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Transmettre une histoire

                                                    Transmettre une histoire

 

Trois conditions me semblent nĂ©cessaires afin de pouvoir transmettre nos gènes :

 

Nous avons besoin d’une autre personne qui nous donne le sourire. Soit parce qu’elle nous plait physiquement et/ou qu’elle a des valeurs qui nous attirent.

 

Cette personne nous permet de rompre notre solitude. Car nous avons ce besoin de rompre notre solitude.

 

Et, nous, nous avons un peu ou beaucoup l’ambition d’être le sauveur( qu’elle ou qu’il accepte)…ou le prĂ©dateur de cette personne.

 

Je crois que l’Humanité tient sur ce trépied. Trépied auquel il faut ajouter un quatrième pied qui consiste à vouloir transmettre une Histoire. Car l’être humain se sépare de son monde animal de par sa volonté d’écrire son histoire, de la raconter comme de s’en rappeler mais aussi de l’anticiper. Comme certains poissons qui naissent à un endroit, l’être humain peut passer sa vie à nager à contre courant pour essayer de remonter jusqu’à ses origines.

 

Jusqu’à l’Histoire de sa famille, de son clan, de sa tribu, de sa société, de sa culture, de sa langue. Mais aussi celle de ses défaites comme de ses victoires et de ses espoirs.

 

 

Sauveurs ou prĂ©dateurs, nous transmettons nos gènes et nos histoires. Sur les scènes de crimes, au sein de nos victimes ainsi que dans le relief  et le renouvellement de notre entourage intime et limitrophe.

 

Fait de chair et d’os, en se disloquant, l’être humain laisse ses histoires dans le berceau du regard et du corps des autres. Même si ces histoires s’accrochent à la roche, il est impossible de prévoir exactement ce qu’il restera de ces différentes trajectoires. Comment elles prendront leur essor et inspireront celles et ceux qui les entendent ou les découvrent. Ce que l’on sait, c’est que le pire côtoiera le meilleur dans des proportions imprévues et invraisemblables. Car il faut beaucoup d’histoires pour faire une vie.

 

Aujourd’hui, en France, nous avons de quoi prĂ©dire le pire :

 

La pandĂ©mie du Covid circule toujours et s’amplifie. Nous sommes en automne et nous nous rapprochons des jours les plus gris et les plus courts. On a presque l’impression d’entrer un peu dans l’univers de la sĂ©rie Game of Thrones avec son ambiance  » Winter is coming »….

Demain, mercredi, afin de rĂ©sister aux marcheurs blancs du Covid, peut-ĂŞtre que le PrĂ©sident Macron va-t’il nous annoncer un nouveau reconfinement.

 

En tout cas, nous avons déjà compris, d’après les quelques communiqués du gouvernement, que la tendance est à plus de restrictions pour des raisons sanitaires. En plus du couvre-feu de 21H à 6H décidé il y a quelques jours.

 

Pour diluer cette ambiance « festive Â», Erdogan, le dirigeant de la Turquie, suivi du Maroc et du Pakistan, condamne la France car celle-ci dĂ©fend les caricatures du journal Charlie Hebdo qui blasphème et tourne en dĂ©rision, entre-autres, le prophète et le Dieu « des Â» musulmans.

Quelques jours après l’assassinat de l’enseignant Samuel Paty à Conflans Ste Honorine par un terroriste islamiste, Erdogan aurait affirmé que le Président Macron doit se faire soigner mentalement. Et, à la télé, on a su nous montrer des images de Palestiniens, à Gaza, brûlant des pancartes comportant le portrait du Président Macron.

 

On peut relever que cette attitude d’Erdogan, suivi par les dirigeants du Maroc et du Pakistan, a lieu Ă  quelques jours du rĂ©sultat des Ă©lections prĂ©sidentielles amĂ©ricaines. Soit Ă  un moment oĂą le très fort alliĂ© militaire amĂ©ricain a sĂ»rement d’autres prioritĂ©s que la Turquie d’Erdogan et cette « histoire Â» de caricatures de Charlie Hebdo. MĂŞme si en janvier 2015, beaucoup de personnes Ă©taient Charlie Hebdo, y compris des PrĂ©sidents du Monde entier qui s’étaient dĂ©placĂ©s.

En France, après les attentats de Janvier 2015, des gens faisaient la queue devant les kiosques Ă  journaux ou se battaient pour pouvoir acheter leur numĂ©ro « historique Â» de Charlie Hebdo d’après l’attentat du 7 janvier. Depuis, des messages de haine et de menaces de mort continuent de suivre Charlie Hebdo. Ainsi que des messages de sympathie et d’encouragements.

 

Les Ă©lections prĂ©sidentielles amĂ©ricaines nous diront si Donald Trump, PrĂ©sident des ExtrĂŞmes, du dĂ©ni du rĂ©chauffement climatique, du racisme et de la banalisation de la pandĂ©mie du Covid, est rĂ©elu. Ou s’il est battu par Joe Biden. Après la PrĂ©sidence de Barack Obama pendant huit ans qui avait pu plaire ou dĂ©plaire, la PrĂ©sidence de Donald Trump nous a jetĂ© en pleine figure le fait que les Etats-Unis, qui sont encore la Première Puissance Mondiale, est le Pays des ExtrĂŞmes :

 

Le pire comme le meilleur s’y côtoie.

 

Avant la PrĂ©sidence de Donald Trump, en Europe ou ailleurs, on pouvait peut-ĂŞtre encore se lover dans ce que l’on appelle le « rĂŞve amĂ©ricain Â». Alors que celui-ci, dès ses origines, s’est bâti sur le gĂ©nocide et la destruction culturelle des millions d’AmĂ©rindiens qui y vivaient.  Ainsi que sur l’esclavage de populations africaines comme sur l’immigration europĂ©enne et asiatique (chinoise, en particulier).

 

Avec la Présidence de Donald Trump, je crois qu’il est difficile d’ignorer que les Etats-Unis sont loin d’être aussi unis que ça.

 

 En attendant, en France, d’autres attentats islamistes sont donc Ă  « prĂ©voir Â». Et l’on peut s’en inquiĂ©ter. MĂŞme si un nouveau reconfinement aurait aussi l’avantage de protĂ©ger des attentats celles et ceux qui restent chez eux. Exception faite des femmes et des enfants battus par leurs conjoints et parents.

En attendant que le danger s’éloigne vraiment, on peut décider de se taire. De se faire discret ou de laisser des blancs lorsque l’on s’exprime.

 

Sauf que si on laisse des blancs pour parler de tout ce qui nous concerne et nous prĂ©occupe, ces blancs finiront par ĂŞtre traduits par des personnes qui transmettront nos histoires comme elles les voient. Si elles les voient.  Alors que ces histoires, plus qu’une « simple Â» vue de l’esprit, sont notre vie.

 

Il faut beaucoup d’histoires pour faire une seule vie. Nous avons besoin de beaucoup d’histoires. Une seule histoire est une passoire.

 

Ps : cet article est la suite de Certaines idĂ©es. Lequel Ă©tait la suite de DĂ©connectĂ©

Franck Unimon, mardi 27 octobre 2020.  

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Certaines idées

 

                                               Certaines idĂ©es

Certaines idĂ©es nous viennent lorsque l’on n’a rien Ă  faire. Que nous sommes seuls et que nous devons improviser. Pour le pire comme pour le meilleur. 

 

Tout dépend de notre entraînement au dé comme aux idées. De notre environnement mais aussi de notre tempérament. Certaines personnes sont très mobiles surtout verbalement. D’autres ont régulièrement besoin de bouger et de changer. Il y a celles et ceux qui considèrent que, de toute façon, ils ne valent rien, et que par conséquent, tout ce qui se présente devant eux est bon à prendre. Absolument tout.

 

Il reste  les muets et  les effacĂ©s, que l’on oublie souvent, et qui peuvent faire partie des plus enragĂ©s dès qu’ils s’accrochent Ă  une idĂ©e.

 

On dit que ces idées sont venues comme ça mais c’est souvent faux. Les idées sont souvent là. Telles des connaissances et des silhouettes endormies plus ou moins proches que l’on décide un jour de réveiller ou d’aller voir de plus près. C’est notre côté belle au bois dormant sauf que notre vie peut très vite ressembler à un dessin abîmé.

 

 Il y a les idĂ©es dominantes et celles qui se font plus discrètes. Il y a celles qui nous obsèdent pendant une pĂ©riode donnĂ©e et celles que l’on dĂ©laisse ensuite complètement pour d’autres que l’on avait pu mĂŞme mĂ©priser Ă  une Ă©poque.

 

Cependant, quelles qu’elles soient, toutes ces idĂ©es,  passent leur temps Ă  nous Ă©tudier.  Elles n’ont que ça Ă  faire. Se frotter contre les barreaux et le barillet de notre cerveau. Attendre le moment oĂą nous allons appuyer sur la dĂ©tente qui va les libĂ©rer et nous, nous enfermer un peu plus, ou, au contraire, nous ouvrir un peu plus la bouche d’émerveillement.

 

 

Près de l’Opéra Garnier

 

 

Ce jeudi matin, près de l’Opéra Garnier, c’est en attendant à la station de bus que j’ai décidé de me rendre au procès des attentats de Charlie Hebdo et L’Hyper Cacher, mais aussi de l’assassinat de la policière Clarissa Jean-Philippe.

 

J’avais deux bonnes heures devant moi avant une projection de presse. Et cela faisait dĂ©jĂ  quelques jours que je pensais Ă   aller au tribunal de grande instance. Avant mĂŞme que ne soit assassinĂ© le professeur d’histoire gĂ©o Samuel Paty, par un terroriste islamiste. C’était le vendredi 16 octobre 2020 dernier Ă  Conflans Ste Honorine, une ville de banlieue parisienne que je connais un peu.

 

J’étais peut-être au lycée, ou au collège, la première fois que je suis allé assister avec ma classe et un de mes professeurs à un jugement. C’était au tribunal de Nanterre. Un adulte, retardé mental, assez grand, avait été jugé pour avoir, une fois de plus, montré son intimité à une petite fille. Au tribunal, cet homme avait peur.

 

Plus tard, c’était pour voir plaider le grand frère d’un collègue au tribunal de la CitĂ©. Je m’étais dit ensuite que j’y retournerais. Mais je ne l’avais pas fait. C’était au dĂ©but des annĂ©es 2000. Aujourd’hui, on dirait presque que tout allait bien ou mieux en France Ă  cette Ă©poque. Alors qu’en ce « temps-lĂ  Â», on faisait aussi la tĂŞte.

 

La France divisĂ©e face Ă  Charlie Hebdo :

 

 

Aujourd’hui, la France semble divisée en cinq voire en six face aux attentats et à l’intégrisme islamistes. Mais aussi face à Charlie Hebdo.

 

D’un cĂ´tĂ©, il y a certains « croyants Â» qui considèrent que le Religieux, l’idĂ©e qu’ils se font et ont du Religieux, est si sacrĂ© que blasphĂ©mer, faire des caricatures de leur Religion et de leur Dieu, c’est les violer, les insulter et les mĂ©priser. Et que cela « justifie Â» la torture et la peine de mort.

 

Je me suis dĂ©ja demandĂ© si, pour certains, Charlie Hebdo est  perçu comme l’équivalent d’un journal de propagande colonialiste. Un peu comme si « La Â» France colonialiste, ou plutĂ´t l’ex-grande puissance colonialiste, qui a pu dans le passĂ©, et peut mĂ©priser certaines fois l’Islam et les musulmans, continuait de les insulter au travers de ces dessins et de ces caricatures de Charlie Hebdo.

 

Un peu comme si la France politique et militaire actuelle s’affichait au travers des caricatures et des dessins de Charlie Hebdo. Et que l’humour de Charlie Hebdo se confondait avec le passé colonial de la France mais aussi avec sa politique étrangère.

 

Alors que, dans les faits, Charlie Hebdo est un journal indépendant, anti-impérialiste et anticolonialiste!

 

Par contre, il est vrai que Charlie Hebdo est un journal français. Et qu’à dĂ©faut de pouvoir s’en prendre directement Ă  l’Etat français et Ă  une armĂ©e française entraĂ®nĂ©e,  il est plus facile de toucher la France en s’en prenant Ă  des Français sans armes. Le principe Ă©tant sans doute «  Ă  la guerre comme Ă  la guerre Â» ou « Ĺ“il pour Ĺ“il, dent pour dent Â». La prioritĂ© Ă©tant de tuer, de faire mal et de faire peur coĂ»te que coĂ»te par tous les moyens.

 

Les attentats islamistes font partie de ces moyens.

 

Devant ces attentats, il y a celles et ceux qui affirment et rappellent que la France est un pays oĂą la libertĂ©, l’égalitĂ©, la fraternitĂ©, la laĂŻcitĂ©  (la dĂ©mocratie) et donc le droit au blasphème et aux caricatures, priment. Mais c’est peut-ĂŞtre un dialogue de sourds :

 

Pendant que certains parlent de libertĂ©, Ă©galitĂ©, fraternitĂ©, laĂŻcitĂ© ( et dĂ©mocratie), d’autres prĂ©parent des attentats et les « rĂ©alisent Â» dès qu’ils le peuvent.

 

La peur et le trouble idĂ©ologique mais aussi Ă©conomique : Une ambiance particulière

 

Ce qui convient aux stratèges- en France et ailleurs- qui comptent bien profiter de la peur et du trouble idĂ©ologique actuel pour prendre le Pouvoir politique, idĂ©ologique et Ă©conomique. Je pense au moins Ă  la Chine qui continue de grignoter le monde Ă©conomiquement pendant ce temps. Mais il y a d’autres pays, auxquels on ne pense pas forcĂ©ment en ce moment, qui continuent d’évoluer. Pendant qu’en France, on continue en quelque sorte de se « niquer entre nous Â» (de se dĂ©truire et de s’autodĂ©truire). Au point qu’une guerre civile poindra peut-ĂŞtre son vrai visage un de ces jours. Et ce visage sera encore plus moche que ce que nous avons dĂ©ja connus ces dernières annĂ©es.

 

Je ne le souhaite pas.

 

Et une guerre civile ne signifie pas que Toute la France serait touchĂ©e. Mais avec la pandĂ©mie du covid, la crise sociale et Ă©conomique, les attentats islamistes et les embrouilles politique, on ne sait plus toujours oĂą tourner la tĂŞte. Et, l’on peut envisager qu’un jour, un incident a priori anodin, par accumulation, fasse « guerre civile Â».

 

Pensons par exemple Ă  cette nouvelle façon, depuis environ deux mois, après le dĂ©confinement,  aux nouvelles techniques des contrĂ´leurs de titres de transports de la SNCF :

 

DĂ©barquer, habillĂ©s en civils.  Comme s’ils prenaient d’assaut les passagers.

Clamer « ContrĂ´le des titres de transport, s’il vous plait ! Â».

Montrer leur brassard fluorescent (jaune ou orange) de contrĂ´leur comme s’ils Ă©taient policiers ou douaniers et que nous sommes avant tout des suspects ou des trafiquants avant d’ĂŞtre des passagers en règle.

 

Pensons aussi Ă  toutes ces nouvelles mesures de prĂ©vention anti-Covid :

 

Le couvre-feu qui impose pour au moins quatre semaines de rester chez soi ou sur son lieu de travail de 21h à 6h sauf motif valable et justifiable. Couvre-feu qui impose aussi au moins aux restaurants et aux bars de connaître à nouveau une période de fermeture, très dure pour leur économie.

 

Le couvre-feu actuel- pour raisons sanitaires- se comprend bien-sĂ»r. Mais….

Peut-ĂŞtre qu’un jour, une personne lambda, usĂ©e par tout ce climat, va très mal supporter un Ă©nième contrĂ´le approximatif ou indĂ©licat; une Ă©nième restriction ou remarque et que, par effet « domino Â», cela va « dĂ©gĂ©nĂ©rer Â» et dĂ©boucher sur un grave trouble de l’ordre public.

 

Savoir se situer devant un programme pĂ©dagogique particulier :

 

 

Dans ce contexte, il est peut ĂŞtre d’autant plus difficile de savoir oĂą se situer par rapport aux caricatures de Charlie Hebdo. Puisque nous vivons une pĂ©riode troublĂ©e. Nous ne savons pas quand nous allons sortir de cette pandĂ©mie du Covid. Des attentats. La planète va mal. Economiquement, c’est très dur. Alors, le sujet de  Charlie Hebdo et ses caricatures peut aussi passer pour anecdotique et secondaire.

 

Pour celles et ceux qui croient que moins de caricatures et moins de blasphèmes suffiraient Ă  apaiser le climat terroriste d’inspiration islamiste, on peut rappeler ceci Ă  propos de l’assassinat de Samuel Paty :

 

Le projet de son assassin a été de le décapiter.

 

Il se raconte que le problème, c’est le blasphème et les caricatures. Mais l’assassin a tué quelqu’un, un enseignant, qu’il ne pouvait pas remplacer à son poste.

 

La compĂ©tence de Samuel Paty, ainsi que sa formation, son projet, en plus d’être une personne, c’était de transmettre un Savoir, une rĂ©flexion. Un Savoir et une rĂ©flexion qui a, entre-autres,  consistĂ© Ă  parler et montrer des caricatures de Charlie Hebdo.

 

Samuel Paty Ă©tait une personne en plus d’ĂŞtre Charlie Hebdo

 

Pourtant, en quelques minutes, un  « inconnu Â» qui n’a sans doute jamais donnĂ© un seul cours d’histoire gĂ©o de sa vie, est venu imposer  au couteau de cuisine son projet « pĂ©dagogique Â». Projet qui, lui, a consistĂ© Ă  dĂ©cider que les compĂ©tences pĂ©dagogiques de Samuel Paty Ă©taient condamnables et mĂ©ritaient la dĂ©capitation. Un peu comme si, demain, un inconnu considĂ©rait que vous parlez mal Ă  vos parents. Parce que vous leur faites des mauvaises blagues en leur montrant des dessins pas drĂ´les.  Et que, de ce fait, il (cet inconnu) avait donc le droit de venir vous dĂ©capiter Ă  la sortie de votre travail.

 

Donc, lorsque vous faites des « mauvaises Â» blagues, oĂą que vous soyez, si ça se sait,  vous devez accepter que n’importe qui, en « reprĂ©sailles Â»,  peut venir vous dĂ©couper.

 

C’est ça, le programme pédagogique islamiste si l’on regarde l’assassinat de Samuel Paty.

 

 

L’autre particularité de cet assassinat qui m’a marqué, concerne l’argent.

 

Samuel Paty aurait été, au moins selon son assassin, un être sacrilège qui méritait la mort. L’assassin a donc eu la conviction d’être, lui, une personne moralement irréprochable.

Une personne si moralement irrĂ©prochable qu’elle donne de l’argent Ă  des jeunes pour qu’ils lui dĂ©signent – ou lui dĂ©noncent- Samuel Paty. Pour «  300 euros Â» que ces jeunes (ils Ă©taient cinq apparemment) se seraient partagĂ©s. Etre « pur Â» et se servir de l’argent pour « appâter Â» des jeunes?  ça fait penser Ă  une forme de corruption de la jeunesse.

 

En plus, cette histoire d’argent rappelle aussi l’histoire de Judas qui trahit Jésus.

 

MĂŞme si on n’aime pas les caricatures de Charlie Hebdo, on a le droit de ne pas les aimer, il suffit de 300 euros pour tuer quelqu’un ?

 

Notre vie vaut 300 euros ?

 

Donc, on passe plusieurs années de notre vie- voire toute notre vie- à essayer de devenir quelqu’un ou quelque chose. Et un inconnu décide de son côté de nous apprendre que notre vie va s’arrêter pour 300 euros parce-que l’on a montré des dessins….

Et, il y a des gens qui vont rĂ©pondre :

 

 Â« C’est comme ça ! Il fallait arrĂŞter de provoquer ! Tu cherches, tu trouves ! Â» (sous-entendu : tu cherches les ennuis, tu trouves la mort. Il ne faut pas t’étonner !).

