Catégories
Corona Circus

Dans la peau d’un non-vacciné

Au jardin des plantes d’Amiens, juillet 2021.

Dans la peau d’un non-vacciné 

 

C’est les grandes vacances depuis  bientôt un mois. Cette période estivale qui sert souvent de grand sas à des millions de personnes en France et ailleurs. Pour partir et s’extraire autant que possible de ce qui nous nuit ou nous ennuie dans le quotidien.

 

Le quotidien, selon ses quantités et ses absurdités, peut devenir un poison apte à tuer à petit feu ou à faire pousser des infirmités. Il convient de savoir le diluer au bon moment. Et sans trop attendre. Des vacances choisies peuvent y contribuer. Pour celles et ceux qui peuvent s’en offrir, chez soi ou quelques kilomètres plus loin.

 

On ne voit pas celles et ceux qui ne partent pas ou jamais. A moins de les connaître personnellement ou par le biais du travail. Je n’en connais pas.

 

Je n’en connais pas encore.

 

Il est rare, exceptionnel plutôt, qu’au travail ou que parmi mes connaissances quelqu’un m’affirme fièrement : «  Hé bien, moi, je ne pars pas en vacances ! ». Assez régulièrement, autour de moi, quelqu’un part, à un moment donné, ne serait-ce que pour un week-end.

 

Peu importe où.

 

C’est souvent un étonnement poli qui résonne, lorsqu’en période de vacances, courte ou longue, on répond que, cette fois, nous allons rester sur place. Sauf si l’on a un projet particulier tel que refaire la cuisine ou se faire opérer.

 

Ne pas partir en vacances, en week-end, ou en sortie, c’est un peu une anomalie sociale, une honte rétrécie voire signifier que l’on vit dans la zone. A moins d’être partout chez soi. Ou de vivre dans un endroit où il y a tout ce qu’il nous faut. Etant donné que cet endroit n’existe pas, hormis au cimetière, nous avons toujours, j’ai toujours, une bonne raison d’aller voir ailleurs. Seul ou accompagné.

 

Je ne compte pas les concerts où je suis allé seul. Et encore moins les séances de cinéma.  Certaines personnes ont besoin d’être accompagnées pour sortir de leur réserve. Moi, aussi. Mais pas pour écrire.

 

Il y a des personnes qui, cette année, ou cette année encore, ne partiront pas. Je les imagine un peu. J’en ai sûrement croisé de loin. Pourtant, ces personnes n’ont pas disparu. Les gilets jaunes n’ont pas disparu. Les chômeurs non plus. Ni les malades. Ni les SDF. Nie et nie…

 

Mais le temps des vacances, on va oublier ça. Les vacances, ça sert à ça. Les mauvaises nouvelles, morbides ou autres, on va les mettre de côté. D’ailleurs, je suis encore en vacances. La semaine dernière, nous sommes partis quelques jours à Amiens.

Dans la cathédrale d’Amiens, juillet 2021.

 

 

C’est moins exotique que le sud de la France, l’Outre-Mer ou la Bretagne, mais c’est très pratique. A 1h20 en voiture de la région parisienne, on y arrive par la A16 qui est une autoroute que j’ai chérie une nouvelle fois pour son absence d’embouteillage.

 

La ville d’Amiens ne paie pas de mine sur le papier comparativement à des vacances à Marseille, en Corse, au Pays Basque ou à la Réunion. Mais j’ai aimé la brièveté du détour pour y arriver et cette maison de ville avec cour intérieure privée que nous avons louée pour quatre jours.

 

Amiens est une ville qui détend. Sa cathédrale. Son centre-ville. Ses itinéraires le long de la Somme. Environ une heure de route nous permet d’aller voir la mer. Nous nous sommes immergés dans la plage du Crotoy où j’ai conversé un peu avec un chasseur alpin qui s’amusait à faire le crocodile dans l’eau pour amuser sa fille. Et ça se passait très bien.

Les Hortillonages d’Amiens, ce jeudi 22 juillet 2021.

 

 

Ce jeudi 22 juillet 2021, nous sommes arrivés une heure trente avant l’ouverture des hortillonnages pour les  promenades commentées de l’après-midi. Cela faisait trente ans que j’avais entendu parler des hortillonnages d’Amiens. Et, cela allait devenir concret.

 

L’impasse sanitaire

 

 

Jusqu’au moment où j’ai aperçu l’inscription : Le Pass Sanitaire est obligatoire. Ou une phrase assez proche.

 

Si nous étions venus deux jours plus tôt, le mardi, soit le lendemain de notre arrivée à Amiens, nous aurions échappé à cette inscription. Car c’est à partir du 21 juillet, si je ne me trompe, que les nouvelles dispositions gouvernementales concernant les mesures Covid ont commencé à être appliquées.

Centre-ville d’Amiens, juillet 2021.

 

 

Depuis un peu plus d’un an, le port du masque est obligatoire dans les lieux professionnels et publics. Et, depuis début juillet à peu près, nous pouvons nous passer du port du masque à l’extérieur. Mais depuis une dizaine de jours à peu près maintenant, le gouvernement nous a fait savoir, que à compter de ce 15 septembre, tout soignant contrôlé qui ne serait pas vacciné contre le Covid ( donc sans son pass sanitaire) serait « licencié » et ne percevrait plus son salaire. Et les adolescents ont été encouragés à se faire vacciner au plus vite contre le Covid.

 

Je suis plus soignant qu’adolescent ou peut-être aussi encore très adolescent car je ne suis pas vacciné. Pas encore vacciné. Ou toujours pas vacciné.

 

Si je ne connais pas encore de personnes qui sont privées de vacances et de travail, je connais des personnes qui se sont faites vacciner. Leur nombre croît. Parmi elles, au moins deux personnes, un médecin libéral désormais à la retraite et mon thérapeute m’avaient dit plusieurs semaines plus tôt :

 

« Je ne comprends pas que cela n’ait pas été rendu obligatoire pour les soignants ! ».

 

Et, je peux concevoir que certains adeptes de la vaccination anti-Covid, en apprenant ma «déconvenue » devant les hortillonnages d’Amiens, concluent :

 

« C’est normal ! » ou «  C’est bien fait pour sa gueule ! ».

 

Cela a été une drôle de sensation que de me découvrir un peu l’équivalent d’un paria devant ces hortillonnages. Et, j’ai commencé à entrevoir qu’il en serait de même pour me rendre au cinéma désormais. Ou à la piscine.

 

 

Le conservatoire de notre ville, s’alignant sur les nouvelles décisions gouvernementales, même si la loi n’a pas encore été votée, m’a ainsi relancé pour savoir si je disposais bien d’un pass sanitaire afin d’accompagner ma fille à la sortie organisée le 21 aout. Soit, là aussi, une sortie culturelle pour ma fille et moi qui va nous être interdite.

 

Ma fille a moins de dix ans. Il y a moins d’un an, comme tous les enfants de son âge, elle ne portait pas de masque à l’extérieur ou à l’école. Il avait été estimé par notre gouvernement que le port du masque ne s’appliquait pas à cette catégorie d’âge. Et, c’est très sûr de moi que j’avais pu répondre à un passant qui s’étonnait qu’elle ne portait pas de masque :

 

« Elle a moins de dix ans ! ». Le sujet avait été réglé. Ma fille, comme les enfants de son âge, pouvait sortir sans masque sur le nez et la bouche. Et, moi, son père, qui portais un masque en permanence, cela m’allait.

