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Corona Circus self-défense/ Arts Martiaux

Le Jihad, c’est les autres.

 

Ça a commencĂ© lors d’une nouvelle sĂ©ance de kinĂ©. Pour une tendinite. J’en ai dĂ©jĂ  parlĂ© et j’en reparlerai :

Les kinĂ©s sont les professionnels de la santĂ© que j’ai- de trĂšs loin- le plus rencontrĂ©s dans ma vie. J’ai une enquĂȘte Ă  finir sur l’histoire de mon corps. Il doit y avoir des raisons pour que je retourne rĂ©guliĂšrement, depuis mon adolescence,  dans le port  des kinĂ©s, ces rĂ©parateurs du mouvement. Sans doute que je rĂ©pĂšte des gestes interdits en forçat qui se dĂ©place Ă  contre-courant.

 

J’ai donc connu plusieurs cabinets ou plusieurs ports de kinĂ©s dans ma vie. Celui-ci est prĂšs de chez moi. J’y suis d’abord allĂ© les premiĂšres fois il y a deux ou trois ans pour des raisons trĂšs pratiques : afin de se rendre en bĂ©quilles Ă  une rééducation aprĂšs une intervention chirurgicale, mieux vaut Ă©viter le parcours avec des cols Ă  quinze pour cent Ă   grimper sur plusieurs kilomĂštres afin d’accĂ©der au cabinet du kinĂ©.

 

 

Sauf peut-ĂȘtre pendant le confinement rĂ©cent, les kinĂ©s ne chĂŽment pas. Ce sont des professionnels trĂšs demandĂ©s. J’ai connu deux sortes de kinĂ©s :

Celles et ceux qui vous prennent en individuel et qui, durant la sĂ©ance de 20 Ă  30 minutes, s’occupent uniquement ou principalement de vous. Et celles et ceux qui vous donnent des exercices Ă  faire, ou vous mettent sous machine, partent s’occuper de quelqu’un d’autre et viennent vous voir de temps Ă  autre pour s’assurer du fait que tout se passe bien.

 

J’imagine bien-sĂ»r que tous ces kinĂ©s ont leurs raisons.  Certains expliqueront que certains traitements et certaines rééducations ne nĂ©cessitent pas leur prĂ©sence permanente. D’autres, qu’il faut qu’ils amortissent le coĂ»t de leur matĂ©riel de pointe trĂšs couteux et qu’ils n’ont pas d’autre choix que d’enchaĂźner le nombre de patients ou de clients d’autant que ceux-ci sont devenus de plus en plus nombreux.

 

 

Le cabinet de kinĂ© oĂč je me rends a Ă©tĂ© pour moi une dĂ©couverte la premiĂšre fois :

 

Il y a bien quelques piĂšces isolĂ©es oĂč je devine que des patients sont dans une certaine intimitĂ©. Mais pour l’essentiel, le cabinet de kinĂ© est un open space sans cloisons oĂč l’on peut ĂȘtre vingt Ă  trente personnes en soins et en rééducation en mĂȘme temps allongĂ© ou en train de rĂ©aliser tel exercice de rééducation ou de renforcement musculaire, ou en train de recevoir un soin par un kinĂ©. Du fait de l’épidĂ©mie, avec la sortie du confinement, nous sommes tenus de venir avec un masque, un sac oĂč ranger nos manteaux et de nous laver les mains avant la sĂ©ance ou d’utiliser du gel hydroalcoolique mis Ă  notre disposition Ă  l’entrĂ©e.

 

Cette particularitĂ© « open space Â» pourrait faire sourire alors que l’on nous parle beaucoup de respect  de la « confidentialitĂ© Â» un peu partout : dans les labos d’analyses, dans les administrations diverses, dans les hĂŽpitaux. Mais cette proximitĂ© ne me dĂ©range pas d’autant qu’en gĂ©nĂ©ral les kinĂ©s qui officient ont su crĂ©er une certaine convivialitĂ© dans leurs relations comme avec nous. Et puis, il y a la tĂ©lĂ©.

 

Car dans ce cabinet « open space Â», il y a une tĂ©lĂ© souvent allumĂ©e. Dans un autre cabinet de kinĂ© que j’ai frĂ©quentĂ©, la tĂ©lĂ© passait uniquement du sport. On Ă©tait dans un cabinet de kinĂ©s spĂ©cialisĂ©s dans le sport.

 

Dans ce cabinet, on aime beaucoup le sport aussi et les Ă©vĂ©nements qui en parlent. Mais on aime aussi beaucoup dĂ©battre. Il est arrivĂ© que la chaine choisie soit Arte et cela m’apaisait. Mais depuis que j’y suis retournĂ© il y a bientĂŽt un bon mois maintenant, on a droit Ă  la chaine Cnews. A chacune de mes sĂ©ances, Cnews est dans la place avec cette Ă©mission animĂ©e et patronnĂ©e par un journaliste entourĂ© de chroniqueurs majoritairement masculins mĂȘme si on trouve aussi quelques femmes.

 

 

Parmi mes premiĂšres sĂ©ances avec Cnews, le sujet, rĂ©pĂ©tĂ©, portait sur les violences policiĂšres en France. AprĂšs l’épidĂ©mie du coronavirus, le thĂšme des violences policiĂšres a effectuĂ© sa percĂ©e. C’était avant le rĂ©sultat du deuxiĂšme tour des Ă©lections municipales qui a finalement eu lieu hier et qui a réélu Isabelle Hidalgo comme maire de Paris face Ă  Rachida Dati et AgnĂšs Buzyn, ex-Ministre de la santĂ© partie en pleine Ă©pidĂ©mie Covid remplacer la candidature de Benjamin Grivaux pour cause de scandale dĂ» Ă  des vidĂ©os de Monsieur le sexe en Ă©rection. C’était avant la rĂ©ouverture des salles de cinĂ©ma qui ont pu s’adapter au covid-19.

 

 

Lors d’une de mes sĂ©ances kinĂ©, il y a donc eu dĂ©bat non sur mes Ă©rections ou sur ce que je pouvais penser de celle de l’homme politique Benjamin Grivaux, mais sur les violences policiĂšres. Un des kinĂ©s, assez incrĂ©dule, m’a demandĂ© si, moi, en tant que noir, je m’étais dĂ©jĂ  senti dĂ©favorisĂ© devant la police. Cette question personnelle m’a Ă©tĂ© posĂ©e en public puisque nous sommes dans un cabinet « open space Â».

 

On se rappelle du contexte : d’un cĂŽtĂ©, aux Etats-Unis, la mort du noir amĂ©ricain Georges Floyd, sous le genou d’un flic blanc, Derek Chauvin, dĂ©jĂ  connu «  pour violences Â». Georges Floyd aurait Ă©tĂ©, a Ă©tĂ© suspectĂ©, de vouloir se servir d’un faux billet de vingt dollars. RĂ©sultat :

Il est mort Ă©touffĂ© par le policier Derek Chauvin alors qu’il rĂ©pĂ©tait qu’il ne pouvait pas respirer. La scĂšne a Ă©tĂ© filmĂ©e par une jeune noire avec son tĂ©lĂ©phone portable. J’ai oubliĂ© le prĂ©nom de cette jeune noire. Mais j’ai retenu son nom : Frazier. Comme l’ancien boxeur noir, champion du monde, et grand rival de Muhammad Ali, un des hĂ©ros encore aujourd’hui de bien des jeunes dans les citĂ©s et banlieues.

 

Muhammad Ali a Ă©tĂ© un de mes hĂ©ros lorsque j’étais adolescent. Et je reste attachĂ© Ă  son histoire. Mais je sais aussi qu’il a manquĂ© de correction envers Joe Frazier et Malcolm X qui sont aussi des modĂšles. Je sais aussi que Muhammad Ali, lorsqu’il s’appelait encore Cassius Clay, doit d’avoir Ă©tĂ© « orientĂ© Â» vers la boxe par un flic
blanc. AprĂšs qu’il se soit fait voler son vĂ©lo.

 

Adama TraorĂ©, mort il y a quatre ans en France aprĂšs une interpellation policiĂšre, est l’autre personne qui a ravivĂ© le sujet des violences policiĂšres. Officiellement, la façon dont il a Ă©tĂ© interpellĂ© physiquement n’a rien Ă  voir avec sa mort. Sauf que les autopsies rĂ©alisĂ©es par d’autres experts sollicitĂ©s par la famille d’Adama TraorĂ© disent le contraire.

 

 

Je n’ai pas regardĂ© sur le net la vidĂ©o de la mort de Georges Floyd. Je n’ai pas lu le livre qui parle d’Adama TraorĂ© et de la façon dont il est mort. Je crois celles et ceux qui disent que les deux histoires sont trĂšs diffĂ©rentes. Mais je crois aussi que celles et ceux qui le disent le font aussi pour se soulager. Parce qu’une fois  qu’on a dit que les deux histoires n’ont rien Ă  voir, c’est comme si l’on pouvait changer de sujet juste aprĂšs la page de pub et aprĂšs avoir affirmĂ© que tout va bien.

 

Je ne crois pas que la police française soit raciste. Mais j’ai dĂ©jĂ  Ă©tĂ© interpellĂ© deux ou trois fois par des policiers, dont au moins une fois voire deux ou trois fois parce-que j’étais noir, et mĂȘme si deux ou trois fois, c’est « peu Â» et que tout s’est bien et rapidement terminĂ©, pour moi, en tant que personne, c’est dĂ©jĂ  beaucoup et, je « sais Â» que cela aurait pu se terminer plus mal pour moi alors que j’étais
 Â« innocent Â».

 

Si la « compĂ©tence Â» ou ce qui ressemble Ă  de l’intelligence de la part du policier ou des flics rencontrĂ©s lors de « mes Â» contrĂŽles a sans doute contribuĂ© au fait que cela se soit bien et rapidement terminĂ©, je crois aussi que je dois saluer, Ă  chaque fois, la capacitĂ© que j’ai eu de rester calme, coopĂ©ratif, optimiste et d’avoir pu m’exprimer poliment et « correctement Â». Mais en situation de stress, et un contrĂŽle est une situation stressante, nous savons tous qu’il peut ĂȘtre trĂšs difficile pour bien des personnes de rester « calme Â», « coopĂ©ratif Â» et de continuer de s’exprimer « correctement Â» :

 

C’est Ă  dire, sans crier, sans s’énerver, sans s’agiter, sans regarder son interlocuteur ou ses interlocuteurs avec dĂ©dain ou colĂšre, ou avec peur, en employant des mots nuancĂ©s et des intonations diplomatiques voire harmoniques et mĂ©lodieuses dans la voix.

 

 

Parce-que je crois vraiment que dans ces deux ou trois situations de contrĂŽle que j’ai vĂ©cues, qu’il aurait suffi que je m’emporte pour qu’en face, de maniĂšre-rĂ©flexe ou conditionnĂ©e, un des reprĂ©sentants de l’ordre se sente Ă  son tour agressĂ©, pris Ă  la gorge, et se persuade trĂšs vite d’ĂȘtre en prĂ©sence d’un Ă©niĂšme individu rĂ©calcitrant.

 

A partir de lĂ , une rĂ©action en chaine s’enclenche, et, moi, l’innocent, j’aurais trĂšs bien pu me retrouver avec une clĂ© de bras dans le dos, plaquĂ© contre un mur, sommĂ© de vider mes poches devant tout le monde, comme il m’a dĂ©jĂ  pu m’arriver de le voir pratiquĂ© en prenant les transports en commun. Transports en commun, le train et le mĂ©tro en particulier, qu’en tant que banlieusard, je prends rĂ©guliĂšrement depuis mon adolescence.

 

Cette expĂ©rience-lĂ , ce vĂ©cu-lĂ , cette quasi-certitude que cela peut ou pourrait « partir en couille Â» face Ă  la police lors d’un simple contrĂŽle, je crois qu’en France, aujourd’hui en 2020, si l’on est un homme arabe ou noir qui a grandi en France, dans un environnement rĂ©guliĂšrement quadrillĂ© par les forces de l’ordre, on les a ou on les assimile Ă  partir de notre adolescence. Et le verbe « assimiler Â» a sa place ici dans toute son ambiguĂŻtĂ©.

 

 

Je ne suis pas anti-flic. Je ne me sens pas anti-flic. Je considĂšre mĂȘme que bien des flics ont Ă  exĂ©cuter des ordres et des missions que leur impose leur hiĂ©rarchie du supĂ©rieur direct au MinistĂšre de l’IntĂ©rieur.

 

 

Mais je m’estimerais trĂšs naĂŻf si, en tant qu’homme noir, en France, je me considĂ©rais toujours l’exact Ă©gal du citoyen blanc ou de la citoyenne blanche lambda en cas de contrĂŽle de police. J’ai quand mĂȘme Ă©tĂ© interpellĂ© un jour Ă  la gare de Sartrouville par une femme-flic qui faisait manifestement ses preuves devant ses collĂšgues masculins (la BAC du coin ?) afin de savoir si je portais sur moi du cannabis ! Selon quels critĂšres ?!

 

La gare Ă©tait pratiquement dĂ©serte et je me rendais Ă  mon travail ce jour-lĂ . J’étais dĂ©jĂ  soignant et faisais dĂ©jĂ  partie «  des hĂ©ros de la Nation Â».

Avec son air bonhomme, la femme flic s’est adressĂ©e Ă  moi avec un aplomb comme si, d’emblĂ©e, j’étais suspect. Je n’avais sur moi ni cigarette, ni joint. J’étais un simple passager qui venait de sortir de son RER ou de son train et qui allait Ă  son travail. J’avais mon titre de transport comme tous les jours. J’ai eu droit Ă  un contrĂŽle d’identitĂ©. Et Ă  un mini-interrogatoire sous le regard de ses collĂšgues masculins postĂ©s derriĂšre elle.

J’ai d’abord rĂ©pondu poliment. Puis, son interrogatoire se faisant insistant et intimidant

(elle me faisait comprendre que si j’avais du shit sur moi, ça allait mal se passer pour moi), j’ai commencĂ© Ă  rĂ©pondre calmement. Et ironiquement. Parce-que ça commençait Ă  m’agacer. Et, lĂ , coup de baguette magique, sans me fouiller, d’un signe de la tĂȘte, elle m’a fait comprendre que je pouvais y aller ( ou dĂ©gager, c’est selon la sensibilitĂ© de chacun). Cette expĂ©rience apparaitra peut-ĂȘtre anodine pour certaines personnes. Mais pas pour d’autres. Et je ne suis pas sĂ»r que d’autres personnes, Ă  ma place, seraient restĂ©es aussi calmes que moi. Et, oui, je considĂšre avoir eu de la chance ce jour-lĂ  car mon ironie, venue de mon agacement comprĂ©hensible, aurait pu se retourner contre moi.

 

 

 

Pour ces quelques raisons et ces quelques exemples, mĂȘme si, oui, je pense que les deux situations Georges Floyd/Adama TraorĂ© sont diffĂ©rentes et que ça me dĂ©range aussi beaucoup de savoir que, de son vivant, Adama TraorĂ© pratiquait «  l’extorsion sur des personnes vulnĂ©rables Â», ce qui est l’autre mot pour dire « racket Â», je me sens plutĂŽt concernĂ© en tant qu’homme noir, par les violences qui ont tuĂ© ces deux hommes.

 

Et, encore plus, en Ă©coutant certains des propos tenus sur Cnews pendant une de mes sĂ©ances de kinĂ©. Cela s’est passĂ© aprĂšs la fresque de Stains montrant Georges Floyd et Adama TraorĂ© cĂŽte Ă  cĂŽte. Je comprends que l’on puisse parler d’amalgame, de rĂ©cupĂ©ration en mettant Georges Floyd et Adama TraorĂ© ensemble au vu du casier judiciaire diffĂ©rent des deux hommes et aussi de la façon dont « l’interpellation Â» s’est passĂ©e :

 

D’un cĂŽtĂ©, avec Georges Floyd, images Ă  l’appui, sauf nouvelle information qui changerait la donne, on a l’acharnement d’un policier, fier de lui, et dĂ©jĂ  connu pour faits de violence. Un policier peut-ĂȘtre maintenu dans ses fonctions par sa hiĂ©rarchie car estimĂ© « efficace Â» ou pratique et disponible lors de certaines situations sensibles. Ce que l’on retrouve dĂ©jĂ  «  un peu Â» en France oĂč, depuis plusieurs mois, le gouvernement Macron-Philippe sait qu’il doit rester en bons termes avec la police afin de pouvoir compter sur elle pour faire le sale travail de rĂ©pression lors de certaines manifestations sociales du type gilets jaunes ou autres. Et je l’écris avec respect pour la police.

 

De l’autre, avec Adama TraorĂ©, on n’a pas les images de sa mort en direct aprĂšs son interpellation et les diffĂ©rentes autopsies se contredisent.

 

Mais qu’il y’ait amalgame, rĂ©cupĂ©ration ou non en accolant Georges Floyd et Adama TraorĂ© dans cette fresque Ă  Stains, il me semble que « l’expĂ©rience Â» du spectacle d’une certaine justice montre au citoyen lambda qu’attendre docilement et patiemment que la Justice se fasse correctement peut ĂȘtre une erreur stratĂ©gique :

 

Les affaires du MĂ©diator ou des prothĂšses PIP du Roundup de Monsanto ou, plus « simplement Â», la façon dont certaines professions (soignantes et autres) pourtant nĂ©cessaires se font balader par les diffĂ©rents gouvernements contraignent le citoyen lambda Ă  comprendre qu’ĂȘtre victime et « seulement Â» manifester civilement ou porter plainte peut ĂȘtre insuffisant pour obtenir rĂ©paration ou justice.

