discours. Ce qui m’amène à mon autre réserve :

 

A voir la réaction de Ladj Ly et de Vincent Cassel lorsqu’elle les nomme, les deux hommes ont une attitude assez différente. Ladj Ly acquiesce en opinant de la tête. Vincent Cassel est surpris et ne comprend pas ce qu’Aïssa Maïga sous-entend. Le sous-entendu dans la direction de Vincent Cassel est plus difficile à recevoir pour celui-ci je trouve même s’il s’en est sûrement remis très vite. Mais ce qui me dérange avec ces deux « interpellations », de Ladj Ly et de Vincent Cassel, c’est qu’elle les contraint à quelque sorte à se mettre dans la lumière.  Elle les a «  outé » comme on dit. Alors qu’ils n’ont rien demandé. Je crois qu’il aurait mieux valu laissé à l’un et l’autre le choix de s’exprimer par eux-mêmes sur les sujets qu’Aïssa Maïga aborde. Alors que là, elle les confronte un peu à cette violence qu’elle dénonce. Pourtant, de mon point de vue, l’un comme l’autre sont plutôt favorables à une certaine diversité dans le cinéma français. Bien-sûr, en reparlant de La Haine, on sait que du trio Cassel-Taghmaoui-Koundé (il y avait aussi Yvan Attal entre-autres dans un rôle secondaire) seul Cassel a ensuite eu une carrière honorable en France. Taghmaoui a dû s’exiler. Mais Vincent Cassel ne fait pas figure pour moi d’arriviste dans le cinéma français.

 

Mon autre réserve va sembler paradoxale et elle l’est sûrement :

 

Etre radical et critique, oui. Mais se faire enfermer ou s’enfermer dans cette case est un piège. D’un côté, on finit par tourner en boucle et à devenir aveugle et sourd même lorsque « les choses avancent». Lors d’une interview effectuée Place D’Italie, il y a quelques années, un acteur d’origine arabe particulièrement reconnu aujourd’hui, m’avait à peu près répondu simplement :

« Je crois que ça change quand même…. ». Bien avant cette interview, sa carrière d’acteur et de comédien donnait déja raison à ses propos d’alors. Et c’est encore plus vrai aujourd’hui au vu de sa carrière.  

On pourrait bien-sûr dire, comme j’en suis arrivé à  le penser depuis peu, qu’un Arabe, ça passe visiblement  un peu mieux à l’écran qu’un Noir. Au moins en France. Puisque dans une fiction, on peut faire « passer » un Arabe pour un Italien ou un Chilien ou voire pour un Juif. Alors qu’un Noir, c’est irréductible,  ça ressemble toujours à un Noir. ça semble rester une couleur diabolique dans le cinéma français. Un peu comme si à chaque fois on envoyait un pavé dans une vitrine ou que le Mal allait se répandre instantanément à l’état brut dans l’âme de celle ou de celui qui le regarde. Mais si c’est le cas, il faut que les films d’horreur français, quand il y en a, exploitent ce filon fictif ! ça changera de Fillon et de ses emplois fictifs.

 

D’un autre côté, le piège de la radicalité, pour Aïssa Maïga, c’est peut-être qu’elle se retrouve obligée de choisir, à un moment donné, entre sa carrière d’actrice ou de militante. Mais peut-être a-t’elle déjà choisi.

 

Ce sont mes principales réserves concernant le discours d’Aïssa Maïga aux Césars cette année. Autrement, je crois que son discours était nécessaire et que, plutôt que de se sentir embarrassé, elle devrait être remerciée. Lorsque l’on est adulte et responsable, on sait aussi remercier celle ou celui qui sait nous dire ce qui ne va pas. Et qui argumente. Cela est bien plus profitable que celles et ceux qui sont toutes en louanges et qui nous assurent que tout est pour le mieux alors que dans les arrières-cabines, ça coince.

 

Aïssa Maïga a fait ça sans crier. Sans cracher. Sans jeter des tessons de bouteille, des cocktails molotov ou des réfrigérateurs au visage. Sans monopoliser les plateaux de télés avec des discours de promotion en faveur de la  haine, de la suspicion et de la vengeance. Elle le dit vers la fin de son discours :  » Je suis optimiste ». Même s’il y a de l’ironie et du doute dans ses propos, au moins parle-t’elle d’optimisme. On n’y pense pas forcément en voyant cette vidéo où Aïssa Maïga fait en sorte que son assurance domine, mais j’imagine qu’elle a plutôt été lessivée- même fière- après ce discours que triomphante.

 

Aïssa Maïga a donc fait un cadeau au cinéma français mais aussi à la société française. Même si ce cadeau a sûrement pu être difficile à transporter jusqu’à chez soi.

 

 

Franck Unimon, ce vendredi 13 mars 2020.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Des Hommes

 

 

 

 

 

 

 

On ne part pas tous du même mur. On ne part pas tous  avec le même Savoir, la même imagination. Les mêmes errances et les mêmes protections. Ni avec les mêmes crédits et les mêmes créances.

 

Ce n’est pas une question d’intelligence. Ça a plutôt à voir avec le fait d’intégrer certaines «fraternités », de faire partie de certaines familles. De prendre de plus ou moins bonnes décisions et de se livrer à certaines actions et transactions que l’on estime justifiées et qui se révèlent être les mauvaises incantations.

 

« Quand j’étais dehors, ça partait en couilles, sa mère ! ». « Tu vois les gens, ils ont des sous. Tu as envie de te refaire… ». « 19 ans ? T’es jeune. C’est ma quatrième peine, frère ».

 

 

 

Cuisine, monastère, hôpital, salle de sport ou de correction, lieu de conversion et de trafics, une prison est tout cela et davantage en une seule journée comme en quelques secondes.

 

 «  Je me suis détaché de l’extérieur, en fait. J’ai décidé de me repentir. Je me suis converti à l’Islam. Je ne voulais plus ressembler à ce que j’étais avant (….). ( avec) La religion, vous vous appuyez sur des fondations assez solides ».

 

  « La prison, c’est la cuisine du diable. Soit tu es la fourchette, soit tu es le couteau. Il faut pas être entre les deux ».

 

 

« Tous les détenus savent fabriquer un couteau surtout ici, aux Baumettes ».

 

 

«  Tu parles Français ? ».

 

 

Ce dimanche matin, pour cette première séance de 9h, nous sommes étonnamment nombreux. Une bonne quarantaine de personnes dont une dizaine de femmes. La petite salle de cinéma de ce multiplexe est presque pleine. Le public, entre 40 à 50 ans de moyenne d’âge, est particulièrement concentré voire austère lorsque je le rejoins.

 

Le  documentaire Des Hommes, réalisé par Alice Odiot et Jean-Robert Viallet vient de commencer. Il est sorti dans les salles ce 19 février 2020.

 

Nous sommes informés qu’il s’est passé trois années avant que leur demande (en 2013) à pouvoir filmer dans la prison des Baumettes, une maison d’arrêt et centre de semi-liberté, où des hommes sont en majorité incarcérés, ne soit acceptée.

 

 

Je ne sais pas ce qui a poussé l’administration pénitentiaire à accepter ce projet et ce qui nous permet à nous,  ainsi qu’aux précédents et futurs spectateurs, « d’entrer » dans la prison historique des Baumettes en regardant ce documentaire. Peut-être le fait que cette prison des Baumettes que nous voyons , créé dans les années 30, vétuste, insalubre et surpeuplée – jusqu’à trois détenus dans 9 mètres carrés- fermée en 2018 (donc deux ans après le documentaire)  est destinée à être détruite en 2020.

 

En acceptant ce tournage, il y avait donc sans doute une volonté officielle de faire comprendre que cette prison que nous voyons dans Des Hommes appartient au passé. Même s’il ne suffit pas de raser des murs pour sortir du passé :

 

Une extension de la prison des Baumettes, Baumettes 2, a été construite. Elle a ouvert en 2017.

Les visites gratuites organisées fin 2019 dans certaines parties de la prison historique des Baumettes où se déroule ce documentaire ont affiché complet.

 

 

Des Hommes résulte de 25 jours en immersion dans le « passé ». L’expérience se passe sans voyeurisme.

 

 

Des Hommes me fait penser à un croisement entre le film Beau Travail ( 1999)  de Claire Denis, Un Prophète ( 2009)  de Jacques Audiard et 10ème chambre, Instants d’audience ( 2003) de Raymond Depardon.    

 

 

Pour expliquer leur présence ou leur retour aux Baumettes, certains disent avoir fait une « connerie ». D’autres sont dans le déni ou séduisent. Du moins essaient-ils.

 

«  Ma maman a peur de moi, je sais pas pourquoi ». « Je n’ai rien à faire ici ».

 

 

Déni ou séduction font peut-être partie des recettes qu’ils ont souvent appliquées dehors et cela leur a sûrement réussi comme cela réussit à  beaucoup d’autres hors de prison. On ignore la raison de leur incarcération comme on ignore ce qu’ont été leurs vies et leurs leviers dès leurs premiers pas. C’est tant mieux comme ça. Ce n’est pas parce-que l’on est en prison que l’on doit se livrer. Chacun ses secrets. Eux, les leurs et nous, les nôtres :

 

Parce qu’à force de regarder ces hommes (et ça aurait été pareil si les détenus de ce documentaire avaient été des femmes ou des mineurs), si l’on a ce courage, on finit un peu par se regarder soi-même.

