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Les Chinois

Oeuvre de Thibaut Dapoigny.

 

                                                            Les Chinois

 

 

A vue d’Ɠil, il y a peu de Chinois dans ma ville. Mais, souvent, lorsque j’en vois, ils tiennent un commerce ou y sont employĂ©s :

 

Traiteur alimentaire, poissonnerie (mauvaise), salon d’esthĂ©tique, buraliste PMU, produits (alimentaires) exotiques, marchand de vĂȘtements ou de maroquinerie. 

 

Ils font partie des commerçants de la ville parmi les Kebab, opĂ©rateurs et rĂ©parateurs de tĂ©lĂ©phonie, autres restaurants et magasins de vĂȘtements, boulangeries, pharmacies, supermarchĂ©s, marchĂ©s, boucheries, marchand de primeurs, enseigne Babou, opticiens, agences immobiliĂšres, banques physiques, quelques hĂŽtels, cafĂ©s, Quicket Mac Do qui donnent sur la rue.

 

Pour parler des quelques commerces que l’on peut dĂ©couvrir lorsque, depuis la gare d’Argenteuil, on se dirige vers le centre-ville. 

 

Les Chinois vivent plutĂŽt en retrait. On n’entend pas parler d’eux. Aucun terroriste islamiste d’origine chinoise, recensĂ© Ă  ce jour. Pas de lien connu ou mĂ©diatisĂ© avec le trafic de cannabis. Aucun d’entre eux non plus parmi les figures connues des gilets jaunes. Oui, la blague est facile, presque factice et limite raciste. Mais je vais rapidement me sortir de cette ambiguĂŻtĂ© :

 

RĂ©cemment, une de mes collĂšgues m’a appris qu’un de ses amis, d’origine chinoise, s’en prend plein la tĂȘte. Celui-ci travaille en Seine et Marne- c’est en banlieue parisienne- dans un supermarchĂ© en tant qu’employĂ©. Il  s’occupe des rayons. Il se fait insulter.

 

Il lui est reprochĂ© la pandĂ©mie du Covid ! Ni plus, ni moins.

 

Rebattre les cartes de la vie ordinaire

 

En France, la pandĂ©mie du Covid a rebattu les cartes de notre vie ordinaire et de notre mĂ©moire depuis la mi-Mars 2020. Nous connaissons notre deuxiĂšme reconfinement, aprĂšs quelques jours de couvre-feu, pour cause de deuxiĂšme vague depuis le dĂ©but de ce mois de novembre. Aujourd’hui, nous sommes le dimanche 8 novembre 2020. Et une troisiĂšme et quatriĂšme vague sont dĂ©jĂ  annoncĂ©es.

 

Conclusion : en France au moins, certains Chinois n’ont pas fini d’entendre parler du Covid. On nous parle bien d’un vaccin qui nous protĂ©gerait. Mais cela prendra du temps et puis, les vaccins et la santĂ© publique sont un business comme un autre. On en trouvera peut-ĂȘtre un jour en vente libre sur les marchĂ©s et dans les supermarchĂ©s. Lorsque nous serons morts, pour celles et ceux qui peuvent lire cet article aujourd’hui, ou condamnĂ©s.

 

Nous vivons donc sous certaines contraintes qui Ă©taient inimaginables il y a encore quelques mois. J’ai tendance Ă  croire que nous pouvons connaĂźtre pire mĂȘme si, je l’espĂšre, ce ne sera pas pour tout de suite. Aux Etats-Unis, ce week-end, nous avons Ă©chappĂ© Ă  la rĂ©Ă©lection de Donald Trump. Ce qui est a priori, pour moi, un certain soulagement.  Mais si Donald Trump fait peur, on a peur pour Joe Biden.

Photo prise Ă  Argenteuil, en novembre 2018.

 

Et puis :

Imaginons un Etat constituĂ© comme la France, la Grande-Bretagne ou les Etats-Unis qui dĂ©ciderait de passer des contrats avec des terroristes, comme on peut le faire avec une boite privĂ©e :

 

Le but serait de commander les gens par la peur. De leur dicter ce qu’ils doivent manger, lire, boire, penser et consommer. A qui et quand.  De quelle heure Ă  quelle heure. Dans quelles proportions. Mais aussi, quand ils peuvent se reproduire. Et, tout cela, pour le « bien Â» de l’économie et des actionnaires. Vous avez-encore- le droit de vous dire que je vais trop loin ou que j’ai  mangĂ© beaucoup trop de foin ce matin. AprĂšs, ce sera peut-ĂȘtre trop tard.

 

En attendant, comme celles et ceux qui le peuvent encore, les Chinois bossent. Comme l’humoriste Bun Hay Mean- dont j’aime beaucoup l’humour- qui peut nous dire :

 

« Nous, les Chinois, avec notre petite bite, on vous a bien ni-quĂ©s ! Vous n’avez rien senti ! Â». 

L’extrait ci-dessous n’est pas celui auquel je pensais mais il donne une idĂ©e de l’humour de Bun Hay Mean dans un de ses spectacles rĂ©cents ( 2020 ou 2019, visiblement). 

 

 Spike Lee, aussi, nous parle des Asiatiques qui bossent. Dans son film, rĂ©alisĂ© en 1989 : Do The Right Thing. MĂȘme si, dans cet extrait, il est question d’un commerçant corĂ©en et non d’un commerçant chinois. 

 

Mais les Chinois ne sont pas les seuls Ă  bosser. Avant le film de Spike Lee, il y avait eu, en France, le trĂšs bon Pierre Desproges avec son sketch Rachid

Dans son sketch, Rachid, Desproges nous parle du racisme qui, en France, touche les Arabes. Le Front National dirigĂ© alors par Jean-Marie Le Pen obtenait alors de plus en plus de voix dans la France socialiste du PrĂ©sident François Mitterrand ( 1981-1995). Et certaines personnes considĂ©raient les Arabes comme des fainĂ©ants.  Alors, dans son sketch, Desproges « s’étonne » comme, pour des fainĂ©ants, bien des Arabes travaillent dur. Son sketch date des annĂ©es 80, probablement en 1985 ou en 1986 ( Desproges est mort le 18 avril 1988) Ă  l’époque oĂč les mĂ©diathĂšques n’étaient pas remplacĂ©es par internet. Je vous propose de le retrouver
sur internet. Et de l’écouter et de le regarder. Rire, rĂ©flexion et Ă©motion sont garantis. MĂȘme si la façon de bouger et d’occuper la scĂšne est trĂšs diffĂ©rente de celle de Bun Hay Mean. Trente ans sĂ©parent les deux humoristes. 

 

 

Vers l’oasis :

 

 

Hier matin, samedi, je suis allĂ© Ă  la mĂ©diathĂšque de ma ville. En raison de la pandĂ©mie, il Ă©tait possible de s’y rendre de 11h30 Ă  12H30 ou de 16h30 Ă  17h30 pour venir y chercher un ouvrage que l’on avait commandĂ©. En temps habituel, les samedis, la mĂ©diathĂšque est ouverte de 10h Ă  18h.

 

AprĂšs avoir discutĂ© un peu avec un des bibliothĂ©caires, comme j’avais quelques courses Ă  faire, je me suis offert un petit pĂ©riple. J’avais sur moi toutes les feuilles d’attestation de dĂ©placement provisoire. Je n’en n’ai pas rempli une seule. J’avais besoin de prendre l’air. J’en avais assez de devoir prendre le temps d’écrire sur une feuille ce que je vais faire. Et quand. Et oĂč. Et pourquoi. Et avec qui. Et dans quelle position. Et pendant combien de temps. Ce que j’écris est trĂšs grave car je donne un mauvais exemple de comportement civique en pleine pĂ©riode de pandĂ©mie. Mais c’est la premiĂšre fois que je le fais. Et, surtout, il s’agissait de marcher un peu dans ma ville Ă  l’heure de midi.

 

 

Mon masque sur le visage- oui, je porte toujours mon masque sur mon nez et ma bouche lorsque je sors !- j’ai un peu improvisĂ© dans les rues. Jusqu’à arriver devant ce magasin de produits exotiques tenus par des Chinois oĂč je n’étais pas allĂ© depuis une bonne annĂ©e. Ou plus.

 

Photo prise prĂšs du Louvre, ce 5 novembre 2020.

Il Ă©tait ouvert. Cela se voyait d’assez loin avec l’enseigne lumineuse, au dessus du magasin, qui clignotait. Dans notre monde de plus en plus fermĂ© par la peur, voir un magasin ou un lieu ouvert peut donner l’impression de se retrouver devant une oasis. Ce que bien des commerces, bien des pubs, certains programmes politiques, Ă©conomiques ou religieux nous promettent.  

 

Sur la droite de « l’oasis Â», un chien agenouillĂ© et enchaĂźnĂ©. Etait-ce l’un des chiens de l’enfer ? Il avait l’air plutĂŽt gentil. Sauf qu’il n’était pas lĂ , les derniĂšres fois.

 

AprĂšs avoir dit bonjour Ă  la dame, j’ai Ă  peine eu le temps d’aller dans les rayons que celle-ci m’a demandĂ© avec une certaine inquiĂ©tude
de mettre du gel hydro-alcoolique sur mes mains. J’ai alors vu le flacon devant elle ainsi que le mot nous invitant Ă  l’utiliser.

 

Mais il y avait plus. Lors de mes prĂ©cĂ©dentes venues, il suffisait de faire son tour et de choisir ses articles. LĂ ,  il a presque fallu que j’annonce mes intentions d’achat dĂšs le dĂ©part. Cela m’a fait penser Ă  de la rapine rĂ©pĂ©tĂ©e dont le magasin a pu avoir Ă  se plaindre.

 

J’ai apparemment su rassurer car, ensuite, la dame m’a laissĂ© fureter entre les Ă©talages.

J’étais devant le rayon des surgelĂ©s lorsque je l’ai entendue dire Ă  voix haute :

 

« Il faut mettre votre masque ! Â». Peu aprĂšs, j’ai vu dĂ©bouler un homme peut-ĂȘtre d’origine pakistanaise ou bangladaise en tenue traditionnelle longue et sandales. Il est restĂ© peu de temps.

 

La date de pĂ©remption du produit surgelĂ© que je regardais Ă©tait dĂ©passĂ©e de quelques jours : Octobre 2020. J’en ai parlĂ© Ă  la vendeuse. Elle s’en est Ă©tonnĂ©e. Un peu plus tĂŽt, elle m’avait expliquĂ© qu’en ce moment, ils avaient de moindres approvisionnements.

 

Elle m’a proposĂ© de me faire un prix. Cinq euros au lieu de six euros quatre vingts.

 

 

J’ai acceptĂ©.

 

 

Franck Unimon, ce dimanche 8 novembre 2020.

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J’ai bugĂ© !

 

 

                                                   J’ai bugĂ© ! 

Ce dimanche soir, j’ai assez vite perçu que cela ne se passait pas comme prĂ©vu.

 

Ordinairement, depuis Argenteuil, on met entre 11 et 17 minutes par le train pour arriver Ă  Paris St Lazare. Mais ce dimanche matin, en revenant du travail, j’ai dĂ©couvert qu’il y avait des travaux sur la voie ferrĂ©e ce week-end. Et que j’allais devoir prendre une navette en passant par la gare de BĂ©con-Les-BruyĂšres.

 

Cela s’est trĂšs bien passĂ© ce dimanche matin Ă  BĂ©con-les-BruyĂšres. MĂȘme si, avec les Ă©vĂ©nements rĂ©cents, l’attentat jihadiste dans une Ă©glise catholique Ă  Nice, et la symbolique du bus, sorte de convoi possible vers la mort, je n’ai pu m’empĂȘcher d’avoir un petit peu de retenue en abordant la navette. Devant  celle-ci, un employĂ© barbu nous attendait. Oui, nous en sommes parfois un peu lĂ  avec les inconnus. Pour peu qu’une situation imprĂ©vue s’impose Ă  nous aprĂšs un Ă©vĂ©nement aussi effrayant que celui de Nice ou d’ailleurs. La mort de Samuel Paty avait aussi Ă  peine refroidi.

 

 

Ma retenue passagĂšre devant cet employĂ© avant de monter dans la navette fut le moment, ce dimanche matin, oĂč j’avais un peu bugĂ©. Ensuite, le trajet s’était fait sans encombre en une vingtaine de minutes jusqu’à la gare d’Argenteuil. Puis, j’étais rentrĂ© chez moi.

 

Ce dimanche soir, le chauffeur de la navette qui arrive Ă  la gare d’Argenteuil pour nous transporter jusqu’à la gare de BĂ©con-les-BruyĂšres est noir. Je serais Ă©videmment montĂ© mĂȘme s’il avait Ă©tĂ© Arabe. Et barbu. Mais, disons, que je suis montĂ© en toute confiance. Alors mĂȘme que je sais- en thĂ©orie- que l’on peut ĂȘtre noir et jihadiste :

 

Pour avoir lu Les Revenants ( publiĂ© en 2016) de David Thomson il y a un ou deux ans, je « sais Â» que des compatriotes antillais sont partis faire le Jihad en Syrie. Par ailleurs, certains Ă©vĂ©nements au NigĂ©ria ou au Mali nous montrent bien qu’il existe des noirs jihadistes.

 

Le jihadisme est une sorte de pĂšlerinage fait de diffĂ©rents visages et de diffĂ©rents sexes dont l’unique monument est la mort. Tout le contraire de ma vie et de mon mĂ©tier. MĂȘme si, derniĂšrement, je suis tombĂ© par hasard devant la proximitĂ© qui peut exister entre le verbe « guĂ©rir Â» et le mot «guerrier». 

 

Et ça me plait bien, ça, de me dire que celles et ceux qui essaient de guĂ©rir, que ce soit se guĂ©rir eux-mĂȘmes ou les autres, puissent ĂȘtre ou sont des guerriers.

 

MalgrĂ© les armes de destruction massive, les horreurs et les apparences, les vrais et les plus grands guerriers sont peut-ĂȘtre, finalement, toutes celles et ceux qui s’efforcent de guĂ©rir le monde plutĂŽt que de le meurtrir ou de le conquĂ©rir. Et cette guĂ©rison commence d’abord par soi-mĂȘme.

 

Nous avons tellement Ă  guĂ©rir en nous :

 

Nos peurs, nos colÚres, nos préjugés, notre ignorance, nos exigences.

 

Je ne pensais pas Ă  ça dans la navette ce dimanche soir. Nous Ă©tions une dizaine de passagers. Des Noirs et des Arabes. On me croit sans doute obsĂ©dĂ© par la couleur de peau des gens. Et, je le suis en partie. Mais, c’est pourtant un fait : dans cette navette, ce dimanche soir, en partance depuis la gare d’Argenteuil, nous Ă©tions bien principalement des Noirs et des Arabes. Aucun asiatique. Aucun blanc.

 

Peut-ĂȘtre deux femmes. Des hommes pour le reste. Cette information ethnique a pour moi plus valeur sociologique que valeur morale.