 

Cependant, il y a un troisième aspect dans l’assassinat de Samuel Paty que je refoule pour l’instant parce-que, pour le peu que j’ai lu Ă  son sujet, je n’ai rien trouvĂ© Ă  ce propos. Et j’ai envie de croire que cela n’a rien Ă  voir avec son assassinat horrible : 

Le prĂ©nom « Samuel » peut faire penser Ă  des origines juives. SpontanĂ©ment, lorsque j’entends que quelqu’un s’appelle « Samuel », je ne me demande pas s’il est juif ou non. Je n’ai rien contre les juifs. Et je n’ai rien non plus contre les musulmans. Mais peut-ĂŞtre que parmi ses dĂ©tracteurs, assassin inclus, il s’est trouvĂ© quelqu’un qui, en plus de lui reprocher d’avoir montrĂ© – et parlĂ©- des caricatures de Charlie Hebdo a pu supposer qu’il Ă©tait juif ou voire le lui reprocher. 

J’espère donc que ce crime n’est pas, en plus, un crime antisĂ©mite…. 

 

 

A l’opposĂ©, Il y a celles et ceux qui sont contents d’expliquer que le problème, en France, depuis toujours, de toute façon, vient des immigrĂ©s, des musulmans, des noirs et des arabes. Ou des juifs. Donc, tous ces attentats islamistes « arrangent Â» celles et ceux qui pensent que le problème, en France, « depuis toujours, de toute façon, vient des immigrĂ©s, des musulmans, des noirs et des arabes. Ou des juifs ». Et par « arabes Â», ils pensent : Toute personne qui vient du Moyen-Orient comme du Maghreb. Toute personne qui n’a pas le type caucasien.

 

 

Au milieu de tout ça, quelque part en France,  il y a toutes les victimes passĂ©es et actuelles des attentats et des crimes terroristes, dĂ©cĂ©dĂ©es, blessĂ©es, mais aussi leur famille. Et les futures victimes.  

 

On peut rester vivant et être victime. Si l’on passe sa vie à avoir peur au moindre geste que l’on fait, au moindre bruit que l’on entend et au moindre regard que l’on suscite. Et, cette peur, on la transmettra autour de soi.

 

 Dans le bus :

 

Dans le bus qui m’a rapproché du tribunal de grande instance, j’ai fait peur à une femme qui dormait lorsque je suis venu m’asseoir à côté d’elle. Elle a peut-être eu peur tout simplement parce-que je l’ai surprise et que j’étais un inconnu.

 

Elle a peut-être eu peur parce qu’en se réveillant, son regard est tombé sur moi qui portais, comme tous les passagers, mon masque chirurgical anti-covid.

 

C’est sûrement une coïncidence. Mais il a fallu que ce soit ce matin-là en particulier, alors que je me rendais pour la première fois au procès des attentats de Charlie Hebdo, de L’hyper-cacher de Vincennes et de l’assassinat de Clarissa Jean-Philippe, que je fasse ainsi peur à une femme, dans les transports en commun.

 

Le plus « drĂ´le Â», c’est que j’ai mĂŞme pensĂ© un moment que je la connaissais : 

Elle ressemblait un peu à une ancienne collègue.

 

J’ai présenté mes excuses à cette femme, sous le regard amusé d’un autre passager non loin de là, pour lui avoir fait peur. Elle m’a rapidement répondu que ce n’était pas grave et qu’il n’y avait aucun problème. Nous avons ensuite continué notre trajet côte à côte.

 

Cela m’a fait d’autant plus de bien, quelques stations plus loin, lorsqu’une maman est montée dans le bus avec sa fille dans une poussette. La petite devait avoir à peine deux ans. Souriante, elle s’est aussi très vite manifestée, criant, pleurant, embarrassant sa mère, et s’agitant un peu. Même une fois posée contre sa maman. Elle voulait peut-être se promener à quatre pattes dans le bus en mouvement. Ce qui était bien-sûr inconcevable.

 

 

Lorsque nous sommes arrivĂ©s près de l’hĂ´pital Bichat, je suis descendu du bus. Puis, j’ai marchĂ© jusqu’au nouveau tribunal de grande instance. Ainsi que jusqu’à mes prochaines idĂ©es. Lesquelles, on le sait maintenant, me suivaient sĂ»rement pas Ă  pas depuis un certain temps…

 

 

A l’arrière plan, le nouveau tribunal de grande instance.

 

 

 

Franck Unimon, ce vendredi 23 octobre 2020.

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Ce n’est pas comme ça que ça marche !

 

                                       Ce n’est pas comme ça que ça marche !

« Ce n’est pas comme ça que ça marche ! Â». Sur ma droite, un homme d’une trentaine d’annĂ©es vient d’affirmer cette dĂ©cision devant un employĂ© de la poste. Celui-ci, son masque de protection anti-Covid sur le visage, porte des lunettes de correction comme moi. Il a environ la quarantaine, a le crâne et le visage un peu gris et dĂ©garnis. C’est la première fois que je le vois dans cette agence de la poste. Il y a bientĂ´t un an, maintenant, cette agence de la poste a ouvert dans le centre commercial CĂ´tĂ© Seine d’Argenteuil. Auparavant, il y avait deux agences de la poste dans le centre ville d’Argenteuil. Une a fermĂ© et ses locaux peuvent ĂŞtre louĂ©s. Pour l’instant, personne ou aucune sociĂ©tĂ© ne s’est montrĂ©e intĂ©ressĂ©e. L’autre agence est dĂ©sormais dĂ©diĂ©e aux rencontres avec des conseillers et n’est accessible que sur rendez-vous.

 

 Il a Ă©tĂ© dĂ©cidĂ© d’ouvrir une seule agence commerciale de la poste ( ou La Banque Postale, si l’on prĂ©fère) Ă  CĂ´tĂ© Seine qui compte dĂ©jĂ  un certain nombre d’enseignes commerciales :

 

Cela va du supermarchĂ© GĂ©ant en passant par OkaĂŻdi, Action, Gifi ( ouvert rĂ©cemment), Courir, Du Pareil au mĂŞme ainsi qu’une pharmacie et d’autres enseignes. Il y a bien eu un H&M oĂą je ne suis jamais allĂ©. Mais il a fermĂ©. «  Trop de vols ! Â» m’a appris un Argenteuillais dont la famille habite dans la ville depuis au moins trois gĂ©nĂ©rations. Un Argenteuillais bien renseignĂ©.

 

Je n’ai jamais aimé ce centre commercial, Côté Seine, qui, selon le reportage d’une journaliste de Télérama serait Le lieu d’attraction pour beaucoup de jeunes d’Argenteuil. Côté Seine serait selon cette journaliste un petit peu l’équivalent des Quatre Temps de la Défense pour moi, lors de leur ouverture, dans les années 80 quand j’étais ado.

 

Je conteste cette vision de la ville d’Argenteuil, une ville oĂą je suis venu vivre il y a 13 ans.  Argenteuil  compte selon moi bien d’autres atouts que ce centre commercial.

Je vois aussi des jeunes studieux dans la mĂ©diathèque d’Argenteuil. Ainsi qu’au conservatoire. Un conservatoire dĂ©partemental qui attire des jeunes d’autres villes plus « favorisĂ©es Â». Encore rĂ©cemment, il y a trois jours, je suis allĂ© saluer mon ancienne prof de théâtre du conservatoire. Elle faisait passer des auditions. Et un comĂ©dien avait commencĂ© Ă  interprĂ©ter un passage de Richard III. En repartant, après avoir, comme le veut la tradition entre comĂ©diens, dit « merde Â» et prĂ©sentĂ© mes excuses Ă  l’interprète de Richard III, j’ai aussi croisĂ© deux personnes qui venaient de St Denis. Assises, ces deux personnes ( une fille et un garçon qui semblaient se connaĂ®tre) avaient dĂ©jĂ  passĂ© leur audition. 

Je sais aussi que des personnes résidant à Paris, Enghien ou Courbevoie, de quartiers et des villes mieux réputées qu’Argenteuil, ont pu venir prendre des cours au conservatoire d’Argenteuil.

 

Ce mardi, l’humoriste Haroun, est aussi venu donner un spectacle au centre culturel Le Figuier Blanc. J’y étais. Et, il y a quelques jours, mon ancienne de prof de cours de théâtre du conservatoire, Michelle Brûlé et le musicien Claude Barthélémy, avec lequel j’ai eu l’occasion de travailler en tant que comédien il y a quelques années, ont rendu un hommage à Janis Joplin et à Jimi Hendrix à la Cave Dimière d’Argenteuil. Je n’ai malheureusement pas pu y aller.

 

 

C’est donc dire que Côté Seine est loin, très très loin, d’être un des seuls attraits d’Argenteuil.

 

Mais il est vrai que ce centre commercial a un certain succès mĂŞme si on y croise beaucoup moins de monde qu’aux Quatre Temps de la DĂ©fense. Il est aussi plus petit et situĂ© dans une ville moins attractive que la DĂ©fense. Et, lorsque j’ai appris que l’antenne commerciale de la Poste allait ĂŞtre ouverte Ă  CĂ´tĂ© Seine, j’ai trouvĂ© ça « malin Â» pour l’attractivitĂ© de cet espace comme pour l’accessibilitĂ©. Car CĂ´tĂ© Seine dispose de parking sous-terrain pour sa clientèle. Ce centre commercial est aussi placĂ© Ă  cinq minutes Ă  pied de la gare d’Argenteuil. Laquelle, je le rappelle (car c’est aussi un des autres très gros atouts de la ville) se trouve Ă  11 minutes de la gare St Lazare par train direct. Et Ă  17 minutes par un train omnibus. Lors des grèves de transport ou lors de la diminution du trafic pendant le confinement dĂ» au Covid du mois de mars au mois de Mai, pour moi, vivre en banlieue dans la ville d’Argenteuil a plutĂ´t aidĂ©. J’ai des Ă©lĂ©ments de comparaison :

J’ai vĂ©cu une vingtaine d’annĂ©es auparavant Ă  Cergy-Pontoise. Et cela m’aurait Ă©tĂ© beaucoup plus difficile de me rendre au travail Ă   Paris, comme je l’ai  fait, durant la pandĂ©mie, par les transports en commun, bus inclus. D’ailleurs, lorsque je vivais Ă  Cergy-Pontoise, je travaillais dans les environs. Je me rendais Ă  Paris uniquement pour mes loisirs.

 

J’ai une certaine expérience de la vie en banlieue parisienne. Je n’ai même que cette expérience de vie depuis ma naissance. Je parle d’une certaine partie de la banlieue. Je suis très loin de connaître toute la banlieue parisienne. Et puis, la vie dans certaines villes de banlieue a plus changé que dans d’autres villes de banlieue depuis mon enfance.

 

Mais, ce matin, Ă  la poste du centre commercial CĂ´tĂ© Seine, cet homme trentenaire sur ma droite, lui,  semble avoir une très grande expĂ©rience des courriers en recommandĂ©. Alors, lorsque l’employĂ© de la poste qui me fait face et s’occupe de moi lui rĂ©pond qu’il doit d’abord faire la queue comme tout le monde, l’homme « recommandĂ© Â» riposte :

 

«  Ce n’est pas comme ça que ça marche ! Â».  Et, il explique que pour envoyer un courrier en recommandĂ©, on n’est pas obligĂ© de faire la queue ! Alors, l’employĂ© de la poste lui rĂ©pond qu’en pĂ©riode de Covid, si ! C’est Ă  lui qu’il revient de faire entrer les gens dans la poste. Et, pour l’exemple, il montre les personnes qui, derrière moi, et comme moi, ont fait et font la queue.

 

Je peux comprendre cet homme pressĂ©. Pour avoir attendu l’ouverture de cette agence de la poste une ou deux fois, Ă  9 heures du matin, il peut y avoir beaucoup de monde prĂ©sent. C’était dĂ©jĂ  comme ça avec les deux bureaux de poste prĂ©cĂ©dents. LĂ , Ă  CĂ´tĂ© Seine, c’est sĂ»rement pire. Vingt  Ă  trente minutes avant l’horaire d’ouverture, il est courant qu’il y ait foule. Alors, lorsqu’il y a moins de monde, comme c’est le cas ce matin  (vers 11 heures du matin), on n’a qu’une envie : faire ce que l’on a Ă  faire. Sans traĂ®ner. Surtout que l’on a su nous « Ă©duquer Â» pour rĂ©aliser un certain nombre de nos formalitĂ©s, ou opĂ©rations, en nous adressant Ă  des automates.  FormalitĂ©s et opĂ©rations, qui, il y a dix ou vingt ans, nĂ©cessitaient le passage obligatoire par un guichet et par un ĂŞtre humain. Or, ce matin, un ĂŞtre humain, l’employĂ© de la poste face Ă  moi, est lĂ  pour faire barrage Ă  un autre ĂŞtre humain. Et lui rappeler qu’il doit faire la queue comme tout le monde. Et attendre comme tout le monde. MĂŞme si la voie lui semble libre. MĂŞme s’il a toutes les compĂ©tences requises pour se servir tout seul de l’automate lui permettant d’affranchir son courrier pour un recommandĂ©. Et, tout ça, Ă  cause d’un virus:

 

Le Covid-19. Ou « la Â» Covid. Selon les sensibilitĂ©s et les avis.

 

Mon attitude vis à vis de la pandémie a changé. Pendant quatre mois, grosso modo, j’ai été raisonnablement obsédé par le Covid. Du mois de mars jusqu’à la mi-juillet.

Parce-que, comme tout le monde, j’ai d’abord Ă©tĂ© matraquĂ© moralement par la forte probabilitĂ© de la maladie et de la mort. Du fait des mĂ©dias et de la forte « contagion Ă©motionnelle Â» dont parle le Dr Judson Brewer dans son livre sur les addictions ( Le Craving). Lorsqu’il dit, par exemple, page 256 :

 

« Selon les spĂ©cialistes de sciences sociales, les Ă©motions positives et nĂ©gatives peuvent se transfĂ©rer d’une personne vers les personnes voisines (c’est ce qu’on appelle la contagion Ă©motionnelle). Si un individu manifestement de bonne humeur entre dans une pièce, les autres ont plus de chances de se sentir heureux, comme si cette Ă©motion Ă©tait contagieuse Â».

 

Un peu plus tĂ´t, toujours dans ce mĂŞme livre, Judson Brewer, citant l’ouvrage de Skinner ( Walden 2), affirme, page 252 :

 

«  Il (Skinner dans son ouvrage Walden 2) souligne l’usage omniprĂ©sent de la propagande et d’autres tactiques pour canaliser les masses par la peur et l’excitation. Bien-sĂ»r, ce sont lĂ  des exemples de renforcement positif et nĂ©gatif. Quand une tactique fonctionne, elle a plus de chances d’être rĂ©pĂ©tĂ©e. Par exemple, pas la peine d’aller chercher plus loin que la dernière Ă©lection prĂ©sidentielle aux Etats-Unis pour voir comment un politicien exploite la peur (comportement) :

 

« Le pays est en danger ! Je rĂ©tablirai la sĂ©curitĂ© ! Â».

 

 En France, cela peut nous faire penser au titre du dernier livre de Nicolas Sarkozy, ex-PrĂ©sident de la RĂ©publique qui, visiblement, ne digère toujours pas, d’avoir ratĂ© sa réélection :

 

Le Temps des tempĂŞtes.

 

Président de la République de 2007 à 2012, Nicolas Sarkozy ne m’a pas du tout marqué comme étant un Président de l’apaisement. Et, en 2020, il (nous) sort néanmoins un livre qui annonce le pire. Comme s’il regrettait presque de ne pas avoir assez accentué le déjà pire. Il y a presque chez lui comme une sorte de refuge mélancolique dans sa façon de refuser l’échec de sa réélection. C’est une séparation d’avec le Pouvoir dont il ne se remet pas. Alors, à défaut, il reste dans les parages car sa capacité de nuisance et son poste d’observation restent meilleurs que celui d’autres acteurs de la vie politique.

Si certains auraient voulu ĂŞtre un artiste, lui, aurait peut-ĂŞtre voulu ĂŞtre Poutine.

 

 

L’humoriste Haroun au centre culturel Le Figuier Blanc

 

 

 

Dans son spectacle donnĂ© ce mardi au Figuier Blanc, l’humoriste Haroun a dit Ă  peu près :

 

« Ce n’est pas qu’aujourd’hui, l’extrĂŞme droite (et ses idĂ©es racistes) soit pire qu’avant. C’est surtout que les autres partis se sont mis Ă  son niveau Â».

 

Le titre du livre d’un Nicolas Sarkozy ou les saillies livresques ou mĂ©diatiques d’autres PersonnalitĂ©s donnent malheureusement raison Ă  Haroun. Lequel, toujours ce mardi, a pu dire, je le cite, car, cette fois-ci, j’ai pu noter :

«  Ce n’est pas le monde qui va mal. C’est qu’il y a trop de cons qui vont bien ! Â».

 

Notre part de connerie et de folie

 

Tout le monde sera d’accord avec cette phrase. MĂŞme les plus cons. Car  le plus difficile, après avoir admis Ă  l’unanimitĂ© cette thĂ©orie d’Haroun, reste Ă  faire :

 

 Savoir dĂ©finir Ă  partir de quel dosage, notre part de connerie ou notre part de folie, souvent indĂ©tectable et imprĂ©visible, mais Ă©galement infinie, peut avoir – lorsqu’elle entre en jeu – des consĂ©quences. Notre part de connerie et de folie est rĂ©tractile. Elle peut n’être que transitoire, elle peut passer sous tous les radars (policiers mais aussi sociaux). Et aussi nous Ă©chapper.

 

Le personnage de comics, Serval (dont Black Panther est finalement la version assouplie, consciente– Black Power- et Ă©duquĂ©e) peut contrĂ´ler jusqu’à un certain point ses griffes d’Adamantium et son agressivitĂ©. Mais, au moins pour lui, les vrais mĂ©chants sont assez facilement identifiĂ©s et identifiables.

Pour nous, simples lecteurs et simples spectateurs de comics, de films pornos ou de romances tĂ©lĂ©visĂ©es,  dans notre vie de tous les jours, c’est plus difficile de faire le tri entre les fientes que nous avalons quotidiennement. Car elles nous sont toujours prĂ©sentĂ©es de façon affriolante.

 

Pour notre amateur de recommandĂ©s, peut-ĂŞtre que cet employĂ© de la poste a Ă©tĂ© un « con Â» ou un «  mĂ©chant Â». Pour moi, qui ai dĂ» revenir Ă  la Poste, toujours pour mon histoire de tĂ©lĂ©phone portable commandĂ© et payĂ© – fin aoĂ»t- sur le site de Darty Ă  un de ses « vendeurs partenaires Â», et jamais reçu (alors que la Poste et le vendeur « partenaire Â» m’affirment que je l’ai reçu il y a plus de trois semaines !) cet employĂ© de la Poste m’a donnĂ© l’impression d’être un homme Ă  qui l’on a dĂ» dire :

 

«  Tu seras au cĹ“ur de l’action de notre entreprise. En première ligne. C’est un rĂ´le très important. La qualitĂ© de ton contact relationnel avec notre clientèle est dĂ©terminante. Elle sera le gage de l’image de professionnalisme et d’efficacitĂ© de la Poste. C’est donc une fonction Ă  forte valeur ajoutĂ©e que tu occuperas Â».

 

Et, à la manière d’un gardien de Foot couvrant ses cages, on peut dire que notre employé de la Poste s’est impliqué ce matin pour être à la hauteur de sa fonction.

 

Me rĂ©pĂ©tant, avec conviction, que la Poste ne met pas- « C’est illĂ©gal ! Â»- le tampon sur le formulaire de rĂ©clamation que me demande- en Anglais- maintenant le « vendeur partenaire Â», photo Ă  l’appui. Afin d’être remboursĂ©.

 

M’affirmant que je peux faire les dĂ©marches sur internet car cela sera plus rapide. Ou me parlant (Ă  nouveau, comme sa collègue la semaine dernière) du 36 31. Un numĂ©ro que j’ai dĂ©jĂ  fait et oĂą tu passes un certain temps Ă  attendre que l’on te rĂ©ponde. MĂŞme lorsque tu rĂ©ussis Ă  avoir quelqu’un en ligne, cette personne a souvent besoin d’aller se renseigner et te mets Ă  nouveau en attente. Tout ça pour te rĂ©pondre que tu as d’autres dĂ©marches supplĂ©mentaires Ă  effectuer. Et, si tu as un mauvais karma, il arrive aussi que tu appelles- bien sĂ»r- lorsque tous les agents sont dĂ©jĂ  en ligne ou occupĂ©s. Ou en pause dĂ©jeuner. Voire, peut-ĂŞtre, ce n’est pas indiquĂ© :

En plein Burn-out,  en train de se suicider ou en entretien oĂą on leur apprend qu’ils vont ĂŞtre licenciĂ©s car ils ont de mauvais rĂ©sultats ou la boite, trop peu de bĂ©nĂ©fices.