 

Je me suis déjà demandé celui que je deviendrais si j’étais incarcéré quelle qu’en soit la raison. Et combien de temps je  tiendrais avant de me transformer. Je ne suis pas pressé de vérifier. Mais je me suis déjà suffisamment regardé pour savoir que, tous les jours peut-être, j’entretiens certaines apparences qui me sont depuis des accoutumances, en maintenant derrière mes propres barreaux certaines vérités bonnes et mauvaises sur moi.

Ce qui m’a sauvé pour l’instant, c’est d’avoir pu disposer du Savoir, de l’imagination, de certaines protections adéquates et de suffisamment de chance afin de me mettre « bien » avec la Loi et la justice. Et, aussi le fait, ne nous faisons aucune illusion,  que je me suis jusqu’à maintenant toujours montré suffisamment convenable et raisonnable en étant docile et peureux à point. Juste comme il faut.  

 

Voilà pour une rapide mise en relation entre les détenus que l’on voit dans le documentaire Des hommes et moi, un spectateur lambda.

 

Et puis,  dans ce documentaire, il y a également des intermédiaires que l’on voit aussi en plein échange avec les détenus:

 

Le personnel pénitentiaire (matons, personnel soignant, directrice, assistante sociale) et judiciaire.

 

Il y a de tout comme partout ailleurs mais comme l’endroit est occlusif  les effets y sont hypertrophiés. Il y a à la fois de l’asymétrie, de gros cafouillages dans les relations et de l’empathie :

 

 

«  Non…c’est pas deux mois. C’est deux ans en plus » (après avoir, dans un premier temps, informé le détenu que sa peine était rallongée de deux mois).

 

«  Vous êtes une personne vulnérable ? ». Réponse de l’intéressé : «  ça veut dire quoi ? ».

La directrice de la prison reprend : «  Enfin, vous n’êtes pas un enfant de chœur, non plus… ».

 

 

Il est évidemment beaucoup plus facile pour moi d’écrire un article sur ce documentaire- même si ça m’ennuierait beaucoup de mal le servir- que pour cette directrice d’administrer cette prison et ces hommes. Mais entre les Lois entre dominants et dominés qui ordonnent les relations entre détenus et celles de la Prison et de la Justice, je me dis qu’il peut devenir très difficile de concilier les deux. Entre se prendre une branlée ou un coup de couteau- ou pire- parce-que l’on a refusé de rendre un « service » ou être un détenu modèle, il doit être bien des fois très difficile de (bien) choisir. Et cette directrice ainsi que son personnel sont exemptés de ce genre de bizutage ou de menace.

 

 

« Depuis que je suis aux Baumettes, il y a eu trois morts ».

 

 

Il y a aussi le personnel qui essaie de comprendre telle cette assistante sociale ou son équivalent. Et qui semble avoir une bonne relation avec les détenus. Lorsqu’elle s’entretient avec deux d’entre eux après qu’ils aient participé à un passage à tabac sur un autre détenu, elle essaie de les sensibiliser au  fait qu’ils ont été les auteurs d’une extrême violence.  Elle a vu les images vidéos de l’agression. Devant la caméra des deux réalisateurs Des Hommes, les deux détenus  se montrent « ouverts » à la discussion et polis. D’accord, ils ont peut-être frappé fort juste pour une insulte. Mais l’un des deux souligne qu’il a jeté de l’eau sur la victime pour la ranimer, ce qui, pour lui,  correspondait à un geste d’assistance et de secourisme. Si une certaine satisfaction et une certaine appétence pour la violence semble évidente chez ces deux hommes, on peut aussi se demander combien de temps et combien de fois ils avaient eux-mêmes été témoins ou victimes de violences en prison et dehors. Et combien de fois ils avaient aussi dû prendre sur eux et se retenir devant des violences, avant de commencer à se lâcher sur ce détenu et sur d’autres avant et après lui. On ne le saura pas comme eux-mêmes ne s’en souviendront peut-être pas, puisqu’il s’agit de vivre au jour le jour,  ou alors lorsqu’il sera trop tard.  Pour eux comme pour leurs victimes. Leurs victimes pouvant aussi être leurs propres enfants s’ils en ont ou certains membres de leurs familles qui subiront aussi directement ou indirectement les conséquences de leurs actions violentes. Mais j’extrapole car Des Hommes s’attache au quotidien de ces prisonniers aux Baumettes.

 

 

 

Il y a aussi une violente asymétrie lorsque l’on voit ce détenu jugé par visioconférence. Dans ce passage du documentaire, on assiste d’abord à la pauvreté des moyens de la Justice et des prisons (au moins en personnel). Alors, on recourt à la technologie pour truquer les manques. Pour juger à distance. On peut se dire qu’il vaut mieux ça que pas de jugement. Premier constat.

 

Mais on peut aussi se dire qu’en jugeant de cette façon, à distance, que la Justice et la Loi considèrent ce détenu comme la malaria avant le vaccin : il ne mérite pas le déplacement. Qu’il reste en prison.

 

Enfin, je reste marqué par cette médiocre qualité du son lors des échanges entre ce détenu et la cour qui le juge. Ce qui donne l’image d’une justice véritablement « cheap » ou bas de gamme. Alors que le vocabulaire- et ,vraisemblablement, le niveau de vie- employé par les représentants de la Loi et de la Justice  est,  lui , plutôt haut de gamme et aux antipodes de celui du jugé :

 

 

D’un côté, des personnes éduquées qui ont de toute évidence bénéficié d’un très haut niveau d’études, qui viennent sans doute d’un milieu social plutôt favorisé. D’un autre côté, un jugé qui s’est plutôt fait avec sa famille et son milieu et qui possède les codes de la rue et de la débrouille. On peut bien-sûr être issu d’un très bon milieu social, avoir fait de très bonnes études et très bien servir la Justice et l’équité. 

 

Mais on a l’impression lors de cette séquence d’assister à un cliché de justice datant presque de l’époque de Molière. Et, malgré le sourire, en forme d’aumône plutôt sympathique,  de la juge à la fin de la comparution, apprendre en même temps que le détenu que la décision du jugement lui sera signifiée prochainement par le greffe de la maison d’arrêt des Baumettes nous donne l’impression qu’il sera de toute façon le cocu de l’histoire.

 

 

On parle beaucoup de la tendance à la destruction et à l’autodestruction de celles et ceux qui récidivent en prison. On parle moins de cet esprit de compétition vis-à-vis de soi-même et des autres qui en est souvent l’un des principaux ingrédients. Celui qui pousse sans cesse à vouloir sortir du lot. Mais aussi à manquer d’indulgence pour soi-même et les autres. Le but suprême, et volatile, est alors de réaliser rapidement  certains profits et d’accomplir certains exploits même si, pour cela, il faut dilacérer autour de soi à peu près tout ce qui peut constituer un refus ou un ralentissement.

 

Beaucoup de ces hommes peuvent donc être vus comme des entrepreneurs et des conquérants qui ont échoué. Ou comme les sosies égarés des mannequins, des VRP, des célébrités et des comédiens que sont certaines et certains de ces dirigeants pour lesquels nous sommes quelques fois appelés à voter.   

 

«  Je suis de retour en prison. Je suis égaré ».

 

 

 

Franck Unimon / blog balistique du quotidien, ce dimanche 1er mars 2020.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Scandale

                                                       

 

                                                                    Scandale

 

 

On a pu entendre dire que les Américains des Etats-Unis sont des grands enfants. Savoir qu’un centre d’attractions comme Disneyland a les faveurs de millions d’Américains me laisse encore assez perplexe même si j’ai aimé et aimerais encore les équivalents de ce genre de lieux d’attractions en France. Les Etats-Unis sont aussi vus comme le pays de la malbouffe avec Mac Do, coca-cola et une certaine explosion de l’obésité.

 

J’ai lu un jour  que les Etats-Unis d’Amérique sont la plus grande démocratie du monde. 

 

Et l’on sait aussi assez combien les Etats-Unis continuent de diriger le Monde même si des Nations comme la Chine et la Russie, et certains de leurs alliés, peuvent s’opposer assez régulièrement à ce leadership. Commercialement et économiquement pour la Chine. Au travers par exemple de l’histoire du téléphone portable de marque Huawei et de la 5 G, auquel se refuse le président américain Donald Trump. Car, officiellement, cette technologie permettrait aux Chinois d’espionner au moins les Américains qui nous le rendent bien depuis le président Barack Obama- et sans doute avant- avec leur surveillance de masse organisée avec la complicité des grandes entreprises telles que Google, Amazon, Facebook, Apple et d’autres en compagnie d’autres pays à l’aise avec cette surveillance ( Australie, Nouvelle-Zélande, Royaume-Uni…. voir l’affaire Snowden).

 

La Russie de Poutine représente quant à elle un danger militaire, technologique et politique au moins pour les Etats-Unis : un article dans Le New York Times de ce 22 et 23 février 2020 informe que la Russie a l’intention d’influencer le résultat des primaires des démocrates en février 2020 ainsi que celui des élections présidentielles  ( «  (…) including that Russia intended to interfere with the 2020 Democratic primaries as well as the general election », article Lawmakers are warned of Russia interference).

 

 

Très avancé dans bien des domaines, les Etats-Unis sont aussi le pays qui peut se montrer très conservateur ou très arriéré selon nos modèles et nos valeurs.