 

Si nous Ă©tions partis de la gare de St Germain en Laye, que je connais un peu, ou d’Enghien les Bains (plus proche d’Argenteuil), je veux bien croire qu’il y aurait eu, peut-ĂȘtre, un petit peu plus de mixitĂ© sociale. Et, encore, cela dĂ©pend des horaires.

Ce dimanche soir, je ne sais pas oĂč ces autres passagers se rendaient. Mais, moi,  j’allais au travail pour ma troisiĂšme nuit de suite.

 

 

A la gare de Colombes, tout allait bien. MĂȘme si j’ai Ă©tĂ© un peu Ă©tonnĂ© que le chauffeur s’arrĂȘte Ă  la gare de Colombes avant de passer par la gare Le Stade.

 

J’ai vu le chauffeur se renseigner pour la suite de l’itinĂ©raire auprĂšs d’agents de circulation, une jeune femme et un jeune homme, noirs tous les deux. Le prochain arrĂȘt semblait ĂȘtre deux ou trois rues plus loin.

 

Un jeune homme est allĂ© voir le conducteur pour lui demander s’il s’arrĂȘtait bientĂŽt. Il voulait descendre Ă  Bois-Colombes et nous Ă©tions dans Bois-Colombes. TrĂšs sĂ»r de lui, le chauffeur, dont le masque anti-covid Ă©tait baissĂ© sur le menton durant tout le trajet, lui a affirmĂ© que c’était pour bientĂŽt.

 

A la gare d’Argenteuil, j’avais vu ce jeune dĂ©gingandĂ© arriver. La vingtaine, lui et un autre passager traĂźnant une valise Ă  roulettes, s’étaient alors reconnus. Depuis le fond du bus, on les entendait discuter. Le plus jeune s’exprimant Ă  voix haute.

 

Il avait eu sa mamie au téléphone un peu plus tÎt et avait essayé de lui expliquer.

 

« J’ai  arrĂȘtĂ© l’école trĂšs tĂŽt car la rue m’a appelĂ© Â». Son copain s’était alors mis Ă  rire.

 

Puis, inquiet pour le climat politique de la France, celui qui avait appelĂ© sa mamie avait lĂąchĂ© :

 

« 2002. On est dĂ©jĂ  dans la merde, arrĂȘtez avec Lepen ! Â». Rires des autres passagers dans la navette.

 

Ensuite, leurs projets pour l’avenir avaient Ă©tĂ© exposĂ©s :

 

« Une petite femme, un petit boulot, un petit travail, et voilĂ  ! Â».

 

A ce moment, pour une raison inconnue, le chauffeur avait repris la route pour
Argenteuil. Puis, il fit ce constat Ă  voix haute :

 

« J’ai bugĂ© ! Â».

 

Dans un carrefour, il fit demi-tour. Au moins savait-il manƓuvrer le vĂ©hicule.

 

Nous Ă©tions bien avancĂ©s dans la ville d’AsniĂšres, et nous nous rapprochions de Clichy, lorsque je me suis dit qu’il fallait aller voir le chauffeur. LĂ , celui-ci m’a appris qu’il ne connaissait pas le parcours. La SNCF l’avait mandatĂ© mais ce n’était pas son trajet habituel. Il Ă©tait donc volontaire mais limitĂ©.

 

Les autres passagers sont restĂ©s plutĂŽt calmes. MĂȘme s’il a Ă©tĂ© Ă©tonnant de voir comme, mĂȘme en Ă©tant correctement renseignĂ©s, on peut comprendre une mĂȘme information diffĂ©remment. Un passager, le plus proche du conducteur, croyait par exemple que la navette allait nous emmener directement Ă  la gare St Lazare.

J’ai dĂ» apprendre Ă  certains passagers qu’il y avait la gare d’AsniĂšres sur Seine et la gare de BĂ©con les BruyĂšres. Qu’il s’agissait de deux gares diffĂ©rentes mĂȘme si toutes les deux se trouvent dans la ville d’AsniĂšres.

 

Le chauffeur de bus m’a d’abord un petit peu « rĂ©sistĂ© Â». Lorsque j’ai essayĂ© de l’orienter, je m’appuyais sur le fait que je connaissais un petit peu le coin. Non, aller Ă  gauche lĂ  oĂč il Ă©tait indiquĂ© St Denis et Clichy n’était pas notre direction.

Apercevoir assez vite un panneau montrant BĂ©con les BruyĂšres m’a rendu un peu crĂ©dible. Plus que le jeune homme « de Bois Colombes Â» qu’il a d’abord voulu consulter et qui, heureusement, a bien pris la tournure des Ă©vĂ©nements et n’a jamais tentĂ© d’avoir un rĂŽle d’éclaireur.

 

Voir un ou deux autres panneaux et les montrer au conducteur a continuĂ© de nous mettre sur la bonne voie. D’autant que, son tĂ©lĂ©phone Ă  la main, celui-ci a voulu s’en servir comme GPS. C’est bien utile, le GPS sur le tĂ©lĂ©phone. Sauf lorsqu’il vous indique la mauvaise route. Un copilote improvisĂ© avec deux yeux et une tĂȘte, et qui parle, ça peut aussi aider.

 

Nous sommes arrivĂ©s Ă  la gare de BĂ©con les BruyĂšres aprĂšs quarante bonnes minutes de route. Le chauffeur, soulagĂ©, m’a remerciĂ©. Ainsi qu’un des passagers, que je trouvais plutĂŽt assez jovial alors que nous marchions dans les rues calmes nous menant Ă  la gare de BĂ©con les BruyĂšres. Le quartier Ă©tait agrĂ©able et aussi plutĂŽt cossu.

 

 

Le train pour Paris St Lazare est arrivĂ©. Nous Ă©tions dedans depuis Ă  peine quelques minutes, lorsque, assis un peu plus loin devant moi, j’ai vu « mon Â» passager jovial apostropher une femme qui Ă©tait au tĂ©lĂ©phone avec ses Ă©couteurs :

 

« Parle plus doucement ! Sale raciste ! Tu me prends pour les blancs ?! Je te cogne, moi ! Â».

 

Debout, la femme, a d’abord tenu tĂȘte sur le ton de «  Si vous n’ĂȘtes pas content, descendez du train!». Puis, elle s’est rapidement rassise et a parlĂ© plus doucement. Notre homme qui avait arrĂȘtĂ© d’ĂȘtre jovial avait dĂ» ĂȘtre persuasif.

 

A la station Cardinet ou Clichy Levallois, deux jeunes couples sont montĂ©s dans la voiture. DĂ©tendus, souriants, ils ignoraient tout ce qui avait pu se passer depuis notre dĂ©part d’Argenteuil. Je me suis dit que la vie se dĂ©roule de cette façon tous les jours.

 

Pour rapide qu’ait Ă©tĂ© notre trajet jusqu’à St Lazare depuis BĂ©con les BruyĂšres, j’étais content d’arriver. Avant que les portes du train ne s’ouvrent sur le quai, me revoilĂ  cĂŽte Ă  cĂŽte avec « mon Â» jovial. J’essaie de lui dire quelques mots. De le raisonner. Il me rĂ©pond :

«  Je les dĂ©teste Â».

 

Avant de nous sĂ©parer, j’ai juste l’élan de lui rĂ©pondre :

 

«  La haine n’est pas la solution Â». Puis, nous nous souhaitons mutuellement une bonne soirĂ©e.

 

 

Franck Unimon, ce mercredi 4 novembre 2020.  

 

 

 

 

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Immobilier

 

                                                   Immobilier

Il claudique mais ça n’empĂȘche pas de marcher ensemble. Je l’ai connu alors qu’il Ă©tait gĂ©rant d’un supermarchĂ© prĂšs de chez moi. Il le tenait avec autoritĂ© depuis sa caisse. Avec un regard d’aigle. Il disait Ă  peine bonjour. Ou du bout des lĂšvres. Normal, pour un aigle.

 

Puis, il a arrĂȘtĂ©. Il a changĂ© de projet.  Alors, il a pris un peu plus le temps de discuter avec moi lorsque l’on a continuĂ© de se croiser. Puisque nous habitons Ă  peu prĂšs dans le mĂȘme quartier. Dans le supermarchĂ©, pendant des annĂ©es, il avait travaillĂ© de 5h Ă  21h. Il m’avait demandĂ© :

 

« Tu l’aurais fait ?! Â». Je lui avais confirmĂ© que je ne l’aurais pas fait.

Un autre jour, il m’a appris qu’il achetait des appartements aux enchĂšres. Une fois, il m’a proposĂ© d’y aller avec lui. Au tribunal de Pontoise. J’ai dĂ©clinĂ©. Peut-ĂȘtre mes principes ou ma disponibilitĂ©. Racheter Ă  bas prix ce qui a pu constituer le projet et la vie des gens. Ou je n’étais tout simplement pas prĂȘt Ă  tenter cette aventure.

 

Je l’ai recroisĂ© tout Ă  l’heure Ă  la boulangerie. Je venais de prendre mes baguettes. Lui, il sortait de la piĂšce du boulanger. Comme s’il Ă©tait chez lui. Il m’a reconnu malgrĂ© mon masque anti-Covid. Il avait du pain dans la bouche.

 

Les murs de cette boulangerie sont restĂ©s vides pendant plusieurs annĂ©es. Une fois, j’y avais achetĂ© une confiture faite maison, payĂ©e cinq euros. Une arnaque. Une de mes collĂšgues en avait rigolĂ© avec moi. Puis, il a rachetĂ© les murs. Il m’a expliquĂ© un jour son principe : Il loue. C’est Ă  celui qui tient la boulangerie de faire en sorte que son commerce marche !

 

Alors que nous nous Ă©loignons de la boulangerie, il me demande si le pain est bon. J’ai les bras remplis de baguettes. J’ai oubliĂ© de prĂ©voir un sac. Je rĂ©ponds que le pain est trĂšs bon dans cette boulangerie.

 

Comme il me rappelle ĂȘtre seulement propriĂ©taire des murs, j’en profite pour bĂ©nĂ©ficier de sa connaissance du marchĂ© immobilier dans notre ville d’Argenteuil. RĂ©cemment, en lisant par dessus l’épaule d’une personne qui regardait son tĂ©lĂ©phone portable, j’ai appris que le journal Les Ă©chos se demandait si ce deuxiĂšme reconfinement allait faire baisser les prix. L’article des Echos expliquait qu’avant ce deuxiĂšme reconfinement, les acheteurs avaient recommencĂ© Ă  se manifester. Mais, là
.

 

Pour lui, Covid ou non, la vie continue. Il touche et dĂ©place son masque rĂ©guliĂšrement Ă  pleine main tout en me parlant. 500 euros la location pour 10 mĂštres carrĂ©s. 600 euros de loyer pour un 25-30 mĂštres carrĂ©s. Pour 38 mĂštres carrĂ©s ? 800 euros. Il m’explique qu’investir dans l’immobilier Ă  Argenteuil vaut le coup. Y habiter, non.

1200 demandes de location par jour m’apprend-t’il. Il m’approuve lorsque je dis qu’Argenteuil attire car c’est une ville proche de Paris.

Au centre, le maire de la ville d’Argenteuil, Georges Mothron, lors de la journĂ©e d’ouverture de la saison 2020-2021 au centre culturel Le Figuier Blanc.

 

 

Je pars acheter Le Canard EnchaĂźnĂ©. En premiĂšre page d’un journal, j’aperçois un article qui parle de l’attentat jihadiste rĂ©cent Ă  Vienne. Si les Viennois sont, et je le comprends facilement, sous le choc, ici, et ailleurs, on est loin de tout ça.

 

Par contre, je connais quelqu’un qui est encore sous le choc. Une commerçante prùs de chez moi.

 

Elle a ouvert son commerce il y a Ă  peine deux mois. Il a l’air d’assez bien marcher. Ce week-end, quelqu’un a essayĂ© de partir avec la caisse mais, aussi, de s’envoler avec ce qu’elle vend. De l’alimentaire. Elle m’a appris ça ce matin. J’ai d’abord pensĂ© Ă  cette pĂ©riode de plusieurs mois qui avait prĂ©cĂ©dĂ© l’ouverture de son magasin. PĂ©riode durant laquelle des travaux avaient Ă©tĂ© effectuĂ©s. Mais quand je repasse la voir, elle me dit que c’était comme si la personne connaissait les lieux et avait la clĂ©. Aucune effraction. Elle ne sait pas si elle va rester.  Je la comprends : il y a quelques semaines, elle a dĂ» coopĂ©rer avec une fuite d’eau. Et, maintenant, ce cambriolage sans effraction. Les voleurs ont rĂ©ussi Ă  ouvrir la porte de devant mais ont Ă©chouĂ© Ă  faire monter le rideau de fer.

 

Au commissariat oĂč elle est allĂ©e porter plainte, on lui a rĂ©pondu que lors de ce week-end de la Toussaint, il y avait eu beaucoup d’infractions. L’agence immobiliĂšre qui gĂšre les murs s’est contentĂ©e de lui rĂ©pondre qu’elle lui avait remis des clĂ©s et qu’elle est fermĂ©e le dimanche. La propriĂ©taire ne s’est pas manifestĂ©e.

 

 

Franck Unimon, ce mercredi 4 novembre 2020.

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Ce n’est pas comme ça que ça marche !

 

                                       Ce n’est pas comme ça que ça marche !

« Ce n’est pas comme ça que ça marche ! Â». Sur ma droite, un homme d’une trentaine d’annĂ©es vient d’affirmer cette dĂ©cision devant un employĂ© de la poste. Celui-ci, son masque de protection anti-Covid sur le visage, porte des lunettes de correction comme moi. Il a environ la quarantaine, a le crĂąne et le visage un peu gris et dĂ©garnis. C’est la premiĂšre fois que je le vois dans cette agence de la poste. Il y a bientĂŽt un an, maintenant, cette agence de la poste a ouvert dans le centre commercial CĂŽtĂ© Seine d’Argenteuil. Auparavant, il y avait deux agences de la poste dans le centre ville d’Argenteuil. Une a fermĂ© et ses locaux peuvent ĂȘtre louĂ©s. Pour l’instant, personne ou aucune sociĂ©tĂ© ne s’est montrĂ©e intĂ©ressĂ©e. L’autre agence est dĂ©sormais dĂ©diĂ©e aux rencontres avec des conseillers et n’est accessible que sur rendez-vous.

 

 Il a Ă©tĂ© dĂ©cidĂ© d’ouvrir une seule agence commerciale de la poste ( ou La Banque Postale, si l’on prĂ©fĂšre) Ă  CĂŽtĂ© Seine qui compte dĂ©jĂ  un certain nombre d’enseignes commerciales :

 

Cela va du supermarchĂ© GĂ©ant en passant par OkaĂŻdi, Action, Gifi ( ouvert rĂ©cemment), Courir, Du Pareil au mĂȘme ainsi qu’une pharmacie et d’autres enseignes. Il y a bien eu un H&M oĂč je ne suis jamais allĂ©. Mais il a fermĂ©. «  Trop de vols ! Â» m’a appris un Argenteuillais dont la famille habite dans la ville depuis au moins trois gĂ©nĂ©rations. Un Argenteuillais bien renseignĂ©.

