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Corona Circus self-défense/ Arts Martiaux

Le Jihad, c’est les autres.

 

Ça a commencé lors d’une nouvelle séance de kiné. Pour une tendinite. J’en ai déjà parlé et j’en reparlerai :

Les kinés sont les professionnels de la santé que j’ai- de très loin- le plus rencontrés dans ma vie. J’ai une enquête à finir sur l’histoire de mon corps. Il doit y avoir des raisons pour que je retourne régulièrement, depuis mon adolescence,  dans le port  des kinés, ces réparateurs du mouvement. Sans doute que je répète des gestes interdits en forçat qui se déplace à contre-courant.

 

J’ai donc connu plusieurs cabinets ou plusieurs ports de kinés dans ma vie. Celui-ci est près de chez moi. J’y suis d’abord allé les premières fois il y a deux ou trois ans pour des raisons très pratiques : afin de se rendre en béquilles à une rééducation après une intervention chirurgicale, mieux vaut éviter le parcours avec des cols à quinze pour cent à  grimper sur plusieurs kilomètres afin d’accéder au cabinet du kiné.

 

 

Sauf peut-être pendant le confinement récent, les kinés ne chôment pas. Ce sont des professionnels très demandés. J’ai connu deux sortes de kinés :

Celles et ceux qui vous prennent en individuel et qui, durant la séance de 20 à 30 minutes, s’occupent uniquement ou principalement de vous. Et celles et ceux qui vous donnent des exercices à faire, ou vous mettent sous machine, partent s’occuper de quelqu’un d’autre et viennent vous voir de temps à autre pour s’assurer du fait que tout se passe bien.

 

J’imagine bien-sûr que tous ces kinés ont leurs raisons.  Certains expliqueront que certains traitements et certaines rééducations ne nécessitent pas leur présence permanente. D’autres, qu’il faut qu’ils amortissent le coût de leur matériel de pointe très couteux et qu’ils n’ont pas d’autre choix que d’enchaîner le nombre de patients ou de clients d’autant que ceux-ci sont devenus de plus en plus nombreux.

 

 

Le cabinet de kiné où je me rends a été pour moi une découverte la première fois :

 

Il y a bien quelques pièces isolées où je devine que des patients sont dans une certaine intimité. Mais pour l’essentiel, le cabinet de kiné est un open space sans cloisons où l’on peut être vingt à trente personnes en soins et en rééducation en même temps allongé ou en train de réaliser tel exercice de rééducation ou de renforcement musculaire, ou en train de recevoir un soin par un kiné. Du fait de l’épidémie, avec la sortie du confinement, nous sommes tenus de venir avec un masque, un sac où ranger nos manteaux et de nous laver les mains avant la séance ou d’utiliser du gel hydroalcoolique mis à notre disposition à l’entrée.

 

Cette particularité « open space » pourrait faire sourire alors que l’on nous parle beaucoup de respect  de la « confidentialité » un peu partout : dans les labos d’analyses, dans les administrations diverses, dans les hôpitaux. Mais cette proximité ne me dérange pas d’autant qu’en général les kinés qui officient ont su créer une certaine convivialité dans leurs relations comme avec nous. Et puis, il y a la télé.

 

Car dans ce cabinet « open space », il y a une télé souvent allumée. Dans un autre cabinet de kiné que j’ai fréquenté, la télé passait uniquement du sport. On était dans un cabinet de kinés spécialisés dans le sport.

 

Dans ce cabinet, on aime beaucoup le sport aussi et les événements qui en parlent. Mais on aime aussi beaucoup débattre. Il est arrivé que la chaine choisie soit Arte et cela m’apaisait. Mais depuis que j’y suis retourné il y a bientôt un bon mois maintenant, on a droit à la chaine Cnews. A chacune de mes séances, Cnews est dans la place avec cette émission animée et patronnée par un journaliste entouré de chroniqueurs majoritairement masculins même si on trouve aussi quelques femmes.

 

 

Parmi mes premières séances avec Cnews, le sujet, répété, portait sur les violences policières en France. Après l’épidémie du coronavirus, le thème des violences policières a effectué sa percée. C’était avant le résultat du deuxième tour des élections municipales qui a finalement eu lieu hier et qui a réélu Isabelle Hidalgo comme maire de Paris face à Rachida Dati et Agnès Buzyn, ex-Ministre de la santé partie en pleine épidémie Covid remplacer la candidature de Benjamin Grivaux pour cause de scandale dû à des vidéos de Monsieur le sexe en érection. C’était avant la réouverture des salles de cinéma qui ont pu s’adapter au covid-19.

 

 

Lors d’une de mes séances kiné, il y a donc eu débat non sur mes érections ou sur ce que je pouvais penser de celle de l’homme politique Benjamin Grivaux, mais sur les violences policières. Un des kinés, assez incrédule, m’a demandé si, moi, en tant que noir, je m’étais déjà senti défavorisé devant la police. Cette question personnelle m’a été posée en public puisque nous sommes dans un cabinet « open space ».

 

On se rappelle du contexte : d’un côté, aux Etats-Unis, la mort du noir américain Georges Floyd, sous le genou d’un flic blanc, Derek Chauvin, déjà connu «  pour violences ». Georges Floyd aurait été, a été suspecté, de vouloir se servir d’un faux billet de vingt dollars. Résultat :

Il est mort étouffé par le policier Derek Chauvin alors qu’il répétait qu’il ne pouvait pas respirer. La scène a été filmée par une jeune noire avec son téléphone portable. J’ai oublié le prénom de cette jeune noire. Mais j’ai retenu son nom : Frazier. Comme l’ancien boxeur noir, champion du monde, et grand rival de Muhammad Ali, un des héros encore aujourd’hui de bien des jeunes dans les cités et banlieues.

 

Muhammad Ali a été un de mes héros lorsque j’étais adolescent. Et je reste attaché à son histoire. Mais je sais aussi qu’il a manqué de correction envers Joe Frazier et Malcolm X qui sont aussi des modèles. Je sais aussi que Muhammad Ali, lorsqu’il s’appelait encore Cassius Clay, doit d’avoir été « orienté » vers la boxe par un flic…blanc. Après qu’il se soit fait voler son vélo.

 

Adama Traoré, mort il y a quatre ans en France après une interpellation policière, est l’autre personne qui a ravivé le sujet des violences policières. Officiellement, la façon dont il a été interpellé physiquement n’a rien à voir avec sa mort. Sauf que les autopsies réalisées par d’autres experts sollicités par la famille d’Adama Traoré disent le contraire.

 

 

Je n’ai pas regardé sur le net la vidéo de la mort de Georges Floyd. Je n’ai pas lu le livre qui parle d’Adama Traoré et de la façon dont il est mort. Je crois celles et ceux qui disent que les deux histoires sont très différentes. Mais je crois aussi que celles et ceux qui le disent le font aussi pour se soulager. Parce qu’une fois  qu’on a dit que les deux histoires n’ont rien à voir, c’est comme si l’on pouvait changer de sujet juste après la page de pub et après avoir affirmé que tout va bien.

 

Je ne crois pas que la police française soit raciste. Mais j’ai déjà été interpellé deux ou trois fois par des policiers, dont au moins une fois voire deux ou trois fois parce-que j’étais noir, et même si deux ou trois fois, c’est « peu » et que tout s’est bien et rapidement terminé, pour moi, en tant que personne, c’est déjà beaucoup et, je « sais » que cela aurait pu se terminer plus mal pour moi alors que j’étais… « innocent ».

 

Si la « compétence » ou ce qui ressemble à de l’intelligence de la part du policier ou des flics rencontrés lors de « mes » contrôles a sans doute contribué au fait que cela se soit bien et rapidement terminé, je crois aussi que je dois saluer, à chaque fois, la capacité que j’ai eu de rester calme, coopératif, optimiste et d’avoir pu m’exprimer poliment et « correctement ». Mais en situation de stress, et un contrôle est une situation stressante, nous savons tous qu’il peut être très difficile pour bien des personnes de rester « calme », « coopératif » et de continuer de s’exprimer « correctement » :

 

C’est à dire, sans crier, sans s’énerver, sans s’agiter, sans regarder son interlocuteur ou ses interlocuteurs avec dédain ou colère, ou avec peur, en employant des mots nuancés et des intonations diplomatiques voire harmoniques et mélodieuses dans la voix.

 

 

Parce-que je crois vraiment que dans ces deux ou trois situations de contrôle que j’ai vécues, qu’il aurait suffi que je m’emporte pour qu’en face, de manière-réflexe ou conditionnée, un des représentants de l’ordre se sente à son tour agressé, pris à la gorge, et se persuade très vite d’être en présence d’un énième individu récalcitrant.

 

A partir de là, une réaction en chaine s’enclenche, et, moi, l’innocent, j’aurais très bien pu me retrouver avec une clé de bras dans le dos, plaqué contre un mur, sommé de vider mes poches devant tout le monde, comme il m’a déjà pu m’arriver de le voir pratiqué en prenant les transports en commun. Transports en commun, le train et le métro en particulier, qu’en tant que banlieusard, je prends régulièrement depuis mon adolescence.

 

Cette expérience-là, ce vécu-là, cette quasi-certitude que cela peut ou pourrait « partir en couille » face à la police lors d’un simple contrôle, je crois qu’en France, aujourd’hui en 2020, si l’on est un homme arabe ou noir qui a grandi en France, dans un environnement régulièrement quadrillé par les forces de l’ordre, on les a ou on les assimile à partir de notre adolescence. Et le verbe « assimiler » a sa place ici dans toute son ambiguïté.

 

 

Je ne suis pas anti-flic. Je ne me sens pas anti-flic. Je considère même que bien des flics ont à exécuter des ordres et des missions que leur impose leur hiérarchie du supérieur direct au Ministère de l’Intérieur.

 

 

Mais je m’estimerais très naïf si, en tant qu’homme noir, en France, je me considérais toujours l’exact égal du citoyen blanc ou de la citoyenne blanche lambda en cas de contrôle de police. J’ai quand même été interpellé un jour à la gare de Sartrouville par une femme-flic qui faisait manifestement ses preuves devant ses collègues masculins (la BAC du coin ?) afin de savoir si je portais sur moi du cannabis ! Selon quels critères ?!

 

La gare était pratiquement déserte et je me rendais à mon travail ce jour-là. J’étais déjà soignant et faisais déjà partie «  des héros de la Nation ».

Avec son air bonhomme, la femme flic s’est adressée à moi avec un aplomb comme si, d’emblée, j’étais suspect. Je n’avais sur moi ni cigarette, ni joint. J’étais un simple passager qui venait de sortir de son RER ou de son train et qui allait à son travail. J’avais mon titre de transport comme tous les jours. J’ai eu droit à un contrôle d’identité. Et à un mini-interrogatoire sous le regard de ses collègues masculins postés derrière elle.