 

Et puis, ça a changé. Depuis six mois à peu près, même les mômes de l’école primaire doivent porter un masque. Deux masques sont à prévoir pour la journée. Un pour le matin, un pour l’après-midi. Même moi, j’ai changé. Je suis devenu le gendarme de ma fille pour le port du masque. J’exige qu’elle porte son masque convenablement sur son nez et sur sa bouche. Ou pas du tout lorsque c’est possible. Le masque seulement sur la bouche pour ma fille, ça ne passe pas avec moi.  

 

Mais toutes ces bonnes intentions, le fait de vivre pratiquement sans masques entre mi-mars 2020 et début Mai 2020, comme l’acceptation pendant plusieurs mois de nos restrictions d’heures de sortie, et la limitation géographique de nos déplacements, pour cause de pandémie du Covid, n’ont pas suffi.

 

Centre-ville d’Amiens, juillet 2021.

 

Les vaccins anti-Covid sont arrivés à partir de février-mars de cette année 2021 (ou plus tôt ?) et ont été attribués, selon les quantités, et par ordre prioritaire à certaines tranches d’âge (les personnes les plus âgées d’abord). Avant  cet été 2021, il était possible pour l’ensemble de la population en âge de se faire vacciner de prendre rendez-vous pour le faire. Mais la France manque de volontaires pour se faire vacciner comparativement à d’autres pays cités en exemple. Même si de plus en plus de personnes se sont faites vacciner, il y a quinze jours, officiellement, nous étions encore en dessous de 60 % de vaccinés pour la population en âge d’être vaccinée.

 

 

Là où des frontières se ferment, des blessures s’ouvrent.

 

 

J’ai fait de mon mieux pour me préserver des mauvaises nouvelles liées aux courbes de croissance relatives à la pandémie du Covid en France ou ailleurs. Cependant, jusqu’à mon départ en vacances mi-juillet de l’année dernière (soit en juillet 2020), comme la majorité des gens en France, je me suis fait intoxiquer par tous ces cursus de mauvaises nouvelles liées au Covid que nous avons suivi de force.

Entre mi-mars 2020 et juillet 2020, comme beaucoup, j’avais vécu quatre mois de camisole anxiogène. J’estime pourtant avoir été moins à plaindre que d’autres :

 

Le fait de partir travailler –même si sans masque pour les premières semaines- de sortir de chez moi et d’être actif m’avait permis de ne pas subir la totalité du tabassage médiatique et/ou gouvernemental à propos des chiffres mortels du Covid. Nous devions nous attendre à clamser tels des cafards enserrés dans les vaporisations d’une bombe insecticide de la marque Covid. Finalement, j’ai échappé à mon extermination. Mais plus pour très longtemps, manifestement.

 

J’ai, pour l’instant, conservé mon emploi là ou d’autres l’ont perdu. J’ai eu droit à une prime, comme d’autres collègues soignants, pour mon « courage » ou mon « héroïsme ». Alors que d’autres collègues et d’autres personnels (éboueurs, caissières, caissiers….) exposés eux-aussi, n’ont pas, semble-t’il, touché de prime. Cette prime, je l’ai acceptée. Je ne suis pas riche.

 

Mais depuis quelques jours- depuis que le vaccin anti-Covid est devenu obligatoire avec la date butoir du 15 septembre 2021-  je suis obligé de retourner dans le purgatoire des informations que je peux trouver à propos des bienfaits et des effets des vaccins anti-Covid actuellement à disposition. Jusque là, je comptais sur le temps. J’attendais qu’un vaccin éprouvé et fiable pratiquement à cent pour cent, avec le moins d’effets secondaires graves possibles soit crée. Ou que le pandémie tombe. Mais, désormais,  j’ai officiellement suffisamment pris mon temps comme ça !  

Au jardin des plantes d’Amiens, juillet 2021.

 

 

Pour le bien du patient

 

« Pour le bien du patient » est une expression très utilisée dans le milieu soignant pour faire passer certaines mesures. Elle peut être remplacée par les termes « déontologie » ou « éthique ». Avec ces trois termes, on peut à peu près tout exiger des soignants. Autant pour se dévouer à leur travail dans d’assez saines conditions que  pour accepter toutes sortes de dégradations de leurs conditions de travail.

 

En décidant de sanctionner, à partir du 15 septembre 2021, (en licenciant et autres) tout soignant qui, en cas de contrôle, ne serait pas vacciné contre le Covid, le gouvernement semble avoir trouvé en quelques semaines la solution pour contrer la pénurie soignante. Une pénurie incurable depuis des décennies et qui s’est aggravée depuis la pandémie du Covid d’après ce que j’avais lu dans un numéro du journal Le Parisien il y a quelques jours.

 

D’un point de vue pratique, le gouvernement estime peut-être qu’en cas de licenciement massif de soignants non vaccinés à partir de mi-septembre que les conditions de travail vont s’améliorer dans les lieux de soins. Qu’il y a encore beaucoup trop de soignants en exercice. Ou que les soignants n’ont pas d’autre choix que faire ce qu’on leur demande…pour le bien du patient. Ou, alors, l’augmentation de salaire promise à certains soignants ( aides-soignants et infirmiers) pour cet automne est peut-être trop difficile à assumer. Il faut peut-être diminuer le plus possible la masse salariale. Ou conditionner l’attribution de cette augmentation salariale ( qui aurait dû avoir lieu depuis des années) à la détention du pass sanitaire avec une vaccination anti-covid à jour. 

 

 

Avant d’en arriver là, l’année dernière, lors du premier confinement, j’estimais avoir  eu de la chance. Et, j’avais un peu raison.

 

 

La « chance » de l’année dernière

 

 

En effet, dans ma ville, nous avons eu de la « chance » : notre enfant ayant un père et une mère soignante, une « école » proche de chez nous l’accueillait sur nos horaires de travail.

 

Mais ça, c’était l’année dernière entre Mars et juillet. Lorsque je croyais encore que nous avions vécu le plus difficile. Ou que le port du masque suffirait.

 

Mais ça ne suffit pas. Il faut désormais se faire vacciner.

Au jardin des plantes d’Amiens, juillet 2021.

 

 

Il y a quelques jours, des manifestants anti-vaccination obligatoire contre le Covid ont porté l’étoile jaune des juifs du temps des camps de concentration. Je ne vais pas jusque là.

 

J’ai aussi été étonné d’apprendre récemment que le frère d’un ami considère que la pandémie du Covid est une fumisterie et une émanation d’un complot sioniste. Je ne vais pas jusque là non plus. Et j’ai dit à cet ami – vacciné contre le Covid- que cette croyance avait permis l’existence des camps de concentration il y a plus d’un demi-siècle. Mon ami a acquiescé.

 

 

J’ai plus de mal dans le fait de donner ma pleine et mon immédiate confiance dans des vaccins dont certains effets secondaires, pour rares qu’ils soient, peuvent être graves (thromboses…). Ainsi qu’avec cette part de voyage dans l’inconnu pour des vaccins pour lesquels on manque de recul.

 

Cela en sachant que pour bien des décisions importantes, je prends du temps.

 

Je me dis aussi que si j’ai pu échapper au Covid jusqu’à maintenant sans vaccin, que cela peut continuer.

 

Avant de partir pour notre séjour à Amiens, j’ai effectué une sérologie Covid ainsi qu’un bilan complet. J’ai espéré être « porteur sain ». Je me suis dit que j’avais été cas contact- comme d’autres collègues- deux fois au mois de mars. Même si le résultat avait été négatif à chaque fois, j’avais peut-être développé une réaction immunitaire effective et indolore. Le résultat de ma sérologie Covid a été impitoyable. Aucune réaction immunitaire notable.