 

Je n’ai jamais aimĂ© ce centre commercial, CĂŽtĂ© Seine, qui, selon le reportage d’une journaliste de TĂ©lĂ©rama serait Le lieu d’attraction pour beaucoup de jeunes d’Argenteuil. CĂŽtĂ© Seine serait selon cette journaliste un petit peu l’équivalent des Quatre Temps de la DĂ©fense pour moi, lors de leur ouverture, dans les annĂ©es 80 quand j’étais ado.

 

Je conteste cette vision de la ville d’Argenteuil, une ville oĂč je suis venu vivre il y a 13 ans.  Argenteuil  compte selon moi bien d’autres atouts que ce centre commercial.

Je vois aussi des jeunes studieux dans la mĂ©diathĂšque d’Argenteuil. Ainsi qu’au conservatoire. Un conservatoire dĂ©partemental qui attire des jeunes d’autres villes plus « favorisĂ©es Â». Encore rĂ©cemment, il y a trois jours, je suis allĂ© saluer mon ancienne prof de thĂ©Ăątre du conservatoire. Elle faisait passer des auditions. Et un comĂ©dien avait commencĂ© Ă  interprĂ©ter un passage de Richard III. En repartant, aprĂšs avoir, comme le veut la tradition entre comĂ©diens, dit « merde Â» et prĂ©sentĂ© mes excuses Ă  l’interprĂšte de Richard III, j’ai aussi croisĂ© deux personnes qui venaient de St Denis. Assises, ces deux personnes ( une fille et un garçon qui semblaient se connaĂźtre) avaient dĂ©jĂ  passĂ© leur audition. 

Je sais aussi que des personnes rĂ©sidant Ă  Paris, Enghien ou Courbevoie, de quartiers et des villes mieux rĂ©putĂ©es qu’Argenteuil, ont pu venir prendre des cours au conservatoire d’Argenteuil.

 

Ce mardi, l’humoriste Haroun, est aussi venu donner un spectacle au centre culturel Le Figuier Blanc. J’y Ă©tais. Et, il y a quelques jours, mon ancienne de prof de cours de thĂ©Ăątre du conservatoire, Michelle BrĂ»lĂ© et le musicien Claude BarthĂ©lĂ©my, avec lequel j’ai eu l’occasion de travailler en tant que comĂ©dien il y a quelques annĂ©es, ont rendu un hommage Ă  Janis Joplin et Ă  Jimi Hendrix Ă  la Cave DimiĂšre d’Argenteuil. Je n’ai malheureusement pas pu y aller.

 

 

C’est donc dire que CĂŽtĂ© Seine est loin, trĂšs trĂšs loin, d’ĂȘtre un des seuls attraits d’Argenteuil.

 

Mais il est vrai que ce centre commercial a un certain succĂšs mĂȘme si on y croise beaucoup moins de monde qu’aux Quatre Temps de la DĂ©fense. Il est aussi plus petit et situĂ© dans une ville moins attractive que la DĂ©fense. Et, lorsque j’ai appris que l’antenne commerciale de la Poste allait ĂȘtre ouverte Ă  CĂŽtĂ© Seine, j’ai trouvĂ© ça « malin Â» pour l’attractivitĂ© de cet espace comme pour l’accessibilitĂ©. Car CĂŽtĂ© Seine dispose de parking sous-terrain pour sa clientĂšle. Ce centre commercial est aussi placĂ© Ă  cinq minutes Ă  pied de la gare d’Argenteuil. Laquelle, je le rappelle (car c’est aussi un des autres trĂšs gros atouts de la ville) se trouve Ă  11 minutes de la gare St Lazare par train direct. Et Ă  17 minutes par un train omnibus. Lors des grĂšves de transport ou lors de la diminution du trafic pendant le confinement dĂ» au Covid du mois de mars au mois de Mai, pour moi, vivre en banlieue dans la ville d’Argenteuil a plutĂŽt aidĂ©. J’ai des Ă©lĂ©ments de comparaison :

J’ai vĂ©cu une vingtaine d’annĂ©es auparavant Ă  Cergy-Pontoise. Et cela m’aurait Ă©tĂ© beaucoup plus difficile de me rendre au travail Ă   Paris, comme je l’ai  fait, durant la pandĂ©mie, par les transports en commun, bus inclus. D’ailleurs, lorsque je vivais Ă  Cergy-Pontoise, je travaillais dans les environs. Je me rendais Ă  Paris uniquement pour mes loisirs.

 

J’ai une certaine expĂ©rience de la vie en banlieue parisienne. Je n’ai mĂȘme que cette expĂ©rience de vie depuis ma naissance. Je parle d’une certaine partie de la banlieue. Je suis trĂšs loin de connaĂźtre toute la banlieue parisienne. Et puis, la vie dans certaines villes de banlieue a plus changĂ© que dans d’autres villes de banlieue depuis mon enfance.

 

Mais, ce matin, Ă  la poste du centre commercial CĂŽtĂ© Seine, cet homme trentenaire sur ma droite, lui,  semble avoir une trĂšs grande expĂ©rience des courriers en recommandĂ©. Alors, lorsque l’employĂ© de la poste qui me fait face et s’occupe de moi lui rĂ©pond qu’il doit d’abord faire la queue comme tout le monde, l’homme « recommandĂ© Â» riposte :

 

«  Ce n’est pas comme ça que ça marche ! Â».  Et, il explique que pour envoyer un courrier en recommandĂ©, on n’est pas obligĂ© de faire la queue ! Alors, l’employĂ© de la poste lui rĂ©pond qu’en pĂ©riode de Covid, si ! C’est Ă  lui qu’il revient de faire entrer les gens dans la poste. Et, pour l’exemple, il montre les personnes qui, derriĂšre moi, et comme moi, ont fait et font la queue.

 

Je peux comprendre cet homme pressĂ©. Pour avoir attendu l’ouverture de cette agence de la poste une ou deux fois, Ă  9 heures du matin, il peut y avoir beaucoup de monde prĂ©sent. C’était dĂ©jĂ  comme ça avec les deux bureaux de poste prĂ©cĂ©dents. LĂ , Ă  CĂŽtĂ© Seine, c’est sĂ»rement pire. Vingt  Ă  trente minutes avant l’horaire d’ouverture, il est courant qu’il y ait foule. Alors, lorsqu’il y a moins de monde, comme c’est le cas ce matin  (vers 11 heures du matin), on n’a qu’une envie : faire ce que l’on a Ă  faire. Sans traĂźner. Surtout que l’on a su nous « Ă©duquer Â» pour rĂ©aliser un certain nombre de nos formalitĂ©s, ou opĂ©rations, en nous adressant Ă  des automates.  FormalitĂ©s et opĂ©rations, qui, il y a dix ou vingt ans, nĂ©cessitaient le passage obligatoire par un guichet et par un ĂȘtre humain. Or, ce matin, un ĂȘtre humain, l’employĂ© de la poste face Ă  moi, est lĂ  pour faire barrage Ă  un autre ĂȘtre humain. Et lui rappeler qu’il doit faire la queue comme tout le monde. Et attendre comme tout le monde. MĂȘme si la voie lui semble libre. MĂȘme s’il a toutes les compĂ©tences requises pour se servir tout seul de l’automate lui permettant d’affranchir son courrier pour un recommandĂ©. Et, tout ça, Ă  cause d’un virus:

 

Le Covid-19. Ou « la Â» Covid. Selon les sensibilitĂ©s et les avis.

 

Mon attitude vis Ă  vis de la pandĂ©mie a changĂ©. Pendant quatre mois, grosso modo, j’ai Ă©tĂ© raisonnablement obsĂ©dĂ© par le Covid. Du mois de mars jusqu’à la mi-juillet.

Parce-que, comme tout le monde, j’ai d’abord Ă©tĂ© matraquĂ© moralement par la forte probabilitĂ© de la maladie et de la mort. Du fait des mĂ©dias et de la forte « contagion Ă©motionnelle Â» dont parle le Dr Judson Brewer dans son livre sur les addictions ( Le Craving). Lorsqu’il dit, par exemple, page 256 :

 

« Selon les spĂ©cialistes de sciences sociales, les Ă©motions positives et nĂ©gatives peuvent se transfĂ©rer d’une personne vers les personnes voisines (c’est ce qu’on appelle la contagion Ă©motionnelle). Si un individu manifestement de bonne humeur entre dans une piĂšce, les autres ont plus de chances de se sentir heureux, comme si cette Ă©motion Ă©tait contagieuse Â».

 

Un peu plus tĂŽt, toujours dans ce mĂȘme livre, Judson Brewer, citant l’ouvrage de Skinner ( Walden 2), affirme, page 252 :

 

«  Il (Skinner dans son ouvrage Walden 2) souligne l’usage omniprĂ©sent de la propagande et d’autres tactiques pour canaliser les masses par la peur et l’excitation. Bien-sĂ»r, ce sont lĂ  des exemples de renforcement positif et nĂ©gatif. Quand une tactique fonctionne, elle a plus de chances d’ĂȘtre rĂ©pĂ©tĂ©e. Par exemple, pas la peine d’aller chercher plus loin que la derniĂšre Ă©lection prĂ©sidentielle aux Etats-Unis pour voir comment un politicien exploite la peur (comportement) :

 

« Le pays est en danger ! Je rĂ©tablirai la sĂ©curitĂ© ! Â».

 

 En France, cela peut nous faire penser au titre du dernier livre de Nicolas Sarkozy, ex-PrĂ©sident de la RĂ©publique qui, visiblement, ne digĂšre toujours pas, d’avoir ratĂ© sa rĂ©Ă©lection :

 

Le Temps des tempĂȘtes.

 

PrĂ©sident de la RĂ©publique de 2007 Ă  2012, Nicolas Sarkozy ne m’a pas du tout marquĂ© comme Ă©tant un PrĂ©sident de l’apaisement. Et, en 2020, il (nous) sort nĂ©anmoins un livre qui annonce le pire. Comme s’il regrettait presque de ne pas avoir assez accentuĂ© le dĂ©jĂ  pire. Il y a presque chez lui comme une sorte de refuge mĂ©lancolique dans sa façon de refuser l’échec de sa rĂ©Ă©lection. C’est une sĂ©paration d’avec le Pouvoir dont il ne se remet pas. Alors, Ă  dĂ©faut, il reste dans les parages car sa capacitĂ© de nuisance et son poste d’observation restent meilleurs que celui d’autres acteurs de la vie politique.

Si certains auraient voulu ĂȘtre un artiste, lui, aurait peut-ĂȘtre voulu ĂȘtre Poutine.

 

 

L’humoriste Haroun au centre culturel Le Figuier Blanc

 

 

 

Dans son spectacle donnĂ© ce mardi au Figuier Blanc, l’humoriste Haroun a dit Ă  peu prĂšs :

 

« Ce n’est pas qu’aujourd’hui, l’extrĂȘme droite (et ses idĂ©es racistes) soit pire qu’avant. C’est surtout que les autres partis se sont mis Ă  son niveau Â».

 

Le titre du livre d’un Nicolas Sarkozy ou les saillies livresques ou mĂ©diatiques d’autres PersonnalitĂ©s donnent malheureusement raison Ă  Haroun. Lequel, toujours ce mardi, a pu dire, je le cite, car, cette fois-ci, j’ai pu noter :

«  Ce n’est pas le monde qui va mal. C’est qu’il y a trop de cons qui vont bien ! Â».

 

Notre part de connerie et de folie

 

Tout le monde sera d’accord avec cette phrase. MĂȘme les plus cons. Car  le plus difficile, aprĂšs avoir admis Ă  l’unanimitĂ© cette thĂ©orie d’Haroun, reste Ă  faire :

 

 Savoir dĂ©finir Ă  partir de quel dosage, notre part de connerie ou notre part de folie, souvent indĂ©tectable et imprĂ©visible, mais Ă©galement infinie, peut avoir – lorsqu’elle entre en jeu – des consĂ©quences. Notre part de connerie et de folie est rĂ©tractile. Elle peut n’ĂȘtre que transitoire, elle peut passer sous tous les radars (policiers mais aussi sociaux). Et aussi nous Ă©chapper.

 

Le personnage de comics, Serval (dont Black Panther est finalement la version assouplie, consciente– Black Power- et Ă©duquĂ©e) peut contrĂŽler jusqu’à un certain point ses griffes d’Adamantium et son agressivitĂ©. Mais, au moins pour lui, les vrais mĂ©chants sont assez facilement identifiĂ©s et identifiables.

Pour nous, simples lecteurs et simples spectateurs de comics, de films pornos ou de romances tĂ©lĂ©visĂ©es,  dans notre vie de tous les jours, c’est plus difficile de faire le tri entre les fientes que nous avalons quotidiennement. Car elles nous sont toujours prĂ©sentĂ©es de façon affriolante.

 

Pour notre amateur de recommandĂ©s, peut-ĂȘtre que cet employĂ© de la poste a Ă©tĂ© un « con Â» ou un «  mĂ©chant Â». Pour moi, qui ai dĂ» revenir Ă  la Poste, toujours pour mon histoire de tĂ©lĂ©phone portable commandĂ© et payĂ© – fin aoĂ»t- sur le site de Darty Ă  un de ses « vendeurs partenaires Â», et jamais reçu (alors que la Poste et le vendeur « partenaire Â» m’affirment que je l’ai reçu il y a plus de trois semaines !) cet employĂ© de la Poste m’a donnĂ© l’impression d’ĂȘtre un homme Ă  qui l’on a dĂ» dire :

 

«  Tu seras au cƓur de l’action de notre entreprise. En premiĂšre ligne. C’est un rĂŽle trĂšs important. La qualitĂ© de ton contact relationnel avec notre clientĂšle est dĂ©terminante. Elle sera le gage de l’image de professionnalisme et d’efficacitĂ© de la Poste. C’est donc une fonction Ă  forte valeur ajoutĂ©e que tu occuperas Â».

 

Et, Ă  la maniĂšre d’un gardien de Foot couvrant ses cages, on peut dire que notre employĂ© de la Poste s’est impliquĂ© ce matin pour ĂȘtre Ă  la hauteur de sa fonction.

 

Me rĂ©pĂ©tant, avec conviction, que la Poste ne met pas- « C’est illĂ©gal ! Â»- le tampon sur le formulaire de rĂ©clamation que me demande- en Anglais- maintenant le « vendeur partenaire Â», photo Ă  l’appui. Afin d’ĂȘtre remboursĂ©.

 

M’affirmant que je peux faire les dĂ©marches sur internet car cela sera plus rapide. Ou me parlant (Ă  nouveau, comme sa collĂšgue la semaine derniĂšre) du 36 31. Un numĂ©ro que j’ai dĂ©jĂ  fait et oĂč tu passes un certain temps Ă  attendre que l’on te rĂ©ponde. MĂȘme lorsque tu rĂ©ussis Ă  avoir quelqu’un en ligne, cette personne a souvent besoin d’aller se renseigner et te mets Ă  nouveau en attente. Tout ça pour te rĂ©pondre que tu as d’autres dĂ©marches supplĂ©mentaires Ă  effectuer. Et, si tu as un mauvais karma, il arrive aussi que tu appelles- bien sĂ»r- lorsque tous les agents sont dĂ©jĂ  en ligne ou occupĂ©s. Ou en pause dĂ©jeuner. Voire, peut-ĂȘtre, ce n’est pas indiquĂ© :

En plein Burn-out,  en train de se suicider ou en entretien oĂč on leur apprend qu’ils vont ĂȘtre licenciĂ©s car ils ont de mauvais rĂ©sultats ou la boite, trop peu de bĂ©nĂ©fices.