 

Le film Scandale est fait de tous ces paradoxes. Dans mon article A Voir absolument  écrit hier, je m’exprimais spontanément devant l’affiche du film. Dans un certain jargon, on dira que j’ai projeté sur cette affiche certaines de mes pensées et certains de mes sentiments en la voyant. Et j’en ai profité pour pousser la caricature et l’autodérision sans connaître le sujet du film.  

 

Puis arrive, si on peut se l’accorder, le temps de l’expérience et l’étape de la contradiction. Mais aussi, dans le meilleur des cas, celui de la construction ou de la contribution. Ces trois temps, j’ai tenu à me les accorder ce matin vraisemblablement du fait de la présence de Charlize Theron et de Nicole Kidman dans le film. Actrices à propos desquelles j’ai écrit le bien que j’en pensais.  Du fait du titre du film. Et parce-que j’ai côtoyé quelques bouts d’une interview de l’actrice Margot Robbie qui parlait entre-autres de son admiration pour les deux premières.

 J’écrirai peut-être plus tard sur les à-côtés de cette séance cinéma car ils me semblent rajouter quelque chose à mon regard sur le film. Mais, en attendant, maintenant que je viens de voir le film Scandale, je peux passer derrière cette vitrine et cette affiche que nous offre constamment les Etats-Unis de New-York. Puisque j’ai déjà entendu dire que New-York, c’est une certaine partie des Etats-Unis. Une partie des Etats-Unis qui est peut-être la plus médiatisée. La plus donnée en exemple. Celle qui a aussi été terrorisée et agressée en 2001.

 

Cette vitrine new-yorkaise est faite de personnes travailleuses, ultra-compétentes, affutées, bien dans leur corps et à l’aise avec leurs hormones. Invulnérables. Friquées.  Leurs sourires permanents ont la solidité d’un pare-chocs de quatre-quatre. Lorsque le Monde a peur, le visage des Etats-Unis, au moins à New-York et dans ses environs, est celui de celle ou celui qui peut vous répondre s’il le souhaite :

 

«  Relax ! On va y arriver ! Je suis l’adversaire de la peur. Vous allez voir, je vais vous monter un bon dossier avec des super-héros, un scénario fantastique, une très bonne médecine, de bons journalistes et de très bons avocats et, croyez-moi, la mort va reculer car nous allons lui donner une bonne raclée et elle s’en souviendra. Nous sommes en Amérique, ici !  ».

 

L’histoire du film Scandale est inspirée d’événements qui se sont déroulés en 2015-2016 au sein de la chaine d’informations Fox News qui appartient à Rupert Murdoch, «  32 ème personne la plus puissante du monde/ 76 ème fortune mondiale » nous dit wikipédia et soutien de Donald Trump lorsque celui-ci s’est présenté aux élections présidentielles en 2015-2016. Cette dernière information est dans le film. 

 

J’ai peut-être entendu parler de l’affaire « Roger Ailes » à l’époque mais je ne m’en souviens pas.

 

Efficace et pédagogique, le film de Jay Roach nous fait entrer dans un monde de la presse très conservateur, partial et démagogique, car voué à satisfaire son public et son parti, tous deux conservateurs, et où pratiquement toutes les femmes employées, de la journaliste lambda à la journaliste vedette se donnent aux règles phallocrates des hommes qui les dominent. Car elles se dévouent à un « métier visuel » où on les recrute souvent parce-qu’elles sont de jolies crevettes.

 

Côté vitrine et affiche, ce sont des femmes éloquentes, incisives et indépendantes qui ont Fox News dans la peau, gagnent bien leur vie et ont une très bonne carrière. Hors caméra, elles obéissent à l’audience et, pour la plupart, elles acceptent en silence le commandement supérieur  des volontés sexuelles de leurs boss masculins : tenues vestimentaires types, sexe oral et autres types de rapport imposés selon les agendas de ces hommes à bosse proéminente au milieu du pantalon. On appelle ça, faire preuve de loyauté. On comprend un peu mieux en regardant ce film dans quel contexte Donald Trump a pu devenir président des Etats-Unis. Ainsi que les raisons pour lesquelles ses antécédents de harcèlement sexuel et un certain nombre de ses propos ont peu entamé son accession à la présidence des Etats-Unis. 

 

«  J’ai fait gagner un milliard de dollars aux Murdoch » dira Roger Ailes dans le film. Cette rentabilité explique aussi le maintien de certains à leur poste de responsables.  

De gauche à droite, Megyn Kelly ( l’actrice Charlize Theron), Gretchen Carlson ( l’actrice Nicole Kidman) et Kayla Pospili ( Margot Robbie)

 Scandale raconte la réaction de deux femmes journalistes vedettes, Megyn Kelly (interprétée par Charlize Theron) et Gretchen Carlson (interprétée par Nicole Kidman) qui décident à un moment donné d’attaquer en justice Roger Ailes (interprété par John Lithgow), le président de Fox News, pour harcèlement sexuel. Il s’agit d’un biopic. A ce que j’ai lu, le personnage de Megyn Kelly, dans la vraie vie, est moralement moins sympathique si l’on habite certaines valeurs.

 

 

Megan Kelly ( l’actrice Charlize Theron) et Roger Ailes ( l’acteur John Lithgow)

 

 

Cependant, « L’affaire » Roger Ailes rappelle évidemment, dans le milieu du cinéma, « l’affaire » du producteur Harvey Weinstein qui se produira un ou deux ans plus tard. Ainsi que « l’affaire » DSK quelques années plus tôt.  En France, on pensera à d’autres affaires du même genre. Actuellement,  en France, on parle par exemple de l’affaire de l’écrivain Gabriel Maztneff  (Prix Renaudot en 2013, connu pour ses œuvres où il parle de ses expériences pédophiles)  suite à la parution en 2019 de l’ouvrage Le Consentement  de Vanessa Springora  où elle raconte sa relation avec celui-ci alors qu’elle avait 14 ans et lui, 49.

En France toujours, on parle aussi de l’affaire du réalisateur Christophe Rugia accusé de «harcèlement » et « d’attouchements » par l’actrice Adèle Haenel alors qu’elle avait entre 12 et 15 ans. On reparle aussi du réalisateur Roman Polanski.

 

A chaque fois, les hommes incriminés sont installés au Pouvoir depuis des années, sont nettement plus  âgés que leurs victimes et sont « coutumiers des faits qui leur sont reprochés ». Ce sont aussi, lorsque l’on parle d’Harvey Weinstein et Roger Ailes, des hommes d’une « autre » époque et d’une  société qui était antérieure à la société que nous connaissons désormais à travers internet et les réseaux sociaux :

Soit que l’époque d’où ils viennent était celle d’une société plus permissive, plus passive ou plus servile concernant leurs agissements. Soit que leurs alliés et protecteurs d’alors étaient plus nombreux et/ou plus puissants. Et que les victimes, elles, alors, étaient davantage livrées à elles-mêmes. Lorsque je regarde Roger Ailes dans le film, il me fait penser à Hoover qui avait régné sur le FBI pendant des années ( 42) tel un monarque absolu. Même si leurs domaines d’action étaient différents,  je crois que les certitudes avec lesquelles ils gouvernaient étaient assez jumelles.  

 

 

Roger Ailes avait un peu plus de 70 ans lorsque la journaliste Gretchen Carlson a porté plainte contre lui. Harvey Weinstein, un peu plus de 60 ans lorsque son affaire a été rendue publique en 2017.  Un à deux ans sépare les deux affaires. 

 

Le rôle tenu par l’actrice Margot Robbie ( Kayla Pospili) a , lui, été inspiré de témoignages. Bien-sûr, on pense au mouvement #Metoo et balance ton porc. Mais je crois que le film Scandale  aborde aussi d’autres sujets :

 

La presse, décrite comme le quatrième Pouvoir, passe de plus en plus comme un Pouvoir en déclin pour défendre certaines causes « justes ». Car elle s’est faite annexer et museler. Dans Scandale, la presse se révèle asphyxiante car  Fox News  semble être en situation de monopole en tant qu’organe de presse. A moins que ce soit une façon pour le réalisateur de montrer comme les personnes victimes de harcèlement, et, à travers elles, toutes les personnes lanceuses d’alerte dans quelque domaine que ce soit, sont souvent d’abord isolées. Parce qu’elles évoluent, malgré les sourires à tous les étages, dans un monde professionnel extrêmement concurrentiel où le chacun pour soi, la peur de perdre son job, sa réputation – ainsi que sa position sociale avantageuse- et la toxicité de certaines pratiques sont une somme que la majorité regarde et engloutit dans le déni.

 

Dans Scandale, arrive un point où l’on se demande si le pire provient de tous ces hommes de Pouvoir et qui en abusent ou de tous ces employés – femmes et hommes inclus- qui deviennent spontanément solidaires pour se taire et aussi pour dénigrer, discréditer voire harceler à leur tour celles qui lancent l’alerte. Si l’on est bien au pays de Walt Disney, le parc d’attraction de Fox News devient ici un parc de destruction où plus que Blanche Neige et le petit Chaperon Rouge, les sorcières et les loups restent les grands vainqueurs de l’animation. Même si certains des loups succombent à leur disgrâce lorsque celle-ci arrive ( Roger Ailes est décédé en 2017 soit un ou deux ans après « l’affaire »).  

