Dune un film de Denis Villeneuve
« Tant de Pouvoir dans un mĂąle » ; « Les rĂȘves sont des messages de profondeur » ; « Un empereur dangereusement jaloux » ; « Son regard sâaiguise Ă peine quâil descend dĂ©jĂ dans lâarĂšne » ; « La main de Dieu perturbe notre systĂšme de communication » ; « Le dĂ©sert prend les faibles » ; « Il a implantĂ© des superstitions » ; « Jâaurais dĂ» tâĂ©pouser ». « On tamise les gens comme on tamise le sable ».
Lâadaptation cinĂ©matographique de lâĆuvre de Frank Herbert (1964) par le rĂ©alisateur Denis Villeneuve est apparue sur beaucoup dâĂ©crans en France ce mercredi 15 septembre 2021. Câest le trĂšs gros Ă©vĂ©nement cinĂ©matographique de la rentrĂ©e et je suis allĂ© le voir dĂšs la premiĂšre sĂ©ance de 8h55. La grande salle Ă©tait pleine.
Ces derniĂšres annĂ©es, on mentionne rĂ©guliĂšrement le rĂ©alisateur Christopher Nolan comme Ă©tant celui qui sait alterner films grand public et films dâauteur. Devant le Dune de Villeneuve, je me suis avisĂ© que celui-ci faisait beaucoup mieux.
Je nâai pas tentĂ© de lire lâĆuvre Frank Herbert. Jâavais plusieurs fois entendu dire quâelle Ă©tait inadaptable. Jâavais vu avec plusieurs annĂ©es de retard lâadaptation de David Lynch qui, en 1984, Ă©tait dĂ©ja devenu un rĂ©alisateur qui compte. Jâavais lu des avis mitigĂ©s sur le film de Lynch estimant quâil Ă©tait un « nanar ». Je me rappelle du chanteur Sting, nimbĂ© de son statut de star au sein du groupe de musique Police, y tenant un rĂŽle de mĂ©chant. Et dâune scĂšne cruelle dont Lynch, une fois de plus, avait su magnifier le sadisme. Il me reste donc des impressions de ce film et je mâen souviens un petit peu plus que beaucoup dâautres films que jâavais vus par la suite.
Je cite ces trois rĂ©alisateurs de rĂ©fĂ©rence que sont Villeneuve, Nolan et Lynch car ces vingt derniĂšres annĂ©es, ils ont pour eux dâavoir su concilier lâesthĂ©tisme agressivement sĂ©duisant de notre Ă©volution avec celui de nos infirmitĂ©s. InfirmitĂ©s dans lesquelles, malgrĂ© beaucoup dâefforts et dâespoirs, nous demeurons souvent enfermĂ©s.
On a sans doute devinĂ© en lisant cet article que je prĂ©fĂšre dĂ©sormais la filmographie de Villeneuve Ă celle de Nolan qui avait rĂ©alisĂ© la grosse production qui avait Ă©tĂ© lâĂ©vĂ©nement cinĂ©matographique quelques mois aprĂšs la sortie de notre premier confinement du Ă la pandĂ©mie du Covid :
Tenet était sorti le 26 aout 2020.
Tenet avait beaucoup plu et trĂšs « bien marchĂ© » au cinĂ©ma. Mais, dĂšs ses dĂ©buts, dans la salle, son magnĂ©tisme supposĂ© nâavait pas opĂ©rĂ© sur moi. MĂȘme si lâacteur Robert Pattinson mâavait fait une bien meilleure impression que lâacteur principal John David Washington, nouvelle star du cinĂ©ma depuis son rĂŽle dans le film de Spike Lee (BlacKkKlansman : Jâai infiltrĂ© le Ku Klux Klan, 2018) et fils de Denzel Washington.
Lorsque je pense aux quelques films de Villeneuve que jâai pu voir jusquâĂ maintenant Ă leur sortie au cinĂ©ma, je ne trouve pas, parmi eux, de films ratĂ©s :
Incendies, Enemy, Sicario, Premier Contact, Blade Runner 2049.
Villeneuve sait, selon moi, aborder les grandes questions morales de notre époque en y associant le sens du spectacle. Sans devenir la réclame publicitaire de ce spectacle.

Jâaurais donc dĂ» ĂȘtre content et me sentir privilĂ©giĂ© ce mercredi matin de pouvoir, une fois de plus, partir au cinĂ©ma alors que je prenais les transports en commun avec beaucoup de personnes qui partaient travailler. Sauf que ce mercredi 15 septembre 2021, câĂ©tait aussi Le Grand jour dans un autre domaine, plus rĂ©el. Et, surtout, plus immĂ©diat.
A compter de ce 15 septembre 2021, lâEtat condamnait lĂ©galement Ă la suspension et Ă la sanction Ă©conomique certains des hĂ©ros de lâan passĂ© lors de la pandĂ©mie du Covid :
Les soignants qui persistaient Ă refuser de se faire injecter les vaccins actuels contre le Covid.