 

Autrement, il y a les dĂ©marches par courrier me dit aussi l’employĂ© de la Poste avant de presque me menacer :

 

 Â«  Mais ça prend trois mois ! Â».

 

DerriĂšre moi, quelques personnes attendent. Le jeune homme du recommandĂ©, pas content, est restĂ© sur ma droite. Un autre agent de la poste, essaie maintenant de le convaincre, mais cette fois, en Arabe, d’aller faire la queue. Ce qui n’a pas l’air de beaucoup marcher.

 

 

Nos plus grands accomplissements

 

Quant Ă  moi, je comprends que mes dĂ©marches sont loin d’ĂȘtre terminĂ©es. Je n’ai pas vraiment compris quelle formule magique, ou plutĂŽt quelle dĂ©marche, je dois suivre pour obtenir le remboursement et ainsi ĂȘtre dĂ©livrĂ© de cette entreprise, qui, parmi tant d’autres, nous prend beaucoup plus de temps et d’énergie que cela ne le devrait. Par contre, compensation, en insistant, je rĂ©ussis Ă  obtenir un nouveau formulaire de rĂ©clamation, en expliquant que j’ai « mal rempli Â» le prĂ©cĂ©dent. Voici ce qui fait partie de nos plus grands accomplissements :

 

Réussir à boucler une démarche administrative. Obtenir un formulaire.

 

 

Je repars donc avec un nouveau formulaire. D’ailleurs, une fois que j’ai eu ce formulaire dans la main, je me suis senti mieux. Un formulaire, dans la main, c’est aussi bien que de prendre un bon anxiolytique. AprĂšs ça, j’ai Ă©tĂ© vĂ©ritablement disposĂ© pour Ă©couter ce que l’employĂ© me prĂ©conisait pour mes dĂ©marches. Puis, pour accepter ce qui Ă©tait sa rĂ©ponse depuis le dĂ©but :  

 

« Ce n’est pas nous ! Allez voir ailleurs ! Â».

 

Ce n’est pas nous ! Allez voir ailleurs !

 

Nous vivons beaucoup dans une Ă©poque de «  Ce n’est pas nous ! Allez voir ailleurs ! Â».

Sur la chaine Cnews, ce matin, lors de ma sĂ©ance kinĂ©, j’ai de nouveau reçu la « bonne Â» parole du journaliste Pascal Praud. Il y a quelques jours, j’avais Ă©tĂ© Ă©tonnĂ© de voir apparaĂźtre la DRH de Charlie Hebdo Ă  l’écran. C’était pour expliquer qu’elle avait Ă©tĂ© exfiltrĂ©e de son domicile par ses agents de protection en raison de menaces. A la suite, sans doute, de l’attentat rĂ©cent prĂšs des anciens locaux de Charlie Hebdo.

Cela faisait drĂŽle d’entendre Pascal Praud assurer la DRH de Charlie Hebdo de sa solidaritĂ©. Comme de l’entendre rĂ©pĂ©ter aprĂšs elle, un peu comme un Ă©colier :

 

« Les musulmans sont les premiĂšres victimes
. Â» (de l’intĂ©grisme islamiste).

 

Pascal Praud peut donc chĂ©rir les pensĂ©es d’un Eric Zemmour et penser tout Ă  la fois que «  les musulmans sont les premiĂšres victimes Â» (de l’intĂ©grisme islamiste). C’était assez irrĂ©el. Et d’assister Ă  ça comme de voir et d’entendre la DRH de Charlie Hebdo Â« parler Â» avec Pascal Praud.

 

Ce matin, Pascal Praud, sur Cnews, a citĂ© De Gaulle :

 

«  Des chercheurs qui cherchent, on en trouve. Des chercheurs qui trouvent, on en cherche ! Â».

 

Je me suis dit que le modĂšle idĂ©alisĂ© de la France de Pascal Praud, c’est vraiment la France du passĂ©. D’une France qu’on lui a racontĂ©. Et avec laquelle, en 2020, il essaie de nous capter. J’aime l’Histoire et je crois beaucoup que nous avons Ă  en apprendre. Mais, pour cela, cela commence par apprendre Ă  Ă©couter les autres. Je ne suis pas sĂ»r que Pascal Praud sache tant que ça Ă©couter les autres. Il prend peut-ĂȘtre un certain plaisir dans son attitude de malentendant. Car c’est un luxe de trĂšs grand privilĂ©giĂ© que de pouvoir se dispenser d’écouter les autres. Tous les autres. Et, Pascal Praud, pour moi, fait Ă©videmment partie des trĂšs grands privilĂ©giĂ©s.

 

 

Ce matin, l’un des sujets abordĂ©s par Pascal Praud concerne l’allongement de la durĂ©e de rĂ©flexion, pour une femme, pour avoir droit Ă  l’avortement. Jusque lĂ , les femmes disposaient de 12 semaines. Cela va passer Ă  14 semaines. Auparavant, c’était 10 semaines.

Pour conclure le « dĂ©bat Â», Pascal Praud a donnĂ© la parole Ă  une journaliste du journal Le Figaro qui a rĂ©cemment
.accouchĂ©. Si j’ai bien compris, cette journaliste Ă©tait encore en congĂ© maternitĂ© lorsqu’elle s’est exprimĂ©e depuis chez elle. Cette façon de conclure le dĂ©bat est sĂ»rement, pour Pascal Praud, sa conception de l’élĂ©gance et du respect des femmes. De certaines femmes tout au moins. Celles qui ont le choix. Ou plus de choix que d’autres. Des femmes privilĂ©giĂ©es ou assez privilĂ©giĂ©es. Mais j’extrapole sĂ»rement.

 

Car, Pascal Praud ou pas, reste cette part de connerie et de folie en nous, Ă  laquelle, nous nous accrochons et oĂč nous savons ĂȘtre trĂšs performants.

 

Nous avons cette faculté de nous en tenir à une certaine gestuelle, certaines habitudes et certaines pensées dÚs lors que nous les avons adoptées.

 

 

PrĂšs de la gare de Conflans Ste Honorine

 

 

Ça me rappelle un ancien patient, psychotique, que j’avais croisĂ© il y a plusieurs annĂ©es, par hasard, dans la rue, prĂšs de la gare de Conflans Ste Honorine. J’avais fait sa « connaissance Â» quelques jours ou quelques semaines plus tĂŽt dans un service d’hospitalisation en psychiatrie adulte oĂč j’avais fait un remplacement. C’était un patient dans la force de l’ñge, peut-ĂȘtre plus grand que moi,  assez corpulent, moyennement commode. Potentiellement violent physiquement.

Lorsque je l’ai rencontrĂ© ce jour-lĂ , prĂšs de la gare de Conflans Ste-Honorine, il allait vers la gare alors que je m’en Ă©loignais. Mais nous Ă©tions sur le mĂȘme trottoir dans cette longue ligne droite qui doit faire Ă  peu prĂšs dans les deux cents mĂštres.

Manifestement lestĂ© par un traitement antipsychotique de poids, l’homme continuait d’avancer, fixĂ© vers un but ou une planĂšte qu’il Ă©tait seul Ă  habiter, notre monde n’étant pour lui qu’un dĂ©corum. Je ne sais toujours pas s’il m’a vu ou reconnu lorsqu’il est passĂ© en silence Ă  cĂŽtĂ© de moi. C’était il y a plus de dix ans.

Je parle de cet homme car, chacun et chacune, Ă  notre façon, nous sommes pareils que lui. Hier, en fin d’aprĂšs-midi, Ă  la gare St-Lazare, j’ai voulu prendre le train pour rentrer chez moi, Ă  Argenteuil. Il Ă©tait un peu plus de dix huit heures. En pleine heure de pointe. Un horaire oĂč beaucoup de personnes- la majoritĂ© des personnes exerçant un emploi- ont terminĂ© leur journĂ©e de travail et aspirent Ă  rentrer  chez elles. Mais, comme cela a pu se passer et peut continuer de se passer dans une certaine mesure avec le Covid-19, il y avait un grain de sable.

 

 

Le train de la voie 22

 

 

Cette fois, le grain de sable Ă©tait un incident technique du cĂŽtĂ© de la ville de Bois-Colombes. Plusieurs trains ne partaient pas ou ne partaient plus. D’autres ont Ă©tĂ© supprimĂ©s. A mesure que plus de personnes arrivaient Ă  la gare St Lazare, aspirant Ă  retourner chez elles, il y avait comme une sorte de vapeur de panique ou d’agitation qui prenait le dessus. Et j’ai vu plus de personnes affluer, voire se presser, vers un train de banlieue  en particulier. Je me suis concentrĂ© sur celui de la  voie 22 car j’ai un moment envisagĂ© de le prendre. D’autres personnes se sont sĂ»rement focalisĂ©es sur le train d’une autre voie et n’ont plus vu que ce train-lĂ , « leur Â» train,  les autres trains alentour n’existant pas ou plus pour eux.

 

Le train de la voie 22 n’était pas encore parti.  Mais d’autres passagers continuaient de se diriger vers lui. Comme si la nĂ©cessitĂ©, pour plusieurs de ces personnes, Ă©tait d’ĂȘtre dans ce train-lĂ  coĂ»te que coĂ»te. Que leur vie en dĂ©pendait ! Et que si elles Ă©chouaient Ă  prendre ce train-lĂ  en particulier, qu’elles resteraient indĂ©finiment Ă  quai dans la gare St Lazare. Et qu’il leur serait impossible de retrouver leur domicile ou de se raccrocher Ă  leur vie d’avant l’incident technique.

 

 

A la poste ce matin, cet homme qui a affirmĂ© «  Ce n’est pas comme ça que ça marche ! Â», s’est retrouvĂ© devant un incident qui a eu la mĂȘme portĂ©e pour lui que pour ces gens, qui, hier soir, ne savaient presque plus oĂč donner de la tĂȘte Ă  la gare St Lazare parce-que quelques trains ont Ă©tĂ© annulĂ©s ou retardĂ©s.

Hier soir, Ă  la gare St Lazare, pourtant, il  y a bien eu les annonces rĂ©pĂ©tĂ©es d’un agent ou d’une agent de la SNCF. Ces annonces ont pour but d’informer voire de rassurer les voyageurs Â»â€Š. Il y a encore des amĂ©liorations Ă  faire pour que les annonces de la SNCF soient plus rassurantes. Les informations Ă©taient rĂ©pĂ©tĂ©es en accĂ©lĂ©rĂ©. Elles n’étaient pas toujours audibles de façon confortable d’un point de vue acoustique. Elles n’étaient pas toujours intelligibles.

 

 

Parce-que c’est comme ça que nous marchons !

 

 

 A la tĂ©lĂ©, sur les rĂ©seaux sociaux, dans les mĂ©dia, dans nos relations personnelles et professionnelles, il est aussi des gens qui nous « informent Â» et tentent de nous « rassurer Â». Parmi ces gens, il y a des Pascal Praud et d’autres dĂ©clinaisons, d’autres visions et d’autres façons de raisonner comme de se comporter dans la vie de tous les jours. Il faut pouvoir s’y retrouver. Certaines personnes sont capables d’humour comme Haroun. D’autres n’ont pas cette aptitude Ă  l’humour ou ont un humour tout Ă  fait diffĂ©rent. Mais ce qui est commun Ă  beaucoup d’entre nous, c’est qu’il suffit de nous priver- temporairement- de quelques uns de nos repĂšres pour trĂšs vite nous agiter voire nous faire paniquer. Il suffit d’un virus et d’une pandĂ©mie. De devoir attendre quinze minutes au lieu de dix. D’un train supprimĂ© ou retardĂ©. Et nous, Ă  un moment ou Ă  un autre, nous pouvons faire une connerie. Ou  devenir fous. Parce-que c’est comme Ă§a que nous marchons.

Qui sait ?! Cet article que j’écris est peut-ĂȘtre une connerie Et une folie !

 

 

Concenant le Covid-19 :

 

 

Concernant le Covid-19, j’ai arrĂȘtĂ© de m’obsĂ©der avec lui en partant en vacances et en allant prendre l’air cet Ă©tĂ© pendant quelques jours. Bien-sĂ»r, je porte un masque dĂšs que je sors de chez moi. Masque avec lequel je recouvre mon nez et ma bouche. Masque que je change toutes les trois heures environ. Et je me lave les mains rĂ©guliĂšrement.

Si je monte dans un métro, dans un bus ou dans un train bondé, hé bien, je monte dans un métro, dans un bus ou dans un train bondé.

 

Lorsque je parle de mes sĂ©ances kinĂ©, je parle de sĂ©ances qui sont effectuĂ©es dans une piĂšce oĂč, certes, nous sommes plusieurs patients, mais la piĂšce a une surface assez grande et tout le monde porte un masque. MĂȘme si, quelques uns, choisissent pour une raison ou pour une autre, de le faire glisser sous leur nez.

 

 

 Cependant, continuer de prendre les transports en commun pour aller au travail pendant le confinement pendant presque deux mois du mois de mars Ă  dĂ©but Mai m’a aussi bien aidĂ©. D’abord sans masque puisqu’il n’y avait pas de masque disponibles jusqu’au dĂ©but du mois de Mai. Pour moi, il a trĂšs vite Ă©tĂ© Ă©vident que c’était parce-que les masques Ă©taient rares que l’on nous racontait qu’ils Ă©taient inutiles lors de nos dĂ©placements. 

 

S’il est vrai que le fait, aussi, de croiser trĂšs peu de monde dans les rues en pleine pĂ©riode de confinement (entre Mars et Mai) m’a sĂ»rement prĂ©servĂ© d’une contamination, cela m’a nĂ©anmoins fait beaucoup de bien de sortir et de voir qu’il Ă©tait possible de sortir de chez soi et de rester vivant et en bonne santĂ©. MalgrĂ© l’absence de masques. D’ailleurs, depuis que les masques sont devenus «abondants Â» et faciles Ă  trouver, j’ai du mal Ă  me rappeler m’ĂȘtre dĂ©placĂ© sans masque- du fait de la pĂ©nurie de masques- dans Paris pendant le confinement. Tant, aujourd’hui, « la norme Â» est de porter un masque. Hier soir, Ă  la gare St Lazare, la majoritĂ© des voyageurs que j’ai vus, comme souvent, depuis que les masques sont disponibles, et depuis que le port du masque peut ĂȘtre contrĂŽlĂ©, portaient des masques.

 

 

Porter un masque en toutes circonstances est-il une arnaque ? Des personnes le pensent.

