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Noire N’Est Pas Mon Métier

 

Noire n’est pas mon métier

 

16 actrices noires témoignent d’après une idée d’Aïssa Maïga

 

« Le noir, ça va avec tout ». On a déjà entendu ça quelque part. Dès qu’il s’agit de se mettre à son avantage, de se donner du volume et une bonne image de soi. Vêtement, maillot de bain, paire de chaussures, cosmétique, voiture, vernis à ongle, lunettes de soleil. Même le pétrole, qui permet à l’industrie automobile et à d’autres industries de faire de gros chiffres d’affaires, est noir.

Il est plein de circonstances où la couleur noire, sûrement l’une des plus employées de par le monde, est pratique. Fréquentable. Estimable. On veut être pris au sérieux dans ses fonctions, susciter un air de dignité ? On optera pour un peu de noir voire pour une intégralité de noir. Un peu de trouble et de mystère ? Optons pour du mascara.

Ce serait une erreur de considérer le noir comme la couleur attitrée du deuil et du malheur. D’abord, dans certaines cultures, ce serait plutôt le blanc qui remplira cet office. Ensuite, il faudrait dire à tous les rockeurs et Hard Rockeurs- vivants et enterrés- d’aller se rhabiller et de remplacer le noir de leurs vêtements et de leur musique par du blanc ou du vert par exemple. Il est alors probable qu’ils nous regarderaient de travers et ne comprendraient pas ce qu’on leur baragouine.

Récemment, Karl Lagerfeld est mort. On sait nous parler de sa disparation et de ce qu’il a apporté au monde de la culture et de l’art. Je suis bien moins expert que beaucoup d’autres pour en parler. Je le deviendrais peut-être un jour. Cependant, en tant que grand couturier, Karl Lagerfeld, et celles et ceux qui l’ont précédé, regardé, ainsi que celles et ceux qui lui ont survécu ou se réclameront de lui, en a conçu des vêtements classieux tout en noir. Et, lui-même, comment s’habillait-il ? Les photos les plus connues de lui le montrent souvent portant du noir. Et c’est beau. C’est racé. C’est élégant. Racé ? Oui, racé. Quelle classe ! Personne ne compare Karl Lagerfeld à une guenon ou à Cheetah, l’amie de Tarzan que celui-ci a rencontré un jour sur les réseaux sociaux de la jungle.

Etonnamment, dès que la couleur noire s’anime et devient la particularité d’une personne faite de tissus cutanés, le temps se gâte. Un abîme s’avance. Et, dans certains milieux autorisés, on commence à converger, inexorablement, vers un traquenard fait de miroirs déformants, d’extrapolations, de rumeurs et de superstitions. Un certain racisme se déchaine. Le racisme ressemble à un organe. Il est possible qu’après avoir été longtemps couvé, qu’il devienne autonome, échappe à son créateur, et soit capable de se dupliquer sans fin en se diversifiant, lui qui refuse à d’autres d’être différent de lui.

Le racisme, c’est peut-être l’histoire de Blanche Neige jalousée par sa belle-mère. Entre les deux, un miroir sert de frontière et les départage. D’un côté, une belle mère droguée à sa propre image qui se rêve parfaite. D’un autre côté, la jeunesse insouciante qui ignore que son rayonnement est l’annonce du flétrissement, inévitable de toute façon, de la belle-mère. Il est des personnes, dès qu’elles avancent en âge, qui prennent le parti de l’accepter, de s’allier à la jeunesse, d’apprendre d’elle, de lui transmettre le meilleur et de s’effacer. Il en est d’autres qui veulent continuer à régner et sont prêtes à tout emporter avec elles dans le gouffre plutôt que de concevoir que le monde puisse leur survivre.

Tant que la couleur noire qualifie un objet, ça va. L’organe raciste se met en veille. Dès que la couleur noire prend forme humaine avec une personnalité propre, l’organe raciste se réveille et se met en alerte car le « danger » approche. Et ça peut déraper à n’importe quel moment :

« Pour une Noire, vous êtes vraiment intelligente, vous auriez mérité d’être blanche ! ».

Dans le milieu du cinéma, l’actrice Nadège Beausson-Diagne a eu la primeur de cette photosensible réflexion qui l’a mise sur le côté. Elle et quinze autres actrices françaises témoignent dans le livre Noire n’est pas mon métier de ce que le racisme a pu leur faire au cours de leur carrière. Car leur particularité la plus flagrante est d’être noires.

« Oh, la chance d’avoir des fesses comme ça, vous devez être chaude au lit, non ?».

L’actrice Nadège Beausson-Diagne, encore elle, a reçu ce « compliment ». Elle ne nous dit pas- « la coquine ! »- si c’était le 14 février, jour de la St Valentin.

Mata Gabin, Maïmouna Gueye, Eye Haïdara, Rachel Khan, Aïssa Maïga, Sara Martins, Marie-Philomène NGA, Sabine Pakora, Firmine Richard, Sonia Rolland, Magaajyia Silberfeld, Shirley Souagnon, Assa Sylla, Karidja Touré et France Zobda sont avec Nadège Beausson-Diagne les 16 actrices noires françaises qui témoignent dans ce livre. Et vu que nous sommes encore aujourd’hui le 8 Mars 2019, soit le jour « officiel » de la Femme, les nommer ce jour-là permet doublement de les honorer, elles et celles et ceux qui leur ressemblent qu’ils soient noirs ou pas d’ailleurs. Mais ici, le thème du livre est d’abord la peau de couleur noire.

« Parce-que, pendant des siècles, cette couleur de peau était aussi celle des esclaves, des colonisés, parce qu’elle reste un fantasme exotique ou qu’elle renvoie à une classe sociale pauvre, il faudrait qu’elle raconte encore et toujours cela au cinéma » ( l’actrice Rachel Kahn).

L’héritage du passé colonial de la France est pour quelque chose dans ce regard sur les Noires et Noirs de France. En étant un tout petit peu excessif, il doit bien se trouver aujourd’hui en France quelques personnes qui estiment – en toute bonne foi- que c’est déjà très bien que les femmes et les hommes noirs soient acceptés dans les transports en commun, dans les écoles et dans les lieux de soins. Deux cents ans plus tôt, il en aurait été tout autrement :

C’est donc bien la « preuve » que la France est un pays évolué et très tolérant. Et « notre » cher et charismatique Général de Gaulle parfois surnommé « Papa de Gaulle », lors du défilé de la Victoire sur les Champs Elysées à la fin de la Seconde Guerre Mondiale en 1945 a aussi envoyé un message très fort en expurgeant des troupes victorieuses les Arabes et les Noirs- pourtant français- qui avaient aussi contribué à libérer la France.

La France républicaine, démocratique et exemplaire, a attendu 2007 pour qu’un Président de Droite nomme une Française d’origine arabe au poste prestigieux de Ministre de la Justice. Et il a fallu attendre 2012 pour qu’un Président socialiste- le parti socialiste étant censé être plus progressiste qu’un parti de Droite- nomme une Française d’origine guyanaise – donc, noire- au même poste prestigieux de Ministre de la Justice. Peu importe que, pour des raisons différentes, Rachida Dati, pour la première, et Christiane Taubira, pour la seconde, aient quitté leurs fonctions avant la fin du quinquennat présidentiel. Le symbole est là : la France politique a dû attendre le 21ème siècle pour s’ouvrir à un début de réelle diversité en nommant des Français « d’origine » à des fonctions prestigieuses. Avant cela, bien-sûr, il y’avait eu quelqu’un comme Roger Bambuck- Un Noir qui courait vite lorsqu’il était athlète de haut niveau-  au poste de Secrétaire de la Jeunesse et des Sports.

Mon père, encouragé par l’Etat Français, comme d’autres milliers d’Antillais à venir travailler dans l’Hexagone- au détriment du développement économique de sa Guadeloupe natale- dans les années 60 affirmait il y’a plus de vingt ans : « Je vois plus facilement un Noir être élu Président aux Etats-Unis qu’en France ! ». Pour mon père, la France est un pays de Blancs. Racistes. Pour lui, je n’ai rien à faire en France depuis que je suis diplômé. Je devrais vivre en Guadeloupe ou même à l’Etranger. Mais pas en France. En 1999, en acceptant une mutation professionnelle, mon père est retourné vivre dans sa Guadeloupe natale quelques années avant de prendre sa retraite. Il avait 22 ans lorsqu’il était arrivé en France en 1966. Ma mère en avait 19 en 1967 lorsqu’elle avait quitté sa Guadeloupe natale comme mon père afin d’y trouver du travail.

Barack Obama a donné en partie raison à mon père en devenant le Premier Noir Président des Etats-Unis de 2009 à 2017. Il faudra un jour que je prenne le temps d’en discuter avec Barack. D’autant que son élection n’a pas fait de lui ou des Etats-Unis un Président et une Nation irréprochables. Barack Obama, c’est aussi celui qui, lors de son premier discours d’investiture a pu dire : « Nous n’allons pas nous excuser pour notre mode de vie ! ». Ce qui signifiait qu’il entendait poursuivre avec le même panache et le même aplomb bien des actions de la politique américaine en matière d’ingérence militaire comme en termes de non respect de l’écologie par exemple. En outre, après lui, l’élection de Donald Trump en 2017 fait penser à la revanche d’une certaine Amérique raciste. Et aussi encore plus libérale et individualiste. Donc, nous pondérerons notre enthousiasme envers Obama et certains exemples qui nous viennent des Etats-Unis. Si je cite Obama ici, c’est pour le symbole. Et pour cette forme d’ Espoir qu’il a pu un moment et certaines fois représenter en faveur d’un Monde plus ouvert et moins raciste. Parler des Etats-Unis, c’est aussi parler de cinéma d’une certaine façon. Il existe là-bas un certain « Savoir-faire » dans le domaine.

Noire n’est pas mon métier est paru en France 2018. Ces 16 actrices françaises qui témoignent tournent sur les planches ou au cinéma depuis le début des années 80 pour les plus expérimentées. J’ai beau être assez cinéphile et sensible au sujet de la présence des Noirs dans le cinéma français, je connaissais de visage et de nom seulement cinq de ces seize actrices : Aïssa Maïga, Firmine Richard, Sara Martins, Sonia Rolland et Shirley Souagnon. Le hasard veut que Shirley Souagnon soit actuellement sans doute la plus connue de toutes. Or, Shirley Souagnon fait partie des trois absentes sur les deux photos du livre avec Eye Haïdara et Magaajyia Silberfeld. Même si elle est actrice, Shirley Souagnon est aussi-principalement- l’humoriste du groupe, une humoriste engagée et consciente. Par choix. Pour avoir regardé certains des sketches de Shirley Souagnon, je sais qu’elle ne ménage pas son public : elle est loin d’être la petite rigolote noire que l’on a envie d’inviter à son anniversaire pour qu’elle nous fasse passer un bon moment. Je lui trouve une certaine agressivité et elle ne me fait pas rire pour l’instant. Mais elle n’a sans doute pas d’autre choix : d’une part parce qu’elle est homo dans un monde hétéro activement homophobe y compris parmi les Noirs. D’autre part parce qu’elle sait que le fait d’être Noir (e) et comique expose à être considéré comme une gentille irresponsable. D’une manière générale, à moins d’user de l’ironie ou de l’humour noir, le comique (peu importe sa couleur de peau, son genre ou sa préférence sexuelle) reste d’abord souvent considéré comme une espèce de farfelu pour qui la légèreté et la sérénité sont des évidences. Et, pour beaucoup, c’est une surprise régulièrement renouvelée de constater au travers d’un rôle dramatique ou d’une confession touchante que le comique peut être plus endolori et plus grave qu’il ne le montre. Pour le moment, je préfère largement Shirley Souagnon dans le rôle qu’elle a tenu dans la série Engrenages à ce que j’ai vu- et entendu d’elle- en tant qu’humoriste.

Je connaissais France Zobda de nom mais j’aurais été incapable de citer un film lui correspondant en tant qu’actrice. Même si j’avais déjà entendu parler du film Adieu Foulards réalisé en 1983 par Christian Lara et vu, en décalé, le Black Mic-Mac réalisé en 1985 par Thomas Gilou. Je n’ai toujours pas vu Les Caprices d’un fleuve réalisé en 1996 par Bernard Giraudeau et joué également par lui-même et d’autres acteurs français plutôt confirmés.

« Dans ma ville, Paris, les Noirs sont partout. Dans les films, nulle part ». (L’actrice Aïssa Maïga).

Les noms et les visages d’Assa Sylla et de Karidja Touré auraient pu peut-être me dire quelque chose. Mais je n’ai pas vu le film de Céline Sciamma qui les a fait connaître : Bandes de filles, réalisé en 2014. Même si je me rappelle de ce film et de sa campagne d’affichage.

Karidja Touré s’interroge : « Pourquoi est-ce qu’on n’a pas fait la couverture d’un grand magazine comme Elle ? Avec nos visages d’actrices noires en Une ? ».

J’ai envie de répondre à Karidja Touré :

Parce-que je doute que le magazine Elle mette en couverture des personnalités comme Béatrice Dalle ou Brigitte Fontaine qui sont des femmes blanches. Alors, mettre en couverture de Elle quatre jeunes actrices noires qui veulent conquérir le cinéma français, c’est lui demander l’impossible.

Photo ci-dessous prise ce jeudi 11 avril 2019 au matin et ajoutée ce jour-même. Karidja Touré est la deuxième en partant de la droite, Assa Sylla, la première)

 

D’autant qu’un peu plus tôt, Karidja Touré avait aussi fait ce constat :

« Ce n’est qu’après que j’ai compris qu’il n’y’avait pas de Noires dans les écoles de théâtres ou très peu. On n’existe pas, on y est introuvables ».

