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Rentrée des classes

 

                                                    RentrĂ©e des classes

La rentrée des classes s’est bien passée ce matin. Il y avait du givre sur le pare-brise de certaines voitures. Il faisait plus froid que ce à quoi je m’attendais.

 

Nous sommes arrivés avec environ cinq minutes d’avance. D’autres parents, une majorité de mamans, étaient déjà présents.

 

HĂ©bĂ©tĂ© devant l’école, et sĂ»rement aussi par mes pensĂ©es alors que je regardais ma fille s’éloigner dans la cour, je n’ai pas tout de suite entendu lorsque la maman d’une des copines de ma fille m’a saluĂ© et souhaitĂ© «  Bonne annĂ©e ! Â». La petite Ă©tait Ă©galement lĂ , souriante. J’ai remerciĂ© la maman et lui ai aussi adressĂ© les mĂŞmes vĹ“ux. J’avais oubliĂ© ce rituel social auquel je suis pourtant attachĂ©.

 

C’est Ă©galement par surprise que la maitresse de ma fille m’a en quelque sorte adressĂ© ses meilleurs vĹ“ux. Je voulais juste lui dire bonjour et, comme elle avait eu quelques mots pour ma fille venue Ă  sa rencontre, m’assurer que tout allait bien. Et puis, devant moi, avec son sourire et son attention amplifiĂ©es, Ă  en ĂŞtre illuminĂ©e, j’ai compris que mes quelques mots de politesse Ă©taient pour elle une extraordinaire source d’encouragement et de sympathie. C’était le premier jour de la rentrĂ©e des classes, ce lundi 6 janvier 2020, après les vacances de NoĂ«l, et, dĂ©jĂ , par son attitude, la maitresse de ma fille signalait qu’elle Ă©tait prĂ©sente au poste et prĂŞte Ă  repartir Ă  l’assaut de l’enseignement avec le sourire. Quelles que soient les difficultĂ©s ! Quel que soit le mal infligĂ© et refait Ă  l’école publique !

 

Je me suis tu. Je me suis contenté d’acquiescer en souriant. Et de partir. En rentrant, j’ai retrouvé la longue file de voitures qui attendait au feu rouge en bas de chez nous. Et j’ai vu filer sur la gauche vers le feu, en short, casque et sac à dos, sur son vélo, un homme noir qui partait sans doute au travail.

 

 

J’avais prĂ©vu d’écrire la troisième partie ( CrĂ©dibilitĂ© 2 )  de CrĂ©dibilitĂ© : A L’assaut des PyrĂ©nĂ©es   tout en me demandant si cela aurait un intĂ©rĂŞt particulier pour d’autres. Il a suffi de cette rentrĂ©e de classe de tout Ă  l’heure pour que j’opte de parler d’abord du livre New York Vertigo  de Patrick Declerck que j’ai pris le temps de terminer hier soir avant de me coucher.

Ce qui venait de se passer en ramenant ma fille Ă  l’école m’avait peut-ĂŞtre donnĂ© ma rĂ©ponse devant son pessimisme envers l’HumanitĂ© ( «  L’espèce est pourrie Â») qu’il justifiait- Ă  nouveau- simplement et magistralement dans les 120 petites pages de son dernier ouvrage Ă  ce jour.

 

 

 

Avant de lire New York Vertigo  paru en 2018 que j’avais achetĂ© sans doute Ă  sa sortie, j’avais lu quelques commentaires sur le net sur plusieurs de ses livres. Le dithyrambe cĂ´toyait le sarcasme et la menace fantĂ´me.

 

 

Patrick Declerck fait partie des personnalitĂ©s que j’ai très vite pensĂ© interviewer pour mon blog balistiqueduquotidien.com. Mais je me suis aussi rapidement dit qu’avant d’essayer de le faire, qu’il faudrait d’abord que mon blog ait du fond. Et, du fond, pour moi, cela peut-ĂŞtre autant bien Ă©tudier l’œuvre et la vie de la personne que l’on souhaite interviewer que, soi-mĂŞme, poser sur la table une partie de son bagage personnel qui va donner envie Ă  la personne interviewĂ©(e) de nous rencontrer et de se livrer. Beaucoup trop d’interviews voire de rencontres se rĂ©sument Ă  un Ă©change de balles de ping-pong, oĂą, d’un cĂ´tĂ©, une personne rĂ©pond Ă  des  demandes et Ă  des sollicitations formulĂ©es par des centaines ou des milliers d’anonymes, qui, dans les grandes lignes, malgrĂ© toute leur sincĂ©ritĂ© et leurs efforts d’originalitĂ©, restent des stĂ©rĂ©otypes. Cet Ă©change, plutĂ´t qu’une rencontre, se limite donc souvent Ă  une fonction promotionnelle. Si toute campagne de promotion compte pour la rĂ©ussite de nos projets (pour ĂŞtre embauchĂ© quelque part ou pour aborder et sĂ©duire une personne qui nous plait, il faut bien d’abord commencer par rĂ©ussir sa promotion personnelle) les vĂ©ritables rencontres, pour s’établir, et durer, ont besoin de plus que des compliments, des promesses et des sourires.  Mais, bien-sĂ»r, tout est affaire de moment, de tempĂ©rament et de prioritĂ© : certaines personnes prĂ©fèrent privilĂ©gier, en toutes circonstances, leur promotion et leur satisfaction personnelle. D’autres, peut-ĂŞtre par ignorance ou par faiblesse, vont chercher Ă  bâtir des rencontres. Y compris, parfois, dans les pires conditions.

 

 

Patrick Declerck avait pu faire « parler Â» de lui en 2001 avec son livre Les NaufragĂ©s de la terre- avec les clochards de Paris. Psychanalyste et anthropologue, il consacrait alors une grosse partie de son temps Ă  la question des SDF. Il a Ă©crit d’autres livres :

Garanti sans moraline, Socrate dans la nuit, ou Crâne sur son intervention chirurgicale, alors qu’il était éveillé, pour exfiltrer une tumeur.

 

New York Vertigo est le seul livre que j’ai lu de lui. Les NaufragĂ©s de la terre et Garanti sans moraline sont pourtant dans ma bibliothèque depuis des annĂ©es. Plus de dix ans en ce qui concerne son livre Les NaufragĂ©s de la terre. Depuis, sur le sujet des SDF, un mĂ©decin-psychiatre spĂ©cialisĂ© dans le traitement des addictions m’a conseillĂ© l’ouvrage De la prĂ©caritĂ© sociale Ă  l’auto-exclusion : une confĂ©rence debat Ă©crit par Jean Furtos. Je l’ai aussi achetĂ© mais je ne l’ai pas encore lu.

 

 

«  C’est trop tard ! Â» avait dit Patrick Declerck. 

 

 

Ce jour-là, Patrick Declerck, grand et massif, avait mis dans le magnétoscope une cassette VHS. Sur le téléviseur, avec lui, nous avions découvert un entretien. Un SDF était interviewé par quelqu’un. Sitôt l’interview lancée, Patrick Declerck s’était installé par terre, devant le téléviseur, nous tournant pratiquement le dos. Déjà crâne rasé, Il portait un long manteau en laine épaisse de couleur sombre. Sortant un calepin, il avait commencé à prendre des notes. C’était la première fois que je voyais ça. C’était sûrement la première fois que nous voyions, tous, quel que soit notre âge un des intervenants venant nous faire cours avoir ce genre de comportement. Ordinairement, tous les autres intervenants nous faisaient cours en nous faisant face. La plupart du temps, assis sur une chaise ou debout.

 

C’était il y a trente ans. Peut-ĂŞtre un peu plus. Et nous Ă©tions une vingtaine d’élèves-infirmiers (âgĂ©s de 18-19 ans Ă  30 ans) avec lui dans la salle de cours de l’hĂ´pital de Nanterre qui s’appelait encore la Maison de Nanterre et qui Ă©tait une ancienne prison pour femmes Ă  ce que m’avait dit ma mère. La Maison de Nanterre, oĂą ma mère et deux de mes tantes ont travaillĂ© comme femmes de mĂ©nage (ASH) puis comme aides-soignantes, a longtemps Ă©tĂ© sous la tutelle de la PrĂ©fecture de Paris. Je l’ai connue dès mon enfance avec ses SDF stationnĂ©s Ă  l’arrĂŞt du bus 304 mais aussi avec ses SDF devenus « rĂ©sidents Â» permanents Ă  l’hĂ´pital. Avec son pain qui Ă©tait fait sur place et auquel nous avions droit pendant des annĂ©es alors que ma mère y travaillait.

 

 

«  C’est trop tard ! Â».

 

 

 

C’était trop tard selon Patrick Declerck parce-que l’intervieweur avait trop attendu pour poser au SDF la bonne question.

 

Il me reste peu de souvenirs du contenu du cours de Patrick Declerck. Je crois l’avoir recroisĂ© ensuite, ou avant,  lors de mon stage de quelques semaines au CASH dirigĂ© alors par le Dr Patrick Henry et qui proposait des soins, une consultation sociale et un hĂ©bergement aux SDF qui le souhaitaient. Je me rappelle que la majoritĂ© des SDF rencontrĂ©s, transportĂ©s depuis Paris dans des bus de la RATP, prĂ©fĂ©raient retourner Ă  la rue. Et aussi que l’un d’entre eux qui portait des lunettes, d’origine vietnamienne pour moitiĂ©, avait Ă  son poignet une montre Ă  aiguilles de grande valeur. Cet homme « prĂ©sentait Â» plutĂ´t bien. Il n’avait rien du pochtron ambulant. Il n’était pas- encore- marquĂ© physiquement par l’alcool ou par la vie dans la rue. J’avais alors entre 19 et 21 ans et avant ces Ă©tudes d’infirmier, je venais du lycĂ©e, Bac B, option Economie.  

 

 

Maintenant, et, depuis des annĂ©es, pour Patrick Declerck, «  l’espèce (humaine) est pourrie Â». Il ne parle pas des SDF. Je sais qu’il a Ă©crit «  Je les hais autant que je les aime Â». Je sais aussi qu’il dit prĂ©fĂ©rer leur proximitĂ© et celle de bien des marginaux Ă  celle de tant de personnes bien propres sur elles. Son humour noir Ă  la Cioran ou Ă  la Pierre Desproges est une carie morale pour d’autres. Trop de pessimisme et de cynisme dĂ©priment et dĂ©couragent. La princesse LeĂŻa le rappelle dans le dernier Star Wars Ă©pisode IX : l’Ascension de Skylwalker de J.J Abrams, film oĂą mon passage prĂ©fĂ©rĂ© est celui sur l’étoile morte.

Bien des survivalistes affirmeront sûrement aussi que pour s’en sortir, garder le moral fait partie des conditions nécessaires. Par l’humour, par l’art, par toute activité et récréation morale, intellectuelle, spirituelle ou physique qui permet de maintenir tout élan vital et toute forme d’espoir.

Mais avec son aplomb, son expérience de professionnel de terrain underground et sa culture de phacochère, les arguments de Patrick Declerck nous encornent plusieurs fois. Et, à ce jour, je ne connais pas de matador, qui, dans l’arène ou dans la jungle, se soit présenté face à un rhinocéros.

 

 

La Religion ? «  Une illusion pleine d’avenir Â» selon Freud, son maitre Ă  penser. Et dans son New York Vertigo, Patrick Declerck, Ă  travers le 11 septembre 2001, nous reparle, prĂ©cisĂ©ment et techniquement, voire de façon balistique, des attentats islamistes.

De mon cĂ´tĂ©, mĂŞme s’il est parfaitement autonome, je peux l’aider question religion en tant qu «  illusion pleine d’avenir Â».

Ce week-end, alors que j’écrivais CrĂ©dibilitĂ© 2,  ma compagne m’a appris « l’histoire Â» de « Madame Desbassayns Â» ou Marie Anne ThĂ©rèse Ombline Desbassayns nĂ©e Gonneau-Montbrun de l’île de la RĂ©union.

 

Riche hĂ©ritière, cette demoiselle Gonneau-Montbrun, en devenant la femme de « Monsieur Desbassayns Â», est ensuite devenue, une fois veuve, «  une grande propriĂ©taire foncière de l’île de la RĂ©union Â». Grâce aussi Ă  ses esclaves.

 

Selon le site wikipédia, on peut lire que son image est controversée à la Réunion.

Elle aurait Ă©tĂ© une fĂ©roce esclavagiste. Pourtant «  Dès le XIXème siècle, ses invitĂ©s et ses proches politiques la couvrent d’éloges. Le gouverneur Milius la surnomme mĂŞme «  la seconde providence Â». Et, toujours sur le site wikipĂ©dia, on peut lire que «  Madame Desbassayns Â» Ă©tait «  d’une ferveur religieuse intense Â».  Mais aussi qu’elle a connu le privilège supplĂ©mentaire de dĂ©cĂ©der (Ă  91 ans !) deux ans avant l’abolition de l’esclavage Ă  la RĂ©union ainsi qu’aux Antilles. En lisant ça, comme Patrick Declerck, je me suis aussi dit que «  la religion est une illusion pleine d’avenir Â» et que «  l’espèce (humaine) est pourrie Â».

 

Je crois que la religion ou internet sont, j’allais dire, de très bonnes inventions. Et que la science, aussi, permet de très bonnes inventions. Mais qu’ensuite, malheureusement, ça tourne mal car ce qui fait la différence, c’est ce que l’on en fait. Ce qui fait la différence, c’est nos intentions lorsque l’on dispose de tels instruments de pouvoir et de contrôle.

 

 

«  Pouvoir et contrĂ´le Â» sont les deux carburants, les deux aimants, du tueur en sĂ©rie m’avait en quelque sorte rĂ©sumĂ© un jour StĂ©phane Bourgoin, spĂ©cialiste des tueurs en sĂ©rie. Mais, contrairement Ă  des chefs religieux, Ă  des industriels ou Ă  des hommes politiques, les tueurs en sĂ©rie sont gĂ©nĂ©ralement privĂ©s de projets pour le monde et la sociĂ©tĂ©. Pour ce que j’ai compris des tueurs en sĂ©rie, leur prioritĂ© est leur « petite Â» entreprise de destruction qui a dĂ©jĂ  suffisamment de rĂ©percussions douloureuses sur leurs victimes et leurs proches.

 

Les chefs religieux, les industriels et les hommes politiques, eux, prĂ©voient leurs projets sur une grande Ă©chelle : une Ă©chelle de masse. Et ça marche. Ça a marchĂ© et ça marchera encore, nous affirme Patrick Declerck dans son New York Vertigo. Et on est obligĂ© de le croire. Car on « sait Â» qu’il a des arguments. Et les quelques uns dont il nous fait l’obole dans son livre sont intraitables et incurables.

 

Patrick Declerck, homme de connaissances autant que d’expĂ©riences de l’être humain, me fait penser Ă  des personnalitĂ©s comme les avocats Jacques Verges (qui Ă©tait rĂ©unionnais) et Eric Dupont-Moretti. Des personnes qui, Ă  un moment de leur vie, me donnent l’impression d’avoir vĂ©cu l’expĂ©rience «  de trop Â» qui les a dĂ©routĂ©s de manière dĂ©finitive de certaines illusions concernant l’espèce humaine. Peut-ĂŞtre que mes comparaisons sont mauvaises et que cela me sera reprochĂ© par les deux vivants qui restent (Declerck et Dupont-Moretti) par leurs dĂ©tracteurs, par leurs proches ou  leurs admirateurs.

 

« L’espèce humaine est pourrie Â». Et, pourtant, j’aimerais savoir, si un jour je rencontre Patrick Declerck et Eric Dupont-Moretti, ce qui les maintient encore en vie. Et dans le plaisir. J’imagine facilement Patrick Declerck me rĂ©pondre laconiquement qu’il lui manque tout simplement le courage de se suicider. Ou qu’il cultive une sorte de lĂ©thargie et de jouissance morbide, sorte de protubĂ©rance parallèle Ă  sa conscience, Ă  ĂŞtre tĂ©moin de cette Â« dĂ©bauche gĂ©nĂ©rale Â».