 

L’aplomb de Charlize Theron et de Nicole Kidman dans le film est proche de celui du personnage interprété par l’actrice Jessica Chastain dans Miss Sloane réalisé par John Madden en 2016. Mais en grattant bien, je trouve que le rôle de Nicole Kidman dans Scandale a une petite parenté avec celui qu’était le sien dans le Dogville de Lars Von Trier ( 2003) . Et  je repense aussi maintenant à l’humiliation vécue par le personnage interprété par Jennifer Anniston dans The Good Girl réalisé en 2002 par Miguel Arteta. Même si, côté humiliation , le personnage de Charlize Theron dans Monster ( 2003) avait fait le plein. On peut du reste relever, que comme par un besoin de compensation, Patty Jenkins,  la réalisatrice de Monster a ensuite réalisé Wonder Woman en 2017 ainsi que Wonder Woman 1984 prévu en salles en 2020. 

 

 

On peut voir le film Scandale comme un film « féministe » militant à juste titre pour plus d’égalité entre les femmes et les hommes. Ce qui encouragera et réconfortera sûrement des personnes.  

 

Mais  je crois qu’il faut se rappeler que cette affaire est aussi contemporaine des affaires Snowden comme de Wikileaks, Chelsea/Bradley Manning, Katharine Gun, où, là aussi, des individus, ont pris la décision, pour diverses raisons, de refuser certaines pratiques privées et dictées afin de les rendre publiques et démocratiques dans l’espoir de sauver ce qui peut encore l’être de nos droits, de nos vies et de nos libertés.

 

Je crois aussi qu’il faut aussi relier cette affaire au mouvement Occupy Wall Street. Aux initiatives qui sont prises par certaines personnes afin de vivre dans un monde plus écologique.  Aux collapsologues qui nous parlent de l’effondrement. Aux démarches judiciaires engagées par d’autres contre Monsanto et le Glyphosate mais aussi dans l’affaire du Médiator et du scandale du silicone industriel dans les prothèses mammaires PIP.

 

Toutes ces prises de conscience et ces actions sociales, politiques et judiciaires sont souvent concomitantes. Les regarder comme de simples coïncidences éloignées et séparées dans un monde immuable est peut-être une forme de déni comme celui qui a meublé les existences de plusieurs des personnages aux avant postes dans le film Scandale. Et aussi ailleurs.

 

Dans le film, alors qu’elle est seule et en plein doute Gretchen Carlson ( interprétée par Nicole Kidman) dit à ses avocats qu’elle s’est jetée du haut de la falaise en s’attaquant à Roger Ailes. La suite la confortera dans sa très grande prise de risques. Néanmoins, ce film plutôt optimiste semble bien illustrer le titre d’une des chansons de Jimmy Cliff qui date de 1972 :

 

 » Many rivers to cross ». 

 

Franck Unimon, mardi 25 février 2020.

 

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Cinéma

A Voir absolument

 

 

 

                                                     A voir absolument

La norme, chez l’être humain, c’est l’extrême. Je le réapprends de temps en temps avec du  retard. Je t’aime et je t’adore aujourd’hui mais aussitôt que je serai suffisamment intime avec toi, je deviendrai parfaitement libre de te maudire et de vouloir modifier ta race et ta constitution pour plusieurs générations. De leur faire subir toutes les interruptions de grossesse – même si tu es un homme- et toutes les perturbations endocriniennes disponibles et accessibles à  mes connaissances. Oui, j’ai du chien ! Même si tu l’oublies alors que je te souris et que je suis cool avec toi. Tu as intérêt à bien te tenir. C’est aussi simple que ça.

 

La mauvaise foi est bien-sûr un fantastique adjuvant en même temps qu’un puissant conducteur. C’est également un excellent liant. Et, certaines fois, aussi, un très bon facilitateur de l’appareil reproducteur. Car si la norme chez l’être humain, c’est l’extrême, la contradiction et l’opposition font partie de ses meilleurs aphrodisiaques.

 

Je n’avais pas prévu ce préliminaire pour commencer à parler de cette affiche. C’est venu tout seul il y a quelques minutes après avoir relu mon texte écrit rapidement il y a plusieurs semaines.

 

 

Cela fait plusieurs jours, que je vois l’affiche de ce film :

 

A voir absolument. Il est un peu plus de 8 heures ce matin. Je suis dans le bus 21 qui traîne du côté des Halles. Dans moins d’une heure trente, je vais interviewer Abdel Raouf Dafri pour son premier film en tant que réalisateur : Qu’un sang impur. ( Interview en apnée avec Abdel Raouf Dafri)

 

Mais parlons de ce film, Scandale, qu’il faut voir absolument tandis que je suis assis à côté d’une femme sur une place prioritaire. Imitant en cela une autre femme sur ma gauche.

Quelques minutes plus tôt, j’avais bien vu que la femme à côté de qui je me suis décidé à m’asseoir m’avait en quelque sorte fait une petite place. Mais j’avais résisté.

Je suis d’abord resté debout comme un soldat avec mon sac.

 

Depuis des mois ou des années, je me suis aperçu que, désormais, dans les transports, j’ai tout un tas de scrupules à m’asseoir à côté d’une femme inconnue. Parce qu’en tant qu’homme, je suis suspect. Et si je suis embarrassé, c’est évidemment parce que j’ai des reproches à me faire.

 

Assis à côté de cette femme inconnue dans ce bus 21, je m’attends à ce que la brigade des mœurs monte bientôt afin de venir me menotter. En attendant, je poursuis  mon parcours de délinquant sexuel potentiel et passif. Un de ces jours, on instaurera des transports en commun ou des quotas séparant les femmes des hommes. Et les contrôles porteront aussi sur notre genre sexuel. Les transgenres deviendront alors encore plus les nouveaux Arabes et les nouveaux Nègres de la société. Pour celles et ceux qui ne m’ont jamais vu : J’informe que je suis noir de peau de naissance et le resterai jusqu’à ma mort sauf événement imprévu et indépendant de ma volonté.

 

 

Non, Madame ! Ce n’est pas de ma faute si le bus 21 s’arrête à la station Palais Royal au lieu de St-Ouen ! Même si je l’apprends en même temps que vous. Comme vient de vous le dire le chauffeur de bus, il fallait regarder l’affiche !

 

Mais c’est peut-être de ma faute si les trois actrices principales du film Scandale, qu’il faut absolument aller voir, sont, à nouveau, trois blondes. Même si, vous, Madame, vous n’êtes pas du tout blonde. Pourtant, toutes les femmes sont blondes. Toutes les femmes hautement désirables depuis au moins un demi-siècle au cinéma sont automatiquement et majoritairement blondes. Et, ça, il faut le voir absolument. Bien-sûr, il y a des exceptions, Madame.  Jennifer Connelly, présente dans le film Alita, Battle Angel réalisé par Robert Rodriguez qui m’a bien plu,  ressemble de plus en plus à Demi Moore. Alden Ehrenreich- qui est un homme- rappelle James Dean.

Dans le milieu du cinéma, on est très loin d’être conservateur. On est vraiment dans le renouvellement et dans l’évolution des modèles et des visages.

 

Je dois voir ce film. C’est bon pour ma rééducation et ma conscientisation.

 

J’irai aussi le voir parce qu’avant l’affaire Weinstein – j’ai malheureusement raté le documentaire qui lui a été consacré. Mais c’est sûrement du fait de ma complicité inconsciente avec lui même si le documentaire est resté peu de temps dans quelques salles – avant l’affaire DSK et d’autres affaires de viol et de harcèlement, j’aimais déjà le jeu d’actrices de Nicole Kidman et de Charlize Theron. Mais ça, j’aurais dû absolument le passer sous silence. Puisque je suis un homme, je suis sûrement allé voir ces femmes au cinéma pour des motifs dépravés.

 

PS : c’est comme avec cette stagiaire à qui j’ai fait la bise ce matin. Finalement, elle ne m’avait rien demandé. J’y repense seulement maintenant. Elle ne m’avait pas demandé de l’inclure dans cette ronde des bises matinales. Elle et moi, nous n’avons pas gardé les cochons ensemble. Et même si nous l’avions fait, un de ces jours, elle pourra me reprocher de l’avoir forcée, moi qui pourrais être son père, et qui étais en situation de supériorité de par mon grade et ma fonction. J’aurais dû lui demander la permission. Et non pas la mettre devant le fait accompli en présence de tout le monde (une grande majorité de collègues femmes).

 

Il va falloir que je me reprenne. Et que je sache me tenir. Comme avant, lorsque j’étais puceau, que j’écrivais des poèmes à une jeune de mon âge pour lui déclarer mes sentiments et que, le plus souvent, je me prenais des râteaux.  J’aurais dû écrire un poème à cette étudiante afin de lui demander si je pouvais lui faire la bise. Ou établir une demande en bonne et due forme. Faire parvenir cette demande à la responsable de son centre de formation voire peut-être à ses parents voire à sa compagne ou à son compagnon – que je ne connais pas- même si elle était majeure.

 

Mais je raconte n’importe quoi. Je fais du mauvais humour pour masquer le fait que, là, je me suis mis dans une très très mauvaise situation. En plus, je suis marié et j’ai une fille. Non seulement je donne un très mauvais exemple. Et, en plus, je banalise le viol et toutes les offenses faites aux femmes par les hommes depuis des millénaires. Le scandale. C’est une attitude complètement irresponsable. Méprisable. Indéfendable. Et ça a l’air de beaucoup m’amuser, en plus.