Et, moi-mĂȘme, longtemps rĂ©calcitrant et encore dans le doute concernant ce que jâavais finalement acceptĂ© de me faire injecter dans le deltoĂŻde deux jours plus tĂŽt, je ne devais la possibilitĂ© de cette sortie au cinĂ©ma que parce-que je disposais depuis du rĂ©sultat dâun test antigĂ©nique au Covid dâune durĂ©e lĂ©gale de deux ou trois jours. Et, comme la plupart des spectateurs et des passagers rencontrĂ©s en me rendant Ă cette sĂ©ance, depuis lâannĂ©e derniĂšre, dans les lieux publics, je portais Ă©galement sur le visage un masque anti-Covid.
Ce contexte nâempĂȘche pas de regarder un film. Mais il peut ĂȘtre utile de le prĂ©ciser quand on en parle ensuite. Puisque ce qui nous concerne personnellement affecte ensuite directement notre façon de voir un film, de lire, et, bien-sĂ»r, notre façon de vivre.
DÚs le début de Dune, je me suis dit :
« A la fin du film, je retourne le voir une seconde fois ». CâĂ©tait la premiĂšre fois depuis longtemps que je nâavais pas eue une telle volontĂ©. Au cinĂ©ma, il est quelques films que je suis retournĂ© voir plusieurs fois :
Le Grand Bleu de Luc Besson ; Le premier Matrix des ex-frĂšres Wachowski ; La trilogie Pusher de Nicholas Winding Refn. Ensuite, il est un autre film que jâavais vu une fois au cinĂ©ma Ă sa sortie, dans une salle dĂ©serte, aux Halles, et dont lâattrait sur moi sâest accru Ă mesure que je lâai revu. Dâabord en dvd puis en Blu-ray. Under The Skin de Jonathan Glazer.
Il est dâautres films, comme des livres, que jâai vus et lus une seule fois et qui mâont pourtant beaucoup marquĂ©. Tels, par exemple, des films de Kieslowski, Kitano, Lynch, Spike Lee, Dumont. Ou un livre comme La Supplication de Svetlana Alexievitch, lors de sa parution, des annĂ©es avant son Prix Nobel de littĂ©rature. Des livres de Chester Himes, Richard WrightâŠ
Mais il est seulement quelques films, pour lâinstant, que je suis allĂ© voir plusieurs fois. Et, spontanĂ©ment, Dune sâest retrouvĂ© sur cette liste. Je ne lâai pas fait finalement. Non en raison de sa durĂ©e (2h35). Ces 2h35 passent comme un fil. On ne les subit pas. Mais parce-que, comme souvent, avant dâaller voir un film, jâaime ĂȘtre « vierge » (cette remarque avait fait grimacer une attachĂ©e de presse il y a plusieurs annĂ©es) et en savoir le moins possible.
Jâignorais donc en allant voir Dune quâil y aurait une suite. Câest uniquement Ă la fin du film que jâai compris que le Dune de Villeneuve allait sĂ»rement ĂȘtre lâĂ©quivalent de la trilogie Le Seigneur des anneaux rĂ©alisĂ©e par Peter Jackson dans les annĂ©es 90. Trilogie dont chaque volet, si je me souviens bien, durait aussi prĂšs de trois heures.
Certaines personnes feront peut-ĂȘtre une analogie avec le succĂšs des Harry Potter qui a comptĂ© prĂšs dâune dizaine dâadaptations cinĂ©matographiques. Mais hormis la toute premiĂšre adaptation cinĂ©matographique que jâavais vue Ă sa sortie, qui mâavait plutĂŽt plue, et ne mâavait jamais laissĂ© penser quâil yâaurait ensuite un « phĂ©nomĂšne » Harry Potter dans les salles quâen librairie, jâai peu suivi ces rĂ©alisations. MĂȘme si ma prĂ©fĂ©rĂ©e reste celle dâAlfonso Cuaron avec Harry Potter et Le Prisonnier dâAzkaban ( 2004).
Quâest-ce que jâai aimĂ© tout particuliĂšrement dans le Dune de Villeneuve ?
DĂšs le dĂ©but, le dĂ©coupage de lâespace. La mise en scĂšne. Villeneuve a fait de son film une poly-scĂšne de théùtre. Le théùtre palpable, au sens organique, dans « son » Incendies (2010) adaptĂ© de lâĆuvre théùtrale de Wadji Mouawad– que je nâai pas vue- se retrouve dans « son » Dune. Villeneuve pose ses scĂšnes. Nous sommes plusieurs fois entre la photo et le tableau.
Il y a du dĂ©sert et des deuils dans Incendies. Il y en a aussi dans Dune. Les femmes sont porteuses et fortes dans Incendies. Elles le sont aussi dans Dune. Dans dâautres rĂ©alisations intermĂ©diaires de Villeneuve, aussi.