 

Autrement, il y a les dĂ©marches par courrier me dit aussi l’employĂ© de la Poste avant de presque me menacer :

 

 Â«  Mais ça prend trois mois ! Â».

 

Derrière moi, quelques personnes attendent. Le jeune homme du recommandé, pas content, est resté sur ma droite. Un autre agent de la poste, essaie maintenant de le convaincre, mais cette fois, en Arabe, d’aller faire la queue. Ce qui n’a pas l’air de beaucoup marcher.

 

 

Nos plus grands accomplissements

 

Quant Ă  moi, je comprends que mes dĂ©marches sont loin d’être terminĂ©es. Je n’ai pas vraiment compris quelle formule magique, ou plutĂ´t quelle dĂ©marche, je dois suivre pour obtenir le remboursement et ainsi ĂŞtre dĂ©livrĂ© de cette entreprise, qui, parmi tant d’autres, nous prend beaucoup plus de temps et d’énergie que cela ne le devrait. Par contre, compensation, en insistant, je rĂ©ussis Ă  obtenir un nouveau formulaire de rĂ©clamation, en expliquant que j’ai « mal rempli Â» le prĂ©cĂ©dent. Voici ce qui fait partie de nos plus grands accomplissements :

 

Réussir à boucler une démarche administrative. Obtenir un formulaire.

 

 

Je repars donc avec un nouveau formulaire. D’ailleurs, une fois que j’ai eu ce formulaire dans la main, je me suis senti mieux. Un formulaire, dans la main, c’est aussi bien que de prendre un bon anxiolytique. Après ça, j’ai Ă©tĂ© vĂ©ritablement disposĂ© pour Ă©couter ce que l’employĂ© me prĂ©conisait pour mes dĂ©marches. Puis, pour accepter ce qui Ă©tait sa rĂ©ponse depuis le dĂ©but :  

 

« Ce n’est pas nous ! Allez voir ailleurs ! Â».

 

Ce n’est pas nous ! Allez voir ailleurs !

 

Nous vivons beaucoup dans une Ă©poque de «  Ce n’est pas nous ! Allez voir ailleurs ! Â».

Sur la chaine Cnews, ce matin, lors de ma sĂ©ance kinĂ©, j’ai de nouveau reçu la « bonne Â» parole du journaliste Pascal Praud. Il y a quelques jours, j’avais Ă©tĂ© Ă©tonnĂ© de voir apparaĂ®tre la DRH de Charlie Hebdo Ă  l’écran. C’était pour expliquer qu’elle avait Ă©tĂ© exfiltrĂ©e de son domicile par ses agents de protection en raison de menaces. A la suite, sans doute, de l’attentat rĂ©cent près des anciens locaux de Charlie Hebdo.

Cela faisait drĂ´le d’entendre Pascal Praud assurer la DRH de Charlie Hebdo de sa solidaritĂ©. Comme de l’entendre rĂ©pĂ©ter après elle, un peu comme un Ă©colier :

 

« Les musulmans sont les premières victimes…. Â» (de l’intĂ©grisme islamiste).

 

Pascal Praud peut donc chĂ©rir les pensĂ©es d’un Eric Zemmour et penser tout Ă  la fois que «  les musulmans sont les premières victimes Â» (de l’intĂ©grisme islamiste). C’était assez irrĂ©el. Et d’assister Ă  ça comme de voir et d’entendre la DRH de Charlie Hebdo Â« parler Â» avec Pascal Praud.

 

Ce matin, Pascal Praud, sur Cnews, a citĂ© De Gaulle :

 

«  Des chercheurs qui cherchent, on en trouve. Des chercheurs qui trouvent, on en cherche ! Â».

 

Je me suis dit que le modèle idéalisé de la France de Pascal Praud, c’est vraiment la France du passé. D’une France qu’on lui a raconté. Et avec laquelle, en 2020, il essaie de nous capter. J’aime l’Histoire et je crois beaucoup que nous avons à en apprendre. Mais, pour cela, cela commence par apprendre à écouter les autres. Je ne suis pas sûr que Pascal Praud sache tant que ça écouter les autres. Il prend peut-être un certain plaisir dans son attitude de malentendant. Car c’est un luxe de très grand privilégié que de pouvoir se dispenser d’écouter les autres. Tous les autres. Et, Pascal Praud, pour moi, fait évidemment partie des très grands privilégiés.

 

 

Ce matin, l’un des sujets abordés par Pascal Praud concerne l’allongement de la durée de réflexion, pour une femme, pour avoir droit à l’avortement. Jusque là, les femmes disposaient de 12 semaines. Cela va passer à 14 semaines. Auparavant, c’était 10 semaines.

Pour conclure le « dĂ©bat Â», Pascal Praud a donnĂ© la parole Ă  une journaliste du journal Le Figaro qui a rĂ©cemment….accouchĂ©. Si j’ai bien compris, cette journaliste Ă©tait encore en congĂ© maternitĂ© lorsqu’elle s’est exprimĂ©e depuis chez elle. Cette façon de conclure le dĂ©bat est sĂ»rement, pour Pascal Praud, sa conception de l’élĂ©gance et du respect des femmes. De certaines femmes tout au moins. Celles qui ont le choix. Ou plus de choix que d’autres. Des femmes privilĂ©giĂ©es ou assez privilĂ©giĂ©es. Mais j’extrapole sĂ»rement.

 

Car, Pascal Praud ou pas, reste cette part de connerie et de folie en nous, à laquelle, nous nous accrochons et où nous savons être très performants.

 

Nous avons cette faculté de nous en tenir à une certaine gestuelle, certaines habitudes et certaines pensées dès lors que nous les avons adoptées.

 

 

Près de la gare de Conflans Ste Honorine

 

 

Ça me rappelle un ancien patient, psychotique, que j’avais croisĂ© il y a plusieurs annĂ©es, par hasard, dans la rue, près de la gare de Conflans Ste Honorine. J’avais fait sa « connaissance Â» quelques jours ou quelques semaines plus tĂ´t dans un service d’hospitalisation en psychiatrie adulte oĂą j’avais fait un remplacement. C’était un patient dans la force de l’âge, peut-ĂŞtre plus grand que moi,  assez corpulent, moyennement commode. Potentiellement violent physiquement.

Lorsque je l’ai rencontré ce jour-là, près de la gare de Conflans Ste-Honorine, il allait vers la gare alors que je m’en éloignais. Mais nous étions sur le même trottoir dans cette longue ligne droite qui doit faire à peu près dans les deux cents mètres.

Manifestement lesté par un traitement antipsychotique de poids, l’homme continuait d’avancer, fixé vers un but ou une planète qu’il était seul à habiter, notre monde n’étant pour lui qu’un décorum. Je ne sais toujours pas s’il m’a vu ou reconnu lorsqu’il est passé en silence à côté de moi. C’était il y a plus de dix ans.

Je parle de cet homme car, chacun et chacune, Ă  notre façon, nous sommes pareils que lui. Hier, en fin d’après-midi, Ă  la gare St-Lazare, j’ai voulu prendre le train pour rentrer chez moi, Ă  Argenteuil. Il Ă©tait un peu plus de dix huit heures. En pleine heure de pointe. Un horaire oĂą beaucoup de personnes- la majoritĂ© des personnes exerçant un emploi- ont terminĂ© leur journĂ©e de travail et aspirent Ă  rentrer  chez elles. Mais, comme cela a pu se passer et peut continuer de se passer dans une certaine mesure avec le Covid-19, il y avait un grain de sable.

 

 

Le train de la voie 22

 

 

Cette fois, le grain de sable Ă©tait un incident technique du cĂ´tĂ© de la ville de Bois-Colombes. Plusieurs trains ne partaient pas ou ne partaient plus. D’autres ont Ă©tĂ© supprimĂ©s. A mesure que plus de personnes arrivaient Ă  la gare St Lazare, aspirant Ă  retourner chez elles, il y avait comme une sorte de vapeur de panique ou d’agitation qui prenait le dessus. Et j’ai vu plus de personnes affluer, voire se presser, vers un train de banlieue  en particulier. Je me suis concentrĂ© sur celui de la  voie 22 car j’ai un moment envisagĂ© de le prendre. D’autres personnes se sont sĂ»rement focalisĂ©es sur le train d’une autre voie et n’ont plus vu que ce train-lĂ , « leur Â» train,  les autres trains alentour n’existant pas ou plus pour eux.

 

Le train de la voie 22 n’était pas encore parti.  Mais d’autres passagers continuaient de se diriger vers lui. Comme si la nĂ©cessitĂ©, pour plusieurs de ces personnes, Ă©tait d’être dans ce train-lĂ  coĂ»te que coĂ»te. Que leur vie en dĂ©pendait ! Et que si elles Ă©chouaient Ă  prendre ce train-lĂ  en particulier, qu’elles resteraient indĂ©finiment Ă  quai dans la gare St Lazare. Et qu’il leur serait impossible de retrouver leur domicile ou de se raccrocher Ă  leur vie d’avant l’incident technique.

 

 

A la poste ce matin, cet homme qui a affirmĂ© «  Ce n’est pas comme ça que ça marche ! Â», s’est retrouvĂ© devant un incident qui a eu la mĂŞme portĂ©e pour lui que pour ces gens, qui, hier soir, ne savaient presque plus oĂą donner de la tĂŞte Ă  la gare St Lazare parce-que quelques trains ont Ă©tĂ© annulĂ©s ou retardĂ©s.

Hier soir, Ă  la gare St Lazare, pourtant, il  y a bien eu les annonces rĂ©pĂ©tĂ©es d’un agent ou d’une agent de la SNCF. Ces annonces ont pour but d’informer voire de rassurer les voyageurs Â»â€¦. Il y a encore des amĂ©liorations Ă  faire pour que les annonces de la SNCF soient plus rassurantes. Les informations Ă©taient rĂ©pĂ©tĂ©es en accĂ©lĂ©rĂ©. Elles n’étaient pas toujours audibles de façon confortable d’un point de vue acoustique. Elles n’étaient pas toujours intelligibles.

 

 

Parce-que c’est comme ça que nous marchons !

 

 

 A la tĂ©lĂ©, sur les rĂ©seaux sociaux, dans les mĂ©dia, dans nos relations personnelles et professionnelles, il est aussi des gens qui nous « informent Â» et tentent de nous « rassurer Â». Parmi ces gens, il y a des Pascal Praud et d’autres dĂ©clinaisons, d’autres visions et d’autres façons de raisonner comme de se comporter dans la vie de tous les jours. Il faut pouvoir s’y retrouver. Certaines personnes sont capables d’humour comme Haroun. D’autres n’ont pas cette aptitude Ă  l’humour ou ont un humour tout Ă  fait diffĂ©rent. Mais ce qui est commun Ă  beaucoup d’entre nous, c’est qu’il suffit de nous priver- temporairement- de quelques uns de nos repères pour très vite nous agiter voire nous faire paniquer. Il suffit d’un virus et d’une pandĂ©mie. De devoir attendre quinze minutes au lieu de dix. D’un train supprimĂ© ou retardĂ©. Et nous, Ă  un moment ou Ă  un autre, nous pouvons faire une connerie. Ou  devenir fous. Parce-que c’est comme Ă§a que nous marchons.

Qui sait ?! Cet article que j’écris est peut-ĂŞtre une connerie Et une folie !

 

 

Concenant le Covid-19 :

 

 

Concernant le Covid-19, j’ai arrêté de m’obséder avec lui en partant en vacances et en allant prendre l’air cet été pendant quelques jours. Bien-sûr, je porte un masque dès que je sors de chez moi. Masque avec lequel je recouvre mon nez et ma bouche. Masque que je change toutes les trois heures environ. Et je me lave les mains régulièrement.

Si je monte dans un métro, dans un bus ou dans un train bondé, hé bien, je monte dans un métro, dans un bus ou dans un train bondé.

 

Lorsque je parle de mes séances kiné, je parle de séances qui sont effectuées dans une pièce où, certes, nous sommes plusieurs patients, mais la pièce a une surface assez grande et tout le monde porte un masque. Même si, quelques uns, choisissent pour une raison ou pour une autre, de le faire glisser sous leur nez.

 

 

 Cependant, continuer de prendre les transports en commun pour aller au travail pendant le confinement pendant presque deux mois du mois de mars Ă  dĂ©but Mai m’a aussi bien aidĂ©. D’abord sans masque puisqu’il n’y avait pas de masque disponibles jusqu’au dĂ©but du mois de Mai. Pour moi, il a très vite Ă©tĂ© Ă©vident que c’était parce-que les masques Ă©taient rares que l’on nous racontait qu’ils Ă©taient inutiles lors de nos dĂ©placements. 

 

S’il est vrai que le fait, aussi, de croiser très peu de monde dans les rues en pleine pĂ©riode de confinement (entre Mars et Mai) m’a sĂ»rement prĂ©servĂ© d’une contamination, cela m’a nĂ©anmoins fait beaucoup de bien de sortir et de voir qu’il Ă©tait possible de sortir de chez soi et de rester vivant et en bonne santĂ©. MalgrĂ© l’absence de masques. D’ailleurs, depuis que les masques sont devenus «abondants Â» et faciles Ă  trouver, j’ai du mal Ă  me rappeler m’être dĂ©placĂ© sans masque- du fait de la pĂ©nurie de masques- dans Paris pendant le confinement. Tant, aujourd’hui, « la norme Â» est de porter un masque. Hier soir, Ă  la gare St Lazare, la majoritĂ© des voyageurs que j’ai vus, comme souvent, depuis que les masques sont disponibles, et depuis que le port du masque peut ĂŞtre contrĂ´lĂ©, portaient des masques.

 

 

Porter un masque en toutes circonstances est-il une arnaque ? Des personnes le pensent.

 

A titre prĂ©ventif, si porter un masque me garantit d’être en santĂ© et de protĂ©ger d’autres personnes (comme l’usage du prĂ©servatif lors d’un rapport sexuel), je considère que cela vaut le coup et le coĂ»t de porter un masque anti-Covid. Et que c’est une contrainte assez supportable mĂŞme s’il est vrai que cette contrainte temporaire dure depuis maintenant un certain temps. MĂŞme s’il est assez peu «naturel Â» et moyennement agrĂ©able de vivre en permanence avec un masque sur le visage.  On peut et on a le droit de me voir comme un mouton et un con. Je le suis peut-ĂŞtre et bien davantage.

 

Mais je suis aussi soignant. Porter un masque, ne serait-ce que chirurgical, lorsque l’on est soignant (même sans travailler au bloc opératoire ou dans un service de réanimation), cela fait partie de la culture du soignant. Au même titre que d’utiliser des gants stériles ou non stériles, de porter des vêtements ou des chaussures pour des raisons sanitaires. Comme de se laver les mains régulièrement.

 

Ensuite, en parlant de culture du masque, en Asie, la culture du masque existe pour parer Ă  la pollution ou pour raisons sanitaires. Et cette « culture du masque Â» me paraĂ®t justifiĂ©e.

 

 

Par ailleurs, je trouve que le port du masque nous oblige Ă  mieux voir le regard de l’autre. A plus nous y attacher. A visage dĂ©couvert, nous sommes plus facilement distraits lorsque nous avons une personne en face de nous. Nous voyons moins son regard et ce qu’il exprime. D’un point de vue sentimental, relationnel ou affectif, j’ai l’impression que si le port du masque nous retire effectivement quelque chose ( c’est quand mĂŞme plus agrĂ©able de vivre Ă  visage dĂ©couvert comme de faire l’amour sans prĂ©servatif)  qu’il nous donne aussi quelque chose. Et puis, nous pouvons encore varier les attitudes. En prĂ©sence de certains intimes, ou de certaines rencontres, tomber le masque a une importance particulière. Par exemple, aujourd’hui, lorsque l’on dĂ©cide de se rendre au restaurant avec une personne et que l’on accepte, face Ă  cette personne ou Ă  ces personnes, de retirer son masque de protection anti-Covid, cela est aussi une façon de dire que l’on tient Ă  cette ou Ă  ces personnes comme au fait que l’on tient Ă  vivre ce genre de moment avec cette ou ces personnes. MalgrĂ© le risque. On n’avait pas ça avant le Covid et les masques de protection. Donc, pour moi, c’est un plus.

 

 

Concernant le vaccin anti-Covid, il arrivera peut-ĂŞtre. Mais je n’ai pas comptĂ© sur lui. Dès le dĂ©but. Et c’est encore plus vrai lorsque l’on « sait Â» que, malheureusement, l’industrie pharmaceutique est aussi un business. Et que, dès qu’elles le peuvent, les entreprises qui commercialisent mĂ©dicaments et vaccins,  ceux qui marchent et offrent un vrai plus par rapport Ă  ceux qui existent dĂ©jĂ , ne se gĂŞnent pas pour faire raquer les gens au prix fort.

 

 

La pandémie du Covid nous impose de vivre dans un monde de masques. Pourtant, j’ai l’impression, que nous vivons et nous montrons davantage à visage découvert. Avant la pandémie du Covid, nous portions bien plus de masques qu’aujourd’hui sauf qu’ils étaient invisibles ou pouvaient passer inaperçus. En quelque sorte, nous faisons à une grande échelle et en accéléré une certaine expérience de la Commedia dell’Arte.

 

 

Avec tout ça, je n’ai toujours pas Ă©crit Ă  propos du film de Farid Bentoumi, Rouge, qui va sortir fin novembre. Comme je n’ai pas encore pu Ă©crire sur le dernier film de Gaspar NoĂ©,  Lux Aeterna. Ce serait bien que je lise le livre Que Dalle consacrĂ© Ă  BĂ©atrice Dalle, livre que j’ai achetĂ© Ă  sa sortie et que je n’ai toujours par lu. Comme plein d’autres livres.

 

 

 

Franck Unimon, jeudi 1er octobre 2020.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Tu ne penses qu’Ă  toi !

 

                                            Tu ne penses qu’à toi !

Depuis deux ou trois jours, les tempĂ©ratures ont baissĂ©. Nous avons perdu une dizaine de degrĂ©s.  

Il pleut.

Celles et ceux qui portent des lunettes de vue- en plus de leur masque de prĂ©vention anti-covid – ont dĂ©sormais le regard partagĂ© entre des crottes d’eau sur leurs carreaux. Et la buĂ©e.

 

Mais le moral est bon. Il est un peu plus de midi. Je viens de dĂ©jeuner. Je suis debout depuis 6h30 et c’est seulement maintenant que je vais pouvoir faire un peu ce par quoi j’aurais prĂ©fĂ©rĂ© commencer cette journĂ©e : Ecrire un article.

 

J’avais prévu d’écrire sur le film Rouge de Farid Bentoumi qui sortira le 25 novembre. Avec Sami Bouajila, Zita Hanrot, Céline Sallette et Olivier Gourmet pour parler des acteurs les plus côtés et connus du film. J’aimerais bien parler de mon expérience d’il y a plusieurs jours, maintenant, de Google Trad. Mais c’est impossible.

 

Hier après-midi, un dimanche, j’ai travaillé dans mon service. J’ai effectué un remplacement, payé en heures supplémentaires. J’étais volontaire. L’après-midi s’est bien passée. Nous avons même écouté des contes audios. J’avais prévu d’en proposer un seul. Nous sommes d’abord allés sur l’île de Gorée avec Djeneba la bossue. Puis en Bretagne avec Jean Carré.

 

Une jeune a voulu que je mette un troisième conte audio. Je suis restĂ© avec elle, ce faisant, lors du conte De l’or et des dattes  qui nous a emmenĂ© en Tunisie. Tout en feuilletant le dĂ©but d’un livre de Patricia Higgins Clark du service. Ainsi qu’un dictionnaire de rimes. J’ai beaucoup aimĂ© le dĂ©but du livre de Patricia Higgins Clark. Sa technique. Je savais qu’elle Ă©tait une rĂ©fĂ©rence. Mais je n’avais rien approchĂ© de son Ă©criture.

 

 

Un peu plus tard, j’ai regardé quelques passages de l’émission Super nanny avec cette même jeune. Je ne suis pas sûr que ce soit elle qui l’ait choisie. Les jeunes du service sont souvent des adeptes du zapping avec la télé. Et, quand je peux, j’aime regarder avec les jeunes le programme qu’ils ont choisi. Quand je suis capable de le supporter.