 

Ça commence par une bise pour dire bonjour à une stagiaire présente dans le service depuis plusieurs semaines. Et, ensuite, on sait tous que ça se transforme en autre chose de beaucoup plus grave. Oui, mais maintenant que j’ai commencé, si j’arrête de lui faire la bise alors que je vais continuer d’embrasser mes collègues femmes – que j’ai vues lui faire la bise- pour les saluer, que va t elle penser ? Que je suis bizarre ? Et si je la regarde plus de cinq secondes ?

 

Lorsque je passe devant l’affiche, je le vois bien, que sans rien dire, avant même d’aller  voir le film,  que Nicole Kidman, Charlize Theron et Margot Robbie me jugent déja. C’est la norme.

 

Franck Unimon, ce lundi 24 février 2020.

 

 

 

 

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Tu mourras à 20 ans

 

 

                                                Tu mourras à 20 ans

Ce film, réalisé par le Soudanais Amjad Abu Alala, est inspiré d’une nouvelle de l’auteur soudanais Hammour Ziada. Lequel vit aujourd’hui en Egypte après avoir été banni de son pays. Le tournage s’est effectué au Soudan dans le village du père du réalisateur, Amjad Abu Alala. A l’origine, l’histoire se déroulait en Egypte si j’ai bien compris.

 

Tu mourras à 20 ans est la 8ème réalisation  du Soudan dans l’Histoire du cinéma.  Il s’agit d’une coproduction internationale ( Soudan, France, Egypte, Norvège, Allemagne, Qatar).

 

Paris compte 87 ou 88 cinémas selon les sources ( Les Echos, Le Figaro…) pour un peu plus de 400 salles. 38 de ces cinémas parisiens sont des cinémas d’art & d’essai qui essaient de résister aux multiplexes. Parmi ces cinémas d’art & d’essai, on trouve le cinéma des Ursulines qui est aussi le plus ancien des cinémas parisiens en activité ( créé en 1926).

 

Un parisien va en moyenne 11 à 12 fois  par an au cinéma soit trois à quatre fois plus qu’en province. A Paris, chaque semaine, 500 films sont à l’affiche. Dans ces conditions, il est selon moi nécessaire, quand j’arrive à m’extraire de l’attraction des multiplexes, d’aller voir en priorité des films comme Tu mourras à 20 ans qui est sorti dans seulement trois cinémas à Paris ce 12 février 2020. Il est encore possible d’aller le voir dans ces mêmes cinémas ainsi que dans un cinéma à Créteil et à Montreuil. A ce que je viens de voir, ce film avait été projeté ce 5 février 2020 à l’Institut du Monde Arabe.

 

Quelques cinémas projettent également Tu mourras à 20 ans en province. A Rennes, par exemple.

 

Muzamil ( une fois adulte, l’acteur Mustafa Shehata) nait dans la province d’Aljazira, au Soudan, entre le Nil blanc et le Nil Bleu avant que les deux branches du fleuve, en se rejoignant, forgent le Nil qui part ensuite vers l’Egypte.

On peut donc déjà dire que, sans forcément le savoir, Muzamil naît entre le jour et la nuit ou entre la vie et la mort. Car lorsque sa mère Sakina ( l’actrice Islam Mubarak), accompagnée de son père, fait le trajet pour le faire baptiser selon un rituel soufi, l’un des derviches tombe , alors que la bénédiction est en cours, et prononce  la « condamnation » :

 

Muzamil est destiné à mourir à 20 ans et ce que Dieu a scellé, personne ne peut le défaire. Muzamil est le seul enfant du couple. Et les deux parents ne sont pas si jeunes que ça. Sakina a bien une bonne trentaine d’années. Peut-être doit-on comprendre qu’il leur a été difficile de concevoir cet enfant. Et qu’il leur est peut-être impossible d’en avoir un autre.

 

La déclaration provoque la séparation des deux parents de Muzamil, encore bébé. Le père, contrairement à Sakina, ne se sent pas les épaules pour rester et opte pour partir travailler au loin. Et, pendant des années, il adressera régulièrement de l’argent et des courriers à Sakina.

Muzamil, lui, grandit à l’écart des autres. Sakina doit donc faire avec deux bannis : le père et le fils. L’un, par honte et impuissance. L’autre, par innocence.

On est très vite tenté de faire des analogies avec le film Va, vis et deviens réalisé par Radu Mihaileanu en 2005. Que cette comparaison plaise ou non ( puisque dans Va, vis et deviens, l’histoire se déroule en Israël ), dans Tu Mourras à 20 ans, on est à la fois dans le Sacré et dans la mythologie. Et aussi dans le conte et dans le blues. Dans des mythes fondateurs tant africains qu’européens.

 

Le Sacré : Il n’ est pas encore fait  allusion dans cet article à l’église du Sacré-Cœur, située dans le 18èmearrondissement de Paris.

Par contre, à parler de l’Egypte et du Nil, il est difficile d’éviter certaines références au Sacré. Que l’on parle de l’Egypte du temps des Pharaons et, déjà, de la fuite des Juifs ou de toute histoire que chacune et chacun raccordera à ce qui a pu lui être transmis dans son héritage familial à propos de l’Egypte et du Nil.

 

Et puis, ce fils qui est sacrifié par la volonté de Dieu, cela rappelle une autre Histoire.

 

La mythologie :  On retrouve au moins la silhouette d’Ulysse dans Tu mourras à 20 ans.

 

L’acteur Gary Cadenat ( José) face à l’acteur Douta Seck ( Medouze) dans le film  » Rue Cases Nègres ».

 

Le conte : En regardant Tu Mourras à 20 ans, j’ai très vite pensé à un conte originaire de la Louisiane où il est question de l’esclavage, d’un petit garçon, Boy, à qui le vieil esclave Jason ( un autre prénom bien connoté question sacré et mythologie), le soir, apprend à jouer de l’harmonica et lui conseille d’aller vers le Nord, en suivant la voie ferrée, afin de devenir libre. Le vieux Jason est bien l’équivalent du vieux Medouze du film Rue Cases Nègres réalisé en 1983 par Euzhan Palcy d’après le roman du Martiniquais Joseph Zobel. Et le personnage de Sulaiman ( Mahmoud Elsaraj) dans Tu mourras à 20 ans est bien leur alter-ego ainsi que,  sans discussion possible, la figure du Bluesman. Soit l’homme qui voyage ou qui a voyagé, qui a enduré et vécu y compris de façon hors-la-loi selon la morale.

 

 

Muzamil, sa mère Sakina et son père vivent scrupuleusement selon la Loi et lorsque l’on voit le résultat, on se demande quel crime horrible ils ont pu faire pour avoir ces vies de plaie. Mais si l’on regarde en Europe, avec un film comme Raining Stones ( 1993), un cinéaste comme Ken Loach a aussi pu parler de cette souffrance infligée injustement au nom de la religion.

 

L’actrice Emily Watson dans  » Breaking the waves ».

On retrouve cette même souffrance dans Breaking the Waves ( 1996) de Lars Von Trier.  

 

 

 

 

Et si l’on insiste et que l’on tient vraiment à parler de fondamentalisme religieux parce-que l’on trouve ces films encore trop légers et trop sautillants, on peut se mater le documentaire Jesus camp, réalisé en 2006 par Heidi Ewing et Rachel Grady. Ça se passe au Dakota du Nord et dans le Missouri, dans les Etats-Unis du 21ème siècle, Première Puissance Mondiale, dont une bonne partie des immigrés de l’époque de la « colonisation » venait d’Europe.

 

Le Blues :  que l’on parle du Nil ou du Delta du Mississipi, on entre dans la poussière du Blues. Le défunt musicien malien, Ali Farka Touré, n’est pas loin, et avec lui se trouvent celles et ceux qui l’ont précédé et celles et ceux qui l’ont suivi. Dans les environs du Rap et de tant d’autres genres musicaux.  Trop de voix et de notes pour les faire porter par des mots.  Parce-que le Blues, c’est franchir des frontières, aller au devant d’un voisinage, d’un langage et d’un espoir, les raconter et les réinventer, plutôt que de continuer de faire tapisserie et de toujours- devoir- subir et accepter les règles des impasses jusqu’à la dernière d’entre elles, celle où tout se joue. Celle qui peut tout voir et tout entendre.    

 

Pour ces quelques horizons, Tu mourras à 20 ans vaut plus que le coup d’œil. Ensuite, tout est question d’interprétation. On peut, comme certains des personnages dans le film, s’anesthésier avec des récitations que l’on répète ad libitum sans bien les comprendre. Que l’on parle de religion ou de toute sorte d’enseignement, de mode de vie, et de protocole à l’école, dans la vie ou au travail.

 

Ou on peut se dire qu’à 20 ans, et après 20 ans d’interdits et d’épreuves, Muzamil va peut-être abandonner celui qu’il a été et devenir un autre. Comme le fleuve qui va se jeter dans la mer.  Comme Boy, l’enfant esclave, qui, dans le conte, alors que le contremaitre l’emmène pour le vendre, décide subitement de s’enfuir. Comme le bluesman Robert Johnson qui passait de train en train sans doute pour échapper au train-train quotidien. Comme le Bluesman John Lee Hooker, qui, dans son adolescence, a commencé à fuguer pour se diriger vers le Nord.