 

A titre prĂ©ventif, si porter un masque me garantit d’ĂȘtre en santĂ© et de protĂ©ger d’autres personnes (comme l’usage du prĂ©servatif lors d’un rapport sexuel), je considĂšre que cela vaut le coup et le coĂ»t de porter un masque anti-Covid. Et que c’est une contrainte assez supportable mĂȘme s’il est vrai que cette contrainte temporaire dure depuis maintenant un certain temps. MĂȘme s’il est assez peu «naturel Â» et moyennement agrĂ©able de vivre en permanence avec un masque sur le visage.  On peut et on a le droit de me voir comme un mouton et un con. Je le suis peut-ĂȘtre et bien davantage.

 

Mais je suis aussi soignant. Porter un masque, ne serait-ce que chirurgical, lorsque l’on est soignant (mĂȘme sans travailler au bloc opĂ©ratoire ou dans un service de rĂ©animation), cela fait partie de la culture du soignant. Au mĂȘme titre que d’utiliser des gants stĂ©riles ou non stĂ©riles, de porter des vĂȘtements ou des chaussures pour des raisons sanitaires. Comme de se laver les mains rĂ©guliĂšrement.

 

Ensuite, en parlant de culture du masque, en Asie, la culture du masque existe pour parer Ă  la pollution ou pour raisons sanitaires. Et cette « culture du masque Â» me paraĂźt justifiĂ©e.

 

 

Par ailleurs, je trouve que le port du masque nous oblige Ă  mieux voir le regard de l’autre. A plus nous y attacher. A visage dĂ©couvert, nous sommes plus facilement distraits lorsque nous avons une personne en face de nous. Nous voyons moins son regard et ce qu’il exprime. D’un point de vue sentimental, relationnel ou affectif, j’ai l’impression que si le port du masque nous retire effectivement quelque chose ( c’est quand mĂȘme plus agrĂ©able de vivre Ă  visage dĂ©couvert comme de faire l’amour sans prĂ©servatif)  qu’il nous donne aussi quelque chose. Et puis, nous pouvons encore varier les attitudes. En prĂ©sence de certains intimes, ou de certaines rencontres, tomber le masque a une importance particuliĂšre. Par exemple, aujourd’hui, lorsque l’on dĂ©cide de se rendre au restaurant avec une personne et que l’on accepte, face Ă  cette personne ou Ă  ces personnes, de retirer son masque de protection anti-Covid, cela est aussi une façon de dire que l’on tient Ă  cette ou Ă  ces personnes comme au fait que l’on tient Ă  vivre ce genre de moment avec cette ou ces personnes. MalgrĂ© le risque. On n’avait pas ça avant le Covid et les masques de protection. Donc, pour moi, c’est un plus.

 

 

Concernant le vaccin anti-Covid, il arrivera peut-ĂȘtre. Mais je n’ai pas comptĂ© sur lui. DĂšs le dĂ©but. Et c’est encore plus vrai lorsque l’on « sait Â» que, malheureusement, l’industrie pharmaceutique est aussi un business. Et que, dĂšs qu’elles le peuvent, les entreprises qui commercialisent mĂ©dicaments et vaccins,  ceux qui marchent et offrent un vrai plus par rapport Ă  ceux qui existent dĂ©jĂ , ne se gĂȘnent pas pour faire raquer les gens au prix fort.

 

 

La pandĂ©mie du Covid nous impose de vivre dans un monde de masques. Pourtant, j’ai l’impression, que nous vivons et nous montrons davantage Ă  visage dĂ©couvert. Avant la pandĂ©mie du Covid, nous portions bien plus de masques qu’aujourd’hui sauf qu’ils Ă©taient invisibles ou pouvaient passer inaperçus. En quelque sorte, nous faisons Ă  une grande Ă©chelle et en accĂ©lĂ©rĂ© une certaine expĂ©rience de la Commedia dell’Arte.

 

 

Avec tout ça, je n’ai toujours pas Ă©crit Ă  propos du film de Farid Bentoumi, Rouge, qui va sortir fin novembre. Comme je n’ai pas encore pu Ă©crire sur le dernier film de Gaspar NoĂ©,  Lux Aeterna. Ce serait bien que je lise le livre Que Dalle consacrĂ© Ă  BĂ©atrice Dalle, livre que j’ai achetĂ© Ă  sa sortie et que je n’ai toujours par lu. Comme plein d’autres livres.

 

 

 

Franck Unimon, jeudi 1er octobre 2020.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Argenteuil Croisements/ Interviews

La Route du Tiep

 

 

                                              La Route du Tiep

Qu’est-ce qu’un igname ?

 

«  Qu’est-ce qu’un igname ? Â». Lors d’un atelier d’écriture, un homme d’une soixantaine d’annĂ©es m’avait un jour posĂ© cette question. On dĂ©couvre aussi le monde par ses lĂ©gumes, ses plantes et sa cuisine.

 

J’avais bien sĂ»r expliquĂ© ce qu’est un igname.  Bien que nĂ© en  France, mon Ă©ducation et mes vacances familiales en Guadeloupe m’avaient fait connaĂźtre le zouk, le kompa, l’igname, le fruit Ă  pain (et non le fruit Ă  peines), le piment, les donbrĂ©s et d’autres spĂ©cialitĂ©s culinaires antillaises.

 

 

Je dois Ă  mon amie BĂ©a, d’origine martiniquaise, de quelques annĂ©es mon aĂźnĂ©e, d’avoir dĂ©couvert le Tiep ( «  riz au poisson Â»), les pastels et le M’Balax. J’avais 21 ou 22 ans. Olivier de Kersauson, le navigateur, avait 23 ou 24 ans lorsqu’il a fait la rencontre d’Eric Tabarly (son livre Le Monde comme il me parle, dont j’ai dĂ©butĂ© la lecture). Moi, Ă  23 ou 24 ans, j’entrais davantage de plain pied dans la fonderie des hĂŽpitaux. J’avais fait la connaissance de BĂ©a pendant ma formation.

 

Elle était déja en couple avec C
 un Cap verdien, de plusieurs années son aßné.

Et c’est au cours d’une grande fĂȘte avec eux, dans le Val D’oise, je crois, du cĂŽtĂ© de Jouy le Moutier, que j’avais dĂ©couvert :

 

 Tiep, pastels et M’Balax.

 

Le Tiep n’est pas le nom d’un vent ou d’un microclimat proche de la ville de Dieppe. Il n’a pas de lien de parentĂ© Ă  avec la pitiĂ©. Et il n’a pas Ă©tĂ© recensĂ© sur le continent  du Tchip que les Antilles se partagent trĂšs bien avec l’Afrique. Le Tiep ou ThiĂ©boudiene  est le plat national du SĂ©nĂ©gal.

 

Avec BĂ©a, indirectement, moi qui ne suis, Ă  ce jour, toujours pas allĂ© en Afrique, j’ai dĂ©couvert des bouts du SĂ©nĂ©gal. Du Wolof et du Cap Vert. Avant que CĂ©saria Evora ne (re) devienne populaire et que le chanteur StromaĂ©, beaucoup plus tard, n’en parle dans une de ses chansons. Avant que Youssou N’Dour ne lĂąche son tube 7 secondsavec Neneh Cherry. Hit que j’ai toujours eu beaucoup de mal Ă  supporter. Si Ă©loignĂ© de son M’Balax que j’ai, finalement, pu voir, aimer et Ă©couter sur scĂšne trente ans plus tard : l’annĂ©e derniĂšre Ă  la (derniĂšre ?) fĂȘte de l’Huma.

 

 

Par hasard

 

J’ai retrouvĂ© la route du Tiep il y a quelques mois. Par hasard. J’avais rendez-vous prĂšs de la gare du Val de Fontenay pour acheter une lampe de poche. Entre le moment oĂč j’ai dĂ©couvert le Tiep et les pastels et cette transaction, il s’est passĂ© environ trente ans. J’avais bien-sĂ»r mangĂ© Ă  nouveau du Tiep entre-temps. Mais cela Ă©tait occasionnel. En me rendant sur certains marchĂ©s.

 

Le Val de Fontenay n’est pas mon coin. Je n’y habite pas. J’y Ă©tais allĂ© Ă  une « Ă©poque Â», ou, durant une annĂ©e, j’y avais Ă©té entraĂźneur de basket. Mais je parlerai de cette expĂ©rience dans un autre article. Ce matin, je m’applique Ă  me mettre au rĂ©gime :

 

Pour faire court

 

J’essaie de faire des phrases courtes. Et d’écrire un article court. C’est Yoast qui l’affirme : Certaines de mes phrases durent plus de vingt mois . Je sais que c’est vrai.

 

Mes articles manquent de titres. Si je dĂ©code bien Yoast, je fais beaucoup de victimes parmi mes lectrices et lecteurs. Et je pourrais mieux faire. Je n’écoute pas toujours Yoast.

 

En revenant de ma « transaction Â», il y a quelques mois, je suis donc retournĂ© Ă  la gare du Val de Fontenay. Et j’ai oubliĂ© si j’avais aperçu ce traiteur Ă  l’aller mais je m’y suis pointĂ© avant de reprendre le RER. J’y suis retournĂ© plusieurs fois depuis. Ainsi que ce week-end puisque nous avions prĂ©vu de faire un repas au travail.

 

 

 

 

Au Thiep DĂ©lices d’Afrique Keur Baye Niass

 

La nouveautĂ©, c’est que je suis allĂ© deux jours de suite au Thiep DĂ©lices d’Afrique Keur Baye Niass. Le vendredi, c’est le jour du Tiep au poisson. Les autres jours, on y trouve, entre-autres, du Tiep Ă  la viande qui me plait bien. Mais je voulais goĂ»ter son Tiep au poisson. J’ai donc appelĂ© suffisamment tĂŽt pour passer commande. Puis, une fois, sur place, j’ai vu qu’il ne restait plus de pastels. La cuisiniĂšre m’a confirmĂ© qu’il n’y en n’avait plus. ça m’a frustrĂ© mais c’était de ma faute. J’aurais dĂ» en commander en mĂȘme temps que le Tiep. Donc, le lendemain, j’ai rappelĂ© assez tĂŽt et j’ai commandĂ© des pastels au poisson. Et quelques uns Ă  la viande. Pour goĂ»ter.

 

 

Avec nos masques sur le visage : de cƓur Ă  coeur

 

Avec nos masques sur le visage, nous sommes encore plus indistincts que « d’habitude Â». C’est peut-ĂȘtre aussi pour cette raison que j’ai tenu Ă  donner mon prĂ©nom, la veille. Puis que, lorsque j’y suis retournĂ©, que j’ai fait ce que je fais quelques fois : parler avec les gens. Leur demander de me parler d’eux. Un peu de cƓur Ă  cƓur. Je fais ça avec les personnes avec lesquelles je me sens bien. Avec lesquelles je ne discute pas du prix de ce qu’elles me vendent. On pourrait dire que cette dame qui me dĂ©passe d’une bonne dizaine de centimĂštres, et qui a sans doute presque l’ñge de ma mĂšre, est peut-ĂȘtre un Ă©quivalent maternel pour moi. Mais je ne crois pas que ce soit la seule raison.

 

Un mal pour un bien 

 

J’avais dĂ©jĂ  appris, qu’auparavant, elle travaillait avec ses collĂšgues du cĂŽtĂ© de CrĂ©teil. Mais qu’elle avait dĂ» quitter les lieux que la RATP avait mis Ă  sa disposition. J’ai appris qu’avant de faire la cuisine, elle faisait dans le prĂȘt- Ă - porter. Elle avait trouvĂ© des fournisseurs en Italie et ça avait marchĂ© trĂšs vite. «  Je vendais de la bonne came ! Â» me dit-elle sans qu’il soit question de quoique ce soit d’autre que de prĂȘt-  Ă - porter. J’avais dĂ©jĂ  entendu parler de la qualitĂ© italienne en matiĂšre de vĂȘtements et de chaussures.

 

Le prĂȘt Ă  porter a Ă©tĂ© fructueux de 2004 jusqu’à environ 2015. Et puis, la concurrence chinoise
. 

« Les gens regardaient plus leur porte-monnaie
.mais la qualitĂ© n’était pas du tout la mĂȘme
 Â». Elle a alors dĂ» rendre ses locaux Ă  la RATP. Locaux dans lesquels elle avait effectuĂ©s des travaux. Travaux pour lesquels la RATP ne l’a jamais dĂ©dommagĂ©e. A la place, la RATP a fini par lui proposer cet endroit Ă  la gare du Val de Fontenay oĂč c’est « dix fois mieux Â» m’explique-t’elle :

« Il y a plus de passage. Avec les bureaux. Et on est prĂšs de la gare. LĂ , il y a le RER A. Il y a le RER E».

 

Prendre la vie par le bon bout

 

En l’écoutant, je prends Ă  nouveau la mesure du fait que, quelles que soient les circonstances et le contexte qui nous prĂ©occupent, qu’il y a des personnes comme cette dame et ses collĂšgues qui travaillent. Et qui prennent la vie par le bon bout.  La cuisine, elle en avait toujours fait. Et aprĂšs le prĂȘt- Ă - porter, l’idĂ©e lui est donc venue rapidement. Je ne connais pas son niveau d’études. Et je prĂ©sume qu’elle est nĂ©e au SĂ©nĂ©gal et y a vĂ©cu sĂ»rement ses vingt premiĂšres annĂ©es. Comme mes propres parents ont vĂ©cu leurs vingt premiĂšres annĂ©es sur leur Ăźle natale, la Guadeloupe.

 

Je n’ai pas insistĂ© pour savoir, comment, venant du SĂ©nĂ©gal et de la France, on fait pour trouver des fournisseurs de prĂȘt- Ă  -porter en Italie. Mais cela implique au moins de quitter son quartier. De passer la frontiĂšre. D’avoir un rĂ©seau de connaissances. Ou de savoir aller rencontrer des gens, y compris Ă  l’étranger. De les dĂ©marcher et de leur inspirer confiance. De savoir s’exprimer un minimum dans leur langue. D’ĂȘtre fiable dans son travail. Ce qui est facilitĂ© lorsque l’on  aime le faire ( son travail).

 

“L’argent n’est souvent qu’une consĂ©quence”

 

J’ai relevĂ© ces phrases  dans un livre empruntĂ© rĂ©cemment dans la mĂ©diathĂšque de ma ville, Ă  Argenteuil. Un ouvrage dont j’ai lu, pour l’instant, les derniĂšres pages et que je chroniquerai peut-ĂȘtre.

 

Changer de vie professionnelle ( C’est possible en milieu de carriĂšre) de Mireille Garolla, aux Ă©ditions Eyrolles. Les propos sont les suivants, en bas de la page 147 :

« Ce n’est pas parce-que vous allez faire quelque chose qui vous plaĂźt que vous n’arriverez pas Ă  en tirer un bĂ©nĂ©fice.

L’équation n’est pas toujours aussi simpliste que : je rentre dans un systĂšme capitaliste, donc, je gagne de l’argent, quitte Ă  souffrir tous les jours jusqu’à l’ñge de la retraite, et un autre systĂšme qui consisterait Ă  faire des choses qui vous plaisent rĂ©ellement mais qui ne devraient donner lieu qu’à des rĂ©munĂ©rations symboliques.