 

Il faut aussi rĂ©aliser des coups mĂ©diatiques. Faire le buzz. Il faut des catastrophes ou des Ă©pidĂ©mies. Il faut faire peur. Il faut se faire respecter comme force de nuisance par les autoritĂ©s officielles. Puisque mĂȘme des personnes coupables, dĂšs qu’elles en ont les moyens au moins financiers, savent choisir les bons avocats qui trouveront les astuces, les bons ressorts, les erreurs, les failles ou les fautes de procĂ©dures, afin de retarder le jugement, le casser ou l’éviter.

 

 

Donc, je vois cette fresque Ă  Stains comme un moyen d’essayer d’obtenir que la Justice française, si elle a Ă©tĂ© mal influencĂ©e, de bien ou de mieux faire son travail dans l’affaire TraorĂ©. D’autant que sur le plateau de CNews, la fresque rĂ©alisĂ©e par certains propos a Ă©tĂ© plutĂŽt palpitante :

 

Elle, il y a encore quelques semaines, je ne la connaissais pas. Elle regrette et combat la perte des hautes valeurs qui ont fait la France. Pourtant, ses succĂšs personnels et mĂ©diatiques proviennent peut-ĂȘtre aussi du fait de cette « perte Â» des hautes valeurs qu’elle regrette tant.

Elle ne le dira pas car elle fait partie des premiers de la classe, qui plus est sur un plateau de tĂ©lĂ©. Mais elle croit Ă  la supĂ©rioritĂ© des races. Ce n’est pas de sa faute. La destinĂ©e est ainsi et le souligner, c’est Ă©videmment ĂȘtre aigri.

Bien-sĂ»r, les personnes qu’elle dĂ©signe comme l’ennemi sont souvent parmi celles qui refusent de la servir, elle, moralement si irrĂ©prochable.

PlutĂŽt belle femme – et elle le sait- elle se sert de son minois devant le « journaliste Â» qui pilote le journal comme le propriĂ©taire d’un ballon de foot qui veut bien jouer avec les autres Ă  condition que ce soit lui qui marque le plus de buts.

 

Elle, elle n’est pas comme ça. Assez souvent, elle se tait. Elle entend ĂȘtre plus sage que certains des chroniqueurs et des intervenants plus ĂągĂ©s qu’elle compte bien ringardiser. Sa pensĂ©e est ouverte lĂ  oĂč elle regarde vu que son Ɠil est toujours juste et que sa langue tinte bien. Pourtant, malgrĂ© sa parole qui lui donne l’allure d’un sac Ă  main de luxe, elle dit aussi des ordures :

 

Quand elle rĂ©cite et affirme que la plupart des Ă©tranglements rĂ©alisĂ©s par la police sont  «  la violence lĂ©gitime et nĂ©cessaire de l’Etat Â» et qu’ils  se dĂ©roulent «  en gĂ©nĂ©ral, sans problĂšme Â», on aimerait qu’elle nous raconte ses expĂ©riences d’étranglement que l’on devine nombreuses. Non par voyeurisme : mais afin qu’elle nous rassure quant aux effets d’une telle expĂ©rience lorsque l’on est innocent et qu’une interpellation a mal tournĂ©. Mais, bien-sĂ»r, elle n’est pas responsable des circonstances comme des situations qui crĂ©ent le recours Ă  cette pratique.

Lors de sa rencontre avec Bachar El-Assad en Syrie, elle aurait trouvĂ© celui-ci « doux Â». C’est peut-ĂȘtre une fausse information. Autrement, cela pourrait expliquer sa vision tranquillisante de l’étranglement d’un citoyen par des forces de l’ordre.

 

 

Un intervenant prĂ©sent ce jour-lĂ  Ă  cĂŽtĂ© d’elle, politologue, semble dĂ©guster un tiramisu en dĂ©clarant que le parti socialiste n’existe plus dĂ©sormais. Peut-ĂȘtre que tout son bonheur Ă  ĂȘtre sur ce plateau est condensĂ© dans cette phrase. Pouvoir enfin la dire librement et Ă  visage dĂ©couvert sans avoir Ă  se retourner. Cela respire presque l’enfant qui a longtemps Ă©tĂ© battu par un parent socialiste. Et, fin gourmet, il explique que c’est  pour sauver le trĂšs peu qui lui reste que le parti socialiste s’accroche Ă  la cause de l’antiracisme du cĂŽtĂ© d’Assa TraorĂ©, la sƓur d’Adama TraorĂ©.

Sa joie lui donne raison d’autant que si le parti socialiste, aujourd’hui, est inexistant, c’est peut-ĂȘtre pour beaucoup parce-que son « tonton Â» et son premier PrĂ©sident, François Mitterrand, a su verser dans sa famille politique, durant quatorze ans de 1981 Ă  1995, le poison suffisant afin qu’aucun de ses neveux ou niĂšces en politique ne puisse ĂȘtre en mesure de lui succĂ©der et de le dĂ©passer par la suite. Mais, de cela, le politologue, la bouche pleine de tiramisu, n’en parle pas. Ni personne d’ailleurs sur ce plateau de tĂ©lĂ©. 1995, c’était il y a 25 ans. C’est dĂ©jĂ  loin. Et peut-ĂȘtre que, dĂ©sormais, aussi, lorsque l’on est ou que l’on a Ă©tĂ© socialiste et que l’on repense Ă  cette pĂ©riode, que l’on se sent nostalgique ou honteux. Honteux d’y avoir cru.

 

TrĂšs en confiance, le politologue affirme que, dans les citĂ©s, les gens en « ont marre Â» des actions d’Assa TraorĂ©. J’ai sĂ»rement de grands prĂ©jugĂ©s mais il m’est difficile de l’imaginer faisant le tour des citĂ©s et s’entendant dire qu’Assa TraorĂ© en fait trop. Personne ne le conteste ou ne met en doute ses propos sur le plateau de tĂ©lĂ©.

 

NĂ©anmoins, «  Les Bretons et les Provençaux n’ont pas la mĂȘme tĂȘte Â» professe nĂ©anmoins le politologue pour expliquer que la France s’est faite en unifiant des personnes trĂšs diffĂ©rentes. Et donc qu’il est possible d’intĂ©grer des personnes de tous horizons. La France, selon-lui, est d’ailleurs un des pays les plus diversifiĂ©s au monde et donc en aucun cas, raciste. Mais que cela implique de se rejoindre autour d’une identitĂ© nationale commune.

Le journaliste qui « anime Â» le dĂ©bat abonde dans son sens et cite, rĂ©fĂ©rence sans doute Ă  son passĂ© de journaliste sportif
. Aldo Platini. On revient donc en France au dĂ©but des annĂ©es 80 Ă  l’époque de la premiĂšre Ă©lection de François Mitterrand. La France qui ferait particuliĂšrement vibrer notre « animateur Â» serait-elle celle des annĂ©es 80 ?

Toujours est-il qu’il nous parle d’Aldo Platini qui  avait prĂ©nommĂ© son fils, futur grand footballeur
Michel. Avec interdiction «  de parler Ă  la maison la langue d’origine Â». NĂ©anmoins, prĂ©cise tout de suite « notre Â» journaliste, « â€Šil ne s’agit pas de refouler les origines
. Â».

Mais elles ont peut-ĂȘtre Ă©tĂ© un peu trop refoulĂ©es, ces origines, pour que « Michel Â», quitte la France et termine- brillamment- sa carriĂšre de footeux Ă  la Juventus de Turin, un club de Foot italien
.

 

Est critiquĂ© aussi, au cours du dĂ©bat, cette trop grande fascination des jeunes pour « Nos bons Maitres amĂ©ricains Â». La sĂ©mantique « Bons Maitres Â» est amusante et retournĂ©e :

 

Les Français se rĂ©voltent contre leurs Maitres amĂ©ricains. Mais s’agit-il du Français franchouillard ? Gaullien ? De celui de l’ancien empire colonial français qui Ă©tait alors plus puissant que les Etats-Unis avant son indĂ©pendance ?

Ou des jeunes français noirs, et autres, qui, pour s’émanciper, se choisissent d’autres modĂšles culturels, idĂ©ologiques et politiques aux Etats-Unis ?

Tout cela est flou, messieurs et madame qui débattez et savez mieux penser et mieux parler que nous qui vous regardons et vous écoutons.

 

On perçoit en tout cas un aveu d’impuissance et une rancƓur envers les Etats-Unis qui sont plus forts que « nous Â», « nous Â» qui Ă©tions si puissants avant. Nous voudrions ĂȘtre des modĂšles pour cette jeunesse qui nous dĂ©fie et nous embarrasse et nous n’y arrivons pas. Alors, que les Etats-Unis, eux, ils ont la cote auprĂšs de bien des jeunes. Mais quels modĂšles proposez-vous ? Des modĂšles comme ceux  des dĂ©bats que vous avez et imposez sur Cnews ? Ou un des intervenants, satisfait de lui, affirme que les personnes prĂ©sentes Ă  la marche en mĂ©moire d’Adama TraorĂ© sont surtout ou principalement des « bobos blancs Â» et plutĂŽt socialistes ?

 

Je crois ĂȘtre moins fascinĂ© que je ne l’étais par les Etats-Unis lorsque j’étais adolescent. Mon sĂ©jour Ă  New-York m’a sĂ»rement moyennement plu parce-que je l’ai effectuĂ© en 2011 et que je m’étais davantage ouvert au monde et Ă  la pensĂ©e entre-temps. Pourtant, sans ĂȘtre un idolĂątre des Etats-Unis, on est obligĂ© de constater que ceux-ci sont encore la PremiĂšre Puissance Mondiale dans certains domaines :

 

Une Ă©mission animĂ©e par Billy Crystal ou Jimmy Fallon a beaucoup plus de classe qu’une Ă©mission animĂ©e par Thierry Ardisson, Laurent Ruquier ou Cyril Hanouna.

 

 

Plusieurs des dĂ©batteurs- dont le journaliste « maitre des lieux Â» finissent pas conclure d’un commun accord, qu’il faudrait traiter par l’indiffĂ©rence tous ces reprĂ©sentants noirs, en France, qui tiennent des propos racialistes Ă  propos des Blancs. Cela apparaĂźt le meilleur moyen afin de donner moins d’ampleur mĂ©diatique Ă  tous ces propos extrĂ©mistes et haineux et la meilleure façon d’y rĂ©pondre. Par contre, Ă©couter Eric Zemmour et converser avec lui semble Ă©clairant et nullement racialisant.

 

 

Mais « il faudrait quand mĂȘme retirer cette fresque Ă  Stains Â», dit le journaliste-« propriĂ©taire Â» du dĂ©bat sur Cnews. Mais comment faire, demande-t’il ?!

 

La rĂ©ponse est pourtant Ă©vidente : Lui et plusieurs de ses invitĂ©s qui savent tout, qui gagnent bien plus que nous, grĂące Ă  la pub, grĂące Ă  la tĂ©lĂ©, grĂące Ă  leur renommĂ©e, n’ont qu’à faire comme la plupart des gens. Prendre un seau, de l’eau bouillante, un peu de bicarbonate, quelques Ă©ponges,  se dĂ©placer et aller faire le mĂ©nage. Et s’ils pouvaient aussi faire un peu le mĂ©nage dans leur tĂȘte (mais comment ?) ce serait bien, aussi.

 

A la fin, notre journaliste-dĂ©batteur, se confie :

 

« Je vais vous dire, modestement, ce qui me choque. Je n’ai rien contre Rosa Parks mais pourquoi on n’appelle pas certains endroits (ou stades) Jean de La Fontaine ? Â».

 

 

PrĂšs de moi, le kinĂ© qui, lors d’une sĂ©ance prĂ©cĂ©dente m’avait demandĂ©, si, en tant que noir, je m’étais dĂ©jĂ  senti dĂ©favorisĂ© devant la police, en France, rĂ©flĂ©chit Ă  voix haute en passant :

 

«  Rosa Parks
.c’est pas une histoire de bus, de racisme ? Je me souviens plus
. Â».

 

 

 

Franck Unimon, lundi 29 juin 2020.

 

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Self-défense

Photo prise Ă  Paris, lors du dernier week-end de Mai 2020.

 

 

                                                                   Self-DĂ©fense

 

 Â« Je vous attendais Â».

 

 

MĂȘme s’il s’est mis Ă  pleuvoir abondamment hier soir, depuis plusieurs jours, les gens sont globalement plutĂŽt heureux de pouvoir sortir Ă  nouveau de chez eux. Ça se voit. Je le vois en partant au travail ou en sortant de chez moi. J’aperçois des couples trĂšs amoureux. Je m’attends Ă  ce qu’un certain nombre d’eux, rapidement, s’incitent Ă  arrĂȘter d’ĂȘtre deux. D’autres fois,  dans certains quartiers comme rĂ©cemment du cĂŽtĂ© de Denfert Rochereau, avec mon masque sur le visage, j’ai l’impression d’ĂȘtre un spĂ©cimen ou un attardĂ©. 

 

La deuxiĂšme vague du Covid-19 ne s’est pas faite sentir. Beaucoup de personnes en concluent que l’épidĂ©mie a disparu. Il a fait beau depuis pratiquement trois mois – mĂȘme si les tempĂ©ratures avaient pu ĂȘtre fraiches le matin en mars- et beaucoup de personnes en avaient assez d’ĂȘtre confinĂ©es depuis mi-mars. En plus, le gouvernement a dĂ©cidĂ© du dĂ©confinement le 11 Mai (et non le 12 comme je l’ai Ă©crit dans mon prĂ©cĂ©dent article Avec ou sans masques ). Et, depuis deux ou trois jours (le 2 juin, je crois) la limitation de dĂ©placement des 100 kilomĂštres a cessĂ© d’exister. Un certain nombre de personnes sont donc parties prendre l’air en province. Sur Facebook, rĂ©seau social bien connu par les plus de vingts ans et les vieux (sourire), j’ai ainsi pu voir des photos de connaissances parties s’aĂ©rer du cĂŽtĂ© de Paimpaul en Bretagne ou en Normandie, Ă  chaque fois prĂšs de la mer.

 Enfin, hier soir, en retournant au travail, j’ai revu pour la premiĂšre fois depuis trois mois des personnes installĂ©es en terrasse d’un cafĂ© ou d’une brasserie. Il y avait du monde. 

 

Photo prise Ă  Paris en allant au travail, lors du dernier week-end de Mai 2020.

 

 

La pandĂ©mie du covid-19 a simplifiĂ© mon agenda. Je me suis trĂšs bien passĂ© de certaines activitĂ©s que j’ai du plaisir Ă  faire : mĂ©diathĂšque, cinĂ©ma, pratique de l’apnĂ©e en club, librairies, achats de blu-ray, magasins de loisirs, etc
autant de dĂ©placements que j’ai arrĂȘtĂ© de pratiquer. LĂ  oĂč avant la pandĂ©mie, je me dĂ©multipliais voire me dispersais, pendant la pandĂ©mie, je me suis facilement limitĂ© Ă  continuer d’aller au travail, continuer de prendre des photos, continuer d’écrire, ĂȘtre davantage avec ma fille, continuer mes Ă©tirements, ĂȘtre davantage avec ma compagne, contacter certaines personnes.

 

Par contre, pendant plusieurs semaines,  j’ai fait plus de vĂ©lo pour me rendre au travail. Je suis parti bien plus tĂŽt de chez moi pour m’y rendre d’une maniĂšre gĂ©nĂ©rale. J’ai changĂ© mon itinĂ©raire pour me rendre au travail et ma façon de m’y rendre :

 

Avant la pandĂ©mie, je m’y rendais principalement en train et mĂ©tro en partant de chez moi 45 ou 50 minutes plus tĂŽt. Durant la pandĂ©mie, avec la raretĂ© des trains,  j’y suis plusieurs fois allĂ© Ă  vĂ©lo, et, surtout, aprĂšs avoir pris le train, j’ai beaucoup pris le bus. En partant de chez moi 90 minutes plus tĂŽt. Et, j’ai marchĂ© aussi. J’ai continuĂ© de marcher. Je marchais dĂ©jĂ  avant la pandĂ©mie mais moins pour me rendre au travail. Depuis deux Ă  trois semaines, sans doute depuis le 11 Mai, je me suis relĂąchĂ©. Je pars maintenant plus tard de chez moi : comme avant les mesures de confinement. Mais je continue de prendre le bus le plus possible, une fois arrivĂ© Ă  St Lazare.

 

On voit beaucoup mieux ce qui nous entoure en prenant le bus, je trouve. Et la pandĂ©mie m’a poussĂ© Ă  ça:

Beaucoup regarder autour de moi. Pas uniquement par inquiĂ©tude. Mais aussi par curiositĂ©. Cette curiositĂ© que j’avais perdue par habitude et aussi en m’immergeant dans le mĂ©tro et dans la foule qui sont souvent les cendriers de nos regards.

 

Avant la pandĂ©mie, j’avais commencĂ© Ă  lire La DerniĂšre Ă©treinte de l’éthologue Franz de Waal. Un trĂšs bon livre, trĂšs agrĂ©able, empruntĂ© Ă  la mĂ©diathĂšque de ma ville et que j’ai toujours.