J’ai d’abord répondu poliment. Puis, son interrogatoire se faisant insistant et intimidant

(elle me faisait comprendre que si j’avais du shit sur moi, ça allait mal se passer pour moi), j’ai commencé à répondre calmement. Et ironiquement. Parce-que ça commençait à m’agacer. Et, là, coup de baguette magique, sans me fouiller, d’un signe de la tête, elle m’a fait comprendre que je pouvais y aller ( ou dégager, c’est selon la sensibilité de chacun). Cette expérience apparaitra peut-être anodine pour certaines personnes. Mais pas pour d’autres. Et je ne suis pas sûr que d’autres personnes, à ma place, seraient restées aussi calmes que moi. Et, oui, je considère avoir eu de la chance ce jour-là car mon ironie, venue de mon agacement compréhensible, aurait pu se retourner contre moi.

 

 

 

Pour ces quelques raisons et ces quelques exemples, même si, oui, je pense que les deux situations Georges Floyd/Adama Traoré sont différentes et que ça me dérange aussi beaucoup de savoir que, de son vivant, Adama Traoré pratiquait «  l’extorsion sur des personnes vulnérables », ce qui est l’autre mot pour dire « racket », je me sens plutôt concerné en tant qu’homme noir, par les violences qui ont tué ces deux hommes.

 

Et, encore plus, en écoutant certains des propos tenus sur Cnews pendant une de mes séances de kiné. Cela s’est passé après la fresque de Stains montrant Georges Floyd et Adama Traoré côte à côte. Je comprends que l’on puisse parler d’amalgame, de récupération en mettant Georges Floyd et Adama Traoré ensemble au vu du casier judiciaire différent des deux hommes et aussi de la façon dont « l’interpellation » s’est passée :

 

D’un côté, avec Georges Floyd, images à l’appui, sauf nouvelle information qui changerait la donne, on a l’acharnement d’un policier, fier de lui, et déjà connu pour faits de violence. Un policier peut-être maintenu dans ses fonctions par sa hiérarchie car estimé « efficace » ou pratique et disponible lors de certaines situations sensibles. Ce que l’on retrouve déjà «  un peu » en France où, depuis plusieurs mois, le gouvernement Macron-Philippe sait qu’il doit rester en bons termes avec la police afin de pouvoir compter sur elle pour faire le sale travail de répression lors de certaines manifestations sociales du type gilets jaunes ou autres. Et je l’écris avec respect pour la police.

 

De l’autre, avec Adama Traoré, on n’a pas les images de sa mort en direct après son interpellation et les différentes autopsies se contredisent.

 

Mais qu’il y’ait amalgame, récupération ou non en accolant Georges Floyd et Adama Traoré dans cette fresque à Stains, il me semble que « l’expérience » du spectacle d’une certaine justice montre au citoyen lambda qu’attendre docilement et patiemment que la Justice se fasse correctement peut être une erreur stratégique :

 

Les affaires du Médiator ou des prothèses PIP du Roundup de Monsanto ou, plus « simplement », la façon dont certaines professions (soignantes et autres) pourtant nécessaires se font balader par les différents gouvernements contraignent le citoyen lambda à comprendre qu’être victime et « seulement » manifester civilement ou porter plainte peut être insuffisant pour obtenir réparation ou justice.

 

Il faut aussi réaliser des coups médiatiques. Faire le buzz. Il faut des catastrophes ou des épidémies. Il faut faire peur. Il faut se faire respecter comme force de nuisance par les autorités officielles. Puisque même des personnes coupables, dès qu’elles en ont les moyens au moins financiers, savent choisir les bons avocats qui trouveront les astuces, les bons ressorts, les erreurs, les failles ou les fautes de procédures, afin de retarder le jugement, le casser ou l’éviter.

 

 

Donc, je vois cette fresque à Stains comme un moyen d’essayer d’obtenir que la Justice française, si elle a été mal influencée, de bien ou de mieux faire son travail dans l’affaire Traoré. D’autant que sur le plateau de CNews, la fresque réalisée par certains propos a été plutôt palpitante :

 

Elle, il y a encore quelques semaines, je ne la connaissais pas. Elle regrette et combat la perte des hautes valeurs qui ont fait la France. Pourtant, ses succès personnels et médiatiques proviennent peut-être aussi du fait de cette « perte » des hautes valeurs qu’elle regrette tant.

Elle ne le dira pas car elle fait partie des premiers de la classe, qui plus est sur un plateau de télé. Mais elle croit à la supériorité des races. Ce n’est pas de sa faute. La destinée est ainsi et le souligner, c’est évidemment être aigri.

Bien-sûr, les personnes qu’elle désigne comme l’ennemi sont souvent parmi celles qui refusent de la servir, elle, moralement si irréprochable.

Plutôt belle femme – et elle le sait- elle se sert de son minois devant le « journaliste » qui pilote le journal comme le propriétaire d’un ballon de foot qui veut bien jouer avec les autres à condition que ce soit lui qui marque le plus de buts.

 

Elle, elle n’est pas comme ça. Assez souvent, elle se tait. Elle entend être plus sage que certains des chroniqueurs et des intervenants plus âgés qu’elle compte bien ringardiser. Sa pensée est ouverte là où elle regarde vu que son œil est toujours juste et que sa langue tinte bien. Pourtant, malgré sa parole qui lui donne l’allure d’un sac à main de luxe, elle dit aussi des ordures :

 

Quand elle récite et affirme que la plupart des étranglements réalisés par la police sont  «  la violence légitime et nécessaire de l’Etat » et qu’ils  se déroulent «  en général, sans problème », on aimerait qu’elle nous raconte ses expériences d’étranglement que l’on devine nombreuses. Non par voyeurisme : mais afin qu’elle nous rassure quant aux effets d’une telle expérience lorsque l’on est innocent et qu’une interpellation a mal tourné. Mais, bien-sûr, elle n’est pas responsable des circonstances comme des situations qui créent le recours à cette pratique.

Lors de sa rencontre avec Bachar El-Assad en Syrie, elle aurait trouvé celui-ci « doux ». C’est peut-être une fausse information. Autrement, cela pourrait expliquer sa vision tranquillisante de l’étranglement d’un citoyen par des forces de l’ordre.

 

 

Un intervenant présent ce jour-là à côté d’elle, politologue, semble déguster un tiramisu en déclarant que le parti socialiste n’existe plus désormais. Peut-être que tout son bonheur à être sur ce plateau est condensé dans cette phrase. Pouvoir enfin la dire librement et à visage découvert sans avoir à se retourner. Cela respire presque l’enfant qui a longtemps été battu par un parent socialiste. Et, fin gourmet, il explique que c’est  pour sauver le très peu qui lui reste que le parti socialiste s’accroche à la cause de l’antiracisme du côté d’Assa Traoré, la sœur d’Adama Traoré.

Sa joie lui donne raison d’autant que si le parti socialiste, aujourd’hui, est inexistant, c’est peut-être pour beaucoup parce-que son « tonton » et son premier Président, François Mitterrand, a su verser dans sa famille politique, durant quatorze ans de 1981 à 1995, le poison suffisant afin qu’aucun de ses neveux ou nièces en politique ne puisse être en mesure de lui succéder et de le dépasser par la suite. Mais, de cela, le politologue, la bouche pleine de tiramisu, n’en parle pas. Ni personne d’ailleurs sur ce plateau de télé. 1995, c’était il y a 25 ans. C’est déjà loin. Et peut-être que, désormais, aussi, lorsque l’on est ou que l’on a été socialiste et que l’on repense à cette période, que l’on se sent nostalgique ou honteux. Honteux d’y avoir cru.

 

Très en confiance, le politologue affirme que, dans les cités, les gens en « ont marre » des actions d’Assa Traoré. J’ai sûrement de grands préjugés mais il m’est difficile de l’imaginer faisant le tour des cités et s’entendant dire qu’Assa Traoré en fait trop. Personne ne le conteste ou ne met en doute ses propos sur le plateau de télé.

 

Néanmoins, «  Les Bretons et les Provençaux n’ont pas la même tête » professe néanmoins le politologue pour expliquer que la France s’est faite en unifiant des personnes très différentes. Et donc qu’il est possible d’intégrer des personnes de tous horizons. La France, selon-lui, est d’ailleurs un des pays les plus diversifiés au monde et donc en aucun cas, raciste. Mais que cela implique de se rejoindre autour d’une identité nationale commune.

Le journaliste qui « anime » le débat abonde dans son sens et cite, référence sans doute à son passé de journaliste sportif…. Aldo Platini. On revient donc en France au début des années 80 à l’époque de la première élection de François Mitterrand. La France qui ferait particulièrement vibrer notre « animateur » serait-elle celle des années 80 ?

Toujours est-il qu’il nous parle d’Aldo Platini qui  avait prénommé son fils, futur grand footballeur…Michel. Avec interdiction «  de parler à la maison la langue d’origine ». Néanmoins, précise tout de suite « notre » journaliste, « …il ne s’agit pas de refouler les origines…. ».

Mais elles ont peut-être été un peu trop refoulées, ces origines, pour que « Michel », quitte la France et termine- brillamment- sa carrière de footeux à la Juventus de Turin, un club de Foot italien….

 

Est critiqué aussi, au cours du débat, cette trop grande fascination des jeunes pour « Nos bons Maitres américains ». La sémantique « Bons Maitres » est amusante et retournée :

 

Les Français se révoltent contre leurs Maitres américains. Mais s’agit-il du Français franchouillard ? Gaullien ? De celui de l’ancien empire colonial français qui était alors plus puissant que les Etats-Unis avant son indépendance ?

Ou des jeunes français noirs, et autres, qui, pour s’émanciper, se choisissent d’autres modèles culturels, idéologiques et politiques aux Etats-Unis ?

Tout cela est flou, messieurs et madame qui débattez et savez mieux penser et mieux parler que nous qui vous regardons et vous écoutons.

 

On perçoit en tout cas un aveu d’impuissance et une rancœur envers les Etats-Unis qui sont plus forts que « nous », « nous » qui étions si puissants avant. Nous voudrions être des modèles pour cette jeunesse qui nous défie et nous embarrasse et nous n’y arrivons pas. Alors, que les Etats-Unis, eux, ils ont la cote auprès de bien des jeunes. Mais quels modèles proposez-vous ? Des modèles comme ceux  des débats que vous avez et imposez sur Cnews ? Ou un des intervenants, satisfait de lui, affirme que les personnes présentes à la marche en mémoire d’Adama Traoré sont surtout ou principalement des « bobos blancs » et plutôt socialistes ?

 

Je crois être moins fasciné que je ne l’étais par les Etats-Unis lorsque j’étais adolescent. Mon séjour à New-York m’a sûrement moyennement plu parce-que je l’ai effectué en 2011 et que je m’étais davantage ouvert au monde et à la pensée entre-temps. Pourtant, sans être un idolâtre des Etats-Unis, on est obligé de constater que ceux-ci sont encore la Première Puissance Mondiale dans certains domaines :

 

Une émission animée par Billy Crystal ou Jimmy Fallon a beaucoup plus de classe qu’une émission animée par Thierry Ardisson, Laurent Ruquier ou Cyril Hanouna.