 

Et puis, j’ai emmené ma fille à l’école tout à l’heure. Puis, je suis revenu de l’école.

 

 

 

Dans New-York Vertigo, Patrick Declerck se moque aussi, Ă©tude clinique Ă  l’appui, du prĂ©sident amĂ©ricain actuel, Donald Trump et «  l’exhorte Â» Ă  appuyer sur le bouton rouge car il y aura bientĂ´t dix milliards d’êtres humains en 2050. Soit dix milliards de reprĂ©sentants de cette espèce, notre espèce, qui dĂ©truit la planète, tue, viole, massacre.

 

L’humour du désespoir.

 

Si Patrick Declerck avait Ă©crit son livre ce mois-ci, il aurait sĂ»rement parlĂ© de la fuite rĂ©cente, mĂ©prisable et cocasse du Japon de Carlos Ghosn, PDG de Renault-Nissan, alors qu’il Ă©tait libĂ©rĂ© sous caution en attente de son jugement lĂ -bas. Pendant ce temps-lĂ , en France, le gouvernement Macron-Philippe manĹ“uvre pour dĂ©truire la rĂ©sistance sociale. Oui, «  l’espèce est pourrie Â».

 

 

Il y aura donc dix milliards d’êtres humains sur Terre en 2050. Et la Chine sera peut-être alors la Première Puissance mondiale incontestée. Pour l’instant, les Etats-Unis sont encore cette Première Puissance mondiale. S’il y a encore une Terre dans trente ans. S’il y a encore des êtres humains vivants sur Terre dans trente ans. Si je suis aussi obsédé par la Chine depuis quelques temps, c’est parce-que j’ai perdu ce regard fasciné et sentimental que je pouvais avoir avant sur la Chine et sa culture. Si la culture de la Chine existe bien-sûr et est aussi admirable que bien d’autres cultures, je perçois aujourd’hui davantage ce que la Chine recèle comme capitalisme et régime politique et social effrayants.

 

Pourtant, je crois ça : face Ă  ces horreurs dont est capable l’être humain, les enfants sont les champions du moment prĂ©sent. Nous, les adultes, Ă  force d’extrapoler, de penser au passĂ© et Ă  ce qui pourrait arriver de pire, nous en arrivons Ă  dĂ©truire notre propre prĂ©sent. Parce- que nous nous faisons dĂ©former et tabasser en permanence dès notre enfance. Et mĂŞme avant. Parce-que c’est un combat titanesque que de sauvegarder, quotidiennement, une once d’enfance saine en soi et de lui Ă©viter la spĂ©culation financière et commerciale comme la benne Ă  ordures. Et qu’une fois adultes, il arrive que nous perdions ce combat titanesque. Aucun adulte ne peut s’exclamer, comme quelques rares boxeurs, qu’il compte uniquement des victoires dans son parcours personnel.

 

Et je crois aussi que si nous continuons à vivre, à faire des enfants, à nous multiplier sur la Terre, malgré tous les signaux alarmants qui proviennent de nos propres comportements, c’est parce qu’il existe une raison- qui nous dépasse- qui fait de nous des êtres doués pour la vie quelles que soient les conditions.

 

Ce qui est très difficile à accepter pour l’être humain d’aujourd’hui, c’est le tri sélectif.

 

MalgrĂ© ou Ă  cause de toute sa science, de toute son Ă©rudition, de toutes ses solutions, l’être humain voudrait pouvoir dĂ©cider de tout et avoir le choix absolu. Or, il doit continuer d’apprendre que ses possibilitĂ©s de choix et de libertĂ©s restent fugaces, volatiles, imprĂ©cises et limitĂ©es.  Qu’il suffit parfois d’une rue, d’une dĂ©cimale, d’une seconde, d’une virgule, d’un regard, d’un mot, pour qu’un tri s’impose Ă  lui  violemment.

A ses choix,  Ă  sa vie ou Ă  celles et ceux de ses voisins et de ses proches. Et, cela,  selon des critères pour lesquels, rien ni personne ne lui demandera son avis.  Notre vie moderne nous fait oublier constamment cet enseignement : nous sommes des corps soumis Ă  un tri plutĂ´t que des fantĂ´mes et cela a un prix.

 

Ce prix peut être insupportable. Car nous croyons en cette illusion que, forts de nos savoirs, de nos connaissances et de notre puissance, que nous pouvons décider de ce prix ou le négocier. Parce-que, d’une certaine façon, nous nous croyons éternels ou irremplaçables sur Terre. Et, ça, c’est aussi une sacrée illusion humaine pleine d’avenir. Contre ça, crier et pleurer peut peut-être soulager pendant quelques temps. Puis, il faudra vivre, si on le peut, parce-que c’est tout ce qui nous restera.

 

 

Franck Unimon, ce lundi 6 janvier 2020.

 

 

 

 

 

 

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Crédibilité

Crédibilité 2

 

Certaines personnes sont payées pour tuer et en sont fières. Le personnel infirmier est généralement payé pour s’exécuter.

 

J’écris et je pense parce que je ne peux pas m’en passer. Mais mes moyens sont limités. L’envie, la bonne volonté, le travail, l’humour- noir- et le sens du devoir peuvent être insuffisants pour convaincre.

En certaines circonstances, ces dispositions pourraient mĂŞme empĂŞcher de convaincre.

 

 

Les deux premières banques mondiales sont chinoises. La troisième est HSBC, une banque britannique, avant que le Brexit devienne bientĂ´t effectif. Je l’ai appris par notre future conseillère bancaire qui a travaillĂ© une dizaine d’annĂ©es Ă  HSBC. J’aurais probablement pu l’apprendre par moi-mĂŞme en lisant un journal comme Les Echos par exemple ou un site qui parle d’économie. Mais ce genre d’informations me passe souvent au dessus de la tĂŞte. Je fais partie de toutes ces personnes qui ignorent Ă  quel point les changements et les Ă©volutions dans le monde de l’économie et de la finance ont une consĂ©quence directe Ă  court et moyen terme sur ma propre vie. Au lycĂ©e, j’avais pourtant suivi des cours d’économie. Et, dans ma propre vie, je connais et  ai pourtant plusieurs fois rencontrĂ© et croisĂ© des gens qui l’avaient très bien et très tĂ´t compris. Au point de dĂ©cider d’en faire un mĂ©tier et/ou une prioritĂ©. Mais je suis aussi le passager de mes alarmes personnelles. Et une fois que ces alarmes m’ont estimĂ© Ă  l’abri en termes de sĂ©curitĂ© de l’emploi, de satisfaction au travail, et de salaire pour subvenir Ă  mes « besoins Â», une fois adulte cĂ©libataire parti de chez de ses parents, ces alarmes se sont tues. Pendant des annĂ©es. Et je suis dans l’impossibilitĂ© d’affirmer si cet article est une alarme que je m’adresse Ă  moi-mĂŞme.

 

 

Pendant ce premier rendez-vous avec notre future conseillère bancaire, une femme d’une cinquantaine d’années, celle-ci avait voulu savoir ce que nous attendions d’une banque. Et si ma compagne et moi étions le genre de clients qui exigent un contact et une réponse rapides par mail ou par sms et capables de quitter une banque au bout d’un ou deux ans sitôt qu’ils ont trouvé de meilleures conditions bancaires ailleurs. C’était la première fois pour ma part qu’une conseillère bancaire m’entreprenait de cette manière.

« Notre Â» autre conseillère bancaire dans cette agence que nous allons quitter est une femme d’à peine une trentaine d’annĂ©es, arrivĂ©e Ă  l’agence il y a bientĂ´t deux ans, avec laquelle notre relation est lapidaire. J’ai toujours eu l’impression d’être un dossier, une fonction, un protocole ou un chiffre bas lors de nos quelques « contacts Â» que ce soit en direct ou par mail. Et, mĂŞme de cette façon, ses compĂ©tences en termes de « conseil Â» me semblent assez insolites. Elles pourraient peut-ĂŞtre inspirer une Ă©tude comportementale ou ethnographique.

 

Ma compagne et moi avons un compte commun depuis sept ans dans cette banque que nous allons quitter. Cette banque nous avait fait la meilleure offre pour un prĂŞt immobilier destinĂ© Ă  durer vingt ans Ă  l’origine. Le prĂŞt immobilier classique du couple qui se forme, s’officialise, dĂ©cide de faire vie commune et d’avoir un enfant. J’écris que c’est le « prĂŞt immobilier classique Â» en essayant de me mettre Ă  la place du conseiller bancaire voire de l’agent immobilier lambda qui prendrait connaissance notre projet.

 

Depuis la crĂ©ation de notre compte commun dans cette banque il y a bientĂ´t sept ans, nous avons eu trois conseillers bancaires. L’actuelle conseillère est la troisième. A part peut-ĂŞtre la première conseillère bancaire qui nous avait « obtenu Â» notre prĂŞt bancaire, le second conseiller, avec lequel les relations Ă©taient correctes et qui faisait montre d’une compĂ©tence franche et tranquille, avait quittĂ© l’agence sans nous en informer.

 

Je suis dans cette banque que nous allons quitter depuis 1987. Nous allons la quitter parce qu’en passant par une femme courtier recommandĂ©e par un couple d’amis, « notre Â» nouvelle banque va nous permettre de gagner un an sur notre prĂŞt immobilier. Bien-sĂ»r, au prĂ©alable, j’avais Ă  nouveau sollicitĂ© notre banque actuelle. De par le passĂ©, j’avais pu obtenir une renĂ©gociation de notre prĂŞt immobilier. Pas cette fois.

 

L’homme le plus riche du monde s’appelle encore Jeff Bezos et il est AmĂ©ricain. C’est le PDG du site de vente en ligne, Amazon. Pendant quelques heures ou quelques jours, un Français (Pinault ou Arnault, je les confonds et je n’ai mĂŞme pas envie de vĂ©rifier la bonne orthographe de leur nom de famille) a Ă©tĂ© l’homme le plus riche du monde. C’était son ambition suprĂŞme dans sa vie, alors: devenir l’homme le plus riche du monde.  C’est peut-ĂŞtre encore sa plus grande ambition. Devenir le plus grand Picsou de la terre.

 

Pinault ou Arnault (que je « sais » ĂŞtre deux ennemis jurĂ©s) a aujourd’hui  Ă©tĂ© « rĂ©trogradĂ© Â» Ă  la troisième place de l’homme le plus riche du monde derrière Jeff Bezos et Bill Gates. Bill Gates, Ă©galement amĂ©ricain, est devenu Ă©galement riche grâce Ă  la forte croissance ces vingt ou trente dernières annĂ©es de l’industrie et de l’économie numĂ©rique.

 

La richesse de ces trois hommes se compte en milliards d’euros ou de dollars. Celles et ceux qui les « suivent Â» dans ce classement des plus riches du monde, aussi. Leur niveau de « richesse Â» et de puissance dĂ©passe mon entendement. En terme de salaire, lorsque je commence Ă  penser Ă  une somme de 4000 Ă  4500 euros par mois, environ, je perds un peu « pied Â» :

Je ne sais pas ce que cela ferait de « toucher Â» autant d’argent. Je « sais Â» et m’imagine qu’en gagnant autant d’argent -et plus- que l’on peut « accĂ©der Â» Ă  certaines expĂ©riences particulières et que l’on peut aussi « acquĂ©rir Â» d’autres objets plus chers et aussi habiter dans de meilleurs quartiers. BĂ©nĂ©ficier, quand ça se passe bien, de meilleurs conseils – pour soi comme pour les siens- dans diffĂ©rents domaines.

Je « sais Â» qu’il y a un certain nombre de personnes riches qui gagnent bien plus que 4000 euros par mois que ce soit par des moyens lĂ©gaux ou illĂ©gaux. Mais, pour moi, actuellement, en France, ce samedi 4 janvier 2020, si l’on venait m’apprendre- ça n’arrivera pas- qu’à partir de maintenant, je toucherais 4000 euros au minimum tous les mois, j’aurais besoin d’un peu de temps pour bien saisir. Aujourd’hui, ce samedi 4 janvier 2020, si je cherche, en faisant un certain effort, je crois que je peux compter sur les doigts de mes mains, le nombre de personnes, parmi mes proches, que j’estime ou imagine toucher 4000 euros au minimum tous les mois. C’est ce que j’imagine. Ces personnes ne me le diront pas. Je ne le leur demanderai pas. Et ça me va très bien comme ça.

 

 

«  Vous savez combien gagne une infirmière ? Â» demande  une infirmière hilare et saoule, agenouillĂ©e près de lui, au flic ripoux qui vient de se rĂ©veiller dans le dernier film du Japonais Takashi Miike : First Love. Le Dernier Yakuza.

J’ai vu le film hier. Après Cats rĂ©alisĂ© par Tom Hooper. Après avoir vu la veille, Star Wars, Ă©pisode IX : l’Ascension Skylwalker, rĂ©alisĂ© par J.J Abrams.

 

J’aurais pu rĂ©pondre – gratuitement- Ă  l’infirmière du dernier film- très fĂ©ministe- de Takashi Miike mais elle ne m’aurait pas entendu. Et les spectateurs dans la salle (j’ai Ă©tĂ© surpris qu’il y ait autant de femmes) auraient Ă©tĂ© surpris.

Il y a quelques jours, une de mes collègues m’a appris qu’une de nos collègues plus jeune, diplĂ´mĂ©e depuis dix ans, touche 1600 ou 1700 euros par mois. Une autre, diplĂ´mĂ©e depuis cinq ou six ans : 1500 euros.

Comme j’en parlais dĂ©jĂ  un peu dans la première partie de cet article ( CrĂ©dibilitĂ© ) pour lequel je n’avais pas prĂ©vu de suite, il est des heures de travail qui tardent Ă  ĂŞtre payĂ©es par notre hĂ´pital employeur :

 

Des heure de travail effectuées durant les week-end ou en heures supplémentaires.

 

Notre collègue qui fait fonction de cadre-infirmier a appris Ă  une de mes collègues qu’il en Ă©tait pour l’instant Ă  devoir solliciter Ă  nouveau l’administration de notre hĂ´pital pour qu’elle paie des heures de travail supplĂ©mentaires effectuĂ©es en aout de l’annĂ©e dernière. Cela fait donc deux ou trois mois, facilement, dans notre service que nous sommes plusieurs Ă  voir notre salaire amputĂ© chaque mois de cent Ă  trois cents euros en moyenne.

 

A cela s’ajoute la grève des transports en commun ( Jours de grève ) en rĂ©gion parisienne depuis ce 5 dĂ©cembre pour protester contre la rĂ©forme de la retraite telle que tient Ă  la faire le gouvernement Macron-Philippe : une « retraite universelle Â», « pareille Â» pour « tous Â» quel que soit le type de travail que l’on aura effectuĂ© si j’ai bien compris. DĂ©sormais, on parle bien plus de la grève des transports dans les mĂ©dia et entre nous que du mouvement des gilets jaunes qui a dĂ©butĂ© il y a plus d’un an.

 

Le gouvernement actuel Macron-Philippe (Emmanuel Macron, pour le PrĂ©sident de la RĂ©publique/ Edouard Philippe, pour le Premier Ministre), comme d’autres gouvernements avant eux, entend Ă  la fois repousser l’âge du dĂ©part Ă  la retraite mais aussi, avec sa « retraite universelle Â», Ă©liminer les avantages dont disposent certaines professions concernant l’âge de dĂ©part Ă  la retraite. Ainsi que la façon dont est calculĂ©e le montant des pensions de retraite. Ce serait selon eux ( Macron et Philippe) une retraite plus « juste Â».