Avec la pandĂ©mie, j’ai perdu ma lecture. BercĂ© par l’étreinte de la pandĂ©mie, je n’ai pas pu remettre ma tĂȘte Ă  cette lecture mĂȘme si je sais en thĂ©orie que son contenu aurait trĂšs bien servi Ă  dĂ©crypter ce que nous avons vĂ©cu et continuons de vivre depuis la pandĂ©mie.

Par contre, j’ai lu beaucoup plus de journaux que d’habitude durant la pandĂ©mie. Cela a Ă©tĂ© instinctif. Une mesure d’autoprotection personnelle : Ă  l’anxiĂ©tĂ© gĂ©nĂ©rale relayĂ©e par la tĂ©lĂ©, les rĂ©seaux sociaux, les collĂšgues, les amis et les proches, j’ai assez vite prĂ©fĂ©rĂ© le Savoir du papier, la diversitĂ© des journaux et des langues ainsi que l’expĂ©rience physique du dĂ©placement jusqu’au point presse. J’ai eu de la chance :

Il y a un point presse prĂšs de mon travail qui est restĂ© ouvert pendant toute la pandĂ©mie et, cela, dĂšs 7h30 jusqu’à 20h.

 

Lorsque l’on parle de self-dĂ©fense, on s’arrĂȘte souvent Ă  la dĂ©finition standard : on pense d’abord au fait d’apprendre Ă  se dĂ©fendre physiquement d’une attaque menĂ©e par un ou plusieurs agresseurs.

Il y a quelques jours, une nuit, sur un rĂ©seau social que tout le monde connaĂźt et sur lequel beaucoup de monde exprime ses Ă©tats d’ñmes et ses certitudes, moi y compris, une copine a postĂ© une vidĂ©o d’un cours de self-dĂ©fense. Cela m’a Ă©tonnĂ© venant de cette copine que je connais comme Ă©tant une trĂšs grande intellectuelle et qui Ă©tait assez peu portĂ©e, officiellement, sur ce genre de discipline la derniĂšre fois que nous nous Ă©tions rencontrĂ©s. C’était il y a plusieurs annĂ©es.

 

J’ai regardĂ© la vidĂ©o d’autant que la self-dĂ©fense, les sports de combats et les arts martiaux font aussi partie, depuis des annĂ©es, de mes centres d’intĂ©rĂȘt.

Dans un gymnase, un instructeur aguerri que j’ai dĂ©couvert, faisait ses dĂ©monstrations devant ses «élĂšves Â». La cinquantaine rugissante, en Jeans, tee-shirt et baskets, il en imposait Ă  ses trente ou quarante Ă©lĂšves. Et chacun de ses partenaires se retrouvait Ă©videmment au sol, immobilisĂ© ou contrĂ©, au moyen d’une clĂ© ou d’une soumission, d’une percussion. Ça ne traĂźnait pas. Collant le plus possible Ă  des situations rĂ©elles, son but Ă©tait Ă  l’évidence de pouvoir proposer Ă  ses Ă©lĂšves ou Ă  ses stagiaires des mĂ©thodes efficaces, rapides Ă  assimiler et Ă  reproduire, avec un minimum d’entraĂźnement.

Si je devais comparer son enseignement Ă  la façon dont nous essayons de soigner en santĂ© mentale, je dirais que son enseignement Ă©tait plus proche de la thĂ©rapie brĂšve et comportementale que de la psychanalyse. Avec la self-dĂ©fense, on est dans l’urgence, le comportementalisme, dans l’efficacitĂ© et dans l’action. Et non dans la masturbation intellectuelle et dans le bla-bla. Je peux d’autant plus l’écrire que je suis trĂšs attachĂ© Ă  la psychanalyse.

Si je devais comparer son enseignement Ă  la façon dont on apprend le jeu d’acteur, je dirais qu’il Ă©tait plus proche de ce que je comprends de l’actor’s studio et de toute formation oĂč l’on engage le corps et oĂč on lui fait acquĂ©rir- ou dĂ©sinhiber- des rĂ©flexes dont l’ĂȘtre humain, en tant qu’ĂȘtre animal, est dotĂ© en principe s’il veut pouvoir survivre et se dĂ©fendre. A moins d’avoir Ă©tĂ© « castrĂ© Â», tellement dĂ©truit et humiliĂ©, qu’il n’a plus la moindre force, volontĂ© ou aspiration Ă  se rĂ©volter. Ou Ă  moins de tout intellectualiser en permanence et de tout miser, en tant qu’acteur, sur la diction d’un texte.

 

La particularitĂ© de toutes ces dĂ©monstrations de self-dĂ©fense, de sports de combats ou d’arts martiaux auxquelles nous assistons en direct ou via une vidĂ©o, c’est qu’elles tournent souvent Ă  l’avantage de l’instructeur. Et ça donne envie. Ou ça suscite l’admiration. On se dit :

« J’aimerais bien apprendre ce qu’il enseigne pour pouvoir me dĂ©fendre en cas de besoin ou pour pouvoir dĂ©fendre celles et ceux Ă  qui je tiens Â».

 

De son cĂŽtĂ©, l’instructeur se doit d’ĂȘtre convaincant lors de ses dĂ©monstrations. Pas uniquement d’un point de vue technique. Mais aussi de par son attitude, son rĂ©alisme, et, voire, par son Ă©thique. Et l’instructeur en question mettait tant de conviction devant ses Ă©lĂšves, si volontaires et si inexpĂ©rimentĂ©s de toute Ă©vidence d’un point de vue pugilistique, que cela donnait l’impression qu’il passait vraisemblablement sa vie Ă  penser combat, self-dĂ©fense, combat, self-dĂ©fense. Cela en devenait un peu comique. Mieux vaut rire que mourir.

Mais attention : je ne critique pas. J’ai appris qu’il valait mieux  ĂȘtre Ă  mĂȘme de savoir se dĂ©fendre en certaines circonstances plutĂŽt que de compter sur des amabilitĂ©s et sur la chance. Sauf qu’il faut savoir quand se dĂ©fendre, comment, contre qui, dans quelles proportions et oĂč. Et Avoir aussi, une conscience. De soi, de nos actes, des autres, de notre environnement. 

 

En regardant cette vidĂ©o de « stage Â», j’avais l’impression que l’instructeur s’entraĂźnait et se prĂ©parait depuis des annĂ©es au combat :

La majoritĂ© des instructeurs, profs, enseignants et maitres de combats, de self-dĂ©fense et d’arts martiaux  parmi les plus connus et reconnus, Ă  ce que j’ai constatĂ©, sont gĂ©nĂ©ralement des pratiquants trĂšs expĂ©rimentĂ©s depuis dix, vingt annĂ©es ou davantage dans plusieurs disciplines de dĂ©fense et d’auto-dĂ©fense.  

 

Et, l’instructeur de la vidĂ©o  donnait l’impression que c’était comme s’il n’attendait que ça parce qu’au fond, sans combat,  il s’ennuyait :

C’était donc comme s’il attendait tous les jours que quelqu’un, enfin, vienne le « chercher Â» Ă  la sortie de son travail, dans son sommeil, dans un magasin de vĂ©lo ou sur la route pour l’agresser. Et j’avais aussi l’impression que la majoritĂ© des stagiaires, en le voyant aussi affĂ»tĂ© et percutant, n’avait qu’une envie (et moi aussi) en dĂ©couvrant la somme de travail et de vĂ©cu Ă  engranger pour lui ressembler :

 

Devenir son ami ou l’avoir comme ami dans la vie ou sur Facebook afin, qu’en cas de besoin, il vienne nous dĂ©fendre rapidement.

 

 

 

En matiĂšre de self-dĂ©fense, je me demande ce qui a manquĂ© Ă  Georges Floyd aux Etats-Unis ou Ă  Adama TraorĂ© et Ă  tous les autres, arabes, asiatiques, femmes, enfants, personnes ĂągĂ©es, citoyens lambdas, homosexuels, trans, juifs, armĂ©niens, les AmĂ©rindiens, les pauvres etc lorsqu’ils rencontrent leur prĂ©dateur.

 

 

Je parle du noir amĂ©ricain Georges Floyd et du Français Adama TraorĂ© car ils font dĂ©sormais partie de l’actualitĂ© funĂšbre maintenant que l’on n’a plus peur du Covid-19. Mais je crois qu’il faut aussi penser Ă  bien d’autre victimes et c’est pour ça que j’ai ajoutĂ© ces autres « catĂ©gories Â» de personnes qui font souvent partie des victimes que ce soit dans une dictature ou dans une dĂ©mocratie.

 

 

Dans le monde animal, la biche ou le cerf ne se fait pas toujours attraper par son prĂ©dateur. Mais il est quand mĂȘme un certain nombre de proies et de gibiers qui se font dĂ©vorer. Georges Floyd et Adama TraorĂ© font dĂ©sormais partie de ces victimes qui se sont faites « dĂ©vorer ».

 

J’ai ressenti une grande lassitude en apprenant « l’histoire Â» de Georges Floyd. Comment elle s’est terminĂ©e aprĂšs celle d’Adama TraorĂ© il y a quatre ans. Ce sentiment de lassitude m’a interrogĂ©. Je me suis demandĂ© si j’étais devenu indiffĂ©rent.  Plus jeune, j’aurais Ă©tĂ© en colĂšre.

 

 

Je me suis demandé si je me sentais au dessus de ce qui leur était arrivé ou si je les rendais responsables de leur propre mort.

 

 

Je ne crois pas ĂȘtre indiffĂ©rent Ă  leur mort.

 

Parce qu’avant Georges Floyd et Adama TraorĂ©, pour moi, lorsque j’avais 17 ans, il y avait eu le noir amĂ©ricain Georges Jackson et les frĂšres de Soledad. Ainsi que, bien-sĂ»r, le souvenir de Martin Luther King, Malcolm X, les Black Panthers. Plusieurs de mes modĂšles pour mon adolescence. Un groupe de Reggae comme Steel Pulse a composĂ© un titre en mĂ©moire de Georges Jackson. Le Reggae peut ĂȘtre perçu comme une musique juste festive pour l’étĂ© ou pour s’amuser alors que c’est une musique trĂšs militante.

 

Parmi mes modÚles, adolescent, il y avait aussi eu Nelson Mandela. Et Steve Biko dont on parle beaucoup moins que Mandela et qui a, lui, été vraisemblablement assassiné lors de son emprisonnement:

Officiellement, Steve Biko aurait glissé en prenant une douche. Le groupe Steel Pulse mais aussi Peter Gabriel ont composé une chanson en son hommage.

 

Je me suis demandĂ© pour quelle raison Biko avait Ă©tĂ© oubliĂ© et pour quelle raison, lui, contrairement Ă  Mandela, n’avait pas survĂ©cu Ă  son emprisonnement. Jusqu’à ce que j’apprenne, trĂšs rĂ©cemment, que Steve Biko Ă©tait bien plus critique que Nelson Mandela envers l’Apartheid. Qu’il Ă©tait mĂȘme critique envers l’ANC de Mandela. Et qu’il Ă©tait aussi, plus isolĂ©, mĂ©diatiquement, que Mandela.

 

Bien-sĂ»r, adolescent, parmi mes modĂšles, il y avait aussi eu au moins les auteurs noirs amĂ©ricains : Richard Wright, Chester Himes, James Baldwin. Tous parlaient du racisme anti-noir aux Etats-Unis d’une façon ou d’une autre. Je connaissais aussi l’histoire du boxeur Cassius Clay, devenu Muhammad Ali. Mon pĂšre avait un livre sur lui dans le salon de notre appartement HLM. Je l’avais lu plus jeune comme cette prĂ©face qui parlait du noir John Henry qui, avec ses deux masses, avait Ă©tĂ© plus fort que la machine du blanc pour creuser un trou dans la terre. Et qui, aprĂšs avoir remportĂ© son pari, Ă©tait rentrĂ© chez lui, s’Ă©tait douchĂ©, avait fait sa priĂšre, s’Ă©tait couchĂ© pour ne plus se relever. 

Je connaissais aussi l’histoire des Jeux olympiques de Mexico en 1968. Le poing noir levĂ© des athlĂštes noirs amĂ©ricains sur le podium : Lee Evans, Ron Freeman, John Carlos. Je connaissais aussi d’autres histoires Ă©galement plus vieilles que moi d’athlĂštes que je n’avais jamais vu Ă  la tĂ©lĂ© ( Zatopek, Wladimir Kuts, Peter Snell, Lasse Viren, Herb Elliot…). Je les avais lues dans les magazines de sport de mon pĂšre. 

 

Et j’avais entendu parler de l’esclavage bien plus tĂŽt (avant mes dix ans) : mon pĂšre m’avait racontĂ©. Et, pour lui, le Blanc de France, Ă©tait « l’ennemi ».

Mon pĂšre ne m’a pas parlĂ© de la NĂ©gritude. Adolescent, j’avais entendu parler de la NĂ©gritude, de CĂ©saire, Senghor et de Gontran Damas peut-ĂȘtre Ă  la bibliothĂšque de Nanterre, endroit sacrĂ© que notre instituteur de CE2, Mr Pambrun, un jour, nous avait fait dĂ©couvrir en nous y emmenant Ă  pied depuis notre Ă©cole publique, l’Ă©cole Robespierre.  

 

La diffĂ©rence entre un Martin Luther King, un Malcolm X, certains meneurs des Black Panthers, un George Jackson, un Georges Floyd, un Adama TraorĂ© et un Nelson Mandela qui meurt libre, et en symbole de Paix international,  tient peut-ĂȘtre aussi dans ces deux mots :

 

Self-défense.

 

Nelson Mandela ne pratiquait pas, je crois, de sport de combat. Je ne crois pas non plus qu’il portait d’arme sur lui. MĂȘme s’il a Ă©tĂ©, un temps, un adepte de la lutte armĂ©e.

Sans doute Nelson Mandela a-t’il eu la « chance Â» d’arriver au  bon moment  dans l’Histoire de l’Afrique du sud et dans l’histoire gĂ©opolitique internationale pour, finalement, aprĂšs une vingtaine d’annĂ©es d’emprisonnement, parvenir Ă  rester un interlocuteur incontournable. Ne pas oublier, aussi, l’engagement de son ex-femme, Winnie Mandela, et la menace qu’elle reprĂ©sentait pour le gouvernement sud-africain mĂȘme si, par la suite, certains faits ont Ă©tĂ© reprochĂ©s Ă  Winnie Mandela. Ne pas oublier non plus que Nelson Mandela Ă©tait entourĂ© de soutiens infaillibles (avocats, d’autres militants incarcĂ©rĂ©s comme lui, un soutien international…).

 

Mais la chance et le soutien médiatique et autre ne font pas tout. Mandela a su faire et a pu faire les bons choix stratégiques à certains moments.

Angela Davis, aussi, Ă  sa façon, lorsqu’elle avait Ă©tĂ© dĂ©clarĂ©e ennemie publique numĂ©ro un des Etats-Unis, a aussi Ă©tĂ© en mesure de pratiquer une self-dĂ©fense qui lui a sauvĂ© la vie. Et, cela est d’abord passĂ© par la fuite par exemple. Une fuite durant laquelle elle avait Ă©tĂ© bien entourĂ©e. Car il faut pouvoir Ă©chapper au FBI ou Ă  la CIA.  Angela Davis aussi avait Ă©tĂ© soutenue y compris de maniĂšre internationale.

 

 

Je me demande donc ce qui a manquĂ© Ă  Georges Floyd et Ă  Adama TraorĂ© en self-dĂ©fense pour survivre. Le mĂȘme genre de soutien qu’un Nelson Mandela ou qu’une Angela Davis ?

 

Pour Georges Floyd, il faut se rappeler que les Etats-Unis sont ce pays oĂč des millions d’AmĂ©rindiens ont Ă©tĂ© exterminĂ©s par les colons europĂ©ens afin de prendre la tĂȘte du pays. Et, il est mĂȘme possible que des noirs enrĂŽlĂ©s dans l’armĂ©e « amĂ©ricaine Â» aient participĂ© Ă  cette extermination contre la promesse par exemple de leur Ă©mancipation ou de leur naturalisation amĂ©ricaine. Lorsqu’un tel pays, les Etats-Unis, devient ensuite la premiĂšre puissance Mondiale et une rĂ©fĂ©rence culturelle mondiale, on peut s’attendre Ă  ce que certains de ses citoyens considĂšrent en 2020 pouvoir continuer de faire avec des noirs ce qui a pu ĂȘtre fait dans le passĂ© en toute impunitĂ© avec des millions d’AmĂ©rindiens mais aussi durant la pĂ©riode de l’esclavage. D’autant plus dans un pays oĂč dans certains Etats il est parfaitement lĂ©gal et normal d’acheter et de possĂ©der plusieurs armes lĂ©tales. 

Le journal  » Le New York Times » de ce jeudi 4 juin 2020.

Aujourd’hui, aux Etats-Unis, si les Noirs font partie des plus touchĂ©s par l’Ă©pidĂ©mie du Covid-19, certains territoires amĂ©rindiens, aussi…   

 

 

 

Pareil pour la France, ex grande Puissance coloniale, et pays encore trĂšs cĂŽtĂ© Ă  travers le monde :

Il doit bien y avoir, aussi, un certain nombre de personnes qui estiment que ce qui a pu ĂȘtre fait par la France « avant Â» dans les colonies peut se refaire aujourd’hui et demain.