Quoi dâautre ? On parle beaucoup de la voracitĂ© de lâĂ©conomie libĂ©rale et dâĂ©cologie dans Dune. Cela nous rappelle nos Ă©chĂ©ances prĂ©sentes devant le rĂ©chauffement climatique, la rarĂ©faction de lâeau encore abstraite dans les pays riches. Mais aussi nos comportements et nos certitudes acquises mais aussi contraintes.
Le sĂ©dentarisme dĂ©mesurĂ© et urbanisĂ© de nos vies est ici exposĂ© comme une vulnĂ©rabilitĂ© mortelle. Ce sont plutĂŽt les nomades ou celles et ceux qui sâapparentent Ă des sortes de Touaregs (les « Fremen » comme « Free Men » ?) qui semblent plus Ă mĂȘme de vĂ©ritablement faire leurs choix. Et de vivre.
Dans Dune, on parle aussi de Savoirs ancestraux connus et crus par certains, ignorĂ©s par dâautres. Mais aussi de la peur qui est peut-ĂȘtre une de nos plus grandes Croyances. Et, question croyance en nos peurs, nous sommes nombreux Ă ĂȘtre encore beaucoup plus fervents et partisans que dâhabitude depuis la pandĂ©mie du Covid. Ce qui est bien pratique pour certaines politiques et techniques managĂ©riales.
On aimerait pouvoir agir sur nos peurs comme le hĂ©ros, Paul Atreides (interprĂ©tĂ© par TimothĂ©e Chalamet ) et sa mĂšre, Lady Jessica ( lâactrice Rebecca Ferguson) le font. Mais Ă les voir, on comprend aussi quâapprendre Ă se sĂ©parer de nos peurs est le rĂ©sultat dâun entraĂźnement et de toute une Ă©ducation. Cela ne sâimprovise pas. « Notre projet tient sur des siĂšcles » dit un personnage plutĂŽt impitoyable dans le film.
Jâai beaucoup aimĂ© lâattention portĂ©e par Villeneuve aux diffĂ©rents langages ainsi quâaux codes culturels. Une scĂšne trĂšs drĂŽle avec Javier Bardem en sera un des exemples. NĂ©anmoins, savoir parler dans la langue quâil convient au bon moment peut sauver. Ou tuer.
Jâai trouvĂ© au personnage de Paul Atreides des airs de Lawrence dâArabie. Et son nom me fait aussi penser Ă lâhistoire de lâAtlantide. On ne peut, aussi, que le rapprocher Ă©videmment du jeune Skywalker, puisquâil est aussi impossible de ne pas citer le Star Wars de Georges Lucas, dâune façon ou dâune autre, devant Dune. Et, bien-sĂ»r, pendant quâon y est (mais cela avait dĂ©jĂ Ă©tĂ© partiellement fait) le Blade Runner de Ridley Scott.
De toutes façons, dans Dune, on trouve- pour le meilleur- plusieurs des actrices et acteurs tant europĂ©ens quâanglo-saxons qui ont rencontrĂ© au moins ces dix derniĂšres annĂ©es une certaine popularitĂ© au travers du cinĂ©ma (dâauteur ou de cinĂ©ma grand public) ou de certaines sĂ©ries tĂ©lĂ©visĂ©es :
Les Gardiens de la Galaxie, Game Of Thrones, des films des frĂšres Coen. On peut mĂȘme dĂ©celer une allusion Ă La Servante Ecarlate.
Cependant, toutes ces rĂ©fĂ©rences, et bien dâautres que jâai oubliĂ©es ou qui sont bien lĂ mĂȘme si je ne les vois pas, nâempĂȘchent pas de voir que Villeneuve a livrĂ© lĂ un film- de plus- qui sort du lot.
Dune mâa tellement plu que lorsque le gĂ©nĂ©rique de fin est arrivĂ© et que jâai compris quâil y aurait une suite, que je me suis inquiĂ©tĂ© du fait quâil nâarrive quelque chose Ă son rĂ©alisateur qui lâempĂȘche de nous montrer le reste.
Ensuite, je suis allĂ© voir Shang-Chi Et La Legende des dix anneaux de Destin Daniel Creton. Parce-que le film bĂ©nĂ©ficiait de bonnes critiques. Parce quâun film de Super-hĂ©ros avec Tony Leung Chiu Wai (son rĂŽle dans A Toute epreuve de John Woo me lâa dĂ©finitivement attachĂ©. Peut-ĂȘtre aussi que le suicide de lâacteur Leslie Cheung , il y a plusieurs annĂ©es, y est en partie pour quelque chose) et Michelle Yeoh ne se refuse pas.
Je parlerai bientĂŽt de ce film mais le voir aprĂšs Dune a Ă©tĂ©âŠ. Ă son dĂ©savantage.
Franck Unimon, ce samedi 18 septembre 2021.
Une réponse sur « Dune-un film de Denis Villeneuve »
[…] Le test Ă©tant nĂ©gatif, jâen ai profitĂ© pour aller au cinĂ©ma voir quelques films ( dont Dune-un film de Denis Villeneuve). A partir de ce 15 octobre 2021, les tests antigĂ©niques deviendront payants. Mais Ă cette date, […]