 

 

Plusieurs des débatteurs- dont le journaliste « maitre des lieux » finissent pas conclure d’un commun accord, qu’il faudrait traiter par l’indifférence tous ces représentants noirs, en France, qui tiennent des propos racialistes à propos des Blancs. Cela apparaît le meilleur moyen afin de donner moins d’ampleur médiatique à tous ces propos extrémistes et haineux et la meilleure façon d’y répondre. Par contre, écouter Eric Zemmour et converser avec lui semble éclairant et nullement racialisant.

 

 

Mais « il faudrait quand même retirer cette fresque à Stains », dit le journaliste-« propriétaire » du débat sur Cnews. Mais comment faire, demande-t’il ?!

 

La réponse est pourtant évidente : Lui et plusieurs de ses invités qui savent tout, qui gagnent bien plus que nous, grâce à la pub, grâce à la télé, grâce à leur renommée, n’ont qu’à faire comme la plupart des gens. Prendre un seau, de l’eau bouillante, un peu de bicarbonate, quelques éponges,  se déplacer et aller faire le ménage. Et s’ils pouvaient aussi faire un peu le ménage dans leur tête (mais comment ?) ce serait bien, aussi.

 

A la fin, notre journaliste-débatteur, se confie :

 

« Je vais vous dire, modestement, ce qui me choque. Je n’ai rien contre Rosa Parks mais pourquoi on n’appelle pas certains endroits (ou stades) Jean de La Fontaine ? ».

 

 

Près de moi, le kiné qui, lors d’une séance précédente m’avait demandé, si, en tant que noir, je m’étais déjà senti défavorisé devant la police, en France, réfléchit à voix haute en passant :

 

«  Rosa Parks….c’est pas une histoire de bus, de racisme ? Je me souviens plus…. ».

 

 

 

Franck Unimon, lundi 29 juin 2020.

 

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Echos Statiques

Situation irrégulière

 

                                                       Situation irrégulière

 

 

 

 

Ils font partie des mutants. «  Ils » : ils et elles.

 

Ils sont les résidents de situations particulières. Dans la fourmilière en mouvement que peut être un pays, une localité ou une région,  ou parfois un souvenir, ils sont celles et ceux qui voient, écoutent, touchent de près les transes et les errances tandis que d’autres peuvent se permettre de les ignorer, de débattre ou de déjeuner tranquillement à côté en terrasse, entre collègues, entre amis ou en famille.

 

Les mutants essaient de remédier à ce qu’ils voient, à ce qu’ils vivent, à ce qu’ils décodent de l’envers de ces personnes dont ils ont la charge. Chacune de ces personnes est à sa manière un SOS ambulant.

 

Certains SOS sont temporaires. D’autres sont des SOS permanents.  SOS :

 

« Save our souls ».

 

Peu importe le contexte : crise, chômage, épidémie, confinement, déconfinement, montée des os, effondrement, conflits, suicides réels ou supposés, événements immédiats ou à venir. Quel que soit le régime alimentaire, religieux, ethnique ou politique, ils et elles seront présents et essaieront d’être des escortes de la vie jusqu’à la voir repartir. Même si,  bien des fois, celle-ci restera enfermée dans des escaliers ou sera happée par le gravier. 

 

Il en faut des pouvoirs pour, la mission terminée, malgré les collisions et les accidents de parcours,  continuer à servir tout en ayant un comportement compatible avec la vie sociale.

 

 

Souvent, on dit d’eux qu’ils ont «  la vocation ». C’est peut-être vrai. Mais c’est aussi plus pratique comme ça afin de parler de leur métier. Et aussi afin de pouvoir les juger lorsque leurs comportements déplairont. Le contraire de la « vocation » est la révocation. Et la révocation embroche sur l’opprobre et le bannissement :

 

Tant que tu es parfait(e), tu as la vocation. Dès que tu cesses de l’être, tu mérites le dégoût.

 

Ce serait trop facile de dire que l’on parle d’un métier ou d’une personne en particulier. De les borner avec un identifiant définitif afin, une fois encore, de boucler rapidement le sujet parce qu’on a d’autres choses à « faire ». Hé bien, on va faire aussi compliqué que la vie.

 

Ces mutants sont semblables à celles et ceux que l’on peut voir dans les comics, dans les films ou dans les séries :

 

Pourvus d’aptitudes particulières soit du fait d’une sensibilité ou d’une infirmité qui leur est propre ou d’un traumatisme connu ou ignoré d’eux, ces mutants sont tantôt recherchés, tantôt  banalisés ou rejetés. Selon les humeurs et les besoins du pays, de la région, de la société, d’une période de vie ou d’une époque.

 

 

Ces mutants peuvent donc aussi être des migrants. Ce n’est pas étonnant.  

 

Notre monde nous confronte à des frontières et des contrôles permanents. Des cookies qu’il faut accepter pour pouvoir lire un simple article sur un site, aux codes à passer ou à fournir pour entrer chez soi ou accéder à ses comptes bancaires. L’argent aussi est une frontière et un contrôle. Certains quartiers et certains milieux. Ainsi qu’un certain Savoir (où ses revers : la peur et l’ignorance) comme le fait de dépendre d’une  pièce d’identité.

 

Certaines informations répétées, y compris par nos proches et par nous-mêmes, sont aussi des frontières et des contrôles. Certaines fois, nous réussissons à passer les frontières et les contrôles. D’autres fois, non.

 

Plusieurs fois par jour, on peut devenir un migrant et un mutant Et certaines personnes plus que d’autres. Nous sommes ainsi, mutants et migrants, ignorants aussi, expulsés régulièrement de notre horloge interne et passant une bonne partie de notre vie à courir après un badge qui nous ouvrira l’heure.

 

Certaines fois, il nous faudrait un bon marabout pour nous y retrouver. On l’a peut-être déjà croisé plusieurs fois, sous différentes formes, sauf que, pour nous, il sera d’abord classé comme individu suspect ou en situation irrégulière.

 

 

Franck Unimon, vendredi 19 juin 2020.

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Micro Actif

La mer repose au delà de 100 pour cent

 

 

Marie m’a demandé il y a bientôt dix jours, ou peut-être plus, de lire un poème ou un article. J’ai pris du temps pour le faire car je voulais être dans de bonnes conditions. 

 

Je présente deux textes aujourd’hui : La mer repose et Au delà de 100 %. J’espère qu’ils vous plairont. J’ai eu une pensée particulière en écrivant Au delà de 100 % pour Cécile  » Tu la plantes ! », Barbara  » Tu piges ?! », Sylvie, Christelle  » Virgule Cats » et Eric car c’est en rigolant avec eux que ce texte a commencé.

 Si vous le pouvez, faites-moi savoir quel texte vous préférez.

 

 La mer repose

 

 

Au delà de 100 %

 

 

F.Unimon, ce mercredi 10 juin 2020.

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Corona Circus Ecologie self-défense/ Arts Martiaux

Self-défense

Photo prise à Paris, lors du dernier week-end de Mai 2020.

 

 

                                                                   Self-Défense

 

 « Je vous attendais ».

 

 

Même s’il s’est mis à pleuvoir abondamment hier soir, depuis plusieurs jours, les gens sont globalement plutôt heureux de pouvoir sortir à nouveau de chez eux. Ça se voit. Je le vois en partant au travail ou en sortant de chez moi. J’aperçois des couples très amoureux. Je m’attends à ce qu’un certain nombre d’eux, rapidement, s’incitent à arrêter d’être deux. D’autres fois,  dans certains quartiers comme récemment du côté de Denfert Rochereau, avec mon masque sur le visage, j’ai l’impression d’être un spécimen ou un attardé. 

 

La deuxième vague du Covid-19 ne s’est pas faite sentir. Beaucoup de personnes en concluent que l’épidémie a disparu. Il a fait beau depuis pratiquement trois mois – même si les températures avaient pu être fraiches le matin en mars- et beaucoup de personnes en avaient assez d’être confinées depuis mi-mars. En plus, le gouvernement a décidé du déconfinement le 11 Mai (et non le 12 comme je l’ai écrit dans mon précédent article Avec ou sans masques ). Et, depuis deux ou trois jours (le 2 juin, je crois) la limitation de déplacement des 100 kilomètres a cessé d’exister. Un certain nombre de personnes sont donc parties prendre l’air en province. Sur Facebook, réseau social bien connu par les plus de vingts ans et les vieux (sourire), j’ai ainsi pu voir des photos de connaissances parties s’aérer du côté de Paimpaul en Bretagne ou en Normandie, à chaque fois près de la mer.

 Enfin, hier soir, en retournant au travail, j’ai revu pour la première fois depuis trois mois des personnes installées en terrasse d’un café ou d’une brasserie. Il y avait du monde. 

 

Photo prise à Paris en allant au travail, lors du dernier week-end de Mai 2020.

 

 

La pandémie du covid-19 a simplifié mon agenda. Je me suis très bien passé de certaines activités que j’ai du plaisir à faire : médiathèque, cinéma, pratique de l’apnée en club, librairies, achats de blu-ray, magasins de loisirs, etc…autant de déplacements que j’ai arrêté de pratiquer. Là où avant la pandémie, je me démultipliais voire me dispersais, pendant la pandémie, je me suis facilement limité à continuer d’aller au travail, continuer de prendre des photos, continuer d’écrire, être davantage avec ma fille, continuer mes étirements, être davantage avec ma compagne, contacter certaines personnes.

 

Par contre, pendant plusieurs semaines,  j’ai fait plus de vélo pour me rendre au travail. Je suis parti bien plus tôt de chez moi pour m’y rendre d’une manière générale. J’ai changé mon itinéraire pour me rendre au travail et ma façon de m’y rendre :

 

Avant la pandémie, je m’y rendais principalement en train et métro en partant de chez moi 45 ou 50 minutes plus tôt. Durant la pandémie, avec la rareté des trains,  j’y suis plusieurs fois allé à vélo, et, surtout, après avoir pris le train, j’ai beaucoup pris le bus. En partant de chez moi 90 minutes plus tôt. Et, j’ai marché aussi. J’ai continué de marcher. Je marchais déjà avant la pandémie mais moins pour me rendre au travail. Depuis deux à trois semaines, sans doute depuis le 11 Mai, je me suis relâché. Je pars maintenant plus tard de chez moi : comme avant les mesures de confinement. Mais je continue de prendre le bus le plus possible, une fois arrivé à St Lazare.

 

On voit beaucoup mieux ce qui nous entoure en prenant le bus, je trouve. Et la pandémie m’a poussé à ça:

Beaucoup regarder autour de moi. Pas uniquement par inquiétude. Mais aussi par curiosité. Cette curiosité que j’avais perdue par habitude et aussi en m’immergeant dans le métro et dans la foule qui sont souvent les cendriers de nos regards.

 

Avant la pandémie, j’avais commencé à lire La Dernière étreinte de l’éthologue Franz de Waal. Un très bon livre, très agréable, emprunté à la médiathèque de ma ville et que j’ai toujours.