 

 

Sauf que ce que je comprends maintenant, c’est que l’obligation de la vaccination va endurcir une radicalisation déjà existante des personnes anti-vaccins. Et, sans doute aussi endurcir une radicalisation déjà existante chez les personnes pro-vaccins. Mais aussi des mesures politiques, économiques et policières. Et, ce que je n’avais pas prévu, c’était que cette radicalisation des anti-vaccins et des pro-vaccins va créer des séparations douloureuses et intimes au sein des familles, des amis et des couples.

 

En Mars 2021, lors de son premier discours «  Covid », le Président Macron avait sorti son « Nous sommes en guerre ». Son faux air de De Gaulle lui avait donné un côté guignol. Parce-que trop jeune pour cette parole. Parce-que trop préservé et trop gâté par la vie et par sa réussite. Pourtant, en repensant à ce « Nous sommes en guerre », je me dis que, pour la première fois de notre vie, pour nous qui n’avons pas vécu la Seconde Guerre Mondiale, l’Indochine ou la Guerre d’Algérie, cette vaccination maintenant obligatoire contre le Covid (même si elle n’a pas encore été votée) nous met- au moins symboliquement- dans la même situation que ces appelés qui devaient s’enrôler dans l’armée pour participer à un conflit militaire. A ceci près qu’il y a des années maintenant que le service militaire n’est plus obligatoire et que nous nous faisons aujourd’hui enrôler de manière moins frontale. Le plus souvent, avec notre consentement. Ou en nous laissant, aussi, l’impression de pouvoir choisir.

 

Or, les conditions de cette vaccination ne sont pas sécurisées à cent pour cent. Et nous savons maintenant qu’il y aura d’autres variants.  Et que cette pandémie va durer plus que trois ou quatre mois puisque cela va bientôt faire un an et demi maintenant.

 

Il y a aussi cette croyance, cette rumeur ou cette « information » selon laquelle les vaccins anti-Covid seraient si néfastes que toute personne se faisant vacciner contre le Covid serait amenée à décéder d’ici deux à trois ans.

 

 

Nous vivons dans une époque où nous acceptons facilement qu’une série télévisée puisse durer des années. Mais pas de nous retrouver dans la série. Or, avec la pandémie du Covid, ses variants et ses vaccins, nous sommes dans la seringue de la série.

Au point que je me suis demandé tout à l’heure, si, dans un monde sans la pandémie du Covid qui nous recouvre depuis un an et demi, un film comme Titane de Julia Ducournau aurait pu avoir la palme d’Or comme cela est arrivé cette année au festival de Cannes. ( Titane- un film de Julia Ducournau )

 

Dans Titane, Alexia fuit sa mémoire. Elle est entraînée dans sa fuite et doit improviser son histoire. A l’inverse, si le personnage de Jason Bourne est amnésique, au moins est-il surentraîné pour se défendre et pour tuer. Au point qu’il peut se fier à son corps lorsque celui-ci prend le relais de sa mémoire. Il n’a pas à penser.

Vis-à-vis du vaccin anti-covid, je n’ai ni entraînement et ni mémoire. J’ai donc du mal à réagir aussi vite qu’un Jason Bourne. Et, contrairement à Alexia qui est jugée pour voir tué, je peux être jugé – sans volonté et sans possibilité de fuir- car je pourrais tuer.

D’autres peuvent se passer d’entraînement et de mémoire et se font vacciner contre le covid. J’envie leur confiance envers la vaccination anti-Covid.

 

Franck Unimon, lundi 26 juillet 2021.

 

 

 

Catégories
Cinéma

Titane- un film de Julia Ducournau

 

Titane un film de Julia Ducournau

 

 

Prise d’adolescence

 

Titane, le deuxième long métrage de Julia Ducournau, a obtenu la palme d’Or lors de ce dernier festival de Cannes, la semaine dernière. Je l’ai appris par hasard le jour-même. Aussitôt, j’ai ressenti des sentiments contrastés.

 

J’étais allé voir le film deux à trois jours plus tôt. Et, en sortant de la salle, j’avais préféré parler d’un autre film plus ancien, regardé en dvd :

 

 Sex & Fury de Norifumi Suzuki réalisé pratiquement un demi-siècle plus tôt. ( Sex & Fury un film de Norifumi Suzuki

 

On peut donc dire qu’en « négligeant » Titane, en termes de stratégie et d’anticipation -lorsqu’il s’agit de faire son possible pour obtenir le maximum de vues avec un article- j’avais raté la marche de tout mon long.

 

Heureusement, pour moi, Black Widow, réalisé par Cate Shortland, vu quelques jours avant Titane n’a pas eu de prix à ce dernier festival de Cannes.

 

Alexia/Agathe Rousselle

 

Mais j’avais fait le choix de faire « patienter » Titane , avant de parler de lui, car il m’avait moyennement enthousiasmé. J’avais presque regretté d’être allé le voir.

 

En me levant pour quitter la salle à la fin du film, j’avais même eu l’impression qu’une partie des spectateurs présents- dont un certain nombre de femmes- était à peu près dans le même état émotionnel que moi.

 

Cette impression en dit bien-sûr plus sur moi que sur les autres : peut-être que la majorité des spectateurs présents ce jour-là avaient beaucoup et secrètement aimé Titane.

 

Donc, parlons de « moi » qui avais peut-être été le seul à regretter d’être venu voir  Titane au cinéma. Au lieu de Teddy, réalisé par Ludovic et Zoran Boukherma.  

 

 

J’avais vu à sa sortie le précédent long métrage de la réalisatrice : Grave. Je le préfère largement à Titane.

 

L’actrice Garance Marillier dans « Grave »

 

Avant d’aller voir Titane  en salle, coïncidence, j’avais lu dans Télérama l’interview de la réalisatrice. J’y avais appris que les parents de Ducourneau, dermatologue et gynécologue, l’avaient en quelque sorte exhortée à ce qu’elle les « laisse tranquilles » dans ses films. Tant les parents, dans les deux films de Ducournau, sont loin d’être transparents.

 

Dans cette interview, j’avais aussi appris que Ducournau avait eu une éducation de cinéphile en famille- avec sa mère et son père, donc- comme d’autres peuvent en avoir avec les consoles de jeux vidéos. Et qu’elle avait aimé regarder les films de David Cronenberg tels que Crash. Film que j’avais vu au grand jour à sa sortie au cinéma- et qu’il serait bien que je revoie aujourd’hui- tandis qu’elle, avait vu ce film et d’autres de Cronenberg, en cachette. On voit le résultat de certains plaisirs interdits.

  

 

Sur la planète Ducournau, les mélanges sont des habitués. Et  le cinéma « parisien », intello,  bourgeois et propre sur lui a été évacué. Cela fait partie des attraits de sa filmographie ainsi que son côté Pardonnez-moi de Maïwenn pour cette façon de fureter près de la porte de la chambre de ses parents. Et, cela, pour mieux les tourmenter pour défaut de défaillance éducative et affective mais aussi pour des raisons scénaristiques.

 

Dans Titane, les parents  sont moins aimables que dans Grave. Moins cannibales, aussi. C’est peut-être dû aux bienfaits de la thérapie. La thérapie est un organe alimentaire. 