 

En France, je refuse pourtant de raser les murs quand je sors. Bien-sĂ»r, si je sais qu’une rĂ©gion ou une zone est une menace pour les personnes de ma couleur de peau, je ferai attention ou essaierai de l’éviter. Et si je sais qu’une certaine attitude peut m’attirer des ennuis, je ferai en sorte de m’en dispenser. ( Lire l’article C’est Comportemental ! ) Mais ça n’est pas toujours possible.

 

Il y a une  forme de mathĂ©matique mortuaire qui veut que si une proie se trouve un certain nombre de fois en contact avec son prĂ©dateur ou son agresseur potentiel, le risque de pressions et d’agressions augmente. C’est donc, finalement, un choix ou une incompĂ©tence au moins politique de permettre ou d’augmenter ce nombre de contacts, cette promiscuitĂ©, entre « chiens et chats ». Et, certains, chiens comme chats, prĂ©fĂšrent mourir au combat plutĂŽt que de se laisser faire. Pendant ce temps-lĂ , les maitres et les maitresses des « chiens et des chats Â», eux, s’en battent les mains. Ils peuvent se permettre de partir en week-end au bord de la mer ou d’aller voir ailleurs et d’ĂȘtre informĂ©s- de temps en temps- par quelques observateurs ou intermĂ©diaires. Et d’intervenir et de faire de la communication lorsque ça peut faire du bien Ă  leur image et Ă  leur carriĂšre.

 

Par dĂ©couragement ou par lassitude, on se dit que l’Histoire des meurtres au moins racistes se rĂ©pĂšte.

 

Les rĂ©seaux sociaux ont beaucoup de travers : beaucoup de personnes qui s’y expriment y sont expertes sur Ă  peu prĂšs tout puisqu’il est facile et gratuit de s’y exprimer. Et on y livre quantitĂ© d’informations personnelles qui rĂ©galent des entreprises dĂ©jĂ  multimilliardaires (les GAFA et autres) ainsi que nos divers gouvernements qui, durant la pandĂ©mie, ont dĂ» faire le plein d’informations pour des dĂ©cennies concernant notre façon de rĂ©agir et d’inter-rĂ©agir en pĂ©riode de pandĂ©mie, d’inquiĂ©tude et de confinement. Je l’ai fait et le fais comme tout le monde. 

Mais les rĂ©seaux sociaux expriment aussi ce souhait, notre souhait idĂ©alisĂ© et rĂ©pĂ©tĂ©, de faire partie d’une communautĂ©. Sauf que, pour l’instant, ce souhait est souvent boiteux car nous avons beaucoup de mal Ă  nous Ă©couter et Ă  nous accepter. Nous prĂ©fĂ©rons encore trop trancher et dĂ©cider quand  les autres ont tort et qui a tort. Tandis que nous, nous estimons ĂȘtre du cĂŽtĂ© de la raison et de la luciditĂ©. Nous sommes donc encore un peu trop nombreux Ă  ĂȘtre des dictateurs au moins virtuels ou digitaux. Peut-ĂȘtre qu’avec le temps et certaines expĂ©riences, nous finirons par ĂȘtre un peu moins dictateurs et Ă  former un peu mieux cette communautĂ© vivante (humaine et non-humaine) que, trĂšs maladroitement et trĂšs brutalement, nous essayons de crĂ©er et vers laquelle nous tĂątonnons.

 

 

 

Je n’ai pas parlĂ© de ça hier matin, Ă  la jeune vendeuse du Relay  de la gare d’Argenteuil. J’étais venu acheter le dernier numĂ©ro du Canard EnchaĂźnĂ© lorsque j’ai vu que mĂȘme le Relay, maintenant, vendait des masques de self-dĂ©fense contre le covid-19. Un mois et demi plus tĂŽt, environ, cette jeune vendeuse, comme ses collĂšgues, travaillait sans aucune protection. Je m’en Ă©tais Ă©tonnĂ© sans insister. Comprenant que leur employeur Ă©tait responsable de cette nĂ©gligence, je m’étais abstenu de tout commentaire bruyant afin d’éviter de l’accabler davantage.

Deux ou trois semaines plus tard, la mĂȘme vendeuse, d’autoritĂ©, se pointait Ă  la sortie du Relay avec son flacon de gel hydro-alcoolique. C’était sa self-dĂ©fense sanitaire et elle Ă©tait dĂ©terminĂ©e Ă  sauver sa peau. Comme les autres clients prĂ©sents, je m’étais soumis Ă  la leçon du gel hydro-alcoolique mĂȘme si, Ă  mon avis, j’étais suffisamment renseignĂ© sur le sujet du fait de mon mĂ©tier de soignant en pĂ©dopsychiatrie (ce qu’elle ignore). Et puis, par expĂ©rience, je reproche au gel hydro-alcoolique d’abĂźmer les mains. Je lui prĂ©fĂšre donc le savon qui n’a pas attendu la fabrication  et la diffusion du gel hydro-alcoolique pour nous donner une hygiĂšne respectable.

 

Hier matin, non seulement le flacon de gel hydro-alcoolique Ă©tait  Ă  disposition de façon facultative devant l’entrĂ©e du Relay mais la jeune vendeuse, non-masquĂ©e, derriĂšre la protection plastifiĂ©e de sa caisse, dansait en reprenant les paroles d’un tube qui passait.

 

J’ai reconnu Aya Nakamura alors que la vendeuse rĂ©pĂ©tait :

 Â« Ah, je m’en tape ! Si tu veux qu’on le fasse!».

 

Quand je lui ai demandĂ© des renseignements concernant les masques rĂ©utilisables (2 pour 4, 40 euros. Une affaire ! ) elle n’a pas compris tout de suite. Ce n’est pas la premiĂšre fois qu’elle rĂ©agit de cette maniĂšre. Mais avec la musique en plus, cette fois-ci, sĂ©rieuse, elle a tendu l’oreille comme une jeune femme qui vaque dans une boite de nuit et que j’aurais essayĂ© de draguer comme un plouc.  J’ai eu l’impression de revenir plusieurs annĂ©es-lumiĂšre en arriĂšre. Et d’ĂȘtre transformĂ© malgrĂ© moi en l’homme Ă  tĂȘte de chou de Gainsbourg. Chanson que cette jeune n’a peut-ĂȘtre jamais Ă©coutĂ©e. Et elle s’en battrait sans doute les couilles si elle le faisait.

 

« Il n’y a plus de masques rĂ©utilisables Â» a fini par me lĂącher la jeune vendeuse totalement indiffĂ©rente Ă  mon corps. Elle a nĂ©anmoins fait l’effort de me rĂ©pondre rapidement qu’elle ne savait pas quand il y ‘ en aurait. Peut-ĂȘtre la semaine prochaine. AprĂšs ça, elle Ă©tait au maximum de son accomplissement commercial. Et elle a repris le refrain de sa chanson. 

 

Franck Unimon, jeudi 4 juin 2020.

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Corona Circus

Avec ou sans masques

 

                                                             Avec ou sans masques.

 

 

 

Le dĂ©confinement a donc bien eu lieu le 12 Mai. Cela fait dĂ©jĂ  deux semaines. A premiĂšre vue, notre monde n’a pas changĂ©. Nous avons toujours deux bras et deux jambes. Nous nous dĂ©plaçons toujours de la mĂȘme maniĂšre en gardant les mĂȘmes symptĂŽmes qu’auparavant : nous habitons ensemble des couloirs et des histoires diffĂ©rentes en boitant. Parfois en gagnant. D’autres fois en perdant. Mais, toujours, en respirant. Et lorsque nous jouissons ou Ă©jaculons, notre respiration part faire une ou plusieurs boucles avant de se rappeler de nous et, comme le marteau de Thor  ou la « planche Â» du Surfer d’Argent, de nous revenir.  Car ça aussi, ça n’a pas changĂ©. En principe.

 

Nous avons eu peur. Nous avons encore peur d’une certaine maniĂšre puisque nous sommes nombreux maintenant Ă  porter des masques. Mais, dans l’ensemble, une fois de plus, nous avons survĂ©cu. Ça, aussi, ça n’a pas changĂ©. Sauf qu’une bonne partie d’entre nous sont devenus des fantĂŽmes masquĂ©s. Car les masques sont arrivĂ©s et nous les plaçons devant notre nez et notre bouche. Certaines personnes rajoutent des lunettes ou des protections plastifiĂ©es devant tout le visage. Nous ne savons plus ce que ça fait que de respirer Ă  visage dĂ©couvert dans la rue, dans des commerces, des transports ou au travail en prĂ©sence de nos collĂšgues Ă  proximitĂ©.

 

Il y a les masques jetables et rĂ©utilisables. Ceux achetĂ©s dans les supermarchĂ©s, d’autres commerces ou dans les pharmacies ou en ligne. Ceux offerts par la mairie de notre ville, notre employeur, la SNCF ou la RATP.

 

Il y a des rĂ©sistants au masque. Et des rĂ©sistants Ă  la distance sociale.  Ce qui dĂ©montre bien que nous sommes toujours la mĂȘme espĂšce humaine :

 

Il faut toujours qu’il y en ait un ou plusieurs qui se singularisent. Peu importe de savoir qui a tort ou raison. Mais nous sommes quand mĂȘme beaucoup plus nombreux aujourd’hui Ă  porter des masques dans les rues, dans les transports, dans les commerces et au travail qu’il y a trois mois.

 

Il y a trois mois, notre gouvernement considĂ©rait comme inutile d’en porter. Il y a trois mois, nous Ă©tions un grand nombre d’ignorants concernant le mode de propagation du virus. Nous avons aussi pĂ©tĂ© plus haut que notre nez et sans doute Ă©tĂ© d’un certain mĂ©pris pour ce qui se pratique Ă  l’étranger, en Asie en particulier, depuis des annĂ©es :

 

Porter un masque dans un monde pollué, dans un monde infecté.

 

Aujourd’hui, dans les transports en commun ainsi qu’au travail, le port du masque est devenu obligatoire. Soit nous avons appris de l’étranger. Soit nous appliquons les rĂšgles et la loi qui nous ont Ă©tĂ© indiquĂ©es par le gouvernement et les chiffres. Les chiffres des malades et des morts, inconnus ou familiers : amis, voisins, proches, collĂšgues.

 

En France, il y a trois mois, nous aurions sĂ»rement portĂ© des masques plus vite. Sauf qu’il y a trois mois, en France comme dans d’autres pays, il y avait trĂšs peu de masques Ă  disposition pour la population, professionnels de la santĂ© inclus. Et les masques FFP2, parmi ceux protĂ©geant le mieux  (parmi les masques jetables) coĂ»taient au moins 3,99 euros l’unitĂ© (voir l’article Coronavirus ). Sachant que la durĂ©e de vie de ce masque est d’environ quatre heures, il aurait fallu ĂȘtre plutĂŽt riche pour s’en fournir pour une durĂ©e de deux Ă  trois mois.

 

A nouveau, ce n’est pas nouveau, les riches s’en sortent le mieux. Ainsi que celles et ceux qui distribuent, calculent, anticipent et dĂ©cident des chiffres qui sont souvent les mĂȘmes personnes.

 

BientĂŽt, nous allons nous faire avoir par tout un tas d’impĂŽts, de conditions et de vie et de travail de plus en plus rĂ©pressives au profit de la minoritĂ© des riches, des dirigeants et de notre gouvernement et cela va se passer comme d’habitude car nous sommes toujours dans le mĂȘme monde qu’avant l’épidĂ©mie. C’est ce que nous croyons pour la plupart d’entre nous. MĂȘme s’il y aura des contestations sociales qui s’opposeront Ă  la distanciation sociale imposĂ©e pendant l’épidĂ©mie.

 Mais nous croyons que ça va se passer comme d’habitude parce-que nous sommes cramponnĂ©s Ă  notre monde. Nous y sommes entraĂźnĂ©s mĂȘme s’il nous en fait voir. Nous sommes installĂ©s en lui autant qu’il est installĂ© nous. Lui et nous avons fusionnĂ© jusqu’à un certain point. Un point assez pathologique. Mais nous nous en rendons moyennement compte, et pas longtemps, puisque tout le monde fait pareil. Et on ne peut pas vivre tout seul ni se battre- et gagner- contre le plus grand nombre. En plus, l’ennemi, est invisible, multicartes et quasiment interchangeable. PrĂ©nom, genre, prĂ©fĂ©rence sexuelle,  taille,  Ăąge, couleur de peau, adresse postale, niveau d’Ă©tudes, nombre d’enfants, profession, religion, rĂ©gime alimentaire, appartenance politique, langues parlĂ©es et Ă©crites, chemise, veste, pantalon, jupe, couche-culotte pampers, legging, maillot de bain, soutien-gorge,  il peut ruisseler de l’un Ă  l’autre avec facilitĂ©. Il finira toujours par nous avoir.  

 

Pourtant croire et penser que tout reste exactement et toujours Ă  l’identique reviendrait Ă  dire que depuis vingt, trente ou quarante ans, tous les jours, nous portons toujours la mĂȘme tenue lĂ©opard, nous mangeons toujours les mĂȘmes carottes, le mĂȘme couscous, les mĂȘmes donbrĂ©s, matin, midi et soir ; que nous Ă©coutons toujours le mĂȘme titre de musique ; que nous portons encore le mĂȘme vĂȘtement de la mĂȘme couleur ;  que nous adressons les mĂȘmes mots aux mĂȘmes visages que nous avons devant nous ; que nous vivons toujours au mĂȘme endroit et que nous sommes toujours dans la mĂȘme position corporelle au millimĂštre prĂšs; que nous avons toujours les mĂȘmes voisins….

Cela reviendrait Ă  dire qu’en 1989, le mur de Berlin est restĂ© intact. Ou que dans la sĂ©rie Game of Thrones le Mur reste immuable. Ce qui signifierait que pour le mur de Berlin, on est soit ignorant de ce qui s’est passĂ© dans les faits et que pour Game of Thrones, on n’ait pas vu la sĂ©rie dans son intĂ©gralitĂ© ou que l’on n’en n’ait jamais entendu parler. C’est possible. Il est possible que des gens n’aient jamais entendu parler de la chute du Mur de Berlin comme de la sĂ©rie Game of Thrones. Il y a bien des Ă©vĂ©nements de par le monde, et mĂȘme dans notre vie personnelle, qui nous ont marquĂ©s et qui sont passĂ©s totalement inaperçus ou ont Ă©tĂ© considĂ©rĂ©s, volontairement ou involontairement, comme insignifiants par beaucoup d’autres. C’est une bonne partie de notre vie et cela peut ĂȘtre trĂšs dur Ă  accepter comme Ă  digĂ©rer. D’oĂč l’explication de la prĂ©sence de la haine et de la rancune sur terre sans doute entre les ĂȘtres humains.

 

Mais je crois que nous pensons que notre monde n’a pas changĂ© depuis l’épidĂ©mie par habitude. Ou parce-que nous voudrions qu’il se transforme comme dans les contes de fĂ©es. Du jour au lendemain et pour le meilleur, pendant notre sommeil, pendant que l’on regarde ailleurs ou que l’on est en train de faire ses courses afin de changer de carottes, de voisins ou de collĂšgues. 

 

Aujourd’hui, celles et ceux qui ont un regard sont avantagĂ©s dans notre monde de masques jetables et rĂ©utilisables. Celles et ceux qui portent un masque. Et celles et ceux qui les regardent. J’ai l’impression que l’on se regarde un peu plus, les uns et les autres, dehors. Il y a bien sĂ»r de la mĂ©fiance. Mais il y a aussi une certaine attention qui avait pratiquement disparu au profit de tous ces Ă©crans qui sont devenus nos nouvelles frontiĂšres entre nous et les autres. Des frontiĂšres aux serrures de plus en plus sophistiquĂ©es qui deviendront peut-ĂȘtre plus difficiles Ă  ouvrir que ces frontiĂšres physiques pour lesquelles des migrants meurent Ă  l’extĂ©rieur de notre pays et dans « nos Â» mers.

 

Quand nos masques tomberont, une fois l’épidĂ©mie passĂ©e, et que nous les rangerons et les oublierons (mĂȘme si je crois qu’ils reviendront), nos yeux redeviendront des linceuls et des impasses pour les autres:

 

Celles et ceux qui nous sont inconnus et que nous ignorons par habitude.

 

La pandĂ©mie a simplifiĂ© nos agendas. Elle a aussi, malheureusement, tuĂ©, rendu malade, mis en colĂšre et poussĂ© au chĂŽmage. Elle a aussi permis le crime (violences conjugales, maltraitance sur enfants). Des dĂ©lits (trafics de drogues, vols et trafics de masques et de matĂ©riel mĂ©dical et paramĂ©dical
). Des enrichissements en bourse pour les plus riches. Des stratĂ©gies politiques. Mais elle a aussi permis Ă  celles et ceux qui en avaient le souhait, celles et ceux qui Ă©taient dĂ©jĂ  en train de le faire
de changer. De façon de vivre. De façon de penser.

 

Assiette de la fĂȘte de l’AĂŻd que nous a offert un de nos voisins, ce matin.

 

Par exemple, en France, on a pu faire toute une histoire concernant le port du voile « musulman Â». Or, actuellement, depuis l’épidĂ©mie, nous sommes nombreux, avec nos masques, Ă  ressembler Ă  des musulmans. MĂȘme celles et ceux qui ont eu et ont des points de vue antimusulmans.