Avec la pandémie, j’ai perdu ma lecture. Bercé par l’étreinte de la pandémie, je n’ai pas pu remettre ma tête à cette lecture même si je sais en théorie que son contenu aurait très bien servi à décrypter ce que nous avons vécu et continuons de vivre depuis la pandémie.

Par contre, j’ai lu beaucoup plus de journaux que d’habitude durant la pandémie. Cela a été instinctif. Une mesure d’autoprotection personnelle : à l’anxiété générale relayée par la télé, les réseaux sociaux, les collègues, les amis et les proches, j’ai assez vite préféré le Savoir du papier, la diversité des journaux et des langues ainsi que l’expérience physique du déplacement jusqu’au point presse. J’ai eu de la chance :

Il y a un point presse près de mon travail qui est resté ouvert pendant toute la pandémie et, cela, dès 7h30 jusqu’à 20h.

 

Lorsque l’on parle de self-défense, on s’arrête souvent à la définition standard : on pense d’abord au fait d’apprendre à se défendre physiquement d’une attaque menée par un ou plusieurs agresseurs.

Il y a quelques jours, une nuit, sur un réseau social que tout le monde connaît et sur lequel beaucoup de monde exprime ses états d’âmes et ses certitudes, moi y compris, une copine a posté une vidéo d’un cours de self-défense. Cela m’a étonné venant de cette copine que je connais comme étant une très grande intellectuelle et qui était assez peu portée, officiellement, sur ce genre de discipline la dernière fois que nous nous étions rencontrés. C’était il y a plusieurs années.

 

J’ai regardé la vidéo d’autant que la self-défense, les sports de combats et les arts martiaux font aussi partie, depuis des années, de mes centres d’intérêt.

Dans un gymnase, un instructeur aguerri que j’ai découvert, faisait ses démonstrations devant ses «élèves ». La cinquantaine rugissante, en Jeans, tee-shirt et baskets, il en imposait à ses trente ou quarante élèves. Et chacun de ses partenaires se retrouvait évidemment au sol, immobilisé ou contré, au moyen d’une clé ou d’une soumission, d’une percussion. Ça ne traînait pas. Collant le plus possible à des situations réelles, son but était à l’évidence de pouvoir proposer à ses élèves ou à ses stagiaires des méthodes efficaces, rapides à assimiler et à reproduire, avec un minimum d’entraînement.

Si je devais comparer son enseignement à la façon dont nous essayons de soigner en santé mentale, je dirais que son enseignement était plus proche de la thérapie brève et comportementale que de la psychanalyse. Avec la self-défense, on est dans l’urgence, le comportementalisme, dans l’efficacité et dans l’action. Et non dans la masturbation intellectuelle et dans le bla-bla. Je peux d’autant plus l’écrire que je suis très attaché à la psychanalyse.

Si je devais comparer son enseignement à la façon dont on apprend le jeu d’acteur, je dirais qu’il était plus proche de ce que je comprends de l’actor’s studio et de toute formation où l’on engage le corps et où on lui fait acquérir- ou désinhiber- des réflexes dont l’être humain, en tant qu’être animal, est doté en principe s’il veut pouvoir survivre et se défendre. A moins d’avoir été « castré », tellement détruit et humilié, qu’il n’a plus la moindre force, volonté ou aspiration à se révolter. Ou à moins de tout intellectualiser en permanence et de tout miser, en tant qu’acteur, sur la diction d’un texte.

 

La particularité de toutes ces démonstrations de self-défense, de sports de combats ou d’arts martiaux auxquelles nous assistons en direct ou via une vidéo, c’est qu’elles tournent souvent à l’avantage de l’instructeur. Et ça donne envie. Ou ça suscite l’admiration. On se dit :

« J’aimerais bien apprendre ce qu’il enseigne pour pouvoir me défendre en cas de besoin ou pour pouvoir défendre celles et ceux à qui je tiens ».

 

De son côté, l’instructeur se doit d’être convaincant lors de ses démonstrations. Pas uniquement d’un point de vue technique. Mais aussi de par son attitude, son réalisme, et, voire, par son éthique. Et l’instructeur en question mettait tant de conviction devant ses élèves, si volontaires et si inexpérimentés de toute évidence d’un point de vue pugilistique, que cela donnait l’impression qu’il passait vraisemblablement sa vie à penser combat, self-défense, combat, self-défense. Cela en devenait un peu comique. Mieux vaut rire que mourir.

Mais attention : je ne critique pas. J’ai appris qu’il valait mieux  être à même de savoir se défendre en certaines circonstances plutôt que de compter sur des amabilités et sur la chance. Sauf qu’il faut savoir quand se défendre, comment, contre qui, dans quelles proportions et où. Et Avoir aussi, une conscience. De soi, de nos actes, des autres, de notre environnement. 

 

En regardant cette vidéo de « stage », j’avais l’impression que l’instructeur s’entraînait et se préparait depuis des années au combat :

La majorité des instructeurs, profs, enseignants et maitres de combats, de self-défense et d’arts martiaux  parmi les plus connus et reconnus, à ce que j’ai constaté, sont généralement des pratiquants très expérimentés depuis dix, vingt années ou davantage dans plusieurs disciplines de défense et d’auto-défense.  

 

Et, l’instructeur de la vidéo  donnait l’impression que c’était comme s’il n’attendait que ça parce qu’au fond, sans combat,  il s’ennuyait :

C’était donc comme s’il attendait tous les jours que quelqu’un, enfin, vienne le « chercher » à la sortie de son travail, dans son sommeil, dans un magasin de vélo ou sur la route pour l’agresser. Et j’avais aussi l’impression que la majorité des stagiaires, en le voyant aussi affûté et percutant, n’avait qu’une envie (et moi aussi) en découvrant la somme de travail et de vécu à engranger pour lui ressembler :

 

Devenir son ami ou l’avoir comme ami dans la vie ou sur Facebook afin, qu’en cas de besoin, il vienne nous défendre rapidement.

 

 

 

En matière de self-défense, je me demande ce qui a manqué à Georges Floyd aux Etats-Unis ou à Adama Traoré et à tous les autres, arabes, asiatiques, femmes, enfants, personnes âgées, citoyens lambdas, homosexuels, trans, juifs, arméniens, les Amérindiens, les pauvres etc lorsqu’ils rencontrent leur prédateur.

 

 

Je parle du noir américain Georges Floyd et du Français Adama Traoré car ils font désormais partie de l’actualité funèbre maintenant que l’on n’a plus peur du Covid-19. Mais je crois qu’il faut aussi penser à bien d’autre victimes et c’est pour ça que j’ai ajouté ces autres « catégories » de personnes qui font souvent partie des victimes que ce soit dans une dictature ou dans une démocratie.

 

 

Dans le monde animal, la biche ou le cerf ne se fait pas toujours attraper par son prédateur. Mais il est quand même un certain nombre de proies et de gibiers qui se font dévorer. Georges Floyd et Adama Traoré font désormais partie de ces victimes qui se sont faites « dévorer ».

 

J’ai ressenti une grande lassitude en apprenant « l’histoire » de Georges Floyd. Comment elle s’est terminée après celle d’Adama Traoré il y a quatre ans. Ce sentiment de lassitude m’a interrogé. Je me suis demandé si j’étais devenu indifférent.  Plus jeune, j’aurais été en colère.

 

 

Je me suis demandé si je me sentais au dessus de ce qui leur était arrivé ou si je les rendais responsables de leur propre mort.

 

 

Je ne crois pas être indifférent à leur mort.

 

Parce qu’avant Georges Floyd et Adama Traoré, pour moi, lorsque j’avais 17 ans, il y avait eu le noir américain Georges Jackson et les frères de Soledad. Ainsi que, bien-sûr, le souvenir de Martin Luther King, Malcolm X, les Black Panthers. Plusieurs de mes modèles pour mon adolescence. Un groupe de Reggae comme Steel Pulse a composé un titre en mémoire de Georges Jackson. Le Reggae peut être perçu comme une musique juste festive pour l’été ou pour s’amuser alors que c’est une musique très militante.

 

Parmi mes modèles, adolescent, il y avait aussi eu Nelson Mandela. Et Steve Biko dont on parle beaucoup moins que Mandela et qui a, lui, été vraisemblablement assassiné lors de son emprisonnement:

Officiellement, Steve Biko aurait glissé en prenant une douche. Le groupe Steel Pulse mais aussi Peter Gabriel ont composé une chanson en son hommage.

 

Je me suis demandé pour quelle raison Biko avait été oublié et pour quelle raison, lui, contrairement à Mandela, n’avait pas survécu à son emprisonnement. Jusqu’à ce que j’apprenne, très récemment, que Steve Biko était bien plus critique que Nelson Mandela envers l’Apartheid. Qu’il était même critique envers l’ANC de Mandela. Et qu’il était aussi, plus isolé, médiatiquement, que Mandela.

 

Bien-sûr, adolescent, parmi mes modèles, il y avait aussi eu au moins les auteurs noirs américains : Richard Wright, Chester Himes, James Baldwin. Tous parlaient du racisme anti-noir aux Etats-Unis d’une façon ou d’une autre. Je connaissais aussi l’histoire du boxeur Cassius Clay, devenu Muhammad Ali. Mon père avait un livre sur lui dans le salon de notre appartement HLM. Je l’avais lu plus jeune comme cette préface qui parlait du noir John Henry qui, avec ses deux masses, avait été plus fort que la machine du blanc pour creuser un trou dans la terre. Et qui, après avoir remporté son pari, était rentré chez lui, s’était douché, avait fait sa prière, s’était couché pour ne plus se relever. 

Je connaissais aussi l’histoire des Jeux olympiques de Mexico en 1968. Le poing noir levé des athlètes noirs américains sur le podium : Lee Evans, Ron Freeman, John Carlos. Je connaissais aussi d’autres histoires également plus vieilles que moi d’athlètes que je n’avais jamais vu à la télé ( Zatopek, Wladimir Kuts, Peter Snell, Lasse Viren, Herb Elliot…). Je les avais lues dans les magazines de sport de mon père. 

 

Et j’avais entendu parler de l’esclavage bien plus tôt (avant mes dix ans) : mon père m’avait raconté. Et, pour lui, le Blanc de France, était « l’ennemi ».

Mon père ne m’a pas parlé de la Négritude. Adolescent, j’avais entendu parler de la Négritude, de Césaire, Senghor et de Gontran Damas peut-être à la bibliothèque de Nanterre, endroit sacré que notre instituteur de CE2, Mr Pambrun, un jour, nous avait fait découvrir en nous y emmenant à pied depuis notre école publique, l’école Robespierre.  

 

La différence entre un Martin Luther King, un Malcolm X, certains meneurs des Black Panthers, un George Jackson, un Georges Floyd, un Adama Traoré et un Nelson Mandela qui meurt libre, et en symbole de Paix international,  tient peut-être aussi dans ces deux mots :

 

Self-défense.

 

Nelson Mandela ne pratiquait pas, je crois, de sport de combat. Je ne crois pas non plus qu’il portait d’arme sur lui. Même s’il a été, un temps, un adepte de la lutte armée.