(

) l’argent n’est souvent qu’une consĂ©quence du fait que vous faites quelque chose qui vous plaĂźt et que vous le faites correctement Â».

 

 

Cette femme et ses collĂšgues font partie des personnes qui rendent ces phrases concrĂštes. De 11h Ă  22h tous les jours de la semaine.

 

Je me suis senti tenu de lui parler un peu de moi. C’était un minimum. Le mĂ©tier que je faisais. Dans quelle ville j’habitais. Elle m’a Ă©coutĂ© avec attention. 

 

Il y a un stade oĂč ce n’est plus l’argent qui fait le monde

 

Alors que je restais discuter avec elle, pendant que son collĂšgue prĂ©parait mes plats, j’ai commandĂ© quelques pastels supplĂ©mentaires. Vu, que cette fois, il en restait quelques uns. J’ai aussi commandĂ© deux canettes de jus. Il s’agissait, aussi, d’en rapporter un peu Ă  la maison. Elle m’a fait cadeau des deux canettes comme des pastels supplĂ©mentaires. Evidemment, je les aurais payĂ©s sans nĂ©gocier.

 

AprĂšs avoir payĂ©, j’étais sur le dĂ©part lorsqu’ouvrant le rĂ©frigĂ©rateur, elle m’a tendu une petite bouteille de jus de gingembre. Il y a un stade de la relation dans la vie, oĂč mĂȘme entre inconnus, ce n’est plus l’argent qui fait le monde. L’argent (re)devient un masque ou un accessoire. Et il vaut alors beaucoup moins que ce qu’une personne nous donne volontairement. 

 

Ce soir-lĂ , sur la route du Tiep

 

Lorsqu’elle m’a fait cadeau de ces pastels et de ces deux canettes, je n’ai pas vu une commerçante habile qui tient Ă  fidĂ©liser un client qui lui Ă©tait sympathique. MĂȘme s’il faut aussi, lorsque l’on tient un commerce, et quand on tient Ă  une relation, savoir chouchouter celles et ceux que l’on veut garder. Et je ne doute pas qu’elle sait trĂšs bien faire ça.

Mais ce que j’ai vu, c’est surtout une personne qui « sait Â» que l’on se parle et que l’on se voit maintenant, mais que l’on ne sait pas lorsque l’on se reverra.

Et si l’on se reverra.

Alors, avant de se sĂ©parer, on “arme” comme on peut celle ou celui que l’on a croisĂ© pour la suite du trajet. 

Certaines personnes font des enfants pour conjurer ça. Mais, moi, ce soir-lĂ  et sur la route du Tiep qui m’avait ramenĂ© Ă  nouveau jusqu’à elle, et pendant quelques minutes,  j’ai Ă©tĂ© sans doute , un peu, un de ses enfants.

C’était ce week-end.

 

Franck Unimon, ce lundi 24 aout 2020.

 

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Argenteuil Corona Circus Voyage

Cette nuit : enterrement du mois de mars 2020 en beauté

 

                                                  Cette nuit

Cette nuit, j’ai dĂ» prendre ma voiture pour aller au travail. Je me suis un peu trop relĂąchĂ© hier soir quant aux horaires et j’ai ratĂ© le train. Le suivant arrivait une heure plus tard. Impossible de l’attendre pour ĂȘtre Ă  l’heure au travail.

 

C’était une PremiĂšre pour moi que de devoir prendre ma voiture pour aller au travail sur Paris.

Ce matin, je suis un peu fatiguĂ©. Mais ça n’est pas encore mon heure d’aller me coucher. 

En rentrant tout Ă  l’heure, j’avais prĂ©vu de « publier Â» quelques photos de Tags ou de graffitis pris en photo ces derniĂšres semaines et ces derniers mois jusqu’à ce matin en me rendant au travail ou en revenant. Et puis, finalement, pourquoi se limiter ? Cela fait des annĂ©es que je n’aime pas le mois de mars. Je le trouve trop long. Je n’aime pas cette pĂ©riode. Je vais enterrer ce mois de mars-ci en beautĂ©. Ce sera un peu mon ” We’re gonna chase those crazy baldhead out of town” ( Titre ” Crazy Baldhead” de Bob Marley). En crĂ©ole guadeloupĂ©en, on dirait :

” Nou Kay KrazĂ© Sa !”. ” FoutĂ© Sa An Bwa !”. 

 

Voici donc quelques photos prises entre le mois de Janvier de cette annĂ©e et ce matin en allant au travail ou en en revenant ou ailleurs ( avant le 16 mars 2020) .

Ce ne sont pas des photos du pĂ©riphĂ©rique. Ce sont des photos choisies en Ă©coutant l’album Live de 1991 de Manu Dibango et le titre Crazy Baldhead de Bob Marley en studio ainsi qu’en concert.

Si certaines de ces photos reviennent plusieurs fois, c’est parce-que je n’ai pas voulu choisir entre l’une ou l’autre. On revient bien plusieurs fois aux endroits que l’on aime bien.

 

Merci aux artistes ! Merci aux personnes prĂ©sentes.

Photos prises Ă  Argenteuil, dans la rĂ©gion d’Angers et Ă  Paris.

Franck Unimon, ce mardi 31 mars 2020.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Au conservatoire d’Argenteuil.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Cette galette s’appelle la ” Peggy”.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le danseur Dany ( ou Dani).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Argenteuil Cinéma

Les Cinglés du cinéma à Argenteuil

A Argenteuil, dans certains endroits, on entend et on voit rĂ©guliĂšrement une voiture de police. C’est ma fille qui me l’a fait remarquer tout Ă  l’heure. ça me rappelle un ami parti vivre depuis Ă  PondichĂ©ry qui, lorsqu’il habitait encore Sarcelles ( dans une citĂ© HLM), m’avait dit un jour :

“A Sarcelles, on entend tous les jours la sirĂšne d’une voiture de police !”. 

 On pourrait trĂšs facilement comptabiliser au  millimĂštre et Ă  la microseconde prĂšs toutes ces incivilitĂ©s et ces nuisances qui gĂȘnent ou inquiĂštent. Jouir du dĂ©sastre que l’on observe en permanence au microscope a ses avantages :

Cela donne un trĂšs fort sentiment d’invincibilitĂ© et de supĂ©rioritĂ©. On se sent trĂšs au dessus du lot. Si tout Ă©tait parfait, on se sentirait dĂ©soeuvrĂ© et inutile. Et on dĂ©primerait rapidement. Alors que lĂ , on a plusieurs combats Ă  mener afin de sauver et critiquer tout le monde qui nous entoure. MĂȘme si celui-ci, bien-sĂ»r, ne nous mĂ©rite pas.  

Mais laissons Ă  d’autres ce genre de pensĂ©e. Pendant que la police et d’autres services ( au moins sociaux et sanitaires) opĂšrent dans la ville d’Argenteuil (et d’ailleurs) celle-ci reste Ă  vivre. Prenons le temps de faire une pause. Ce week-end,  la foire internationale Les CinglĂ©s du cinĂ©ma se dĂ©roule Ă  nouveau Ă  Argenteuil. Le cinĂ©ma japonais est le thĂšme de cette 32 Ăšme Ă©dition. Nous y avons passĂ© trop peu de temps pour dĂ©tailler l’Ă©vĂ©nement. Mais assez pour prendre quelques photos. L’ambiance y Ă©tait dĂ©tendue et on n’y a entendu aucun bruit de sirĂšne de police. BientĂŽt, aura Ă  nouveau lieu au mĂȘme endroit, toujours Ă  Argenteuil, dans la salle des fĂȘtes Jean Vilar, Le Salon du livre et des lecteurs. Pour y ĂȘtre Ă©galement dĂ©ja allĂ© plusieurs fois, je crois que lĂ  aussi, on n’y entendra pas de sirĂšne de voiture de police. Sauf si c’est prĂ©vu dans l’animation de l’Ă©vĂ©nement.

 

Franck Unimon, ce samedi  25 janvier 2020. 

 

 

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Jours de grĂšve

 

                                                          Jours de grĂšve

 

 

Le mouvement des gilets jaunes a dĂ©butĂ© il y a un peu plus d’un an maintenant( CrĂ©dibilitĂ©).  

J’ai lu quelque part qu’il y aurait 8000 manifestations par an en France et que les faire “encadrer” par les forces de l’ordre coĂ»terait 150 millions d’euros Ă  l’Etat. Ce soir, je ne trouve pas mes “sources”. 

Depuis ce 5 dĂ©cembre 2019, la grĂšve des transports en commun en rĂ©gion parisienne a dĂ©butĂ©. LĂ , je n’ai pas besoin de sources. Comme beaucoup, je m’adapte Ă  cette grĂšve des transports en commun. Je m’estime nĂ©anmoins moins pĂ©nalisĂ© que d’autres par cette grĂšve- dure- des transports en commun :

Je peux me rendre Ă  mon travail Ă  vĂ©lo en une quarantaine de minutes. Je peux me doucher Ă  mon travail. Et un certain nombre de trains passe encore par Argenteuil Ă  certaines heures de la journĂ©e. Argenteuil reste mieux desservie que bien d’autres villes  de banlieue et mieux aussi que certains coins de Paris.

Depuis le dĂ©but de la grĂšve des transports, seules les lignes de mĂ©tro 1 et 14, les deux seules lignes entiĂšrement automatisĂ©es, ont vraisemblablement continuĂ© d’acheminer des passagers comme si de rien n’Ă©tait. La ligne 7 du mĂ©tro a pu ĂȘtre active au bout de quelques jours. Et j’ai entendu parler de la ligne 5, peut-ĂȘtre, Ă  certains endroits. Autrement, toutes les autres lignes de mĂ©tro sont actuellement “mortes”. 

Certains bus sont prĂ©sents. Et souvent bondĂ©s. Dans certaines rues de Paris, par moments, on peut ressentir une petite sensation de hĂąte, parmi tous ces piĂ©tons en surplus. C’est ce que j’ai ressenti avant les fĂȘtes de NoĂ«l Ă  la marche en me dirigeant vers la place Clichy depuis la gare St Lazare.

 

Pour moi, la raison de cette grĂšve prolongĂ©e des transports en commun parisiens est destinĂ©e Ă  protester contre la rĂ©forme des retraites. Le 5 dĂ©cembre, les personnels des Ă©coles et des hĂŽpitaux publics faisaient Ă©galement grĂšve. 

 

Je crois que la longĂ©vitĂ© de cette grĂšve des transports va changer l’Ă©tat d’esprit de quelques personnes : par exemple, dans mon service, plusieurs de mes collĂšgues viennent dĂ©sormais Ă  vĂ©lo au lieu de prendre les transports en commun. Un de mes collĂšgues m’a appris qu’il pouvait ĂȘtre trĂšs difficile de trouver un vĂ©lib. Il regrettait d’avoir choisi l’option d’avoir pris un abonnement aux vĂ©lib en prĂ©vision de la grĂšve. Il estimait qu’il aurait mieux fait de s’acheter un vĂ©lo.

J’ai appris par une collĂšgue que les gens faisaient la queue pour faire rĂ©parer leur vĂ©lo Ă  DĂ©cathlon. Cette collĂšgue n’a pas eu de chance : deux crevaisons en deux jours. Elle avait reçu son vĂ©lo neuf trois semaines plus tĂŽt. La premiĂšre fois, Ă  DĂ©cathlon, sa crevaison avait Ă©tĂ© rĂ©parĂ©e assez rapidement. La seconde fois, elle avait dĂ» attendre 3h30. ” C’est 30 minutes par vĂ©lo” selon les propos d’un des employĂ©s de l’enseigne. Cette grĂšve des transports doit rendre heureux les vendeurs de vĂ©los et de trottinettes .

 

Avant cette grĂšve, je n’avais jamais fait le trajet Ă  pied jusqu’au travail depuis la gare St Lazare. Pourtant, j’aime marcher. Mais la “facilitĂ©” des transports en commun et leur caractĂšre pratique m’ont souvent rattrapĂ©. MĂȘme si j’essaie de plus en plus de rompre avec cet espace d’enfermement que peuvent ĂȘtre le mĂ©tro, les couloirs du mĂ©tro ainsi que les contrĂŽles de ” titre de transport” et leurs auxiliaires  dissĂ©minĂ©s  : les portes de “validation”. 

Il est vrai que j’habite Ă  une distance “raisonnable” de mon lieu de travail. A environ 14 kilomĂštres. Si j’habitais Ă  Melun ou Ă  Cergy, je m’abstiendrais d’essayer de venir au travail Ă  vĂ©lo ou Ă  pied. 

 

En me rendant au travail Ă  pied depuis la gare St-Lazare, lorsque j’ai pris le train Ă  Argenteuil, j’ai parfois eu l’impression que certaines personnes Ă  vĂ©lo se sentaient particuliĂšrement privilĂ©giĂ©es par rapport Ă  nous, les piĂ©tons. Je me suis dit qu’il suffisait de peu pour se sentir avantagĂ© et aussi de trĂšs peu pour crever. Ce qui m’est arrivĂ© d’ailleurs quelques jours plus tard en rentrant du travail. J’ai fini mon parcours en marchant Ă  cĂŽtĂ© de mon vĂ©lo pendant deux kilomĂštres. Il faisait assez frais. Quelques cyclistes, dont une espĂšce de club ou d’association de cyclistes, m’a dĂ©passĂ© sans s’arrĂȘter. Je ne leur en ai mĂȘme pas voulu.

J’avais tout ce qu’il fallait dans mon sac pour rĂ©parer. Mais je suis assez peu manuel. Je me suis dit que le temps de trouver l’endroit de la crevaison et Ă©tant donnĂ© ma lenteur, j’avais plus de chances d’attraper une pneumonie.

Bon, j’ai quand mĂȘme fait le nĂ©cessaire pour prendre le temps de rĂ©parer ma crevaison deux ou trois jours plus tard. J’ai mĂȘme fait beaucoup mieux que ça :

AprĂšs avoir rĂ©parĂ© ma crevaison,  j’ai gonflĂ© ma chambre Ă  air. Mais je n’Ă©tais pas satisfait. Je l’ai gonflĂ©e davantage. Mais quelque chose me gĂȘnait. Je trouvais que le pneu ne restait pas assez gonflĂ©. Donc j’ai gonflĂ© encore un peu. La chambre Ă  air a Ă©clatĂ©. Je ne crois pas l’avoir (trop) gonflĂ©e. Je crois que cette chambre Ă  air avait fait son temps. Heureusement, j’avais une chambre Ă  air toute neuve de rechange avec moi. Et quand je l’ai gonflĂ©e, elle,  son comportement m’a satisfait. 

 

Le 10 et le 11 dĂ©cembre, j’ai pris les transports en commun pour aller Ă  Paris. Nous sommes le 29 dĂ©cembre mais mes photos ” dans” les transports en commun datent du 10 et du 11 dĂ©cembre. Je n’en n’ai pas pris d’autres depuis : je me suis peut-ĂȘtre dĂ©ja un peu “habituĂ©” Ă  cette grĂšve des transports.