Je peux peut-être le confirmer. C’est uniquement en reprenant des cours de théâtre-plus poussés- au conservatoire d’Argenteuil que j’ai rencontré deux autres Noires parmi mes partenaires. J’avais 45 ans. Et je me rappelle aussi de deux autres jeunes noires , qui se connaissaient, et qui devaient être lycéennes. Elles avaient participé à deux ou trois cours. Elles me paraissaient capables. Elles ont pourtant très vite arrêté de venir. Sur mes deux autres partenaires noires, l’une, lycéenne, après le Bac, s’est dirigée vers Sciences Po. Elle me paraissait très capable. Je situerais mon autre partenaire, un peu plus âgée mais bien plus jeune que moi, également très capable, dans un entre-deux. Elle a dans un premier temps pris un poste à responsabilités dans un milieu professionnel extérieur au théâtre et au cinéma. Depuis, je ne sais pas ce qu’elle devient. Quant à moi, je suis très ambivalent. Et j’ai compris depuis peu, depuis la tenue de ce blog, qu’il me faudrait une sorte de « cause » à servir pour me décider à véritablement m’impliquer professionnellement dans le cinéma et dans le théâtre en tant que comédien :

Bien des personnes choisissent de devenir comédien et de vivre de ce métier par plaisir. J’en ai déjà croisé un certain nombre. La majorité. Il me semble que je n’ai pas ce droit-là. Ou que je ne l’ai jamais eu. Cela m’est très difficile de raisonner de cette façon. Je crois que je n’ai pas les moyens de m’offrir cette insouciance. Ne serait-ce que d’un point de vue économique et cela depuis le début. Bien-sûr, ce verrou économique dépend de certaines priorités qui nous viennent de notre éducation, de cette conscience acérée que nous avons de nous-mêmes, de nos chances de réussite, et de notre place dans le monde. Ça me rappelle cette anecdote du DJ français Laurent Garnier dans son livre Electrochoc qu’il avait écrit en 2003 ( depuis, une deuxième version augmentée d’Electrochoc est parue mais je ne l’ai pas lue) avec David Brun-Lambert et que j’avais lu avec plaisir :

Il racontait avoir rencontré au cours de sa carrière un certain nombre de DJs qui faisaient référence et dont il avait pu être un admirateur avant de devenir lui-même DJ professionnel tout comme eux. Parmi eux, un DJ noir américain dont j’ai oublié le nom et qui devait être de Detroit. Naïvement, Laurent Garnier, lors d’une discussion avec ce DJ noir, avait dit faire de la musique « Pour le Fun…. ». ( « Pour s’amuser, pour le plaisir »). Le DJ noir lui avait alors répondu : « Pour le Fun ?! On ne fait pas de la musique pour le Fun ! ». J’ai dû lire ce livre et cette anecdote il y’a plus de quinze ans. C’est seulement en lisant Noire n’est pas mon métier cette semaine que je peux faire un peu plus le parallèle avec moi et mes rapports ambivalents envers le métier de comédien.

Pour certains média français, parler des Noirs, c’est sans doute vendeur lorsqu’il s’agit de montrer des émeutes dans les banlieues. Le sous-texte étant :

« Pourvu que tous ces Noirs restent dans les cages de leurs immeubles de banlieue et tout ira pour le mieux ».

Mais c’est aussi peut-être vendeur lorsqu’il s’agit de montrer deux Rappeurs – et leurs partisans- qui se bagarrent dans un aéroport. Le sous-texte étant peut-être alors :

« Espérons que ces noirs, après s’être battus, vont prendre l’avion pour rentrer définitivement « chez » eux » dans leur pays de macaques ».

Pour certains esprits qu’un ouvrage comme Noire N’est pas Mon Métier dérange, tout irait bien aussi si les actrices qui y témoignent  acceptaient de rester des corps aussi dociles qu’imbéciles. Ce livre de témoignages pourrait ainsi être le tombeau en même temps que le sacrement définitif du scénario fictif de leur intelligence. Mais ces seize actrices sont perspicaces. Elles sont loin de raisonner comme des manches à balai :

« Je commence à être spécialiste de la pute maintenant… » (l’actrice Rachel Khan).

« Les rares fois où on recherche une femme noire, c’est pour raconter une migration tragique, la précarité ou la banlieue délinquante. Les films d’époque aussi nous sont interdits, parce-que encore une fois, l’Inconscient collectif ne peut se représenter une présence noire sur le territoire français avant les années 1980. A moins que ce ne soit une prostituée. C’est le seul genre de rôle où être noire est recommandé ! » (l’actrice Sara Martins).

« Je joue toutes les déclinaisons possibles de la mama et de la putain africaines ; des personnages hauts en couleur sans capital intellectuel ou économique. Si je n’acceptais pas ces personnages, concrètement, je ne travaillerais pas en tant que comédienne » (l’actrice Sabine Pakora).

Et lorsque l’on lit le CV de plusieurs d’entre elles, tant intellectuel qu’artistique, ainsi que leur témoignage, on comprend très vite qu’elles sont surqualifiées pour ce qu’on leur demande de jouer. A titre personnel, je me souviens avoir été contacté en 2014 ou en 2015 pour « jouer » une silhouette d’homme de ménage. J’avais alors repris mes cours de théâtre au conservatoire et comptais déjà plusieurs années d’expériences théâtrales auparavant. La personne qui m’avait contacté ne pensait visiblement pas à mal et j’avais perçu son embarras lorsque je lui avais fait comprendre que je refusais ce genre de proposition. Je n’ai plus été rappelé.

 

Si le racisme anti-noir oblitère les carrières en France (et Aïssa Maïga en donne un témoignage marquant) je crois aussi que certaines personnes décisionnaires sont nommées à leur poste de décision parce-que l’on « sait » qu’elles se conformeront aux directives qui leur seront données sans chercher à innover. Cela existe dans toutes les entreprises. Cela devrait être moins le cas dans une entreprise cinématographique car on est supposé être ici dans un univers créatif et artistique donc plutôt ouvert sur le monde et son évolution. Mais même l’univers créatif et artistique a ses dirigeants conservateurs et nostalgiques. Le cinéma permet de recréer artificiellement des souvenirs et de les façonner de manière à les faire se rapprocher du mythe. Mythe « recréé » devant lequel il sera possible ensuite de se prosterner et d’amener d’autres à le faire avec nous. Si le fantasme absolu d’un producteur est de voir des actrices qui lui rappellent Ava Gardner ou Marilyn Monroe parce que celles-ci l’ont tant fait rêver plus jeune, il aura beaucoup de mal à accepter qu’Aïssa Maïga ou une autre vienne remplacer Ava Gardner ou Marilyn Monroe dans un film qu’il produit. Comment, en regardant par exemple une Scarlett Johansson aujourd’hui, ne pas voir, d’une façon ou d’une autre, un zeste de Marilyn Monroe ? Comment ne pas trouver un air de Demi Moore à la Jennifer Connelly que l’on voit dans le Alita : Battle Angel de Robert Rodriguez sorti dernièrement au cinéma ? Comment ne pas trouver chez Laetitia Casta un quelque chose de Brigitte Bardot ?

Par ailleurs, on peut être très cultivé et raciste. On peut même être une femme ou un homme politique -ou médecin- occuper un poste à haute responsabilité et être raciste.

Mes remarques, ici, peuvent sembler fatalistes. Je suis pourtant de l’avis d’Aïssa Maïga lorsqu’elle dit :

« Mon territoire n’est pas limité à la couleur de ma peau(….) ».

Je suis aussi d’accord avec elle lorsqu’elle dit :

« Ce public au nom duquel on efface de l’histoire les acteurs à la peau sombre est celui que je croise dans le métro, dans la rue, dans les cafés. Si les gens ne s’enfuient pas en courant en me voyant, alors pourquoi le feraient-ils en m’apercevant sur une affiche de cinéma ? Je ne comprends toujours pas pourquoi le « public », prêt à se déplacer au cinéma pour Will Smith ou Denzel Washington, ne pourrait souffrir de voir Mata, Nadège, Eriq ( Ebouaney), Alex ( Descas), Aïssa, Edouard ( Montoute), Firmine, Sonia (….) tous noirs ou métisses….mais Français ? De quelle nature est la différence entre un Noir des Etats-Unis et un Noir venu d’Afrique, d’Outremer ou encore né ici ? Sommes-nous finalement trop Français pour des Noirs ? ».

 

Je crois ici que les Etats-Unis, en tant que Première Puissance Mondiale, continuent d’exercer en France et ailleurs une forte et une folle fascination : beaucoup de gens ont encore envie de s’identifier aux Américains. Le fait que le Basket soit devenu en France un sport aussi prisé est pour moi une preuve supplémentaire de cette fascination pour les Etats-Unis. Pareil pour le Rap. Imaginons le Tony Parker d’aujourd’hui en  1984. A à l’époque où Platini, Giresse, Tigana, Luis Fernandez et les autres étaient devenus champions d’Europe de Football. En 1984, Tony Parker aurait eu beaucoup moins de couverture médiatique qu’aujourd’hui. A cette « époque », le Basket en particulier américain, était moins populaire en France.

Un Noir Américain, c’est tellement plus « stylé ». Plus « affirmé ». C’est plus « cool ». C’est aussi plus « exotique ». En plus, en sport, les noirs américains restent devant. C’est aussi cela, la persistance du Rêve américain pour beaucoup de Français. En outre, culturellement, il y’a un Savoir-faire américain et un sens du spectacle rôdé, puissant, qui est séduisant. Si l’on prend par exemple un animateur télé comme Jimmy Fallon, il a tout de même plus d’envergure qu’un Thierry Ardisson, un Cyril Hanouna ou un Nagui. Et on remarquera que Jimmy Fallon est un homme blanc. Mais tout autant Américain.

Si l’on devait comparer une des prestations de Billy Cristal lorsqu’il avait animé la cérémonie des Oscars et celle de Kad Merad lors des derniers Césars, je suis d’avis que ce serait l’Américain Billy Cristal qui l’emporterait.

Pareil pour certains humoristes qui sont les références de plusieurs de nos humoristes français adeptes du Stand-Up : qui sont ces modèles ? Des Américains.

Je suis peu connaisseur de Beyoncé, Lady Gaga et de celles qui les concurrencent ou les dépasseront. Mais leur succès mondial fait d’elles des modèles. Et, elles sont aussi américaines. Et lorsque certaines vedettes ne sont pas américaines, elles font en sorte de s’y rendre ou de s’y établir. Car c’est là-bas que « ça se passe ».

Et puis, il faut rappeler que pour beaucoup de Français, le cinéma français est synonyme de mauvais cinéma. C’est un préjugé assez tenace. Je l’ai déjà constaté plusieurs fois en proposant d’aller voir un film français. Pour un certain nombre de personnes en France, cinéma français rime encore avec téléfilm, mauvaise série télévisée, film intello pour névrosés ou film d’humour gras. Je ne suis pas sûr que le cinéma d’auteur français d’une manière générale soit autant apprécié à sa juste valeur qu’il le devrait en France. Je crois qu’il existe en France un public «Pop-Corn », jeune et familial assez peu curieux du cinéma.

Lorsque je repense au remake américain True Lies du film français La Totale– qui est une comédie réalisée en 1991 par Claude Zidi- autant l’aspect comédie était raté dans la version américaine réalisée par James Cameron, autant, dans la partie action, la version originale française était ridiculisée. Il y’a une efficacité- ainsi qu’une rentabilité économique- dans le cinéma américain qui captive encore beaucoup de spectateurs et plus encore un certain nombre de producteurs français, qui leur donnent la sensation d’assister de nouveau au débarquement du D-Day sauf que cela se passe sur grand écran. Et Will Smith comme Denzel Washington, même s’ils sont noirs, font partie des GI’S qui débarquent sur les écrans français.

C’est sûrement parce qu’un réalisateur-producteur-scénariste comme Luc Besson ( Un Français, donc) a emprunté les mêmes recettes que ses films d’action marchent auprès d’un certain public, plutôt nombreux en France. Voire aux Etats-Unis. Ou dans le monde.

Il n’y’a pas de héros noir dans la série GOT (Game of Thrones), une série américaine à succès de plus que j’aime beaucoup. S’il s’était trouvé un héros noir dans GOT, au vu du succès de la série, dont la 8ème et dernière saison commence à être annoncée pour être véritablement lancée à partir du 14 avril prochain sur la chaine HBO, l’acteur qui l’aurait interprété aurait aujourd’hui une côte autrement supérieure à nos actrices et acteurs noirs français. Surtout lorsque l’on voit comme le fait de participer à cette série a particulièrement « boosté » la carrière de plusieurs des actrices et acteurs engagés. A un point qui est peut-être exagéré compte tenu du fait que certaines et certains des comédiens ont plus de jeu que d’autres. Mais le cinéma, ce puissant déterminant social, est plus un vecteur d’exagération que de modération.

Néanmoins, plus près de nous, il y’a encore quelques années, un Bilal Hassani, « Arabe et Queer » n’aurait pas pu représenter la France à l’Eurovision ce 26 avril prochain. Et, il est vraisemblable que la dirigeante du RN ( ex-Front National), d’autres dirigeants d’autres partis politiques ainsi que certaines personnalités ou intellectuels français soient particulièrement irrités de savoir que Bilal Hassani représentera la France à l’Eurovision. Parler de « l’effet » Bilal Hassani après avoir évoqué « l’effet » GOT a sans doute un côté comique. Mais c’est pour souligner qu’il y’a quelques ouvertures malgré tout en France. Et que pour avoir regardé la phase finale de la sélection française avec quelques ados dans mon service, j’ai pu percevoir comme Bilal Hassani était un modèle pour ces jeunes car il a eu la force et le courage de prendre le risque de s’affirmer tel qu’il est.

Mais cela prendra encore du temps avant que cela évolue véritablement en France quant à la visibilité des Noirs dans le cinéma. Noire n’est pas mon métier aurait pu s’appeler Noire n’est pas mon pays mais aussi Noire est mon métier à tisser. Pour que le changement soit incontestable, cela nécessitera d’avoir la persévérance et la patience – symbolique et concrète- de plusieurs Pénélope.

Pour l’actrice Marie-Philomène Nga, la solution passe aussi par des projets dont elle est l’initiatrice et qu’elle dirige en France et à l’étranger :

« C’est ainsi que, vivant à Paris dorénavant, je me retrouve conceptrice, organisatrice de projets entre l’Afrique, la France et l’Inde ».

L’actrice Magaajyia Silberfeld et France Zobda sont aussi dans le même état d’esprit.

« (….) Quelques jours après, je suis repartie à Los Angeles, à l’occasion de la première de mon court-métrage Vagabonds et pour être là au moment des Oscar. Là-bas, si on travaille, on peut y arriver. Là-bas, on rencontre quelqu’un qui vous fait rencontrer quelqu’un d’autre, etc. Tout est possible…On pourra me repérer, qui sait ! ». (l’actrice Magaajvia Silberfeld).