 

Super nanny rappelait certains principes lors de trois journĂ©es d’action dans une famille :

 

L’importance de donner des limites à nos enfants. En plus d’une certaine affection bien-sûr.

L’utilité de savoir faire diversion en cas de conflit avec son enfant.

La nécessité pour le couple de savoir se retrouver dans une certaine intimité sans les enfants.

L’importance, aussi, d’avoir du plaisir à être tous ensemble.

Le couple concernĂ© avait deux filles. Une de 7 ans environ, et une, de trois ou quatre ans, qui, habituĂ©e Ă  recevoir un traitement de « petite princesse Â», avait tendance Ă  ĂŞtre tyrannique. Le père avait 34 ans. La mère, 28.

 

Je ne connais pas la formation ni l’expĂ©rience professionnelle de celle qui incarne Super nanny. Ni les critères de sĂ©lection des familles qu’elle part « aider Â». Mais il y a un cĂ´tĂ© magique dans ses interventions. J’ose espĂ©rer qu’après son passage, cela continue de bien se dĂ©rouler dans les familles oĂą elle est entrĂ©e.

 

 

Pendant le dĂ®ner, dans le service, nous avons participĂ© Ă  un autre type d’émission. Une Ă©mission assez frĂ©quente :

Deux ou trois jeunes ont commencé à déblatérer sur le service ceci et le service cela. Une, sans doute, avait donné le tempo puis les deux autres ont suivi. C’est souvent comme ça que ça marche.

Le synopsis Ă©tait le suivant : leur hospitalisation les empĂŞchait d’avancer. C’était Ă  cause du service (et de nous, les soignants) qu’elles allaient mal. Et qu’elles s’ennuyaient. Par consĂ©quent, c’était de notre faute si elles fumaient plus de cigarettes. J’ai rappelĂ© que c’était vrai : le service n’est pas le club Med. Mais que leur hospitalisation allait durer un temps puis s’arrĂŞterait. Je suis aussi allĂ© dans l’ironie :

J’ai suggĂ©rĂ© que cela irait peut-ĂŞtre beaucoup mieux pour elles si nous les attachions nuit et jour ; si nous les surveillions constamment ; et si nous limitions leur nombre de cigarettes. Elles ont bien-sĂ»r protestĂ©.  J’étais dans mon rĂ´le. Elles, aussi. Leur dĂ®ner terminĂ©, elles sont toutes les trois parties fumer dans la cour en se blottissant l’une contre l’autre, assises par terre, près de la porte. LĂ  oĂą elles pouvaient se protĂ©ger de la pluie qui tintait sur le sol.

 

Quelques minutes plus tard, une des trois jeunes est venue nous voir, assez catastrophĂ©e. Elle se sentait angoissĂ©e.  Mon collègue l’a vue en entretien. Pendant ce temps-lĂ , j’avais un Ĺ“il sur les autres jeunes. Tout en dĂ©barrassant et  en lavant la table puisque nous n’avions pas d’agent de service hospitalier ce dimanche après-midi. Du fait, sans doute, de plusieurs arrĂŞts maladie.

 

Ensuite, une autre jeune est partie aux toilettes. Je l’ai entendue vomir. Revenue de sa permission deux heures plus tĂ´t, elle avait Ă©tĂ© toute fière de clamer qu’elle s’était enfilĂ©e une certaine quantitĂ© de sushis. A sa sortie des toilettes, je lui ai demandĂ© :

« Ă§a va ? Â». Elle m’a rĂ©pondu :

 

« Je viens de vomir mais Ă  part ça, tout va bien ! Â». Ce que j’ai traduit par :

« Tu poses des questions de merde et tu ne sers Ă  rien ! Comme d’habitude…. Â».

Au lieu de mal le prendre, je lui ai demandĂ© :

« Qu’est-ce qui a pu te faire vomir ? Â».

Elle : «  Je n’en sais rien ! Â».

Moi : « Cela a peut-ĂŞtre un rapport avec les sushis ?…. Â». Elle ne voyait pas le rapport et elle a filĂ© dans la cour.

 

Dix minutes plus tard, la jeune angoissĂ©e qui allait mieux depuis son entretien avec mon collègue vient nous alerter, catastrophĂ©e :

La troisième est en train de faire « une crise d’épilepsie Â» par terre, dans la cour. Mon collègue et moi nous rendons sur les lieux. RecroquevillĂ©e, presque en chien de fusil, la troisième jeune a en effet des secousses des membres infĂ©rieurs. Il fait alors pratiquement nuit. Ses yeux sont fermĂ©s. Elle respire mais ne rĂ©pond pas lorsque je lui parle et lui prends la main.

 

Les deux autres jeunes qui Ă©taient encore avec elle quelques secondes plus tĂ´t sont parties se rĂ©fugier Ă  l’intĂ©rieur du service. Par terre, j’aperçois un paquet de tabac Ă  rouler, des filtres et un briquet. J’apprendrai plus tard que ce matĂ©riel appartient Ă  la jeune « aux sushis Â».

Je dis à mon collègue de rentrer, afin d’être avec les autres jeunes, et d’appeler le médecin de garde qui se trouve être le chef de service.

 

Le chef de service arrive très vite. Je suis toujours accroupi près de la jeune Ă  qui je tiens la main et Ă  qui je m’adresse. Je ne suis pas inquiet mĂŞme si elle ne me rĂ©pond pas et que ses yeux restent fermĂ©s. De temps en temps, elle est prise de secousses des membres infĂ©rieurs. Depuis le dĂ©but de la « crise Â», elle s’est mise d’elle-mĂŞme en position latĂ©rale de sĂ©curitĂ©. MĂŞme si c’est la première fois, pour ma part, que je la vois dans cet Ă©tat, je me dis que cela va passer. MĂŞme si je ne sais pas combien de temps ça va durer. Je lui suggère plusieurs fois de s’asseoir. Je lui parle de la pluie qui va peut-ĂŞtre tomber. Et que cela ne sera pas très agrĂ©able pour elle de se faire mouiller par la pluie, par terre, comme ça. Pas de rĂ©ponse. Je me tais aussi tout en continuant de lui donner la main. Je crois aussi que les trois jeunes, lorsqu’elles Ă©taient ensemble Ă  discuter dans la cour, se sont montĂ©es le « bourrichon Â». Car je ne crois pas Ă  une coĂŻncidence : en l’espace de trente Ă  quarante cinq minutes, toutes les trois, chacune son tour, s’est sentie mal.

 

Après quinze Ă  vingt minutes, la jeune ouvre les yeux. A ce moment-lĂ , restĂ© silencieux jusqu’alors, le mĂ©decin-chef lui parle et l’encourage Ă  se relever. Ce qu’elle fait calmement, sans dire un mot. Je me place un peu derrière elle afin de prĂ©venir une chute Ă©ventuelle. La jeune retourne dans le service tranquillement et part s’asseoir près d’une table oĂą elle commence aussitĂ´t Ă  Ă©crire, je crois. Car elle tient un journal. Les deux autres jeunes se tiennent Ă  distance comme si elles avaient vu un fantĂ´me en la personne de leur « copine Â». Celle-ci ne semble pas leur tenir rigueur pour leur attitude.

 

Mon collègue m’apprendra quelques minutes plus tard que, tous les jours, cette jeune fait ce genre de crise. Après avoir fait un résumé de l’après-midi à nos collègues de nuit, mon collègue et moi sommes rentrés à notre domicile.

 

Ce matin :

 

Ce matin, j’étais content de la façon dont les prĂ©paratifs de ma fille se sont passĂ©s pour aller Ă  l’école. Pas de colère de part et d’autre. Nous Ă©tions en avance. Nous marchions main dans la main et je ne crois pas que nous nous parlions. Nous Ă©tions presque arrivĂ©s Ă  l’école quand elle m’a dit :

 

« Tu ne penses qu’à toi ! Â».

 

Je lui ai demandé pourquoi elle me disait ça.

Elle : «  ArrĂŞte ! Si tu pouvais te taire maintenant…. Â». Et, elle de m’expliquer qu’elle ne supportait pas le bruit. Je me suis demandĂ© si elle m’en voulait d’avoir Ă©tĂ© absent hier après-midi. Ou si elle me rĂ©pĂ©tait des propos tels que « wesh Â» et d’autres termes que les mĂ´mes se transmettent. Pas de rĂ©ponse. Je lui ai quand mĂŞme rappelĂ© que dire Ă  son père de se « taire Â», ne passait pas. Elle s’est alors tue et s’est mise Ă  marcher un ou deux mètres devant moi, pleine d’une certaine autoritĂ©. Cela fait des annĂ©es que je lui connais certaines facilitĂ©s avec l’autoritĂ©. C’est seulement que j’ignore ce qui, ce matin,  a dĂ©clenchĂ© cette soudaine manifestation d’autoritĂ©.

 

 

Devant les grilles encore fermées de l’école, ma fille s’est postée quelques minutes. Puis, elle est venue se mettre contre moi sans rien dire. J’ai refermé mon bras sur elle. Lorsque les portes de l’école se sont ouvertes, nos relations étaient de nouveau détendues.

 

Formulaire :

 

 

 Il y a plus d’un mois maintenant, fin aoĂ»t, le tĂ©lĂ©phone portable de ma compagne a capitulĂ©. Nous avons dĂ©cidĂ© d’en acheter un nouveau. Je l’ai commandĂ© sur le site de Darty. A un de ses « vendeurs partenaires Â».  J’ai payĂ© par carte. Le tĂ©lĂ©phone devait arriver au bout de quelques jours.

 

Après l’achat, j’ai appris que le téléphone venait de Hong-Kong. Et qu’il y allait y avoir du retard à la livraison. Au vu du contexte politique à Hong-Kong, j’ai compris qu’il fallait patienter.

Le 5 septembre, le « vendeur partenaire Â» m’a appris que le tĂ©lĂ©phone allait arriver dans un dĂ©lai compris entre 7 et 10 jours.

Le 22 septembre, nous n’avions toujours pas reçu le téléphone. J’ai donc recontacté le vendeur qui m’a appris que nous avions reçu le téléphone….le 3 septembre. C’était ce que leur indiquait leur site. Et qu’il me fallait donc voir avec mon bureau de poste local.

 

Je suis allé à la poste près de chez moi la semaine dernière. Je m’étais trompé de référence et on m’a répondu qu’une réclamation sur place était impossible. Qu’il fallait passer par le 36 31. Ce que j’ai fait en rentrant. Là, après plusieurs minutes d’attente, j’ai fini par avoir quelqu’un qui m’a appris que c’était un colissimo qui m’avait été envoyé et non un chronopost. J’ai préféré remettre mes démarches à plus tard.

 

Ce matin, je suis retournĂ© Ă  la poste près de chez moi. On m’a rĂ©pondu que, pour eux, aussi, le colissimo m’avait Ă©tĂ© remis le 3 septembre. C’est ce qui Ă©tait indiquĂ© sur le terminal de l’agent qui m’a reçu. Cet agent m’a nĂ©anmoins remis un formulaire de rĂ©clamation. Elle m’a bien proposĂ© de joindre le 36 31 mais j’ai refusĂ© !

 

J’ai rempli le formulaire sur place. Derrière moi, un homme d’une bonne soixantaine d’annĂ©es expliquait avoir Ă©tĂ© envoyĂ© Ă  la Poste pour faire une rĂ©clamation pour un chronopost qu’il n’avait pas reçu. Le jeune agent qui l’a reçu lui a expliquĂ© que la Poste ne gĂ©rait pas les envois de Chronopost. La Poste se contentait de vendre les produits Chronopost. Le client lui a demandĂ© :

« Mais, alors, pourquoi m’a-t’on dit de venir Ă  la Poste ?! Â».

L’agent : «  Je n’en sais rien ! Â».

 

Pour les démarches que j’ai à effectuer pour la réclamation, il me faut une connexion internet correcte ainsi que, sans doute, l’imprimante qui va avec. Même si, pour l’instant, j’ai la contrariété de l’argent déboursé pour ce téléphone portable et du temps déjà liquidé pour le récupérer ou me faire rembourser, je m’en sors mieux que d’autres.

J’ai un emploi. Un toit. Je mange à ma faim. Ma fille est scolarisée (d’accord, sa maitresse a déjà été malade une dizaine de jours pratiquement dès la rentrée mais elle est revenue depuis hier). Je suis plutôt en bonne santé. J’ai accès à la culture et à certains loisirs. J’ai une connexion internet décente. Et une imprimante qui marche. La France des gilets jaunes, du chômage et du crédit à tue-tête ne dispose pas de tout ça. Ou, alors, elle le paie très cher. Pourtant, avoir dû attendre près de six heures entre l’heure de mon réveil ce matin et le moment où j’ai pu m’asseoir et disposer de mon temps- et de ma vie- à peu près comme je le souhaite, et pour une durée limitée, me paraît un délai assez long. D’autant que je reprends mon travail seulement ce soir, à 21 heures.

 

 

Donc, heureusement que, quelques fois, je ne pense qu’à moi.

 

 

Franck Unimon, ce lundi 28 septembre 2020.

 

 

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L’air de rien

 

                                                     L’air de rien

Il n’a l’air de rien. Mais il dit bonjour. Contrairement à sa collègue, plus haute placée, qui, me voyant les approcher, s’éloigne en m’ignorant.

 

J’ai déjà vu sa collègue, peut-être l’adjointe du gérant de ce supermarché, passer devant la clientèle attendant l’ouverture sans adresser le moindre bonjour. Nous étions alors à peu près une dizaine, dont des femmes et des hommes, et, parmi nous, sans doute un certain nombre d’habitués.

 

Dangereux

 

Je ne vois pas ce qu’il y a de si dangereux dans le fait de dire bonjour Ă  des clients mais aussi Ă  des patients dans une salle d’attente. Comme si les voir, et le leur  confirmer, c’était prendre un risque particulier. Equivalent Ă  celui d’entrer dans un poulailler. Sauf qu’à la place des poules, des coqs et des poulets, il y aurait une foule de mendiants qui, nous prenant pour des Ă©pis de maĂŻs, pourrait nous transformer en moignons. Bien portants le matin, nous pourrions rentrer chez nous le soir Ă  l’état de cul-de-jatte avec notre carte d’invaliditĂ© simplement parce-que nous avons sautĂ© sur une mine en disant « bonjour Â».

 

Mais cette collègue n’est pas le sujet : je ne crois pas que l’on puisse rĂ©aliser un saut de quatre mètres en s’enterrant. Laissons-la donc et toutes celles et ceux qui lui ressemblent dĂ©taler vers leurs apothĂ©oses et leurs fuites. Comme nous tous, ils n’iront pas plus loin, un jour ou l’autre, que la thrombose ou l’extinction. Et leurs signes de distinction sociale muette ou autre n’y changeront rien.

 

Lui, je ne l’avais pas vu depuis plusieurs mois. En souriant, il m’a demandĂ© :

 

«  Et la petite ? Â». Je lui ai rĂ©pondu qu’elle Ă©tait Ă  l’école. La dernière fois, il avait constatĂ© comme elle avait grandi. Sans aller jusqu’à la poursuite aux flatteries et aux compliments, en tant que parent, ça fait du bien et c’est utile d’entendre le tĂ©moignage extĂ©rieur, et sincère, de quelqu’un d’autre sur son enfant. Et il n’est pas nĂ©cessaire pour cela que ce « tĂ©moin Â» ou cette « tĂ©moin Â» soit notre ami. SincĂ©ritĂ©, nuance et contradiction bienveillante devraient, pourtant, aussi, faire partie des piliers de toute amitiĂ© rĂ©elle ou officielle.  

 

La maladie du temps

 

 

Nous sommes tous les témoins potentiels des uns et des autres. C’est un rôle qui peut être difficile. Mais, le plus souvent, il s’agit quand même, tout simplement, de se guérir partiellement de cette maladie du temps à laquelle nous souscrivons souvent.

 

Le plus souvent, il s’agit quand même, tout simplement, de prendre son temps.

 

J’ai donc pris à peu près cinq minutes pour discuter avec ce vigile de supermarché. Cela fait plusieurs années que je le croise lorsque je vais y faire quelques courses. Et que nous nous disons bonjour. Comme je le fais, aussi, avec ses autres collègues vigiles. Tous noirs.

 

Certains intellectuels très mĂ©diatisĂ©s en France savent affirmer que la plupart des dĂ©tenus et des dĂ©linquants, en France, seraient des noirs et des Arabes. Et quelques journalistes et patrons, tout autant bien « Ă©clairĂ©s Â» par les projecteurs et leurs fortes personnalitĂ©s- financières, mĂ©diatiques et politiques- boivent ça comme du petit lait.

 

Mais ces intellectuels disent beaucoup moins que beaucoup de vigiles, d’agents de sĂ©curitĂ©, d’entretien, de soignants ou d’ouvriers de chantier qui continuent de protĂ©ger, de nettoyer, de soigner et de  construire la France sont, aussi, des noirs et des Arabes.

 

 

Pour m’amuser, je veux bien essayer d’imaginer quelques uns de ces intellectuels et journalistes, femmes comme hommes, officiant en tant que vigile, agent de sĂ©curitĂ© ou ouvrier de chantier. En tant que mĂ©decin, infirmier ou aide-soignant. Ou, mĂŞme, en tant que caissière ou caissier. Ça changera un peu de certains hymnes nationaux qui voient les vaisseaux de l’immigration, lorsqu’ils ne coulent pas sous les flots et sous le bĂ©ton, comme la chienlit sĂ©paratiste qui ensevelit et abĂ®me la France sous tous les flĂ©aux :

 

Drogues, grand banditisme, terrorisme, maladies, intégrisme religieux, récession du niveau scolaire, carbonisation économique, viols, vols.

 

Car il faut savoir que, pour certaines et certains, un Noir et un Arabe, c’est forcément ça. Même si on lui dit bonjour.

 

Et je ne me fais aucune illusion : une personne originaire de l’Outre-Mer a bien la nationalitĂ© française de naissance. Mais ça reste nĂ©anmoins une personne noire. Donc, dans la rue, Ă  première vue, c’est une personne susceptible d’être une personne immigrĂ©e.

 

 

Norme de pensée

 

MĂŞme si je me sens Français, je connais cette « norme Â» de pensĂ©e. Je l’ai d’une certaine façon intĂ©riorisĂ©e comme une sorte de solfège. Un solfège que je me dois de transmettre en partie Ă  ma fille de manière circonstanciĂ©e (ni trop, ni pas assez) afin qu’elle soit suffisamment Ă©duquĂ©e pour s’adapter au monde qui l’entoure :

 

Chanter La Reine des Neiges comme d’autres enfants, oui. Mais la laisser croire que tout le monde voudra d’elle comme une personne « libĂ©rĂ©e, dĂ©livrĂ©e Â», non.

 

Il n’est pas nĂ©cessaire d’être allĂ© au conservatoire ou d’avoir fait de très hautes Ă©tudes pour apprendre ce solfège. Pas besoin non plus de mĂ©thode Assimil. Dès l’enfance, l’air de rien, on apprend ce solfège  un petit peu tous les jours. Chacun, chez soi, en Ă©coutant des gens très intelligents et très affirmĂ©s. On apprend ainsi que les Noirs, les Arabes, les Blancs, les asiatiques et les autres ceci…et cela. Et, il faut dire que certains faits collent très bien- comme certaines affiches et certains tracts politiques- Ă  l’image que l’on s’était fait et que l’on se fait de certaines personnes.

 

A la « fin Â», ce qui peut changer cette lecture de la partition des autres, c’est la rencontre. Le fait de prĂ©fĂ©rer l’action Ă  la superstition et  Ă  la mauvaise expĂ©rience. Quand il y  a eu une mauvaise expĂ©rience. En sortant de chez soi. Et ça commence par dire bonjour.

Par prendre le temps d’écouter ce que les autres sont et ont à nous dire. S’ils ont envie de nous le dire. S’ils sentent que l’on est prêt à les écouter un peu. Mais aussi à les croire. Et, donc, à les voir pour ce qu’ils sont.

 

Je ne parle pas d’aller discuter avec un proxĂ©nète qui est en train de tabasser une de ses « employĂ©es-victimes Â», avec un dealer qui est pleine livraison de marchandise ou avec un braqueur en train de faire l’amour avec sa voiture-bĂ©lier. Ou de vouloir sympathiser Ă  tout prix avec la voisine ou le voisin qui, pour une raison ou pour une autre, prĂ©fère entrer et sortir de l’immeuble par les toits plutĂ´t qu’en empruntant les escaliers communs.