Sans doute Nelson Mandela a-t’il eu la « chance » d’arriver au  bon moment  dans l’Histoire de l’Afrique du sud et dans l’histoire géopolitique internationale pour, finalement, après une vingtaine d’années d’emprisonnement, parvenir à rester un interlocuteur incontournable. Ne pas oublier, aussi, l’engagement de son ex-femme, Winnie Mandela, et la menace qu’elle représentait pour le gouvernement sud-africain même si, par la suite, certains faits ont été reprochés à Winnie Mandela. Ne pas oublier non plus que Nelson Mandela était entouré de soutiens infaillibles (avocats, d’autres militants incarcérés comme lui, un soutien international…).

 

Mais la chance et le soutien médiatique et autre ne font pas tout. Mandela a su faire et a pu faire les bons choix stratégiques à certains moments.

Angela Davis, aussi, à sa façon, lorsqu’elle avait été déclarée ennemie publique numéro un des Etats-Unis, a aussi été en mesure de pratiquer une self-défense qui lui a sauvé la vie. Et, cela est d’abord passé par la fuite par exemple. Une fuite durant laquelle elle avait été bien entourée. Car il faut pouvoir échapper au FBI ou à la CIA.  Angela Davis aussi avait été soutenue y compris de manière internationale.

 

 

Je me demande donc ce qui a manqué à Georges Floyd et à Adama Traoré en self-défense pour survivre. Le même genre de soutien qu’un Nelson Mandela ou qu’une Angela Davis ?

 

Pour Georges Floyd, il faut se rappeler que les Etats-Unis sont ce pays où des millions d’Amérindiens ont été exterminés par les colons européens afin de prendre la tête du pays. Et, il est même possible que des noirs enrôlés dans l’armée « américaine » aient participé à cette extermination contre la promesse par exemple de leur émancipation ou de leur naturalisation américaine. Lorsqu’un tel pays, les Etats-Unis, devient ensuite la première puissance Mondiale et une référence culturelle mondiale, on peut s’attendre à ce que certains de ses citoyens considèrent en 2020 pouvoir continuer de faire avec des noirs ce qui a pu être fait dans le passé en toute impunité avec des millions d’Amérindiens mais aussi durant la période de l’esclavage. D’autant plus dans un pays où dans certains Etats il est parfaitement légal et normal d’acheter et de posséder plusieurs armes létales. 

Le journal  » Le New York Times » de ce jeudi 4 juin 2020.

Aujourd’hui, aux Etats-Unis, si les Noirs font partie des plus touchés par l’épidémie du Covid-19, certains territoires amérindiens, aussi…   

 

 

 

Pareil pour la France, ex grande Puissance coloniale, et pays encore très côté à travers le monde :

Il doit bien y avoir, aussi, un certain nombre de personnes qui estiment que ce qui a pu être fait par la France « avant » dans les colonies peut se refaire aujourd’hui et demain.

 

En France, je refuse pourtant de raser les murs quand je sors. Bien-sûr, si je sais qu’une région ou une zone est une menace pour les personnes de ma couleur de peau, je ferai attention ou essaierai de l’éviter. Et si je sais qu’une certaine attitude peut m’attirer des ennuis, je ferai en sorte de m’en dispenser. ( Lire l’article C’est Comportemental ! ) Mais ça n’est pas toujours possible.

 

Il y a une  forme de mathématique mortuaire qui veut que si une proie se trouve un certain nombre de fois en contact avec son prédateur ou son agresseur potentiel, le risque de pressions et d’agressions augmente. C’est donc, finalement, un choix ou une incompétence au moins politique de permettre ou d’augmenter ce nombre de contacts, cette promiscuité, entre « chiens et chats ». Et, certains, chiens comme chats, préfèrent mourir au combat plutôt que de se laisser faire. Pendant ce temps-là, les maitres et les maitresses des « chiens et des chats », eux, s’en battent les mains. Ils peuvent se permettre de partir en week-end au bord de la mer ou d’aller voir ailleurs et d’être informés- de temps en temps- par quelques observateurs ou intermédiaires. Et d’intervenir et de faire de la communication lorsque ça peut faire du bien à leur image et à leur carrière.

 

Par découragement ou par lassitude, on se dit que l’Histoire des meurtres au moins racistes se répète.

 

Les réseaux sociaux ont beaucoup de travers : beaucoup de personnes qui s’y expriment y sont expertes sur à peu près tout puisqu’il est facile et gratuit de s’y exprimer. Et on y livre quantité d’informations personnelles qui régalent des entreprises déjà multimilliardaires (les GAFA et autres) ainsi que nos divers gouvernements qui, durant la pandémie, ont dû faire le plein d’informations pour des décennies concernant notre façon de réagir et d’inter-réagir en période de pandémie, d’inquiétude et de confinement. Je l’ai fait et le fais comme tout le monde. 

Mais les réseaux sociaux expriment aussi ce souhait, notre souhait idéalisé et répété, de faire partie d’une communauté. Sauf que, pour l’instant, ce souhait est souvent boiteux car nous avons beaucoup de mal à nous écouter et à nous accepter. Nous préférons encore trop trancher et décider quand  les autres ont tort et qui a tort. Tandis que nous, nous estimons être du côté de la raison et de la lucidité. Nous sommes donc encore un peu trop nombreux à être des dictateurs au moins virtuels ou digitaux. Peut-être qu’avec le temps et certaines expériences, nous finirons par être un peu moins dictateurs et à former un peu mieux cette communauté vivante (humaine et non-humaine) que, très maladroitement et très brutalement, nous essayons de créer et vers laquelle nous tâtonnons.

 

 

 

Je n’ai pas parlé de ça hier matin, à la jeune vendeuse du Relay  de la gare d’Argenteuil. J’étais venu acheter le dernier numéro du Canard Enchaîné lorsque j’ai vu que même le Relay, maintenant, vendait des masques de self-défense contre le covid-19. Un mois et demi plus tôt, environ, cette jeune vendeuse, comme ses collègues, travaillait sans aucune protection. Je m’en étais étonné sans insister. Comprenant que leur employeur était responsable de cette négligence, je m’étais abstenu de tout commentaire bruyant afin d’éviter de l’accabler davantage.

Deux ou trois semaines plus tard, la même vendeuse, d’autorité, se pointait à la sortie du Relay avec son flacon de gel hydro-alcoolique. C’était sa self-défense sanitaire et elle était déterminée à sauver sa peau. Comme les autres clients présents, je m’étais soumis à la leçon du gel hydro-alcoolique même si, à mon avis, j’étais suffisamment renseigné sur le sujet du fait de mon métier de soignant en pédopsychiatrie (ce qu’elle ignore). Et puis, par expérience, je reproche au gel hydro-alcoolique d’abîmer les mains. Je lui préfère donc le savon qui n’a pas attendu la fabrication  et la diffusion du gel hydro-alcoolique pour nous donner une hygiène respectable.

 

Hier matin, non seulement le flacon de gel hydro-alcoolique était  à disposition de façon facultative devant l’entrée du Relay mais la jeune vendeuse, non-masquée, derrière la protection plastifiée de sa caisse, dansait en reprenant les paroles d’un tube qui passait.

 

J’ai reconnu Aya Nakamura alors que la vendeuse répétait :

 « Ah, je m’en tape ! Si tu veux qu’on le fasse!».

 

Quand je lui ai demandé des renseignements concernant les masques réutilisables (2 pour 4, 40 euros. Une affaire ! ) elle n’a pas compris tout de suite. Ce n’est pas la première fois qu’elle réagit de cette manière. Mais avec la musique en plus, cette fois-ci, sérieuse, elle a tendu l’oreille comme une jeune femme qui vaque dans une boite de nuit et que j’aurais essayé de draguer comme un plouc.  J’ai eu l’impression de revenir plusieurs années-lumière en arrière. Et d’être transformé malgré moi en l’homme à tête de chou de Gainsbourg. Chanson que cette jeune n’a peut-être jamais écoutée. Et elle s’en battrait sans doute les couilles si elle le faisait.

 

« Il n’y a plus de masques réutilisables » a fini par me lâcher la jeune vendeuse totalement indifférente à mon corps. Elle a néanmoins fait l’effort de me répondre rapidement qu’elle ne savait pas quand il y ‘ en aurait. Peut-être la semaine prochaine. Après ça, elle était au maximum de son accomplissement commercial. Et elle a repris le refrain de sa chanson. 

 

Franck Unimon, jeudi 4 juin 2020.

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Corona Circus

Avec ou sans masques

 

                                                             Avec ou sans masques.

 

 

 

Le déconfinement a donc bien eu lieu le 12 Mai. Cela fait déjà deux semaines. A première vue, notre monde n’a pas changé. Nous avons toujours deux bras et deux jambes. Nous nous déplaçons toujours de la même manière en gardant les mêmes symptômes qu’auparavant : nous habitons ensemble des couloirs et des histoires différentes en boitant. Parfois en gagnant. D’autres fois en perdant. Mais, toujours, en respirant. Et lorsque nous jouissons ou éjaculons, notre respiration part faire une ou plusieurs boucles avant de se rappeler de nous et, comme le marteau de Thor  ou la « planche » du Surfer d’Argent, de nous revenir.  Car ça aussi, ça n’a pas changé. En principe.

 

Nous avons eu peur. Nous avons encore peur d’une certaine manière puisque nous sommes nombreux maintenant à porter des masques. Mais, dans l’ensemble, une fois de plus, nous avons survécu. Ça, aussi, ça n’a pas changé. Sauf qu’une bonne partie d’entre nous sont devenus des fantômes masqués. Car les masques sont arrivés et nous les plaçons devant notre nez et notre bouche. Certaines personnes rajoutent des lunettes ou des protections plastifiées devant tout le visage. Nous ne savons plus ce que ça fait que de respirer à visage découvert dans la rue, dans des commerces, des transports ou au travail en présence de nos collègues à proximité.

 

Il y a les masques jetables et réutilisables. Ceux achetés dans les supermarchés, d’autres commerces ou dans les pharmacies ou en ligne. Ceux offerts par la mairie de notre ville, notre employeur, la SNCF ou la RATP.

 

Il y a des résistants au masque. Et des résistants à la distance sociale.  Ce qui démontre bien que nous sommes toujours la même espèce humaine :

 

Il faut toujours qu’il y en ait un ou plusieurs qui se singularisent. Peu importe de savoir qui a tort ou raison. Mais nous sommes quand même beaucoup plus nombreux aujourd’hui à porter des masques dans les rues, dans les transports, dans les commerces et au travail qu’il y a trois mois.

 

Il y a trois mois, notre gouvernement considérait comme inutile d’en porter. Il y a trois mois, nous étions un grand nombre d’ignorants concernant le mode de propagation du virus. Nous avons aussi pété plus haut que notre nez et sans doute été d’un certain mépris pour ce qui se pratique à l’étranger, en Asie en particulier, depuis des années :

 

Porter un masque dans un monde pollué, dans un monde infecté.