Grande aptitude à la « résilience », « entourage de qualité supérieure » et autodérision font partie des « armes » de ces Mesdames. (voir la première partie mon article L’école Robespierre concernant le titre de « Madame » et « Monsieur »).

Certaines personnes souhaiteraient que le cinéma français adopte des quotas comme aux Etats-Unis pour assurer une certaine représentation de la diversité dans le cinéma français. J’étais plutôt contre. Je trouvais ce moyen « artificiel » et assez facile à contourner : Je considérais qu’il suffirait de mettre un Arabe ou un Noir à l’arrière-plan ou dans un rôle sans intérêt pour considérer avoir rempli son quota. Je considérais que des quotas, seuls, seraient insuffisants pour inverser la tendance. Mais, finalement, si on fait une comparaison avec le code de la route, on s’aperçoit qu’il a bien fallu établir des règles de conduite et verbaliser certaines infractions pour réguler certains comportements et faire diminuer certains risques d’accidents ainsi que la mortalité sur la route. Dans le milieu du cinéma et du théâtre, c’est un peu pareil. Cela peut d’abord paraître déplacé de parler de « mortalité » pour des comédiens exclus ou écartés du fait de leur couleur de peau dans un milieu de toute façon très sélectif que l’on soit noir ou blanc. Mais un comédien privé de rôles est comme tout employé privé d’emploi rémunéré : Il est économiquement condamné. L’éventualité de sa mortalité sociale et morale se fait alors plus concrète. Il faudrait donc peut-être pénaliser certains projets théâtraux et cinématographiques qui choisissent leurs comédiens au faciès ou réservent toujours les mêmes rôles dégradants aux mêmes comédiens comme on pénalise les excès de vitesse ou l’abus d’alcool au volant. Pour cela, il faudrait d’abord une réelle volonté politique, culturelle et sociale en vue de permettre une certaine équité. Equité qui serait toujours imparfaite car l’être humain est imparfait. Ensuite, il faudrait que cette volonté politique puisse imposer ces codes ou ces lois à des producteurs et à des distributeurs. Ce qui serait déjà beaucoup plus difficile : malgré les limitations de vitesse de plus en plus strictes, les constructeurs automobiles continuent de vendre des voitures très puissantes afin de les rendre attractives. Et ces voitures trouvent acquéreurs. Ce sont les acquéreurs qui écopent des amendes, de la perte de points et du retrait de permis. Pas les constructeurs automobiles ni les concessionnaires automobiles. Les premiers continuent de « construire ». Et les seconds à vendre.

Le changement viendra sans doute du public qui plébiscitera de plus en plus un certain type de cinéma où une certaine diversité sera montrée. Parce-que cela correspondra à un besoin qu’il essaiera de satisfaire comme cela a été le cas pour le RAP qui, de musique marginale il y’a trente ans, est devenue aujourd’hui un genre musical que n’importe quel jeune, blanc ou noir, de classe sociale modeste ou bourgeoise, écoute.

Pour cela, il faut des artistes chefs de file qui proposent des œuvres qui vont remplir un vide que certains producteurs actuels, accrochés à leurs références et à leur passé, sont incapables de percevoir. Après tout, il est bien des chefs d’entreprise qui, alors qu’ils auraient pu être des pionniers, ont très mal anticipé le développement de l’économie numérique par exemple. Ou de certaines innovations technologiques telles que le smartphone.

Tout à l’heure, j’ai été un peu sarcastique envers Kad Merad en tant que Maitre de cérémonie des Césars cette année. Mais cette année, Kad Merad est peut-être pour quelque chose dans le fait que l’artiste Eddy de Pretto soit venu interpréter un titre de Charles Aznavour :

J’me voyais déjà. Même si l’interprétation d’Eddy de Pretto ne m’a pas convaincu et que j’ai du mal pour l’instant à être emballé par sa présence scénique, je vois dans sa participation aux derniers Césars le signe d’un changement. Il y’a dix ou quinze ans, un artiste comme Eddy De Pretto (Artiste hybride entre le chant et le RAP et homo affirmé) n’aurait pas été convié à la cérémonie des Césars en France.

« Dans cette clarté éblouissante où règnent nos absences, je regarde ma fille qui danse dans la cuisine » (l’actrice Rachel Kahn).

Ma fille, pour l’instant, se croit blanche. Comme beaucoup d’enfants, elle a entonné les paroles de La Reine Des Neiges : « Délivréeéééééééééé ! Je ne serai plus jamais la mêêêêêêêê-me ! ». Comme beaucoup d’autres enfants avant et après elle, ma fille aime porter une robe de Blanche Neige. Dans son école, les enfants viennent de partout. Juifs, musulmans, Arabes, Blancs, Noirs sont ensemble. Malgré quelques mères en tenue musulmane traditionnelle. Malgré, déjà, cette course vers l’école privée. Ma fille, comme la plupart des enfants de son âge, est encore loin de savoir le métier qu’elle souhaitera faire plus tard. Ou elle n’en parle pas pour l’instant. Avec sa mère, je parle de ce monde en noir et blanc et je veille à ce que, à la maison, elle entende toutes sortes de musiques. Et regarde d’autres dessins animés que ceux ou, invariablement, les protagonistes sont uniformément blancs. En sa présence, je discute avec des personnes de différentes origines et différentes cultures. Je ne vois pas pourquoi je devrais déja lui farcir la tête avec l’esclavage et le racisme. Je ne peux pas prévoir ses rencontres et ce qu’elles ( lui) donneront. De temps à autre, je lui parle de la Réunion et de la Guadeloupe.

Je sais que l’on peut être noir et raciste. Je sais que le racisme est multiforme. Et qu’il s’exerce aussi contre d’autres sur d’autres critères que la couleur de peau. Je sais que j’ai des préjugés. Mais, moi, je n’empêche personne de devenir acteur parce qu’il est blanc. Et je n’ai jamais refusé de jouer sur scène ou dans un court-métrage avec une partenaire blanche ou un partenaire blanc. Même si cela pourrait être le thème d’un sketch ou d’un court métrage humoristique.

Cependant, je devrai être prêt le jour où quelqu’un voudra décider à la place de ma fille de la personne qu’elle est parce qu’elle est noire.

Franck Unimon, ce vendredi 8 mars 2019.

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Cinéma

Le Chant du Loup

 

Le Chant du Loup un film d’Antonin Baudry

Sorti en salles ce 20 février 2019

 

Récemment, un candidat de la version française de l’émission télévisée The Voice a déclaré qu’il préférait rester lui-même plutôt que de chanter de façon contraire et voir les quatre jurés se retourner pour le choisir. Ce candidat était peut-être plus libre qu’Antonin Baudry lorsque celui-ci a réalisé Le Chant du Loup. Car dans Le Chant du Loup, on « apprend » par exemple qu’une femme amoureuse est nécessairement une infirmière dévouée à qui, à la vitesse d’un coup de foudre, on peut confier des secrets d’Etat. D’autant que, étant donné qu’elle est libraire, elle saura lire entre les lignes.

 

L’affiche du film était trop belle : Un sous-marin, un plongeur et François Civil, Omar Sy, Reda Kateb, Matthieu Kassovitz pour les têtes d’affiches. Soit le croisement d’acteurs éprouvés, estimés, que l’on aime regarder jouer.

Le film commence bien. Même si, assez vite, du côté de nos acteurs « connus », ça sonne à côté. Soit leur présence est insuffisamment raccord avec le climat du film. Soit on leur a déjà vu cette expression-là quelque part. Mais c’était sur Terre, dans un autre film ou dans une série télévisée. Le Chant du Loup avait pourtant de beaux atouts. Parmi eux, de la culture :

« Les vivants, les morts et ceux qui sont en mer ». Cette citation d’Aristote ouvre le film.

On y attrape quelques bouts de cette connaissance inhérente à chaque univers mystérieux et celui de la mer et de la marine nationale en sont :

« Un sous-marin bien conduit, ça fait moins de bruit que la mer ».

Chanteraide, surnommé « Chaussette », interprété par François Civil, nous épate bien-sûr par ses dons d’audition comme par son érudition acoustique qui font de lui un mutant qui pourrait postuler en vue de participer à la version française des X-Men.

Les cartes de la géopolitique ont été actualisées. Tout cela est vraisemblable. Mais le film reste entre deux. Il pourrait être raté. Il pourrait être réussi. « Nos » acteurs de premier plan font ici ce qu’ils ont déjà fait. Alors que le but de ce film est quand même de nous emmener dans d’autres ailleurs que ceux proposés généralement par les productions françaises :

Comédies ou « drames ».

Matthieu Kassovitz s’en sort le mieux. Même si son jeu peut ressembler à une extension de son personnage de Malotru dans Le Bureau des Légendes, il lui donne quelques nuances supplémentaires et restitue bien le peu d’humour écrit.

Le Chant du Loup accumule peu à peu certains « défauts » que l’on va d’autant plus lui reprocher que l’on a cru en lui : Vouloir faire ou donner l’impression de vouloir faire « comme » les productions américaines mais en moins bien. Même si, à ce que j’ai lu, ces films ne seraient pas les références principales du réalisateur, j’ai trouvé Le Chant du Loup  « moins » bien que A La Poursuite d’Octobre Rouge réalisé en 1990 par John Mc Tiernan et que le K-19 : Le Piège des profondeurs réalisé en 2002 par Kathryn Bigelow.

La référence cinématographique principale  serait  Le Bateau ( Das Boot) réalisé en 1981 par Wolfgang Petersen. Film dont j’avais entendu parler durant mes années de collège mais que je n’ai toujours pas vu. Wolfgang Petersen a aussi, entre-autres, réalisé Dans la ligne de mire ( 1993) ainsi que Troie ( 2004) pour citer deux autres de ses films connus.

 

Le Chant du Loup est peut-être un film de jeunesse. Avec ce que l’on attribue de façon idéalisée à la jeunesse : Fougue, audace, créativité et force de travail. Il en fallait indiscutablement pour tenter ce genre de film, en France, et en l’écrivant avec ces quatre acteurs principaux aux caractères et aux carrières différentes et qui jouaient peut-être ensemble pour la première fois dans un long métrage.

Matthieu Kassovitz, a été en France l’un des réalisateurs-acteurs chouchous des années 90-2000 (La Haine réalisé par lui, Regarde les Hommes tomber réalisé par Jacques Audiard pour résumer grossièrement sa période 90-2000). Depuis, dans les média, il apparaît comme un personnage plutôt offensif ou contrarié en même temps qu’un réalisateur/producteur/ acteur qui continue de bétonner son CV. Pour le plaisir, je vais à nouveau citer la série Le Bureau des Légendes. En 2008, il a été l’un des producteurs- en même tant qu’acteur- pour le film Louise Michel réalisé par Gustave Kervern et Benoît Delépine. Mais il était très étonnant de le trouver par exemple dans Piégée (2012) de Steven Soderbergh. Comment fait-il ?

Reda Kateb a commencé à se faire connaître par les deux ou trois premières saisons de la série française Engrenages. Une série policière française très méconnue en France pour des raisons aussi très méconnues. Reda Kateb a déjà une belle carrière. Un Prophète de Jacques Audiard ; Qu’un seul Tienne et les autres suivront de Léa Fehner ; Zero Dark Thirty de Kathryn Bigelow ; Qui Vive de Marianne Tardieux ; Frères Ennemis de David Oelhoffen. Et bien d’autres films.

Ensuite, parler d’ Omar Sy, c’est parler de sa période Omar et Fred puis d’Intouchables, bien-sûr mais aussi de Nos Jours Heureux réalisé par les mêmes Toledano et Nakache ; X-Men : Days of Future Past réalisé par Bryan Singer ; Yao (2018) réalisé par Philippe Godeau. Et d’autres films.

François Civil qui a le rôle principal dans Le Chant du Loup est, comme dans le film, le « petit » jeune (François Civil est né en 1990). Celui dont la carrière militaire/cinématographique prend son essor. J’ai découvert l’acteur François Civil seulement avec la série Dix pour cent (à partir de 2015). Il joue très bien également, voire encore mieux, dans Made in France (2016) de Nicolas Boukhrief.

Souvent, l’acteur principal est l’alter ego du réalisateur. Antonin Baudry est un ancien diplomate français né en 1975, auteur (avec l’illustrateur Christophe Blain) sous le pseudonyme Abel Lanzac de la bande dessinée Le Quai d’Orsay. Antonin Baudry a participé à l’écriture du scénario de la version cinématographique de Le Quai d’Orsay, réalisée par Bertrand Tavernier en 2012.

Le Chant du Loup ( 2018) est le premier film d’Antonin Baudry en tant que réalisateur et scénariste exclusif. Souhaitons lui une autre suite dans le cinéma que ce qui arrive au personnage de Chaussette à la fin de Le Chant du Loup. Car son film, en réunissant ces quatre acteurs, ces quatre visages et entités, dans l’univers sonore et visuel encore assez clos du cinéma français, est peut-être la métaphore d’une France qu’il voudrait plus ouverte. Et sans doute l’amorce d’une filmographie réussie.

Franck Unimon, ce lundi 4 mars 2019.

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Echos Statiques

L’école Robespierre 2ème partie

 

 

                                            L’école Robespierre 2ème partie

 

« Fé-Lix Potin, On y revient ! ».

 

A l’école Robespierre, je suis sorti des toilettes. Le grand Philippe C m’attendait. Surpris, je me suis arrêté. Il a tiré sur son élastique et me l’a envoyé dans l’oeil. Il est reparti hilare.

En temps ordinaire, je n’aurais pas cafté. Philippe C, avec Cyril T, son grand frère et Enzo B étaient des durs de la rue ou de la cité Creuse (on disait « Greuse »). Une petite cité HLM un peu à l’écart, faite de bâtiments de trois ou quatre étages, située entre le théâtre des Amandiers et la cité où j’habitais faite de tours de 18 étages.

Mais la douleur, la surprise et la peur m’ont fait pleurer. C’est Mr Lambert, je crois, qui, devant toute la cour, a engueulé Philippe C. Celui-ci s’est fait tout petit. Cela a été la première et dernière fois où il s’en est pris à moi.