 

Discuter

 

Je suis restĂ© Ă  peu près cinq minutes Ă  discuter avec ce vigile de sĂ©curitĂ©.  Ă‡a, c’était dans mes compĂ©tences. Dans ma vie de tous les jours, j’ai cette « chance Â» :

 

Je rencontre plus souvent des vigiles de sĂ©curitĂ© comme lui et avec lesquels ça se passe très bien. Je rencontre très rarement des proxĂ©nètes qui tabassent une de leurs « employĂ©es-victimes Â», un dealer livrant sa marchandise de plusieurs tonnes en bas de chez moi ou des braqueurs qui prĂ©parent leur prochain casse sur mon palier.  

 

 

Amazon fait le guet

 

A quelques mètres des casiers de livraison du site Amazon situés à l’entrée du supermarché, il m’a appris qu’il avait d’abord arrêté l’école en CM2.

Les 200 milliards d’euros ou de dollars d’Amazon ( la fortune du PDG d’Amazon, Jeff Bezos, l’homme le plus riche du monde, s’est tellement accentuĂ©e depuis l’épidĂ©mie du Covid que l’évaluer en dollars ou en euros n’a plus d’importance ) ont continuĂ© de faire le guet dans notre dos pendant notre conversation. 

 

Après le CM2, il  a effectuĂ© un mĂ©tier manuel  et technique. Sur les chantiers. Je n’ai pas l’impression, s’il en avait eu la possibilitĂ©, qu’il se serait arrĂŞtĂ© au CM2. Nos penseurs et nos patrons qui, eux, « savent tout Â» sont gĂ©nĂ©ralement allĂ©s bien plus loin que le CM2 et ont, plutĂ´t rarement, travaillĂ© sur un chantier comme cet homme. Pendant 12 ans, au Portugal. Un pays qu’il avait « dĂ©couvert Â».

 

Donc, oui, il m’a confirmĂ© avoir appris Ă  parler Portugais. En prenant des cours du soir. Ce qui lui a permis d’atteindre un niveau de 3ème. Mais, Ă©tudier dans ces conditions, tout en travaillant et en ayant une vie de famille, c’est « difficile Â» me dit-il. Et je le concède facilement.

 

Reconversion

 

Puis, il a Ă©tĂ© au chĂ´mage. Ce qui l’a amenĂ© Ă  venir vivre en France oĂą il est donc devenu vigile dans ce supermarchĂ©. Mais il a une maison au Portugal :

 

 Â« LĂ -bas, quand on a un travail, c’est plus facile qu’en France Â» m’explique-t’il.

J’ai un niveau d’études supĂ©rieur Ă  lui et je ne le savais pas. Pas plus que je ne sais parler Portugais. Et, je ne suis jamais allĂ© au Portugal, pays dont j’ai dĂ©jĂ  entendu dire du « bien Â».

 

Il préfère la vie au Portugal à la vie en France. Trop de stress si j’ai bien compris. Mais nous sommes en région parisienne. Il raisonnerait peut-être différemment en province me dis-je maintenant.

 

Du fait du Covid, il n’a pas pu retourner au pays cette annĂ©e. Je le croyais HaĂŻtien. Il est de la CĂ´te-d’Ivoire.  Et puis, en Ă©tĂ©, le billet d’avion revient Ă  1200 voire 1300 euros par personne. Donc, cette annĂ©e, les vacances estivales se sont dĂ©roulĂ©es en Normandie et Ă  la Rochelle. Il connaissait dĂ©jĂ  la Rochelle.

 

Vivre en disant bonjour

 

RĂ©sumons :

Cet homme, qui a fait moins  d’études que moi, parle autant de langues que moi si ce n’est davantage. Et il a su se reconvertir face au chĂ´mage en changeant de pays, de culture et de langue. Et il a une maison au Portugal. Un pays, qui, Ă©conomiquement, s’en sort plutĂ´t bien mĂŞme si, actuellement, le Portugal est moins « puissant Â» que la France.

 

 Je me demande si nos penseurs (politiques et autres) qui chient sur l’immigration en permanence auraient Ă©tĂ© capables, seraient capables, un jour, de faire ce que cet homme a fait :

Changer de pays, de culture et de langue. Et vivre, l’air de rien. En disant bonjour.

 

Franck Unimon, ce jeudi 17 septembre 2020.

 

 

 

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Le Bonheur

 

                                                                 Le Bonheur

Je suis un père exigeant. Très exigeant. SĂ»rement psychorigide par certains cĂ´tĂ©s. A grande tendance obsessionnelle. Mais on peut faire confiance en ma mĂ©moire concernant  mes travers :

Je suis aussi exigeant avec moi-même. Si je connais et vis des périodes de répit, il est bien des moments où mon esprit me poursuit de ses morsures et de ses critiques à propos de ce que j’ai mal fait. De ce que j’aurais pu mieux faire. Ou de celui que je ne suis pas assez. Ou de celui que je ne suis que trop.

 

Et puis, il y a des trêves comme en ce moment. Les trêves ne durent pas. C’est le principe des trêves.

 

Les mômes ont la particularité de régulièrement nous faire sortir du passage clouté de nos programmes et de nos pensées. Ils nous font aussi sortir de nos gonds. Soit de par leurs initiatives. Ou de par leurs demandes.

 

Alors que j’écris, ma fille et moi sommes en plein bonheur depuis plusieurs minutes. Elle, dans la cabane qu’elle s’est construite (sous une table) et moi qui ai fini de prendre mon petit-déjeuner.

 

Ce bonheur a une musique : l’album MBO LOZA de l’artiste malgache D’Gary. Un album de plus empruntĂ© Ă  la mĂ©diathèque il  y a plusieurs semaines et que j’ai dĂ©couvert seulement ce matin. Je l’ai mis tout Ă  l’heure après que ma fille ait commencĂ© Ă  jouer, après son petit-dĂ©jeuner. Il y avait pourtant eu un peu de tension entre elle et moi après son petit-dĂ©jeuner :

 

Elle, assise par terre : « Je n’ai pas bien compris ce que tu m’as dit… Â».

Moi : «  Ce n’est pas grave car il n y a rien de nouveau Â».

Elle, rĂ©flĂ©chissant quelques secondes puis :

« Je n’aime pas me brosser les dents ! Â».

Moi : « Ă§a apporte quelque chose, ce que tu viens de dire ?! Â».

Elle : « Non…. Â».

 

Hier après-midi, pour la première fois depuis la rentrĂ©e, je suis allĂ© la chercher Ă  la sortie de l’école. Devant l’école, c’était un carnaval de masques anti-Covid attendant leurs enfants Ă  la sortie de l’école maternelle et de l’école primaire.  Une Première pour une rentrĂ©e scolaire.

 

Evidemment, la distance de un mètre entre nous était impossible.

 

Parmi les personnes qui patientaient, il en Ă©tait une minoritĂ© bravant les nouvelles normes sanitaires :

Deux ou trois personnes s’affirmaient à visage découvert sans masque. Dont le gardien de l’école, un jeune homme plutôt sympathique qui m’avait, quelques mois plus tôt alors que je l’avais rencontré dans la rue, exprimé son scepticisme quant à la nécessité de se protéger.

 

Enfin, quelques personnes persistaient Ă  baisser leur masque sous leur nez. J’imagine que ces personnes avaient selon elles une bonne raison : du mal Ă  respirer ; il fait chaud ; cela empĂŞche de bien se faire comprendre lorsque l’on parle….

 

La veille, pourtant,  le footballeur Kylian M’BappĂ©, un des joueurs vedettes en France mais aussi dans le Monde, avait Ă©tĂ© dĂ©clarĂ© forfait pour le prochain match de l’équipe de France car positif au Covid. Un sportif de haut niveau – très mĂ©diatisĂ©- de plus touchĂ© par le Covid.

 

Face aux rĂ©calcitrants du masque, celles et ceux qui n’en portent pas, qui le portent mal ou gardent le mĂŞme plusieurs jours de suite, j’adopte une attitude passive et spectatrice. Et, quand je peux, je m’en Ă©loigne physiquement. Je n’ai pas beaucoup le choix. Les autres, aussi, nous font sortir du passage cloutĂ© de nos programmes et de nos pensĂ©es. Pour le pire comme pour le meilleur. Et sortir de nos gonds, dans ces moments-lĂ , n’est pas forcĂ©ment ce que nous avons de mieux Ă  faire :

 

L’annĂ©e scolaire vient de reprendre et je serai appelĂ© Ă  retourner chercher ma fille Ă  la sortie de l’école encore un certain nombre de jours. Ailleurs, on a dĂ©jĂ  entendu parler de personnes se faisant tabasser ou poignarder parce qu’elles avaient « osĂ© Â» reprocher ou essayĂ© de raisonner des personnes qui ne portaient pas de masque de prĂ©vention anti-Covid. J’estime qu’à moins d’avoir une personne qui me postillonne dessus, cela ne vaut pas la peine de prendre de tels risques. Comme on le voit, le bonheur est fragile. On attend son mĂ´me Ă  la sortie de l’école. Parce qu’à cĂ´tĂ© de nous, l’attitude d’une personne n’est pas conforme, on pĂ©nètre dans son univers. Ce faisant, on la dĂ©range comme un intrus. On la renforce dans son sentiment, dĂ©jĂ  préétabli, que le Monde entier lui en veut personnellement. Il ou elle s’était dĂ©jĂ  retenu(e) et avait pris sur elle ou sur lui mais, cette fois, avec vous, c’est la fois ou le jour de trop. Quelques minutes plus tard, au lieu d’avoir votre enfant dans les bras, vous vous retrouvez dans ceux du coma.

 

Certaines personnes pensent qu’il faut de la rĂ©pression et tout ira mieux dans notre Monde. D’accord. Mais face Ă  des personnes qui sont, dĂ©jĂ ,  constamment, dans la dĂ©pression, la revendication, la destruction, la surinterprĂ©tation et dans l’obsession qu’il y a toujours quelqu’un, quelque part, qui leur en veut ( et leur entourage proche pense gĂ©nĂ©ralement comme eux), la rĂ©pression peut se transformer en wagons de poudrière.

 

 

J’écris ça aujourd’hui. Mais peut-être que dans quelques jours, ou dans quelques semaines, j’aborderai une personne près de moi parce qu’elle porte mal son masque ou qu’elle n’en n’a pas sur elle.

 

 

Alors que ma fille joue dans son coin, je sais l’importance qu’il y a Ă  pouvoir gĂ©nĂ©rer son propre monde et Ă  s’y pelotonner. Parce-que je me rappelle de ces moments-lĂ , enfant, et qu’adulte, j’en vis encore. Ce sont des moments auxquels on tient. Sans doute sacrĂ©s. Et qu’il convient de protĂ©ger ou de ne pas dĂ©ranger. Ces personnes qui, comme moi, attendent leurs enfants Ă  la sortie de l’école, ont leur propre conception du bonheur. C’était dĂ©jĂ  comme ça avant les masques anti-Covid. Le Covid, tout ce qui l’entoure, lui ressemble ou en dĂ©coule, rajoute plus de colère et d’inquiĂ©tude quant Ă  la possibilitĂ©  d’être privĂ© de bonheur comme d’en ĂŞtre dĂ©jĂ  tenu Ă©loignĂ© alors que l’annĂ©e scolaire vient seulement de commencer.

 

Franck Unimon, ce mercredi 9 septembre 2020.

 

 

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Olivier de Kersauson- Le Monde comme il me parle

 

                    Olivier de Kersauson- Le Monde comme il me parle

« Le plaisir est ma seule ambition Â».

 

 

Parler d’un des derniers livres de Kersauson

 

Parler d’un des derniers livres de Kersauson, Le Monde comme il me parle,  c’est presque se dĂ©vouer Ă  sa propre perdition. C’est comme faire la description de notre dentition de lait en dĂ©cidant que cela pourrait captiver. Pour beaucoup, ça manquera de sel et d’exotisme. Je m’aperçois que son nom parlera spontanĂ©ment aux personnes d’une cinquantaine d’annĂ©es comme Ă  celles en âge d’être en EHPAD.

 

Kersauson est sûrement assez peu connu voire inconnu du grand public d’aujourd’hui. Celui que j’aimerais concerner en priorité avec cet article. Je parle du public compris grosso modo entre 10 et 35 ans. Puisque internet et les réseaux sociaux ont contribué à abaisser l’âge moyen du public lambda. Kersauson n’est ni Booba, ni Soprano, ni Kenji Girac. Il n’est même pas le journaliste animateur Pascal Praud, tentative de croisement tête à claques entre Donald Trump et Bernard Pivot, martelant sur la chaine de télé Cnews ses certitudes de privilégié. Et à qui il manque un nez de clown pour compléter le maquillage.

 

Le Mérite

 

Or, aujourd’hui, nous sommes de plus en plus guidĂ©s par et pour la dictature de l’audience et du like. Il est plus rentable de faire de l’audience que d’essayer de se faire une conscience.  

 

Que l’on ne me parle pas du mĂ©rite, hĂ©ritage incertain qui peut permettre Ă  d’autres de profiter indĂ©finiment de notre crĂ©dulitĂ© comme de notre « gĂ©nĂ©rositĂ© Â» ! Je me rappelle toujours de cette citation que m’avait professĂ©e Spock, un de mes anciens collègues :

 

« Il nous arrive non pas ce que l’on mĂ©rite mais ce qui nous ressemble Â».

Une phrase implacable que je n’ai jamais essayé de détourner ou de contredire.

 

Passer des heures sur une entreprise ou sur une action qui nous vaut peu de manifestations d’intĂ©rĂŞt ou pas d’argent revient Ă  se masturber ou Ă  Ă©chouer. 

Cela Ă©quivaut Ă  demeurer  une personne indĂ©sirable.

Si, un jour, mes articles comptent plusieurs milliers de lectrices et de lecteurs, je deviendrai une personne de « valeur Â».  Surtout si ça rapporte de l’argent. Beaucoup d’argent. Quelles que soient l’originalitĂ© ou les vertus de ce que je produis.

 

Mais j’ai beaucoup de mal Ă  croire Ă  cet avenir. Mes Ă©crits manquent par trop de poitrine, de potins, d’images ad hoc, de sex-tapes, de silicone et de oups ! Et ce n’est pas en parlant de Kersauson aujourd’hui que cela va s’amĂ©liorer. Kersauson n’a mĂŞme pas fait le nĂ©cessaire pour intĂ©grer  l’émission de tĂ©lĂ©rĂ©alitĂ© Les Marseillais !

 

Rien en commun

 

Mais j’ai plaisir à écrire cet article.

 

Kersauson et moi n’avons a priori rien Ă  voir ensemble. Il a l’âge de mon père, est issu de la bourgeoisie catholique bretonne. Mais il n’a ni l’histoire ni le corps social (et autre) de mon père et de ma mère. MĂŞme si, tous les deux, ont eu une Ă©ducation catholique tendance campagnarde et traditionnelle. Ma grand-mère maternelle, originaire des Saintes, connaissait ses prières en latin.  

 

Kersauson a mis le pied sur un bateau de pĂŞche Ă  l’âge de quatre ans et s’en souvient encore. Il a appris « tĂ´t Â» Ă  nager, sans doute dans la mer, comme ses frères et soeurs.

Je devais avoir entre 6 et 9 ans lorsque je suis allé sur mon premier bateau. C’était dans le bac à sable à côté de l’immeuble HLM où nous habitions en banlieue parisienne. A quelques minutes du quartier de la Défense à vol d’oiseau.

 

J’ai appris à nager vers mes dix ans dans une piscine. Le sel et la mer pour lui, le chlore et le béton pour moi comme principaux décors d’enfance.

 

Moniteur de voile Ă  13 ans, Kersauson enseignait le bateau Ă  des parisiens (sĂ»rement assez aisĂ©s) de 35 Ă  40 ans. Moi, c’est plutĂ´t vers mes 18-20 ans que j’ai commencĂ© Ă  m’occuper de personnes plus âgĂ©es que moi : c’était des patients  dans les hĂ´pitaux et les cliniques. Changer leurs couches, vider leur  bassin, faire leur toilette, prendre soin d’eux….

 

J’ai pourtant connu la mer plus tôt que certains citadins. Vers 7 ans, lors de mon premier séjour en Guadeloupe. Mais si, très tôt, Kersauson est devenu marin, moi, je suis un ultramarin. Lui et moi, ne sommes pas nés du même côté de la mer ni pour les mêmes raisons.

La mer a sĂ»rement eu pour lui, assez tĂ´t, des attraits qui ont mis bien plus de temps  Ă  me parvenir.  Je ne vais pas en rajouter sur le sujet. J’en ai dĂ©jĂ  parlĂ© et reparlĂ©. Et lui, comme d’autres, n’y sont pour rien.

 

Kersauson est né après guerre, en 1944, a grandi dans cette ambiance (la guerre d’Indochine, la guerre d’Algérie, la guerre du Vietnam) et n’a eu de cesse de lui échapper.

Je suis né en 1968. J’ai entendu parler des guerres. J’ai vu des images. J’ai entendu parler de l’esclavage. J’ai vu des images. J’ai plus connu la crise, la peur du chômage, la peur du racisme, l’épidémie du Sida, la peur d’une guerre nucléaire, les attentats. Et, aujourd’hui, le réchauffement climatique, les attentats, les serres d’internet, l’effondrement, le Covid.

 

Kersauson, et moi, c’est un peu la matière et l’antimatière.

 

En cherchant un peu dans la vase

 

Pourtant, si je cherche un peu dans la vase, je nous trouve quand mĂŞme un petit peu de limon en commun.

L’ancien collègue Spock que j’ai connu, contrairement Ă  celui de la sĂ©rie Star Trek, est Breton.

C’est pendant qu’il fait son service militaire que Kersauson, Breton, rencontre Eric Tabarly, un autre Breton.

 

C’est pendant mon service militaire que j’entends parler pour la première fois de Kersauson. Par un étudiant en psychologie qui me parle régulièrement de Brautigan, de Desproges et de Manchette sûrement. Et qui me parle de la culture de Kersauson lorsque celui-ci passe aux Grosses Têtes de Bouvard. Une émission radiophonique dont j’ai plus entendu parler que je n’ai pris le temps de l’écouter.

 

Je crois que Kersauson a bien dĂ» priser l’univers d’au moins une de ces personnes :

Desproges, Manchette, Brautigan.

 

Pierre Desproges et Jean-Patrick Manchette m’ont fait beaucoup de bien à une certaine période de ma vie. Humour noir et polar, je ne m’en défais pas.

 

C’est un Breton que je rencontre une seule fois (l’ami de Chrystèle, une copine bretonne de l’école d’infirmière)  qui m’expliquera calmement, alors que je suis en colère contre la France, que, bien que noir, je suis Français. J’ai alors entre 20 et 21 ans. Et je suis persuadĂ©, jusqu’à cette rencontre, qu’il faut ĂŞtre blanc pour ĂŞtre Français. Ce Breton, dont j’ai oubliĂ© le prĂ©nom, un peu plus âgĂ© que moi, conducteur de train pour la SNCF, me remettra sur les rails en me disant simplement :

« Mais…tu es Français ! Â».

C’était Ă  la fin des annĂ©es 80. On n’entendait pas du tout  parler d’un Eric Zemmour ou d’autres. Il avait beaucoup moins d’audience que depuis quelques annĂ©es. Lequel Eric Zemmour, aujourd’hui, a son trĂ´ne sur la chaine Cnews et est la pierre philosophale de la PensĂ©e selon un Pascal Praud. Eric Zemmour qui se considère frĂ©quemment comme l’une des personnes les plus lĂ©gitimes pour dire qui peut ĂŞtre Français ou non. Et Ă  quelles conditions. Un de ses vĹ“ux est peut-ĂŞtre d’être le Montesquieu de la question de l’immigration en France.

 

Dans son livre, Le Monde comme il me parle, Kersauson redit son attachement Ă  la PolynĂ©sie française. Mais je sais que, comme lui, le navigateur Moitessier y Ă©tait tout autant attachĂ©. Ainsi qu’Alain Colas. Deux personnes qu’il a connues. Je sais aussi que Tabarly, longtemps cĂ©libataire et sans autre idĂ©e fixe que la mer, s’était quand mĂŞme  achetĂ© une maison et mariĂ© avec une Martiniquaise avec laquelle il a eu une fille. MĂŞme s’il a fini sa vie en mer. Avant d’être repĂŞchĂ©.