Mais je n’ai pas aimé la façon de montrer le « trauma » initial qui fera ensuite de l’héroïne Alexia (l’actrice Agathe Rousselle) une psychopathe. Oui, je parle de psychopathie. Même si pour la mentionner, on en parle ensuite comme d’une « tueuse en série ». Dans la pyrotechnie des crimes d’Alexia devenue adulte, moi qui suis souvent invité à des barbecues avec des tueuses et des tueurs en série, je ne retrouve pas leurs alchimies attitrées.  

 

 

De toute façon, dès le début du film, la réalisatrice nous enferme dans son parti pris. Cela se passe dans une caisse (une voiture). Fi-fille asticote papa (Bertrand Bonello, que je n’ai pas reconnu) qui conduit. L’ambiance est lourde. Papa est peu aimant. On dirait le beau-père dont la présence de la petite équivaut à une peine de prison. Aucune parole entre les deux. La petite est en  recherche de fréquence et d’attention par des provocations. L’adulte recherche le solo et l’évasion par la radio.

 

On comprend que dans ce duel sourd, les deux préfèrent l’affrontement à la communion ou à la confession. Finalement, le père s’impose mais c’est au prix de l’accident coupable.

 

On entre alors dans le titane : ce métal en transition, léger et résistant, nous dit wikipédia. Mais ce que je sais sans l’aide de wikipédia, pour avoir assisté dans le passé au mariage d’un couple de tueurs en série dans le Val d’Oise, c’est que le titane sert aussi à la constitution des alliances.

 

Je me suis néanmoins demandé si Titane pouvait aussi signifier « Tite Anne » tant nous sommes dans le registre de l’enfance. Une enfance déboutée par les parents. En particulier par le père (Bertrand Bonello, donc) qui en prend plein la gueule dans le film. L’expression « plein la gueule » est éclairée plein phares. Car la tronche de l’acteur Bonello- qui assure bien la relève de l’acteur Laurent Lucas présent dans Grave est bien choisie pour ce rôle.

 

Si Titane m’a laissé un goût décrépi, je lui reconnais des aventures et des plaisirs. Telle cette scène où le père d’Alexia s’enfourne une assiette de pâtes à cheval entre le vomi et le repas insipide qui en disent long sur la touche grise du personnage qui est l’incarnation de l’anti-orgasme.

Ducournau est très habile avec le comique de situation. Je repense encore à cet échange de regards entre l’héroïne et son père lorsqu’elle lui dit «  au revoir . Aucune phrase. Ducournau sait se servir du silence et des intentions. De l’instinct, aussi. 

 

J’ai bien-sûr aimé revoir ce visage familier que j’ai réussi à identifier parce-que j’avais lu l’interview. Celui de l’actrice Garance Marillier, Justine, l’héroïne de Grave.

 

Justine/ Garance Marillier dans  » Titane »

 

 

J’ai aimé la capacité de Ducournau à entremêler scènes de meurtre, leur labeur et l’humour. Même si le premier meurtre, de défense plus ou moins légitime dérive très vite vers la jubilation. Dans l’action d’occire, il y a aussi beaucoup d’excitation à regarder Alexia agir. Et cette excitation est difficile à appréhender. A moins de se dire que, comme le titane, elle était en transition, et que le premier meurtre a été le déclic vers sa transformation. Ou sa « libération ».  

 

Alexia/ Agathe Rousselle en recherche d’un peu de chaleur humaine.

 

 

Auparavant, j’avais aimé l’attitude bornée de l’héroïne. Sorte de figure de Rosetta des frères Dardenne. Mais, cette fois, une Rosetta qui gagnerait sa vie en dansant, dans un corps longiligne, plutôt grand et sec, en effectuant des dérapages contrôlés sur la tôle immaculée de carrosseries de voitures dans des salons d’exposition.  Alexia n’est pas une jolie femme mais elle crée un désir chez les autres alors que son réservoir à désir est vide pour les autres. Dans Exotica (1994) d’Atom Egoyan, Zoé (l’actrice Arsinée Khanjian), danseuse dans un club de strip-tease, était reliée à Francis. Dans Titane, Alexia n’est reliée qu’à ses danses sur des voitures et cela suffit pour que des individus (hommes et femmes) souhaitent s’inviter dans son intimité.  

 

Puis, arrive Vincent (Vincent Lindon), beau camion musclé mais aussi muselé par ses injections régulières de stéroïdes. Lui et Alexia sont deux astéroïdes gravitant autour d’un déni prononcé. Ils sont  forts mais ont aussi besoin d’être sauvés de leurs fuites et de leurs culpabilités. Comme, peut-être, de certaines de leurs volontés.

 

Vincent/ Vincent Lindon

 

Vincent, en commandant de pompier à qui ses hommes doivent une obéissance totale mais qui ne rend jamais compte de rien à personne, manque plusieurs fois de crédibilité, ou, le film, de réalisme. Et, Ducournau, plusieurs fois, redresse le tir. Titane vise alors juste (la scène avec l’ex-femme de Vincent, jouée par Myriem Akheddiou).

 

L’obéissance totale, pourtant, Vincent comme Alexia en sont bien incapables, mais à quel prix !

 

Il a été dit de Titane qu’il était un film « viscéral ». Adjectif facile pour ce film si peu tactile qu’il vaut mieux perforer son prochain, se perforer soi-même ou s’arracher à lui, plutôt que de simplement se toucher et s’embrasser ( voir la relation entre Alexia et Justine ou, bien-sûr, entre Alexia et son père).

 

Je reproche aussi à ce film qui se veut un film d’émancipation- au moins dans la cinématographie française- de rester cramponné, pour la partie musicale, à des référents rock and roll, forcément anglo-saxons. Evidemment, le même film , avec du Dub ou de la valse, serait moins « dur ». Mais quitte à s’émanciper, autant tenter autre chose.

 

Enfin, comme dans Grave, j’ai aimé que dans Titane soit présente à l’écran une diversité de peaux et de couleurs que Ducournau présente à chaque fois comme évidente, alors que dans d’autres productions françaises, elle est encore très souvent absente ou balbutiante. Comme lors du tout premier bal. 

 

Franck Unimon, ce dimanche 25 juillet 2021.

 

 

Catégories
Corona Circus self-défense/ Arts Martiaux

Dojo 5

Intérieur du salon de thé Tencha à Angers.

 

                                                       Dojo 5

Le Dojo 5 se trouve près d’une piscine de 33 mètres de longueur. Celle-ci est en rénovation, rue de Pontoise.

 

Pour beaucoup, la rue de Pontoise se trouve à Paris. Pour moi, Pontoise est soit une ville soit une couleur où j’ai vécu et travaillé.

 

Ce samedi 17 juillet, j’arrive au dojo 5 afin d’assister au stage d’Aïkido dispensé par Sensei Léo Tamaki. J’ai appris la tenue de ce stage à Paris, ce 17 et ce 18 juillet un peu par hasard il y a deux ou trois jours. A la fin de son interview de Franck Ropers dans le magazine Yashima de ce mois de juillet 2021, on tombe sur plusieurs dates de ses stages cet été en France.  

 

J’ai croisé une fois Léo Tamaki dans la rue. C’était par hasard il y a quelques mois près des Galeries Lafayette. Lors des préparatifs des fêtes de Noël de l’année dernière.  Après être allé rencontrer Sensei Jean-Pierre Vignau à son domicile. Autrement, Léo Tamaki et moi avons principalement communiqué par mails. C’était en vue d’une interview pour mon blog. Cet été, ce serait plus simple avec la pandémie du Covid.