 

La culture du masque, en cas de risque de pollution ou d’épidĂ©mie, n’est pas française. C’est parce-que la culture française, comme d’autres cultures, a su incorporer, assimiler et adopter le Savoir, les connaissances et les expĂ©riences d’autres cultures qu’elle a pu s’en sortir, perdurer
et devenir une grande culture. Ce qui implique pour la culture française et  d’autres cultures si « importantes Â», y compris scientifiques, de par le monde, de Savoir reconnaĂźtre ce qu’elle Doit Ă  d’autres cultures et, avant cela, d’Apprendre Ă  les ConnaĂźtre.

 

 

 

Mais si la culture française- ou toute autre culture « triomphante Â»- continue de prĂ©fĂ©rer ses chiffres, ses pendentifs, ses mĂ©dailles et ses vitrines aux personnes qui l’animent, la guident, la soignent, l’entretiennent, la lavent, la convoient et la nettoient jour aprĂšs jour elle finira victime de ses latrines, de ses blessures et de ses guerres, un jour ou l’autre, avec ou sans ses masques.

 

Franck Unimon, mardi 26 mai 2020.

 

 

 

 

 

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Coronavirus Circus 2Ăšme Panorama 15 avril-18 Mai 2020 par Franck Unimon

Coronavirus Circus 2Ăšme Panorama 15 avril- 18 Mai 2020.

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Je me suis couchĂ© un peu tard cette nuit. AprĂšs deux heures du matin. Ce matin, dans mon lit, je me le suis trĂšs vite reprochĂ©. J’aimerais faire tellement. Reprendre la lecture de tel livre commencĂ©e il y a plus de deux mois avant que la pandĂ©mie du Covid-19 ne colonise une grande partie de nos pensĂ©es et de nos Ă©motions. Continuer de faire le tri dans des magazines que j’ai depuis 2017 et mĂȘme avant. Faire mes Ă©tirements. Aller acheter des fruits et des lĂ©gumes. Passer voir mon vĂ©lo pour vĂ©rifier si la roue arriĂšre est restĂ©e gonflĂ©e depuis la derniĂšre fois afin de pouvoir reprendre mon vĂ©lo, rassurĂ©, ce soir, pour me rendre Ă  mon travail. Ce qui nĂ©cessitera plus d’une heure de vĂ©lo Ă  l’aller.

 

Ma compagne et notre fille Ă©taient parties lorsque je me suis levĂ© environ trente minutes plus tard. J’ai commencĂ© par mes Ă©tirements. A jeun. Comme ça, j’étais sĂ»r de les faire.

 

Hier soir, je me suis couchĂ© tard parce-que je suis restĂ© regarder des images de combats. Le combat Georges Foreman/ Muhammad Ali dont j’avais entendu parler, enfant, et sur lequel j’avais lu et aussi vu un trĂšs bon documentaire, When we were kings.

J’ai aussi lu le rĂ©sumĂ© de la biographie de l’acteur Donnie Yen que j’avais dĂ©couvert dans Hero peut-ĂȘtre. Et que je redĂ©couvre dans des extraits de Ip-Man. Bruce Lee, Scott Adkins, Jacky Chan, Jet Li, Van Damme, Chuck Norris, Tony Jaa, Amy Johnston, quelques combats de MMA
. J’ai regardĂ© ou revu des extraits de leurs films. Ainsi que des dĂ©monstrations de Self-DĂ©fense.

 

J’ai aussi regardĂ© des extraits d’interviews d’anciens membres du GIGN, mais aussi de StĂ©phane Bourgoin, spĂ©cialiste des tueurs en sĂ©rie que j’avais interviewĂ© deux fois, qui m’avait particuliĂšrement dĂ©niaisĂ© concernant les tueurs en sĂ©rie, et qu’un article du Monde de ce 21 avril soupçonne d’ĂȘtre un affabulateur.

 

A ces images de combats et de mort, j’avais prĂ©fĂ©rĂ© des images d’humoristes au cours de la journĂ©e ou un ou deux jours plus tĂŽt : Mustafa El Atrassi, Bill Burr, Bun Hay Mean, Haroun, Louis C.K. Il faut bien se dĂ©tendre avant un combat ou entre deux combats. MĂȘme si l’on y participe uniquement en tant que
 spectateur.

 

Je n’ai pas la carriĂšre de combattant ou d’humoriste qu’idĂ©alement, je souhaiterais, aurais souhaitĂ© ou ai pu souhaiter avoir. Pour arriver au niveau de ces humoristes, combattants et ex- intervenants du GIGN, et des autres que je n’ai pas citĂ©s, il faut gĂ©nĂ©ralement commencer tĂŽt, souvent avant ses 10 ans, cumuler des heures et des heures et des annĂ©es d’entraĂźnement, donner de sa personne, et, Ă  ce que je comprends, cumuler des expĂ©riences dans diverses disciplines, complĂ©mentaires ou opposĂ©es. Ce qui suppose une extrĂȘme persĂ©vĂ©rance ou une certaine dĂ©termination ( d’autres parleront d’engagement) ainsi qu’une marge d’erreurs.

 

Des erreurs, j’en ai faites et je continue d’en faire. Hier, en aidant ma fille Ă  faire ses devoirs, je lui ai affirmĂ© :

 

« Les erreurs, ça sert Ă  apprendre ! Â». Ma fille avait refait la mĂȘme erreur que quelques heures plus tĂŽt avec exactement la mĂȘme opĂ©ration et les mĂȘmes chiffres. Une erreur de retenue dans son addition. Je croyais qu’elle avait bien mĂ©morisĂ© d’autant qu’elle s’implique dans ses devoirs. Mais, non, la distraction, l’insouciance et un trop grand sentiment de facilitĂ© sans doute l’avaient bernĂ©e.

 

J’aurais peut-ĂȘtre pu ou dĂ» ajouter :

«  Les erreurs, ça sert Ă  apprendre ! A condition de savoir ou de pouvoir s’en rendre compte Â».

 

Evidemment, un enfant, un novice, un dĂ©butant ou un innocent a du mal Ă  s’apercevoir de ses erreurs. Comme pour trouver la solution. C’est donc aux personnes qui les entourent et qui en sont responsables de, autant que possible, les Ă©duquer,  les sensibiliser et de les prĂ©server de certaines dĂ©convenues.

 

Je ne suis pas toujours persuadĂ©, en tant qu’adulte et en tant que pĂšre, de toujours ĂȘtre le bon exemple pour ma fille. Tant mieux pour eux si certains parents sont convaincus, lorsqu’ils se regardent, d’ĂȘtre ou d’avoir Ă©tĂ© les meilleurs parents de l’univers. Mais, hier, alors que nous dĂ©jeunions ensemble et que ma fille me parlait, je l’écoutais tout en voguant dans ma tente psychique.

Ma fille Ă©tait et est dans l’instant prĂ©sent comme tous les enfants. Moi, j’étais dans un de ces moments oĂč ma conscience  chemine, entre le passĂ©, le prĂ©sent et le futur. On dira que j’étais dans la contemplation. Ou dans l’extrapolation : ma fille me parlait et tandis que je l’écoutais Ă  la surface, en profondeur, j’étais ailleurs. Il y a d’autres moments oĂč c’est elle qui est ailleurs alors que nous lui parlons, ma compagne et moi. Et il est plein d’autres fois oĂč celles et ceux Ă  qui l’on cherche Ă  s’adresser sont ailleurs.  Il y a aussi d’autres fois oĂč nous portons notre attention sur les autres vĂ©ritablement mais oĂč, ceux-ci, ne nous voient pas et restent ensuite persuadĂ©s d’ĂȘtre sans valeur. C’est l’Histoire des ĂȘtres humains. Nous avons beau avoir des agendas, beaucoup de bonnes intentions thĂ©oriques et pleins d’inventions technologiques, lorsque ce moteur que nous avons tous Ă  l’intĂ©rieur nous pousse vers cet ailleurs, il est difficile de savoir quand nous nous rencontrons vraiment.

 

Heureusement, en partageant l’intimitĂ© d’une personne ou avec la rĂ©pĂ©tition des rencontres, mathĂ©matiquement, il arrive des moments oĂč nous sommes bien disposĂ©s en mĂȘme temps. OĂč nous sommes en phase, comme on dit. Ceci pour dire que, finalement, dans l’Histoire des relations humaines, sans doute sommes nous en permanence comme la terre, le soleil et la lune. Nous nous tournons autour. Un certain nombre de fois, tout est bien alignĂ©. D’autres fois, comme nous vivons dans le mĂȘme pĂ©rimĂštre physique et gĂ©ographique, c’est la collision, l’illusion ( nous croyons ĂȘtre proches les uns des autres mais, en fait, des milliers de kilomĂštres nous sĂ©parent) ou l’ignorance.

 

Depuis, j’ai oubliĂ© de quoi je voulais prĂ©cisĂ©ment parler. Etre ailleurs, ou vouloir ĂȘtre ailleurs, ça, j’ai commencĂ© avant mes dix ans. Comme tout le monde, je pense. Et, de ce cĂŽtĂ©-lĂ , j’ai continuĂ© l’entraĂźnement comme tout le monde, aussi, je pense.

Evidemment, en regardant cette nuit ces images de combat, j’ai sans doute essayĂ© de voir si j’y Ă©tais ou si je pouvais y ĂȘtre. Ce qui est impossible, ne serait-ce que physiquement. C’est bien Ă  ça que nous servent les images. A faire l’expĂ©rience cĂ©rĂ©brale, Ă©motionnelle, voire physique d’un Ă©vĂ©nement que l’on ne peut pas vivre directement, physiquement, dans l’instant prĂ©sent. On le vivra peut-ĂȘtre un jour. On l’a peut-ĂȘtre pleinement vĂ©cu dans le passĂ©. Mais lorsqu’on le regarde, on ne le vit pas totalement. Les images que nous regardons et qui nous captivent sont peut-ĂȘtre souvent des Ă©toiles mortes que, nous, les vivants, nous regardons afin de pouvoir nous guider
.

 

 

J’avais prĂ©vu de parler du don. Du don de soi. Je sais que la pandĂ©mie du Covid-19 a fait de nous, «officiellement Â», les soignants, des « hĂ©ros Â» avec d’autres professions :

 

les cytokines, les pompiers, les Ă©boueurs, les caissiers, les enseignants ( oui, je mets les enseignants dedans car le travail Ă  distance effectuĂ© par les enseignants, mĂȘme s’il a Ă©tĂ© limitĂ© par les moyens de certains parents et par la technologie elle-mĂȘme, est pour moi une trĂšs grande force d’engagement ), travailleurs sociaux, policiers etc
.

 

Dans la vie courante, « normale Â» et ne serait-ce qu’avec notre administration ( je pense ici au service de la Direction de notre employeur) on verra ce  qu’il restera du crĂ©dit que l’on porte aux hĂ©ros. Mais, en attendant, j’ai bien compris qu’il ne suffit pas de donner de soi aveuglement pour recevoir une quelconque reconnaissance et compensation. Non. Cela ne suffit pas. En Ă©tant mĂȘme un peu provocateur, je crois qu’il faut donner moins pour recevoir plus. Car, lorsque l’on donne trop, sans compter, on encourage forcĂ©ment quelqu’un, Ă  un moment ou Ă  un autre, Ă  se reposer sur nous tandis que l’on s’épuise. Et, au final, on termine K.O.

C’est ce qui est arrivĂ© Ă  Georges Foreman Ă  Kinshasa en 1974 face Ă  Muhammad Ali, un de mes hĂ©ros d’enfance.

De Georges Foreman, avant le match, on louait la force physique hors norme. Muhammad Ali partait perdant selon certains pronostics. En regardant et en (re)dĂ©couvrant le match, cette nuit, je me suis demandĂ© comment tous ces experts avaient pu ignorer Ă  ce point certaines Ă©vidences :

Georges Foreman Ă©tait beaucoup plus limitĂ© techniquement que Muhammad Ali. Sa gamme de coups. Ses dĂ©placements Ă©taient monolithiques. Ali esquivait beaucoup mieux, Ă©tait plus mobile. Ali Ă©tait plus rapide sur ses appuis et sur ses directs. Il a touchĂ© Foreman au visage trĂšs vite. La plupart des coups qu’il porte Ă  Foreman sont situĂ©s au visage. Signe qu’il n’avait pas peur. Signe de sa dĂ©termination. Il est allĂ© Ă  l’essentiel. LĂ  oĂč il savait pouvoir faire le plus mal Ă  Foreman. Le mettre en colĂšre, lui faire perdre la raison. Le dĂ©saxer mentalement. Muhammad Ali avait aussi pour lui la ruse, la stratĂ©gie. 

En outre, Muhammad Ali a donnĂ© Ă  Foreman ce qu’il a voulu lui donner. Et Foreman a foncĂ© sans rĂ©flĂ©chir. Il a donnĂ© de sa personne comme il le pouvait en se faisant manipuler par Ali : Foreman a rĂ©agi comme Ali le souhaitait. Ali Ă©tait pourtant connu. Foreman avait trop d’assurance. Il a boxĂ© sans sa tĂȘte. Il s’est vidĂ© tout seul de sa puissance et de sa rĂ©sistance. Et Muhammad Ali l’a mis K.O vers la fin du 8Ăšme round.

D’aprĂšs les images, Ali s’attendait Ă  ce que le match dure plus longtemps mĂȘme si Foreman, depuis un ou deux rounds, glissait de plus en plus.

Ce match de boxe montre la différence qui existe entre un boxeur stratégique et un boxeur exécutant. Et sans doute aussi entre un boxeur qui a débuté assez tÎt et incorporé une gestuelle ou une grammaire technique et un autre qui devait principalement ses victoires à sa force physique hors norme.

 

 

Nous, les spectateurs du quotidien, qui sortons peu Ă  peu du confinement, j’espĂšre que nous serons plus des Muhammad Ali que des Georges Foreman. MĂȘme si Muhammad Ali a aussi fait de sacrĂ©es erreurs dans sa vie (concernant Malcolm X ou Joe Frazier par exemple) et que Georges Foreman, par ailleurs, est une personne de valeur.

 

Franck Unimon, ce mardi 12 Mai 2020. 

 

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Il était difficile

 

Franck Unimon, jeudi 7 Mai 2020. 

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La Reprise

Paris, 1er Mai 2020, prĂšs du Louvre, en allant au travail.

 

 

                                                       La Reprise

Lui ressembler, c’est dĂ©jĂ  ĂȘtre sa proie. Je refuse de la nommer. Mais c’est de plus en plus difficile. Dans quelques jours, ce 11 Mai, Ă  la reprise de l’activitĂ© scolaire, aprĂšs plusieurs semaines de confinement dans la peur pour cause de pandĂ©mie du covid-19, il y aura encore plus de peur et de colĂšre. Elle sera Ă  nouveau lĂ  pour en profiter.

 

Adroite fille de son pĂšre, elle a rĂ©cupĂ©rĂ© son parti politique d’abord avec l’aide et les encouragements de celui-ci. Puis, ils se sont fĂąchĂ©s. Cela fait des annĂ©es qu’on dirait qu’ils font leur thĂ©rapie familiale Ă  travers la scĂšne politique et publique.

 

Mais elle est un modĂšle de rĂ©ussite familiale dans un pays, la France, qui reste une grande puissance Mondiale dont la sociĂ©tĂ© assez traditionnaliste voire conservatrice sait ĂȘtre raciste :

 

En France, en 2020,  il vaut mieux ĂȘtre un homme, plutĂŽt blanc, plutĂŽt de religion catholique, ĂȘtre mariĂ© Ă  une femme et avoir effectuĂ© de grandes Ă©tudes, dans des Ă©coles rĂ©putĂ©es, pour accĂ©der aux plus hautes fonctions et aux meilleurs salaires.

Et, elle, femme divorcĂ©e, patronne d’un parti selon elle devenue le premier parti de France, n’est pas sortie de ces grandes Ă©coles Ă©litistes.

MĂȘme si elle a fait des Ă©tudes et a plus qu’un BEP, elle incarne donc une certaine modernitĂ© par rapport Ă  la France d’avant Mai 1968. Cependant, elle se rĂ©clame de la Grandeur d’une France d’avant qu’elle n’a pas connue mais que- comme son pĂšre- elle idĂ©alise et aime Ă  jeter au visage de celles et ceux qu’elle vise et entend provoquer, humilier et dominer.

 

AprĂšs bientĂŽt un demi siĂšcle de prĂ©sence- en incluant la carriĂšre de son pĂšre- dans la politique, les mĂ©dia, les sondages, refuser totalement de la voir ou  l’oublier reviendrait Ă  se comporter comme un climato-sceptique. 

 

C’est donc par Devoir que, pour la premiĂšre fois, la nuit derniĂšre, je me suis imposĂ© de la regarder et de l’écouter lors de son allocution du 1er Mai 2020. J’ai voulu m’abstenir de cette rĂ©action viscĂ©rale de rejet que j’ai pour elle et qu’elle a, je crois, pour les autres :

 

Celles et ceux qui pensent diffĂ©remment d’elle et ne lui ressemblent pas.

 

Moi, le Français noir, d’origine antillaise, plutĂŽt fier de me rappeler que son pĂšre n’avait pas pu dĂ©barquer en Guadeloupe lorsqu’il s’y Ă©tait rendu en avion plusieurs annĂ©es auparavant (on ne parlait pas beaucoup d’elle, alors) j’ai pris sur moi pour regarder sa vidĂ©o sur Youtube, une innovation technologique Ă©trangĂšre, contemporaine, entrĂ©e dans les mƓurs, qui n’existait pas dans cette France du passĂ© Ă  laquelle elle se rĂ©fĂšre.