 

Aujourd’hui, dans les transports en commun ainsi qu’au travail, le port du masque est devenu obligatoire. Soit nous avons appris de l’étranger. Soit nous appliquons les règles et la loi qui nous ont été indiquées par le gouvernement et les chiffres. Les chiffres des malades et des morts, inconnus ou familiers : amis, voisins, proches, collègues.

 

En France, il y a trois mois, nous aurions sûrement porté des masques plus vite. Sauf qu’il y a trois mois, en France comme dans d’autres pays, il y avait très peu de masques à disposition pour la population, professionnels de la santé inclus. Et les masques FFP2, parmi ceux protégeant le mieux  (parmi les masques jetables) coûtaient au moins 3,99 euros l’unité (voir l’article Coronavirus ). Sachant que la durée de vie de ce masque est d’environ quatre heures, il aurait fallu être plutôt riche pour s’en fournir pour une durée de deux à trois mois.

 

A nouveau, ce n’est pas nouveau, les riches s’en sortent le mieux. Ainsi que celles et ceux qui distribuent, calculent, anticipent et décident des chiffres qui sont souvent les mêmes personnes.

 

Bientôt, nous allons nous faire avoir par tout un tas d’impôts, de conditions et de vie et de travail de plus en plus répressives au profit de la minorité des riches, des dirigeants et de notre gouvernement et cela va se passer comme d’habitude car nous sommes toujours dans le même monde qu’avant l’épidémie. C’est ce que nous croyons pour la plupart d’entre nous. Même s’il y aura des contestations sociales qui s’opposeront à la distanciation sociale imposée pendant l’épidémie.

 Mais nous croyons que ça va se passer comme d’habitude parce-que nous sommes cramponnés à notre monde. Nous y sommes entraînés même s’il nous en fait voir. Nous sommes installés en lui autant qu’il est installé nous. Lui et nous avons fusionné jusqu’à un certain point. Un point assez pathologique. Mais nous nous en rendons moyennement compte, et pas longtemps, puisque tout le monde fait pareil. Et on ne peut pas vivre tout seul ni se battre- et gagner- contre le plus grand nombre. En plus, l’ennemi, est invisible, multicartes et quasiment interchangeable. Prénom, genre, préférence sexuelle,  taille,  âge, couleur de peau, adresse postale, niveau d’études, nombre d’enfants, profession, religion, régime alimentaire, appartenance politique, langues parlées et écrites, chemise, veste, pantalon, jupe, couche-culotte pampers, legging, maillot de bain, soutien-gorge,  il peut ruisseler de l’un à l’autre avec facilité. Il finira toujours par nous avoir.  

 

Pourtant croire et penser que tout reste exactement et toujours à l’identique reviendrait à dire que depuis vingt, trente ou quarante ans, tous les jours, nous portons toujours la même tenue léopard, nous mangeons toujours les mêmes carottes, le même couscous, les mêmes donbrés, matin, midi et soir ; que nous écoutons toujours le même titre de musique ; que nous portons encore le même vêtement de la même couleur ;  que nous adressons les mêmes mots aux mêmes visages que nous avons devant nous ; que nous vivons toujours au même endroit et que nous sommes toujours dans la même position corporelle au millimètre près; que nous avons toujours les mêmes voisins….

Cela reviendrait à dire qu’en 1989, le mur de Berlin est resté intact. Ou que dans la série Game of Thrones le Mur reste immuable. Ce qui signifierait que pour le mur de Berlin, on est soit ignorant de ce qui s’est passé dans les faits et que pour Game of Thrones, on n’ait pas vu la série dans son intégralité ou que l’on n’en n’ait jamais entendu parler. C’est possible. Il est possible que des gens n’aient jamais entendu parler de la chute du Mur de Berlin comme de la série Game of Thrones. Il y a bien des événements de par le monde, et même dans notre vie personnelle, qui nous ont marqués et qui sont passés totalement inaperçus ou ont été considérés, volontairement ou involontairement, comme insignifiants par beaucoup d’autres. C’est une bonne partie de notre vie et cela peut être très dur à accepter comme à digérer. D’où l’explication de la présence de la haine et de la rancune sur terre sans doute entre les êtres humains.

 

Mais je crois que nous pensons que notre monde n’a pas changé depuis l’épidémie par habitude. Ou parce-que nous voudrions qu’il se transforme comme dans les contes de fées. Du jour au lendemain et pour le meilleur, pendant notre sommeil, pendant que l’on regarde ailleurs ou que l’on est en train de faire ses courses afin de changer de carottes, de voisins ou de collègues. 

 

Aujourd’hui, celles et ceux qui ont un regard sont avantagés dans notre monde de masques jetables et réutilisables. Celles et ceux qui portent un masque. Et celles et ceux qui les regardent. J’ai l’impression que l’on se regarde un peu plus, les uns et les autres, dehors. Il y a bien sûr de la méfiance. Mais il y a aussi une certaine attention qui avait pratiquement disparu au profit de tous ces écrans qui sont devenus nos nouvelles frontières entre nous et les autres. Des frontières aux serrures de plus en plus sophistiquées qui deviendront peut-être plus difficiles à ouvrir que ces frontières physiques pour lesquelles des migrants meurent à l’extérieur de notre pays et dans « nos » mers.

 

Quand nos masques tomberont, une fois l’épidémie passée, et que nous les rangerons et les oublierons (même si je crois qu’ils reviendront), nos yeux redeviendront des linceuls et des impasses pour les autres:

 

Celles et ceux qui nous sont inconnus et que nous ignorons par habitude.

 

La pandémie a simplifié nos agendas. Elle a aussi, malheureusement, tué, rendu malade, mis en colère et poussé au chômage. Elle a aussi permis le crime (violences conjugales, maltraitance sur enfants). Des délits (trafics de drogues, vols et trafics de masques et de matériel médical et paramédical…). Des enrichissements en bourse pour les plus riches. Des stratégies politiques. Mais elle a aussi permis à celles et ceux qui en avaient le souhait, celles et ceux qui étaient déjà en train de le faire…de changer. De façon de vivre. De façon de penser.

 

Assiette de la fête de l’Aïd que nous a offert un de nos voisins, ce matin.

 

Par exemple, en France, on a pu faire toute une histoire concernant le port du voile « musulman ». Or, actuellement, depuis l’épidémie, nous sommes nombreux, avec nos masques, à ressembler à des musulmans. Même celles et ceux qui ont eu et ont des points de vue antimusulmans.

 

La culture du masque, en cas de risque de pollution ou d’épidémie, n’est pas française. C’est parce-que la culture française, comme d’autres cultures, a su incorporer, assimiler et adopter le Savoir, les connaissances et les expériences d’autres cultures qu’elle a pu s’en sortir, perdurer…et devenir une grande culture. Ce qui implique pour la culture française et  d’autres cultures si « importantes », y compris scientifiques, de par le monde, de Savoir reconnaître ce qu’elle Doit à d’autres cultures et, avant cela, d’Apprendre à les Connaître.

 

 

 

Mais si la culture française- ou toute autre culture « triomphante »- continue de préférer ses chiffres, ses pendentifs, ses médailles et ses vitrines aux personnes qui l’animent, la guident, la soignent, l’entretiennent, la lavent, la convoient et la nettoient jour après jour elle finira victime de ses latrines, de ses blessures et de ses guerres, un jour ou l’autre, avec ou sans ses masques.

 

Franck Unimon, mardi 26 mai 2020.

 

 

 

 

 

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Corona Circus

Coronavirus Circus 2ème Panorama 15 avril-18 Mai 2020 par Franck Unimon

Coronavirus Circus 2ème Panorama 15 avril- 18 Mai 2020.

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Cinéma

Sankara n’est pas mort

 

 

 

                   Sankara n’est pas mort : Au Pays des Hommes intègres

 

                    Réalisé en 2019 par Lucie Viver. Musique : Rodolphe Burger.

                    Langues parlées   : Français, Moré, Dioula. 

                     Film Disponible en VOD sur la plateforme  25 ème Heure

                     Distribué par Meteore-Films

                     Agence de Presse : Makna Presse/ Chloé Lorenzi

 

D’un point de vue occidental, j’ai l’impression que chaque fois que l’on parle de l’Afrique, qu’en fait, on parle d’un pays. Comme si l’Afrique était une fresque saccadée et fragile, qui, pour se tenir et s’ériger, nécessitait le cours et les contours de tous ses fleuves, de tous ses mirages et de tous ses peuples. Et qu’elle héritait constamment de sillons- en partie coloniaux- la séparant de ses aimants. Un destin qui peut ressembler à celui de toute minorité disparue ou menacée de finir dans une décharge un jour ou l’autre que ce soit en Asie, en Amazonie ou en Europe. Car une minorité qui ne se fond pas dans la masse ou dans la forêt ombilicale de la majorité est généralement considérée comme usagée. Sauf que l’Afrique est beaucoup trop grande, trop peuplée et trop ancienne, pour être uniquement un bout de terrain même si elle sert souvent de parking et d’antres-peaux à certains entrepreneurs, à certaines castes familiales et politiques d’Afrique et d’ailleurs.

 

Pendant ce temps, en occident, en Asie ou ailleurs, certaines Nations se démarquent sans qu’on leur colle la même exigence d’unité que l’on impose à l’Afrique. Nous l’avons vu récemment avec la pandémie du Covid-19 : On nous a parlé de l’Allemagne,   des Pays-Bas, la Chine, la Grande-Bretagne, les Etats-Unis, la Russie, la Corée du Sud, Taïwan, l’Italie, l’Espagne…. et de l’Afrique qui était à nouveau appelée à souffrir- un peu comme si l’Afrique était de la même taille qu’Haïti- car trop peu structurée.

 

L’Afrique est peut-être le continent dont on parle le plus sans le connaître, en occident. Sans même prendre la peine de présenter ses excuses pour notre ignorance la concernant. Lorsqu’on parle d’elle. Elle est cette gigantesque silhouette dans l’arrière champ d’un film. Celle qui fait le ménage ou est un mauvais exemple, dont on retient à peine le nom et dont on oublie la fiche de paie.

 

Lorsqu’on parle de l’Afrique, en occident, le plus souvent, c’est pour nous parler d’un vertige bloqué. D’un continent qui dégringole. Et qui dégringole sans cesse. Rimbaud a écrit Le Bateau ivre. C’est toujours un modèle. Depuis l’occident, avec nos yeux d’occidentaux standardisés,  on pourrait presque surnommer l’Afrique, le continent ivre. Et ce n’est pas pour la citer en exemple. Car nous avons alors les yeux de celle ou celui qui quitte le sol et voit déjà double rien qu’en fixant le fond de son verre et cela avant même de commencer à boire ce qu’il contient.

 

Je suis un occidental. Je suis né comme ça. Je répète seulement à ma façon ce que l’auteur noir américain Richard Wright (mort à Paris en 1960) avait pu dire il y a un demi-siècle siècle ou davantage.