 

J’arrive sans prévenir au dojo 5. J’ai bien envoyé un mail à Léo Tamaki il y a quelques jours. Il ne m’a pas répondu. Il doit être très occupé. Je ne sais pas comment il va réagir. Afin de m’aider à appréhender au mieux cette inconnue, je suis assez fraîchement imprégné par ma lecture de l’ouvrage Uchideschi ( dans les pas du Maitre) de Jacques Payet, Sensei d’Aïkido 8ème Dan.

 

Lors de mon trajet en train pour Paris St Lazare, afin de me rendre à ce stage, je n’ai pas pu m’empêcher de rire lorsque Jacques Payet (page 79) raconte la mésaventure de Yamada, l’un de ses partenaires lors de sa formation particulièrement difficile d’UCHIDESHI  dans les années 80 :

 

« Mais nous n’osions pas nous effondrer au risque d’affronter la fureur des instructeurs. C’est ce qui est arrivé à Yamada. Il n’était pas très fort physiquement et il avait du mal à rester si bas sur ses jambes pendant une si longue période. L’instructeur lui a crié dessus une fois, puis deux fois, puis a commencé à lui donner des coups de pied. Lorsqu’ils ont réalisé qu’il n’en pouvait plus, ils l’ont séparé du groupe et l’ont mis devant un miroir pour qu’il puisse voir son propre visage et savoir à quel point c’était humiliant d’être un lâcheur. Au bout d’un moment, il a rejoint la classe, mais seulement après avoir été sévèrement réprimandé devant ses pairs ».

 

Mais impossible pour moi de savoir si je rirai autant lorsque je ferai face à Léo Tamaki dans le dojo 5. Surtout que j’ai quelques minutes de retard. A St Lazare, en me dirigeant vers la ligne 14, j’ai reconnu une amie dont je n’avais pas eu de nouvelles depuis environ deux ans. Nous avons été contents de nous revoir.

 

Après avoir fait le code d’accès, la lourde porte s’ouvre. Une cour intérieure et, au bout, le dojo avec la silhouette de Léo Tamaki parmi ses élèves. Aucune possibilité de laisser mon vélo pliant. J’ai bien fait de le laisser chez moi.

 

Le cours a débuté. Je me rapproche. Je suis à un ou deux mètres de l’entrée du dojo que Léo Tamaki vient vers moi en souriant. Il semble bien se souvenir de moi. Ne paraît pas plus surpris que ça.

Lorsque je lui demande si je peux assister au cours, il accepte aussitôt. Et m’invite à me mettre dans un coin sur le tatami.

 

Instinctivement, je m’installe en seiza. Prévenant, il m’informe que je peux me mettre à l’aise. Puis, il repart.

 

Il y a une vingtaine de stagiaires. Dont une majorité d’hommes. Deux ou trois pratiquants peut-être ont la cinquantaine. Autrement, la fourchette d’âge est entre 25-28 ans et 45 ans, je dirais. Il y a des pratiquants expérimentés. Et des débutants.

 

 Le stage a débuté ce matin mais je n’ai pas pu venir. Le travail s’effectue alors avec le bokken. Léo Tamaki passe régulièrement parmi les élèves. Corrige en montrant à nouveau. Fait parfois de l’humour. Laisse travailler quelques minutes. Puis interpelle le groupe et refait sa démonstration ou insiste sur telle particularité avant de demander :

« Recommencez s’il vous plait ».

 

Nous sommes très loin de l’ambiance japonaise décrite par Jacques Payet.

 

Léo Tamaki parle de « dissocier ». Et de « structure ». Ce sont des mots qui lui sont assez familiers, je crois. Un autre moment, il souligne : « Par défaut, considérez toujours que votre adversaire peut sortir une arme ». Il a à cœur de rendre la pratique aussi réaliste que possible, fait des parallèles avec d’autres pratiques martiales. Je regarde celles et ceux qui s’entraînent. Les déplacements. Je me dis que cela doit être difficile de rester concentré sur une si longue durée pour porter des atemis. Mais « j’aime » que la main remplace le sabre lors de certaines attaques.

 

Certaines techniques me semblent plutôt hors de ma portée. Je réfléchis à la solution à trouver face à un adversaire plus grand. Je me dis que cela doit être un bon apprentissage que de s’entrainer à voir un bokken s’abattre sur soi ou sur sa tête. Mais Léo Tamaki insiste :

« C’est lui que tu dois regarder. Pas le sabre ».

 

Lorsque j’ai pratiqué un peu le judo, je venais seulement pour « faire » et pour « jaillir ». Trop peu pour regarder. C’est une erreur que j’ai beaucoup répétée. Peut-être que quelques participants ont été intrigués par ma présence.

 

Les deux heures sont passées. A la fin du cours, j’attends que Léo Tamaki soit disponible pour lui parler un peu. Il me dit alors « Tu ». Même si je n’ai fait « que » regarder, je comprends qu’il m’a vu durant son cours. Et, il m’a vu sans détour. Mon ego et mes ruminations étaient au repos sur le tatami.

 

Je croyais que ce dojo était un dojo de circonstance pour le stage. Il m’a appris que le lieu où il enseignait auparavant a « fait faillite ». Une de ces nombreuses conséquences, pour l’instant invisibles,  dues à la pandémie du covid.

 

Il est convenu que je reviendrai fin aout pour l’interview. J’ai prévu de venir avec un caméraman et une photographe. Le premier m’a été recommandé par une amie, journaliste et productrice, spécialiste du cinéma africain. J’ai connu et joué avec la seconde lorsque j’avais repris des cours d’interprétation théâtrale au conservatoire d’Argenteuil.

 

En aout, si je peux, je participerai aussi à un cours ou deux d’Aïkido.

 

Je me sens bien en quittant le dojo 5.

 

 

Franck Unimon, ce lundi 19 juillet 2021.

 

 

 

 

Catégories
self-défense/ Arts Martiaux

L’aspiration à l’excellence de Franck Ropers

 

L’aspiration à l’excellence « de » Franck Ropers

 

 

Eclats

Il peut se passer des années, parfois plusieurs vies, avant que ne nous parviennent certains éclats.

Cet éclat peut être un souvenir, une blessure, une rencontre ou un objet que l’on avait rangé quelque part, délaissé, et puis que l’on « retrouve ».

 

Un objet, un souvenir, une blessure ou une rencontre où, pour nous, le temps s’est arrêté.

 

A ce jour, je n’ai jamais rencontré Sensei Franck Ropers. Mais j’ai rencontré au moins une ou deux personnes qui l’ont rencontré. La dernière de ces personnes n’est autre que Sensei Léo Tamaki que j’ai revu hier après-midi, lors du stage d’Aïkido qu’il donnait au 26 rue de Pontoise, en plein Paris, au Dojo 5. Stage auquel j’ai pu assister et auquel je me suis rendu afin de me faire une idée de l’endroit où, fin août, avec son autorisation, je reviendrai pour l’interviewer. Et, peut-être aussi pour participer à un ou deux de ses cours lors du stage qu’il redonnera fin août au même endroit.

 

 

J’ai oublié, quand, pour la première fois, j’ai entendu parler de Franck Ropers. Sans doute par des vidéos de lui sur Youtube il y a quatre ou cinq ans. Pourtant, Franck Ropers est actif dans le domaine des arts martiaux et de la Self-Défense depuis une bonne trentaine d’années. Il s’est passé des années avant que son éclat…ne me parvienne. Sans doute parce qu’avant d’être réceptif à ses « états de service », j’étais plus axé sur d’autres disciplines et sur d’autres centres d’intérêt.