 

Son allocution durait environ 21 minutes. Je suis resté dix minutes.

 

Souriante, dans un intĂ©rieur Ă©voquant plus le salon d’une maison de privilĂ©giĂ©s que l’appartement exigu, dans un quartier bruyant, elle rayonne dĂšs le dĂ©but. LovĂ©e dans ce systĂšme politique et dĂ©mocratique qu’elle aime saturer et persifler, elle est tellement contente d’ĂȘtre lĂ  une fois de plus. De dĂ©ranger. De se montrer. De s’exprimer sans la moindre interruption ou intervention extĂ©rieure.

TrĂšs Ă  l’aise, sans lire ou sans sembler lire une seule note ( au contraire du maire de ma ville mais aussi de certains dĂ©putĂ©s et d’un certain nombre de ministres) elle distribue les sarcasmes Ă  l’intention de ses rivaux politiques actuellement au Pouvoir qu’elle nomme Ă  visage dĂ©couvert.

Mais, d’abord, elle nous parle de Jeanne d’Arc et des travailleurs. Je ne connais pas personnellement Jeanne d’Arc mais elle semble trĂšs bien la connaĂźtre comme elle semble aussi savoir ce que celle-ci aurait pensĂ© et fait dans la France d’aujourd’hui qui serait envahie. Par des Ă©trangers. Par Youtube et les rĂ©seaux sociaux, aussi, mais, ça, ça ne la contrarie pas apparemment.

 

Je suis persuadĂ© de faire partie des Ă©trangers pour elle, son pĂšre et sa niĂšce. Mais je n’ai pas de preuves.

 

Par contre, je fais partie des travailleurs depuis des annĂ©es. Et, dans ce domaine, j’ai des preuves. En France, je suis un travailleur parmi des millions d’autres. Je fais Ă©galement partie des travailleurs susceptibles de travailler n’importe quel jour de l’annĂ©e. Le Week-end comme un jour fĂ©riĂ©. De nuit comme de jour. Je sais que d’autres travailleurs n’aimeraient pas travailler les week-end, les jours fĂ©riĂ©s ou la nuit. Je sais aussi que d’autres travailleurs exercent dans le froid, portent des charges pĂ©nibles, nettoient, respirent et dĂ©barrassent la saletĂ© du monde.

Je sais que des travailleurs ont votĂ©, votent et voteront pour elle. Qu’il y en a de plus en plus parmi mes collĂšgues. Peut-ĂȘtre des femmes plus que des hommes. Question d’identification.

Mais, femmes comme hommes, il y a diffĂ©rentes sortes de travailleurs. Celles et ceux qui ont un emploi lĂ©gal. Celles et ceux qui travaillent au noir. Celles et ceux qui ont une situation professionnelle prĂ©caire. Celles et ceux qui sont fonctionnaires. Celles et ceux qui sont en colĂšre. Celles et ceux qui ont peur. Celles et ceux qui gagnent Ă  peu prĂšs correctement leur vie. Celles et ceux qui gagnent trĂšs bien leur vie. On peut  trĂšs bien gagner sa vie et ĂȘtre en colĂšre. Je ne sais pas si elle est trĂšs en colĂšre contre la vie, la France ou les autres, par contre, je crois qu’elle gagne beaucoup mieux sa vie qu’un travailleur comme moi. Je crois aussi que ses horaires et ses conditions de travail sont plus confortables que les miens. Pourtant, je ne me plains pas lĂ  oĂč je suis.

Ce matin, j’ai discutĂ© avec deux de mes jeunes collĂšgues. Elles ont la trentaine. Elles faisaient le constat qu’elles avaient dĂ©sormais de plus en plus de mal Ă  enchaĂźner plusieurs journĂ©es de travail de suite en commençant Ă  6h45. Et elles aspiraient Ă  moins travailler le week-end que ce soit pour leur vie personnelle et familiale.

Je comprenais de quoi elles parlaient concernant la difficultĂ© de commencer Ă  travailler, de façon rĂ©pĂ©tĂ©e, Ă  6h45. Cela fait plus de dix ans que je n’ai plus eu ce genre d’horaire de travail et je m’en passe trĂšs bien. Pourtant, je suis plutĂŽt un lĂšve-tĂŽt.

 

Mes collĂšgues de ce matin font partie des « HĂ©ros de la Nation Â» depuis le discours du PrĂ©sident de la RĂ©publique, Emmanuel Macron, le 16 mars, je crois.  Avant que ne dĂ©butent les mesures de confinement pour contrer la pandĂ©mie au Covid-19 que la France, dans son ensemble, a embrassĂ© sans expĂ©rience Ă©pidĂ©miologique, sans masques, sans protection, avec des hĂŽpitaux et des personnels soignants pris de court car pris de haut depuis des annĂ©es par les responsables politiques, et avec un manque de moyens de dĂ©pistage. Comme si la France, une des plus grandes puissances mondiales, premiĂšre destination touristique mondiale, pays aux rĂ©fĂ©rences culturelles multiples, Ă©tait un pays sous-dĂ©veloppĂ© sauf pour dĂ©livrer des mensonges et des bobards Ă  ses citoyens.

 

Ce matin, mes collĂšgues ne se plaignaient pas. Elles n’étaient pas en colĂšre. Elles constataient simplement leurs limites au moins physiologiques comme je pouvais moi-mĂȘme connaĂźtre les miennes concernant cet horaire qui consiste Ă  dĂ©buter sa journĂ©e de travail Ă  6h45. Comme d’autres millions de travailleurs peuvent finir par connaĂźtre leurs limites vis-Ă -vis d’un horaire, d’un certain type de travail, de ses conditions d’exĂ©cution, d’un mode de vie ou d’un salaire. Parmi ces travailleurs qui constatent ces limites, beaucoup d’entre eux doivent pourtant continuer au delĂ  de leurs limites parce qu’ils n’ont pas d’autre choix ou se sentent  privĂ©s d’horizons.

 

Lorsque je la regarde et l’écoute sur Youtube (un mĂ©dium que Jeanne d’Arc aurait peut-ĂȘtre dĂ©daignĂ©e), je ne crois pas qu’elle aille au delĂ  de ses limites. Revancharde et sans limites, elle aime faire peur et menacer. DĂ©ja candidate aux Ă©lections prĂ©sidentielles en 2022, si elle est en Ă©tat, elle sera encore lĂ  en 2042. A son niveau, la politique est un jeu. Son pĂšre a bien tenu jusqu’à au moins ses 70 ans voire davantage. Il a plus de 80 ans maintenant. Elle en a une cinquantaine. Et elle n’a pas ou trĂšs peu de comptes Ă  rendre contrairement Ă  la majoritĂ© des Français.  MĂȘme Jeanne d’Arc a dĂ» rendre des comptes.

 

Elle le sait, c’est mathĂ©matique : il peut suffire d’une fois, pour, qu’aux Ă©lections prĂ©sidentielles, elle soit finalement Ă©lue. Elle n’a pas si besoin que ça de se mĂ©tamorphoser. Il lui suffit de continuer de durer. Et les autres classes politiques l’aident bien. Ce systĂšme de caste politique et sociale qu’elle mĂ©prise- ce n’est pas une pauvre- est complice et responsable de sa rĂ©ussite comme il l’a Ă©tĂ© de celle de son pĂšre :

 

Dans une vie politique et sociale ambitieuse, et aussi plus vertueuse et dĂ©mocratique, on aurait des hommes politiques qui ressembleraient moins Ă  des VRP pour les grandes entreprises et les grands groupes financiers. On est sans doute passĂ© des carriĂ©ristes de lutte aux carriĂ©ristes de luxe. Les travailleurs, une fois leur vote obtenu, ça ne rapportait plus assez. Alors, on les a dĂ©localisĂ©s des grandes Ă©quations et des grandes questions. Ils ont  Ă©tĂ© livrĂ©s Ă  eux-mĂȘmes sans masques, sans protections. Ce qui lui permet Ă  elle, Ă  la suite de son pĂšre, de marquer l’Histoire de France dans le domaine politique. Ou de pouvoir faire son possible pour en faire partie Ă  cĂŽtĂ© de celles et ceux qui sont dans l’Histoire officielle.

 

J’ai envie de croire que si elle Ă©tait Ă©lue, que trĂšs vite, elle serait perdue. Parce-que depuis des annĂ©es, elle a la place la plus facile : critiquer sans gouverner.

Si elle avait Ă©tĂ© membre d’un parti politique classique, comprendre « socialement Â» frĂ©quentable, je crois qu’elle aurait sans doute dĂ©ja Ă©tĂ© nommĂ©e Ministre plusieurs fois. Mais ça se serait mal passĂ© car elle aime le Pouvoir et, avec elle, c’est toujours de la faute de l’autre.  Elle fait partie des personnes qui ont les moyens d’imposer ça comme principe : ce n’est jamais de sa faute. Et, il lui avait fallu plusieurs semaines pour comprendre qu’elle avait ratĂ© sa prestation face Ă  Emmanuel Macron lors du dĂ©bat d’avant le second tour des Ă©lections prĂ©sidentielles de 2017.

 

Mais si elle Ă©tait Ă©lue prĂ©sidente, je crois que des femmes et des hommes politiques trĂšs «respectables Â» viendraient toquer Ă  sa porte pour obtenir un poste de Ministre et nous expliqueraient de façon didactique avec des polycopiĂ©s qu’ils font ça par Devoir, pour la France, ou qu’ils estiment qu’elle est- profondĂ©ment- attachĂ©e au rayonnement de la France.

 

Je crois aussi qu’il y a peut-ĂȘtre pire qu’elle en politique mais que nous ne le connaissons pas encore. Je ne sais pas si sa niĂšce est ce « pire-lĂ  Â» mais je me dis que si elle et son pĂšre peuvent, comme ils le font, prospĂ©rer sur la scĂšne politique française depuis des annĂ©es, que le pire est possible. MĂȘme si, pour moi, elle fait plus partie du passĂ© que du futur.

 

 

La reprise scolaire et un « dĂ©confinement » graduĂ©s ont Ă©tĂ© prĂ©vus pour la semaine prochaine, Ă  partir du 11 Mai. Je ne serais pas Ă©tonnĂ© que, finalement, le gouvernement change d’avis et repousse la date. Mais, en attendant, le gouvernement a « dĂ©coupé » la France en trois couleurs, selon le niveau de la pandĂ©mie. Vert, orange, rouge. Sur la carte de France affichĂ©e dans le journal Le Parisien du samedi 2 Mai 2020, on peut voir qu’une bonne majoritĂ© des dĂ©partements de l’ouest de la France est en vert. La pandĂ©mie y est moins sĂ©vĂšre. La Guadeloupe, la Martinique la Guyane, la RĂ©union mais aussi la Corse sont aussi en vert. Mayotte, par contre, est en rouge comme tout le Nord-Est de la France, Ăźle-de-France, incluse. 

 

 

« AprĂšs le 11 Mai, il sera possible d’effectuer des dĂ©placements dans un rayon de 100 km Ă  partir de son domicile. Au delĂ , il faudra pouvoir justifier d’un motif professionnel ou d’un « impĂ©ratif familial impĂ©rieux ». Mais l’exĂ©cutif, par la voix d’Olivier VĂ©ran, appelle Ă  limiter les dĂ©placements « entre les territoires plus ou moins Ă©loignĂ©s, mais trĂšs diffĂ©rents sur le plan de la circulation du virus » (….)

« En clair, un habitant d’un dĂ©partement rouge est priĂ© de ne pas se dĂ©placer dans un dĂ©partement vert » ( article d’AurĂ©lie Sipos et FrĂ©dĂ©ric Gouaillard, dans le journal Le Parisien du 2 Mai 2020, page 2 et 3 dans la rubrique Le Fait du Jour : Crise du Coronavirus avec le titre Du flou sur la carte). 

Le retour des enfants Ă  l’Ă©cole, mĂȘme en prenant en compte les mesures de prĂ©vention recommandĂ©es par l’Etat a mis et met beaucoup de parents en colĂšre :

On a l’impression d’envoyer nos enfants et notre santĂ© au casse-pipe pour permettre Ă  l’Ă©conomie de reprendre. Il est imposĂ© Ă  l’Ă©chelle nationale une logique qui a fixĂ© de plus en plus, depuis des annĂ©es, les conditions de travail des soignants dans les Ă©tablissements de santĂ© :

L’Ă©conomie et la rentabilitĂ© avant la santĂ©, la relation humaine et la rĂ©flexion. 

On essaie avant tout de voir comment on peut se faire encore plus de fric en un minimum de temps. On pensera peut-ĂȘtre Ă  (sa)voir plus tard les Ă©ventuels dĂ©gĂąts que cette logique cause et creuse.

 

Les conditions pour la reprise de l’Ă©cole la semaine prochaine ont Ă©tĂ© qualifiĂ©es  » d’usine Ă  gaz » par le maire de ma ville, Georges Mothron. J’ai regardĂ© sa vidĂ©o sur youtube aprĂšs que ma compagne me l’ait envoyĂ©e. Il y avait trois cents ou quatre cents vues. Beaucoup moins de vues sans doute que pour elle.

L’intervention de Georges Mothron date du 1er Mai mais la vidĂ©o a Ă©tĂ© ajoutĂ©e le 2 Mai.  Sur la vidĂ©o, Georges Mothron avait beaucoup moins d’Ă©clat qu’elle. Elle et lui ne sont pas du mĂȘme camp politique

MalgrĂ© sa prestation dĂ©pourvue de charisme, le maire de ma ville m’a donnĂ© le sentiment d’un Ă©lu sincĂšrement prĂ©occupĂ© par la santĂ© de ses concitoyens. Il a prĂ©cisĂ© qu’il attendait encore d’autres informations, dont certaines des associations de parents d’Ă©lĂšves, pour arrĂȘter une dĂ©cision concernant la reprise de l’Ă©cole. 

 

Dans ce mĂȘme exemplaire du journal Le Parisien, page 6 ( Le Parisien de ce samedi 2 Mai 2020), l’article Acheter un masque en grande surface, mode d’emploi nous apprend que  » DĂšs lundi ( ce lundi 4 Mai 2020) ils seront en vente libre, mais sous certaines conditions ». 

 

 

L’article de Sylvie De Macedo et Odile Plichon nous informe que des millions de masques vont ĂȘtre en vente Ă  Carrefour, Casinon, Franprix, IntermarchĂ©, Leclerc, Lidl, Monoprix, SystĂšme U. Des millions de masques, jetables mais aussi rĂ©utilisables. « à prix coĂ»tant » annonce Carrefour soit 0,58 euro le masque chirurgical et  » Pour ceux en tissu, les premiers prix seront Ă   » moins de 1 euro ». Un prix plus abordable que celui que j’avais payĂ© fin fĂ©vrier ( 3,99 euro) pour un masque FFP2 dans une pharmacie parisienne. ( Coronavirus ).

 

 

Dans Le Parisien de ce 2 Mai, il y a mĂȘme de la Pub pour Leclerc, Carrefour et IntermarchĂ© qui nous informent qu’ils vont nous vendre des masques et du gel hydroalcoolique et que leur offre commerciale a pour but de veiller sur notre santĂ©, accomplissant un geste plein de civisme.  

MalgrĂ© ce cynisme Ă©conomique ( les rayons alimentaires- et autres- des hypermarchĂ©s ont plutĂŽt fait un trĂšs bon chiffre d’affaires durant ces semaines de confinement), j’imagine facilement les files d’attente – et les bagarres- Ă  partir d’aujourd’hui dans les hypermarchĂ©s pour acheter des masques.

 

En bas de page de ce mĂȘme article, les mĂȘmes journalistes ont rĂ©digĂ© un autre article L’attaque choc de la santĂ© contre les enseignes de distribution Les professionnels s’indignent de la disponibilitĂ© soudaine de gros volumes de masques). L’article prend deux Ă  trois fois moins de place, en bas de page, que celui nous informant de la vente de masques dans les hypermarchĂ©s. Mais, au moins existe-il. 

Avant d’apprendre cette information en achetant le journal Le Parisien, j’en Ă©tais restĂ© sur l’information que le gouvernement avait passĂ© commande en avril de masques Ă  la Chine. Et que deux milliards de masques Ă©taient prĂ©vus en provenance de la Chine…fin juin. Je ne comprenais pas comment le gouvernement d’une Grande Puissance telle que la France pouvait accepter de dĂ©pendre de la Chine ou d’un autre pays pendant deux mois pour recevoir des masques en pĂ©riode de pandĂ©mie. Je n’avais pas Ă©tĂ© surpris de voir de plus en plus de personnes ces deux derniĂšres semaines portant des masques faits main. Je crois mĂȘme que fabriquer- et vendre- des masques est dĂ©sormais un bon filon commercial puisque je m’attends dĂ©sormais Ă  d’autres pandĂ©mies de ce genre Ă  l’avenir. 

Mais je ne m’attendais pas Ă  ces millions de masques en vente libre progressivement- en nombre limitĂ© par personne– Ă  partir d’aujourd’hui dans des hypermarchĂ©s. Plus de 300 millions de masques selon l’article du Parisien.