 

Si on est infirmier en catĂ©gorie B, en catĂ©gorie  » active » , on pouvait auparavant partir Ă  la retraite, si on le souhaitait, Ă  partir de 57 ou 59 ans, Ă  condition d’avoir accompli un certain nombre de trimestres travaillĂ©s (180 ?). Cet âge de dĂ©part Ă  la retraite a Ă©tĂ© repoussĂ© ou va l’être Ă  62 ans. Puis, Ă  63 ou 64 ans. Si l’on est infirmier en catĂ©gorie A, en catĂ©gorie « sĂ©dentaire Â», ce qui est le cas pour tout (es) les jeunes infirmier(es) diplĂ´mĂ©(es) ou pour celles et ceux qui avaient choisi d’être dans cette catĂ©gorie, le dĂ©part Ă  la retraite est plutĂ´t prĂ©vu pour…67 ans.

Chaque mĂ©tier a ses contraintes et ses pĂ©nibilitĂ©s spĂ©cifiques. Je n’aimerais pas ĂŞtre caissier, manutentionnaire, ouvrier sur un chantier ou policier comme « agent de la paix Â» dans la rue depuis vingt ans.

 

Le mĂ©tier d’infirmier consiste Ă  manger de la souffrance et de la violence en permanence lors de nos heures de travail.  Qu’est-ce que tu manges ? De l’avocat ? Non, des angoisses de mort dont la date de pĂ©remption est illisible.

Et toi ? Moi ?  Juste une petite guimauve paranoĂŻaque incestueuse rĂ©cidiviste. 

 

Dans les offres de poste d’infirmier en psychiatrie , il est fréquent de lire les mises en garde suivantes:

 » Risque d’agression physique et verbale lors d’un contact avec certains patients en situation de crise et d’agitation et/ou des familles en Ă©tat d’agressivitĂ©.

Risque de contamination par contact avec des virus lors de la manipulation du matĂ©riel souillĂ© (piqĂ»re, coupure, projection, griffures, morsures….)

Risque de contamination parasitaire du fait des soins quotidiens auprès des patients ( poux, gale…)

DĂ©veloppement de troubles musculo-squelettiques ( TMS) par non-respect ou mĂ©connaissance des manutentions, gestes ou postures…. » 

 

 

 

En retranscrivant partiellement et en relisant cette offre d’emploi rĂ©cente ( novembre 2019) sur laquelle je suis tombĂ© hier, j’ai l’impression de lire l’affiche d’un film d’horreur Ă  l’entrĂ©e d’une centrale nuclĂ©aire, d’un lieu d’expĂ©rimentations mĂ©dicales ou de tout autre lieu dangereux. On pourrait presque exiger de notre part de signer une dĂ©charge lorsque l’on accepte d’aller travailler dans ce genre de service.  On a l’impression que les infirmières et les infirmiers qui s’aventurent dans ces endroits sont des intrĂ©pides aguerris. Or, la raison principale, Ă   l’hĂ´pital et en clinique, du mĂ©tier d’infirmier consiste Ă  assurer une prĂ©sence et une compĂ©tence tous les jours et toutes les nuits au cours de l’annĂ©e, jours fĂ©riĂ©s inclus.

Pour cela, je considère que ce mĂ©tier devrait, comme pour une carrière militaire auparavant, faire partie de ces professions oĂą après 15 ou 20 ans de service, la professionnelle ou le professionnel  qui le souhaite peut prendre sa retraite et ĂŞtre aidĂ©(e) Ă  une reconversion professionnelle.

Depuis trente ans, je lis et entends dire que la « durĂ©e de vie d’un infirmier Â» serait de 6 ou de 7 ans. Je ne sais toujours pas d’oĂą vient ce chiffre, Ă  quoi il correspond et ce qu’il veut dire. J’en ai encore discutĂ© avec des collègues il y a quelques mois. Certains m’ont dit connaĂ®tre ou avoir connu des infirmiers qui avaient changĂ© de profession. En trente ans, la majoritĂ© des personnes que j’ai connues infirmières, si elles sont encore en activitĂ©- et vivantes- aujourd’hui, le sont toujours….

 

Le dernier film de Takashi Miike, First Love. Le Dernier Yakuza est au moins une critique du conservatisme de la sociĂ©tĂ© japonaise. Le gouvernement Macron-Philippe, et d’autres avant eux, et celles et ceux qui exĂ©cutent leurs dĂ©cisions, sont aussi faits d’un certain conservatisme en ce qui concerne, au moins, la retraite et la profession infirmière. Mais il y a trente ans, un Emmanuel Macron et un Edouard Philippe, mĂŞme s’ils en avaient peut-ĂŞtre dĂ©jĂ  l’ambition, Ă©taient très loin du Pouvoir qu’ils ont aujourd’hui. Il y a au moins trente ans, puis, annĂ©e après annĂ©e, car suffisamment rassurĂ©, rassasiĂ©  et entourĂ© par d’autres prioritĂ©s, je m’en suis laissĂ© conter dans certains domaines sans entrevoir le reste. Pendant ce temps-lĂ , d’autres, formĂ©s, auto-didactes et payĂ©s pour ça, inventaient de grands projets pour le monde et la sociĂ©tĂ©.

 

En 2002 ou 2003, comme mes collègues dans mon service d’alors,  nous avons vu partir « Georgette Â» Ă  la retraite, notre cadre-infirmière, avant ses 60 ans : Ce qu’elle avait vu se profiler pour l’avenir de la profession l’avait dĂ©cidĂ©e Ă  prendre sa retraite. Cela restait pour moi abstrait. Georgette a vingt ans de plus que moi. Et je garde de son pot de dĂ©part plutĂ´t le souvenir d’une grande et très agrĂ©able fĂŞte dans un jardin d’un des services de l’hĂ´pital qui m’employait alors.

 

Cinq ans plus tard, dans un autre service et dans un autre hĂ´pital, j’étais Ă  nouveau prĂ©sent lors du pot de dĂ©part de notre cadre-infirmier. La soixantaine et Ă©galement en bonne santĂ©, G…  dans son discours, avait dit ĂŞtre embarrassĂ©. A la fois, il savait  partir au bon moment car que ce qui se dessinait comme conditions de travail Ă  l’hĂ´pital Ă©tait très sombre. Mais  nous, avait-il ajoutĂ©, nous restions-lĂ .

 

Il y a bientĂ´t cinq ans maintenant, dans mon service actuel, notre cadre sup infirmière partait, elle, Ă  la retraite, en affirmant Ă  des collègues : «  ProtĂ©gez-vous ! Â». Elle ne parlait ni du Sida, ni du rĂ©chauffement climatique, ni du terrorisme islamiste ou de la catastrophe de Fukushima. Elle parlait des projets futurs pour le service et l’hĂ´pital.

Popeyette, une de mes anciennes collègues infirmières, d’un précédent service, aujourd’hui à la retraite, ne me parlait pas non plus de Fukushima ou des attentats terroristes lorsqu’elle m’a affirmé:

 

« Si tu peux, change de mĂ©tier ! Â».

 

De son côté, Milotchka, ancienne collègue retraitée, et amie, veuve de l’ami Scapin décédé d’un cancer deux ou trois ans avant sa retraite, a été obligée de continuer de travailler en tant qu’infirmière pour des raisons financières. Elle semble plutôt bien s’ y faire.

 

Dans mon service, la grève des transports en commun depuis le 5 dĂ©cembre, a contraint certaines et certains Ă  rester chez eux. Ou Ă  s’adapter. Plusieurs sont venus et viennent Ă  vĂ©lo, en trottinette, en voiture,  en bus  quand il y en a, Ă  pied depuis une gare ou une station de mĂ©tro stratĂ©gique lorsqu’y circule un engin roulant et habilitĂ© Ă  transporter des passagers.

 

 

 

Cette semaine, une de nos collègues est arrivĂ©e dans le service plusieurs jours de suite Ă  5h30. Elle commençait Ă  6h45. Le dernier jour de la semaine, pour venir au travail, elle a fini par prendre un UBER. CoĂ»t de la course : 29 euros. «  Les prix ont baissĂ© Â» lui a dit une de nos collègues.

Une autre collègue nous a parlĂ© d’une application, blabla line,  qui permet le covoiturage. Le conducteur est rĂ©tribuĂ© par la rĂ©gion d’île de France.

 

 

L’allocution prĂ©sidentielle d’Emmanuel Macron Ă©tait visiblement attendue Ă  la fin de l’annĂ©e ou au dĂ©but de l’annĂ©e. Je l’ai appris il y a quelques jours au travail, en discutant avec deux jeunes hospitalisĂ©es et scolarisĂ©es. L’une d’elle a expliquĂ© qu’Emmanuel Macron s’était dit dĂ©cidĂ© Ă  faire appliquer cette rĂ©forme des retraites. Une autre a dit qu’il s’était exprimĂ© comme celui qui «  va faire le bien de tous mĂŞme si tout le monde l’ignore Â».

Je me suis abstenu d’ajouter que j’avais lu ailleurs que le projet sous-jacent du gouvernement Macron/Philippe était d’offrir au secteur privé des assurances le marché juteux des retraites complémentaires. Car même si soigner- et éduquer- est aussi souvent un engagement politique, même si on l’envisage autrement, il y a des limites à ce que l’on peut dire et expliquer à des patients.

 

Par contre, je peux Ă©crire dans cet article que « l’admiration Â» souvent portĂ©e au personnel infirmier est un sentiment très diffĂ©rent de celui du «  respect Â».

 

Dans notre pays et dans notre culture, en France, quoiqu’on en dise, on respecte en prioritĂ© celles et ceux qui gagnent beaucoup d’argent : les deux premières banques mondiales qui sont chinoises, HSBC, Pinault, Bezos, Gates…

 

Le mĂ©tier d’infirmier ne fait pas partie des mĂ©tiers qui permettent de gagner beaucoup d’argent. MĂŞme si le salaire d’une infirmière ou d’un infirmier est supĂ©rieur au salaire d’autres mĂ©tiers et professions. Et, je crois que, gĂ©nĂ©ralement, lorsque l’on dĂ©cide de faire ce mĂ©tier, c’est rarement pour gagner beaucoup d’argent. Cela se passe bien ou plutĂ´t bien tant que l’on reste cĂ©libataire et sans enfant ou que l’on peut se contenter de projets qui nĂ©cessitent un engagement financier moyen ou modĂ©rĂ©. Par contre, dès que l’on devient mère ou père,  dès que l’on aspire Ă  acheter un appartement ou une maison, ou Ă  se loger dans certains endroits, on s’aperçoit très vite que malgrĂ© toute l’admiration qui nous est prodiguĂ©e ici ou lĂ ,  cela ne suffit pas Ă  la fin du mois.

 

 

Offrez comme salaire Ă  un Bill Gates, un Jeff Bezos, un Emmanuel Macron, un Edouard Philippe ou aux cadres dirigeants des premières banques mondiales le salaire d’une infirmière ou d’une infirmier et multipliez-le par deux ou trois. MalgrĂ© toute leur admiration pour le mĂ©tier d’infirmier, il est plausible qu’ils ne voudront et ne pourront pas l’exercer :

On devient riche et puissant lorsque l’on réussit à faire faire par d’autres un métier ou un travail que l’on serait incapable de réaliser soi-même, que l’on refuserait de faire ou que l’on n’a plus envie de faire.

 

Franck Unimon, ce samedi 4 janvier 2020.

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Cinéma

Game of Thrones saison 8

L’actrice Emilia Clarke ( Daenerys) face Ă  l’acteur Kit Harrington ( Jon Snow). Photo issue du site allocinĂ©.

 

 

 

Plusieurs mois sont passĂ©s depuis la fin ( en avril de cette annĂ©e) de la sĂ©rie Game of Thrones. Je l’ai regardĂ©e il y a deux ou trois jours. C’était volontaire : je prĂ©fère voir les sĂ©ries lorsque je dispose de l’intĂ©gralitĂ© des Ă©pisodes. Au calme.

 

Bien-sĂ»r, pendant quelques jours et quelques semaines, lorsque la  dernière saison (la saison 8) « passait Â»,  il avait fallu parfois ĂŞtre sourd pour Ă©viter d’entendre le dĂ©nouement de la sĂ©rie. Mais, lĂ , tout Ă©tait calme lorsque j’ai regardĂ© cette dernière sĂ©rie.  Pas de Marcheur blanc Ă  l’horizon. J’étais curieux et nĂ©anmoins un peu  « inquiet Â» :

 

J’avais entendu parler de certains avis de spectateurs déçus par la fin. Comme de cette pĂ©tition «  d’un millier de personnes Â» dans le but d’obtenir que la fin soit réécrite. Ces personnes se sont peut-ĂŞtre, depuis, transformĂ©es en Marcheurs Blancs, et mises en tĂŞte de partir Ă  la recherche des scĂ©naristes de la sĂ©rie. A moins qu’ils soient en train de mijoter un nouveau scĂ©nario pour un futur projet cinĂ©matographique. Car j’avais aussi entendu dire que la rĂ©solution de la bataille avec les Marcheurs blancs Ă©tait grossière. Il faut que je fasse attention Ă  ces admirateurs. Certains d’entre eux font peut-ĂŞtre partie de mes collègues. On ne sait jamais ce qu’ils peuvent devenir sous l’influence d’une sĂ©rie. 

 

 Je m’attendais aussi Ă  des Ă©pisodes bâclĂ©s ou Ă  des Ă©pisodes inĂ©gaux entre eux.

 

Les deux premiers Ă©pisodes de la saison 8 (qui en compte 6) m’ont un peu frustrĂ© pour le manque d’action. MĂŞme si j’ai compris la nĂ©cessitĂ© de bien resituer le contexte des personnages et de leurs relations entre eux. Ensuite, dès le troisième Ă©pisode, la sĂ©rie s’envole et tient son niveau. Pour moi, il n y a pas d’épisode bâclĂ© ou inĂ©gal. Et j’accepte totalement la fin de la sĂ©rie telle qu’elle est. J’attribue la dĂ©sillusion de certains au fait qu’avec la fin de la sĂ©rie le spectacle est terminĂ© qu’il y a l’obligation de retourner Ă  sa vie ordinaire, après avoir assistĂ© Ă  la dĂ©faite des hĂ©ros ou des  favoris.  C’est la pĂ©riode gueule de bois, eau plate, lĂ©gumes bouillis et sans sel et Ă©ventuellement mĂ©dicament qui dĂ©branche la perceuse qui nous fait mal dans notre tĂŞte.

 

 

Dans Game of Thrones, bien des personnages charismatiques, sympathiques ou antipathiques, meurent. Les traitres.  Mais en contrepartie, tous, pratiquement, perdent quelque chose dans ce monde sans sĂ©curitĂ© sociale et sans carte vitale. Et aussi sans ces dĂ©dales administratifs voraces qui nous font du mal.

On ne voit pas beaucoup d’argent dans Game of Thrones mĂŞme si on en parle et qu’il a son importance. Cependant, on paie principalement au prix fort avec sa chair, ses frayeurs et son sang le droit Ă  sa prĂ©sence sur terre. Soit un membre, soit un ou plusieurs membres de sa famille de ses proches.  Soit avec sa propre vie. Et on paie comptant. Aucune possibilitĂ© d’échelonner en plusieurs versements sans frais.

 

Jon Snow, par prudence, sagesse, transparence ou par manque d’ambition a peut-être cru qu’il pourrait un peu échapper à toutes ces embrouilles. Il a bien perdu des proches plus tôt dans la série mais il fait partie des personnages équilibristes qui savent se sortir du néant. C’est même un des seuls à resurgir de la mort avec un autre personnage qui va donner sa vie pour Arya.