Comme toute personne qui, lorsqu’elle aspire à grandir, un jour, se décide à quitter sa routine quitte à revenir sur ses traces plusieurs années plus tard.

Comme les migrants de toutes sortes qui quittent leur pays, leur région, voire, pour certains, leurs familles,  leur langue, leur religion, leur profession,  pour des raisons climatiques, économiques, militaires ou différentes mais toujours pour des raisons de vie ou de mort. Que l’on s’en souvienne ou non.

 

 

Franck Unimon, ce vendredi 21 février 2020.

 

 

 

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Cinéma

Brooklyn Secret

 

 

 

Lorsque l’on arrête de courir après son passé, on tombe sur un regard. Ce regard est notre secret. 

 

S’il faut souvent donner de soi pour se faire aimer, la générosité dans Brooklyn Secret est un des meilleurs moyens pour se faire trahir ou rejeter. Brooklyn Secret parle d’abord de la vie, aujourd’hui, aux Etats-Unis et de sa politique anti-immigration telle qu’elle continue d’être appliquée par le Président Donald Trump.

 

 Alex (l’acteur Eamon Farren), la trentaine, débarque ou revient à Brooklyn depuis l’Ohio  (759 kilomètres). Il vient habiter chez sa grand-mère russe ashkénaze, Olga (l’actrice, Lynn Cohen).

Alex est un élan des cœurs et aussi un jeune homme sans carrière. La dope et  l’alcool ont jusqu’alors été ses accessoires principaux. Ses conquêtes féminines ont été ses plus grands succès.  

 

Alex veut repartir du bon pied. Aux Etats-Unis, pays des Libertés, tout est possible pour celle ou celui qui est volontaire et travailleur.

Un de ses oncles, pour rendre service à sa mère, lui offre de travailler dans sa boucherie. Un emploi exigeant et dangereux : C’est un métier physique où on ne compte pas les heures. Un crochet de boucherie pèse 30 kilos et peut casser un pied.

 

Alex accepte aussi d’assister sa grand-mère Olga en complément d’Olivia (l’actrice, scénariste, monteuse et réalisatrice, Isabel Sandoval). Alex n’a jamais été aide-soignant ou aidant pour qui que ce soit. Il s’agit donc d’une première pour lui également de ce côté-là.

Autant Alex est assez friable et immature, autant Olivia est plus âgée et plus stable.

L’actrice, scénariste, monteuse et réalisatrice, Isabel Sandoval.

 

 

 

Olivia est originaire des Philippines. (Philippines/ Brooklyn : 13831, 50 kilomètres). C’est elle qui, au début du film, rassure Olga dans une scène assez drôle en lui disant qu’elle est bien chez elle. En lieu sûr. La générosité est aussi un des traits d’Olivia.

Mais les Etats-Unis  est ici  le pays où l’on fait passer l’Administration, le Dollar,  la roulette russe et la boucherie avant la générosité.

Et même si la réalisatrice Isabelle Sandoval n’en parle pas directement dans son film, les Etats-Unis est aussi le pays des armes : Le plus grand budget militaire du monde avec 685 milliards de dollars loin devant la Chine « du » Coronarovirus avec 181 milliards (Source : Le Canard Enchaîné numéro 5180 de ce mercredi 19 février). Les armes aussi passent avant la générosité.

 

Actress Isabel Sandoval with Actor Eamon Farren.

Aussi, lorsqu’Olivia et Alex s’envoient sur la Lune (distance entre la Terre et la Lune : entre 350 000 et 405 000 kilomètres), on pourrait donc d’abord se dire que leur vie va  décoller. Mais Brooklyn Secret, comme tout secret, est double et parfois triple.  

La solitude est le passeport de tous dans ce film. Car il est impossible d’être véritablement chez soi lorsque l’on est seul et sans protection. Olga ne sort pas de chez elle. Alex, à l’extérieur, est un  sans-abri devant une mauvaise expérience ou une mauvaise conduite. Et, Olivia, lorsqu’elle est dehors, est en sursis comme une patiente condamnée. On découvre d’ailleurs pendant son histoire « d’amour » avec Alex comme elle vit à l’étouffée. Plutôt que de la fortifier, cette histoire la fragmente entre son passé d’homme et sa présence de femme. L’orgasme qui la fait renaître et reprendre souffle aurait dû être une victoire. Mais il est aussi ce qui la diminue dans un corps d’immigrée que l’on peut sacrifier. Alors qu’elle est à la merci d’Alex, organiquement et administrativement, celui-ci reste conditionné par ses réflexes d’avant : ceux d’un joueur et d’un séducteur qui ne sait pas s’arrêter. Ceux d’un enfant provisoirement dominant qui croit pouvoir tout contrôler, tout se permettre et tout réparer de façon magique. Ce n’est pas un méchant garçon. Mais la mèche du temps qui guide Olivia a déjà opéré sa transition. Et Alex n’est pas le sauveur espéré.

 

J’ai beaucoup moins aimé le personnage d’Olivia, alors qu’il « flotte », et s’en remet à Alex.  Mais on comprend assez facilement qu’elle tente sa chance avec lui.  D’autant que l’église où elle se retrouve parfois avec sa sœur Trixia est une braise vide.

 

Peut-être aussi que, tout comme le personnage d’Alex, je suis également incapable de transformer ma pensée concernant le sujet et la question du genre.

 

Le sujet et la question du genre (puisqu’Isabel Sandoval s’appelait Vincent auparavant) hormis lors de quelques allusions, arrive au premier plan surtout à partir de l’histoire d’amour avec Alex. Avant cela, pour moi, Olivia était une femme et point final.  Et il est étonnant de voir comme,  selon l’angle de la caméra et aussi selon les émotions d’Olivia, lorsque l’étau se resserre concernant sa situation d’immigrée clandestine qui peut, à tout moment, se faire expulser, celle-ci peut avoir un visage plus masculin.  

Du fait de l’évocation des Philippines, Brooklyn Secret peut rappeler les films de Brillante de Mendoza. Mais il m’a d’abord rappelé Maria, pleine de grâce avant de me faire penser à Port Authority .

 

 

 

Brooklyn Secret sortira dans les salles le 18 Mars 2020

 

Franck Unimon

 

 

 

 

 

 

 

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Cinéma Ecologie

Système K

Photos pour cet article issues du site Allociné.

     

                                             

Produits de l’énergie du KO, ils sont les diadèmes éloignés de nos rêves bêta-bloqués. Celles et ceux qui sont là mais que l’on ne voit pas. Même s’ils étaient à notre portée, cela ne changerait pas :

Le regard de l’occident est toujours cet oxydant rayant de la carte leurs matières premières et leur laissant pour sacs à main des freins aux éclats toxiques. Et nous répétons cet accident car nous sommes cet occident.   

 

Plusieurs années après Staff Benda Bilili (Au delà des apparences) qui avait répandu de la vibration ondulante sur le festival de Cannes avec ses musiciens en chaise ambulante, Renaud Barret revient une nouvelle fois. On pouvait reprocher à l’entraînant Staff Benda Bilili qu’il avait coréalisé avec Florent de la Tullaye – que l’on retrouve dans le générique de son Système K –  de nous montrer «  en corps » des noirs musiciens au rythme et au membre plus roulants que la misère,  le désespoir et la violence.  Kate Moss s’en souvient peut-être. Il y manquait à peine Franck Vincent pour que la fête soit complète. Si on ne peut pas un peut s’amuser de temps en temps….

 

Pour sûr, Staff Benda Bilili était bien plus qu’une animation en caisson hyperbare réalisée pour le Club Med. Mais avec  Système K, où l’on aperçoit Kinshasa entre les barres, Renaud Barret signe un documentaire sincère et attachant. Nous ne sommes plus sur les Champs Elysées à la sortie d’un flacon d’eau de toilette luxueuse. Nous ne sommes plus en train de pleurer une Star du Basket disparue dans un accident d’hélicoptère, ou occupés à frissonner d’avance devant le grand débarquement présumé du coronavirus chinois qui viendra bientôt nous anéantir et nous diviser pour avoir espérer destituer le Président Américain Donald Trump qui a pu récupérer son double permis à tweet illimité.  Au lieu de choisir la marque Apple plutôt que Huawei.

 

Dans Système K, Nous sommes souvent dans la rue, entre le camion Iveco, le taxi moto sur lequel on monte à trois,  la vente d’une reproduction de la Joconde, de sacs en plastique remplis d’eau, dans le pays des quatre barrages où une grande partie de la population vit sans eau courante (100 francs le bidon d’eau) et sans électricité.

 

Censure, répression, superstitions et vénalité de l’église et de l’Etat sont  un programme permanent ainsi qu’une seule certitude : L’instant présent.

 

En face, Renaud Barret choisit de nous montrer la vitalité des performances de certains artistes, quelques moments de leur conscience et certaines de leurs rencontres avec la population qui les environne. «  Des artistes, ici à Kin ? » demande un homme.

 

On y croise d’abord Freddy Tsimba qui explique plus tard avoir eu la chance de percer «  le mur invisible » qui sépare l’artiste solitaire et pauvre de celui qui est reconnu internationalement et estime avoir la responsabilité de laisser la porte ouverte derrière lui.