Le 10 dĂ©cembre, je suis allĂ© Ă  Paris pour voir en projection de presse, le premier long mĂ©trage d’Abdel Raouf Dafri: Qu’un sang impur
  . Je suis allĂ© le voir avec une amie dont c’est l’anniversaire demain si je me souviens bien.

Cela aurait sĂ»rement Ă©tĂ© “mieux” d’avoir des photos plus rĂ©centes de cette grĂšve des transports en commun mais je me dis que c’est dĂ©ja “bien” d’en avoir quelques unes pour cet article. Avant que l’annĂ©e 2020 nous entraĂźne sur ses rails. Ce sont peut-ĂȘtre quelques uns des derniers clichĂ©s que j’ai pris avec mon Canon G9X Mark II que je crois avoir perdu car je ne le retrouve pas.  

Franck Unimon

A la gare St Lazare, ce 10 décembre 2019.

 

En chemin vers la projection de presse de ” Qu’un sang impur” d’Abdel Raouf Dafri. Comme on peut le voir, la grille de la station de mĂ©tro Miromesnil est baissĂ©e.

 

Au milieu de l’embouteillage, des personnes qui ont sans doute pris le parti de se dĂ©placer Ă  vĂ©lo.

 

 

 

 

 

AprĂšs la projection de presse de ” Qu’un sang impur”, sur les Champs ElysĂ©es, vers 18h/18h30 ce mardi 10 dĂ©cembre 2019.

 

Ce mardi 10 dĂ©cembre 2019 sur les Champs aprĂšs la projection de ” Qu’un sang impur”.

 

 

Aux Halles ce mercredi 11 dĂ©cembre 2019, c’est plutĂŽt rare, en pleine journĂ©e de voir cette station aussi “vide”. MĂȘme si j’ai un peu trichĂ© pour Ă©viter de prendre quelqu’un en photo, il y a toujours du monde Ă  cette station en pleine journĂ©e.

 

Les Halles, ce 11 décembre 2019.

 

Aux Halles, ce 11 décembre 2019.

 

Station Les Halles, le 11 décembre 2019.

 

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A l’Ă©cole de ma fille

 

A l’Ă©cole de ma fille

 

 

A l’Ă©cole de ma fille, il y a eu cette rĂ©union tout Ă  l’heure. La premiĂšre de l’annĂ©e, deux semaines aprĂšs la rentrĂ©e Ă  l’Ă©cole primaire. Nous Ă©tions environ une centaine de parents. Un papa pour quinze mamans en moyenne. L’Ă©quipe enseignante Ă©tait exclusivement fĂ©minine.

 

Je continue de m’Ă©tonner devant cette importante “migration” des enfants entre la petite section de maternelle et la fin de l’Ă©cole maternelle :

Un bon nombre des enfants qui Ă©tait dans la classe maternelle de ma fille a disparu de cette Ă©cole publique. Un certain nombre est parvenu Ă  se faire “recruter” par l’Ă©cole privĂ©e du coin placĂ©e Ă  dix minutes Ă  pied de lĂ . D’autres enfants sont partis continuer leur scolaritĂ© ailleurs, dans le public ou dans une autre ville de banlieue ou de province. La meilleure copine de ma fille est par exemple partie cet Ă©tĂ© pour Nantes avec ses parents.

 

Au Cp, ma fille est dans une classe de 27 enfants. Ils Ă©taient 29 Ă  son entrĂ©e en petite section de maternelle. En maternelle cette annĂ©e, une classe supplĂ©mentaire a Ă©tĂ© crĂ©Ă©Ă© in extremis et Ă  l’Ă©cole primaire la fermeture d’une classe a finalement pu ĂȘtre Ă©vitĂ©e.

 

InvitĂ©e en cela par la directrice de l’Ă©cole, une enseignante a pris la parole devant nous. Elle Ă©tait Ă  l’aise pour s’exprimer en public, se mettant devant l’assemblĂ©e, assise, de ses autres collĂšgues enseignantes, directrice incluse, pour parler devant nous. En quelques minutes, elle nous a expliquĂ© que la “spĂ©cificitĂ©” de cette Ă©cole, c’Ă©tait sa classe Ă  destination des enfants non-francophones. En maternelle, dĂšs la petite section,  j’avais dĂ©ja remarquĂ© un petit, sans doute ukrainien, qui ne parlait pas Français Ă  son entrĂ©e en maternelle. Je me rappelle de la directrice de l’Ă©cole maternelle d’alors ( nous en sommes Ă  la quatriĂšme nouvelle directrice pour cette mĂȘme Ă©cole maternelle) disant Ă  la mĂšre de cet enfant :

“Ce n’est pas un problĂšme. On lui apprendra Ă  parler le Français”.

L’annĂ©e derniĂšre, ce garçon Ă©tait dans la classe de ma fille. Il nous Ă©tait arrivĂ© de retour de l’Ă©cole de faire un peu de chemin avec lui et sa mĂšre. Je la croisais assez souvent et nous nous saluions.  Cette annĂ©e, je ne vois plus ce petit.

 

Devant nous, l’enseignante a expliquĂ© que cela Ă©tait “une grande richesse” que d’avoir des enfants qui ne parlaient pas Français. Pour les autres enfants.

En accord avec elle, des parents de ces enfants non-francophones Ă©taient venus Ă  l’Ă©cole, donnant par exemple un cours de cuisine Ă  la classe en Arabe. Ou s’exprimant en Moldave ou en Ukrainien. En outre, cela valorisait l’enfant qui voyait sa mĂšre ou son pĂšre “faire classe” Ă  l’Ă©cole.

 

Une mĂšre, peut-ĂȘtre originaire du Pakistan ou du Bangladesh, a ensuite demandĂ© comment on pouvait prendre rendez-vous avec le mĂ©decin scolaire. Elle a parlĂ© d’un enfant souffrant d’autisme et de la charge que cela pouvait reprĂ©senter pour la maitresse. La directrice a expliquĂ© qu’il y’avait une obligation lĂ©gale de recevoir tout enfant Ă  l’Ă©cole quel que soit son handicap. Et qu’il convenait de faire une demande Ă  la MDPH, souvent traduite par ” la maison du handicap”,  afin d’obtenir une AVS ( aide Ă  la vie scolaire).

 

La directrice de l’Ă©cole a prĂ©sentĂ© l’Ă©quipe pĂ©dagogique. Une des enseignantes nous a expliquĂ© que des enseignants assuraient l’Ă©tude et Ă©taient donc en mesure d’aider les enfants Ă  faire leurs devoirs.

 

La directrice de l’Ă©cole nous a informĂ© qu’il n’y avait plus de secrĂ©taire. Et qu’elle-mĂȘme fait classe les jeudis et vendredis. De ce fait, il est plus difficile d’ouvrir la porte aux retardataires. Il convient de prĂ©venir les maitresses au prĂ©alable lorsqu’un enfant se rend ou revient d’une consultation chez l’orthophoniste et de faire en sorte, autant que possible, que celui-ci parte Ă  sa consultation ou en revienne plutĂŽt lors de la rĂ©crĂ©ation. Elle a rappelĂ© les heures d’ouverture et de fermeture de l’Ă©cole. 8h30/11h30. 13h30/16h30. (Pas d’Ă©cole les mercredis et les samedis du moins au Cp )

 

La directrice a poursuivi en disant que laisser un message tĂ©lĂ©phonique en cas de problĂšme, c’est “bien” mais qu’il vaut mieux, aussi, laisser un mot dans le cahier prĂ©vu Ă  cet effet et que chaque enfant a Ă  sa disposition.

Elle a continuĂ© en informant que si un enfant a une maladie contagieuse, qu’il faut Ă©viter de l’emmener Ă  l’Ă©cole.

La directrice a aussi expliquĂ© comment voter lors des Ă©lections des parents d’Ă©lĂšves : il faut voter pour une liste et non pour une personne. Si l’on vote pour une seule personne, le vote est annulĂ©.

 

Une mĂšre qui fait partie de l’association des parents d’Ă©lĂšves a prĂ©sentĂ© un peu la FCPE. Elle a enjoint les parents prĂ©sents Ă  venir Ă  la prochaine rĂ©union prĂ©vue la semaine suivante ainsi qu’aux prochaines rĂ©unions. Elle a insistĂ© quant au fait que l’on pouvait venir quand on voulait et quand on le pouvait.

 

Ces diverses interventions se sont faites dans un contexte posĂ©. Les mots employĂ©s Ă©taient plutĂŽt simples et pĂ©dagogiques. Le dĂ©bit utilisĂ©, plutĂŽt tranquille. Mais je suis assez Ă  l’aise avec la langue française qui est ma premiĂšre langue. Et la situation ( ĂȘtre dans une rĂ©union parmi plein de gens que l’on ne connait pas alors que l’on sait que cet endroit peut ĂȘtre dĂ©terminant pour l’avenir de son enfant et aussi pour soi)  ne m’a pas stressĂ©. Je me suis nĂ©anmoins un peu demandĂ© si des efforts particuliers de comprĂ©hension avaient pu ĂȘtre nĂ©cessaires pour certains des parents prĂ©sents.

 

Ensuite, nous sommes sortis. Dans la cour de l’Ă©cole, chaque parent a rejoint la maitresse de son enfant. Et, c’est avec la maitresse que nous nous sommes retrouvĂ©s dans la classe de nos enfants, assis Ă  leur place. Certains parents Ă©taient avec leur enfant. D’autres, non.

 

La maitresse de notre fille a expliquĂ© comment ça se passait en classe. Elle  a expliquĂ© le programme de l’annĂ©e. Elle s’est montrĂ©e simple et disponible. Un petit garçon de sa classe, prĂ©sent avec son papa, intervenait rĂ©guliĂšrement pour poser une question ou faire une remarque.

La maitresse nous a demandé si nous avions des questions. Il y en a eu quelques unes. Puis, la maitresse a tenu à aborder certains sujets :

Eviter autant que possible les Ă©crans pour les enfants. Pas plus de vingt minutes par jour deux ou trois fois par semaine. Que ce soit Ă©cran de tĂ©lĂ©phone portable, Ă©cran d’ordinateur, console de jeux, tĂ©lĂ©vision. Elle a Ă©voquĂ© des Ă©tudes qui rĂ©vĂ©laient que la trop grande frĂ©quentation des Ă©crans empĂȘchait les enfants d’apprendre Ă  se concentrer mais aussi Ă  accepter la frustration. Elle nous a invitĂ© Ă , plutĂŽt, proposer Ă  nos enfants de s’amuser avec leurs jouets, de prĂ©parer avec nous des repas, ce qui leur permettrait d’apprendre beaucoup. J’ai suggĂ©rĂ© le dessin. Elle a acquiescĂ©. Elle a aussi dit que l’on pouvait laisser les enfants “s’ennuyer”. Il n’y a pas eu de protestation de la part des parents prĂ©sents.

 

Donner Ă  manger aux enfants avant qu’ils viennent Ă  l’Ă©cole. Autrement, en classe, “ils dorment…” a-t’elle expliquĂ©. Et pour les enfants qui disent qu’ils n’ont pas faim, voir ce qu’ils aiment manger. Et pas des bonbons.

 

Signer le cahier de devoirs mais pas uniquement le signer. S’assurer que les devoirs ont bien Ă©tĂ© faits. Faire faire les devoirs ” sans conflit”. Pas plus de vingt minutes en semaine. Voire trente minutes pendant le week-end.

 

Rappeler aux enfants d’aller faire pipi au moment de la rĂ©crĂ©ation ou avant d’aller Ă  l’Ă©cole. Un certain nombre d’enfants manifeste son envie de pipi pendant la classe. Or, les toilettes sont loin et elle ne peut pas laisser un enfant se rendre seul dans les toilettes. Alors, quand cela est indispensable, elle demande Ă  un autre enfant de l’accompagner, souvent un CE1 pour un enfant de sa classe de CP. Et lorsqu’il y a des accidents, elle a des vĂȘtements de rechange qu’elle nous demande de bien vouloir laver et de lui restituer ensuite.

 

Les enfants doivent plutĂŽt ĂȘtre couchĂ©s Ă  21h au plus tard car ils sont ” en pleine croissance”. Maintenant, si l’on rentre tard du travail, on fait comme on peut.

 

Ces quelques rĂšgles de vie nous Ă©taient familiĂšres. Mais j’ai vu dans la nĂ©cessitĂ© de leur rappel le fait que ces rĂšgles Ă©taient encore Ă©trangĂšres Ă  un certain nombre de parents de cette Ă©cole, de cette ville oĂč nous habitons, et sans aucun doute dans d’autres endroits en France. Certainement que lorsque l’on vit par exemple dans le monde de P’TiT Quinquin ( voir l’article sur la sĂ©rie de Bruno Dumont P’TiT Quinquin et Coincoin et les Z’inhumains ) dans celui dĂ©peint par Romain Gavras dans son film Le Monde est Ă  toi ou dans celui dĂ©crit par Oxmo Puccino dans son titre Peu de Gens Le Savent que ce genre de rĂšgles peut ressembler Ă  de la masturbation intellectuelle, Ă  une peine de prison ou Ă  de la mĂ©taphysique.

 

La maitresse a insistĂ© quant au fait qu’elle avait besoin des parents pour que les enfants rĂ©ussissent bien Ă  l’Ă©cole. Aucun parent prĂ©sent ne l’a contredite.

Elle nous a dit qu’elle serait toujours disponible pour nous recevoir en cas de besoin. Qu’il fallait seulement la prĂ©venir.

Elle a aussi prĂ©cisĂ© qu’en cas de mĂ©contentement Ă  son Ă©gard, qu’il valait mieux venir en discuter avec elle plutĂŽt que de garder ça pour soi. Avec un grand sourire, elle nous a dit :

“Je peux encaisser”. Le pĂšre du petit garçon qui intervenait souvent a alors dit:

“C’est bien, ça, de pouvoir encaisser “.

 

Ce soir, j’ai dĂ©cidĂ© d’Ă©crire cet article en prioritĂ©. A l’origine,  j’avais plutĂŽt prĂ©vu d’Ă©crire sur le film De sable et de feu rĂ©alisĂ© par Souheil Ben Barka qui sortira ce 18 septembre 2019 ainsi que sur le film Une fille facile rĂ©alisĂ© par Rebecca Zlotowski ( en salles depuis ce 28 aout 2019).

 

Car j’ai tenu, de nouveau, Ă  saluer le travail de toutes ces enseignantes et enseignants de l’Ă©cole publique impliquĂ©s Ă  l’image de la maitresse de l’Ă©cole de ma fille cette annĂ©e ainsi que les annĂ©es prĂ©cĂ©dentes et futures. 