 

Cela a peut-être fini par le convaincre – et nous convaincre- qu’il aurait toujours le soulier adéquat, le coup de tatane approprié et le dernier mot face à une mauvaise vanne. La fin nous apprend le contraire. Sur la fin, on peut voir le charismatique Jon Snow, dépassé et sans voix, qui se fait marcher sur les pieds, et qui essaie de se convaincre que tout va encore à peu près bien. Et que tout peut encore se raccommoder entre sa dulcinée et celles et ceux qu’elle promet de calciner s’ils refusent de s’agenouiller devant elle. Il essaie de parler fort mais il boit la tasse. Puis il transperce la tasse.

 

Jon Snow, le « bâtard Â» et le ressuscitĂ©, reste en dehors des dernières dĂ©cisions. Les plus dĂ©terminantes. MalgrĂ© sa bravoure, sa droiture ou son mĂ©rite et son endurance, sa vie, lorsqu’il y retourne du fait de la volontĂ© de la sorcière rouge, est peut-ĂŞtre, finalement, un rĂŞve dont il n’a pas Ă©tĂ© informĂ©. Ce qui pourrait expliquer son impuissance finale devant son Amour Daenerys et le fait qu’il soit supplantĂ© par la luciditĂ© politique et empoisonnĂ©e de Sancha. La dĂ©licate Sancha Stark que l’on a connue si Ă©cervelĂ©e et que l’on voit aussi si paniquĂ©e lorsqu’il s’agit de se battre avec une Ă©pĂ©e.

 

Ou, alors, plus prude que la sĂ©rie a pu le laisser supposer, Jon Snow paie peut-ĂŞtre pour l’amour interdit- et cachĂ©- de sa mère. Et son Amour d’abord aveugle pour Daenerys lui est ensuite retirĂ©.  C’est une Ă©preuve, parmi toutes celles qu’il a rencontrĂ©es, qu’il lui est impossible de surmonter. Comme il lui est impossible de retourner dans le passĂ©. A l’approche du trĂ´ne et  pour dĂ©faire Cersei, Daenerys et lui se montrent, dans leur nuditĂ© la plus absolue, avec leurs limites et leurs limbes respectifs. Ce faisant, ils se dĂ©font l’un de l’autre. Le rĂŞve construit entre eux avait l’apparence de la soliditĂ© mais il Ă©tait fragile car il reposait aussi sur l’ignorance et un mensonge. Face Ă  la vĂ©ritĂ©, Daenerys et Jon Snow adoptent une attitude diffĂ©rente.

L’actrice Lena Headley ( Cersei).

 

Cersei la terrible, surpuissant antagoniste, mais aussi plus âgĂ©e et plus expĂ©rimentĂ©e,  les oblige aussi vĂ©ritablement, pour la première fois, Ă  s’opposer l’un Ă  l’autre, les deux jeunes amoureux. Si tout couple a ses crises de nerfs, celles  du couple formĂ© par  Daenerys et Jon Snow a des caractĂ©ristiques hors normes dont les rĂ©percussions sont Ă©normes pour le Monde de Game of Thrones. Ce sont deux personnages aussi forts que des bombes nuclĂ©aires. Et leurs conflits, en cas de dĂ©saccord quant au mode d’éducation, seraient sans doute pire s’ils avaient des enfants.

 

Avec son entourage, Cersei a moins ce problème : elle « gère Â», ne partage pas le Pouvoir et sait faire le vide autour d’elle. Comme elle avait su le dĂ©montrer au pourtant très rusĂ©  Littlefinger :

 

« Power is Power Â».  

 

Son Amour et frère, Jaime Lannister, ne lui conteste pas le Pouvoir politique ni le Pouvoir parental. En outre, Jaime Lannister a les moyens de se satisfaire de son statut de « plus bĂŞte Â» des Lannister. Cela le dispense d’être le Roi. Jaime Lannister n’a qu’à suivre ou s’enfuir. Et, Ă©ventuellement, revenir. Il est peut-ĂŞtre le seul Ă  qui Cersei peut tout pardonner.

 

Cersei a ceci d’extraordinaire qu’on la déteste mais qu’elle est néanmoins indispensable à la série mais aussi à la survie de l’Amour au moins entre Daenerys et Jon Snow.

Du moins tant que Cersei représente une réelle menace.

 

En détruisant une bonne partie de Port-Réal, Daenerys libère sans doute les peurs et la haine qu’elle avait accumulée pendant des années. Mais elle matérialise peut-être aussi l’effondrement de son histoire d’Amour avec Jon Snow qui lui échappe, à elle, la femme aux dragons qui a dû faire avec la mort récente de deux de ses plus proches alliés et conseillers ( Ser Jorah et Missandei).

MĂŞme en perdant, Cersei est l’inconscient qui gagne la bataille : elle s’écroule sous les dĂ©combres (l’attaque de Port-RĂ©al par Daenerys sur son Dragon fait bien penser Ă  la bombe atomique sur Hiroshima) mais dans les bras de son Amour retrouvĂ© qui, malgrĂ© ses blessures, a traversĂ© tous les obstacles et renoncĂ© Ă  une vie honorable pour elle.  

Tandis que Jon Snow, lui, doit  non seulement se couper de Daenerys, tant au niveau amoureux qu’au niveau ombilical, mais il doit en plus accepter que sa dĂ©pouille lui soit enlevĂ©e par le dernier des dragons, « enfant Â» de Daenerys qu’ils n’ont pas eus ensemble. A sa place, on a de quoi avoir le sentiment d’avoir passĂ© une très mauvaise journĂ©e au bureau.

 

Pour ces raisons, voir Jon Snow tel qu’il est Ă  la fin de la sĂ©rie me paraĂ®t vraisemblable. OĂą qu’il aille après la mort de Daenerys, son souvenir l’occupera. Et s’il y a bien un endroit oĂą il peut, peut-ĂŞtre, trouver un peu d’apaisement, c’est dans la garde de nuit. LĂ  oĂą il aurait dĂ» rester et mourir mais oĂą on l’a obligĂ© Ă  revenir parmi les vivants. Toute personne humaine normalement constituĂ©e, Ă  sa place, deviendrait folle, dĂ©pressive, alcoolique, les trois en mĂŞme temps ou se ferait moine. Jon Snow, lui, reste plantĂ© sur son cheval et bien obĂ©issant. MĂŞme s’il se demande si ce qui lui arrive est « juste Â», il l’accepte, cul sec. Ygritte, Son ancien amour de sauvageonne, morte plus tĂ´t dans la sĂ©rie lĂ  oĂą il est condamnĂ© Ă  finir sa vie, lui susurre peut-ĂŞtre «  Tu ne sais rien du tout, Jon Snow ! Â».

 

Je repense dans le dĂ©sordre Ă  mes personnages « prĂ©fĂ©rĂ©s Â» de cette sĂ©rie :

 

Petyr «  Littlefinger Â» Baelish, Khal Drogo, Joffrey Baratheon, Cersei Lannister, MĂ©lisandre, Sandor Clegane, Tyrion Lannister, Brienne de Torth, Viserys Targaryen, Arya Stark, Cersei Lannister, Daenerys Targaryen ( sur la fin, elle m’agaçait de plus en plus), Jorah Mormont, Ygritte,  Theon Greyjoy, Robb Stark, Ned Stark, Stannis Baratheon, Jaime Lannister, Ramsey Bolton (mais  cela a Ă©tĂ© long avant qu’il « paie Â» pour ses crimes) , Ygritte, Jaqen H’ghar, Shae, Le Grand Moineau ( mĂŞme s’il m’a beaucoup exaspĂ©rĂ©), Euron Greyjoy ( un personnage peu supportable qui aurait peut-ĂŞtre dĂ» apparaĂ®tre plus tĂ´t dans la sĂ©rie), Margeary Tyrell, Daario Naharis, Missandei, Sansa Stark ( qui a pu m’exaspĂ©rer de manière presque paranormale mais pas dans la dernière saison), Gregor Clegane, Jon Snow, et, bien-sĂ»r…les sauvageons et les Marcheurs Blancs.

Le « chef » des Marcheurs Blancs. Photo issue du site allociné.

 

Game of Thrones a offert un taux de « reconversion Â» plutĂ´t Ă©levĂ© dans d’autres projets cinĂ©matographiques Ă  plusieurs de ses actrices et acteurs. Ce sera instructif de voir comment les uns et les autres vont « survivre Â» Ă  Game of Thrones et dans quels univers. Bronn a Ă©tĂ© vu dans le John Wick 3. Jon Snow a depuis tournĂ© dans le dernier film de Xavier Dolan (Ma vie avec John F. Donovan). Sansa Stark a incarnĂ© PhĂ©nix dans le dernier X-Men. Danaerys est dans une comĂ©die dramatique de NoĂ«l mais a aussi pu ĂŞtre vue dans un Star Wars et un Terminator. Tyrion Lannister a jouĂ© au moins dans un X-Men et dans un Avengers.

 

On peut aussi s’attendre à ce que des enfants soient appelés Daenerys, Arya, Sansa, Jon, Cersei, Khal, Missandei, Tyrion ou par d’autres prénoms portés par certains des personnages de la série.

 

L’acteur Peter Dinklage ( Tyrion Lannister). Photo issue du site allocinĂ©.

 

Furie mĂ©diĂ©vale capable d’humour en mĂŞme temps que guerres des Ă©toiles, histoire de morts vivants, de voyance, de vengeances familiales, d’excès, d’incestes, d’obsession d’ascension sociale et de super-hĂ©ros (Brandon Stark, dans son fauteuil roulant, fait bien penser au Professeur Xavier des X-Men) Game of Thrones est une Ă©popĂ©e fantastique qui nous a pris car, comme le dit Tyrion Lannister, ce qui relie les ĂŞtres humains entre eux, c’est l’Histoire.

 

Franck Unimon, ce lundi 30 décembre 2019.

 

 

 

 

 

 

 

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Cinéma

The Ride

Photo du site allociné comme les photos suivantes du film  » The Ride » de Stéphanie Gillard.

 

 

                                                   The Ride (La ChevauchĂ©e) 

                                                   un film de StĂ©phanie Gillard

 

 

Enfant, je les ai dĂ©couverts Ă  la tĂ©lĂ© un peu comme les colons europĂ©ens avaient « dĂ©couvert Â» l’AmĂ©rique. Dans ces westerns mal doublĂ©s en Français,  souvent interprĂ©tĂ©s par des Blancs, ils Ă©taient souvent les mĂ©chants.

 

Dans la cour de rĂ©crĂ© de l’école de la RĂ©publique – l’école Robespierre, Ă  Nanterre- oĂą j’étais scolarisĂ©, le lendemain, pour « en ĂŞtre Â», il fallait avoir vu le film extraordinaire de la veille. Il Ă©tait assez souvent amĂ©ricain. Qu’est-ce qu’ils Ă©taient forts, ces AmĂ©ricains !

Trente ans après la fin de la Seconde Guerre Mondiale que je n’avais pas connue, moi-même, je m’en apercevais régulièrement.

 

Les Westerns, les films policiers et Tarzan «  l’homme-singe Â», les feuilletons amĂ©ricains, avant les dessins animĂ©s japonais du genre Goldorak c’étaient mes Reines des Neiges, Ă  moi. Avec les films de Bruce Lee. Et, quelque part dans un coin… le boxeur Muhammad Ali auquel le kebab Ali BoumayĂ© dans le film MisĂ©rables de Ladj Ly fait rĂ©fĂ©rence ( pour son combat au ZaĂŻre en 1974 face Ă  Georges Foreman : voir le documentaire When we were kings. on peut aussi lire l’article Les misĂ©rables 2ème partie )

 

A cet âge oĂą je dĂ©couvrais les Westerns, celui de l’école primaire, je ne connaissais pas encore la portĂ©e symbolique d’un James Brown ou d’un Bob Marley : plusieurs de leurs disques vinyles faisaient partie des attributs paternels. Ceux de Bob Marley passaient le plus souvent lorsque j’Ă©tais en âge de me souvenir. L’album Rastaman Vibration, particulièrement, Ă  la fin des annĂ©es 70. 

Et, c’est plus tard, vers la prĂ©adolescence puis vers l’adolescence que j’ai entendu parler puis dĂ©couvert des auteurs comme Richard Wright ( Black Boy), Chester Himes ( La Reine des pommes), James Baldwin et des militants comme Martin Luther King, Malcolm X, les Black Panthers , tous noirs ou nĂ©gro-amĂ©ricains. A part Nelson Mandela et Steve Biko. Je ne connaissais pas d’autre leader politique africain ou antillais. CĂ´tĂ© littĂ©rature et poĂ©sie, je connaissais « un peu Â», AimĂ© CĂ©saire, Frantz Fanon, la NĂ©gritude mais j’étais dĂ©jĂ  lycĂ©en. Et les Etats-Unis d’AmĂ©rique Ă©taient encore pour moi un pays magnifique : La rĂ©fĂ©rence.

C’était le Pays oĂą de grands hommes et de grandes femmes (dont Angela Davis) avaient combattu le racisme. C’Ă©taient aussi des athlètes noirs amĂ©ricains qui, lors des jeux olympiques de Mexico, en 1968, avaient levĂ© un poing noir gantĂ© lors de la remise des mĂ©dailles olympiques pour protester contre la sĂ©grĂ©gation raciale aux Etats-Unis. Tommie Smith, Lee Evans, John Freeman….

C’Ă©tait la Première Puissance Mondiale. 

 

 

A part dans les Westerns que je regarde beaucoup moins depuis des annĂ©es, les Indiens d’AmĂ©rique ne m’intĂ©ressaient pas plus que ça. MĂŞme s’il y a bien eu le cours d’Indian Studies Ă  l’universitĂ© durant une annĂ©e. Mais c’Ă©tait il y a trente ans. Et je n’ai pas poussĂ© plus loin par la suite mĂŞme s’il m’en reste quand mĂŞme des souvenirs prĂ©cis quand j’y pense :

Notre professeur Nelcya D…, pourvue d’une autoritĂ© et d’une personnalitĂ© marquantes, avait organisĂ© une rencontre avec certains AmĂ©rindiens.

Je me rappelle d’un de ces artistes amĂ©rindiens Ă  qui l’on demandait Ă  nouveau s’il avait vu le film Danse avec les loups de et avec Kevin Costner ( je n’ai toujours pas vu le film). Celui-ci avait rĂ©pondu avec un peu d’ironie :  » It is the big question today ! » (  » C’est dĂ©cidĂ©ment la grande question du jour! »). 

Mais après avoir obtenu difficilement cette UV – face Ă  la redoutable Nelcya D… qui, pour l’Ă©preuve orale de rattrapage, en me voyant arriver m’avait d’abord lancĂ© un :  » Vous ! Je vous fais la peau ! » –  je n’avais pas cherchĂ© plus loin dans  » l’Histoire » des Indiens d’AmĂ©rique. Ce n’est pas de la faute de mon ancienne prof d’universitĂ©, Nelcya D, qui, dans les faits, m’estimait et me reprochait Ă  juste titre d’avoir travaillĂ© mes cours en dilettante :

Les Indiens d’AmĂ©rique ou les AmĂ©rindiens font un peu partie des Marcheurs blancs de l’Histoire humaine. Mais ce sont des marcheurs blancs, cĂ´tĂ© victimes et vaincus. Ils sont donc moins glamours sauf pour les clichĂ©s qu’ils nous permettent d’avoir Ă  leur encontre. Et Ă©videmment pour cette peur et cette honte qu’ils suscitent et que l’on veut voir relĂ©guĂ© au plus loin. Comme tout Ă©tranger, tout migrant, tout SDF, tout dĂ©chet, tout marginal ou tout bâtard de la sociĂ©tĂ© peut susciter honte et peur Ă  celles et ceux qui sont dans une certaine norme et font partie d’une certaine classe, d’une certaine caste ou d’une certaine race dite « supĂ©rieure » qui a « rĂ©ussi » ou est en passe de  » rĂ©ussir ». 