Thomas Sankara connaissait sans aucun doute des auteurs comme Richard Wright, une référence occidentale. Par contre, en occident, nous connaissons moins bien les auteurs africains.

 

Je ne connais rien à l’Afrique. Je n’y suis jamais allé. Personne, dans ma famille, n’y est jamais allé. Plusieurs de mes ancêtres, il y a longtemps, ont été forcés d’en partir. C’est tout. On ne sait même pas exactement qui ils sont. Ni d’où ils venaient précisément dans l’Afrique des siècles passés. A quels peuples ils appartenaient. Moi, je suis né en île-de-France.

 

L’Afrique actuelle compte un peu plus de trente pays. Je viens de l’apprendre en comptant sur une carte. Il me semble que l’Europe actuelle compte moins de pays que l’Afrique. Mais je n’ai pas compté.

Le Burkina Faso ou Burkina, l’ancienne Haute Volta, fait partie de l’Afrique de l’Ouest.   

Autour du Burkina Faso ( 20 millions d’habitants), situé en Afrique de l’Ouest, on trouve le Mali, le Niger, le Bénin, le Togo, le Ghana et la Côte d’Ivoire. Certains de ces pays, avant l’époque coloniale et aussi pendant l’époque de l’esclavage ont été de grands royaumes africains tant par la force militaire, économique que culturelle. Leurs frontières étaient aussi différentes.

 

Le Burkina n’a pas d’accès direct à la mer.

 

Thomas Sankara, Président d’orientation marxiste, a appelé l’ancienne Haute Volta, le Burkina Faso:

«  Le Pays des hommes intègres ».

 

C’était en 1984. Après le Putsch Militaire qui l’a amené à devenir le Président du pays. Jusqu’en 1987 où il aurait été assassiné par le capitaine Blaise Compaoré, un de ses anciens alliés, qui a ensuite dirigé le pays jusqu’en 2014 où l’insurrection populaire l’a vidé du Pouvoir. Aujourd’hui, Blaise Campaoré vivrait en Côte d’Ivoire ( le journal Le Monde diplomatique, Mai 2020, article de Rémi Carayol, Les milices prolifèrent au Burkina Faso).

 

Le Burkina a été un pays où des « groupes communautaires et des religions y coexistaient de manière pacifique :

Mossis, Bobos, Dioulas, Peuls, Gourmantchés, Sénoufos, Bissas, Touaregs etc….Selon le recensement de 2006, le pays compte 60,5% de musulmans, 19% de catholiques, 15,3% d’animistes et 4,2% de protestants. Les mariages mixtes y sont nombreux ; les familles, multiconfessionnelles » (article de l’envoyé spécial Rémi Carayol, dans le journal Le Monde diplomatique de Mai 2020, article Les milices prolifèrent au Burkina Faso, page 12).

 

Actuellement, les Peuls sont accusés d’être proches des djihadistes.  Certains Peuls ont été « massacrés » par certaines confréries  (dont les dozos ou donsos) de chasseurs traditionnels. Depuis des siècles, les dozos «  assurent la protection des villageois, régulent la pratique de la chasse pour préserver la faune et pratiquent la médecine traditionnelle ».  Mais des Peuls ont aussi été tués par « les gardiens de la brousse » ou Koglweogo  (dans la langue des Mossis) après qu’un chef de village Mossi ait été assassiné par des djihadistes.  Les milices des Koglweogo sont apparues dans «  les années 90 » et se « sont multipliées après la chute de M.Compaoré » ( article Les milices prolifèrent au Burkina Faso dans Le Monde diplomatique, Mai 2020).

 

 

A l’époque de Thomas Sankara, le climat inter-ethnique était sûrement plus apaisé au Burkina. Et puis, Sankara était un meneur charismatique. Je me rappelle de lui en tenue militaire. Et d’un article où il expliquait qu’il dormait peu et s’imposait une discipline assez stricte en terme d’exercice physique. Ce qui lui donnait les yeux rouges. Et, il anticipait le fait que certaines personnes allaient en déduire qu’il se droguait. Si sa figure de combattant « puriste » pourrait, pour un occidental, spontanément faire penser à une sorte de Che Guévara « africain », il faut peut-être plus lui trouver de points communs avec Patrice Lumumba du Congo-Kinshasa, assassiné en 1961 avec la complicité de Mobutu, son ancien allié, devenu ensuite dirigeant du pays rebaptisé Zaïre de 1965 à 1997. Le Zaïre, pays où eut lieu, en 1974, le match de boxe Historique entre les deux noirs américains, Georges Foreman et Muhammad Ali, héros de millions de gens. 

 

« Loin » de tout ça, le film-reportage Thomas Sankara n’est pas mort de Lucie Viver ( son premier film), débute par des images nous montrant l’usine Ideale où l’on conditionne de l’eau minérale dans des sacs en plastique. Ces sacs sont destinés à la vente. De ces sacs en plastique remplis d’eau, nous passons à  quelques images de rue lors du renversement du gouvernement de Blaise Campaoré.

Un homme explique que le « règne interminable » de Blaise Campaoré a assez duré :

 

«  Il a été le Président de mon papa. Il ne peut pas être le Président de mes enfants ! ».

 

 

Puis, nous suivrons l’écrivain-poète Bikontine à travers le pays. Lequel espère «  se sortir de son chancèlement » au cours de ce voyage qu’il accomplit en grande partie à pied :

 

Beregadougou, Bobo-Dioulasso, Bagassi, Pompoï, Zamo, Ouagadougou et Kaya sont les étapes de ce voyage assorties chacune d’un titre. « L’illusion d’une vie meilleure » ; «  sans jamais y croire » ; «  c’est le même monde » ; «  je veux changer »…..

Bikontine, au premier plan.

Bikontine avait 5 ans en 1987, lors de la mort de Sankara. Avec Bikontine, nous découvrons un pays encore paisible (c’est en tout cas que nous montre Thomas Sankara n’est pas mort) où le souvenir de Sankara est resté vivace alors que certains des chantiers qu’il avait lancés sont quelque peu moribonds :

 

«  Depuis que Sankara est parti, on a eu un faux-départ ».

 

La monnaie semble être le compas d’un ancien temps. Un stylo peut coûter 3000 francs. Et l’instruction de qualité est peut-être encore plus chère. Pourtant, les personnes que l’on croise avec Bikontine semblent tenir le choc devant la caméra malgré des conditions d’existence qui pourraient donner le hoquet. Une institutrice enseigne en Français à sa classe (de près de cent élèves) la signification des couleurs du drapeau Burkinabé :

 

« Rouge pour le sang versé par nos grands-pères contre les Blancs ; Jaune pour la couleur de l’étoile qui guide vers un Burkina où il fait bon vivre ; Vert, pour le pays agricole qu’est le Burkina ».

 

Plus loin, Bikontine, devant des travailleurs dans une plantation de canne à sucre, parle de « l’écume des ouvriers au milieu du soleil ».

 

Une femme-taxi explique que Sankara considérait la femme comme l’égale de l’homme et qu’il impliquait tout le monde. «  La femme, c’est la lumière du monde ». Pourtant, la contraception des femmes conserve un statut fragile. Une jeune femme souhaite se faire retirer son stérilet qu’elle porte depuis un an et quatre mois car il en a été décidé ainsi avec son mari et, celle-ci affirme à la professionnelle de santé qui la reçoit :

« Il ne va rien arriver ».

 

Avec un jeune qui a arrêté l’école avant ses 18 ans pour trouver du travail, Bikontine parle de Camara Laye, Césaire et Senghor. Ailleurs, il fait l’expérience de descendre sous terre, à la corde, sur le campement installé par des chercheurs d’or qui se disent qu’ils ont peut-être leurs chances vers les 40 mètres de profondeur. L’installation est plutôt artisanale.

 

Vers la fin de Thomas Sankara n’est pas mort, nous atteignons le bout de l’unique voie ferrée du pays qui date de l’époque de Sankara et dont la construction a été abandonnée. Bikontine s’est inspiré du sillon de cette voie ferrée pour son trajet à travers le Burkina.

La voie ferrée se délabre. Un arbre a poussé au milieu des rails et ce n’est pas un arbre à palabres. L’enfant isolé que rencontre Bikontine dans la nuit, près du feu qu’il a fait, lui répond n’avoir jamais vu le train. L’enfant refuse de suivre Bikontine car il a « peur d’aller loin ».

 

Un peu plus tôt, Bikontine s’est demandé si un poète peut « apporter quelque chose à sa société » et « si cela sert à quelque chose d’écrire des textes que personne ne va lire »…

 

 

Franck Unimon, vendredi 15 Mai 2020.

 

 

 

 

 

 

 

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Cinéma

The Charmer

 

                                       The  Charmer : Esmaïl, homme de fois.

 

Esmaïl est iranien. Il vit au Danemark depuis deux ans. Il n’a rien à voir avec Milo et Kurt le con qui « vivaient » dans le monde de la drogue de Pusher III, l’Ange de la mort. ( Pusher III : Journée de merde pour papa-poule ). 

Esmaïl, c’est un ange des corps. Un verre de vin à la main, toujours dans le même bar, il sait plaire aux Danoises. Il sait parler. Il s’exprime bien en Danois. Il a de l’humour. Et, sexuellement, il fait salle comble. Moitié talentueux Mr Ripley/ moitié Esmaïl, c’est l’homme araignée mais sans sa toile et sans sixième sens. Une fois séduites, une à une, ses conquêtes se détachent. On regarde donc Esmaïl tirer son coup puis avoir du mal à joindre les deux bouts. On l’envie d’abord puis on le plaint.

 

Avec The Charmer, j’ai appris qu’il existait une diaspora iranienne en Suède et au Danemark. Cela semble quasi-culturel. Avec Esmaïl, on est aussi un peu dans le surnaturel car s’il est bien éduqué,  on ignore qui il est véritablement. Et lui, ignore qu’il existe une diaspora iranienne au Danemark. Il se croyait le seul. C’est vrai qu’il est un peu unique en son genre.

 

Car pour cette diaspora iranienne, bien plus aisée que lui, le souvenir de l’Iran est un musée sacré dont Esmaïl a peut-être plus entendu parler que connu. Il se retrouve donc exilé au royaume du Danemark parmi ses conquêtes mais aussi parmi d’autres Iraniens, eux-mêmes exilés au Danemark et accrochés à leur communauté où Esmaïl est un étranger.

Car ils n’ont pas les mêmes rêves. Et, de l’homme araignée sans toile véritable, Esmaïl devient de plus en plus sirène. Tellement sirène que si ce film nous entraîne, il entraîne aussi Esmaïl dans une vie différente de la sienne. Ce qui se tient :

Les grands séducteurs sont aussi ceux qui savent se convaincre eux-mêmes.

 

Reste à convaincre les autres que le rêve dairnois d’Esmaïl sera encore là au moment du réveil et qu’il pourra le tenir par la taille. The Charmer est l’histoire d’un homme travailleur, intelligent et charmant plutôt doué pour les relations comme pour fae des rencontres mais qui reste le seul à croire à un rêve auquel les autres ne croient pas. C’est peut-être aussi un film sur la foi, finalement. Esmaïl n’est pas fait de la même foi que les autres.