Certains garçons avaient la réputation d’être de très bons bagarreurs. Amar B frimait parce qu’il avait des grands frères qui se battaient bien et pouvaient le défendre. « Mais, en vrai », il n’était pas fort. C’est ce qui a pu se raconter.

Jacky W, qui était un bon bagarreur, a fait pleurer Amar un jour. Lors de l’unique bagarre – nous étions plutôt copains- que j’ai eue avec Jacky W (pour une raison que j’ai oubliée) j’ai très vite donné un coup de sabot. Ce jour-là, je portais des sabots. Jacky W s’est arrêté. Il est parti s’asseoir quelques minutes à quelques mètres. J’ai attendu, debout et prêt, les poings serrés, pieds nus dans mes sabots noirs. Jacky s’est relevé puis a fait la paix avec moi. J’ai accepté. Je suis reparti de mon côté. Je n’étais pas un bagarreur. Je n’avais rien à me prouver de ce côté-là.

William P avait combattu de façon héroïque face à Cyril T devant la cour de l’école. Cyril T l’avait provoqué. Peut-être parce qu’arrivé en CE2 ou en CM1, William P était nouveau dans l’école. Et, devant ses copains Philippe C, Enzo B, et son grand-frère, Cyril T a dû aller jusqu’au bout.

William P s’est très bien défendu. On m’a raconté. C’est peut-être William P lui-même qui me l’a raconté car on s’entendait bien. Après la bagarre, William a porté un bandage à la main  mais il a été respecté et admiré. Cyril T l’a peut-être menacé mais c’était surtout pour ne pas perdre la face.

Dans l’autre école primaire de Robespierre, j’ai entendu parler d’un garçon d’origine vietnamienne, Teduc de V…. D’après la description, dès qu’il s’énervait lors d’une bagarre, il était terrifiant. Je ne l’ai jamais rencontré.

Lorsque j’étais en CM2, j’ai été atterré d’entendre des petites et des petits prononcer dès le CP des gros mots tels que « Ta mère la pute ! ».

Après être entré en 6ème, au collège Evariste Gallois, un tout petit peu en dehors de ma cité, je suis revenu deux ou trois fois dire bonjour à Mr Pambrun. Il m’a à chaque fois écouté durant quelques minutes. Lorsque je lui ai dit que, moi, au collège, je ne faisais pas de bêtises, il a répété mes propos en me souriant. Il a peu insisté. Mais j’ai compris qu’il n’en croyait pas un mot.

Comme d’autres copains, avec Jean-Marc T, en particulier, un Antillais d’origine martiniquaise né en France comme moi, rencontré en 6ème, j’ai commencé à voler dans le supermarché Félix Potin. Anciennement Sodim. Je volais n’importe quoi. J’en remplissais mes poches et n’en faisais rien. C’était d’autant plus idiot que le supermarché Félix Potin, le supermarché le plus proche de ma cité, était le supermarché où mes parents m’envoyaient faire des courses. Autrement, il y’avait le supermarché Suma situé du côté du collège Evariste Gallois. En face de Félix Potin, de l’autre côté de la route, peut-être avant la construction du grand parc de Nanterre, il y’avait un terrain vague. C’est là que Gilles S, qui habitait aux Canibouts, près des Pâquerettes et de l’hôpital de Nanterre où travaillait ma mère, a tenu à faire un concours avec Jean-Marc et moi. Pour savoir qui de nous trois avait la plus grande ou la plus grosse bite. Gilles S avait beaucoup de bagout. Il s’est soudainement retourné vers nous en pressant son zizi dans sa main pour nous montrer. J’ai refusé de participer. Je savais que les gros en avaient une petite.

Sur ce terrain vague, aussi, avec Jean-Marc, j’ai commencé à crapoter. J’ai vite arrêté. Aucun plaisir. En plus, cela prenait beaucoup de temps pour terminer une cigarette. Lorsque Francine B, rencontrée au collège, m’a dit plus tard que cela la calmait de fumer des cigarettes, cela m’a paru très abstrait.

C’est sur la route entre ce terrain vague (ou le parc de Nanterre) et Félix Potin, qu’un jour, des gardiens du parc ont poursuivi des jeunes de la rue Creuse qui avaient traversé le parc en mobylette. C’était interdit. Nous les avions regardés faire. Les deux jeunes, dont le grand frère de Cyril T je crois, déboulaient tête nue sur leur mobylette chaudron au moteur débridé. Ils étaient suivis environ cinquante mètres ou cent mètres plus loin par les deux gardiens du parc assis sur leur deux roues de fonction, vêtus comme des gendarmes avec leur képi sur la tête. Au compteur, il devait bien y avoir trente à quarante kilomètres heures d’écart entre les vélomoteurs réglementaires et de petite cylindrée des gardiens. Et ceux du grand frère de Cyril T et de son copain.

Nous étions plusieurs jeunes (uniquement des garçons sans doute) à regarder ça un peu comme s’il s’agissait du Tour de France. Nous encouragions évidemment les deux jeunes. Vu que les deux gardiens avaient le sens du devoir, cela a duré un moment. Sans suspense.

 

Non loin de là et à l’entrée du parc, la chapelle St Joseph où je suis allé au catéchisme. Lors des débats, le père André me donnait souvent l’impression que j’étais vraiment intelligent. Lorsque le groupe Police a commencé à être connu, avec d’autres jeunes, j’ai écouté et réécouté le titre Do Do Do Da Da Da. Au catéchisme, j’ai retrouvé un camarade de collège avec lequel j’ai davantage sympathisé- presque fraternisé la religion aidant- Roberto C, d’origine italienne.

 

Au collège Evariste Gallois, la dernière fois que j’ai vu Enzo B, il était entouré de policiers. Nous étions assez nombreux dans la cour du collège à assister à son arrestation. Le petit Enzo B (Enzo était de petite taille) avec lequel mes quelques échanges étaient sympathiques tout comme avec Cyril T et son grand frère, se tenait fièrement. Enzo est monté dans le camion de police. Je crois ne l’avoir jamais revu. Pas plus que je n’ai revu le grand Philippe C, Cyril T et son grand frère. Ou alors, je les ai revus et ne les ai pas reconnus.

 

Je ne sais comment. Un jour, j’ai su qu’il était possible de renifler la colle qui sert à poser des rustines lorsque l’on répare les chambres à air de nos vélos. Je ne l’ai pas fait. Je ne voyais pas ce que cela pouvait m’apporter.

Gilles P, un voisin de notre tour qui habitait avec ses parents quelques étages en dessous de notre appartement, mon aîné d’un ou deux ans, serait mort d’une overdose à l’héroïne. Je le croisais quelques fois en bas de notre tour, en attendant l’ascenseur, ou au collège. Son père était policier, je crois. Une des dernières images que j’ai de Gilles P, c’est lui, portant un maillot de foot vert et se battant avec une fille dans la cour du collège. Il avait dû la provoquer. Elle se battait très bien. Sa jambe allait haut. Gilles avait beau jouer la décontraction en reculant tel un boxeur pour éviter les coups, il n’avait pas gagné et avait plutôt été intimidé.

Une autre image me montre Gilles P un peu plus tard et portant un blouson de cuir noir, un Jean foncé près du corps et des baskets Adidas à trois bandes. Les groupes AC/DC et Trust étaient devenus des références musicales pour certains jeunes. Gilles P et moi nous sommes plus croisés que parlés. Deux ans d’écart, lorsque l’on est jeune, c’est beaucoup.

En 4ème, Patrice L m’a proposé un jour d’aller coucher avec une fille. Patrice a ajouté :

« Par contre, ramène l’eau de javel parce-qu’elle se lave pas… ». J’ai refusé.

Une autre fois, j’ai croisé Patrice alors qu’il s’amusait avec ses copains. Il m’a proposé de faire de la mobylette avec eux. J’ai refusé poliment et ai commencé à m’éloigner. Peu après, un camion de police est venu les embarquer.

En 3ème, Mme Epstein, notre prof de Français et professeur principal, petite femme au fort caractère et grande fumeuse, étonnée, nous demandait régulièrement :

« Pourquoi vous écrivez toujours des histoires qui se passent aux Etats-Unis ? Racontez des histoires d’endroits que vous connaissez… ». J’ai quelques fois essayé de réfléchir pendant quelques secondes. Je n’y arrivais pas.

 

J’ai aimé ma cité. Les représentants entraient comme ils voulaient dans notre tour. Lorsqu’ils s’arrêtaient devant la porte d’un appartement, ils faisaient vriller les tympans avec la sonnette. Puis, sans attendre la moindre réaction, ils passaient à une autre porte d’appartement et ainsi de suite dans les étages. 18 étages.

Sur notre palier, parmi nos voisins, figuraient les M. Ils claquaient la porte lorsqu’ils entraient. Ils la claquaient lorsqu’ils partaient. Je suis allé plusieurs fois chez eux. Christophe M, le fils, et moi étions assez copains. Il avait une voix assez aigüe à l’époque. Corinne, sa grande sœur aînée, avait beaucoup aimé le tube de Patrick Juvet : « Où sont les femmes ? ». A notre étage, on l’avait entendu et réentendu, plus qu’à la radio, ce tube.

Lorsque des gens se disputaient chez eux, on entendait tout. Pareil lorsque quelqu’un se décidait à attaquer un des murs de son appartement à la chignole. Quand un jeune décidait de roder sa mobylette, on était avec lui alors qu’il passait et repassait dans la cité, augmentant petit à petit la vitesse de son engin.

Le terrain de foot en cailloux situé entre ma tour, la tour 13 et la tour 14 avait ses périodes de grande fréquentation. J’y ai connu certains de mes petits matches de foot.

La création du centre commercial Les Quatre Temps à la Défense nous a apporté un renouvellement de notre environnement. Auchan et le Mac Donald.

Avec Jean-Marc, principalement, les premières fois, je suis aussi allé voler dans quelques magasins des Quatre Temps. Même si je m’étais déjà fait prendre une fois. A Suma. L’attrait était trop fort.

Collégien, je suis bien plus de fois entré dans le centre commercial les Quatre Temps qu’au théâtre des Amandiers devant lequel, pourtant, j’étais déja passé quantité de fois depuis l’enfance. Le théâtre des Amandiers fait pratiquement face à la piscine Maurice Thorez. Le théâtre des Amandiers était un endroit qui ne me parlait pas. Les personnes qui faisaient la queue, jusque dans la rue, pour y entrer, nous empêchaient parfois de passer. Ces personnes ne nous parlaient pas, ne nous ressemblaient pas, à mes copains et moi.

Mme Epstein, notre prof de Français de 3ème, nous a emmené voir Combat de Nègres et de chiens au théâtre des Amandiers. Ensuite, elle en a débattu avec nous. Malheureusement, contrairement à l’expérience de la bibliothèque en CE2 avec Mr Pambrun, cette fois-ci, je n’ai pas eu envie d’y retourner. Pourtant, le théâtre des Amandiers était bien plus proche de notre tour que la bibliothèque et le centre commercial des Quatre Temps. J’ignorais ce que le théâtre pouvait m’apprendre et me donner mais aussi ce que j’aurais pu, tout autant, lui donner. Il est vrai, aussi, que l’accès au théâtre était payant. On ne paie jamais pour entrer dans un centre commercial.

Au collège, ce qui me parlait, c’était la télé, le Foot, l’Athlétisme, Bruce Lee, Mohamed Ali, le Tennis, le Cyclisme, les acteurs américains, la musique noire américaine, les Etats-Unis résumés à New-York, le Reggae, la lecture.

Au collège, ce qui me parlait c’était la ceinture de mon père, son soutien scolaire, le créole, la Guadeloupe, la musique antillaise, la mémoire de l’esclavage, avoir des bonnes notes à l’école. Ma mère. Ma petite sœur et mon petit frère. Mon cousin Christophe qui habitait aux Pâquerettes près de l’hôpital de Nanterre. Et les copains.

Parmi ces quelques jeunes cités, et certains de leurs proches, femmes et hommes, il doit malheureusement s’en trouver plusieurs à qui la haine a su parler.

Franck Unimon, ce samedi 2 mars 2019. Fin de la 2ème partie de l’école Robespierre.

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Cinéma

Jusqu’à la garde

 

Jusqu’à la Garde un film de Xavier Legrand

 

 

« J’ai changé… ». Antoine vient de boire un grand verre d’eau. Il se met à pleurer face à « sa » femme, Miriam, devant leur fils Julien (l’acteur Thomas Gioria) âgé de 11 ans.

Oui, il a changé.

Avant de boire ce grand verre d’eau dans la cuisine et de donner cette étrange « confession », de sa masse imposante, il est venu prendre possession. Des lieux. D’une intimité. Il n’est pas chez lui. Il est chez son ex-femme, Miriam.

Quelques années plus tôt, lointain horizon, lui, ce responsable sécurité (interprété par l’acteur Denis Ménochet) d’un centre commercial, était peut-être un homme et un port aimants et rassurants pour la frêle Miriam (l’actrice Léa Drucker) et leurs deux enfants. Au cœur d’un couple et d’une famille, la sécurité, toutes les sécurités, sont ce que l’on peut attendre de l’autre. A la fin du film Mystic River – réalisé par Clint Eatswood- alors qu’il doute, un père (interprété par Sean Penn) est réarmé moralement par sa propre femme et mère de leur fille disparue. Oui, lui et ses hommes ont tué, à tort, un de ses anciens amis d’enfance (victime lui-même d’un viol dans son enfance) qu’il a cru  responsable du viol et du meurtre de leur fille. Mais il a fait ce qui est attendu d’un homme qui protège sa famille (sa tribu) lui assure sa femme ! Et, devant le perron de leur maison, ce père interprété par Sean Penn, et sa femme, se montrent pleins d’assurance alors qu’ils assistent à un défilé et que l’on voit un moment passer, abattu moralement, le fils de l’ami d’enfance rendu responsable – à tort- d’un crime qu’il avait lui-même subi plus jeune car personne ne l’avait défendu.

Dans Jusqu’à la garde, Antoine, semblable à un ogre, est devenu une menace pour son couple et sa famille dont il était supposé, originellement, assurer la protection.

Oui, il a changé.

Ou Miriam a peut-être toujours rêvé l’homme qu’il était comme on peut parfois rêver celle ou celui que l’on aime.