Via les Marcheurs blancs, je fais une allusion à la série Games of Thrones pour actualiser le propos en terme de fiction cinématographique car, dans les faits, les Amérindiens, eux, ont été rayés de leur propre Histoire et parqués au delà de murs et dans des réserves qui ne tombent pas. Ce sont plutôt les Amérindiens qui, génération après génération, depuis la dernière victoire militaire indienne en 1876 de Sitting Bull et Crazy Horse contre le Général Custer pourrissent en quelque sorte sur place sur le sol de leurs ancêtres.

 

Dans les bonus du dvd consacrĂ© Ă  son « film Â» The Ride ( La ChevauchĂ©e) ,  la rĂ©alisatrice StĂ©phanie Gillard se dit en quelque sorte admirative devant la « rĂ©silience Â» et la « force Â» des Indiens. Elle s’étonne, aussi, devant leur absence de « colère Â» après avoir rappelĂ©, entre-autres, l’interdiction qui a frappĂ© les Indiens de pratiquer leurs religions et leurs langues de 1890 Ă  1970.

Mais elle dit aussi avoir envie de pleurer  » toutes les deux minutes » lorsqu’elle se trouve dans une rĂ©serve indienne devant l’injustice imposĂ©e aux Indiens. 

 

Dans The Ride, il est aussi fait mention de l’Allotment Act, loi par laquelle les colons européens, ont dépossédé les Indiens de leurs terres.

EncerclĂ©s par la puissance militaire et des Lois destinĂ©es Ă  favoriser l’appropriation des terres indiennes par les colons, les divers peuples indiens prĂ©sents sur le sol amĂ©ricain ont vu leur futur bandĂ© par l’expansion et la « nĂ©e-cĂ©citĂ© Â» du rĂŞve dit amĂ©ricain. Et ce rĂŞve s’est aussi fait en violant des terres sacrĂ©es.

 

Dans les bonus du dvd, toujours, la rĂ©alisatrice StĂ©phanie Gillard explique qu’elle a tenu Ă  ĂŞtre autre chose qu’une « Ă©nième blanche qui vient filmer des Indiens Â». Il est vrai que StĂ©phanie Gillard a pour particularitĂ© d’être une femme blonde, ce qui aurait pu accentuer ce rapport de la «  femme blanche qui vient filmer des Indiens Â».

 

Pour conjurer  ça, elle explique ĂŞtre venue rencontrer plusieurs fois au prĂ©alable- d’abord sans camĂ©ra- les sujets de son documentaire. Elle s’est appliquĂ©e Ă  leur montrer des photos qu’elle avait pu prendre d’eux. Son Ă©quipe- rĂ©duite Ă  deux personnes en plus d’elle- et elle ont partagĂ© au mois de dĂ©cembre le quotidien de ces Indiens Lakota lors de leur itinĂ©raire en se reposant comme eux, par exemple, au moment des haltes, dans des gymnases.

Et, elle a fait le choix d’exclure les Historiens (souvent « blancs Â» prĂ©cise-t’elle Ă©galement dans les bonus) de son film pour laisser la parole aux Indiens mĂŞme s’ils se trompent quelques fois en racontant leur Histoire.

 

L’édition Digibook Collector du dvd dĂ©bute par ces explications :

 

«  En 1890, Ă  la mort de Sitting Bull, le chef Big Foot et trois cents Sioux Lakotas fuient la cavalerie amĂ©ricaine avant d’être tuĂ©s Ă  Wounded Knee.

 

En 1986, Birgil Kills Straight faisait un rĂŞve rĂ©ccurent : des cavaliers d’aujourd’hui Ă©taient Ă  cheval sur la piste empruntĂ©e par Big Foot dans le Dakota du Sud. Avec Curtis Kills Ree et d’autres membres de la communautĂ© Lakota, il dĂ©cide de faire cette chevauchĂ©e de Bridger Ă  Wounded Knee, et crĂ©e le Sitanka Wokiksuye ( Big Foot Memorial Ride).

 

Dix neuf cavaliers et deux véhicules de soutien font ce premier voyage, et le groupe grandit chaque année (….).

 

 

The Ride suit la commémoration de cette chevauchée à cheval effectuée en 1890.

«  Le trajet dure deux semaines et se termine le 29 dĂ©cembre, date anniversaire du massacre Â».  

 

J’ignore s’il faut y voir un signe particulier mais, alors que je dispose de ce dvd depuis plusieurs mois maintenant, c’est hier, ce 29 dĂ©cembre 2019, un ou deux jours après avoir vu avec elle la fin de la sĂ©rie Game of Thrones,  que j’ai proposĂ© Ă  ma compagne de regarder The Ride avec moi. Je dĂ©couvre cette coĂŻncidence alors que je suis en train de rĂ©diger cet article pour mon blog balistiqueduquotidien.com.

 

 

Cette chevauchĂ©e des Indiens Lakota devait se terminer en 1990. Mais en 1990, « plus de 350 cavaliers viennent, dont certains avec leurs enfants Â». Et, ceux-ci souhaitent que cette chevauchĂ©e se poursuive. « Cela est normalement impossible après une cĂ©rĂ©monie de levĂ©e de deuil Â».

Devant « l’insistance Â» des cavaliers, l’évĂ©nement est « relancĂ©  en 1992 sous le nom de OomakaTokatakiya ( Future Generation Ride).  Le but de cette chevauchĂ©e est dĂ©sormais, en plus de continuer d’honorer la mĂ©moire des Indiens massacrĂ©s Ă  Wounded Knee par le 7ème  rĂ©giment de la cavalerie amĂ©ricaine, de redonner confiance aux jeunes Indiens et de les aider Ă  rassembler leur identitĂ©.

En regardant The Ride, on comprend assez vite ce que cette chevauchĂ©e peut avoir de difficile en pratique :

 

« AmĂ©ricanisĂ©s Â» (bonnet de la marque Under Armor, baskets Nike, tĂ©lĂ©phone portable, passion pour la X-Box ou…le Basket), sĂ©dentarisĂ©s, plusieurs des participants montent sur un cheval pour la première fois. Et puis, il peut faire très froid pendant cette chevauchĂ©e (jusqu’à moins 30 ou moins 40 degrĂ©s selon les annĂ©es) qui consiste Ă  parcourir un peu plus de 450 kilomètres dĂ©sormais. Il y a quelques chutes. Mais personne ne porte de bombe sur la tĂŞte.

 

 

Le titre Buffalo soldiers de Bob Marley m’est alors revenu en tĂŞte. Lorsque je l’écoutais dans les annĂ©es 80, et lorsque plus tard j’ai vu quelques images de sa vidĂ©o, je ne comprenais pas vraiment son sens. Aujourd’hui, je comprends mieux. On est plutĂ´t dans l’esprit du film Glory rĂ©alisĂ© par Edward Zwick avec, entre-autres, Denzel Washington. Un film dont le sacrifice « hĂ©roĂŻque Â» de soldats noirs pendant la guerre de sĂ©cession ne m’avait pas du tout donnĂ© envie de les imiter. Mais avaient-ils le choix ?

 

Par ailleurs, les Buffalo Soldiers auraient participĂ© au gĂ©nocide amĂ©rindien. Ce qui pourrait m’expliquer cette sorte « d’indiffĂ©rence Â» ou de distance entre les militants (politiques ou Ă©crivains) noirs aux Etats-Unis avec les Indiens et « l’Histoire Â» indienne. 

Donc on se retrouve comme Jon Snow avec Daenerys Ă  la fin de Game of thrones. MĂŞme vivant, on ne s’en sort pas. On se sent maudit quoique l’on ait pu rĂ©aliser de « grand Â». On peut donc chevaucher tel Jon Snow les neiges Ă©ternelles Ă  la fin de Game of thrones ou comme certains de ces indiens dans The Ride, on continue nĂ©anmoins de tomber de très haut. 

 

Dans les bonus, la réalisatrice s’étonne de l’absence de colère des Indiens. Peut-être parce qu’ils sont aussi pacifiques que l’océan du même nom. Le navigateur Olivier de Kersauson parle aussi de cet océan dans un de ses livres.

 

La colère connaĂ®t deux expressions principales : contre soi-mĂŞme ou contre les autres. Celle de Daenerys Ă  la fin de Game of Thrones est malheureusement humaine.  Je la condamne et la regrette depuis ma place assise et confortable de spectateur. MĂŞme si j’imagine que d’autres, au contraire, ont trouvĂ© Daenerys «  rock and roll Â» ou «  Punk Â», et approuvĂ© totalement son tempĂ©rament passionnĂ©, libre et entier et face Ă  un Jon Snow qui a pu ĂŞtre considĂ©rĂ© comme falot et sans ambition. Il est vrai que pour lui-mĂŞme, il y a longtemps que l’on n’a plus vu Jon Snow se mettre en colère dans la sĂ©rie Game of Thrones. Mais au moins peut-on le percevoir comme une personne sage mĂŞme si ce terme peut dĂ©plaire et rimer pour certaines personnes avec « couard Â» ou «  irresponsable Â».

 

A l’inverse, l’absence totale de colère de Guillaume Gallienne dans son Les Garçons et Guillaume, Ă  table ! et l’extrĂŞme sympathie que cela a contribuĂ© Ă  donner Ă  son film m’a empĂŞchĂ©, Ă  un moment donnĂ©, d’être aussi enthousiaste que d’autres en le voyant. Je lui prĂ©fère la colère d’un Patrick Chesnais dans le Je ne suis pas lĂ  pour ĂŞtre aimĂ© de StĂ©phane BrizĂ© ou d’un Luca Zingaretti dans Le jour du chien de Ricky Tognazzi. Mais on a beaucoup moins entendu parler de ces deux films. Et on prĂ©fère ĂŞtre en compagnie de celles et ceux qui, lorsqu’ils souffrent, savent se tenir et rester propres.

Et on peut dire que les Indiens de The Ride, eux, savent se tenir. Je partage la plupart des sentiments de la réalisatrice de The Ride pour celles et ceux qu’elle a rencontrés. Sauf que la colère des Indiens a été méthodiquement démantelée par les gouvernements américains successifs. Les Indiens sont aussi, aujourd’hui, en état d’infériorité numérique.

La rĂ©signation et la dĂ©pression, ça « aide Â» aussi Ă  se tenir dans son coin. Pour pouvoir ĂŞtre en colère, il faut pouvoir s’appuyer sur la terre. Mais lorsque l’on vit en permanence sur la pointe des pieds tout près du vide, ou carrĂ©ment dans le vide,  notre colère manque d’air pour s’agripper et s’exprimer.

Le film donne la prioritĂ© Ă  la vertu thĂ©rapeutique de cette chevauchĂ©e. On n’y parle donc pas de l’alcoolisme, de l’usage d’autres drogues ou d’actes de violence ou d’abus condamnĂ©s par la Loi ( Ă  part un père pour avoir fait brĂ»ler sa maison ). Mais dans les bonus du dvd, lors de son interview, la rĂ©alisatrice nous apprend que deux ou trois personnes prĂ©sentes dans le film se sont suicidĂ©es depuis. Parmi ces personnes, un des jeunes donnĂ© en exemple Ă  la fin du film qui avait dĂ©ja participĂ© Ă  plusieurs de ces chevauchĂ©es et qu’elle nous dĂ©crit comme Ă©tant pourtant quelqu’un de « joyeux ».

Lors de The Ride, nous voyons bien quelques hommes abimĂ©s ou obèses et l’on se doute que certains des jeunes que nous voyons font plutĂ´t partie, Ă  l’école, des derniers de la classe. Mais la tĂ©nacitĂ© et l’humour veillent :

 

«  Ils ont perdu Dieu et croient qu’on l’a volĂ© Â». «  Tu sais pourquoi ils ont envoyĂ© l’homme sur la lune ? Parce qu’ils ont cru que les Indiens y avaient des terres Â».

 

Des Indiens ont engagĂ© des poursuites judiciaires contre les Etats-Unis. Cela a durĂ© des annĂ©es. La cour suprĂŞme a donnĂ© raison aux Indiens. En compensation, la Cour suprĂŞme a proposĂ© des indemnitĂ©s financières. Les Indiens, eux, rĂ©clamaient leurs terres et non de l’argent. Comme le dit l’un des protagonistes de The Ride :

 

« Ils n’ont jamais pris le temps de nous Ă©couter Â».

 

 

Franck Unimon, lundi 30 décembre 2019.

 

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Argenteuil Echos Statiques

Jours de grève

 

                                                          Jours de grève

 

 

Le mouvement des gilets jaunes a dĂ©butĂ© il y a un peu plus d’un an maintenant( CrĂ©dibilitĂ©).  

J’ai lu quelque part qu’il y aurait 8000 manifestations par an en France et que les faire « encadrer » par les forces de l’ordre coĂ»terait 150 millions d’euros Ă  l’Etat. Ce soir, je ne trouve pas mes « sources ». 

Depuis ce 5 dĂ©cembre 2019, la grève des transports en commun en rĂ©gion parisienne a dĂ©butĂ©. LĂ , je n’ai pas besoin de sources. Comme beaucoup, je m’adapte Ă  cette grève des transports en commun. Je m’estime nĂ©anmoins moins pĂ©nalisĂ© que d’autres par cette grève- dure- des transports en commun :

Je peux me rendre Ă  mon travail Ă  vĂ©lo en une quarantaine de minutes. Je peux me doucher Ă  mon travail. Et un certain nombre de trains passe encore par Argenteuil Ă  certaines heures de la journĂ©e. Argenteuil reste mieux desservie que bien d’autres villes  de banlieue et mieux aussi que certains coins de Paris.

Depuis le dĂ©but de la grève des transports, seules les lignes de mĂ©tro 1 et 14, les deux seules lignes entièrement automatisĂ©es, ont vraisemblablement continuĂ© d’acheminer des passagers comme si de rien n’Ă©tait. La ligne 7 du mĂ©tro a pu ĂŞtre active au bout de quelques jours. Et j’ai entendu parler de la ligne 5, peut-ĂŞtre, Ă  certains endroits. Autrement, toutes les autres lignes de mĂ©tro sont actuellement « mortes ». 

Certains bus sont prĂ©sents. Et souvent bondĂ©s. Dans certaines rues de Paris, par moments, on peut ressentir une petite sensation de hâte, parmi tous ces piĂ©tons en surplus. C’est ce que j’ai ressenti avant les fĂŞtes de NoĂ«l Ă  la marche en me dirigeant vers la place Clichy depuis la gare St Lazare.

 

Pour moi, la raison de cette grève prolongĂ©e des transports en commun parisiens est destinĂ©e Ă  protester contre la rĂ©forme des retraites. Le 5 dĂ©cembre, les personnels des Ă©coles et des hĂ´pitaux publics faisaient Ă©galement grève. 

 

Je crois que la longĂ©vitĂ© de cette grève des transports va changer l’Ă©tat d’esprit de quelques personnes : par exemple, dans mon service, plusieurs de mes collègues viennent dĂ©sormais Ă  vĂ©lo au lieu de prendre les transports en commun. Un de mes collègues m’a appris qu’il pouvait ĂŞtre très difficile de trouver un vĂ©lib. Il regrettait d’avoir choisi l’option d’avoir pris un abonnement aux vĂ©lib en prĂ©vision de la grève. Il estimait qu’il aurait mieux fait de s’acheter un vĂ©lo.

J’ai appris par une collègue que les gens faisaient la queue pour faire rĂ©parer leur vĂ©lo Ă  DĂ©cathlon. Cette collègue n’a pas eu de chance : deux crevaisons en deux jours. Elle avait reçu son vĂ©lo neuf trois semaines plus tĂ´t. La première fois, Ă  DĂ©cathlon, sa crevaison avait Ă©tĂ© rĂ©parĂ©e assez rapidement. La seconde fois, elle avait dĂ» attendre 3h30.  » C’est 30 minutes par vĂ©lo » selon les propos d’un des employĂ©s de l’enseigne. Cette grève des transports doit rendre heureux les vendeurs de vĂ©los et de trottinettes .