 

L’Ă©cole publique va mal. Au mĂȘme titre que l’hĂŽpital public. Et la police. Cela fera grimacer certaines et certains de voir associer l’Ă©cole publique, l’hĂŽpital public et la police. Car s’il est des institutions que l’on veut souvent remercier – mĂȘme s’il est aussi des expĂ©riences trĂšs contrariantes Ă  l’Ă©cole et Ă  l’hĂŽpital- il est aussi des institutions que l’on veut ou que l’on a besoin de dĂ©tester. Ce soir, si je rajoute le mot “police” Ă  cet article, c’est sans aucun doute parce-que j’ai lu le livre de FrĂ©dĂ©ric Ploquin La Peur a changĂ© de camp 2Ăšme partie . Lequel livre m’a aidĂ© Ă  mieux comprendre, malgrĂ© certains travers de la police, comment une Ă©cole, un hĂŽpital et une police qui vont et font “mal” dĂ©coulent d’une sociĂ©tĂ© qui va mal ou qui a fait et qui fait des mauvais choix politiques, sociologiques, Ă©conomiques et donc, Ă©cologiques.

 

Tout Ă  l’heure, j’ai Ă©tĂ© Ă  nouveau marquĂ© par cet enthousiasme des enseignantes rencontrĂ©es malgrĂ© les conditions de travail et les difficultĂ©s diverses qu’elles peuvent vivre. La maitresse de notre fille est restĂ©e avec nous jusqu’Ă  dix neuf heures vingt voire dix neuf heures trente. AprĂšs la rĂ©union qui avait dĂ©butĂ© vers dix huit heures, elle Ă©tait encore disponible dans la cour de l’Ă©cole pour rĂ©pondre aux parents qui la sollicitaient. Ses autres collĂšgues Ă©taient sans doute encore prĂ©sentes dans l’Ă©cole. Et ce sont , elles aussi, des femmes et des mĂšres qui ont une vie personnelle et qui, comme la plupart d’entre nous, les vendredis soirs et d’autres soirs de la semaine, aspirent aussi Ă  quitter leur travail. Pourtant, ce soir encore, j’ai trouvĂ© chez la maitresse de ma fille, cette attitude assez frĂ©quente de la professionnelle qui vous donne beaucoup et qui, nĂ©anmoins, donne l’impression de douter d’en avoir suffisamment fait et donnĂ© comme d’avoir Ă©tĂ© suffisamment claire avec vous lorsque vous l’avez interrogĂ©e. Et, pendant ce temps-lĂ , dans la vie courante ou dans certaines administrations des personnes habilitĂ©es en principe Ă  vous recevoir et Ă  vous renseigner vont vous envoyer chier ou vous baragouiner des rĂ©ponses sans queue ni tĂȘte sans dĂ©codeur !

 

J’ai aussi Ă©tĂ© marquĂ© par ce dĂ©calage qui semble permanent, entre, d’un cĂŽtĂ© ces parents jamais contents et jamais satisfaits de l’Ă©cole, et, de l’autre cĂŽtĂ©, ces enseignants pourtant dĂ©vouĂ©s qui font de leur mieux. Le pire Ă©tant qu’il n’y a pas de morale Ă  cela :

On peut ĂȘtre un parent conciliant et pĂątir de l’incomprĂ©hension du corps enseignant. Comme on peut ĂȘtre un parent chiant et obtenir une certaine considĂ©ration de ce mĂȘme corps enseignant que l’on sera prĂȘt Ă  critiquer et Ă  dĂ©voyer Ă  la moindre contrariĂ©tĂ©.

 

Franck Unimon

 

 

 

 

 

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Par la bouche

Par la bouche

 

 

 

«  Vous ĂȘtes sĂ©nĂ©galaise ? »

  • Oui. Et malienne, aussi.

 

Deux noires africaines en boubou traditionnel viennent de me rejoindre devant le stand de cette femme traiteur. L’une est noire de peau, l’autre, plus ĂągĂ©e, a la peau claire.  Je me dis que leur prĂ©sence m’assure de la qualitĂ© du Thiep’. Avant mĂȘme que l’une d’entre elles ne fasse subir un contrĂŽle d’identitĂ© Ă  la vendeuse.

Il y’a principalement des femmes qui attendent d’ĂȘtre servies maintenant. Il est bientĂŽt midi. Lorsque je suis venu quelques minutes plus tĂŽt, un homme noir, peut-ĂȘtre un compatriote antillais, passait commande.

 

Alors qu’il fait chaud aujourd’hui, vers 11h, j’ai eu l’idĂ©e d’aller faire des courses sur le marchĂ© d’Argenteuil. Ma derniĂšre venue ici date de plusieurs mois. Nous avons diminuĂ© notre consommation de viande et de poissons. Nous avons aussi diversifiĂ© nos lieux d’achats alimentaires.

 

Le volailler « chez » qui j’achĂšte habituellement est en vacances. Son long stand est vide. Comme sont vides d’autres stands. Nous sommes encore au mois d’aoĂ»t.

Je me suis rabattu sur une boucherie hallal oĂč j’ai repĂ©rĂ© des poulets fermiers. J’évite leurs poulets hallal tout blancs qui me semblent sortis de la machine Ă  laver. Dix ans plus tĂŽt, j’avais dĂ©jĂ  achetĂ© du poulet hallal dans un autre commerce de la ville. J’en ai gardĂ© le souvenir d’un poulet au goĂ»t fade.

Les poulets hallal de cette boucherie ont manifestement leur succĂšs auprĂšs d’une clientĂšle sans doute musulmane. Et puis, ces poulets  sont moins chers. 3,99 euros le kilo. A cĂŽtĂ© de moi, un  homme en prend deux ou trois.

 

La boucherie hallal  du marchĂ© oĂč j’aime habituellement acheter de temps Ă  autre de la bavette d’aloyau et des cĂŽtes d’agneau est bien lĂ . Mais il n’y’a plus de bavette ni de cĂŽtes d’agneau. Ces viandes font partie de leurs piĂšces de choix et, gĂ©nĂ©ralement, Ă  cette heure-ci, en fin de matinĂ©e, il n’y’en n’a plus. MĂȘme au mois d’aoĂ»t. Reste du bƓuf et quelques piĂšces de gigot d’agneau. Il n’y’a plus grand monde devant leur Ă©talage. Ils sont plusieurs vendeurs dĂ©sormais inactifs comme Ă©chouĂ©s et attendant la prochaine vague qui ne viendra plus et ils le savent. C’est la dĂ©prime.

Je me fais confirmer qu’il n’y’a plus ce que je cherche. MalgrĂ© la suggestion du vendeur, je dĂ©cline poliment. Je regarde Ă  peine les quelques morceaux de viande exposĂ©s. Et je repars avec mon sac isotherme dans lequel j’ai mis trois pains de glace et ma bouteille d’eau.

 

 

La femme traiteur africaine ne prend pas la carte bancaire. Je ne la connaissais pas. Et quelques minutes plus tÎt, je suis  venu sans espÚces :

J’ai perdu le rĂ©flexe d’en prendre un peu au distributeur prĂšs de chez moi avant de venir sur le marchĂ©. Souvent, les jours « du marchĂ© d’Argenteuil », sur le boulevard HĂ©loĂŻse, surtout les dimanches, les gens font la queue devant les distributeurs les plus proches du centre-ville, rue Gabriel PĂ©ri. La rue qui permet l’entrĂ©e dans Argenteuil depuis le pont d’Argenteuil et qui mĂšne pratiquement en ligne droite Ă  la mairie et Ă  la mĂ©diathĂšque tout au bout deux cents ou trois mĂštres plus loin. Le lieu Ă©colo-responsable Smile ( Il fait beau) qui a ouvert le mois dernier se trouve alors tout proche.

Les gens peuvent venir d’assez loin, en voiture, en bus ainsi que par le train pour aller Ă  ce marchĂ©.

 

 

Sur le marchĂ© d’Argenteuil, La femme traiteur prend les tickets restaurants et les espĂšces. Je n’ai ni l’un ni l’autre. Alors, sous le soleil, je dois repartir jusqu’au distributeur le plus proche. J’ai de la chance. Les distributeurs sont libres. L’effet mois d’aout peut-ĂȘtre plus que celui de la chaleur, je pense. D’ailleurs, je repense maintenant Ă  l’agence HSBC- qui n’avait pas de distributeurs extĂ©rieurs- qui a fermĂ© ses portes il y’a Ă  peu prĂšs un an maintenant. Un indice sans doute de la « pauvreté » Ă©conomique de cette ville et de sa population. D’une partie de sa population. Car il y’a des gens plutĂŽt aisĂ©s Ă  Argenteuil. Mais ils sont gĂ©nĂ©ralement discrets et sans doute entre eux. MĂȘme si on en croise trĂšs certainement sur le marchĂ© d’Argenteuil par exemple ou Ă  la ferme du Spahi, autre « institution » argenteuillaise en matiĂšre de commerce de bouche Ă  prix attractif. Ou au LIDL :

Une des fois oĂč je suis allĂ© au LIDL de Sannois,  à la limite d’Argenteuil, une Porsche Cayenne est arrivĂ©e sur le parking.

Des commerces comme le marchĂ© d’Argenteuil, la ferme du Spahi ou Lidl sont des commerces qui peuvent faciliter les moindres dĂ©penses. Mais il faut pouvoir s’y rendre. En voiture, en transports, Ă  vĂ©lo ou Ă  pied. Et le souhaiter. La facilitĂ© Ă©tant d’aller faire ses achats dans le supermarchĂ© le plus proche, ce dont Argenteuil est particuliĂšrement bien pourvu. Avec les Kebabs dans le centre-ville.

 

 

7 euros pour une barquette de Thiep’ au poisson et 6,50 euros pour une barquette de Thiep’ au poulet. Vu que nous sommes deux adultes et un enfant, par prudence et aussi par curiositĂ©, je prends deux barquettes de Thiep’ au poisson et une au poulet. Jusqu’à l’annĂ©e derniĂšre, je croyais que le Thiep Ă©tait uniquement au poisson. J’ai Ă©tĂ© initiĂ© au Thiep’ et aux pastels il y’a bientĂŽt trente ans par une amie, BĂ©a, mariĂ©e Ă  un Cap-Verdien. Les pastels, ici, n’ont rien Ă  voir avec le dessin ou avec  la peinture. Ou alors il s’agit des couleurs du plaisir alimentaire qui se forme dans la bouche avec ce plat qui peut faire un peu penser extĂ©rieurement Ă  la Brick des Arabes.

 

 

Sur le marchĂ©, la femme traiteur a rempli consciencieusement les barquettes individuelles. J’accepte aussitĂŽt avec gourmandise le piment qu’elle me propose. MĂȘme si nous en avons dĂ©jĂ  du bon Ă  la maison. Oui, c’est elle qui le fait.

 

A la maison, j’apprendrai qu’une barquette «  individuelle » aurait pleinement suffi  pour deux adultes.

Le Thiep’ est bon. Sauf pour notre fille qui le trouvera trop Ă©picĂ© alors qu’elle a dĂ©jĂ  mangĂ© du boudin antillais. Et qui trouvera la couleur du plat « bizarre ». Elle ne reconnaĂźtra pas le riz.

Sa mĂšre et moi nous dĂ©lecterons du plat avec l’assurance de celle et de celui qui savent. Peut-ĂȘtre notre fille le regrettera t’elle dans quelques annĂ©es. Mais nous sommes tous passĂ©s par lĂ .

 

 

Sur le marchĂ©, je suis allĂ© saluer C
.le doyen des commerçants sur le marchĂ©. Il vend des fruits. Je trouve qu’il a maigri mais ne lui en dis rien. Il a dĂ» perdre une bonne dizaine de kilos.

L’annĂ©e derniĂšre ou plutĂŽt il y’a deux ans, je lui avais dit que j’aimerais bien qu’il me parle du marchĂ© d’Argenteuil tel qu’il l’a connu depuis cinquante ans. Il  m’en avait un peu parlĂ©, avait acceptĂ© en prĂ©cisant :

 

« Je ne fais pas de politique ! ». Et puis, j’ai laissĂ© passer le temps.  Tout Ă  l’heure, je lui ai reparlĂ© de ça. Il m’avait sans doute oubliĂ©. En cinquante ans, sur un marchĂ©, on voit tellement de monde. Mais il a de nouveau acceptĂ© de me raconter en me disant de venir plutĂŽt un vendredi. Car «  le dimanche, il y’a trop de monde ». Il sera lĂ  Ă  partir de 7h le matin. C
. doit avoir entre 70 et 80 ans.

 

 

Il est une trĂšs bonne boucherie dans la rue Paul Vaillant Couturier en dehors du marchĂ© d’Argenteuil. TrĂšs bonne et assez chĂšre. J’y suis dĂ©jĂ  allĂ© plusieurs fois. Une de ses particularitĂ©s est d’avoir une clientĂšle exclusivement « blanche» chaque fois que j’y suis allĂ© ou suis passĂ© devant. Cette boucherie semble ĂȘtre faite d’un autre monde. C’est comme passer une frontiĂšre. Pourtant, ce monde fait bien partie d’Argenteuil. Et j’y ai toujours Ă©tĂ© bien servi avec un Ă©vident professionnalisme.

La boucherie est encore ouverte ce dimanche quand je rentre du marchĂ©. J’y entre pour y acheter un autre poulet. Sur ma lancĂ©e, je demande au petit boucher qui me sert quand cette boucherie a-t’elle Ă©tĂ© ouverte. Il ne sait pas mais ça fait longtemps ! Arrive le patron oĂč celui que j’ai toujours considĂ©rĂ© comme tel. Il est assez grand, bien plus grand que moi. MĂȘme question :

« Les murs datent de 1890
. ». Il m’explique qu’avant, les fourrages avec les poulets se trouvaient derriĂšre la boucherie. Et, avec son corps, il m’indique l’endroit.

Je suis époustouflé. 1890 !

Il m’apprend que la boucherie est le plus ancien commerce du centre-ville. Qu’il a vu le « changement » Ă  Argenteuil. Je comprends qu’il est maussade Ă  ce sujet et que cela est trĂšs sensible.

Il accepte de me rĂ©pondre que cela fait trente ans qu’il est dans cette boucherie et que cela fait onze ans qu’il en est le patron. Cela ne se voit pas sur mon visage lorsqu’il me dit ça mais je devine que lui et moi  sommes sans doute du mĂȘme Ăąge. En 1989, j’avais 21 ans.  On peut trĂšs bien ĂȘtre apprenti-boucher-charcutier avant ses 20 ans. Je m’abstiens de m’épancher sur ces sujets devant lui.

 

Je lui dis que j’aimerais bien qu’il me raconte. Tout en sortant de la boutique, il me rĂ©pond : « On me l’a dĂ©jĂ  demandé  ». Et puis, je ne le revois plus. Je repasserai peut-ĂȘtre. Mais je n’insisterai pas forcĂ©ment pour en savoir plus sur les raisons de son amertume. C’est une affaire privĂ©e. Or, je n’ai pas envie de l’embarrasser avec mon article. Moi, la seule boucherie que je possĂšde Ă  ce jour, la seule volaille que je connaisse Ă  peu prĂšs, c’est celle de mes phrases. Et cette boucherie ne me fait pas vivre. Alors que lui, il doit sa vie Ă  cette boucherie.

 

 

Franck Unimon, dimanche 25 aout 2019.