On y voit Géraldine qui accepte de respirer des «  fumées toxiques » lorsqu’elle crée et qui a compris qu’elle était « liée à la fumée ».

Béni, orphelin de père belge et de mère congolaise quand il avait six ans, aimerait quitter ce pays de « merde » ( la RDC ) mais explique que les Belges et lui, «  On ne se comprend pas » et, aussi, qu’il s’est « synchronisé avec le plastique ». Suivent d’autres performances et d’autres artistes.

Devant Système K, on ne sait pas si l’on est devant notre futur ou devant le passé. Mais ce qui est sûr, c’est que ce système est déjà le présent de certaines et certains d’entre nous.

 

Je me demande ce qu’en a pensé la très bonne revue Awotélé consacrée aux cinémas d’Afrique.

Franck Unimon, ce jeudi 13 février 2020. 

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Cinéma

Selfie

Après Marche avec les loups   Selfie, donc. Plusieurs milliers d’années d’évolution- et de massacres- afin de pouvoir continuer à nous consacrer avec de plus en plus de moyens à nos plus grandes idoles:

 

Notre image et nos émotions.

 

Il y avait plus de monde dans la salle de cinéma, à la  séance de 9 heures du matin, pour venir voir Selfie que Marche avec les loups.

Nous étions à peu près quatre ou cinq pour Marche avec les loups dont un homme avec des bottes en caoutchouc. Et près d’une vingtaine ou plus, la veille à la même heure, pour Selfie.

 

Les deux œuvres sorties le 15 janvier 2020 ont des attraits différents. D’un côté, avec Selfie, nous avons une comédie avec des personnalités que l’on aime bien ou que l’on découvre : Voir Blanche Gardin dans la bande annonce m’a tout de suite donné envie d’aller voir ce film. Mais le film a d’autres cartes à jouer avec Elza Zylberstein, Maxence Tual, Max Boublil, Manu Payet, Fanny Sidney (découverte dans la série Dix pour cent), Estéban, Finnegan Oldfield, Haroun, Sam Karmann, Marc Fraize  et d’autres qui me reprocheront peut-être – mais j’espère qu’ils arriveront à me le pardonner- de les « oublier » dans cette liste.

D’un autre côté, dans Marche avec les loups, nous avons un film documentaire réalisé par Jean-Michel Bertrand, la soixantaine, pas sexy, peu connu,  sauf par quelques loups,  des écologistes, des adeptes des documentaires animaliers, dont son précédent, ou par les quelques unes et quelques uns qui ont envie de le tirer comme un pigeon. On aurait mis comme titre Mike Horn part se battre avec des loups ou Rocky avec les Loups, cela aurait sûrement plus donné envie de venir. Mais, là, une marche avec des loups alors que l’industrie des trottinettes électriques, des vélos pliables et des engins motorisés personnels est en pleine croissance… Bien des spectateurs ont sans doute préféré éviter cette aventure même si, à mon avis, le film Selfie et le documentaire de Jean-Michel Bertrand ont bien des points communs.

 

Pour le dire très grossièrement : les loups dont Jean-Michel Bertrand veut croiser le regard, au moins regardent-ils vraiment ce qui les environnent. Et ils sont aussi de moins implacables prédateurs que celles et ceux que nous engraissons et au devant desquels nous allons souvent volontairement en consommant. Peut-être parce-que consommer en tout genre- et payer pour cela- nous permet d’obtenir en échange un Savoir magique et une protection. Et comme les effets de ce Savoir et de cette protection ne durent pas, il nous faut consommer/acheter à nouveau ces éléments qui semblent nous permettre de les obtenir ou de nous en rapprocher. Ce besoin de Savoir et de protection et, aussi, de conquête, remonte bien chez l’être humain à l’époque des loups. A l’époque où l’être humain a dû apprendre à vivre et à survivre sur le territoire des loups ou d’un autre prédateur en chair et en os. Aujourd’hui, il existe par exemple des prédateurs numériques, économiques et industriels bien plus coriaces. Le documentaire de Jean-Michel Bertrand nous le dit dans une forme et un langage peut-être anciens qui ne parlent déjà plus à beaucoup d’entre nous. Mais la comédie Selfie nous le dit aussi d’une autre façon ainsi qu’avec une plus grande cruauté qu’on minimise comme à chaque fois que l’on rit et que l’on est capable de rire d’une tragédie. Parce-que tant que l’on peut rire, on a l’impression de garder encore un peu le contrôle sur ce qui nous échappe. Alors qu’il nous est tout de suite impossible de rire lorsque l’on rencontre un loup et d’ajouter :

 

«C’est bon, je contrôle ».

 

 

Ajoutons à cela, presque au milieu de ces deux séances de cinéma …la mort de Kobe Bryant. Du basketteur américain Kobe Bryant que, bien-sûr, tout le monde « connaît », dans l’accident de cet hélicoptère qu’il pilotait à première vue.

Cette mort,  alors que Kobe Bryant était âgé de 40 ans et accompagné de sa fille de 13 ans,  a connu et connaît un très grand « retentissement » médiatique. Même le Président américain Donald Trump, plus « vertueux » pour la haine et les tweets belliqueux à tout propos s’en est « ému ».

 

Comme beaucoup de monde s’est déjà exprimé à propos de votre mort, Monsieur Kobe Bryant, j’aimerais, à mon tour, m’exprimer :

Mourir à quarante ans, au départ, c’est très moche. Surtout aujourd’hui où l’on peut vivre jusqu’à 70 ou 80 ans si l’on sait éviter les selfies qui nous font le coup du lapin. A condition bien-sûr d’avoir la santé et une retraite décente afin d’éviter de devoir aller pointer à l’Armée du Salut ou de devoir partir pour aller faire la manche dans la rue où à  la sortie des magasins. Et, vous, Monsieur Kobe, après nous avoir tant fait rêver sur un parquet de basket, vous aviez tout ce qu’il fallait pour continuer d’avoir une vie de rêve. Une vie que nous aurions été nombreux à souhaiter avoir et que nous aurions consciencieusement peut-être fait connaître moyennant quelques selfies ou vidéos sur Youtube ou les réseaux sociaux à la façon de tant d’autres célébrités et personnalités que vous avez sûrement rencontrées et inspirées.

 

 Mais, je souhaiterais que vous reveniez dunker au moins une fois pour nous refaire la démonstration suivante et mettre tout le monde d’accord sur un point :

 

Vous êtes mort trop vite et c’est très triste. Et je ne pense pas à votre fille de 13 ans dont la mort est tout aussi triste. D’abord, je pense à ces autres passagers qui sont morts avec vous et dont personne, apparemment, n’a rien à faire. Pour votre fille et vous, j’ai vu l’image d’une jolie fresque géante et souriante qui honore déja votre souvenir en attendant d’autres nombreux témoignages de « notre » très grande affection pour vous. On peut s’attendre à ce que des pélérinages  aient lieu à certains endroits où seront disposés des éléments de votre mémoire.

Par contre, en dehors de votre fille, pour celles et ceux qui étaient dans l’hélicoptère avec vous, rien ! Leur fait le plus mémorable sera de s’être écrasés avec vous mais on ne retiendra ni leur nom, ni leur visage, ni leur âge et ni leur histoire. Parce-que nous sommes comme ça, Monsieur Kobe Bryant, vous le savez bien.  On vous retiendra vous et votre fille. En cela, nous respecterons fidèlement, sans doute, ce que vous avez toujours voulu. Marquer l’Histoire.

 

 

Ensuite, malheureusement, vous n’êtes ni le premier ni le dernier être humain  à mourir bêtement en dehors de votre domaine de prédilection où vous étiez un demi-dieu. Tel grand champion d’escalade à mains nues est ainsi mort en tombant dans les escaliers. Tel autre très grand alpiniste s’est tué lors d’une ascension « facile ». Les exemples sont nombreux. Vous pourrez en discuter avec ces personnes ainsi qu’avec quelques anonymes qui ont connu la même fin entre deux ou trois dunks que vous saurez, j’en suis sûr, faire admirer dans l’au-delà.

Dans Selfie, réalisé par cinq réalisateurs, le couple parental joué par Blanche Gardin et Maxence Tual est un corps perdu dans la recherche du nombre de vues. Il y a du Marina Foïs dans le personnage de Blanche Gardin. Je pense à la Marina Foïs du Le Grand Bain de Gilles Lellouche. Et au côté « limite » de leur jeu : elles peuvent toutes les deux dire et commettre des horreurs avec délicatesse, humour et innocence. Cela rappelle un peu le jeu de Marie Trintignant. Et l’affection que l’on peut avoir pour ces trois femmes et actrices.

Face à Blanche Gardin, Maxence Tual est extraordinaire dans sa version 3.0 du raté lambda qui se croit artiste du réel. Et leurs trois mômes font partie du gros lot de Selfie.

Cinq réalisateurs et autant de scénaristes, ça donne un film à sketches autour des réseaux sociaux et de l’omniprésence du numérique et de la technologie qui se sont substitués à notre pensée, nos connaissances et à nos intuitions. Les réseaux sociaux et les nouvelles technologies sont devenues les expériences ultimes. Celles pour lesquelles on est prêt à tout afin d’entrer dans leurs cases et critères. Pour en utiliser les pouvoirs et les Savoir magiques.