 

Avant cette grève, je n’avais jamais fait le trajet Ă  pied jusqu’au travail depuis la gare St Lazare. Pourtant, j’aime marcher. Mais la « facilité » des transports en commun et leur caractère pratique m’ont souvent rattrapĂ©. MĂŞme si j’essaie de plus en plus de rompre avec cet espace d’enfermement que peuvent ĂŞtre le mĂ©tro, les couloirs du mĂ©tro ainsi que les contrĂ´les de  » titre de transport » et leurs auxiliaires  dissĂ©minĂ©s  : les portes de « validation ». 

Il est vrai que j’habite Ă  une distance « raisonnable » de mon lieu de travail. A environ 14 kilomètres. Si j’habitais Ă  Melun ou Ă  Cergy, je m’abstiendrais d’essayer de venir au travail Ă  vĂ©lo ou Ă  pied. 

 

En me rendant au travail Ă  pied depuis la gare St-Lazare, lorsque j’ai pris le train Ă  Argenteuil, j’ai parfois eu l’impression que certaines personnes Ă  vĂ©lo se sentaient particulièrement privilĂ©giĂ©es par rapport Ă  nous, les piĂ©tons. Je me suis dit qu’il suffisait de peu pour se sentir avantagĂ© et aussi de très peu pour crever. Ce qui m’est arrivĂ© d’ailleurs quelques jours plus tard en rentrant du travail. J’ai fini mon parcours en marchant Ă  cĂ´tĂ© de mon vĂ©lo pendant deux kilomètres. Il faisait assez frais. Quelques cyclistes, dont une espèce de club ou d’association de cyclistes, m’a dĂ©passĂ© sans s’arrĂŞter. Je ne leur en ai mĂŞme pas voulu.

J’avais tout ce qu’il fallait dans mon sac pour rĂ©parer. Mais je suis assez peu manuel. Je me suis dit que le temps de trouver l’endroit de la crevaison et Ă©tant donnĂ© ma lenteur, j’avais plus de chances d’attraper une pneumonie.

Bon, j’ai quand mĂŞme fait le nĂ©cessaire pour prendre le temps de rĂ©parer ma crevaison deux ou trois jours plus tard. J’ai mĂŞme fait beaucoup mieux que ça :

Après avoir rĂ©parĂ© ma crevaison,  j’ai gonflĂ© ma chambre Ă  air. Mais je n’Ă©tais pas satisfait. Je l’ai gonflĂ©e davantage. Mais quelque chose me gĂŞnait. Je trouvais que le pneu ne restait pas assez gonflĂ©. Donc j’ai gonflĂ© encore un peu. La chambre Ă  air a Ă©clatĂ©. Je ne crois pas l’avoir (trop) gonflĂ©e. Je crois que cette chambre Ă  air avait fait son temps. Heureusement, j’avais une chambre Ă  air toute neuve de rechange avec moi. Et quand je l’ai gonflĂ©e, elle,  son comportement m’a satisfait. 

 

Le 10 et le 11 dĂ©cembre, j’ai pris les transports en commun pour aller Ă  Paris. Nous sommes le 29 dĂ©cembre mais mes photos  » dans » les transports en commun datent du 10 et du 11 dĂ©cembre. Je n’en n’ai pas pris d’autres depuis : je me suis peut-ĂŞtre dĂ©ja un peu « habitué » Ă  cette grève des transports.

Le 10 dĂ©cembre, je suis allĂ© Ă  Paris pour voir en projection de presse, le premier long mĂ©trage d’Abdel Raouf Dafri: Qu’un sang impur…  . Je suis allĂ© le voir avec une amie dont c’est l’anniversaire demain si je me souviens bien.

Cela aurait sĂ»rement Ă©tĂ© « mieux » d’avoir des photos plus rĂ©centes de cette grève des transports en commun mais je me dis que c’est dĂ©ja « bien » d’en avoir quelques unes pour cet article. Avant que l’annĂ©e 2020 nous entraĂ®ne sur ses rails. Ce sont peut-ĂŞtre quelques uns des derniers clichĂ©s que j’ai pris avec mon Canon G9X Mark II que je crois avoir perdu car je ne le retrouve pas.  

Franck Unimon

A la gare St Lazare, ce 10 décembre 2019.

 

En chemin vers la projection de presse de  » Qu’un sang impur » d’Abdel Raouf Dafri. Comme on peut le voir, la grille de la station de mĂ©tro Miromesnil est baissĂ©e.

 

Au milieu de l’embouteillage, des personnes qui ont sans doute pris le parti de se dĂ©placer Ă  vĂ©lo.

 

 

 

 

 

Après la projection de presse de  » Qu’un sang impur », sur les Champs ElysĂ©es, vers 18h/18h30 ce mardi 10 dĂ©cembre 2019.

 

Ce mardi 10 dĂ©cembre 2019 sur les Champs après la projection de  » Qu’un sang impur ».

 

 

Aux Halles ce mercredi 11 dĂ©cembre 2019, c’est plutĂ´t rare, en pleine journĂ©e de voir cette station aussi « vide ». MĂŞme si j’ai un peu trichĂ© pour Ă©viter de prendre quelqu’un en photo, il y a toujours du monde Ă  cette station en pleine journĂ©e.

 

Les Halles, ce 11 décembre 2019.

 

Aux Halles, ce 11 décembre 2019.

 

Station Les Halles, le 11 décembre 2019.

 

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Qu’un sang impur…

 

Actress, Linh-Dan Pham.

 

                                                Qu’un sang impur….un film d’Abdel Raouf Dafri. 

 

 

 

 

« Donne-moi la bonne clĂ© Â».

 

C’est ce que demande le colonel Andreas Breitner (l’acteur Johan Heldenbergh), « ancien Â» de la Guerre d’Indochine, Ă  Soua Ly-Yang ( l’actrice Linh-Dan Pham), femme du peuple Hmong, qui semble son reflet autant que sa compagne. Plus tard, Soua Ly-Yang expliquera Ă  la jeune rĂ©sistante algĂ©rienne, Assia «  Bent Â» Aouda ( l’actrice Lyna Khoudri) qu’elle a acceptĂ© de suivre le colonel Andreas Breitner et l’armĂ©e française car :

 

« Les Chinois et les Vietcongs ne nous aiment pas ! Â».

 

Mais avant de voir cela, le premier long mĂ©trage d’Abdel Raouf Dafri se sera ouvert dans l’AlgĂ©rie «française Â» de 1960. Oui, « ouvert Â». Si Ă  première vue, Qu’un sang impur cherche la clĂ© qui pourrait permettre Ă  l’AlgĂ©rie et Ă  la France de mettre un terme Ă  leur carrière guerrière, le film a cette ambition universelle qu’un poète – dont j’ai, pour l’instant, oubliĂ© le nom- avait un peu rĂ©sumĂ© par cette phrase :

 

« DĂ©livre-moi de la nuit de mon sang Â».

 

Plus militaire que poète, Le colonel Andreas Breitner, lui, n’oublie pas ses guerres, sortes de terres «no-limit Â» auxquelles il a survĂ©cu. Mais celles-ci l’ont vaincu et le tiennent entre deux frontières :

 

Il subsiste Ă  l’état civil mais Ă  l’étouffĂ©e. Par contre,  il retrouve son envergure dans le conflit de l’AlgĂ©rie qui n’est pourtant pas « sa Â» guerre. MĂŞme si les guerres ont souvent plus d’hĂ©ritiers que de propriĂ©taires, c’est peut-ĂŞtre dans cet envers du dĂ©cor, ou ce revers de sa mĂ©daille, qu’il peut le mieux se refaire. Ce qui est une croyance très courante. Car, face Ă  lui, bien-sĂ»r, il trouvera d’autres «cartes Â» humaines qu’au fond, il connaĂ®t trop bien, quelles que soient leurs dimensions, leur visage, leur âge, leur couleur, leur religion ou leur sexe. Puisque la guerre, qu’elle accroche son souffle en AlgĂ©rie ou ailleurs, transporte les ĂŞtres vers les mĂŞmes erreurs promises et sert aussi de rĂ©vĂ©lateur :

 

Actor, Salim Kechiouche.

 

 

Ainsi, le leader Mourad Boukharouba (l’acteur Salim Kechiouche, qui Ă©tonne encore après son rĂ´le dans Mektoub My Love de Kechiche) d’abord hĂ©roĂŻque, insère ensuite une intransigeance qui le rapproche du fanatisme ou du souvenir d’un meneur peut-ĂŞtre Ă  l’image du colonel Amirouche, Terreur de l’armĂ©e française lors de la guerre d’indĂ©pendance de L’AlgĂ©rie. ( le colonel Amirouche a Ă©tĂ© abattu en mars 1959 pendant la guerre d’AlgĂ©rie PS : lors de son interview, Abdel Raouf Dafri me dĂ©trompera. Il m’expliquera en effet que Boukharouba Ă©tait le surnom de BoumĂ©dienne, dirigeant de l’AlgĂ©rie indĂ©pendante entre 1965 et 1978. Voir l’interview Interview en apnĂ©e avec Abdel Raouf Dafri ).

 

De son cĂ´tĂ©, le sergent-chef Senghor arabophone, lui, (l’acteur Steve Tientcheu), pourrait dire :

 

« Les Arabes et les Blancs ne m’aiment pas… Â». Soit le prolongement de la thĂ©matique du racisme dont Soua Ly-Yang ( l’actrice Linh-Dan Pham) est la victime après, « bien-sĂ»r Â», les Arabes et les musulmans dans l’AlgĂ©rie coloniale de l’époque. Nommer ce personnage Senghor est sĂ»rement une rĂ©fĂ©rence Ă  la NĂ©gritude et Ă  l’indĂ©pendance du SĂ©nĂ©gal dans les annĂ©es 60, histoire commune avec l’AlgĂ©rie et tant d’autres pays et cultures. Ainsi qu’à la capacitĂ© culturelle de l’Afrique noire. Pourtant, le mot -vautour«  NĂ©gro Â» sera prononcĂ© ( au lieu du terme « Karlouche Â», ce qui m’a beaucoup Ă©tonnĂ©) contribuant Ă  donner l’occasion Ă  l’acteur Steve Tientcheu d’avoir une stature un peu comparable Ă  celle du personnage de Wallace Marcellus dans le Pulp Fiction de Tarantino. Et Abdel Raouf Dafri de rappeler que, oui, mĂŞme en France, un acteur Ă  peau très noire, cela peut ĂŞtre très cinĂ©matographique.

 

On parle de Senghor dans les annĂ©es 60. Mais le film cite aussi Camus. Et si l’on parle de Camus, Ă  l’époque, on est aussi obligĂ© de parler de Sartre. Car plusieurs des caractères de Qu’un sang impur semblent incorporer les positions de ces deux intellectuels de rĂ©fĂ©rence Ă  l’époque qui furent d’abord amis puis rivaux en raison de leurs avis divergents Ă  propos du conflit entre l’AlgĂ©rie et la France. Mais vidons rapidement tout malentendu de cet article concernant Camus et Sartre :

 

Qu’un sang impur compose plusieurs des codes du film d’action. Par moments, on est mĂŞme dans le genre du Western. Il y a aussi un peu d’humour ( noir et serrĂ©, bien-entendu).

Le film Ă©voque Camus- et Sartre par opposition- en Ă©vitant la dĂ©marche paludĂ©enne de la dissertation scolaire. Dans Qu’un sang impur… on est entre la possibilitĂ© d’accorder sa «misĂ©ricorde Â» ou de choisir d’avoir…les mains sales. VoilĂ  pour Camus et Sartre.

 

Actor, Johan Heldenbergh ( Left); Actor, Olivier Gourmet (Right)

 

 

En tant que film, si l’on peut Ă  peu près situer Qu’un sang impur en tant que production française entre le Indigènes de Bouchareb et Les MisĂ©rables de Ladj Ly, le personnage du colonel Delignières (l’acteur Olivier Gourmet) devrait aussi facilement rĂ©ussir Ă  rappeler Ă  quelques uns le colonel Kurtz jouĂ© par Marlon Brandon dans Apocalypse Now. Mais Gourmet ne singe pas Marlon Brandon : Nous sommes bien en AlgĂ©rie et pas chez Francis Ford Coppola lorsqu’il « apparaĂ®t Â». Et sa prescience du jeu combinĂ©e Ă  celle des autres acteurs et de plusieurs idĂ©es de mise en scène permettent Ă  Qu’un sang impur… malgrĂ© plusieurs « flottements Â», de mettre devant nos yeux des petits miracles.

 

 

DĂ©fendre la vie avec des cendres. En nous rappelant en 2019,  l’influence de la pensĂ©e et de l’engagement d’un Camus ou d’un Sartre, Qu’un sang impur nous dit peut-ĂŞtre aussi que les intellectuels d’aujourd’hui ressemblent davantage Ă  des mannequins  sublimĂ©s par leurs marges bĂ©nĂ©ficiaires. Et il nous parle peut-ĂŞtre aussi d’un penseur comme RenĂ© GuĂ©non qui, en 1946, Ă©crivait La Crise du monde moderne , livre dans lequel il affirmait par exemple :

 

« Un des caractères particuliers du monde moderne, c’est la scission qu’on y remarque entre l’Orient et l’Occident Â».

 

Parler du sang et faire parler le sang versĂ© et emmurĂ© dans la sociĂ©tĂ© française. Assez peu de productions s’encordent Ă  ce genre de sujet dans le cinĂ©ma français afin de montrer leurs effets indĂ©sirables  (pour qui ?) sur la France d’aujourd’hui.  Car comme le montre une scène du film Qu’un sang impur :

 

«  Attention, mines ! Â».

 

Plutôt que de détourner la tête et de remettre à demain l’opération- vaste- de déminage de la société algérienne et française, Abdel Raouf Dafri, a choisi avec son premier film de réalisateur de monter en première ligne.

 

Actor, Steve Tientcheu ( Left); Actress, Linh-Dan Pham; Actor, Pierre Lottin; Actor, Johan Heldenbergh ( Right).

 

Qu’un sang impur…sera dans les salles de cinĂ©ma Ă  partir du 22 janvier 2020.

 

QUUN-SANG-IMPUR_TEASER_HD_H264_VFSTF

 

J’avais introduit cet article avec l’article Projection de presse . Mais on pourra Ă©galement complĂ©ter sa lecture avec l’article Les misĂ©rables 2ème partie . 

Ainsi qu’avec l’article Journal 1955-1962 de Mouloud Feraoun

Franck Unimon, ce vendredi 13 dĂ©cembre 2019.  

 

 

 

 

 

 

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Projection de presse

 

 

                                           Projection de presse

 

Contrairement Ă  ce que l’on pourrait croire, il est très rare que je me rende Ă  la projection de presse d’un film, un bon mois avant sa sortie en salles, avec l’une des sĹ“urs du rĂ©alisateur. Habituellement, je n’ai pas de lien personnel direct ou indirect avec les auteurs et les acteurs de ces films que je vois Ă  part le fait d’avoir pu croiser , quelques fois, quelques unes ou quelques uns d’entre eux . Cette fois-ci, c’est diffĂ©rent.  

Le film, Qu’un sang impur…sortira le 22 janvier 2020. Il a Ă©tĂ© rĂ©alisĂ© par Abdel Raouf Dafri qui s’est fait connaĂ®tre en tant que scĂ©nariste des films Un Prophète ( 2009), Mesrine ( 2008) mais aussi, par exemple, pour la sĂ©rie Braquo ( Ă  partir de 2011). Je parle ici des Ĺ“uvres cinĂ©matographiques auxquelles il a participĂ© et que j’avais vues Ă  leur sortie. Ma prĂ©fĂ©rence va Ă  Un Prophète  (j’aime le cinĂ©ma d’Audiard depuis Regarde les hommes tomber) et aux deux Mesrine.