Lors de la comparution devant le juge, l’ogre ou « L’Autre », comme Miriam et leurs enfants le nomment en son absence, se comporte en homme qui sait se tenir. Son avocate met en doute la cohérence comme l’honnêteté morales de Miriam :

« On part en week-end » ; « Comme le prétend Madame… ». L’avocate d’Antoine se retient presque d’exprimer des réserves quant aux capacités de Miriam en matière d’éducation et de soins pour ses deux enfants. Les parents d’Antoine, ses collègues ainsi que ses amis chasseurs témoignent en faveur de son exemplarité.

De son côté, après avoir écouté le témoignage de leur fils Julien, lu par la juge, Antoine déclare calmement :

« J’aimerais bien comprendre. Je ne sais pas ce qu’on lui met dans la tête ». « On », c’est bien-sûr Miriam, assise juste à côté de lui. Devant les témoignages contradictoires, qui se doivent de rester calmes et intelligibles malgré l’extrême tension émotionnelle, la juge (la comédienne Saadia Bentaïeb, très bien) a du mal à trancher.

Jusqu’à la garde (2018) est la suite du court-métrage (30 mn) Avant que de tout perdre ( 2013) que Xavier Legrand avait réalisé sur le même thème et avec les mêmes comédiens principaux. En 2013, j’avais découvert Avant que de tout perdre alors que j’étais encore rédacteur pour le site Format Court et que j’y co-animais les soirées débats mensuelles. Une fois par mois, en plus d’autres événements, le site Format Court continue de proposer des soirées débat au cinéma des Ursulines à quelques minutes du jardin du Luxembourg.

Xavier Legrand était venu participer au débat. Avant que de tout perdre nous avait « bien » plu :

Devant des sujets particulièrement sensibles, ici celui des violences conjugales, lorsqu’un film est bien ou très bien réalisé, écrit et interprété, il me semble toujours un peu déplacé de dire ou d’écrire qu’il m’a « bien » ou « beaucoup » plu. Car c’est rarement pour notre confort personnel que l’on participe à un projet pareil. Et, c’est également rarement pour notre plaisir personnel que l’on se décide à voir un film comme celui-ci.

Lors de la dernière remise des César (ce vendredi 24 février 2019 : il y’a une semaine) Jusqu’à la garde a récolté plusieurs prix dont celui du meilleur film de l’année et de la meilleure actrice pour Léa Drucker. Je suis allé le voir hier. Pour ses deux films, Xavier Legrand s’est documenté. Il a aussi rencontré un certain nombre de personnes et d’organisations à même de l’aiguiller. Dans le générique de fin de Jusqu’à la garde, il remercie par exemple la FNCAV :

Fédération Nationale Des Associations et des Centres de Prise en Charge d’Auteurs de Violences Conjugales et Familiales.

Jusqu’à la garde est un film très ambitieux. Il y’a beaucoup à dire sur les violences conjugales et Xavier Legrand réussit très bien à concilier œuvre de fiction et œuvre pédagogique. Pour cela, il est aussi réussi que le Holy Lola (réalisé en 2003…comme Mystic River !) de Bertrand Tavernier, consacré, lui, à l’adoption.

Un film comme Ne Dis Rien réalisé en 2004 par Iciar Bollain sur le thème des violences conjugales m’était aussi resté. Mais la violence brute dérobée par moments à Antoine/ Denis Ménochet me rappelle aussi celle excavée par un Chris Penn ( feu le frère de Sean Penn) dans Nos Funérailles ( 1996) d’Abel Ferrara ou également dans le Short Cuts réalisé par Robert Altman en 1994. « Adoption », « funérailles », il y’a au moins de ça dans les violences conjugales. Une adoption et des funérailles ratés. On peut y ajouter, malheureusement, le viol.

Il n’y’a pas de scène de viol physique dans Jusqu’à la garde. Mais la prestation de Denis Ménochet me rappelle celle d’un Jo Prestia dans le Irréversible (2002) de Gaspar Noé où, là, il est bien question d’un viol physique (psychologique et moral) filmé de manière réaliste (ou crue selon les sensibilités). J’avais appris plus tard qu’après avoir interprété ce rôle de violeur, le comédien Jo Prestia avait dû suivre une thérapie. Lors de la cérémonie des Césars de vendredi dernier, je me suis demandé si Denis Ménochet , qui porte ce rôle d’homme et de père violent allait avoir, lui aussi, besoin de ce soutien psychothérapeutique à un moment ou à un autre. Car jouer ce genre de personnage nous enfouit dans des émotions dont il peut être difficile de se dépêtrer :

Je me rappelle de l’acteur Jean-Michel Martial nous expliquant au cours d’un débat , que pendant un temps, il avait « dégagé un truc » après avoir joué son rôle de militaire tortionnaire sous la dictature de Duvalier à Haïti dans le film L’Homme sur les quais (1992) de Raoul Peck.

« Tortionnaire », « dictature »,  » Ne dis rien« ,  Mystic River, Short Cuts,  après les « adoption »,  » funérailles » ratés, Irréversible et le viol : mes réminiscences cinématographiques, après voir vu Jusqu’à la garde parlent pour moi et bien mieux que moi, en quelques mots, de ce que j’ai « vu » hier.

A l’image de ce que peuvent ressentir bien des victimes (de violences conjugales mais aussi d’autres violences), Jusqu’à la garde nous enferme. Il pourrait donner à certaines personnes un certain sentiment de claustrophobie. Néanmoins, même si Miriam et ses enfants s’installent peu à peu dans un état d’alerte quasi animal, Xavier Legrand préserve néanmoins des sas et des échappatoires :

Miriam et ses enfants sont entourés de proches recommandables et aussi capables de tenir tête à « L’Autre ». Appuis dont un certain nombre de victimes sont privées (victimes de violences conjugales, de violences sectaires, de violences dans les églises ou de violences liées à la prostitution ou à la toxicomanie par exemple…).

D’un point de vue clinique, ma seule petite réserve concerne le physique de Denis Ménochet : sa stature imposante peut laisser croire qu’un violent ou une violente conjugal(e ) est obligatoirement une personne au physique de vigile et au regard de faucille ( de « pervers », diront d’autres). Les auteurs de violence conjugale ont à mon avis des physiques très variés.

Jusqu’à la garde est un film qui informe que mieux peut être ou doit être fait en faveur des victimes. C’est aussi un film qui peut rappeler à celles et ceux qui détiennent un pouvoir ou un ascendant sur d’autres (hiérarchique, financier, affectif, éducatif,….) que dès lors que l’on a ce pouvoir, nos échanges avec les autres peuvent être assez facilement biaisés. Il importe donc, aussi, de savoir se mettre à la hauteur des autres ainsi qu’à leur réelle écoute si l’on aspire véritablement à avoir avec eux des relations où « tout se passe bien ».

Répéter des « Mon cœur » ou des ribambelles de phrases toutes faites tressées de mots-clés lorsque l’on dispose d’un pouvoir et que l’on s’adresse à l’autre ne suffit pas.

Nominé pour le César du meilleur acteur, Denis Ménochet n’a pas eu le prix. Si j’ai été content qu’Alex Lutz l’obtienne pour son rôle dans le film qu’il a coréalisé et co-écrit (Guy), je déplore qu’au cinéma, les rôles de « méchant » soient si connotés moralement qu’ils privent généralement leur interprète d’une quelconque distinction. Par exemple, pour moi, dans le film Django Unchained (2012) de Quentin Tarantino, Samuel Jackson et Léonardo DiCaprio, dans leurs rôles respectifs, auraient pu ou dû avoir un Oscar d’autant plus qu’ils meurent dans le film. Je reverrais ce film avec plaisir juste pour eux. Jamie Foxx qui joue pourtant le rôle du héros, soit Django, et qui a pu me plaire dans d’autres films est dans Django Unchained complètement secondaire à mes yeux. Pareil lorsque l’Oscar du meilleur acteur avait été donné à Tommy Lee Jones pour son rôle dans Trois Enterrements (2005). Sans l’acteur Barry Pepper (que tout le monde a désormais oublié alors que la carrière de Tommy Lee Jones était déjà bien établie), qu’aurait donné le jeu de Tommy Lee Jones ?

Mais au cinéma, on préfère récompenser les « gentilles » ou les « bons » personnages. Pour son rôle dans Jusqu’à la garde, Léa Drucker a donc été récompensée. J’aime le jeu de Léa Drucker. Désormais, ma référence la concernant est plutôt son rôle dans la très bonne série Le Bureau des Légendes. J’ai été touché par son discours et son attitude à la cérémonie des Césars. Mais comme elle l’a dit elle-même, en remerciant Denis Ménochet, elle a d’autant mieux joué son rôle de Miriam parce-que Denis Ménochet le lui a permis en se plongeant dans son personnage d’homme à la violence irradiante. Il faut d’autant plus une grande confiance mutuelle, une forte connivence et affection – en plus d’une certaine force morale- entre comédiens et une équipe de tournage pour arriver à un tel résultat. Impossible de réaliser ça en restant chacun seul dans son coin.

Une pensée pour la chanteuse décédée Edith Lefel (1963-2003) qui, dans son titre Somnifère, abordait le sujet des violences faites aux femmes. Nous faire zouker sur une chanson qui parle- en créole- de violences faites aux femmes, il faut le faire. J’ai du mal à imaginer Johnny nous faire le même effet avec le même titre.

Franck Unimon, ce vendredi 1er mars 2019.

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Echos Statiques

L’école Robespierre

L’école Robespierre 1ère Partie

 

Dès qu’une personnalité ou un sportif aimé du public et des média accomplit une performance ou bat un record, on lui donne du Madame ou du Monsieur. Ce qui finit par sous-entendre que tous les autres (la grande majorité) sont des rebuts de l’humanité.

A l’école Robespierre, dans mon ancienne cité HLM, en CE2, je crois, Monsieur Pambrun, petit homme brun moustachu typé Les Brigades du Tigre, et grand fumeur, nous avait emmené, seul, à la bibliothèque municipale de Nanterre. Nous avions fait le trajet à pied. Nous devions être une bonne vingtaine serpentant un moment le long de la piscine Maurice Thorez, alpinistes banlieusards horizontaux continuant d’effectuer malgré nous notre chemin de Compostelle. Pour le plus grand nombre, dont j’étais, nous rendre dans une bibliothèque était une Première.

En classe, Monsieur Pambrun était un instituteur qui tirait parfois les oreilles et donnait quelques claques à certains d’entre nous – dont j’étais- pour indiscipline. Ce jour-là, pourtant, comme bien d’autres fois, et nous étions sûrement plusieurs à l’ignorer – en tout cas, moi, je l’ignorais- Monsieur Pambrun s’appliquait, à la suite de toutes ses collègues et collègues précédents, à continuer d’esquisser un certain trajet vers la Culture et la Connaissance. Et à nous le faire emprunter, ce trajet, en fendant les eaux et le sceau de notre ignorance. Le bénéfice possible, pour nous tous, filles et garçons, était d’ajouter d’autres Savoirs à ceux de nos histoires et consciences personnelles. Pour cela, depuis l’école, nous avions probablement dû marcher entre 20 et 30 minutes ce jour-là pour atteindre les lieux.

Depuis, et par la suite, je fis partie des petites tortues qui refirent le trajet régulièrement jusqu’à la bibliothèque. Seul ou accompagné d’un camarade ou d’un copain. Aujourd’hui, régulièrement, je continue de refaire ce trajet.

Chaque fois que je change de domicile, en plus des commerces et des lieux de soins, j’ai besoin de savoir où se trouvent la gare, la piscine et la bibliothèque.

Enfants, aucun de nous n’avait choisi de venir dans cette école publique et encore moins dans cette ville communiste. La majorité d’entre nous habitait soit dans la cité ou à ses côtés. L’usine Citroën, proche, était encore en activité.

Sophie D, Sandrine El, Malika M, Frédéric B, Jacky W, Didier P, Myriam M, Corinne C, Laurent S, Jean-Christophe P, Sandrine et Karine R, Dany A, Saïd, Smaïl M, Florence T, William P, Isabelle R, Gilles O, Jocelyne B, Jean-Christophe B (qui au CP confondait le son « Vr » et le son « Fr »), Eric C, Anna-Paula M, Christophe B et Laurence A sont quelques uns de mes camarades de classe de l’école primaire du CP au CM2. Certains sont partis en province avec leurs parents avant le CM2. D’autres ont fait un passage d’un ou deux ans dans l’école. J’ai été dans la classe de la plupart d’entre eux mais il m’est arrivé d’en croiser d’autres dans la cour. Plus âgés comme plus jeunes. Bien-sûr, il y’avait aussi les bagarreurs qui faisaient peur ou qui inspiraient l’admiration.

Je me rappelle très peu du métier qu’exerçaient les parents de celles et ceux que je côtoyais. Je me rappelle que le père de Sandrine El, un de mes premiers amours avec Malika M, était supposé être inspecteur de police. Et qu’elle et ses parents sont ensuite partis pour Toulouse.

Nous étions des Arabes- le premier mot arabe que j’ai retenu et appris signifie : « Négro! »-, des Juifs (même si, pendant longtemps, je ne savais pas vraiment ce que signifiait être Juif)) des Blancs de France ou venant d’ailleurs (Pologne, Espagne, Portugal, Italie….) une toute petite minorité de noirs antillais nés en France.

Quelques uns d’entre nous étaient des enfants de parents divorcés ou d’une famille monoparentale. Nos parents étaient majoritairement locataires de leur appartement. Seul, peut-être, parmi celles et ceux dont je me rappelle, Gilles O et son accent du sud, dérogeait à la règle :

Dans leur maison de ville, il prenait des cours de piano à domicile. De la musique « classique ». Et lorsque nous nous rendions ensemble lui et moi à la bibliothèque, après que je sois allé le chercher, il me parlait souvent, intarissable, de sujets que je ne comprenais pas. Il me parlait économie, politique. Du pétrole. Je l’écoutais poliment et essayais de me mettre à son niveau. Mais je n’ai aucun souvenir d’avoir amené ne serait-ce qu’une seule fois un argument ou un avis sensé ou valable. Je me souviens de lui comme d’un garçon plutôt isolé, par moments chahuté, très bon élève et peu doué pour le sport.