Je dois au hasard le fait d’avoir achetĂ© et lu ce numĂ©ro du Parisien oĂč j’ai appris que des chiens pourraient ĂȘtre « utilisĂ©s » pour dĂ©tecter les personnes touchĂ©es par le Covid-19, une dĂ©marche qui m’inspire certaines rĂ©serves.

 

 

 

Mais le 2 Mai, donc,  aprĂšs une nuit de travail, je suis allĂ© acheter le livre que j’avais commandĂ© une semaine plus tĂŽt dans un point presse oĂč j’ai pris mes habitudes. Je prĂ©fĂšre lire les informations sur du papier, surtout celles concernant la pandĂ©mie du Covid-19. Je trouve que ça filtre beaucoup mieux cette angoisse permanente dans laquelle nous sommes installĂ©s depuis plusieurs semaines. Et puis, ça m’informe sur d’autres sujets tout en soutenant, un petit peu Ă©conomiquement, la presse Ă©crite qui souffre beaucoup de la fermeture des kiosques Ă  journaux et de sa moindre distribution. 

 

 

 

 

Ce samedi 2 Mai, au matin, je suis donc allĂ© rĂ©cupĂ©rer  le livre DĂ©ni, MĂ©moire sur la terreur de Jessica Stern que je ne connaissais pas il y a encore deux semaines. Jusqu’Ă  ce que dans la salle d’attente oĂč le mĂ©decin-chef  (pĂ©dopsychiatre) de mon service reçoit ses consultations, je dĂ©couvre la revue Cercle Psy de mars-avril 2020. 

En sortant du point presse, ce samedi 2 Mai, j’ai Ă©tĂ© sollicitĂ© par un homme d’une soixantaine d’annĂ©es. Au lieu de me demander de l’argent, il m’a demandĂ© si je pouvais  lui acheter Le Parisien. Avec le livre de Jessica Stern, j’avais dĂ©ja achetĂ© deux ou trois autres journaux. Mais pas Le Parisien que je lis aussi de temps en temps.  Je suis retournĂ© au Point Presse et en suis ressorti avec deux exemplaires du Parisien.

 

MĂȘme si je suis en colĂšre, je ne voterai pas pour elle.

 

 

Franck Unimon, ce dimanche 3 Mai 2020 + ce lundi 4 Mai 2020. 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Pusher III : Journée de merde pour papa-poule

 

 

 Pusher III : L’Ange de la Mort :   JournĂ©e de merde pour papa-poule.

 

 

Certains ont la gueule de bois aprĂšs une nuit presque blanche passĂ©e Ă  la rougir avec du vin ou Ă  essayer de la filtrer auprĂšs d’alcools et de substances. Moi, parfois, je regarde des images. Une image entraĂźne l’autre. Il y a toujours une nouvelle et bonne raison pour continuer d’autant que, sur le net, le bar ne ferme jamais. Le bar de ma mĂ©moire, aussi, ne ferme pratiquement jamais. Et, certaines fois, il est mĂȘme plus ouvert que d’habitude.

 

Lorsque ces deux bars entament en mĂȘme temps leur happy hour, dĂ©bute alors une compĂ©tition entre les deux et je ne sais pas lequel va prendre l’avantage sur l’autre. 

 

 

Les salles de cinĂ©ma sont aujourd’hui fermĂ©es depuis plus d’un mois. L’industrie du cinĂ©ma va sans doute peiner Ă  s’en remettre comme une bonne partie de l’économie. Dans le Monde, des personnes ont Ă  nouveau perdu leur emploi ou vont le perdre. D’autres ont perdu leur vie. D’autres encore font dĂ©sormais la queue Ă  la soupe populaire pour manger. Ou cherchent oĂč se loger.

 

Nous connaissons suffisamment l’origine officielle et directe de cette nouvelle grave crise Ă©conomique : une crise sanitaire mondiale (trĂšs) mal anticipĂ©e par une bonne partie des gouvernements encastrĂ©s depuis des annĂ©es dans un certain rĂ©gime Ă©conomique et politique.  Des gouvernements- des entrepreneurs, des financiers mais aussi des Ă©conomistes et des penseurs- lovĂ©s dans un certain rĂ©gime de pensĂ©e qu’ils entendent continuer de servir coĂ»te que coĂ»te.

 

Certains pays s’en sont mieux sortis que d’autres : TaĂŻwan, Singapour, la CorĂ©e du Sud. L’Afrique, finalement, ne s’en sortirait pas trop mal mais va souffrir de la faim. Et sans doute de guerres, aussi.

 

En Europe, l’Allemagne est Ă  nouveau citĂ©e en exemple. En Scandinavie, cela se passerait plutĂŽt « bien Â», aussi.

 

GrĂące Ă  ce qui reste de son systĂšme de santĂ© et de sĂ©curitĂ© sociale qu’elle s’est pourtant attachĂ©e Ă  dĂ©manteler depuis une vingtaine d’annĂ©es, la France fait mieux que les Etats-Unis et sans doute mieux que la Russie ou l’Arabie Saoudite. Mais l’inexpĂ©rience française de ce type de situation – contrairement Ă  certains pays asiatiques qui ont dĂ©jĂ  connu des Ă©pidĂ©mies assez « voisines Â»- ajoutĂ©e Ă  des approximations politiques inspirent vraisemblablement des proches et fortes contestations sociales.

 

 

Pusher III ou L’Ange de la Mort de Nicholas Winding Refn se dĂ©roule au Danemark, Ă  Copenhague, principalement. Normal, Nicholas Winding Refn est Danois.

 

Plusieurs annĂ©es avant de se faire connaĂźtre avec son film Drive ( rĂ©alisĂ© en 2011 avec l’acteur Ryan Gosling), Nicholas Winding Refn avait entre-autres rĂ©alisĂ© sa trilogie Pusher dont le premier volet date de 1996. Pusher III ou L’Ange de la mort ( le dernier volet) a Ă©tĂ© rĂ©alisĂ© en 2005.

J’ai eu le plaisir d’aller dĂ©couvrir cette trilogie au cinĂ©ma Ă  Paris vers 2006 ou 2007. Elle avait eu de bonnes critiques et un succĂšs public plutĂŽt confidentiel.

 

Dans mes souvenirs, Ă  Paris,  la trilogie Pusher a Ă©tĂ© projetĂ©e plusieurs semaines dans deux salles ( peut-ĂȘtre trois). Je me rappelle d’un Complexe UGC et du cinĂ©ma Le Publicis oĂč j’étais allĂ© voir chacun des films de cette trilogie, plusieurs fois. Au moins deux fois chacun, je crois. Puis, dĂšs que je l’ai pu, j’ai achetĂ© les films en dvds.

 

 

Pour l’anecdote, une fois, plusieurs annĂ©es plus tard, je me suis retrouvĂ© assis Ă  cĂŽtĂ© de Nicholas Winding Refn. C’était aprĂšs Drive, sans doute, au forum des Images, pour une Master Class dont il Ă©tait l’invitĂ©. Le temps de descendre «  sur scĂšne Â», Nicholas Winding Refn s’était assis sur ma droite.

Et j’ai eu l’occasion d’interviewer l’acteur Mads Mikkelsen pour son rĂŽle dans Le Guerrier silencieux, rĂ©alisĂ© par Nicholas Winding Refn en 2009.

Mads Mikkelsen ( qui s’est fait connaĂźtre pour son rĂŽle du Chiffre  dans le trĂšs bon Casino Royale rĂ©alisĂ© en 2006 par Martin Campbell) est prĂ©sent dans deux des films de la trilogie Pusher ( mais pas dans L’Ange de la mort) ainsi qu’au moins dans un autre des premiers films de Nicholas Winding Refn. Dans un autre article, je pourrai parler un peu mieux de cette rencontre avec l’acteur Mads Mikkelsen. Car la grande vedette de Pusher III ou L’Ange de la Mort, c’est Milo, l’acteur Zlatko Buric’ d’origine serbe.

 

Milo, l’acteur Zlatko Buric’.

 

 

Dans Pusher III, Milo, l’impitoyable mafieux du premier volet de la trilogie dĂ©cide donc de devenir clean et frĂ©quente les N.A de Copenhague. C’est la scĂšne d’ouverture du film.

A « l’époque Â», lorsque j’avais vu le film la premiĂšre fois, j’avais cru Ă  une esbroufe de la part de Milo.  Je m’étais d’abord dit que c’était une ruse pour faire bonne figure et endormir la police s’il Ă©tait sous surveillance. Et j’avais beaucoup rigolĂ© en entendant Milo prendre la parole au sein des Narcotiques Anonymes et dĂ©clarer qu’il Ă©tait « clean Â» depuis cinq jours.

 

Mais, je me trompais.

 

Lorsque dĂ©bute l’histoire, sa fille Milena ( l’actrice Marinela Dekic) – que l’on voit pour la premiĂšre fois- fĂȘte son 25Ăšme anniversaire ce jour-lĂ . Et, Milo, en « papa poule Â»  s’est engagĂ© Ă  cuisiner pour les 45 personnes prĂ©sentes Ă  cet anniversaire. Cela se complique assez vite puisque Milo Ă©volue dans un milieu oĂč l’on boit de l’embrouille au goulot. Et, aussi, parce-que l’on s’aperçoit que sa fille chĂ©rie Milena ( infirmiĂšre nouvellement diplĂŽmĂ©e : on apprĂ©ciera le clin d’Ɠil involontaire Ă  la crise sanitaire actuelle due au Covid-19) se rĂ©vĂšle impeccable dans le rĂŽle de la jeune femme autoritaire, capricieuse et mĂ©prisante. Et tout se rĂ©unit pour que ce qui devait ĂȘtre une trĂšs belle journĂ©e se transforme en journĂ©e de merde pour papa poule.

 

Ce qui m’avait beaucoup plu dans cette trilogie et que Nicholas Winding Refn a perdu en tournant dĂ©sormais Ă  Hollywood, qui plus est en langue anglaise, c’était Ă©videmment cette patte danoise que je dĂ©couvrais. Cette langue, ces accents, ces ethnies, ces lieux, ces physiques ( turcs, serbes, albanais, danois
). L’humour et le rĂ©alisme des situations ( la trĂšs grande connaissance ethnologique et culturelle de Winding Refn est Ă©tonnante).  Cette aspiration Ă  s’intĂ©grer dans la sociĂ©tĂ© danoise et Ă  rĂȘver en grand souvent pathĂ©tique et comique alors mĂȘme que l’on est une ordure dans ce pays si « clean Â» et si riche que peut ĂȘtre, en apparence mais aussi pour l’exemple, le Danemark.

 

https://youtu.be/LSxSzB_btKg

 

J’ai oubliĂ© ce qui m’a donnĂ© l’idĂ©e, en ce mois d’avril 2020, de sortir la trilogie Pusher de mes Ă©tagĂšres. Peut-ĂȘtre le fait de prĂȘter un de mes deux coffrets Ă  un collĂšgue cinĂ©phile qui m’a sollicitĂ© afin que je lui fasse dĂ©couvrir des films. Et aprĂšs Noi Albinoi ( 2002, Dagur Kari) et Sicario (2015, Denis Villeneuve) mais aussi Ultravixens ( 1979, Russ Meyer), j’ai pensĂ© Ă  la trilogie Pusher.

 

Sur la jaquette du coffret de la trilogie de Winding Refn, il est fait rĂ©fĂ©rence Ă  Scorsese. Pourquoi pas. Sauf que Scorsese n’a pas tournĂ© de films au Danemark. Et je ne crois pas qu’il y ait vĂ©cu non plus. Ceci pour dire que l’on peut regarder Pusher sans apprĂ©hender de voir la tĂȘte de Scorsese apparaĂźtre dans chaque plan.

 

Avant hier, j’ai aimĂ© revoir Pusher III et je reverrai peut-ĂȘtre les deux autres volets.

NĂ©anmoins, une scĂšne en particulier dans Pusher III m’a donnĂ© envie de revoir ce volet. Et j’ai revu cette scĂšne plusieurs fois, ai repensĂ© Ă  elle ensuite avant de revoir ce troisiĂšme volet intĂ©gralement avant hier :

 

La scĂšne dure un peu plus de cinq minutes. Elle dĂ©bute aux environs de la 34 Ăšme minute et quarante secondes et s’achĂšve Ă  peu prĂšs Ă  la 39 Ăšme minute et 59 secondes.

 

Avant que la scĂšne ne dĂ©marre, Milo, aux Narcotiques Anonymes a confiĂ© :

 

« Ma vie est vraiment chaotique Â» ; « Des collĂšgues Ă  moi me causent beaucoup de stress Â». Et Milo de reconnaĂźtre qu’il s’est dĂ©jĂ  dit que s’il reprenait un peu d’hĂ©roĂŻne, que cela irait mieux.

 

Ce que Milo cache aux Narcotiques Anonymes, c’est que, s’il est effectivement, tel un homme d’affaires sous pression, c’est parce-que, d’un cĂŽtĂ©, le jeune Muhammad, auto-proclamĂ© «  King of Copenhague Â» (d’origine turque) lui a lancĂ© «  Faudra te faire Ă  la gĂ©nĂ©ration nouvelle ! » et qu’il a dĂ» s’en remettre Ă  lui pour revendre de l’ectasy, produit qu’il ne connaĂźt pas. Parce-que ses hommes de main et de confiance sont tous malades, intoxiquĂ©s vraisemblablement par les sarmas qu’il a lui-mĂȘme cuisinĂ©s. Et aussi parce-que les « Albanais Â», ses fournisseurs habituels d’hĂ©roĂŻne pour lesquels il a acceptĂ© de revendre l’ectasy, en profitent pour tenter de prendre l’ascendant sur lui. Au milieu de tout ça, Milo peut compter sur les exigences entĂȘtantes de sa chĂšre fille Milena qui semble avoir dĂ©laissĂ© les  conjugaisons  de l’empathie dĂšs ses premiĂšres couches culottes pour leur prĂ©fĂ©rer les additions de la tĂ©lĂ©pathie et du cash.  Car, comme le dit Mike, le petit ami de Milena qui «  n’a pas inventĂ© la poudre Â» ( dixit Milena Ă  Milo) :

 

« Milena a des goĂ»ts de luxe Â».

 

Et c’est lĂ  que dĂ©barque Kurt le con ( l’acteur Kurt Nielsen) Ă  la 35 Ăšme minute. Cette scĂšne est magistrale. Milo est alors dans un restaurant tenu par des Asiatiques. Assis le cul entre plusieurs problĂšmes, d’un cĂŽtĂ© Milena et son anniversaire, de l’autre Muhammad qui ne rĂ©pond pas Ă  ses appels et les « Albanais Â» qui le font chier, Milo essaie de s’appliquer Ă  ce que tout se passe bien pour l’anniversaire de Milena, qui, Ă©videmment, ne sait rien de ses emmerdes.

 

Au dĂ©part, une simple vitre sĂ©pare Kurt le con de Milo. Kurt le con, on l’a vu dans le deuxiĂšme volet de Pusher. C’est Ă  la fois un dealer mais aussi un trĂšs grand consommateur. Un personnage assez beauf, un peu bĂ©bĂȘte, plutĂŽt en bas de l’échelle sociale du trafiquant de drogue alors que Milo est bien au dessus. Mais Kurt le con a ses combines bien Ă  lui. Il sait aussi retomber sur ses pattes. Et, lĂ , il nous donne une leçon de perspicacitĂ© beauf. Le peu qu’il sait du genre humain tendance accroc, il  la met sur la table dans cette scĂšne oĂč il se montre aussi hilarant, inoffensif qu’impitoyable. Pour moi, c’est un modĂšle de jeu d’acteur. Un chef-d’Ɠuvre en moins de cinq minutes. Je vais essayer d’expliquer pourquoi.

 

D’abord cette vitre, cloison de sĂ©paration fragile entre un intĂ©rieur et l’extĂ©rieur.

 

A l’intĂ©rieur,  Milo, goĂ»te Ă  la fois un peu au calme mais est de plus en plus Ă  bout. Et lorsque c’est comme ça, le temps passe lentement. TrĂšs lentement. Trop lentement.

L’extĂ©rieur, Ă  ce moment-lĂ , c’est la rue, plutĂŽt calme. Mais aussi la nuit. Il doit y avoir deux clients dans le restaurant. La plupart des honnĂȘtes gens dorment ou sont chez eux ou chez leur amant ou chez leur maitresse. Milo, lui, attend sa commande de poissons frits. Pour l’anniversaire de sa fille. Pour remplacer les sarmas qu’il a dĂ©cidĂ© de jeter avant que des invitĂ©s n’en mangent et ne tombent malades. D’un naturel trĂšs sĂ»r de lui, du genre psychorigide, mais aussi trĂšs mĂ©fiant, il a fallu plusieurs heures Ă  Milo pour admettre que, finalement, ses sarmas sont peut-ĂȘtre bien responsables de l’intoxication alimentaire qui a donnĂ© la diarrhĂ©e Ă  ses hommes.

 

Et dans toute cette chiasse, le seul gĂ©nie qui sort de la nuit : Kurt le con qui tape soudainement Ă  la vitre. D’abord pour saluer.

 

Kurt le con fait beauf. Mais il a aussi une dĂ©gaine de clodo. Il pourrait tout aussi bien sortir de l’hĂŽpital psychiatrique dans le sens pĂ©joratif du terme. Ceci pour dire que c’est le profil du mec qui a plutĂŽt ratĂ© sa vie. Mais qui est amusant. Il pourrait briguer le poste de fou «  de la ville Â» ou du « village Â». Alors, Milo le laisse s’approcher. Ils se connaissent si bien l’un et l’autre ( leur monde est un microcosme). Ils se sont tant de fois reniflĂ©s.  Et, ils sont en bons termes mĂȘme s’ils ont pu avoir des dĂ©saccords pour des histoires de deal ( Pusher II).