Pendant la Seconde Guerre Mondiale, les nazis utilisaient de la pervitine pour être performants malgré le fait que les rats testés en laboratoire avec ce produit finissaient par se ronger les pattes ( article de Sorj Chalandon à propos du documentaire Hitler, blitzkrieg et drogues de Jason Sklaver ( Etats-Unis) dans Le Canard Enchaîné de ce mercredi 29 janvier). Dans Selfie, on bouffe de façon illimitée des réseaux sociaux et des nouvelles technologies jusqu’à en ronger tout notre environnement personnel et mental.

«  Je désire qui, putain ?! » finit par se demander Manu Payet qui s’en remet à l’algorithme qui lui fait régulièrement des suggestions d’achat personnalisées.

 

 

Dans selfie , le reste et les autres ne comptent plus vraiment. Ils font partie du décor.

«  Les gens, c’est pas important ». «  19 millions de vues, c’est plus Qu’intouchables ».

 

Le film a ses chutes de tension. Vers la fin, ça ressemble aussi à l’agitation de rats dans un laboratoire. Mais entre-temps, on aura vu du monde tirer un portrait juste- même dans ses caricatures- et très drôle de notre époque. Bien-sûr, il y a une bonne quantité « de scènes et de répliques potentiellement cultes »

 

Selfie n’est pas un chef d’œuvre mais je crois que face à lui,  il existera trois grosses catégories de personnes :

 

Celles et ceux qui regretteront d’avoir été absents de son casting. Celles et ceux qui l’ont vu. Et celles et ceux qui ne l’ont pas (encore) vu.

 

Même si je ne crois pas qu’il fera plus d’entrées Qu’intouchables.

 

Franck Unimon, ce vendredi 31 janvier 2020.

 

 

 

 

 

 

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Cinéma Ecologie

Marche avec les loups

Photo issue du site allociné comme les suivantes.

Pour cause de Selfie hier ( film réalisé par Thomas Bidegain et Marc Fitoussi), ce matin, je suis allé voir le documentaire Marche avec les loups de et avec Jean-Michel Bertrand. Avant qu’il disparaisse sans doute rapidement des écrans.

 

Afin d’avoir le droit d’obtenir ma place dans une salle de cinéma et voir marcher Jean-Michel Bertrand dans les Alpes et le Jura,  j’ai d’abord dû accepter d’entrer dans les transports en commun parisiens bondés aux heures de pointe.

Il y a plusieurs années, quelqu’un m’avait résumé de cette façon une « soirée qui craint » :

« C’est une soirée où tu payes dix balles l’entrée, où il n’ y a pas de meuf et où tu sais qu’à un moment donné, quelqu’un va s’embrouiller avec un autre ».

 

Ce matin, il n y a pas eu de torsion de vocabulaire ou d’action circulaire dans le train Bombardier. Mais il y a eu une promiscuité intermittente avec une certaine haleine testamentaire ou avec un abcès dentaire. Je n’ai pas cherché à en savoir plus.

En pleine inquiétude à propos de la Chine qui, en plus d’être de plus en présentée comme une menace fantôme et visible d’un point de vue économique et identitaire, nous « envoie » maintenant sa grippe mortuaire, il a fallu refaire connaissance avec la persistance. 

 

Au début de son documentaire réalisé en 2018, Jean-Michel Bertrand nous apprend être parti marcher dans les Alpes « pendant trois ans et avec une seule obsession : croiser le regard des loups». On le suit donc dans les Alpes et le Jura, plutôt en hiver,  jusqu’à moins dix neuf degrés. Son voyage ressemble au chemin de Compostelle vers la vie sauvage. Même si Jean-Michel Bertrand nous le dit :

 

«  La frontière entre le sauvage et ce qui ne l’est pas est illusoire ». Il est vrai que dans une soirée qui « craint » ou dans des transports en commun dégoulinant de monde, vouloir s’asseoir peut revenir à prendre le risque de s’exposer à un coup de rasoir. Mais on est très loin de tout ça dans le documentaire de Jean-Michel Bertrand. Alchimie de l’homme du « passé » et de l’homme  «connecté » avec son matériel de campeur de pointe,  ses caméras automatiques et son téléphone portable qui lui transmet des images et des vidéos en temps réel, Il nous guide dans un monde oublié parce-que nous l’avons fui et abandonné pour le profit total de la modernité. Et aussi parce-que nous sommes originaires d’autres cultures du monde.

 

 

 

Lorsque l’on regarde Jean-Michel Bertrand, on se dit que l’électricité rime aussi avec l’obscurité  d’un certain nombre de nos activités qui nous semblent si importantes. Alors que si l’on prenait vraiment le temps de faire le tri, on s’apercevrait que bien avant l’invention du GPS, d’internet et de nos applications mobiles, nous nous étions déjà perdus. La comédie Selfie  parle de ça d’une autre façon.

Jean-Michel Bertrand nous dit aussi :

 

« La force du loup, c’est le groupe ». On retrouve ça chez bien des groupes humains hostiles comme amicaux. Pourtant, on dit aussi que nous vivons de plus en plus dans une société individualiste où c’est « chacun pour soi ». Et, lors de mon trajet de quelques minutes dans mon train bondé de ce matin pour rejoindre Paris,  puis dans le métro, seules les personnes qui se connaissaient déjà sont restées ensemble. Toutes les autres, la majorité, ont juste composé les unes avec les autres comme elles le pouvaient, le temps du trajet, sans se rencontrer. Avant de rencontrer celles et ceux avec lesquels elles sont présumées être ensemble au travail, à la maison, dans un commerce ou dans une administration.  

 

Et c’est comme ça tous les jours depuis des années. On peut être hyper-connecté mais sans se calculer. Sauf pour s’insulter, s’épier ou pour se menacer.

 

 

Marche avec les loups, c’est le contraire de ça. Même si Jean-Michel Bertrand est le seul humain que l’on voit au premier plan. Il nous donne son avis sur cette haine pour le loup qui provient selon lui de croyances médiévales. Il nous parle du loup mais je me dis que d’autres défendent les requins et les ours comme lui, défend le loup. Et, bien-sûr, j’ai repensé au livre de Nastassja Martin, Croire aux fauves . Ainsi qu’au film The Ride de Stéphanie Gillard. Ce sont des œuvres-frontières entre le passé et le présent. Entre l’inhumain et l’humain. Entre l’innommable et l’inhumé. 

Jean-Michel Bertrand cite Robert Hainard, un écologiste oublié qui, devant la destruction de la nature, a pu dire ou écrire :

« On me tue mon infini ».

 

On peut voir ce documentaire de Jean-Michel Bertrand comme seulement fait de très belles images de la nature, de loups et d’autres animaux. On peut le voir comme un Into the Wild décaféiné et monastique. Comme un manifeste pro-loup, ce qui a beaucoup déplu à certaines personnes qui ont voulu empêcher sa sortie. ( Je crois que Jean-Michel Bertrand a aussi reçu des menaces de mort).

 

Mais on peut aussi voir Marche avec les loups comme une œuvre qui s’escrime à nous faire percevoir l’infini. Ce qui est quand même beaucoup mieux que d’attendre de retrouver le quai , dans un train ou dans un métro bondé, alors que celui-ci est arrêté sur la voie ferrée plutôt que sur la voie lactée.  

 

Franck Unimon, mardi 28 janvier 2020. 

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Argenteuil Cinéma

Les Cinglés du cinéma à Argenteuil

A Argenteuil, dans certains endroits, on entend et on voit régulièrement une voiture de police. C’est ma fille qui me l’a fait remarquer tout à l’heure. ça me rappelle un ami parti vivre depuis à Pondichéry qui, lorsqu’il habitait encore Sarcelles ( dans une cité HLM), m’avait dit un jour :

« A Sarcelles, on entend tous les jours la sirène d’une voiture de police ! ». 

 On pourrait très facilement comptabiliser au  millimètre et à la microseconde près toutes ces incivilités et ces nuisances qui gênent ou inquiètent. Jouir du désastre que l’on observe en permanence au microscope a ses avantages :

Cela donne un très fort sentiment d’invincibilité et de supériorité. On se sent très au dessus du lot. Si tout était parfait, on se sentirait désoeuvré et inutile. Et on déprimerait rapidement. Alors que là, on a plusieurs combats à mener afin de sauver et critiquer tout le monde qui nous entoure. Même si celui-ci, bien-sûr, ne nous mérite pas.  

Mais laissons à d’autres ce genre de pensée. Pendant que la police et d’autres services ( au moins sociaux et sanitaires) opèrent dans la ville d’Argenteuil (et d’ailleurs) celle-ci reste à vivre. Prenons le temps de faire une pause. Ce week-end,  la foire internationale Les Cinglés du cinéma se déroule à nouveau à Argenteuil. Le cinéma japonais est le thème de cette 32 ème édition. Nous y avons passé trop peu de temps pour détailler l’événement. Mais assez pour prendre quelques photos. L’ambiance y était détendue et on n’y a entendu aucun bruit de sirène de police. Bientôt, aura à nouveau lieu au même endroit, toujours à Argenteuil, dans la salle des fêtes Jean Vilar, Le Salon du livre et des lecteurs. Pour y être également déja allé plusieurs fois, je crois que là aussi, on n’y entendra pas de sirène de voiture de police. Sauf si c’est prévu dans l’animation de l’événement.

 

Franck Unimon, ce samedi  25 janvier 2020.