 

Au CP, nous avions eu Mme Chaponet, institutrice douce et grande fumeuse. Puis Mme Benyamin, bonne institutrice, grosse femme au physique de Bud Spencer qui décrochait quelques claques même à certaines filles de la classe. Un jour, le père de Malika était venu l’engueuler pour cela. Et il avait fait pleurer Mme Benyamin. Puis il y’avait eu Mr Pambrun en CE2. Je ne l’ai jamais vu pleurer. Pas plus que Mr Lucas en CM1, le directeur de l’école, lequel nous parlait souvent du Musée du Louvre. Et à nouveau Mr Pambrun. En CM2, également skieur, Monsieur Pambrun nous emmena en classe de neige à La Bourboule à Clermont-Ferrand. Je me rappelle d’une partie de dames avec lui.

Je me rappelle aussi de Monsieur Lambert, instituteur auquel j’avais échappé alors qu’il aurait dû être notre Maitre en CM2. Il avait quitté l’école, je crois. Mr Lambert était un grand homme effrayant au physique de bûcheron. Sa voix portait dans toute la cour lorsqu’il apostrophait un élève. Et son grand pied véloce corrigeait par moments le postérieur d’un ou deux écoliers turbulents. Pourtant, une de ses filles était également dans l’école et à la voir avec lui, il apparaissait fort gentil. Et calme.

Je n’ai revu aucune de ces personnes depuis au moins vingt, trente ou quarante ans. Et, je me méfie beaucoup des retrouvailles. Aussi bien intentionnées soient-elles au départ, ce genre de retrouvailles peuvent très vite qualifier un certain malaise. Selon ce que nous sommes devenus et selon nos rapports au passé et au présent. A l’époque, nous coexistions ensemble au moins à l’école. Nous n’avions pas le choix. Depuis, nous avons tous connu des bonheurs et des malheurs divers. Nos personnalités et nos histoires se sont affirmées. Nous avons fait des choix et continuerons d’en faire en nous persuadant que ce sont les bons ou les moins mauvais. Mais nous n’avons plus cette obligation de coexister ensemble comme à l’école primaire.

Dans son très bon documentaire, Exit- La Vie après la haine, encore disponible sur Arte jusqu’au 27 février 2019 (aujourd’hui !) Karen Winther se demande comment, de par le passé, elle a pu devenir une activiste d’extrême droite. Pour essayer de le comprendre, elle est allée à la rencontre d’autres personnes qui sont passées comme elle par certains extrêmes. Mais aussi à la rencontre d’une de ses anciennes amies, activiste de gauche à l’époque, qui avait accepté de l’aider à s’éloigner de son milieu fasciste.

Ingo Hasselbach ( qui a écrit un livre sur cette période, disponible en Allemand et en Anglais), le premier interviewé, a été décrit à une époque comme le « nouvel Hitler ». Dans le documentaire, il dit par exemple :

« Je voulais blesser les autres ».

Un journaliste, pour les besoins d’un reportage, l’avait rencontré pendant un an. Ce journaliste le contredisait point par point sur un certain nombre de sujets. Cela a commencé à faire douter Ingo Hasselbach. Ce journaliste est un Monsieur. J’ignore si j’aurais eu sa persévérance et son intelligence.

Manuel Bauer explique que ses amis étant d’extrême droite, il était donc devenu comme eux. Lors d’une détention en prison, alors qu’il était en train de se faire agresser, ce sont deux codétenus turcs qui sont venus le sauver. Ce qui aurait provoqué sa prise de conscience. Ces deux codétenus turcs, lorsqu’ils l’ont sauvé, ont été des Messieurs. J’ignore si je serais venu au secours d’un Manuel Bauer, qui, lors de sa « splendeur » fasciste, avait pu flanquer un coup de pied dans le ventre d’une femme enceinte au prétexte qu’elle était étrangère. Et, ce, juste après avoir agressé- parce-qu’il était étranger- le compagnon de cette femme.

Angela King, Tee-shirt de Bob Marley, ancienne suprématiste blanche, raconte :

« A l’époque, j’étais invisible. Harcelée » ; « J’ai pensé que personne ne m’aimait ». Angela King explique qu’elle croyait vraiment à l’existence d’un complot ainsi qu’à la supériorité de la race blanche. C’est un attentat meurtrier en 1995, commis dans l’Okhlahoma, par un homme qui pensait comme elle qui l’aurait fait se reprendre. En prison, ce sont des détenues noires qui ont eu de la compassion pour elle et l’ont protégée, allant jusqu’à cacher son passé de suprématiste blanche à d’autres détenues. Angela King dit : « Ces femmes m’ont rendu mon humanité ».

Ces détenues noires, qui avaient peut-être tué auparavant, ont été des Mesdames en choisissant de protéger Angela King. J’aurais aimé entendre ces détenues noires expliquer, raconter, ce qui, en Angela King, leur avait donné envie de la protéger. Pourtant, Angela King l’affirme :

« Si les conditions sont réunies, tout le monde peut devenir extrémiste ». Cette phrase peut ressembler à une lapalissade. En regardant le début d’une fiction telle que la série Walking Dead, on comprend pourtant que- si les conditions sont réunies- tout le monde peut devenir zombie.

Franck Unimon, ce mercredi 27 février 2019. Fin de la Première partie de L’école Robespierre.

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Cinéma

Under The Skin

 

                         Under The Skin un film de Jonathan Glazer

 

Lors de la réalisation de ce film en 2013, Scarlett Johansson était une actrice plus que retenue. Elle avait déjà tourné avec Sofia Coppola, les Frères Coen, Woody Allen. Elle avait aussi déja joué dans The Avengers.

Avec Charlize Theron, Jennifer Lawrence, Maggie Cheung à une certaine époque, Halle Berry et Ellen Page dans une moindre mesure, Cate Blanchett, peut-être Amy Adams, Scarlett Johansson est l’une des rares actrices-vedettes actuelles que l’on nous montre aptes à jouer autant dans des films d’action grand public que dans des films d’auteurs exigeants voire expérimentaux. Under The Skin en est une démonstration.

Il y’avait vraiment peu de monde dans la salle de cinéma lorsque je l’avais découvert la première fois. Il est du reste possible que j’aie été le seul spectateur à la séance où je m’étais rendu. J’ai oublié.

Les premières minutes du film m’avaient rapidement renseigné sur les raisons de cette salle déserte, sorte de Sahel pour cinéphile. A la fin du film, j’étais sorti interloqué. Evidemment, je ne m’attendais pas à ça. Mais Under The Skin m’avait suffisamment intrigué pour me donner envie de le revoir. Je viens de le revoir. Et cela doit maintenant faire quatre à cinq fois que je le revois. Avec plaisir.

Si l’actrice Scarlett Johansson est l’appât de cette affiche pour attirer le spectateur, elle l’est également dans le film. Under The Skin est un film que l’on aimera voir si l’on l’accepte d’aller sous la surface voire sous la glace de ce personnage qu’elle interprète. Elle est au départ une espèce de Terminator au féminin. Mais une Terminator dont les motivations sont floues, alternant entre un rôle d’entomologiste et celui de prédatrice ou de tueuse en série. Mais elle pourrait également être une rabatteuse pour une secte, un groupe terroriste ou tout autre groupe extrémiste. Et, ici, La comparaison avec Terminator s’effiloche car le rythme et la dramaturgie entre les deux œuvres sont très différents.

Dans Terminator, on est très vite dans un film d’action fantastique. Dans Under The Skin, on est davantage dans une prospection, une introspection et une contemplation. En allant dans les clichés, on pourrait dire :

Dans Terminator, Schwarzenegger arrive sur Terre avec l’objectif bourrin de rentrer dans le tas pour remplir sa mission. Ce qui serait une composante très masculine. Ici, Scarlett Johansson, elle, fait plutôt des cercles pour accomplir sa mission. Elle enveloppe et engloutit son sujet. C’est aussi une prédatrice/ prospectrice assez conventionnelle : elle se sert de la palette d’atouts du sexe dit faible (la femme) pour approcher ses proies toutes masculines. Et elle a aussi besoin d’une escorte toute masculine que l’on voit rôder par moments près d’elle sous la forme d’un motard tout en cuir et protections et quelque peu sévère. Nous sommes ici dans un univers très hétéro-normé. Et séduire un mâle hétéro occidental y est très facile pour Scarlett. Sourire.

Film sur l’identité, la naissance et l’humanisation d’une conscience, la solitude existentielle, le désir comme péril mais aussi comme tentative de remédier à la solitude, voire sur l’immigration en ce sens que Scarlett Johansson y est aussi une immigrée sur Terre, Under The Skin nous observe et nous fait de l’œil. Et ce qu’il voit peut être angoissant, désespérant ou captivant. Tant Scarlett Johansson peut par moments nous aveugler au point de nous écarter de toute raison et de toute prudence. C’est peut-être l’une des grandes particularités du film : on y évolue comme dans un rêve pour peu que l’on accepte de se laisser faire. Et Scarlett Johansson semble elle-même évoluer dans le même état.

Le corps musical du film, l’accent écossais épais de plusieurs des protagonistes, les paysages de l’Ecosse contribuent tout autant à nous faire quitter notre quotidien.

Sauf que le rêve est étroit. Le feu sera notre dernière fuite.

Franck Unimon, ce lundi 25 février 2019.

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Cinéma

Sergio et Sergei

       Sergio et Sergei un film d’Ernesto Daranas ( Sortie Nationale le 27 mars 2019)

 

L’acteur Ron Perlman, l’Américain, dans un film cubain version socialiste du film Gravity du Mexicain Alfonso Cuaron.

 

 

 

Cela pourrait être une accroche pour présenter Sergio et Sergei. Ça serait peut-être aussi vendeur qu’une conférence sur le Marxisme. N’en déplaise à Sergio ( l’acteur Tomàs Cao), professeur émérite, contraint à donner des cours de philosophie marxiste pour – péniblement- subvenir aux besoins de sa mère et de sa fille dans le Cuba de la fin des années 80 et du début des années 90. N’en déplaise à Sergei (l’acteur Héctor Noas) , cosmonaute soviétique, qui apprend lors de sa mission que l’URSS qui l’a propulsé dans l’espace a cessé d’exister.

 

Sergio et Sergei sont deux idéalistes inconnus l’un de l’autre. Des « purs » qui croient encore en l’avenir de l’idéologie de leur patrie et dans la valeur des efforts pour des jours meilleurs. Comme en occident où il est encore des « purs » ou des idéalistes inconnus l’un de l’autre qui continuent de croire que notre idéologie libérale désormais souveraine et de plus en plus dépénalisée est la seule à même de nous sauver. Amen !

Sergio et Sergei -ainsi que Peter, le personnage joué par l’acteur Ron Perlman également impliqué dans la production du film- sont des « purs » pacifistes, désintéressés, plutôt altruistes. Certains diraient d’ailleurs que Sergio et Sergei sont deux grands balais adoptifs et dépassés sur le marché des aspirateurs Dyson : voire deux idiots décotés ou deux robots de la pensée qui persistent à se croire branchés. Et le film nous montre qu’ils sont loin d’être des exceptions.

 

 

 

 

Disons que Sergio et Sergei nous parle du revers de cette crue libératrice survenue en occident en 1989 avec la chute du mur de Berlin. L’effondrement de l’URSS s’en était ensuivi deux ans plus tard. Une histoire pas si lointaine, aux multiples incidences sur notre quotidien, et pourtant déjà d’une évidence incertaine même pour celles et ceux qui y avaient assisté. Car nous sommes désormais plus familiers avec les présences immédiates et intérieures d’une avidité financière généralisée ; avec l’extension de la carte mémoire du jihadisme, du terrorisme islamiste et des extrémismes politiques et racistes ; avec la poussée du délabrement climatique et écologique ; avec la montée des eaux de quelques dérèglements numériques- harcèlement, hacking et autres cybercriminalités ; avec la colonisation de nos vies par la téléphonie mobile, les casques et écouteurs audios ( murs et remparts sonores) ainsi que par des lois, des règles et des frontières de plus en plus liberticides. Et facturées. Peu à peu, nous  entrons dans un monde monobloc fait de labyrinthes armés. Pour l’instant, il existe encore un certain nombre d’années avant que nous soyons véritablement établis dans un monde refermé sur lui-même.

 

 

 

Pourtant, en occident, avec la chute du mur de Berlin et le démembrement de l’URSS, nous avions été nombreux à assister à la télé à ce débarquement- à notre Débarquement- de jours meilleurs. Sans avoir véritablement à faire la guerre. Du moins, pas frontalement et massivement comme en 1939-1945 ou en 1914-1918. Sergio et Sergei nous raconte un peu ce qui s’est passé de l’autre côté du mur lorsque les retransmissions télé s’étaient ensuite tournées vers d’autres programmes.

 

En 2019,  on pourra trouver désuets les habitats et les façons de vivre et de penser de Sergio, de Sergei et de celles et ceux qui les entourent. Et ils le sont. Pourtant, il est parfois  difficile de savoir si nos progrès ( numériques et autres) et notre puissante – et « superbe »- économie (et pensée) moderne actuelle nous ont- en tous points- assurément un peu plus éloigné de l’âge du silex comparativement aux années 80-90.

 

Sergio et Sergei est inspiré d’une histoire réelle survenue entre un Cubain et un cosmonaute soviétique devenu russe dans l’espace. Alors que la CB (bande de fréquences utilisée par les radioamateurs cibistes à ne pas confondre avec la carte bancaire) était plus utilisée qu’aujourd’hui par quelques cibistes et conducteurs automobiles. La téléphonie mobile étant à l’époque moins « démocratisée » qu’aujourd’hui. Nous ne sommes pas ici dans un film d’espionnage ou un méchant testostéroné est trop content de vous malaxer en écoutant du mbalax alors que vous connaissez vos dernières pensées à travers le filtre de sa cigarette. Mais on nous parle tout de même, sur le ton de la comédie, des derniers réflexes de la guerre froide et de ses effets sur le quotidien de trois hommes reliés entre eux par un fil et qui sont comme des vases communicants.