 

Ce paragraphe vaut-il Ă  lui tout seul la rĂ©daction et la lecture de cet article ? Toujours est-il que Kersauson est un inconnu des rĂ©seaux sociaux.

 

Inconnu des rĂ©seaux sociaux :

 

 

 

Je n’ai pas vĂ©rifiĂ© mais j’ai du mal Ă  concevoir Kersauson sur Instagram, faisant des selfies ou tĂ©lĂ©chargeant des photos dĂ©nudĂ©es de lui sur OnlyFans. Et il ne fait pas non plus partie du dĂ©cor du jeu The Last of us dont le deuxième volet, sorti cet Ă©tĂ©,  une des exclusivitĂ©s pour la console de jeu playstation, est un succès avec plusieurs millions de vente.

 

Finalement, mes articles sont peut-ĂŞtre trop hardcore pour pouvoir attirer beaucoup plus de public. Ils sont peut-ĂŞtre aussi un peu trop « mystiques Â». J’ai eu cette intuition- indirecte- en demandant Ă  un jeune rĂ©cemment ce qu’il Ă©coutait comme artistes de Rap. Il m’a d’abord citĂ© un ou deux noms que je ne connaissais pas. Il m’avait prĂ©venu. Puis, il a mentionnĂ© Dinos. Je n’ai rien Ă©coutĂ© de Dinos mais j’ai entendu parler de lui. J’ai alors Ă©voquĂ© Damso dont j’ai Ă©coutĂ© et réécoutĂ© l’album LithopĂ©dion (sorti en 2018) et mis plusieurs de ses titres sur mon baladeur.  Le jeune m’a alors fait comprendre que les textes de Damso Ă©taient en quelque sorte trop hermĂ©tiques pour lui.

Mais au moins Damso a-t’il des milliers voire des millions de vues sur Youtube. Alors que Kersauson…. je n’ai pas fouillé non plus- ce n’est pas le plus grave- mais je ne vois pas Kersauson avoir des milliers de vues ou lancer sa chaine youtube. Afin de nous vendre des méduses (les sandales en plastique pour la plage) signées Balenciaga ou une crème solaire bio de la marque Leclerc.

 

J’espère au moins que « Kersau Â», mon Bernard Lavilliers des ocĂ©ans, est encore vivant. Internet, google et wikipĂ©dia m’affirment que « oui Â». Kersauson a au moins une page wikipĂ©dia. Il a peut-ĂŞtre plus que ça sur le net. En Ă©crivant cet article, je me fie beaucoup Ă  mon regard sur lui ainsi que sur le livre dont je parle. Comme d’un autre de ses livres que j’avais lu  il y a quelques annĂ©es, bien avant l’effet « Covid».

 

L’effet « Covid Â»

 

Pourvu, aussi, que Kersauson se prĂ©serve du Covid.  Il a 76 ans cette annĂ©e. Car, alors que la rentrĂ©e (entre-autre, scolaire)  a eu lieu hier et que bien des personnes rechignent Ă  continuer de porter un masque (dont le très inspirĂ© journaliste Pascal Praud sur Cnews), deux de mes collègues infirmières sont actuellement en arrĂŞt de travail pour suspicion de covid. La première collègue a une soixantaine d’annĂ©es. La seconde, une trentaine d’annĂ©es. Praud en a 54 si j’ai bien entendu. Ou 56.

Un article du journal  » Le Canard Enchainé » de ce mercredi 2 septembre 2020.

 

Depuis la pandĂ©mie du Covid-19, aussi appelĂ© de plus en plus « la Covid Â», la vente de livres a augmentĂ©. Jeff Bezos, le PDG du site Amazon, premier site de ventes en ligne, (aujourd’hui, homme le plus riche du monde avec une fortune estimĂ©e Ă  200 milliards de dollars selon le magazine Forbes US  citĂ© dans le journal Le Canard EnchaĂ®nĂ© de ce mercredi 2 septembre 2020) n’est donc pas le seul Ă  avoir bĂ©nĂ©ficiĂ© de la pandĂ©mie du Covid qui a par ailleurs mis en faillite d’autres Ă©conomies.

 

Donc, Kersauson, et son livre, Le Monde comme il me parle, auraient pu profiter de « l’effet Covid Â». Mais ce livre, celui dont j’ai prĂ©vu de vous parler, est paru en 2013.

 

Il y a sept ans.  C’est Ă  dire, il y a très très longtemps pour beaucoup Ă  l’époque.

 

Mon but, aujourd’hui, est de vous parler d’un homme de 76 ans pratiquement inconnu selon les critères de notoriĂ©tĂ© et de rĂ©ussite sociale typiques d’aujourd’hui. Un homme qui a fait publier un livre en 2013.

Nous sommes le mercredi 2 septembre 2020, jour du début du procès des attentats de Charlie Hebdo et de L’Hyper Cacher.

 

 

Mais nous sommes aussi le jour de la sortie du film Police d’Anne Fontaine avec Virginie Efira, Omar Sy et Grégory Gadebois. Un film que j’aimerais voir. Un film dont je devrais plutôt vous parler. Au même titre que le film Tenet de Christopher Nolan, sorti la semaine dernière. Un des films très attendus de l’été, destiné à relancer la fréquentation des salles de cinéma après leur fermeture due au Covid. Un film d’autant plus désiré que Christopher Nolan est un réalisateur reconnu et que l’autre grosse sortie espérée, le film Mulan , produit par Disney, ne sortira pas comme prévu dans les salles de cinéma. Le PDG de Disney préférant obliger les gens à s’abonner à Disney+ (29, 99 dollars l’abonnement aux Etats-Unis ou 25 euros environ en Europe) pour avoir le droit de voir le film. Au prix fort, une place de cinéma à Paris peut coûter entre 10 et 12 euros.

 

 

Tenet, qui dure près de 2h30,  m’a contrariĂ©. Je suis allĂ© le voir la semaine dernière. Tenet est selon moi la bande annonce des films prĂ©cĂ©dents et futurs de Christopher Nolan dont j’avais aimĂ© les films avant cela. Un film de James Bond sans James Bond. On apprend dans Tenet qu’il suffit de poser sa main sur la pĂ©dale de frein d’une voiture qui file Ă  toute allure pour qu’elle s’arrĂŞte au bout de cinq mètres. J’aurais dĂ» m’arrĂŞter de la mĂŞme façon avant de choisir d’aller le regarder. Heureusement qu’il y a Robert Pattinson dans le film ainsi que Elizabeth Debicki que j’avais beaucoup aimĂ©e dans Les Veuves rĂ©alisĂ© en 2018 par Steve McQueen.

 

Distorsions temporelles

 

Nolan affectionne les distorsions temporelles dans ses films. Je le fais aussi dans mes articles :

 

 

En 2013, lorsqu’est paru Le Monde comme il me parle de Kersauson, Omar Sy, un des acteurs du film Police, sorti aujourd’hui,  Ă©tait dĂ©jĂ  devenu un « grand acteur Â».

Grâce Ă  la grande audience qu’avait connue le film Intouchables rĂ©alisĂ© en…2011 par Olivier Nakache et Eric Toledano. Près de vingt millions d’entrĂ©es dans les salles de cinĂ©ma seulement en France. Un film qui a permis Ă  Omar Sy de jouer dans une grosse production amĂ©ricaine. Sans le succès d’Intouchables, nous n’aurions pas vu Omar Sy dans le rĂ´le de Bishop dans un film de X-Men (X-Men : Days of future past rĂ©alisĂ© en 2014 par Bryan Singer).

 

J’ai de la sympathie pour Omar Sy. Et cela, bien avant Intouchables. Mais ce n’est pas un acteur qui m’a particulièrement épaté pour son jeu pour l’instant. A la différence de Virginie Efira et de Grégory Gadebois.

Virginie Efira, d’abord animatrice de télévision pendant une dizaine d’années, est plus reconnue aujourd’hui qu’en 2013, année de sortie du livre de Kersauson.

J’aime beaucoup le jeu d’actrice de Virginie Efira et ce que je crois percevoir d’elle. Son visage et ses personnages ont une allure plutĂ´t fade au premier regard : ils sont souvent le contraire.

GrĂ©gory Gadebois, passĂ© par la comĂ©die Française, m’a « eu Â» lorsque je l’ai vu dans le Angèle et Tony rĂ©alisĂ© par Alix Delaporte en 2011. Je ne me souviens pas de lui dans Go Fast rĂ©alisĂ© en 2008 par Olivier Van Hoofstadt.

 

Je ne me défile pas en parlant de ces trois acteurs.

 

Je continue de parler du livre de Kersauson. Je parle seulement, à ma façon, un petit peu du monde dans lequel était sorti son livre, précisément.

 

Kersauson est évidemment un éminent pratiquant des distorsions temporelles. Et, grâce à lui, j’ai sans doute compris la raison pour laquelle, sur une des plages du Gosier, en Guadeloupe, j’avais pu être captivé par les vagues. En étant néanmoins incapable de l’expliquer à un copain, Eguz, qui m’avait surpris. Pour lui, mon attitude était plus suspecte que d’ignorer le corps d’une femme nue. Il y en avait peut-être une, d’ailleurs, dans les environs.

 

Page 12 de Le Monde comme il me parle :

 

« Le chant de la mer, c’est l’éternitĂ© dans l’oreille. Dans l’archipel des Tuamotu, en PolynĂ©sie, j’entends des vagues qui ont des milliers d’annĂ©es. C’est frappant. Ce sont des vagues qui brisent au milieu du plus grand ocĂ©an du monde. Il n y  a pas de marĂ©e ici, alors ces vagues tapent toujours au mĂŞme endroit Â».

 

Tabarly

 

A une époque, adolescent, Kersauson lisait un livre par jour. Il le dit dans Le Monde comme il me parle.

 

J’imagine qu’il est assez peu allĂ© au cinĂ©ma. Page 50 :

 

« (….) Quand je suis dĂ©mobilisĂ©, je reste avec lui ( Eric Tabarly). Evidemment. Je tombe sur un mec dont le seul programme est de naviguer. Il est certain que je n’allais pas laisser passer ça Â».

 

Page 51 :

 

«  Tabarly avait, pour moi, toutes les clĂ©s du monde que je voulais connaĂ®tre. C’était un immense marin et, en mer, un homme dĂ©licieux Ă  vivre Â».

 

Page 54 :

« C’est le temps en mer qui comptait. Et, avec Eric, je passais neuf mois de l’annĂ©e en mer Â».

 

A cette Ă©poque, Ă  la fin des annĂ©es 60, Kersauson avait 23 ou 24 ans. Les virĂ©es entre « potes Â» ou entre « amies Â» que l’on peut connaĂ®tre dans les soirĂ©es ou lors de certains sĂ©jours de vacances, se sont dĂ©roulĂ©es autour du monde et sur la mer pour lui. Avec Eric Tabarly, rĂ©fĂ©rence mondiale de la voile.

 

Page 51 :

 

« (…..) Il faut se rendre compte qu’à l’époque, le monde industriel français se demande comment aider Eric Tabarly- tant il est crĂ©atif, ingĂ©nieux. Il suscite la passion. C’est le bureau d’études de chez Dassault qui règle nos problèmes techniques ! Â».

 

 

Le moment des bilans

 

 

Il est facile de comprendre que croiser un mentor comme Tabarly à 24 ans laisse une trace. Mais Kersauson était déjà un ténor lorsqu’ils se sont rencontrés. Il avait déja un aplomb là ou d’autres avaient des implants. Et, aujourd’hui, en plus, on a besoin de tout un tas d’applis, de consignes et de protections pour aller de l’avant.

J’avais lu Mémoires du large, paru en Mai 1998 (dont la rédaction est attribuée à Eric Tabarly) quelques années après sa mort. Tabarly est mort en mer en juin 1998.

 Tabarly Ă©tait aussi intraitable que Kersauson dans son rapport Ă  la vie. Kersauson Ă©crit dans Le Monde comme il me parle, page 83 :

«  Ce qui m’a toujours sidĂ©rĂ©, chez l’être humain, c’est le manque de cohĂ©rence entre ce qu’il pense et ce qu’il fait (…). J’ai toujours tentĂ© de vivre comme je le pensais. Et je m’aperçois que nous ne sommes pas si nombreux dans cette entreprise Â».

 

Tabarly avait la mĂŞme vision de la vie. Il  l’exprimait avec d’autres mots.

 

Que ce soit en lisant Kersauson ou en lisant Tabarly, je me considère comme faisant partie du lot des ruminants. Et c’est peut-être aussi pour cela que je tiens autant à cet article. Il me donne sans doute l’impression d’être un petit peu moins mouton même si mon intrépidité sera un souvenir avant même la fin de la rédaction de cet article.

 

« DiffĂ©rence entre la technologie et l’esclavage. Les esclaves ont pleinement conscience qu’ils ne sont pas libres Â» affirme Nicholas Nassim Taleb dont les propos sont citĂ©s par le Dr Judson Brewer dans son livre Le Craving ( Pourquoi on devient accro et comment se libĂ©rer), page 65.

 

Un peu plus loin, le Dr Judson Brewer rappelle ce qu’est une addiction, terme qui n’a Ă©tĂ© employĂ© par aucun des intervenants, hier, lors du « dĂ©bat Â» animĂ© par Pascal Praud sur Cnews Ă  propos de la consommation de Cannabis. Comme Ă  propos des amendes qui seront dĂ©sormais infligĂ©es automatiquement Ă  toute personne surprise en flagrant dĂ©lit de consommation de cannabis :

D’abord 135 euros d’amende. Ou 200 euros ?

En Ă©coutant Pascal Praud sur Cnews hier ( il a au moins eu la sincĂ©ritĂ© de confesser qu’il n’avait jamais fumĂ© un pĂ©tard de sa vie)  la solution Ă  la consommation de cannabis passe par des amendes dissuasives, donc par la rĂ©pression, et par l’autoritĂ© parentale.

 

Le Dr Judson Brewer rappelle ce qu’est une addiction (page 68 de son livre) :

 

«  Un usage rĂ©pĂ©tĂ© malgrĂ© les consĂ©quences nĂ©gatives Â». 

 

Donc, rĂ©primer ne suffira pas Ă  endiguer les addictions au cannabis par exemple. RĂ©primer par le porte-monnaie provoquera une augmentation des agressions sur la voie publique. Puisqu’il faudra que les personnes addict ou dĂ©pendantes se procurent l’argent pour acheter leur substance. J’ai rencontrĂ© au moins un mĂ©decin addictologue qui nous a dit en formation qu’il lui arrivait de faire des prescriptions de produits de substitution pour Ă©viter qu’une personne addict n’agresse des personnes sur la voie publique afin de leur soutirer de l’argent en vue de s’acheter sa dose. On ne parlait pas d’une addiction au cannabis. Mais, selon moi, les consĂ©quences peuvent ĂŞtre les mĂŞmes pour certains usagers de cannabis.

 

Le point commun entre une addiction (avec ou sans substance) et cette « incohĂ©rence Â» par rapport Ă  la vie que pointe un Kersauson ainsi qu’un Tabarly avant lui, c’est que nous sommes très nombreux Ă  maintenir des habitudes de vie qui ont sur nous des « consĂ©quences nĂ©gatives Â». Par manque d’imagination. Par manque de modèle. Par manque de courage ou d’estomac. Par manque d’accompagnement. Par manque d’estime de soi. Par Devoir. Oui, par Devoir. Et Par peur.

 

La Peur

On peut bien-sûr penser à la peur du changement. Comme à la peur partir à l’aventure.

 

Kersauson affirme dans son livre qu’il n’a peur de rien. C’est là où je lui trouve un côté Bernard Lavilliers des océans. Pour sa façon de rouler des mécaniques. Je ne lui conteste pas son courage en mer ou sur la terre. Je crois à son autorité, à sa détermination comme ses très hautes capacités d’intimidation et de commandement.

 

Mais avoir peur de rien, ça n’existe pas. Tout le monde a peur de quelque chose, Ă  un moment ou Ă  un autre. Certaines personnes sont fortes pour transcender leur peur. Pour  s’en servir pour accomplir des actions que peu de personnes pourraient rĂ©aliser. Mais on a tous peur de quelque chose.

 

Kersauson a peut-être oublié. Ou, sûrement qu’il a peur plus tardivement que la majorité. Mais je ne crois pas à une personne dépourvue totalement de peur. Même Tabarly, en mer, a pu avoir peur. Je l’ai lu ou entendu. Sauf que Tabarly, comme Kersauson certainement, et comme quelques autres, une minorité, font partie des personnes (femmes comme hommes, mais aussi enfants) qui ont une aptitude à se reprendre en main et à fendre leur peur.

 

Je pourrais peut-être ajouter que la personne qui parvient à se reprendre alors qu’elle a des moments de peur est plus grande, et sans doute plus forte, que celle qui ignore complètement ce qu’est la peur. Pour moi, la personne qui ignore la peur s’aperçoit beaucoup trop tard qu’elle a peur. Lorsqu’elle s’en rend compte, elle est déjà bien trop engagée dans un dénouement qui dépasse sa volonté.

 

Cette remarque mise à part, je trouve à Kersauson, comme à Tabarly et à celles et ceux qui leur ressemblent une parenté évidente avec l’esprit chevaleresque ou l’esprit du sabre propre aux Samouraï et à certains aventuriers. Cela n’a rien d’étonnant.

 

L’esprit du samouraï

 

Dans une vidéo postée sur Youtube le 13 décembre 2019, GregMMA, ancien combattant de MMA, rencontre Léo Tamaki, fondateur de l’école Kishinkai Aikido.

 

GregMMA a rencontrĂ© d’autres combattants d’autres disciplines martiales ou en rapport avec le Combat. La particularitĂ© de cette vidĂ©o (qui compte 310 070 vues alors que j’écris l’article) est l’érudition de LĂ©o Tamaki que j’avais entrevue dans une revue. Erudition Ă  laquelle GregMMA se montre heureusement rĂ©ceptif. L’un des attraits du MMA depuis quelques annĂ©es, c’est d’offrir une palette aussi complète que possible de techniques pour se dĂ©fendre comme pour survivre en cas d’agression. C’est La discipline de combat du moment. MĂŞme si le Krav Maga a aussi une bonne cote.  Mais, comme souvent, des comparaisons se font entre tel ou telle discipline martiale, de Self-DĂ©fense ou de combat en termes d’efficacitĂ© dans des conditions rĂ©elles.

 

Je ne donne aucun scoop en Ă©crivant que le MMA attire sĂ»rement plus d’adhĂ©rents aujourd’hui que l’AĂŻkido qui a souvent l’ image d’un art martial dont les postures sont difficiles Ă  assimiler, qui peut faire penser «  Ă  de la danse Â» et dont l’efficacitĂ© dans la vie rĂ©elle peut ĂŞtre mise en doute  :

 

On ne connaît pas de grand champion actuel dans les sports de combats, ou dans les arts martiaux, qui soit Aïkidoka. Steven Seagal, c’est au cinéma et ça date des années 1990-2000. Dans les combats UFC, on ne parle pas d’Aïkidoka même si les combattants UFC sont souvent polyvalents ou ont généralement cumulé différentes expériences de techniques et de distances de combat.

 

Lors de cet Ă©change avec GregMMA, LĂ©o Tamaki confirme que le niveau des pratiquants en AĂŻkido a baissĂ©. Ce qui explique aussi en partie le discrĂ©dit qui touche l’AĂŻkido. Il explique la raison de la baisse de niveau :

 

Les derniers grands Maitres d’AĂŻkido avaient connu la Guerre. Ils l’avaient soit vĂ©cue soit en Ă©taient encore imprĂ©gnĂ©s. A partir de lĂ , pour eux, pratiquer l’AĂŻkido, mĂŞme si, comme souvent, ils avaient pu pratiquer d’autres disciplines martiales auparavant, devait leur permettre d’assurer leur survie. C’était immĂ©diat et très concret. Cela est très diffĂ©rent de la dĂ©marche qui consiste Ă  aller pratiquer un sport de combat ou un art martial afin de faire « du sport Â», pour perdre du poids ou pour se remettre en forme.

 

Lorsque Kersauson explique au début de son livre qu’il a voulu à tout prix faire de sa vie ce qu’il souhaitait, c’était en réponse à la Guerre qui était pour lui une expérience très concrète. Et qui aurait pu lui prendre sa vie.