Quinze ans plus tĂ´t, peut-ĂŞtre plus, j’ignorais qu’un jour je serais dans cette situation. Pourtant, maintenant que ça me revient, j’ai dĂ©ja connu ce type de situation un peu invraisemblable :

Deux fois en faisant un stage dans le service de rĂ©animation oĂą ma mère travaillait comme aide-soignante. Une fois aux urgences psychiatriques, en voyant dĂ©barquer en tant que patient, un de mes amis de promo qui m’avait racontĂ© sa fuite de l’Iran après une marche Ă©prouvante guidĂ©e par un passeur. Une autre fois encore, dans un service d’hospitalisation psychiatrique, oĂą infirmier intĂ©rimaire, j’Ă©tais tombĂ© nez Ă  nez avec un de mes anciens camarades de lycĂ©e, Ă©galement patient, alors qu’une collègue infirmière titulaire,  devant les images tĂ©lĂ© de la guerre du Golfe et de Saddam Hussein avait lancĂ© :

« Mais qu’ils leur foutent une bombe ! ». 

 

 

Je reproche Ă  la sĂ©rie Braquo – que j’ai aimĂ©e regarder- son cĂ´tĂ© un peu trop « clinquant Â» (pourtant, j’aime les films d’Oliver Marchal) mais aussi d’être arrivĂ©e après la sĂ©rie Police District.  Police District est une très bonne sĂ©rie française  que très peu de personnes connaissent (comme la sĂ©rie Engrenages) alors qu’elle Ă©tait passĂ©e en clair Ă  la tĂ©lĂ© sur M6, je crois, et qu’elle Ă©tait une bien meilleure gravure sociale que Braquo. Peut-ĂŞtre parce qu’Hugues Pagan, le scĂ©nariste de Police District, est d’abord un très bon auteur de polars après avoir Ă©tĂ© flic. J’ai dĂ©couvert très rĂ©cemment, par hasard, qu’Hugues Pagan Ă©tait nĂ© en AlgĂ©rie. Ou peut-ĂŞtre l’avais-je oubliĂ©…

 

Tout cela, je l’écris pour moi- comme tout ce que l’on Ă©crit d’ailleurs- parce-que cela me fait du bien et que j’en ai visiblement besoin mĂŞme si, fondamentalement, ça n’apporte rien a priori. Sauf, peut-ĂŞtre, pour reparler du hasard de la vie. Je suis aussi très attachĂ© au hasard. Et, comme le dit le marabout Papa Sanou au jeune « faussaire Â» Armand (dans le très bon film, Seules les bĂŞtes de Dominik Moll, actuellement en salles) :

 

«  Le Hasard, il est plus grand que toi ! Â».

 

 

Une scène du film  » Qu’un sang impur… » avec, au premier plan, l’acteur Steve Tientcheu, la jeune « Chahida », l’actrice Lyna Khoudri, l’acteur Johan Heldenbergh, l’actrice Linh-Dan Pham puis l’acteur Pierre Lottin.

 

 

Il est très rare aussi qu’en me rendant Ă  une projection de presse, je sois autant en avance (d’une bonne demie heure) et que je m’entretienne un petit peu avec une directrice de casting puis avec un programmateur de salles de cinĂ©ma :

 

« Comment devient-on directrice de casting vu qu’il n y a pas d’études spĂ©cifiques ? Â».

  • Au dĂ©part, je travaillais dans la prod comme assistante de production puis un rĂ©alisateur m’a demandĂ© de m’occuper de son casting….

 

Sur les Champs-ElysĂ©es, ce mardi 10 dĂ©cembre 2019, après la projection de  » Qu’un sang impur… »

 

Il est aussi très rare qu’en pleine période de grève – très suivie- des transports et d’autres corps de métier, pour protester contre la réforme des retraites décidée par le gouvernement, je discute (toujours avec cette même directrice de casting) de la façon de se rendre (à pied) depuis le 18ème arrondissement de Paris jusqu’à cette projection de presse près des Champs Elysées. A l’entendre, cela lui avait pris trente minutes. Pour avoir effectué le trajet après la projection de Qu’un sang impur… (j’ai mis un peu plus de 90 minutes en prenant mon temps), je me demande encore par où elle est passée et à quelle allure elle marchait, elle qui m’avait dit avoir pris son temps.

 

 

Le programmateur de salles de cinĂ©ma, lui, m’a fait le plaisir de me dire que le nom de mon blog, balistiqueduquotidien, lui Ă©tait familier. Je l’ai fait rĂ©pĂ©ter. A moins d’être très connu ou de savoir attirer des milliers de vues, je crois que le blogueur est une espèce de très courte durĂ©e (deux ou trois ans) ou un exploitĂ© du clavier performant ses actions sur les rĂ©seaux sociaux plus de douze heures par jour, sept jours sur sept. Pour ma durĂ©e de vie en tant que blogueur, ma deuxième annĂ©e a dĂ©butĂ© fin octobre, dĂ©but novembre. Et cela fait Ă  peu près deux semaines que je n’ai rien produit sur mon blog. Deux semaines d’absence sur le net- mĂŞme s’il est rare que je m’absente aussi longtemps- c’est très long. Mais j’avais d’autres prioritĂ©s. D’autres conduits vers la vie dont il m’a fallu tenir compte. Et puis, je me rappelle ce matin ce proverbe que je crois asiatique :

 

« Le temps ne respecte pas ce qui se fait sans lui Â». 

 

Je ne sais pas encore si ce genre de proverbe s’accorde très bien avec une carrière accomplie de blogueur ou d’artiste. Je ne suis pas très pressĂ© de le savoir mĂŞme si je trouve par moments que je donne beaucoup de mon temps – et de mon envie- Ă  mon blog et que les retombĂ©es, hormis un plaisir immĂ©diat, me semblent encore abstraites :

 

Je suis très très loin des « royalties Â» des dix mille vues. Je me mĂ©fie de plus en plus de cette très forte addiction ou compulsion sociale qui nous pousse Ă  participer (mĂŞme si j’y contribue Ă©galement)  quotidiennement Ă  cette activitĂ© Ă©trange qui consiste Ă  avoir « besoin Â» de recueillir son pain quotidien en nombre de « j’aime Â», de « like Â»,  de commentaires, de MMS, de mails ou de sms afin de nous sentir, « bien Â», « mieux Â» ou « un peu moins seuls Â».

 

La spontanéité, bien-sûr, c’est très bien. Dans la vie comme sur le net et via les sms et les MMS. Mais il est néanmoins encore difficile pour moi- même si j’ai bien repéré deux ou trois cliniques qui font ça très bien apparemment- de me transformer en pieuvre et d’étendre mes multiples tentacules en même temps sur le clavier et dans mes diverses actions quotidiennes, personnelles et professionnelles. Aussi, pour l’instant, n’ai-je pas d’autre possibilité que de continuer de prendre mon temps lorsque j’écris pour mon blog et ailleurs. Et d’écrire long. Car inutile de s’installer dans le déni:

 

Si j’aime faire certains raccourcis dans la vie comme dans mes articles, j’écris long pour le net et pour toutes ces personnes qui veulent divorcer rapidement de la lecture leurs yeux à peine posés sur le corpus d’un texte. Moi-même, il est bien des journaux que je lis en zig-zag en me concentrant sur certains articles qui m’attirent d’abord. Et, je sais que j’ai déja plus de livres- et de dvds- à lire et à regarder chez moi que de vie restante.

 

Le caractère personnel de la projection de presse de Qu’un sang impur compte pour moi, je crois, parce que, d’une manière gĂ©nĂ©rale, blog ou pas blog, sms ou pas sms, internet ou pas internet, sĹ“ur de rĂ©alisateur ou pas sĹ“ur ( « passeur » ?) de rĂ©alisateur, projection de presse ou pas projection de presse, je suis attachĂ© Ă  ce qu’il y a de personnel dans la vie  comme je suis attachĂ© au hasard. On peut le louer. On peut le contester. Je sais pour ma part que je ne suis pas le plus douĂ© en stratĂ©gie (je n’ai mĂŞme pas pensĂ© Ă  donner le nom de mon blog Ă  la directrice de casting ! ), en calcul, comme en Ă©conomie quels que soient mes atouts. Et c’est peut-ĂŞtre pour ces raisons que je publierai mon article ( j’en ai Ă©crit les premières lignes) sur Qu’un sang impur bien avant sa sortie en salles. Soit ma façon, aussi, d’être spontanĂ© et de laisser le hasard dĂ©cider.

 

Franck Unimon, ce jeudi 12 décembre 2019

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Terminal sud

 

 

 

 

photo issue du site allociné.

 

 

 

 

Deux jours avant la tournĂ©e du Black Friday ( + deux milliards d’euros pour Jeff Bezos « d’Amazon», première fortune du monde, lors du Black Friday 2017 selon Le Canard EnchaĂ®nĂ© de ce mercredi 27 novembre 2019) , regarder le sixième film de Rabah Ameur-Zaimèche depuis son Wesh Wesh de 2002 Ă  Montfermeil ( oĂą il a grandi) nous donne des allures d’homme de conscience. Scions  cette illusion : mĂŞme si nous faisons maintenant partie de la petite « confrĂ©rie Â» qui aura vu ce film qui sera beaucoup moins validĂ© que Les MisĂ©rables de Ladj Ly ( Les misĂ©rables 2ème partie,) nous ferons partie du  gibier dont le galop, dans deux jours, se rĂ©pandra dans la caverne des clicks et des boutiques.

 

photo issue du site allociné.

 

 

 

Le mal semble incurable. Parce qu’il est Ă©tendu et difficile Ă  apprĂ©hender. On ne sait pas par quel dĂ©but commencer.  Comme dans Terminal sud oĂą Ramzy BĂ©dia, dans le rĂ´le d’un chirurgien, a beau soigner Ă  tour de bras, pourtant, partout autour de lui, la gangrène continue de prendre.

 

photo issue du site allociné.

 

 

Dans son Terminal sud tout en résistance, comme dans la plupart des films de Rabah Ameur-Zaimèche, il est difficile de savoir si nous sommes exactement en France ou en Algérie, maintenant. Par contre, nous savons que l’époque est trouble. Que des groupes armés supposés protéger peuvent tuer de manière aveugle. Et que des journalistes, les clairvoyants et parmi les derniers maquisards, sont assassinés ou enlevés.

 

« Du haut de ma potence, je regarderai la France ! Â» Ă©tait une partie du chant qui clĂ´turait son quatrième film, Le Chant de Mandrin sorti en 2012. Ramzy BĂ©dia pourrait changer les paroles et remplacer les mots « ma potence Â» par les mot « ma conscience Â». Fils d’un rĂ©sistant lors de la guerre d’AlgĂ©rie, sa conscience mĂ©dicale lui ordonne de continuer de soigner sans faire de tri entre ses patients. Pendant que d’autres, armĂ©s, cagoulĂ©s ou Ă  visage dĂ©couvert, tranchent dans le vif. A l’hĂ´pital ou devant un blessĂ©, le « chirurgien Â» Ramzy BĂ©dia semble toujours savoir quelle dĂ©cision prendre. Dans la vie, il est dans un Ă©tat second, davantage le conjoint du whisky que celui de sa femme Hazia (la chanteuse lyrique Amel Brahim-Djelloul, pour la première fois comĂ©dienne dans un film). Il peut ĂŞtre plus facile d’affronter les plaies des autres que celles de sa propre vie.  

 

photo issue du site allociné.

 

« Tu es dans notre collimateur Â». Lorsqu’il lit en pleine nuit cette menace anonyme, ou cette ordonnance, Ă  son domicile, le chirurgien Ramzy BĂ©dia est seul. Sa femme est ailleurs. On est sans doute toujours seul lorsque l’on se fait menacer. Son ami Moh (l’acteur Slimane Dazi), le lendemain, ressemble Ă  un rĂ©pit, dans la rue, un jour de fin de marchĂ© alors que les Ă©boueurs nettoient la place. Rabah Ameur-Zaimèche prend le temps de filmer le travail des Ă©boueurs. On se demande si c’est pour nous rappeler leur  importance. Son film semble chercher le temps rĂ©el entre anachronismes, comĂ©diens plus ou moins amateurs,  Â« fidèles Â» de ses films et choix particuliers de mise en scène comme lorsque le chirurgien et sa femme Hazia sont plus tard filmĂ©s Ă  contre-jour chez eux.

 

Dans Le Chant de Mandrin, Rabah Ameur-Zaimèche portait secours Ă  un « mourant Â» qui avait besoin de soins et l’acteur Jacques Nolot faisait partie des rĂ©sistants. Dans Terminal sud, soigner (tous) les autres ne suffit pas pour sauver sa peau. On peut ĂŞtre un chirurgien engagĂ© et charismatique et ĂŞtre mal entourĂ©. C’est peut-ĂŞtre pour cela que Rabah Ameur-Zaimèche entoure, lui, son film de mystère, un mystère protecteur fait d’une certaine pudeur (la scène Ă  contre-jour entre Ramzy BĂ©dia et Amel Brahim-Djelloul) mĂŞme si la violence peut aussi transparaĂ®tre dans toute sa laideur. Un film qu’il fait bien sien en y mettant quelques insignes de ses films prĂ©cĂ©dents (acteur, cheval…)

 

photo issue du site allociné.

 

A la fin, ce film est peut-être l’histoire d’une délivrance. Mais celle-ci s’obtient dans la souffrance et aussi dans la fuite.

 

Franck Unimon, ce mercredi 27 novembre 2019. 

 

 

                    

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Les misérables 2ème partie

 

                                 Les MisĂ©rables 2ème partie

 ( suite et fin de Les MisĂ©rables )  

 

La salle de cinĂ©ma Ă©tait assez remplie pour cette première sĂ©ance de 9h10. Je me demandais s’il y aurait du Rap dans Les MisĂ©rables, ce genre musical dĂ©sormais le plus Ă©coutĂ© en France chez les moins de 30-40 ans. Le film durait 1h43 (103 minutes). Il n’avait pas encore commencĂ© que je me demandais comment Ladj Ly Ă©tait parvenu Ă  dire autant en si peu de temps. La durĂ©e moyenne des films semble dĂ©sormais lorgner vers les deux heures. Si l’on pense Ă  première vue au film La Haine de Kassovitz rĂ©alisĂ© en 1995 (98 minutes) ou Ă  Wesh Wesh de Rabah Ameur-ZaĂŻmèche rĂ©alisĂ© en 2001 ( 83 minutes), son Les MisĂ©rables peut sembler « long Â». Mais il est plus court que L’Esquive (117 minutes) rĂ©alisĂ© par Kechiche en 2004 et dont l’histoire, inspirĂ©e Ă©galement d’un classique de la littĂ©rature française, est Ă©galement transposĂ© dans une citĂ© d’’aujourd’hui. Lequel Kechiche,  par la suite, a contractĂ© une sorte de « tumeur Â» de la longĂ©vitĂ© crĂ©atrice : son La Graine et le Mulet (2007) percutant ensuite les 151 minutes puis son La Vie d’Adèle (2013), les 179 minutes.

 

On comparera sĂ»rement beaucoup Les MisĂ©rables Ă  La Haine mais ce sera une limite grossière d’assigner le film de Ladj Ly au rĂ´le de la « simple Â» poursuite du film La Haine vingt quatre ans plus tard. MĂŞme si les deux films ont des Ă©vidents…ronds-points communs. Car on pourrait aussi parler de Un Prophète  (2009, 155 minutes) et de Dheepan (2015, 115 minutes), deux films rĂ©alisĂ©s par Jacques Audiard que Ladj Ly a sĂ»rement Ă©galement vu et dĂ©cortiquĂ© parmi tant d’autres. 