 

Pour cette interview de Franck Ropers par Léo Tamaki, dans le Yashima de ce mois de juillet 2021, j’ai été plus réceptif.

 

Lorsque je pense au Penchak Silat– Dont Ropers est le plus haut gradé en France, je crois- je ne peux m’empêcher de penser au film The Raid du réalisateur Gareth Evans. En particulier à The Raid 2 (2014) qui a pour l’instant ma préférence.

 

Même si le premier The Raid, réalisé en 2011, avait marqué les esprits.

 

En écoutant Franck Ropers dans des vidéos, j’avais été très vite marqué par sa très bonne aptitude et sa très grande aisance pour s’exprimer face à une caméra. Par sa grande maitrise corporelle bien-sûr.  Ainsi que par sa très bonne pédagogie. Car on peut être un très bon pratiquant, quel que soit notre domaine professionnel, et être mal à l’aise face à une caméra comme sur scène ou face à un public. Et, à travers mes propos, ici, c’est autant l’élève, que le spectateur ou l’intervenant et le comédien, qui s’exprime.

 

Les propos de Franck Ropers sont pointus, concrets et faciles à comprendre. Convaincants.

 

Quel que soit l’interlocuteur en face de lui, journaliste ou représentant d’une discipline martiale dite « efficace » ou « réaliste » type MMA, Franck Ropers m’a toujours semblé légitime dans ses propos et bien au fait de ce qui se passe dans la « vraie » vie. Et, par « vraie vie », ici, je pense bien-sûr au combat de rue dans des conditions réelles.

 

Même si Franck Ropers « présente bien », il n’est pas un animateur de télévision qui, parce qu’il porte un costume, du maquillage et une oreillette devant plusieurs caméras à des heures de grande écoute et qu’il perçoit un très haut salaire, finit par se croire plus beau, plus intelligent et plus fort qu’il ne l’est véritablement.

 

Non. A ce que je vois, quotidiennement, Franck Ropers continue de rester dans la juste note de sa grille d’accords. Et cette grille tient dans son corps et dans ce qu’il a compris et comprend, avec lucidité, des sports de combat mais aussi du monde, ou des mondes, dans lesquels nous vivons. Et, si cela était faux,  et n’était qu’une mise en scène ?

 

Il suffit de disposer d’un tout petit peu d’expérience de sport de combat ou d’art martial pour comprendre que Franck Ropers dispose d’un niveau de pratique – et d’une détermination- qui ne repose pas sur une simple effervescence cosmétique, sur de l’illusion ou de la prestidigitation.

 

 

Conquis avant même le combat ou la rencontre ?

 

On pourrait se dire que je suis conquis avant même- je ne l’ai jamais rencontré- d’avoir rencontré Franck Ropers. Et que c’est de cette manière que l’on perd, d’avance, un combat.

 

D’abord, j’ai bien d’autres aspirations dans la vie que de devoir me bagarrer constamment avec tout le monde afin de prouver ou de me prouver quoique ce soit.

 

J’ai appris cette semaine- dans un livre que j’ai retrouvé chez moi- que « feu » Bruce Lee, lors du tournage du film Opération Dragon, avait donné une bonne partie de son temps- et de son influx- à répondre à des défis que lui lançaient des figurants.

 

Au point d’être en permanence sous tension. Entre le tournage du film, ces défis permanents et – pour ce que j’avais lu ailleurs- les menaces de certaines triades chinoises qui le voyaient désormais comme une poule aux œufs d’ors alors qu’il était devenu une vedette internationale.

 

Si bien que Bruce Lee trouvait du réconfort, entre-autres, dans des space cakes composés de Marijuana. La consommation répétée et conséquente de ces space cakes aurait provoqué sa mort prématurée. Plus récemment, Michaël Jackson et d’autres vedettes ou personnalités, ont bien été retrouvées mortes après l’abus courant de certaines substances stupéfiantes ou médicamenteuses.

 

Enfer ou aliénation :

 

Ensuite, devenir une star et une référence martiale et passer son temps à répondre à des défis, des ultimatums et des exigences, pour devoir prouver que l’on est bien toujours le « meilleur », dans « le coup » ou le plus « fort », cela ressemble pour moi à l’enfer ou, au minimum, à de l’aliénation.

 

Devenir aussi fort pour être prisonnier ?  Je n’envie pas du tout ce genre de vie et d’apothéose. Même si, un demi-siècle plus tard, Bruce Lee reste une référence pour beaucoup de monde, combattants, spectateurs ou admirateurs.

 

Il est d’autres combattants, et d’autres célébrités, aujourd’hui, qui sont également plus enfermés que libres grâce à leur « réussite ». Prenons Conor McGregor, vedette de MMA. Même si McGregor « aime » le spectacle, comme Mohamed Ali avant lui, peut-il ou a-t’il la possibilité d’être autrement que le McGregor qui « provoque » en plus d’être un très bon combattant ?

 

Celles et ceux qui courent sans relâche après le buzz prennent aussi le risque d’être rattrapés par cet effet qui consiste à être ensuite poursuivi sans relâche par le même genre de tourments sans fin : Etre bon ou le meilleur. Ou rien.

 

Pour ces quelques raisons, aussi, je ne chercherai pas à mettre en doute ou à « challenger » les compétences de Franck Ropers ou d’autres dans les Arts martiaux ou dans tout autre domaine. Je préfère plutôt essayer de m’en approcher et de m’en inspirer dans des proportions, je l’espère, préventives et thérapeutiques. Vers mon bien-être. Mais, pour cela, encore faut-il savoir ce qu’est le bien-être.

 

Franck Ropers et « le bien-être » :

Franck Ropers sait-il c’est qu’est le bien-être ? Il s’y emploie en tout cas. Et, pour moi, c’est une (très) bonne nouvelle qu’une personnalité comme lui (un million d’abonnés  sur yourtube) se préoccupe de son propre bien-être. Ce qu’un Bruce Lee avait sûrement perdu de vue avant sa mort.

 

Voici quelques extraits de son interview réalisée par Sensei Léo Tamaki pour le Yashima de ce mois de juillet.

 

« Nous créons nos propres limites. Nous avons tous un passé et, parfois, ce vécu mal compris ou interprété nous bloque dans nos aspirations ».

 

« (…) Il y a aussi le rapport à l’échec. Si on entreprend quoi que ce soit, l’échec est inévitable à un moment ou à un autre et il ne faut pas le redouter (….) ».

 

« Pour moi, l’essence des arts martiaux est le développement personnel et on y apprend à s’engager, savoir changer de direction, développer et entretenir son physique (……) j’ai suivi diverses formations et je suis notamment devenu sophrologue et hypnothérapeute. Comprendre son fonctionnement et comment le modifier de façon positive peut se faire seul, avec un psy, un coach ou un sensei. Les chemins ont leurs particularités mais l’objectif de bien-être et d’évolution est identique ». ( Extraits de l’interview L’aspiration à l’excellence de Franck Ropers par Léo Tamaki dans le Yashima de ce mois de juillet 2021. Interview d’une dizaine de pages).

 

Franck Unimon, ce dimanche 18 juillet 2021.

 

 

 

 

 

 

 

Catégories
Cinéma self-défense/ Arts Martiaux

Sex & Fury un film de Norifumi Suzuki

 

L’actrice Reiko IKI

Sex & Fury un film de Norifumi Suzuki

 

 

Direction l’ère Meiji :

 

Un an après Nous ne vieillirons pas ensemble du réalisateur français Maurice Pialat, le réalisateur japonais Norifumi Suzuki sortait Sex & Fury (1973). La même année, toujours en 1973,  Bruce Lee, d’origine chinoise, première superstar asiatique internationale, décédait lors du tournage du film Le jeu de la mort.  