Plus joyeux que le Solaris de Tarkovski ( oui, c’est assez facile ), beaucoup moins spectaculaire et moins grand public que le Alita : Battle Angel de Robert Rodriguez, Sergio et Sergei est un film  sur la solitude, la décrépitude, la loyauté et l’amitié. Mais c’ est aussi un film sur la difficulté à se comprendre les uns, les autres, selon l’histoire qui nous encombre et nous poursuit ou depuis le tamis de l’idéologie à laquelle on reste asservi. Sur notre capacité au changement. Certains diraient même :

« Sur notre capacité à être proactif et à ne pas nous laisser impacter ».

Cependant, on peut aussi dire que Sergio et Sergei est un film sur les limites d’un engagement comme sur les raisons qui peuvent pousser à rester honnête, fidèle à sa patrie, ou, au contraire, sur les raisons qui peuvent inciter à quitter sa patrie, sa région ou un être cher.

 

Sergio et Sergei nous raconte d’autant plus un monde « disparu » ou en voie de disparition que Cuba, depuis peu (au moins depuis le décès de Fidel Castro en 2016) se libéralise de plus en plus. Certains diraient sans doute que Cuba leur devient de plus en plus un pays étranger. A l’image de Sergei lors de sa mission spatiale, sans doute que beaucoup de Cubains et beaucoup d’exilés de par le monde, aujourd’hui, ont quitté un pays (ou un être) qui – transformé- a, à leurs yeux, depuis cessé d’exister. Et, à l’image de Sergio, peut-être que beaucoup d’êtres humains rêvent encore d’un monde qui peine à exister.

 

 

 

Ce film plutôt sentimental et ensoleillé plaira sans doute aux personnes capables de s’adresser à leurs rêves- marxistes ou tout autres- afin de leur demander de leurs nouvelles pour mieux leur envoyer de nouveaux gestes et mots d’encouragements.

Franck Unimon, ce dimanche 24 février 2019.

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Musique

Peu de Gens Le Savent

Peu de Gens le Savent interlude d’Oxmo Puccino (Album Opéra Puccino)

Physique de Dr Dre, crâne rasé, visage de profil luisant, le menton imberbe. Derrière lui se tiennent deux masques de la Comedia Del Arte qui nous fixent tandis que son regard semble nous voir ou servir de repoussoir à un monde qui nous échappe.

Est-ce un vigile des grands magasins qui à l’image d’un Gauz écrira bien plus tard (en 2014) Debout- Payé ? Nous sommes en 1998 lorsque sort son album Opéra Puccino. En France, les artistes M et Matmatah connaissent leurs premiers succès. Ménélik marque avec Bye-Bye. Manau se fait connaître avec La Tribu de Dana. Louise Attaque fonce avec Ton Invitation. Axelle Red décide de Rester Femme. Florent Pagny chante Savoir Aimer. Le Supreme NTM (et Lord Kossity) décline Ma Benz. Stomy Bugsy déclare Mon Papa à moi est un Gangster. Passi affirme Je Zappe et je mate. Lara Fabian projette Je t’aime.

 

Faites l’expérience en 2019. Et c’est comme cela depuis plusieurs années maintenant alors que le RAP- syncope un peu zombie- nous rattrape un peu plus chaque jour : Parlez de RAP avec des connaisseurs. Ils vous citeront pêle-mêle leurs artistes préférés passés ou présents comme d’autres vous parleront de leur cru préféré en matière de vin. Les débats peuvent être tranchés tandis que chacun affichera ses arguments : Assassin, NTM, IAM, Kery James, Disiz, Damso, Youssoupha, MC Jean Gab1, Mc Solaar, Sinik, Soprano, Booba, Kaaris, La Fouine, Soprano, Abdel Malik, Orelsan, Rohff,, Jul, Nekfeu, Bigflo& Oli, Eddy de Pretto, Diam’s,… D’autres noms défileront. Des têtes tomberont. D’autres seront enterrés vivants.

 

Personne ne le citera.

 

Puis, soyez la première ou le premier à prononcer ces simples lettres : Oxmo Puccino.

Il y’a alors de grandes chances pour que l’accalmie et l’unanimité se fassent en quelques secondes. Oxmo Puccino semble contenir en lui cette alchimie : accalmie et unanimité.

Dans le milieu du RAP où les « vedettes » sont aussi des habituées des « clashes », des « buzz » et des faits divers ( le règlement de comptes entre Kaaris, Booba et leurs potes dans un aéroport/ « Le combat du siècle » prévu en Tunisie entre Booba et Kaaris prochainement etc… ) et où les amateurs aiment délivrer des sentences définitives comme n’importe quel spectateur excité devant un combat de rue, cela détone lorsqu’un rappeur comme Oxmo Puccino semble plébiscité par à peu près tout le monde. D’autant que ce plébiscite ne tient pas à la peur qu’il suscite à l’instar du personnage le Caïd ( très bien interprété par Michael Clark Duncan dans le Daredevil réalisé en 2003 par Mark Steven Johnson) ennemi héréditaire de Daredevil, héros de Comics.

Même si, dès le début de son interlude Peu de Gens le Savent, Oxmo Puccino s’enfuit tout de suite de l’illusion selon laquelle il serait « cool » parce qu’on l’a vu…sourire.

Oxmo Puccino est sans doute respecté parce qu’il sait de quoi il parle. Parce qu’il a connu ce que beaucoup de parias des cités ou des banlieues ont vécu et vivent. Et qu’il le raconte. Posément. Dans son style. Depuis son enfance, comme un certain nombre, ses poumons et sa voix ont stocké tant de goudron qu’ils sont devenus le bitume du monde sur lequel Oxmo Puccino marche avec ses mots près du micro. D’ailleurs, malgré ses travers, en prenant la parole et grâce à sa réussite économique et sociale, le RAP reste un modèle pour les minorités invisibles lassées d’être évincées des productions cinématographiques, télévisées et théâtrales voire littéraires….

 

Peu de gens le savent est peut-être un titre mineur pour celles et ceux qui avaient entendu cet album à sa sortie ou qui le connaissent jusque dans ses moindres intonations. Puisqu’il s’agit officiellement d’un interlude. Mais c’est celui qui m’a le plus parlé en découvrant récemment Opéra Puccino.

Ma toute première expérience du RAP date de 1979 avec le tube Rapper’s Delight de Sugarhill Gang dans une soirée antillaise à Colombes. Au milieu de la musique Kompa haïtienne, de titres antillais et sans doute de musique salsa, le tube m’avait fait l’effet d’un Concorde me faisant décoller vers New-York. Ce sera un peu pareil quelques années plus tard avec le titre Rock it d’Herbie Hancock en pleine soirée antillaise.

J’étais trop vieux ou trop orienté vers d’autres genres musicaux lorsque vers les années 80-90, le RAP est « revenu » en France. J’avais aussi quitté « ma » cité HLM de Nanterre depuis quelques années. D’où, aujourd’hui, ma culture RAP  de pois chiche et ma découverte récente d’Opéra Puccino.

Opéra Puccino s’écoule en trois temps. Durant les 45 premières secondes, Puccino rappe tranquillement. Si l’on peut se demander s’il caricature un peu le fait de rapper, il n’y’a d’abord rien de particulier lorsqu’il bande ses muscles : « J’ai entendu dire que j’étais cool car on m’aurait vu sourire. Reste ici et rectifions le tir… ».

L’importance de l’image que l’on donne de soi. De la réputation. La nécessité d’avoir une image de dur- de pur ?- pour se faire respecter d’autrui et ne pas se faire marcher dessus :

Ce sont des standards dans le monde de la cité, de la rue et du RAP. Mais, aussi, dans le monde de celles et ceux qui ont « réussi ». Sauf que dans le monde de celles et ceux qui ont « réussi » ou qui font partie des « bourgeois », cela se fait avec des codes que d’aucuns qualifieraient de plus sournois ou plus hypocrites.

Après le mot « honnêtement », cela fait environ quarante cinq secondes qu’Oxmo Puccino Rappe. Il transforme alors son titre selon moi en classique. C’est une sorte de confession dont on a du mal à dire si elle a d’abord été très bien écrite puis très bien reprise, en insérant par moments des touches d’improvisations. Ou s’il s’agit d’une libre improvisation décidée à un moment donné. La rythmique, basse-batterie, sobre, est pratiquement la même depuis le début. Elle s’arrêtera quelques secondes avant qu’Oxmo Puccino couse le point final de son titre et alors que sa voix se rapprochera de l’état de celle d’un LKJ (Linton Kwesi Johnson ) dans son titre Sonny’s Lettah ou Reality.

Peu de gens le savent dure quatre minutes. Lors de ces quatre minutes, on passe par le « hall », gare de stationnement et de procrastination des jeunes sans (pré)destination qui, enfants, ne dérangeaient pas, et qui, devenus plus grands et plus affirmés, font désormais peur. Et se comportent « mal ». Le monde des adultes- dépassés et usés- qu’ils connaissent n’exerce sur eux aucune fascination. Et, ce, depuis des années déja. Oxmo Puccino parle du « hall » encombré de jeunes mais la cave, monde et mode souterrain, est aussi un terrain pratiqué.

Sa façon un peu comique de dire le mot « hall », fait penser à l’accent wolof mais aussi au mot anglais « All ». Il parle du « Tout » pour parler du vide et de la grande solitude avec lesquels correspondent ces jeunes qui boivent et qui fument en groupe. Qui font (et qui sont) les durs. Mais qui dépriment en sourdine et ont peur de l’avenir.

Puccino est à la fois le confident, le témoin, de la cité et d’une certaine banlieue, comme pourrait l’être le pilier de bar dans Ces Gens-là (1966) de Jacques Brel. Oui, son surnom de « Black Jacques Brel » est ici pleinement compréhensible. Mais c’est ici un pilier de bar qui a un certain humour. L’humour de l’aîné voire du père (Puccino a « seulement » 23 ans alors) qui gronderait gentiment ses cadets ou ses fils. Ses « Hein ?! » (plus d’une dizaine) quelques fois couplés à des bégaiements et à des « enfoiré ! » sont à double sens : ils simulent celui qui feint d’être malentendant ou qui, alcoolisé, aurait perdu toute ou partie de son discernement. Pourtant, ils ponctuent et affirment surtout, dans une grande familiarité/connivence ce que, dans les faits, lui et ses interlocuteurs, ont très bien compris : les formations et les diplômes qu’ils ont acquis avec fierté font partie de lots en tocs réservés à tous ces jeunes sacrifiés/avariés depuis leur enfance.

A propos de la violence armée et aveugle ou aveugle et armée qui fait peur aux honnêtes gens et aux média, Puccino rappelle que les jeunes des cités et de certaines banlieues commencent d’abord par la subir très tôt avant (« ça fait beaucoup quand même ») d’en devenir les émissaires forcés ou volontaires.

L’humour de Puccino, à la fois noir mais aussi calé sur une certaine autodérision, évite à son titre d’être déprimant. Dans une version plus sombre, si j’avais été à même de savoir mixer, à la fin de ses quatre minutes, j’aurais relancé son texte à l’identique, accentué ses bégaiements, en redoublant d’échos certaines de ses phrases et de ses « Hein ?! » en faisant porter à son texte la chemise de cendres d’une démence à la fois contestataire et sans rémission.

Franck Unimon, ce lundi 18 février 2019.

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Cinéma

Peu M’importe si L’Histoire Nous Considère Comme des Barbares

Peu M’importe si l’Histoire nous considère comme des Barbares

Un film de Radu Jude en salles le 20 février 2019.

Ioana/Mariana, Roumaine plutôt coquette d’une trentaine d’années, est un « monstre d’érudition ». C’est aussi une forte personnalité. Elle pourrait être navigatrice, chef d’entreprise, espionne, chercheuse. Elle est metteure en scène. A la faveur d’une commémoration, sa gageure est de reconstituer à notre époque un pan de l’Histoire de la Roumanie lors de la Seconde Guerre Mondiale. Et, Ioana a à cœur de rappeler à ses contemporains la participation zélée de la Roumanie dans l’application de la Shoah.

Lorsque l’on évoque la solution finale et l’antisémitisme, il est plutôt assez rare, en France, d’y associer la Roumanie. On pense plutôt à l’Allemagne nazie bien-sûr, à la France, la Pologne, l’Autriche, la Russie et l’ex-URSS…

En effet.

A titre d’exemple : il y’a deux ou trois ans, la lecture de Les Cavaliers de l’Apocalypse, très bien écrit par Jean Marcilly en 1974 d’après le récit de Ion. V Emilian, ex officier du 2ème régiment de Calarashis pendant la Seconde Guerre Mondiale, avait étonné par son grand mutisme sur le sujet de l’antisémitisme et de la Shoah. A la fin du récit qui coïncidait avec la fin de l’épopée des Calarashis et la défaite militaire de la Roumanie, seuls le prénom et le nom de Simon Wiesenthal étaient prononcés du bout des lèvres. La « rencontre » de Simon Wiesenthal semblait fortuite et anecdotique. Presque « people » : Les motifs de sa « célébrité » étaient à peine éclairés et on aurait tout aussi bien pu nous parler d’une rencontre avec Paris Hilton à la fin de la Seconde Guerre Mondiale. Cela aurait été pareil.

En revanche à la fin de Les Cavaliers de l’Apocalypse, l’admiration pour le Général américain Patton, bénéficiait de bien plus de lumière : Peut-être parce que l’on apprécie mieux un héros militaire que l’on estime pourvu du même sens de l’honneur que soi même si, comme Ion. V Emilian, on faisait alors partie du camp des vaincus. Peut-être aussi parce-que le Général Patton incarnait l’éclat de la virilité victorieuse là où Wiesenthal, lui, représentait celui qui, une fois la guerre et la peur « finies », s’était donné pour mission d’aller ausculter les décombres.

Par ailleurs, un peu de recherche nous permet d’apprendre que Jean Marcilly, l’auteur du livre Les Cavaliers de l’Apocalypse paru en 1974, donc, deviendra plus tard ( dans les années 80) durant un temps le compagnon de la première épouse de Jean-Marie Lepen et mère de Marine Lepen.

En 1974, Jean-Marie Lepen est depuis deux ans le Président du Front National, parti d’extrême droite français d’ascendance fasciste. Jean-Marie Lepen dirigera le FN jusqu’en 2011. Depuis ce 1er juin 2018, le Front National a été rebaptisé Rassemblement National par Marine Lepen, et, cela, après sa propre défaite aux élections présidentielles de 2017 face à Emmanuel Macron.