 

Mais reparlons de son film qui a « obtenu Â» ou « reçu Â» «  le label des spectateurs UGC Â». La première image de son film en couleurs est celle du jeune Issa sortant de son immeuble, recouvert du drapeau bleu, blanc, rouge de la France. Issa est content. Avec des copains de son âge, entre 13 et 15 ans, Issa part sur Paris fĂŞter l’éventuelle victoire de l’équipe de France de Football lors de la finale de la coupe du Monde. La liesse engagĂ©e peut d’abord faire penser Ă  celle de la France victorieuse en 1998 et c’est peut-ĂŞtre une astuce maline de Ladj Ly de nous le laisser croire. Mais dans cette image de joie, Ladj Ly dĂ©limite très vite le territoire de son cinĂ©ma :

 

Au centre, Issa, interprĂ©tĂ© par l’acteur Issa Perica.

 

Même si Issa et ses potes se rendent sur Paris et qu’on y voit des images joyeuses de la foule sur les Champs Elysées puis au Trocadéro, un plan de quelques secondes sur la gare Raincy-Montfermeil nous informe que l’histoire se déroulera là. Et non dans cette vie parisienne, plutôt bourgeoise et plutôt blanche, surreprésentée dans le cinéma français.

 

La France gagne son match de Foot et l’on entend la Marseillaise. Et, toujours pas de Rap dans le film. On en entendra très peu. A la place, un titre me monte Ă  la tĂŞte mĂŞme si je ne l’entends pas au cours du film : il s’agit du titre Angel du groupe Massive Attack sorti en 1999. Il est vrai qu’Issa est mignon et a une tĂŞte d’ange. Depuis, j’ai lu que le prĂ©nom « Issa Â» a une origine hĂ©braĂŻque et arabe, qu’il signifie «  Dieu est gĂ©nĂ©reux Â» et que c’est aussi le prĂ©nom de JĂ©sus dans le Coran. Mais je ne le sais pas en regardant Les MisĂ©rables. Par contre, je « connais Â» l’aspect vĂ©nĂ©neux et rampant du titre Angel, qui ne paie pas de mine au dĂ©part du groupe Massive Attack puis qui vous accroche Ă  l’angoisse.

 

Je « connais Â» aussi cette image d’un jeune qui a beaucoup aimĂ© la France puis qui s’en est ensuite  violemment dĂ©tournĂ© : c’est celle du terroriste Mohamed MĂ©rah dont j’ai appris que lors de la coupe de Monde de Football (de 1998 ?) il Ă©tait fier de prĂ©fĂ©rer la France Ă  l’AlgĂ©rie. Alors, d’une certaine façon, peut-ĂŞtre, je comprends que Les MisĂ©rables va nous raconter en partie comment une jeunesse peut passer de l’amour pour la France Ă  son rejet pour tout ce qui peut Ă  peu près la reprĂ©senter.

 

Bien-sĂ»r, au dĂ©but du film, devant tous ces gens contents sur les Champs-ElysĂ©es, on pense aux gilets jaunes. Car c’est « l’actualitĂ© Â» mĂ©diatique, chaque samedi, sur les Champs ElysĂ©es depuis un peu plus d’un an maintenant. Mais j’ai aussi pensĂ© aux tirailleurs vidĂ©s en 1945 du dĂ©filĂ© victorieux par le preux GĂ©nĂ©ral de Gaulle, l’inamovible rĂ©fĂ©rence historique de la fiertĂ© militaire et politique française, et dont la dĂ©cision d’alors a implantĂ© tellement de mal dans la sociĂ©tĂ© française. On dira peut-ĂŞtre que la sociĂ©tĂ© française – blanche- n’était alors pas prĂŞte Ă  recevoir des soldats arabes et noirs et  Ă  les voir marcher avec d’autres sur les Champs ElysĂ©es pour fĂŞter la fin de la Seconde guerre mondiale et la dĂ©faite de l’Allemagne nazie (antisĂ©mite mais aussi raciste, homophobe et anti-communiste). La « mixitĂ© Â» Ă©tait peut-ĂŞtre un projet de sociĂ©tĂ© plus difficile Ă  mener qu’un combat militaire. 70 ans plus tard, on se retrouve Ă  regarder un film comme Les MisĂ©rables sur grand Ă©cran.  Devant nous, des acteurs jouent les rĂ´les possibles de ces hommes et de ces jeunes  qui ont Ă©tĂ© vidĂ©s du dĂ©filĂ© victorieux de la patrie. Or, ils sont encore plein d’énergie et ont des projets. C’est lĂ  oĂą intervient la BAC qui, dans LesMisĂ©rables, est le seul contact qui reste entre cette banlieue ignorĂ©e et la RĂ©publique.

 

Il n’y a ni pit-bull ni éducateur de rue dans le film. C’est étonnant. On dirait que l’ère des pit-bull est passée de mode et que les derniers éducateurs sont partis sans avoir été remplacés.

 

Dans cet Ă©cosystème que l’on retrouve aussi dans Do The Right Thing de Spike Lee (1989, 120 minutes) et dans La CitĂ© de Dieu de Fernando Meirelles (2002, 130 minutes)  les trois flics de la BAC qui circulent  (deux blancs pour un noir), malgrĂ© leur « pouvoir Â»,  font aussi partie des misĂ©rables. On s’apercevra qu’ils sont aussi prisonniers d’une certaine misère et solitude personnelle, dans des registres diffĂ©rents, comme celles et ceux qu’ils « administrent Â» et qu’ils sont un « peu Â» les derniers Ă  le savoir.

 

MĂŞme si cela sert d’appui Ă  l’histoire, on peut ĂŞtre surpris par l’évolution rapide du « rookie Â» interprĂ©tĂ© par l’acteur Damien Bonnard : mĂŞme si l’expĂ©rience de terrain entraĂ®ne aussi le risque d’un excès d’assurance, elle apporte aussi un instinct et un savoir faire dont on s’étonne qu’ils s’expriment aussi rapidement chez le « nouveau venu Â». C’est peut-ĂŞtre lĂ  oĂą l’on peut voir du cinĂ©ma plutĂ´t qu’une vĂ©ritĂ© documentaire de tous les instants dans Les MisĂ©rables ainsi que la persistance d’un espoir dans le regard de Ladj Ly. Ou son souhait que change rapidement la façon dont la BAC peut intervenir par exemple.

 

Alternant humour, clins d’œil (le Ali BoumayĂ© rappelle aussi bien le combat de boxe Ali/ Foreman que le documentaire When we were kings de Leon Gast, 1996, 89 minutes), points de vue, subtilitĂ©s de langage, Ă©loge d’une certaine folie protectrice (comme dans A Tombeau ouvert de Scorsese, 1999, 121 minutes), Les MisĂ©rables est un menu complet :

L’acteur Almamy Kanoute dans le rĂ´le de Salah.

 

 

Islamisme, mafias locales, parents abstraits ou usés, enfance livrée tel un kebab, prostitution, fascination pour le Free-fight (Venum), obsession du buzz et des réseaux sociaux, responsabilité de celle ou celui qui filme avec du matériel de professionnel dans un monde d(a)mateur.

 

Si on appréhende d’avoir du mal à digérer le film, on peut préférer aller voir La Reine des Neiges 2. C’est aussi sur grand écran.

 

 

Franck Unimon, ce dimanche 24 novembre 2019.    

 

 

 

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Les Misérables

Photo issue du site allociné.

 

 

 

Je devrais être en train de dormir. J’ai assez peu dormi cette nuit comme la nuit précédente. Mais je traîne avant d’aller me coucher. J’ai l’impression que je ne dois pas laisser passer cette journée avant d’avoir écrit.

 

 J’ai vu ce matin, Ă  la première sĂ©ance, comme je me l’étais promis, le long mĂ©trage de Ladj Ly : Les MisĂ©rables. Je l’ai enfin vu. Je sais que l’ami Zez en a parlĂ© avant moi sur UrbanTrackz et que ses articles sont bien plus attractifs que les miens. Oui, je le vois très bien au nombre de vues. On parie ? Sourire.

 

Après la sĂ©ance, je me suis arrĂŞtĂ© pour prendre en photo l’affiche du long mĂ©trage de Ladj Ly. Elle Ă©tait entourĂ©e des affiches des films J’accuse, Joker, Hors Normes, Le Traitre, Le Mans 66.  Je n’y avais jamais pensĂ© mais d’autres affiches de films  peuvent aussi parler d’un film dont elles entourent l’affiche. MĂŞme si j’ai seulement vu Joker  dans cette liste, les films J’accuse, Hors Normes et Joker par leurs titres et leurs sujets qualifient aussi très bien Les MisĂ©rables.

Au dessus du titre, l’insigne honorable Festival de Cannes Prix du Jury Ă©tait lĂ  pour attester de la valeur officielle du film de Lady Ly. 

 

Par ailleurs sur l’affiche de Les MisĂ©rables, on pouvait lire les constats Ă©logieux de diffĂ©rents mĂ©dia supposĂ©s reprĂ©senter Ă  la fois la diversitĂ© et l’unanimitĂ© :

 

«  Un film coup de poing Â» ; «  Un film magistral Â» ;  «  Un Ă©lectrochoc Â» ;   « Sensationnel Â» ; «  Un film universel Â».

 

Ailleurs,  en première couverture d’un hebdomadaire qui avait titrĂ© «  Eddy de Pretto, un rappeur d’un nouveau genre Â», j’ai aussi pu lire «  Ladj Ly dynamite le cinĂ©ma Â».

 

 

Ces compliments sincères sont bien-sĂ»r très justifiĂ©s. Maintenant que j’ai vu Les MisĂ©rables,  je ferai Ă©galement partie de la ronde de celles et ceux qui en diront beaucoup de bien. De toute façon, mĂŞme avant de le voir, je  faisais dĂ©jĂ  partie de cette ronde. J’avais eu de très bons Ă©chos par des cinĂ©philes et des journalistes qui l’avaient vu avant sa sortie de ce mercredi en salles.

 

J’avais aussi un très bon a priori sur Ladj Ly au vu du très peu de ce que je savais de lui. Je me rappelais qu’il avait corĂ©alisĂ© avec StĂ©phane Freitas le documentaire A Voix haute : la force de la parole que j’avais vu et beaucoup aimĂ©. J’avais ensuite appris qu’il avait rĂ©alisĂ© Les MisĂ©rables qui allait partir au festival de Cannes.

 

L’acteur Steve Tientcheu. Photo issue du site allocinĂ©.

 

Dans Les MisĂ©rables, l’acteur  Steve Tientcheu tient le rĂ´le du «  Maire Â».  J’avais dĂ©couvert l’acteur Steve Tientcheu Ă  l’écran pour la première fois  dans le très bon documentaire La Mort de Danton (2011) d’Alice Diop. Je l’avais croisĂ© lors du tournage de nuit du court-mĂ©trage Molii (2014) rĂ©alisĂ© par Carine May, Mourad Boudaoud, Yassine Qnia et Hakim Zouhani. Puis, je l’avais revu dans le film Qui Vive ( 2014) de Marianne Tardieu.

 

 

A gauche, l’acteur Damien Bonnard. Au centre et derrière, l’acteur Alexis Manenti. A droite, l’acteur Djebril Zonga. Photo issue du site allocinĂ©.

 

Dans Les MisĂ©rables, l’acteur Damien Bonnard interprète le flic idĂ©aliste qui arrive de Cherbourg mais sans le parapluie magique de Mary Poppins. J’avais vĂ©ritablement remarquĂ© cet acteur dans la comĂ©die En LibertĂ© (2017) de Pierre Salvadori  oĂą il jouait aussi le rĂ´le d’un flic mais beaucoup plus sentimental. C’est tout. J’ai dĂ©couvert tous les autres. Ces rĂ©miniscences prĂ©tentieuses sont insuffisantes Ă  faire de moi un grand connaisseur de ce que raconte Ladj Ly dans Les MisĂ©rables.

 

Si je mettais un sous-titre Ă  son film, cela serait  Training Day version BAC …et Le Monde est drĂ´ne. Pour Training Day, on regardera bien-sĂ»r du cĂ´tĂ© du film d’Antoine Fuqua avec la paire Denzel Washington/ Ethan Hawk. En regardant Les MisĂ©rables, j’ai aussi repensĂ© au livre de FrĂ©dĂ©ric Ploquin La Peur a changĂ© de camp

 

Ma rĂ©serve concernant tous ces Ă©loges officiels Ă  propos de Les MisĂ©rables viennent du fait que je me mĂ©fie de l’effet  « selfie Â» et  « sapin de NoĂ«l Â»  qu’amène le « succès Â» :

 

A peu près tout le monde veut en ĂŞtre et salue le chef-d’œuvre. « Notre Â» PrĂ©sident de la RĂ©publique aurait Ă©tĂ© « touchĂ© Â» par le film. C’est sĂ»rement sincère. On peut ĂŞtre libĂ©ral et humaniste. On peut Ă©trangler quelqu’un et lui faire du bouche Ă  bouche.

On peut aussi vouloir rassembler et exterminer ou discriminer. 

 

Certaines Ă©lites (pas uniquement politiques) ont besoin de voir un film- quand elles le voient- pour dĂ©couvrir et s’émouvoir devant une partie de leur pays. Pour d’abord schĂ©matiser, Les MisĂ©rables, cinĂ©ma de proximitĂ©,  parle de manière documentaire au grand public de certaines banlieues et d’une certaine sociĂ©tĂ© française. Il sera peut-ĂŞtre nĂ©cessaire que l’équivalent d’un Ladj Ly, fĂ©minin ou masculin, rĂ©alise un film- en 3D- avec le mĂŞme succès critique et public sur les conditions de vie et de travail Ă  l’hĂ´pital et Ă  l’école publiques pour que, lĂ , aussi,  des Ă©lites politiques, et les autres Ă©lites, se dĂ©clarent « touchĂ©es Â» et « Ă©mues Â».

 

 Je me mĂ©fie donc du fait qu’une fois le nouvel An arrivĂ©, on range le sapin, les guirlandes et que, Ă  nouveau, chacun referme sa fenĂŞtre ou l’œilleton de sa porte d’entrĂ©e ou de son tĂ©lĂ©viseur et reste finalement solidaire de ses foyers et de sa nĂ©e cĂ©citĂ©.

 

Je me mĂ©fie du fait qu’ensuite, il soit attendu de Ladj Ly – et Ă©galement reprochĂ©- qu’il rĂ©alise un Les MisĂ©rables 2 puis 3, puis 4, puis 5  comme certains de ces films Ă  « succès Â» : les Taxi et les Fast and Furious par exemple. Parce-que ça fait vendre du pop-corn et des limonades. Parce-que ça donne des frissons.  Nous voilĂ  maintenant pas si loin du sujet du film Le Mans 66.  MĂŞme si je me doute que Le Mans 66 , ne serait-ce que du fait de la prĂ©sence d’acteurs comme Christian Bale et Matt Damon qui savent creuser leurs sujets.  

 

Mais la très bonne nouvelle est qu’au vu du cinĂ©ma que reflète Les MisĂ©rables et le CV de Ladj Ly, je suis confiant dans sa capacitĂ© Ă  nous surprendre. Ladj Ly continuera de tracer son sillon. C’est un saphir qui restera libre. Il ne sera pas un phĂ©nomène de cirque qui retournera dans sa cage tel le lionceau dans le film. Il retournera plutĂ´t la cage vers nous comme il le fait très bien- en moins d’une heure cinquante !- dans Les MisĂ©rables.

 

Ceci était l’introduction de mon article. Ou peut-être déjà un peu sa conclusion.

Par compromis, je dirais donc qu’il s’agit de la première partie de ma critique du film Les Misérables de Ladj Ly.

Fin de la première partie de cet article. 

Franck Unimon, ce vendredi 22 novembre 2019.