 

Trois ans plus tard sortira L’Empire des sens de Nagisa Oshima, autre œuvre cinématographique japonaise.

 

 

Quel est le rapport entre Sex & Fury, qui fait partie de la catégorie Pinku Eiga et Yakusa Eiga, où l’histoire se passe à l’ère Meiji, ces autres œuvres et ces artistes ? Car Sex & Fury n’est pas un remake du Nous ne vieillirons pas ensemble de Pialat. Encore moins du film Le Jeu de la mort.  Et, on imagine peu Marlène Jobert et  Jean Yanne, les deux acteurs principaux de ce film de Pialat, ou même Bruce Lee- qui est absent de la filmographie de Pialat- évoluer dans  l’époque relatée dans Sex & Fury :

 

En 1868, au Japon, à l’ère Meiji.   

 

Les titres de ces films les rapprochent, bien-sûr.

L’actrice Reiko IKI dans le rôle d’Ocho.

 

Celles et ceux qui affronteront Ocho, interprétée par l’actrice Reiko Ike, dans Sex & Fury ne vieilliront pas avec elle même si sa vision dégaine leur désir.

 

Ad Libido :

 

Selon le niveau où se situe la libido et le sadisme du spectateur ou de la spectatrice – le film est réservé aux plus de 16 ans–  Sex & Fury peut être vu comme un de ces films « druides »  qui savent modifier la constitution et la perception des corps et faciliter les fluides ainsi que toute étude les concernant :

 

Même si les scènes de combats et certaines séquences de jeu sont assez enfantines, la photographie, elle, n’a pas pris une ride. Entre le visage et le corps de Ocho/ l’actrice Reiko Ite et celui de Christina/ l’actrice Christina Lindberg, on a de quoi fuir l’ennui.

 

Si Reiko Ite est la femme parfaite très au fait de la bassesse et de la violence des hommes, Christina Lindberg, sait très bien ajouter l’innocence à la froideur.

L’actrice Christina Lindberg dans le rôle de Christina.

 

Cependant, il existe d’autres plaisirs cinéphiliques dans la découverte de ce film.

 

Tarantino :

 

Sur la jaquette du dvd, il est spécifié que Tarantino s’est – aussi- inspiré de ce film pour réaliser ses deux Kill Bill (2003 et 2004).  Et, cela saute aux yeux tant pour les membres que pour les combats -au sabre- d’Ocho/ Reiko Ite que pour la présence de Christina/l’actrice Christina Lindberg. Laquelle interprétera- en 1974- le rôle de Frigga/Madeleine dans le film Thriller (ou Crime à froid) de Bo Arne Vibenius. Film qui a aussi influencé Tarantino pour le rôle de Elle Driver joué par l’actrice Darryl Hannah dans Kill Bill.

 

La plupart des hommes de Sex & Fury sont cupides, pervers et, bien-sûr, lubriques. Les hommes honnêtes et idéalistes sont isolés ou minoritaires. Trahis et assassinés. Suzuki nous dépeint donc un Japon corrompu à l’intérieur alors qu’il s’agit d’un Japon de la majestuosité et de l’honneur à l’extérieur :

 

Ce Japon a défait la Chine et la Russie militairement et se modernise à toute vitesse.

 

Trois portraits de femmes :

 

Ocho/ l’actrice Reiko IKI

 

Dans ce Japon où les femmes sont opprimées, trois portraits de femme dominent dans ce film féministe. Celui d’Ocho ( l’actrice Reiko Iki), intrépide, dure au mâle, orpheline qui a grandi dans la rue après avoir assisté à l’assassinat de son père. Et qui doit son salut au fait d’avoir été recueillie par une femme qui lui a appris à voler et sans doute à se prostituer.

 

Celui de Christina (l’actrice Christina Lindberg) « l’occidentale » britannique, la jeune femme talentueuse, devenue espionne pour son pays, alors plus grande puissance coloniale, par amour pour revoir…. un Japonais.

 

Le dernier portrait de femme « dominant » est celui de Yaeji/l’actrice Yoko Mihara, qui campe la femme d’un haut dignitaire japonais. Yaeji est toute respectable jusqu’à ce que l’on comprenne qu’elle perd toute conduite devant le sexe. Et que «  sa peau dévore les hommes ».

 

Protéger ou couper :

 

Ocho/l’actrice Reiko IKI

 

Ces trois femmes sont trois tentatives  de coexistence avec les hommes de ce Japon. Pour Ocho, le résultat de cette coexistence se décompose de la manière suivante :

 

Elle protège ou elle coupe.

 

Soit elle a un homme à venger (son père) ; soit elle est porteuse des dernières volontés d’un homme ; soit elle sauve un homme (« l’anarchiste » Shunosuke interprété par l’acteur Masataka Naruse)  poursuivi par la police ;  soit elle tue des hommes aussi brutaux que des animaux derrière leurs airs raffinés. Car certains de ces nouveaux aristocrates qui ont réussi sont d’anciens yakusas qui ont réalisé des crimes et sont prêts à tout pour parvenir à leurs fins. Tortures, viols, meurtres, trafic de drogue….

En tuant ces hommes, on pourrait dire qu’Ocho les libère car ils n’ont pas évolué. Ils sont enfermés dans des instincts et des comportements dont ils sont devenus inséparables. Elle, a évolué. Au point qu’elle tient le sabre, arme souvent masculine, mieux que les hommes. Dans Sex & Furyune femme telle qu’Ocho est le véritable honneur du Japon. Cet honneur vit dans la rue et est orphelin. 

Cependant, au contraire de Christina et de Yaeji, aucun désir et aucun amour ne retient Ocho à un homme en particulier. Et, il semble que cela contribue non seulement à en faire une femme libre mais aussi à lui sauver la vie en tant qu’individu. Ce qui, bien-sûr, était un sacré affront adressé au Japon des années 70 (et d’aujourd’hui ?) où le groupe prévaut sur l’individu. Et où la femme se doit d’être mariée à un homme et de baisser les yeux.

 

Ocho/ L’actrice Reino IKI

 

 

Ocho fait tout le contraire. C’est ce qui lui permet, plusieurs années plus tard, de faire toute la lumière sur le meurtre de son père. Et, nous, si nous arrivons à lever les yeux,  cela nous permet de regarder ce film autrement après les événements relatifs au harcèlement des femmes ou à des mouvements tels que #balancetonporc.

 

Franck Unimon, ce samedi 17 juillet 2021.

 

Catégories
Corona Circus

Vacciner plus pour soigner plus !

 

Vacciner plus pour soigner plus !

 

 

Ce que j’aime dans les enterrements, c’est que l’on y vit des moments de sincérité. C’est pareil avec l’humour.

 

Il y a deux ou trois jours, le Président de la République, Emmanuel Macron, le Ministre de la Santé, Olivier Véran,  puis la Ministre du Travail, Elizabeth Borne, nous ont fait savoir qu’à partir du 15 septembre tout soignant non vacciné contre le Covid, en cas de contrôle, s’exposerait à des sanctions:

 

Mise à pied, licenciement, suspension du salaire.