C’est comme ça que Kurt le con devient Grand en s’asseyant Ă  la mĂȘme table que Milo et face Ă  lui aprĂšs que celui-ci, pour une fois, lui serre la main. Milo n’a rien Ă  craindre de Kurt le con qu’il voit principalement comme un grand bouffon. Au pire, cela lui permettra de faire passer un peu le temps se dit sĂ»rement Milo en le voyant s’approcher.

 

AprĂšs une blague dont Kurt le con a le secret ( je vous laisse la dĂ©couvrir) celui-ci entretient Milo Ă  propos du seul sujet qu’il connaisse, du seul sujet qui vaille pour lui :

 

La dope.

 

Et Milo, qui est en « rehab Â», dĂ©cline la proposition de Kurt le con qui sait trĂšs bien ce qu’il aime. L’hĂ©roĂŻne. Le fait de prononcer le nom de la substance magique, c’est dĂ©jĂ  prendre un peu du souffle de Milo. Et Kurt le con a l’Ɠil. Lorsqu’il dit Ă  Milo :

 

« C’est vrai, tu es devenu un Saint, maintenant 
. Â». On sent encore toute cette diffĂ©rence de classe sociale entre Milo qui serait supĂ©rieur ou regarderait les gens de haut et Kurt le con qui sait qu’il est en tout bas. Et qui remet un peu en cause cet ordre mais sans animositĂ© et, officiellement, sans rancune. Il est difficile de lire profondĂ©ment en Kurt le con.

 

Puis, vient la question de Kurt le con Ă  Milo : «  T’es clean ? Â». LĂ , ce passage devient extatique. Parce-que dans ce «  T’es clean ? Â», Kurt le con semble poser une question abstraite. Dire qu’on est clean, c’est comme parler de l’Au-delĂ . C’est une aspiration que l’on peut avoir lorsque l’on est addict mais qui reste de l’ordre de l’extraordinaire. De l’impossible. Donc, c’est comme si Milo avait affirmĂ© qu’il Ă©tait extra-terrestre. Ou qu’il Ă©tait mort et ressuscitĂ©. Que de droitier, il Ă©tait devenu gaucher en cinq leçons.

 

 Etre « clean Â», quand on Ă©coute et regarde Kurt le con, on comprend que c’est peut-ĂȘtre, Ă  ce qu’on dit, aussi bon que de prendre de la drogue, mais ça reste Ă  voir. C’est comme l’histoire du paradis. Il semblerait que ça existe.

 

FonciĂšrement, Kurt le con ne connaĂźt pas grand monde qui soit vĂ©ritablement clean ou qui le soit restĂ© suffisamment longtemps pour pouvoir le vĂ©rifier. Et, Kurt le con est le genre de personne trĂšs pragmatique qui ne croit que ce qu’il voit. Et, il voit trĂšs bien que Milo «  transpire Â» mĂȘme si celui-ci vient de rĂ©pondre que «  tout va bien Â». Nous, spectateurs, nous savons pour quelles raisons, et on le comprend, Milo peut transpirer depuis le dĂ©but du film. Kurt le con, pas si con que ça donc, rien qu’en observant Milo ainsi que par intuition et par expĂ©rience, dĂ©tecte, lui, le mensonge dans les propos et dans le comportement de Milo. Et c’est un des autres nombreux gros points forts du film :

 

A l’anniversaire de sa fille, Milo donne le change et personne (Ă  part peut-ĂȘtre, Mike, le copain de Milena) ne remarque qu’il joue la comĂ©die en souriant et en rigolant.

Il suffit de moins de cinq minutes ( la rencontre dure Ă  peine une minute) Ă  Kurt le con pour « dĂ©pister Â» Milo et voir qu’il est tendu. Et en manque
.

 

Qui sont nos vrais proches ? Qui nous connaĂźt le plus intimement ? Celles et ceux avec lesquels nous choisissons d’avoir une vie sociale, lĂ©gale, rangĂ©e et normale ? Ou tous les autres ? Celles et ceux qui nous ont vus foncer Ă  travers les lois et les rĂšgles. Et qui Ă©taient parfois ou souvent nos complices, nos tĂ©moins ou nos adversaires lorsque nous Ă©tions hors-la-loi et/ou sans masque. En moins de cinq minutes, la scĂšne avec Kurt le con claque ce genre de domino sur la table. 

 

Tout, dans cette scĂšne, est Ă  prendre. Depuis l’irruption de Kurt le con jusqu’à l’interruption de la scĂšne et la sortie de Kurt le con. Et, Ă©videmment, cette rencontre entraĂźne d’autres rĂ©actions de Milo jusqu’au dĂ©nouement du film.

 

Des films et des sĂ©ries, nous en voyons et pouvons en voir et en regarder beaucoup mĂȘme si actuellement les salles de cinĂ©ma sont confinĂ©es. Peut-ĂȘtre que beaucoup de salles de cinĂ©ma vont fermer Ă  court ou Ă  moyen terme du fait des consĂ©quences Ă©conomiques de l’épidĂ©mie. Et que le cinĂ©ma sera, alors, encore plus diffusĂ© par VOD.

Ceci pour dire que nous avons aujourd’hui de toute façon un accĂšs Ă  une quantitĂ© Ă©norme d’images. Mais certaines images et certains films restent plus que d’autres. Et on regarde beaucoup d’images de façon automatique, par convention, par gentillesse et aussi par politesse.

 

MalgrĂ© notre esprit critique, la surabondance d’images fait que l’on s’habitue Ă  prendre le temps de regarder et  Ă  en voir comme on peut s’habituer Ă  manger des lĂ©gumes et des fruits qui n’ont pas de goĂ»t parmi d’autres plats, fruits et lĂ©gumes, qui, eux, nous marqueront pour leurs attraits.   

 

Cette scĂšne entre Milo et Kurt le con m’a rappelĂ© ce que ça peut faire de regarder un film qui a du goĂ»t. Ou ce que je peux Ă  peu prĂšs rechercher dans un film. J’ai l’impression que je l’avais oubliĂ©. Bien-sĂ»r, on ne peut pas toujours voir des chefs-d’Ɠuvre. On n’est pas toujours suffisamment bien disposĂ© soi-mĂȘme d’ailleurs pour s’apercevoir que l’on a un chef-d’Ɠuvre devant soi, qu’il s’agisse d’un film, d’un livre, d’un moment ou d’une rencontre. Mais qu’est-ce que ça fait du bien de le voir ! Le cinĂ©ma, aussi, peut jouer ce rĂŽle-lĂ . Nous rappeler qu’il suffit parfois d’une scĂšne, d’un moment, de quelques secondes ou de quelques minutes, pour que nous puissions revenir Ă  ce que nous aimons, Ă  ce que nous sommes, Ă  ce que nous savons faire :

 

Le vrai message de Pusher III ou L’Ange de la mort, pour moi, n’est pas que Milo aime l’hĂ©roĂŻne et la dĂ©fonce et que c’est un psychopathe et un  mafieux. Mais qu’il refuse d’ĂȘtre la pute ou l’esclave de qui que ce soit et qu’il fera tout son possible, comme il  se l’est promis Ă  la mort de sa femme, pour offrir Ă  sa fille tout ce qu’elle voudra. En cela, Milo est bien d’une certaine façon l’équivalent du personnage interprĂ©tĂ© par l’acteur Michael Shannon dans Take Shelter de Jeff Nichols ( 2011). Dans L’Ange de la mort comme dans Take Shelter, le hĂ©ros principal Ă©tant le double- idĂ©alisĂ©- du rĂ©alisateur. Et c’est, Ă  chaque fois, un hĂ©ros qui se retrouve seul face Ă  certaines dĂ©cisions importantes et qui finit par trancher en prenant des risques.  

 

Franck Unimon, ce mardi 28 avril 2020.

 

 

 

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Lettre-Type

 

 

Photo prise en me rendant au travail ou en en revenant, mars-avril 2020.

                  Lettre-Type

 

En rentrant des courses tout Ă  l’heure, j’ai croisĂ© un de nos voisins avec sa compagne. Celui-ci et sa compagne m’ont tĂ©moignĂ© leur reconnaissance pour ma compagne et moi. Le voisin savait que ma compagne travaillait dans le paramĂ©dical (comment a-t’il su ?) mais pas pour moi. Je n’ai pas pensĂ© Ă  lui demander dans quel mĂ©tier il me voyait. Je rĂ©flĂ©chis encore Ă  mon orientation professionnelle. 

 

Un peu plus tĂŽt, sur un rĂ©seau social, un ami-combattant que je connais dans la vraie vie, m’avait exprimĂ© sa fiertĂ© de me connaĂźtre en cette pĂ©riode de pandĂ©mie et de confinement qui dure maintenant depuis un peu plus de cinq semaines. A cet ami comme Ă  nos voisins, j’ai dit :

 

 Â«  Je  suis moins en premiĂšre ligne que nos collĂšgues de rĂ©animation et des urgences ( j’ai oubliĂ© de citer nos collĂšgues des Ehpad). MĂȘme, si, oui, en psychiatrie et en pĂ©dopsychiatrie, nous prenons des risques d’attraper le virus en prenant les transports en commun. Mais aussi dans nos services. Mais je ne me sens pas du tout un hĂ©ros Â».

 

Dans les escaliers de notre immeuble, Ă  un bon mĂštre de distance de moi, sa compagne derriĂšre lui, le voisin Ă©tait plus remontĂ© que moi. Tous deux portaient un masque. Elle, en tissu, sĂ»rement confectionnĂ© par elle-mĂȘme. Lui, un masque de chantier jetable. Et, moi, un masque chirurgical jetable avec lequel j’avais quittĂ© mon service lors de ma derniĂšre nuit.

 

Le voisin m’a parlĂ© de ce qui est dĂ©sormais encore plus sur la place publique maintenant que l’épidĂ©mie est devenue une Ă©mission aussi nĂ©vralgique que centrale dans nos vies. Et, cela, Ă  un niveau mondial : le manque de reconnaissance depuis « trente ans Â» pour les personnels soignants. Il espĂ©rait que ça changerait aprĂšs la pĂ©riode de confinement. Et que les gens sortiraient pour manifester avec les personnels soignants. Je l’ai un peu arrĂȘtĂ© pour lui dire :

 

«  A mon avis, il y aura beaucoup de contestation sociale aprĂšs le confinement. Pas uniquement les personnels soignants. Jusque lĂ , les gilets jaunes Ă©taient devenus assez isolĂ©s (Gilets jaunes, samedi 14 mars 2020) . Mais, lĂ , ils ne seront plus seuls Â».

 

 

 

La pandĂ©mie va t’elle changer le monde ? Peut-ĂȘtre pas cette fois. Mais elle y contribuera un peu plus. Ne serait-ce que d’un  point de vue personnel.

 

En attendant, pandĂ©mie ou pas, fin de confinement ou pas, l’ĂȘtre humain reste identique concernant certains traits de caractĂšres. Et, en rentrant chez moi, aprĂšs avoir quittĂ© ces voisins reconnaissants, je n’ai pu m’empĂȘcher de penser Ă  ces collĂšgues soignants en France et ailleurs qui ont Ă©tĂ© menacĂ©s, d’une façon ou d’une autre, par leurs voisins, afin qu’ils quittent leur immeuble ou partent travailler ailleurs car, en raison de leur profession, ils Ă©taient susceptibles de transmettre le virus.

 

La profession soignante, dans son ensemble, a donc une aura mouvante. Tant on projette sur elle, de nouveau, tant de peurs et tant de défaites monstrueuses.

A quand un gĂ©nocide des soignants en France et ailleurs ? Puisque, pour certains, nous sommes si monstrueux. 

Les soignants sont ces ĂȘtres impossibles Ă  dĂ©finir et dont les actes restent si difficiles Ă  verrouiller dans le chiffre. Et on dirait mĂȘme qu’ils le font exprĂšs. Ils ne pourraient pas se contenter d’ĂȘtre des Saints et des Anges, une bonne fois pour toutes ?!

 

HĂ© non, les soignants ne peuvent pas ĂȘtre des Saints et des Anges. MĂȘme si, sans aucun doute, bien des soignants, Ă  un moment ou Ă  un autre de leur vie et de leur carriĂšre, l’ont cru et le croient.

 

Alors, j’ai repensĂ© Ă  cette attestation dĂ©rogatoire de dĂ©placement que nous devons tous, dĂ©sormais, remplir chaque fois  que nous sortons de chez nous, en cette pĂ©riode de pandĂ©mie et de confinement, afin de nous justifier en cas de contrĂŽle policier quant au bien fondĂ© de la rupture, provisoire, de notre confinement. Pour aller au travail, comme mes collĂšgues, j’ai une dĂ©rogation permanente valable un mois, qui doit ĂȘtre renouvelĂ©e, qui m’a Ă©tĂ© fournie par mon employeur via le service de la DRH.

Et, je me suis dit que, peut-ĂȘtre que je devrais dĂšs maintenant, sur le mĂȘme modĂšle, prĂ©parer une lettre type au cas oĂč, ma compagne et moi, recevrions, un jour, une jolie lettre de menace d’une de nos voisines, ou d’un de nos voisins, compte-tenu de notre mĂ©tier de soignant. Car si je crois en l’ĂȘtre humain pour de bon, je crois aussi en lui pour le pire. Cela est peut-ĂȘtre le rĂ©sultat de ma dĂ©formation professionnelle ou personnelle. Peut-ĂȘtre aussi, parce-que je me connais un peu mieux moi-mĂȘme.

 

Voici cette lettre-type que je m’imagine afficher bien en Ă©vidence en bas de mon immeuble si, une de mes voisines ou un de mes voisins dĂ©posait dans notre boite Ă  lettres une lettre- que j’imagine anonyme- nous gratifiant d’insultes ou de menaces en raison de notre profession :

 

 » ChÚre voisine ou cher voisin,

 

J’ai accusĂ© bonne rĂ©ception de ce courrier que tu as dĂ©posĂ© dans notre boite Ă  lettres. Au vu du caractĂšre trĂšs contagieux du virus qui court et qui nous obsĂšde tous depuis plusieurs semaines, j’espĂšre que tu as pris les prĂ©cautions nĂ©cessaires en te risquant jusqu’à notre boite Ă  lettres. Je n’aimerais pas avoir Ă  apprendre que tu as attrapĂ© le virus en sortant de chez toi.

 

Tu as donc appris que ma compagne et moi sommes des soignants. Et, dans ton courrier, tu nous enjoins à dégager. Je résume ta pensée.

Nous sommes en effet soignants, ma compagne et moi. Officiellement, mĂȘme si cette appellation me fait un drĂŽle d’effet, nous ferions partie des « hĂ©ros de la Nation Â». Mais je comprends que, pour  toi, nous sommes plutĂŽt des zĂ©ros de la Nation. Et qu’il faudrait plutĂŽt nous rayer du voisinage.

 

Dans notre mĂ©tier, nous nous occupons de tout le monde :

 

Des personnes déprimées. Des fous. Des personnes dangereuses. Mais aussi des lùches.

 

Tu te reconnaĂźtras peut-ĂȘtre un peu dans l’une de ces catĂ©gories de personnes. Et, si tu en trouves une autre, sache, que, dans notre mĂ©tier, nous nous occupons aussi de ces personnes. «  Tout le monde Â», c’est vraiment «  Tout le monde Â».

 

Alors, faisons simple et rapide. Nous sommes soignants, ma compagne et moi. Mais nous lisons aussi les journaux et nous connaissons aussi la Loi. La Loi est trĂšs claire concernant le courrier que tu nous as adressĂ© :

 

Ton courrier est interdit par la Loi. Donc, dĂšs que je le pourrai, je me rendrai avec ton courrier au commissariat de notre ville qui, comme tu le sais, se trouve Ă  peine Ă  cinq minutes Ă  pied de chez nous, et je verrai, lĂ , si je fais une main courante ou si je porte plainte contre X. X, c’est toi. Moi, tu sais dĂ©ja comment je m’appelle.

Je choisis de publier ce courrier en bas de notre immeuble bien en Ă©vidence afin que chacune et chacun sache Ă  quoi s’en tenir nous concernant. Mais aussi par rapport Ă  la Loi.

 

Et, je choisis aussi de publier ce courrier- au minimum- en bas de notre immeuble afin que le plus de personnes sachent quel genre de courrier tu t’es permis de nous adresser. Afin que, s’il nous arrive quoique ce soit dans les temps futurs, qu’il soit possible de te retrouver et de t’interroger quant Ă  ton Ă©ventuelle responsabilitĂ©.

 

 

Franck Unimon.

Ps : de maniĂšre plus apaisante, et je l’espĂšre, plus optimiste, il est possible de voir ou de revoir Panorama 18 mars-19 avril 2020

 

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Panorama 18 mars-19 avril 2020

Paris, 9 mars 2020.

 

Toutes les photos prises dans le diaporama qui suit ont Ă©tĂ© prises en me rendant au travail ou en en revenant. Exception faite bien-sĂ»r des coupures de presse qui, elles, ont Ă©tĂ© effectuĂ©es Ă  domicile. 

Franck Unimon

 

Musique : Dub Rastaquouere ( Serge Gainsbourg).