Lorsque je suis parti faire mon service militaire, qui Ă©tait encore obligatoire Ă  mon « Ă©poque Â», la guerre Ă©tait dĂ©jĂ  une probabilitĂ© Ă©loignĂ©e. Bien plus Ă©loignĂ©e que pour un Kersauson et les personnes de son âge. MĂŞme s’il a vĂ©cu dans un milieu privilĂ©giĂ©, il avait 18 ans en 1962 lorsque l’AlgĂ©rie est devenue indĂ©pendante. D’ailleurs, je crois qu’un de ses frères est parti faire la Guerre d’AlgĂ©rie.

 

On retrouve chez lui comme chez certains adeptes d’arts martiaux , de self-dĂ©fense ou de sport de combat, cet instinct de survie et de libertĂ© qui l’a poussĂ©, lui, Ă  prendre le large. Quitte Ă  perdre sa vie, autant la perdre en  choisissant de faire quelque chose que l’on aime faire. Surtout qu’autour de lui, il s’aperçoit que les aĂ®nĂ©s et les anciens qui devraient ĂŞtre Ă  mĂŞme de l’orienter ont dĂ©gustĂ© (Page 43) :

« Bon, l’ancien monde est mort. S’ouvre Ă  moi une pĂ©riode favorable (….). J’ai 20 ans, j’ai beaucoup lu et je me dis qu’il y a un loup dans la combine :

Je m’aperçois que les vieux se taisent, ne parlent pas. Et comme ils ont fait le trajet avant, ils devraient nous donner le mode d’emploi pour l’avenir, mais rien ! Ils sont vaincus. Alors, je sens qu’il ne faut surtout pas s’adapter Ă  ce qui existe mais crĂ©er ce qui vous convient Â».

 

Nous ne vivons pas dans un pays en guerre.

 

Jusqu’à maintenant, si l’on excepte le chĂ´mage,  certains attentats et les faits divers, nous avons obtenu une certaine sĂ©curitĂ©. Nous ne vivons pas dans un pays en guerre. MĂŞme si, rĂ©gulièrement, on nous parle « d’embrasement Â» des banlieues, « d’insĂ©curitĂ© Â» et «  d’ensauvagement Â» de la France. En tant que citoyens, nous n’avons pas Ă  fournir un effort de guerre en dehors du territoire ou Ă  donner notre vie dans une armĂ©e. En contrepartie, nous sommes une majoritĂ© Ă  avoir acceptĂ© et Ă  accepter  certaines conditions de vie et de travail. Plusieurs de ces conditions de vie et de travail sont discutables voire insupportables.

Face Ă  cela, certaines personnes dĂ©veloppent un instinct de survie lĂ©gal ou illĂ©gal. D’autres s’auto-dĂ©truisent ( par les addictions par exemple mais aussi par les accidents du travail, les maladies professionnelles ou les troubles psychosomatiques). D’autres prennent sur eux et se musèlent par Devoir….jusqu’à ce que cela devienne impossible de prendre sur soi. Que ce soit dans les banlieues. Dans certaines catĂ©gories socio-professionnelles. Ou au travers des gilets jaunes.  

 

Et, on en revient à la toute première phrase du livre de Kersauson.

 

Le plaisir est ma seule ambition

 

J’ai encore du mal à admettre que cette première phrase est/soit peut-être la plus importante du livre. Sans doute parce-que je reste moins libre que Kersauson, et d’autres, question plaisir.

 

Plus loin, Kersauson explicite aussi la nécessité de l’engagement et du Devoir. Car c’est aussi un homme d’engagement et de Devoir.

 

Mais mettre le plaisir au premier plan, ça délimite les Mondes, les êtres, leur fonction et leur rôle.

 

Parce- qu’il y a celles et ceux qui s’en remettent au mĂ©rite – comme certaines religions, certaines Ă©ducations et certaines institutions nous y entraĂ®nent et nous habituent- et qui sont prĂŞts Ă  accepter bien des sacrifices. Sacrifices qui peuvent se rĂ©vĂ©ler vains. Parce que l’on peut ĂŞtre persĂ©vĂ©rant (e ) et mĂ©ritant ( e) et se faire arnaquer. Moralement. Physiquement. Economiquement. Affectivement. C’est l’histoire assez rĂ©pĂ©tĂ©e, encore toute rĂ©cente, par exemple, des soignants comme on l’a vu pendant l’épidĂ©mie du Covid. Ainsi que l’histoire d’autres professions et de bien des gens qui endurent. Qui prennent sur eux. Qui croient en une Justice divine, Ă©tatique ou politique qui va les rĂ©compenser Ă  la hauteur de leurs efforts et de leurs espoirs.

 

Mais c’est aussi l’histoire répétée de ces spectateurs chevronnés que nous sommes tous plus ou moins de notre propre vie. Une vie que nous recherchons par écrans interposés ou à travers celle des autres. Au lieu d’agir. Il faut se rappeler que nous sommes dans une société de loisirs. Le loisir, c’est différent du plaisir.

 

Le loisir, c’est différent du plaisir

 

 

Le loisir, ça peut être la pause-pipi, la pause-cigarette ou le jour de formation qui sont accordés parce-que ça permet ensuite à l’employé de continuer d’accepter des conditions de travail inacceptables.

 

Ça peut aussi consister à laisser le conjoint ou la conjointe sortir avec ses amis ou ses amies pour pouvoir mieux continuer de lui imposer notre passivité et notre mauvaise humeur résiduelle.

 

C’est les congés payés que l’on donne pour que les citoyens se changent les idées avant la rentrée où ils vont se faire imposer, imploser et contrôler plus durement. Bien des personnes qui se prendront une amende pour consommation de cannabis seront aussi des personnes adultes et responsables au casier judiciaire vierge, insérées socialement, payant leurs impôts et effectuant leur travail correctement. Se contenter de les matraquer à coups d’amende en cas de consommation de cannabis ne va pas les inciter à arrêter d’en consommer. Ou alors, elles se reporteront peut-être sur d’autres addictions plus autorisées et plus légales (alcool et médicaments par exemple….).

 

Le plaisir, c’est l’intégralité d’un moment, d’une expérience comme d’une rencontre. Cela a à voir avec le libre-arbitre. Et non avec sa version fantasmée, rabotée, autorisée ou diluée.

 

Il faut des moments de loisirs, bien-sûr. On envoie bien nos enfants au centre de loisirs. Et on peut y connaître des plaisirs.

 

Mais dire et affirmer «  Le plaisir est ma seule ambition Â», cela signifie qu’à un moment donnĂ©, on est une personne libre. On dĂ©pend alors très peu d’un gouvernement, d’un parti politique, d’une religion, d’une Ă©ducation, d’un supĂ©rieur hiĂ©rarchique. Il n’y a, alors, pas grand monde au dessus de nous. Il s’agit alors de s’adresser Ă  nous en consĂ©quence. Faute de quoi, notre histoire se terminera. Et chacun partira de son cĂ´tĂ© dans le meilleur des cas.

 

Page 121 :

 

« Je suis indiffĂ©rent aux fĂ©licitations. C’est une force Â».

 

Page 124 :

 

« Nos contemporains n’ont plus le temps de penser (….) Ils se sont inventĂ© des vies monstrueuses dont ils sont responsables-partiellement Â». Olivier de Kersauson.

 

 

Article de Franck Unimon, mercredi 2 septembre 2020.

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Gémissements

 GĂ©missements.

C’est notre souffle qui nous tient. C’est Ă  dire : trois fois rien. Dans nos pensĂ©es et nos souvenirs se trouvent tant de trajectoires. De ce fait, on ne s’étonnera pas si je fais quelques excursions en des temps et des Ă©vĂ©nements diffĂ©rents et si je me retrouve ensuite Ă  nouveau dans le prĂ©sent.

 

Aujourd’hui, ce mercredi 5 aout 2020 oĂą il a fait entre 29 et 30 degrĂ©s Ă  Paris, je devrais ĂŞtre au cinĂ©ma. J’ai l’impression de le trahir. Il y a tant de films Ă  voir mĂŞme si le nombre de films a Ă©tĂ© restreint. Les salles de cinĂ©ma, pour celles qui ont pu rouvrir depuis le 22 juin,  peinent Ă  s’en sortir Ă©conomiquement.

 

EnrĂ´lĂ©es dans la bobine du cycle Covid-19, les salles de cinĂ©ma ont peu de spectateurs. Je m’en suis aperçu directement le 14 juillet en allant voir Tout simplement noir de Jean-Pascal Zadi. Le film m’a beaucoup plu. J’en parle dans un article qui porte le nom du film sur mon blog: Tout simplement Noir.

 

Mais nous Ă©tions Ă  peine dix spectateurs dans la grande salle de ce multiplexe parisien que je connais depuis plus de vingt ans. C’est vrai que j’y suis allĂ© Ă  la première sĂ©ance, celle de 9h et quelques, mais je ne crois pas que l’heure matinale ait jouĂ© tant que ça sur le nombre que nous Ă©tions dans la salle :

 

 Le confinement de plusieurs semaines dĂ» Ă  la pandĂ©mie du Covid-19 et l’arrivĂ©e de l’étĂ© au moins ont eu un effet sĂ©cateur sur le nombre des entrĂ©es. En plus, cela fait plusieurs mois qu’il fait beau. Je crois que les gens ont besoin de se rattraper. Ils ont aussi peut-ĂŞtre peur que le couteau d’un autre confinement ne se dĂ©ploie Ă  nouveau sous leur  gorge.  

 

 

Mais on va un petit peu oublier le Devoir ce matin. Ou on va le dĂ©fendre autrement.  On va se faire notre cinĂ©ma Ă  domicile.

 

 

Les photos qui dĂ©filent dans le diaporama sont un assemblage Ă  la fois de quelques photos de vacances, d’ouvrages que je lis, ai essayĂ© de lire ou voudrais lire, du Cd dont la musique m’a inspirĂ©….

 

Et je vais essayer de vous parler d’à peu près tout ça à ma façon.

 

 

On va vers l’autre pour essayer de combler ou de soulager un vide. Mais nous ne partons pas du même vide. Nous ne portons pas le même vide. Et nous ne parlons peut-être même pas du même vide. Beaucoup de conditions sont donc assez souvent réunies pour que, dans la vie, nous fassions….un bide. Et, pourtant, nous connaissons des réussites et des possibilités de réussite. Mais encore faut-il savoir s’en souvenir et s’en apercevoir.

 

 

Je ne connaissais pas du tout Magali Berdah dont j’ai commencĂ© Ă  lire la biographie, Ma Vie en RĂ©alitĂ©. J’en suis Ă  la moitiĂ©. Et j’ai très vite dĂ©cidĂ© de lire son livre plutĂ´t que celui de Julia De Funès intitulĂ© DĂ©veloppement ( Im) Personnel.  Qu’est-ce que je reproche au livre de Julia De Funès dont j’ai commencĂ© Ă  lire l’ouvrage ?

 

Le fait, d’abord, que l’on sente la « bonne Ă©lève Â» qui a eu des très bonnes notes lors de ses Ă©tudes supĂ©rieures et qui a, donc, une très haute opinion d’elle-mĂŞme. Je suis bien-sĂ»r pour avoir des bonnes notes et pour faire des Ă©tudes supĂ©rieures autant que possible. Je suis aussi  favorable  au fait d’avoir de l’estime de soi.  Parce qu’il peut ĂŞtre très handicapant pour soi-mĂŞme comme pour notre entourage de passer notre vie Ă  avoir peur de tout comme Ă  toujours dĂ©cider que l’on ne sait jamais rien et que l’on ne sait absolument rien faire en toute circonstance.

 

 Mais je ne crois pas Ă  la certitude absolue. Y compris la certitude scolaire.

 

Julia De Funès veut « philosophiquement Â» « dĂ©construire Â» les arnaques des « coaches Â» et des vendeurs de « recettes du bonheur Â» qui font florès. C’est très bien. Et j’espère bien profiter de ce qu’elle a compris de ces arnaques. Mais elle abat ses certitudes en se servant de sa carte routière de la philosophie dont elle connaĂ®t des itinĂ©raires et des soubresauts par cĹ“ur.  

 

Elle, elle Sait. Et elle va nous dĂ©montrer comme elle Sait  quitte Ă  ce que, pour cela, en la lisant, on ait mal Ă  la tĂŞte en essayant de suivre sa propre pensĂ©e inspirĂ©e de celles de très grands philosophes qu’elle a dĂ©chiffrĂ©s et qui ont rĂ©solu depuis l’antiquitĂ© le mal dont on essaie de se guĂ©rir aujourd’hui en tombant dans les bras et sur les ouvrages des  commerçants du dĂ©veloppement personnel qu’elle veut confondre.

 

RĂ©sultat immĂ©diat : pour accĂ©der Ă  sa connaissance et profiter de ses lumières, on comprend dès les premières pages de son livre qu’il faut avoir la philo dans la peau. On lit son livre comme on pourrait lire un livre de Droit. J’aime la philo. Et j’aime prendre le temps de rĂ©flĂ©chir.

 

 J’aime moins avoir l’impression, lorsque je lis un livre,  de devoir apprendre des lois. En plus, et c’est sĂ»rement un de mes torts, dès les premières pages, Julia de Funès cite Luc Ferry comme une de ses rĂ©fĂ©rences.  D’abord, je n’ai pas compris tout de suite. J’ai confondu Luc Ferry avec le Jules Ferry de l’école publique. Oui, j’ai fait ça. Ce genre de confusion. Et puis, comme Julia de Funès cite plusieurs fois Luc Ferry en moins de dix pages, j’ai  fini par comprendre.

 

J’ai sĂ»rement de très très gros prĂ©jugĂ©s envers Luc Ferry, ancien Ministre de l’Education. Mais, de lui, j’ai surtout retenu qu’il avait une très belle femme et qu’il savait se faire payer très cher pour des confĂ©rences sur la philo. Et quand je pense Ă  lui, je « vois Â» surtout quelqu’un de très suffisant. Je n’ai pas beaucoup aimĂ© ce qu’il a pu dire, dans le journal Les Echos,  ou peut-ĂŞtre plus dans Le Figaro. A savoir, que, selon lui, après le confinement, le business reprendrait «  as usual Â» et que, en quelque sorte, les Nicolas Hulot et toutes celles et tous ceux qui pensent comme lui, peuvent aller se rhabiller avec leurs histoires de « Il faut changer le monde et essayer de tirer des enseignements de ce que la pandĂ©mie du Covid a pu nous obliger Ă  comprendre du monde et de la vie Â».

 

On a le droit de critiquer Nicolas Hulot et celles et ceux qui lui ressemblent. On peut critiquer plein de choses sur la manière dont la pandĂ©mie a Ă©tĂ© gĂ©rĂ©e et dont elle continue d’être gĂ©rĂ©e. Mais dire que ce sera « business as usual Â» revient Ă  dire que notre monde marche bien tel qu’il est Ă©conomiquement, politiquement, industriellement et socialement ; qu’il est rĂ©glĂ© comme une horloge suisse et que rien ne peut ou ne doit modifier cet ordre et cet Ă©tat du monde dans lequel un Luc Ferry, « philosophe Â» de formation a ses entrĂ©es et ses privilèges. MĂŞme si Luc Ferry a sans aucun doute des connaissances et des raisonnements plus qu’honorables, il est vrai que, pour moi, pour l’instant, l’homme qu’il incarne est pour moi un repoussoir. Et voir que, dès le dĂ©but de son livre que j’ai eu pour l’instant un plaisir limitĂ© Ă  lire, Julia de Funès le place sur un piĂ©destal, m’a poussĂ© Ă  fermer son livre et Ă  passer Ă  la biographie de Magali Berdah.

 

Oui, Magali Berdah.

 

Car, la biographie de Magali Berdah, c’est le contraire. Je ne connaissais pas Magali Berdah auparavant. Et en tombant sur son livre Ă  la mĂ©diathèque, il y a quelques jours, je me suis dit que je pourrais apprendre quelque chose. De mon Ă©poque. Pour moi. Pour mon blog. Afin de  mieux le promouvoir mais aussi, peut-ĂŞtre, l’orienter diffĂ©remment. Sans pour autant aller dans la tĂ©lĂ©rĂ©alitĂ© ou biberonner du Cyril Hanouna que Magali Berdah cite comme un de ses premiers soutiens avant de devenir «  la manageuse Â» des influenceurs et des influenceuses. Avec Julia de Funès, finalement, on est dans une pensĂ©e très puritaine. PensĂ©e que je partage aussi. Car je ne me fais pas tant que ça une si haute opinion de moi-mĂŞme :

 

Je peux, aussi, ĂŞtre très très puritain Ă  ma manière. Si ! Si !

 

Sauf que avoir un certain sens et une certaine idĂ©e de la moralitĂ© ne suffit pas pour ĂŞtre heureux et pour ce que l’on appelle « rĂ©ussir sa vie Â». Car notre vie se rĂ©sume quand mĂŞme souvent Ă  ces deux questions :

 

Sommes-nous heureux ? Et faisons vraiment nous tout ce que nous pouvons, dans la mesure de nos moyens, pour ĂŞtre heureux ?

Parce-que pour moi, rĂ©ussir sa vie, c’est ça : ĂŞtre heureux autant que possible, le plus longtemps possible et savoir le redevenir si on est malheureux, triste ou dĂ©primĂ©.

 

Et si je veux bien croire que Julia de Funès peut m’aider, aussi, Ă  rĂ©pondre Ă  ces deux questions au moins dans son livre, je crois que Magali Berdah peut Ă©galement y contribuer. Car je ne vois pas pourquoi citer Luc Ferry pourrait suffire Ă  me rendre heureux. 

 

Alors que la biographie de Magali Berdah, elle, est concrète. On peut trouver qu’elle nous raconte sa vie de façon Ă  passer pour une Cosette. On lui reprochera peut-ĂŞtre de trop Ă©taler sa vie privĂ©e, de se donner le beau rĂ´le (celui de la victime, de la personne  moralement intègre ou protectrice) et de s’en servir pour son sens de la Communication et des affaires. Elle est peut-ĂŞtre ou sans doute moins « jolie Â» moralement que ce qu’elle nous donne Ă  entrevoir dans son livre mais elle nous parle aussi d’un monde que l’on connaĂ®t :

 

Celui où des personnes vulnérables (mineures comme adultes), ignorantes, bosseuses et de bonne volonté, peuvent se faire….arnaquer, kidnapper, trahir etc…..

 

Et Magali Berdah nous raconte aussi comment elle s’en « sort Â». Concrètement. Ainsi que certains de ses fiascos et de ses coups durs. Par des exemples rĂ©pĂ©tĂ©s. Ce qui parle souvent beaucoup mieux qu’en citant des philosophes ou des Anciens Ministres, fussent-ils très cultivĂ©s et dans le « Vrai Â» lorsqu’ils ( nous) parlent. A moins que ces Anciens Ministres et philosophes ne se parlent, d’abord, Ă  eux-mĂŞmes.

 

Oui, Magali Berdah est beaucoup dans l’affectif. Elle le dit et le fait comprendre avec sa « garde rapprochĂ©e Â» parmi ses collaborateurs. Et elle est Ă  l’aise avec l’argent et le fait d’en gagner beaucoup. Il n’est pas donnĂ© Ă  tout le monde, comme elle, de s’épancher facilement auprès d’autrui. Moi, par exemple, dans la vraie vie, je me confie oralement assez peu. C’est une histoire de pudeur et de mĂ©fiance. Quant Ă  l’argent, en gagner beaucoup n’a pas Ă©tĂ© ma prioritĂ© lorsque j’ai commencĂ© Ă  travailler. Je ferais plutĂ´t partie des personnes qui auraient du mal Ă  mieux mettre en valeur mes articles par exemple.

 

 

 Vis Ă  vis de la « cĂ©lĂ©britĂ© Â», je suis ambivalent :

 

J’aime me mettre en scène et faire le spectacle. Vraiment. Mais j’aime aussi pouvoir être tranquille, pouvoir me retirer et me faire oublier. Soit deux attitudes très difficilement conciliables qui expliquent par exemple au moins, en partie, la raison pour laquelle mon blog a sûrement (beaucoup) moins de vues qu’il ne pourrait en avoir. Mais aussi la raison pour laquelle, à ce jour, mon activité de comédien est plutôt une activité sous-marine (c’est peut-être aussi pour cela que je pratique l’apnée) ou sous-cutanée voire intramusculaire.

 

C’est sûrement aussi pour cela que, certaines fois, je me retrouve à nouveau au moins témoin de certaines situations qui, dans mon métier d’infirmier, restent la norme.