 

 

Franck Unimon, mercredi 13 Mai 2020

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Corona Circus

Images

 

 

Images

Je me suis couché un peu tard cette nuit. Après deux heures du matin. Ce matin, dans mon lit, je me le suis très vite reproché. J’aimerais faire tellement. Reprendre la lecture de tel livre commencée il y a plus de deux mois avant que la pandémie du Covid-19 ne colonise une grande partie de nos pensées et de nos émotions. Continuer de faire le tri dans des magazines que j’ai depuis 2017 et même avant. Faire mes étirements. Aller acheter des fruits et des légumes. Passer voir mon vélo pour vérifier si la roue arrière est restée gonflée depuis la dernière fois afin de pouvoir reprendre mon vélo, rassuré, ce soir, pour me rendre à mon travail. Ce qui nécessitera plus d’une heure de vélo à l’aller.

 

Ma compagne et notre fille étaient parties lorsque je me suis levé environ trente minutes plus tard. J’ai commencé par mes étirements. A jeun. Comme ça, j’étais sûr de les faire.

 

Hier soir, je me suis couché tard parce-que je suis resté regarder des images de combats. Le combat Georges Foreman/ Muhammad Ali dont j’avais entendu parler, enfant, et sur lequel j’avais lu et aussi vu un très bon documentaire, When we were kings.

J’ai aussi lu le résumé de la biographie de l’acteur Donnie Yen que j’avais découvert dans Hero peut-être. Et que je redécouvre dans des extraits de Ip-Man. Bruce Lee, Scott Adkins, Jacky Chan, Jet Li, Van Damme, Chuck Norris, Tony Jaa, Amy Johnston, quelques combats de MMA…. J’ai regardé ou revu des extraits de leurs films. Ainsi que des démonstrations de Self-Défense.

 

J’ai aussi regardé des extraits d’interviews d’anciens membres du GIGN, mais aussi de Stéphane Bourgoin, spécialiste des tueurs en série que j’avais interviewé deux fois, qui m’avait particulièrement déniaisé concernant les tueurs en série, et qu’un article du Monde de ce 21 avril soupçonne d’être un affabulateur.

 

A ces images de combats et de mort, j’avais préféré des images d’humoristes au cours de la journée ou un ou deux jours plus tôt : Mustafa El Atrassi, Bill Burr, Bun Hay Mean, Haroun, Louis C.K. Il faut bien se détendre avant un combat ou entre deux combats. Même si l’on y participe uniquement en tant que… spectateur.

 

Je n’ai pas la carrière de combattant ou d’humoriste qu’idéalement, je souhaiterais, aurais souhaité ou ai pu souhaiter avoir. Pour arriver au niveau de ces humoristes, combattants et ex- intervenants du GIGN, et des autres que je n’ai pas cités, il faut généralement commencer tôt, souvent avant ses 10 ans, cumuler des heures et des heures et des années d’entraînement, donner de sa personne, et, à ce que je comprends, cumuler des expériences dans diverses disciplines, complémentaires ou opposées. Ce qui suppose une extrême persévérance ou une certaine détermination ( d’autres parleront d’engagement) ainsi qu’une marge d’erreurs.

 

Des erreurs, j’en ai faites et je continue d’en faire. Hier, en aidant ma fille à faire ses devoirs, je lui ai affirmé :

 

« Les erreurs, ça sert à apprendre ! ». Ma fille avait refait la même erreur que quelques heures plus tôt avec exactement la même opération et les mêmes chiffres. Une erreur de retenue dans son addition. Je croyais qu’elle avait bien mémorisé d’autant qu’elle s’implique dans ses devoirs. Mais, non, la distraction, l’insouciance et un trop grand sentiment de facilité sans doute l’avaient bernée.

 

J’aurais peut-être pu ou dû ajouter :

«  Les erreurs, ça sert à apprendre ! A condition de savoir ou de pouvoir s’en rendre compte ».

 

Evidemment, un enfant, un novice, un débutant ou un innocent a du mal à s’apercevoir de ses erreurs. Comme pour trouver la solution. C’est donc aux personnes qui les entourent et qui en sont responsables de, autant que possible, les éduquer,  les sensibiliser et de les préserver de certaines déconvenues.

 

Je ne suis pas toujours persuadé, en tant qu’adulte et en tant que père, de toujours être le bon exemple pour ma fille. Tant mieux pour eux si certains parents sont convaincus, lorsqu’ils se regardent, d’être ou d’avoir été les meilleurs parents de l’univers. Mais, hier, alors que nous déjeunions ensemble et que ma fille me parlait, je l’écoutais tout en voguant dans ma tente psychique.

Ma fille était et est dans l’instant présent comme tous les enfants. Moi, j’étais dans un de ces moments où ma conscience  chemine, entre le passé, le présent et le futur. On dira que j’étais dans la contemplation. Ou dans l’extrapolation : ma fille me parlait et tandis que je l’écoutais à la surface, en profondeur, j’étais ailleurs. Il y a d’autres moments où c’est elle qui est ailleurs alors que nous lui parlons, ma compagne et moi. Et il est plein d’autres fois où celles et ceux à qui l’on cherche à s’adresser sont ailleurs.  Il y a aussi d’autres fois où nous portons notre attention sur les autres véritablement mais où, ceux-ci, ne nous voient pas et restent ensuite persuadés d’être sans valeur. C’est l’Histoire des êtres humains. Nous avons beau avoir des agendas, beaucoup de bonnes intentions théoriques et pleins d’inventions technologiques, lorsque ce moteur que nous avons tous à l’intérieur nous pousse vers cet ailleurs, il est difficile de savoir quand nous nous rencontrons vraiment.

 

Heureusement, en partageant l’intimité d’une personne ou avec la répétition des rencontres, mathématiquement, il arrive des moments où nous sommes bien disposés en même temps. Où nous sommes en phase, comme on dit. Ceci pour dire que, finalement, dans l’Histoire des relations humaines, sans doute sommes nous en permanence comme la terre, le soleil et la lune. Nous nous tournons autour. Un certain nombre de fois, tout est bien aligné. D’autres fois, comme nous vivons dans le même périmètre physique et géographique, c’est la collision, l’illusion ( nous croyons être proches les uns des autres mais, en fait, des milliers de kilomètres nous séparent) ou l’ignorance.

 

Depuis, j’ai oublié de quoi je voulais précisément parler. Etre ailleurs, ou vouloir être ailleurs, ça, j’ai commencé avant mes dix ans. Comme tout le monde, je pense. Et, de ce côté-là, j’ai continué l’entraînement comme tout le monde, aussi, je pense.

Evidemment, en regardant cette nuit ces images de combat, j’ai sans doute essayé de voir si j’y étais ou si je pouvais y être. Ce qui est impossible, ne serait-ce que physiquement. C’est bien à ça que nous servent les images. A faire l’expérience cérébrale, émotionnelle, voire physique d’un événement que l’on ne peut pas vivre directement, physiquement, dans l’instant présent. On le vivra peut-être un jour. On l’a peut-être pleinement vécu dans le passé. Mais lorsqu’on le regarde, on ne le vit pas totalement. Les images que nous regardons et qui nous captivent sont peut-être souvent des étoiles mortes que, nous, les vivants, nous regardons afin de pouvoir nous guider….

 

 

J’avais prévu de parler du don. Du don de soi. Je sais que la pandémie du Covid-19 a fait de nous, «officiellement », les soignants, des « héros » avec d’autres professions :

 

les cytokines, les pompiers, les éboueurs, les caissiers, les enseignants ( oui, je mets les enseignants dedans car le travail à distance effectué par les enseignants, même s’il a été limité par les moyens de certains parents et par la technologie elle-même, est pour moi une très grande force d’engagement ), travailleurs sociaux, policiers etc….

 

Dans la vie courante, « normale » et ne serait-ce qu’avec notre administration ( je pense ici au service de la Direction de notre employeur) on verra ce  qu’il restera du crédit que l’on porte aux héros. Mais, en attendant, j’ai bien compris qu’il ne suffit pas de donner de soi aveuglement pour recevoir une quelconque reconnaissance et compensation. Non. Cela ne suffit pas. En étant même un peu provocateur, je crois qu’il faut donner moins pour recevoir plus. Car, lorsque l’on donne trop, sans compter, on encourage forcément quelqu’un, à un moment ou à un autre, à se reposer sur nous tandis que l’on s’épuise. Et, au final, on termine K.O.

C’est ce qui est arrivé à Georges Foreman à Kinshasa en 1974 face à Muhammad Ali, un de mes héros d’enfance.

De Georges Foreman, avant le match, on louait la force physique hors norme. Muhammad Ali partait perdant selon certains pronostics. En regardant et en (re)découvrant le match, cette nuit, je me suis demandé comment tous ces experts avaient pu ignorer à ce point certaines évidences :

Georges Foreman était beaucoup plus limité techniquement que Muhammad Ali. Sa gamme de coups. Ses déplacements étaient monolithiques. Ali esquivait beaucoup mieux, était plus mobile. Ali était plus rapide sur ses appuis et sur ses directs. Il a touché Foreman au visage très vite. La plupart des coups qu’il porte à Foreman sont situés au visage. Signe qu’il n’avait pas peur. Signe de sa détermination. Il est allé à l’essentiel. Là où il savait pouvoir faire le plus mal à Foreman. Le mettre en colère, lui faire perdre la raison. Le désaxer mentalement. Muhammad Ali avait aussi pour lui la ruse, la stratégie. 

En outre, Muhammad Ali a donné à Foreman ce qu’il a voulu lui donner. Et Foreman a foncé sans réfléchir. Il a donné de sa personne comme il le pouvait en se faisant manipuler par Ali : Foreman a réagi comme Ali le souhaitait. Ali était pourtant connu. Foreman avait trop d’assurance. Il a boxé sans sa tête. Il s’est vidé tout seul de sa puissance et de sa résistance. Et Muhammad Ali l’a mis K.O vers la fin du 8ème round.

D’après les images, Ali s’attendait à ce que le match dure plus longtemps même si Foreman, depuis un ou deux rounds, glissait de plus en plus.

Ce match de boxe montre la différence qui existe entre un boxeur stratégique et un boxeur exécutant. Et sans doute aussi entre un boxeur qui a débuté assez tôt et incorporé une gestuelle ou une grammaire technique et un autre qui devait principalement ses victoires à sa force physique hors norme.

 

 

Nous, les spectateurs du quotidien, qui sortons peu à peu du confinement, j’espère que nous serons plus des Muhammad Ali que des Georges Foreman. Même si Muhammad Ali a aussi fait de sacrées erreurs dans sa vie (concernant Malcolm X ou Joe Frazier par exemple) et que Georges Foreman, par ailleurs, est une personne de valeur.

 

Franck Unimon, ce mardi 12 Mai 2020. 

 

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Corona Circus Micro Actif

Il était difficile

 

Franck Unimon, jeudi 7 Mai 2020.