Cette « parenthèse » permet de faire un raccordement avec Antonescu, chef – d’extrême droite- du gouvernement roumain lors de la Seconde guerre Mondiale et à qui l’on doit cette déclaration- avant son exécution en 1946 pour crimes de guerre- qui donne le titre du film :

Peu M’importe si l’Histoire nous considère comme des Barbares. Le film sortira le 20 février soit dans une semaine et un peu plus de soixante dix ans après la fin de la Seconde Guerre Mondiale.

Ioana/Mariana, du fait de son âge, n’a pas connu cette période. Mais ses grands-parents, voire ses parents, sans aucun doute.

Pour aborder ce sujet, Radu Jude (Ours d’Argent de la meilleure mise en scène au festival du film de Berlin pour son film Aferim en 2015) fait un film dans le film : l’interprète principale se présente comme Iona Iacob, soit son véritable prénom et son véritable nom, et non comme le personnage de Mariana. Et nous assistons aux premières répétitions de comédiens amateurs dont certains pourraient être les grands-parents de Iona/Mariana. On peut un moment espérer trouver un cousinage avec le Looking for Richard mis en scène et interprété par Al Pacino. Mais Peu M’importe si l’Histoire nous considère comme des barbares est plus sec et plus réaliste.

Le côté bon enfant et à la bonne « franquette » du début du film qui nous rapprochent un moment d’un certain ennui laissent peu à peu la place à un film très moral et, à l’image d’Ioana/Mariana, plein d’érudition. On y côtoie la mémoire des armes et des musées, mais aussi celle de figures littéraires ou d’historiens qui ont soit été victimes de l’antisémitisme soit des personnalités qui ont effectué des recherches sur le rôle pris par la Roumanie dans la Shoah. Citons Isaac Babel, Raoul Hilberg, Dennis Deletant…

Les Cavaliers de l’Apocalypse s’attardait sur la menace communiste expansionniste comme raison principale de l’alliance de la Roumanie avec l’Allemagne nazie. Peu M’importe si l’Histoire nous considère comme des Barbares nous apprend que les « Bolchéviques et les youpins » étaient perçus depuis des années comme « les ennemis » endémiques déclarés des Roumains. Et peu importait qu’au pays des « Bolchéviques », des juifs soient victimes de pogroms ou des purges staliniennes….

Le film de Radu Jude nous pousse à nous interroger sur ce qui installe au sein d’une population, d’une communauté ou d’une société la permanence d’une pensée hostile à l’encontre d’un certain groupe de personnes au point de finir par trouver « normal » et justifié de l’exterminer ou de le stigmatiser. A voir Peu M’importe si l’Histoire nous considère comme des Barbares, on comprend que cette pensée hostile provient d’assez « loin » dans le temps :

Elle s’impose après des décennies, des générations, sans doute des siècles ou peut-être après des millénaires de croissance et d’expansion. Convoyés au moins par la force de certaines superstitions et de certaines traditions, l’antisémitisme, toutes les haines en « isme » ainsi que toutes leurs mutations, peuvent alors sembler plus résistants à l’érudition, à la morale et au Temps, que notre environnement au glyphosate et à la pollution atmosphérique. Ioana/Mariana, témoin de notre époque, en fait la difficile expérience. Elle, qui, pourtant, accepte de ne pas être aimée et défend son projet avec ruse et ténacité a par ailleurs du mal à se composer un avenir affectif. Mais elle a résisté et va continuer de le faire. Ainsi que quelques uns autour d’elle, dans la foule comme dans l’anonymat.

Franck Unimon, ce mercredi 13 février 2019.

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Puissants Fonds/ Livres

L’instinct de vie

 

                                     

« Les souvenirs deviennent-ils les démons du sujet qui les garde ? » se demande Patrick Pelloux dans son livre L’instinct de vie ?

 

Si le « diable » – ou ce qui en est pour nous l’agent permanent- avait souhaité faire de la tête de Patrick Pelloux un passage clouté de tourments, il ne s’y serait pas pris autrement :

 

Médecin urgentiste engagé et « connu » au moins depuis 2003 pour avoir alerté les médias des conséquences sanitaires de la canicule, auteur de plusieurs ouvrages relatifs au monde de la Santé, Patrick Pelloux était aussi un chroniqueur attitré de Charlie Hebdo depuis plusieurs années lorsqu’eut lieu « l’attentat de Charlie Hebdo » ce 7 janvier 2015. Puis celui de l’hyper cacher de Vincennes après l’assassinat la veille de la policière Clarissa Jean-Philippe.

Dans ce livre de 174 pages découpé en quatorze chapitres- publié en 2017 soit environ deux ans après l’attentat- Patrick Pelloux prend le parti de s’inspirer de sa démarche personnelle de reconstruction après l’attentat du 7 janvier :

Rappelons qu’il était ce jour-là en pleine réunion professionnelle non loin du journal Charlie Hebdo. Sans cette réunion, il se serait trouvé au journal parmi ses collègues et amis lorsque les terroristes sont arrivés, ont assassiné et meurtri.

Charlie Hebdo était à la fois un peu sa maison et son territoire. Son « chez nous » comme dans tout service ou toute entreprise où des employés se sentent « bien » comme en couple ou en famille. Soit une expérience encore plutôt courante dans le monde du travail où se créent pour le meilleur et pour le pire bien des histoires affectives et amicales entre collègues.

Ce 7 janvier 2015, sa très grande proximité affective avec les personnes du journal, sa grande proximité géographique et son sens de l’engagement professionnel plus que prononcé (ce qui lui vaut et lui a aussi valu certaines inimitiés professionnelles et politiques) sont sans doute ce qui l’a incité- il lui était impossible de réagir autrement- à intervenir avec d’autres professionnels urgentistes sur les lieux. Avant que les lieux soient sécurisés nous apprend t’il dans son livre :

Lorsque d’autres professionnels urgentistes et lui sont entrés dans le journal ce jour-là, ils ignoraient si les terroristes y étaient encore présents. Attitude héroïque, suicidaire ou téméraire ? Cet article a d’autres volontés que ce « débat » qui, même avec de grandes précautions, se rapprocherait du jugement moral et facile que détiennent généralement les personnes bien planquées à distance des frontières de l’horreur. Dans les faits, dans la même situation, si l’accès au journal avait été «libre», d’autres personnes très impliquées affectivement avec les victimes, même non qualifiées médicalement, auraient eu la même réaction que Patrick Pelloux et ces urgentistes professionnels. C’est là où, pour Pelloux, le « diable » a pu largement faire son trou dans sa tête :

Le soignant, pour être à même d’être aussi « opérationnel » que possible, mais aussi pour pouvoir quitter la scène clinique et retourner à la vie civile – et chez lui- à peu près indemne et fréquentable- « sans » usure de l’âme- doit pouvoir avoir une certaine distance affective avec ce qu’il voit et vit au travail. On peut d’ailleurs reprocher à certains professionnels de la Santé plutôt aguerris et/ou performants une sorte « d’anesthésie » profonde voire une certaine indifférence émotionnelle et affective apparente ou patente. Le Monde de la Santé tangue en permanence entre ces trois ou quatre modèles « parfaits » et extrêmes du soignant :

L’un capable d’empathie et l’autre à la technique administrative, diagnostique et gestuelle irréprochable mais au « cœur », au regard et au réconfort absents ou froids. Ces trois ou quatre modèles ( et d’autres) peuvent bien-sûr coexister dans la moelle épinière d’un même soignant en une alchimie respirable mais cela est loin d’être une évidence et une science exacte et définitive.

Pour Patrick Pelloux – dont au moins les écrits et les chroniques attestent aussi de réelles préoccupations humanistes- après ce 7 janvier 2015 (et pour bien d’autres que lui) il était impossible d’être émotionnellement et affectivement absent. Pourtant, s’il avait la possibilité de retourner dans le passé et de revivre cet événement et le stress post-traumatique qui en a découlé depuis, on devine qu’il s’immergerait à nouveau dans le Charlie Hebdo de ce 7 janvier 2015.

Ce début d’article pourrait peut-être donner l’impression que L’Instinct de vie relate l’attentat de Charlie Hebdo de bout en bout ce jour-là. Ce serait un malentendu:

L’instinct de vie est un kit destiné à aider à la reconstruction morale, sociale, affective, psychologique et émotionnelle. Il a été conçuavec des mots très simples– au moins pour aider celles et ceux qui ont été victimes d’attentats ou d’événements traumatiques ainsi que leurs proches ou celles et ceux qui essaient d’apporter une aide en des circonstances similaires.

Pelloux le précise : ce qui a été très difficile y compris pour des professionnels de la Santé intervenant par exemple lors de l’attentat du Bataclan du 13 novembre 2015 ( ce jour-là ont aussi eu lieu des attentats au Stade de France ainsi que dans des rues du 1Oème et du 11 ème arrondissement de Paris : 130 personnes – dont 7 des terroristes- ont été tuées et plus de trois cents blessés ont été hospitalisés ), c’est de devoir faire face- dans le monde civil- à des scènes cliniques et des situations habituellement « réservées » à des zones de guerre. Le personnel de santé civil dépêché sur les lieux n’était pas préparé à faire face à des blessures de guerre et à une telle échelle. Et, les victimes ainsi que leur entourage ont dû découvrir également à une plus grande échelle le quotidien des personnes développant un stress post-traumatique voire une névrose traumatique.

Le livre de Pelloux « bénéficie » de son expérience de professionnel de la Santé. Et de victime. Il donne donc un certain nombre de conseils. Ainsi que des repères permettant à d’éventuelles victimes, professionnels de la Santé, proches et entourages de mieux comprendre ce qui peut se passer pour une victime. Quelques extraits en vrac :

« Les mots étaient doux avant. Soudain, tous les mots du monde ont été assassinés ».

« Tout a explosé. Durant les premiers temps, on reste dans la sidération. Impensable. L’entourage ne peut pas comprendre ou pas forcément. (…). Ce n’est même pas de la peur, c’est au delà. Un besoin de sécurité extrême ».

« J’ai vu des choses que je n’aurais pas dû voir. C’est cela qui fait le traumatisme. (….) Analyser qu’il faudra vivre avec un drame, savoir qu’il est impossible d’oublier et que tout son être, toute sa psyché devra apprendre à vivre avec cette souffrance ».

« Il faut vivre les trois premières heures pour arriver à respirer normalement, puis les trois premiers jours, puis les trois premiers mois. Pourquoi trois mois ? Parce que c’est sans doute la durée qu’il m’a fallu pour réussir à dormir deux heures de suite ».

« (….) Ce dont j’ai besoin, c’est de légèreté et de douceur. Or, c’est peut-être la chose la plus compliquée à offrir à quelqu’un de traumatisé ».

« (…) Ne dites jamais à une victime : « ça va passer » ; « ça va aller mieux » ; « Tu vas oublier » ; « C’est la vie » ; « Y’a plus grave ».

« Ce stress dure plus longtemps qu’il n’est écrit dans les articles scientifiques. Il dure des mois (….). Cela fait deux ans que les flashs me reviennent, par moments. Il suffit d’un petit détail. Qui les réactive. Clac ! ».

« Qu’il est difficile d’aider une victime ! Il faudrait être là et ne pas être là. A l’écoute. Sans poser de questions. Le mieux est de consulter un psychiatre ou un psychologue des cellules d’urgence médico-psychologique (CUMP) des SAMU (…) ».

« (…..) Rien ne calme cette culpabilité, ni l’alcool, ni le cannabis, ni la cocaïne, ni les amphétamines. C’est un leurre (…). Une chose est certaine : l’illusion de l’ivresse passée, tout s’aggrave, les troubles du sommeil, les cauchemars, les angoisses, les flashs, les peurs et la culpabilité ».

« Pour se reconstruire, il faut accepter de rire et de sourire ».

Livrés de cette façon, ces extraits peuvent peut-être donner l’illusion que Patrick Pelloux s’est reconstruit facilement. Si son livre est optimiste et volontariste, il indique néanmoins ça et là qu’il a pleuré tous les jours pendant trois semaines après l’attentat du 7 janvier 2015. Qu’il a penché durant quelques mois vers l’alcool. Sans trop s’étendre sur le sujet, à travers ses chats, il nous renseigne sur ce qu’une personne traumatisée peut aussi « dégager » de mortifère pour un entourage proche et intime qui absorberait tout sans aucune limite, distance ou filtre. Même s’il a depuis repris ses fonctions de médecin urgentiste, il a conscience d’être resté vulnérable. Et le 13 novembre 2015, c’est en tant que régulateur et non en tant qu’intervenant de terrain qu’il a- avec ses divers collègues- participé aux sauvetages des victimes des attentats au Bataclan et dans les rues de Paris.

On peut être en désaccord avec certains de ses avis par exemple quant à la prescription de médicaments ou non ou sur la façon d’assurer leur réévaluation. Car cela semble plus facile à dire qu’à faire. On peut par moments lui reprocher d’être un peu trop sûr de lui même s’il se défend de tout savoir.

Mais on doit avant tout voir ce livre– qui peut être une initiation à la Victimologie– comme un        ( Grand) Acte civique de très grande utilité publique pour ce qu’il apprend ou incite à apprendre que l’on soit soignant ou non, victime ou non, proche d’une victime ou non. Car comme le dit son ouvrage, celui-ci  et celui d’autres auteurs -tel le médecin-général Louis Crocq- sont au service de la vie. Les terroristes et les intégristes, eux, desservent la vie et contrairement au reste du monde se coupent de tout attachement affectif pour pouvoir mieux justifier et réaliser leurs assassinats physiques et symboliques. Pour les « sceptiques », il est encore assez facile de retrouver sur le net des photos de certaines victimes des attentats du 13 novembre 2015 pour voir à nouveau qu’elles étaient de tous horizons.

Cet article se veut un complément, pour le meilleur espérons-le, de celui (assez mal écrit) sur le livre Sans blessures apparentes de Jean-Paul Mari. Et de l’article sur le film Utoya. Il a été écrit en bénéficiant du déferlement proche et protecteur de musiques Reggae et Dub à un volume moyennement élevé. Celui en particulier des artistes et groupes Manutension, Steel Pulse et Rod Anton.

 

Peinture : Patrick Marquès.

 

 

 

Franck, ce mardi 5 février 2019.