 

Parce-que lorsque l’on est infirmier, on aime assez peu se mettre en scène et prendre toute la lumière. On est plus dans le don de soi que dans la revendication pour soi. Et ça amène ce rĂ©sultat et cette vĂ©ritĂ© automatiquement renouvelĂ©e :

 

D’autres profitent de cette lumière et de cet argent.

 

Dans son livre, Magali Berdah explique qu’elle dĂ©couvre l’univers de la tĂ©lĂ©rĂ©alitĂ© et des rĂ©seaux sociaux en rencontrant Jazz, une ancienne candidate de tĂ©lĂ©rĂ©alitĂ©,  amie d’une de ses anciennes salariĂ©es, Martine, Ă  qui elle rend un service.

 

A cette Ă©poque, Magali Berdah, mariĂ©e, trois enfants, est surendettĂ©e, et a surtout une expĂ©rience consistante en tant que commerciale et auto-entrepreneuse dans les assurances et les mutuelles. A première vue, grossièrement, on dira que cela n’a rien Ă  voir. Sauf que Magali Berdah, est fonceuse, bosseuse, curieuse. Elle a sans doute aussi envie de garantir Ă  ces jeunes vedettes cette protection et cette sĂ©curitĂ© dont elle a manquĂ© enfant.  

 

Magali Berdah offre donc Ă  ces jeunes vedettes son sens des affaires et du commerce ; une certaine indĂ©pendance. Ainsi qu’une prĂ©sence affective permanente qui contraste avec ce monde des marques, des reflets et des images qu’incarnent et vendent ces jeunes vedettes qu’elle protège.

 

Quelques temps plus tĂ´t, alors qu’elle Ă©tait dĂ©primĂ©e du fait de ses problèmes professionnels, financiers et personnels rĂ©pĂ©titifs, elle s’était confiĂ©e Ă  une amie. Laquelle lui avait conseillĂ© de consulter un Rav (l’équivalent d’un rabbin) de sa connaissance. Magali Berdah, juive non pratiquante, avait acceptĂ© de le rencontrer. Après s’être racontĂ©e,  ce Rav, le Rav Eli, lui avait affirmĂ© qu’un de ses ancĂŞtres, du cĂ´tĂ© de son grand-père maternel, Ă©tait lui-mĂŞme un Rabbin très « rĂ©putĂ© Â» considĂ©rĂ© comme un Tsadik.

 

Dans le vocabulaire hassidique, le Tsadik est un « homme juste Â». Un Maitre spirituel. L’équivalent d’un Saint. Mais ce Saint n’est pas protĂ©gĂ© par Dieu de son vivant. Par contre, ce Tsadik protègera un « descendant Â» et lui « offrira une vie extraordinaire : qui sort de l’ordinaire Â».

Et le Rav Eli d’apprendre à Magali qu’elle était cette personne protégée par le Tsadik.

 

Ces propos du Rav Ă©taient-ils sincères ? Relèvent-ils de la gonflette morale ou du placebo ? Sont-ils l’équivalent de ces « trucs Â» vendus et proposĂ©s par les coaches « bien-ĂŞtre Â» que Julia De Funès veut «dĂ©construire Â» ?

 

Je précise d’abord que je ne suis pas juif. Où alors je l’ignore. Mais j’aime beaucoup l’histoire de cette rencontre dans laquelle je vois du conte et de l’universel. Un conte pour adultes. Un conte qu’on aurait pu évidemment transposer autrement en parlant d’une rencontre avec un marabout, un psychologue, un Imam ou toute autre rencontre étonnante ou mystérieuse pourvu que ce soit une rencontre hors-norme, hors de nos habitudes et inattendue dans une période de notre vie où l’on a besoin de changement mais où on ne sait pas comment s’y prendre pour donner une autre direction à notre vie.

 

 

Dans cette histoire du Tsadik qui est l’équivalent du Saint, je pense bien-sĂ»r Ă  la vallĂ©e des Saints qu’un ami m’a conseillĂ© d’aller dĂ©couvrir lors de notre sĂ©jour rĂ©cent en Bretagne. On trouvera facilement mon diaporama de la vallĂ©e des Saints sur mon blog. La VallĂ©e des Saints

 

Pour l’instant, je ne vois pas quelles retombées concrètes sur ma vie a pu avoir le fait d’avoir pris la décision de me rendre avec ma compagne et ma fille à la vallée des Saints. Et ma remarque fera sans doute sourire ou ne manquera pas de me faire envisager comme un candidat idéal pour le programme subliminal de n’importe quel gourou foireux et vénal.

 

Alors, il reste le Tsadik, Ă©quivalent du Saint, qui, je crois, lui, sera plus difficile Ă  contredire et Ă  dĂ©loger, que l’on se moque de moi ou pas :

 

Religion juive ou pas, le soignant, infirmier ou autre, est souvent assimilĂ© au Saint ou Ă  la bonne sĹ“ur. Lorsque l’on regarde les conditions de travail et les conditions salariales d’un infirmier et qu’on les compare Ă  ce que celui-ci donne de sa personne au cours d’une carrière, on « sait Â» que le compte n’y est pas du tout. Et que les infirmiers, comme d’autres corps soignants, sont sous-payĂ©s et sous estimĂ©s comparativement Ă  ce qu’ils donnent. Mais aussi comparativement Ă  ce qu’ils endurent. J’ai dĂ©jĂ  entendu dire que, souvent, dans les ancĂŞtres des soignants, il y a eu un malade, une grande souffrance. Mais on peut aussi penser, Ă  travers l’exemple du Tsadik, qu’un soignant (infirmier ou autre) est un Tsadik et que, lui aussi, donnera sa protection Ă  un de ses descendants un jour ou l’autre.

 

Cette histoire-lĂ  me plait beaucoup et elle m’est inspirĂ©e en lisant la biographie de Magali Berdah. Pas en lisant l’ouvrage de Julia de Funès. J’ai presque envie d’ajouter :

 

« Alors que cela aurait dĂ» ĂŞtre le contraire. A quoi sert-t’il d’avoir autant de connaissances- comme Julia de Funès- si c’est pour plomber l’atmosphère et le moral des gens alors que ceux-ci essaient de trouver des astuces pour s’allĂ©ger, respirer un petit peu mieux et s’octroyer un peu de rĂ©pit avant de devoir reprendre leur labeur ? Â».

 

Récemment, dimanche après-midi, j’ai effectué un remplacement dans un service. La collègue infirmière du matin, ai-je appris plus tard, se lève à 3 heures du matin lorsqu’elle commence sa journée de travail à 6h45.

 

C’est sans doute rare qu’une infirmière se lève aussi tôt lorsqu’elle commence à 6h45 pour être à l’heure au travail. Mais je l’aurais vu au moins une fois dans ma vie.

 

Ce qui est moins rare, c’est d’avoir appris que cette infirmière avait pu se faire « dĂ©foncer Â» en plein staff un matin parce-que le travail n’avait pas Ă©tĂ© fait en temps et en heure. Pour quelle raison ?

Peut-être parce qu’elle était nouvelle dans le service. Et encore en CDD. Mais, aussi, parce-que le service manque de personnel infirmier. Quatre infirmiers en poste dans le service alors qu’il en manque sept autres. Il y a sept postes d’infirmier vacants dans ce service. Le service tourne donc régulièrement avec des remplaçants.

 

Ce qui est aussi moins rare, c’est qu’en se faisant « dĂ©foncer Â» en plein staff, cette infirmière ait subi sans broncher. C’est une Ă©tudiante infirmière prĂ©sente lors des faits qui, ensuite, en a parlĂ© au collègue infirmier qui m’a racontĂ© ça le dimanche après-midi.

 

Ce qui est Ă©galement moins rare c’est d’avoir demandĂ© ce dimanche (j’étais alors prĂ©sent) Ă  cette mĂŞme infirmière de revenir travailler le lendemain matin sur son jour de repos. Parce qu’il manquait du personnel infirmier le lundi matin.  

 

 Pourquoi je parle de ça ? Le Covid a fait des soignants, officiellement, «  des hĂ©ros Â». Mais des personnes se font « dĂ©foncer Â» cette fois-ci physiquement, sur la place publique lorsqu’ils rappellent Ă  d’autres citoyens de porter- correctement- le masque de prĂ©vention anti-covid. Ou simplement d’un porter un.

 

Pendant ce temps, dans leur service, des soignants continuent de se faire « dĂ©foncer Â» en plein staff comme cette collègue infirmière. On peut donc dĂ©foncer en plein staff une hĂ©roĂŻne. Et c’est normal.

 

Alors, qu’est-ce qu’il reste aux soignants hĂ©roĂŻques alors qu’ils continuent de se faire dĂ©foncer par leur hiĂ©rarchie ? Il leur reste la dĂ©pression ou le burn-out. Il leur reste les accidents de travail. Il leur reste les congĂ©s longue maladie. Il leur reste la dĂ©mission. Il leur reste la colère ou la contestation. Il leur reste le Tsadik ou son Ă©quivalent. Et c’est en lisant la biographie de Magali Berdah, que je n’ai pas terminĂ©e, que je le comprends. Pas en lisant le livre sĂ»rement très cultivĂ© de Julia de Funès.

 

Ce matin, ça a fait marrer une de mes jeunes collègues infirmières lorsque je leur ai parlé de Magali Berdah. Elle était sans doute gentiment amusée par une de mes nouvelles bizarreries. Pourtant, je ne fais que prolonger à ma façon ce en quoi je crois depuis des années.

 

Miles Davis disait « My mind is not shut Â» : Mon esprit n’est pas fermĂ©. Dans la revue Yashima dont j’ai beaucoup aimĂ© les articles cette fois-ci, il y a entre autres une interview de Kacem Zoughari.

 

Kacem Zoughari est «  docteur en Histoire et Culture du Japon et adepte de Ninjutsu du plus haut niveau Â». J’ai dĂ©couvert l’existence de Kacem Zoughari il y a Ă  peine dix jours par ce magazine Yashima achetĂ© durant mes vacances.

 

Quel rapport entre la tĂ©lĂ©rĂ©alitĂ©, le monde du fric et du commerce de Magali Berdah et l’ascèse martiale Ă  laquelle se tient Kacem Zoughari que je devrais appeler au moins Sensei ou Maitre au vu de ses titres ?  A priori, Ă  la tĂ©lĂ©, ce n’est pas la mĂŞme chaine. Il n’y a aucun rapport si on oppose ces deux personnes et ces deux expĂ©riences selon leur image et leur parcours. Et puis, dans l’interview, Kacem Zoughari dit par exemple :

 

« Quand j’arrive lĂ -bas (au Japon), je pense ĂŞtre bon. J’ai reprĂ©sentĂ© la discipline Ă  Bercy et Ă  la tĂ©lĂ© et je suis ceinture noire. Mais au premier cours chez Ishizuka sensei, on me reprend. On me reprend gentiment, mais j’ai l’impression d’être giflĂ© ! Â».

 

On peut donc ĂŞtre « très bon Â», bosseur et expĂ©rimentĂ© comme le pense alors Kacem Zoughari et, comme Magali Berdah, dans son domaine professionnel…échouer.

 

Or, que l’on Ă©volue dans le commerce ou dans le domaine des arts martiaux ou ailleurs, ce qui va importer, c’est notre rĂ©action par rapport Ă  « l’échec Â». Ce que l’on va ĂŞtre capable d’apprendre et d’accepter de cet Ă©chec.

 

Plus tard, Kacem Zoughari dit :

 

«  (….) Hatsumi sensei dit parfois : « Tu veux ĂŞtre bon, shuraba ni ike Â». Va oĂą a lieu le carnage Â».

 

On peut penser au « carnage Â» de la guerre. Mais on peut aussi penser au « carnage Â» de la souffrance et de la violence auquel le soignant oĂą le travailleur social est rĂ©gulièrement exposĂ©. Et Magali Berdah parle aussi de certaines pĂ©riodes de «  sa vie chaotique Â».

 

Et j’ai particulièrement aimĂ© lorsque Kacem Zoughari dit :

 

« Certains Ă©lèves copient le maitre jusque dans ses dĂ©formations de dos, de genou, etc. Au-delĂ  de l’aspect caricatural, c’est mĂŞme dĂ©lĂ©tère pour leur santĂ© ! Ce type de pratiquants intĂ©gristes refuse souvent aussi de voir ce qui se fait ailleurs pour ne pas corrompre l’image qu’ils ont de leur maĂ®tre. C’est une grave erreur Â».

 

Bien entendu, je n’attends pas que Kacem Zoughari verse dans l’univers de la téléréalité et dans le monde de Cyril Hanouna. Mais on a compris que selon mes aptitudes et mon état d’esprit, je peux trouver des parties de mes besoins et de mes réponses tant dans ce qu’enseigne Kacem Zoughari que dans ce que raconte Magali Berdah.

D’autant que Kacem Zoughari confirme aussi :

 

« (…..) car beaucoup d’obstacles se dressent sur la voie d’un adepte. Il y a d’abord les dĂ©sillusions. Le monde martial, comme tout microcosme, comporte de nombreuses personnes Ă  la moralitĂ© douteuse. Il faut alors avoir foi dans les bĂ©nĂ©fices de la pratique pour trouver le recul de se dire que les actes d’un individu ne dĂ©finissent pas la valeur d’une discipline Â».

 

 

Il y aurait bien-sûr davantage à dire de l’interview de Kacem Zoughari et je le ferai peut-être un autre jour.

 

Mais l’article va bientĂ´t se terminer et je veux d’abord rĂ©pondre Ă  des questions que je crois possibles devant certaines des photos :

 

La voix du Raid Ă©crit par Tatiana Brillant (avec la collaboration de Christine Desmoulins), ancienne nĂ©gociatrice du RAID, parce-que je crois que son expĂ©rience peut aussi m’apprendre quelque chose dans mon mĂ©tier comme dans ma vie. Tatiana Brillant, dont, d’ailleurs, le père est pompier. Et la mère….infirmière. Tatiana Brillant qui dit, page 24 :

 

«  (….) Ayant cette fois accès Ă  mon dossier, j’ai appris que lors des prĂ©cĂ©dents tests j’avais Ă©tĂ© reçue première avec l’observation suivante :

 

 Â«  Première candidate. Impressionnante malgrĂ© son jeune âge. Bonnes rĂ©actions, empathie naturelle Â».

C’est ainsi que je suis entrĂ©e au RAID le 1er mars 2004. A Bièvres, dans l’Essonne, mon rĂŞve se rĂ©alisait ! Tout cela validait Ă  jamais le mantra qui rythme ma vie :

 

« Il ne faut rien s’interdire Â».

 

« L’empathie Â» est une aptitude qui peut ĂŞtre dĂ©valuĂ©e dans un monde oĂą l’image, le statut social, la cĂ©lĂ©britĂ©, la rapiditĂ©, la rentabilitĂ© et le fric remportent souvent le gros lot.

 

Le personnel infirmier sait ce qu’est l’empathie mĂŞme s’il se fait rĂ©gulièrement enfler. Parce qu’il est plus dans le sacrifice et le don de soi que dans l’empathie me dira-t’on. Peut-ĂŞtre. Mais on voit Ă  travers Tatiana brillant, Magali Berdah mais aussi Kacem Zoughari, qui l’évoque d’une certaine façon dans un passage de son interview, que « l’empathie Â» est compatible avec la rĂ©ussite professionnelle et personnelle.

 

 

Tout bouge autour de moi de Dany Laferriere, membre de l’AcadĂ©mie française. Pour le titre. Pour la littĂ©rature. Parce-que je n’ai encore rien lu de lui. Parce qu’il parle d’HaĂŻti, oĂą il se trouvait, lors du tremblement de terre du 12 janvier 2010 :

 

  «  Des choses vues Â» qui disent l’horreur, mais aussi le sang-froid des HaĂŻtiens. Que reste-il quand tout tombe ? La culture. Et l’énergie d’une forĂŞt de gens remarquables Â».

 

 

Parce qu’HaĂŻti est une Ă®le oĂą j’aurais aimĂ© ĂŞtre allĂ© depuis des annĂ©es. Mais son rĂ©gime politique et sa pauvretĂ© m’ont jusque lĂ  trop inquiĂ©tĂ©. Je suis « entrĂ© Â» un peu Ă  HaĂŻti d’abord par le cinĂ©ma de Raoul Peck dans les annĂ©es 90 par son film, L’Homme sur les quais. J’ai vu d’autres films de lui. Et mĂŞme des sĂ©ries. Je l’ai aussi rencontrĂ© et interviewĂ© deux fois. Une fois lors du festival de Cannes au dĂ©but des annĂ©es 2010. Une autre fois, Ă  Paris.

 

Il y a quelques photos de nos vacances en Bretagne. A la vallée des Saints ( avec les statues en granit) et aussi à Quiberon, du côté du port-Haliguen, où nous sommes passés avant que le port du masque ne devienne obligatoire dans la rue.

 

Le titre que j’ai choisi sur l’album Nordub  rĂ©alisĂ© par Sly & Robbie et Nils Petter Molvaer feat Eivind Aarset and Vladislav Delay s’appelle :

 

European Express.

 

C’est le septième titre de l’album. Après avoir lu des critiques dithyrambiques sur cet album, je me suis décidé à l’acheter. J’avais déjà écouté deux anciens albums de Nils Petter Molvaer. J’appréhendais qu’il soit trop présent avec ses traversées électroniques et sa trompette qui louche vers Miles mais sans l’attrait de Miles sur moi.

 

Sly and Robbie, depuis leur trajectoire Reggae avec Black Uhuru, Gainsbourg et beaucoup d’autres dans les années 70 et 80 ont depuis longtemps débouché dans d’autres atmosphères musicales. J’attendais beaucoup de cet album. J’attendais du Dub. J’ai d’abord été déconfit. Puis, en le reprenant en revenant de vacances, il s’est à nouveau vérifié que certains albums nous demandent du temps pour entrer dedans.

 

European Express,  de par sa dynamique, est le titre qui m’a semblĂ© le plus appropriĂ© pour cet article.

 

 

Cet article est sans doute plus long qu’il n’aurait dû, une fois de plus. Alors, j’espère qu’il ne sera pas trop fastidieux à lire et que les photos qui l’accompagnent vous iront aussi.

Ici, si on le souhaite, on pourra écouter cet article dans sa version audio :

 

 

Après un concert, il arrivait que Miles engueule certains de ses musiciens après qu’ils aient, selon lui, mal jouĂ©. Sans doute estimait-il qu’ils n’avaient pas pris assez de risques. Il leur disait :

 

 Â«  Jouez ce que vous savez jouer ! Â».

 

J’ai Ă©crit ce que je sais Ă©crire. C’est le souffle qui nous tient. C’est Ă  dire : trois fois rien.

 

 

Franck Unimon, ce mercredi 5 aout 2020.

 

 

 

 

 

 

 

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La Vallée des Saints

 

La VallĂ©e des Saints ( Texte et photos, Franck Unimon).

 

Avant de partir en Bretagne, un ami, d’origine bretonne, m’a parlĂ© de la VallĂ©e des Saints….

 

 

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Prédation.

 

Photo prise le 31 mars 2020 non loin du Panthéon. Photo©Franck.Unimon

 

C’est les vacances. Tout le monde a besoin de souffler après cette pandĂ©mie qui nous a coupĂ© le souffle. Pour certains, c’est dĂ©ja depuis très longtemps du passĂ©. Pour d’autres, cela augure dĂ©ja de ce qui va arriver. Je suis entre deux eaux. Je crois que nous devons vraiment nous servir de nos deux cerveaux. Et que prĂ©voir ou chercher Ă  prĂ©voir l’Histoire, c’est Ă  dire notre avenir, ne doit pas empĂŞcher de vivre au prĂ©sent. Et donc, qu’il est aussi important de rester prudent que de savoir prendre des loisirs ou des vacances quand on le peut. Rester sur le qui-vive et au garde Ă  vous en permanence revient Ă  se jeter soi-mĂŞme sur le grill et Ă  se carboniser mentalement et physiquement- ainsi que son entourage- avant la vĂ©ritable Ă©preuve du feu. 

Je livre ce quatrième diaporama maintenant parce-que cela aurait fait trop de photos si je les avais laissĂ©es dans le troisième ( Corona Circus, volume 3. Les photos.). Et je le livre aussi maintenant parce-qu’il couvre la pĂ©riode du 18 juin au 12 juillet 2020, que je tiens Ă  le publier avant le 14 juillet ( demain) et qu’après lui, je compte bien aborder d’autres sujets.

Franck Unimon, lundi 13 juillet 2020.