 

Ce n’est pas cela qui m’a fait sourire. Et, je n’ai pas vu de sincérité particulière non plus dans ces nouvelles dispositions dans l’intention de pousser les soignants à se faire vacciner à double dose d’ici le 15 septembre. J’ai plutôt vu un passage en force. Je m’attendais à ce que la vaccination anti-Covid devienne obligatoire pour les soignants ou, simplement, pour voyager hors de la France. Mais pas à ce qu’elle le devienne aussi « vite ». ( Des soignants héroïques et irresponsables)

 

Un succès sanitaire et politique. Pour l’instant.

 

Le 15 septembre, c’est dans deux mois. Depuis l’intervention télévisée du Président Macron, « tout le monde » veut se faire vacciner. Donc, son intervention serait un succès.

 

Sanitaire. Et politique. Pour l’instant.

 

Mais si j’ai parlé d’enterrement au début de cet article, c’est parce-que le lendemain de l’allocution présidentielle d’Emmanuel Macron pour « nous » exhorter, nous les soignants, à nous faire vacciner, j’ai appris le décès du père de mon meilleur ami. Cela m’a ramené à Nanterre où j’ai grandi, près du collège où cet ami et moi nous étions rencontrés la première fois. Le collège Evariste Galois qui va bientôt disparaître en raison de l’impasse pédagogique où il s’est emmuré.

 

Je suis allé à l’enterrement le jour-même. Ainsi que dans une mosquée, pour la première fois de ma vie. Une part de chagrin m’inspire donc peut-être certaines de mes pensées dans cet article. Mais, comme je l’ai annoncé, j’aime, dans les enterrements «  les moments de sincérité » que l’on y vit. Et, je ne vais pas renoncer à ces moments de sincérité alors que j’écris.

 

Les réactions de quelques journaux après l’allocution télévisée du Président Macron, ce 12 juillet

 

Il m’est déjà arrivé de rire ou de sourire lors d’un enterrement. Et je souhaite qu’on le fasse lors du mien. On pourra même danser. Avec ou sans vaccination anti-Covid.

Mais ce qui m’a fait sourire ou rire aujourd’hui, c’est plusieurs dessins du dernier numéro du journal Charlie Hebdo que je lis régulièrement depuis « les attentats » de 2015.

 

 

 

Il y a quelques jours, je parlais de l’éditorial du journal La Croix dans mon article Des soignants héroïques et irresponsables. Aujourd’hui, je parlerai plutôt du dernier numéro de Charlie Hebdo : le numéro 1512 du 14 juillet 2021 que je n’ai pu acheter que ce matin( jeudi 15 juillet).

 

J’avais besoin de lire les réactions de différents journaux après l’intervention du Président Macron et des Ministres Véran et Borne. Car j’avais exposé mes réserves envers la vaccination anti-Covid. Même si je suis favorable à la vaccination. Mais pas n’importe comment.

 

En première page de Charlie Hebdo, parmi les titres, on peut lire : Les soignants boudent le vaccin (le verbe « boudent » est écrit en rouge). Il y a la caricature du Président Macron qui plante sa seringue dans la tête d’un travailleur d’un certain âge, plutôt fourbu, et qui dit, sur un fond rouge, avec un air assez diabolique ou sadique :

 

« Vacciner plus….pour travailler plus ! ».

 

Soit une allusion à la réforme des retraites dont le Président Macron compte reculer l’âge. Je viens à l’instant de m’inspirer de cette phrase pour le titre de cet article qui était totalement différent au départ.

 

Puis, en deuxième page de Charlie Hebdo, débute le bal à propos du sujet qui me concerne particulièrement en tant que soignant non vacciné contre le Covid à ce jour. Sujet qui touche aussi visiblement beaucoup plus de Français qu’il n’y a de soignants en France depuis l’intervention du Président Macron.  Puisque depuis, la prise de rendez-vous par Doctolib est débordée :

 

Pour une vaccination anti-Covid.

 

Les dessins de Charlie Hebdo agrémentés du titre ANTIVAX A L’Hôpital (Pourquoi le personnel soignant rechigne-t’il à se faire vacciner ?) m’ont fait sourire voire rire.

 

 

 

 

Pour moi, vivre, faire de l’humour et de l’autodérision vont de pair avec ma santé mentale.

 

L’article de Gérard Biard qui suit est intitulé Pour une vaccination inclusive. Seul le mot « inclusive » est inscrit en noir. Les mots qui le précèdent sont en plus gros caractères et de couleur rouge.

Et le but de Gérard Biard n’est pas de faire rire. Sauf un peu lorsqu’il avance que :

 

 « (….) depuis  un an et demi, les pontes de l’hôpital public sont davantage susceptibles de contaminer un journaliste télé ou une maquilleuse qu’un patient…. ».

 

Plus précis que l’éditorialiste Jérôme Chapuis du journal La Croix pour son article Une obligation morale, Gérard Biard, dans son article, énonce que les soignants récalcitrants au vaccin anti-Covid sont majoritairement des personnels infirmiers et aides-soignants ou autre personnels soignants. « 46% » d’entre eux, dit-il ne sont « toujours pas vaccinés ». Alors que d’après les chiffres de l’AP-HP « seuls 9% des médecins ne sont à ce jour pas du tout vaccinés, et 70 % ont reçu les deux doses ».

 

Soit beaucoup mieux que les personnels aides-soignants et infirmiers.  Est-ce dû à leur esprit matheux, scientifique,  ou à leur côté « premier de la classe » ? De toutes façons, les médecins ont toujours besoin de se démarquer par rapport à nous, les personnels aides-soignants et infirmiers.

 

 

Si Biard reconnaît que la «  raison » de la réticence de ces personnels soignants «  face à la vaccination anti-Covid n’est pas forcément inaudible (….) » il met cependant l’accent sur la priorité qui doit être accordée aux patients. Et, il conclut son article par ces deux phrases :

 

« On choisit de travailler à l’hôpital. On ne choisit pas d’y être soigné ».

 

La vaccination , un autre pass navigo

 

 

J’étais en désaccord avec les conclusions de Biard. Cependant, depuis l’intervention télévisée de Macron et celle de Véran et Borne, j’avais lu quelques articles supplémentaires sur le sujet de la vaccination. Dans des journaux de sensibilité assez différente :

 

Charlie Hebdo, donc, La Croix, mais aussi Le Canard Enchainé et L’Humanité. Si Charlie Hebdo et Le Canard Enchainé sont assez cousins, ils sont assez éloignés de La Croix et du journal L’Humanité. Sauf, peut-être, par le fait qu’ils sont, je crois, les quatre seuls journaux encore indépendants financièrement en France. Et ces quatre journaux font consensus en faveur de la vaccination anti-Covid. De même que le journal Les Echos.

J’ai aussi contacté une amie, connue durant mes études d’infirmier il y a plus de trente ans, qui, d’une part, perçoit la stratégie de Macron et de son gouvernement comme une stratégie dictatoriale derrière une effigie de démocratie mais qui, d’autre part, m’a répondu s’être faite vacciner contre le Covid, ainsi que son mari et leurs enfants ( 18 ans et plus). Afin de pouvoir voyager.

 

De mon côté, je vis près de Paris. Et je dépends économiquement de mon travail en plein Paris, soit dans une région de plus en plus quadrillée. Une région où il est désormais impératif d’avoir son pass navigo pour passer des portiques qui ont poussé partout ces dix dernières années et, où, aussi, les contrôles de titres de transport sont devenus réguliers. Nous sommes de plus en plus contrôlés pour tout. Contrôle technique pour la voiture. Niveau de pollution de la voiture. Nous nous devons d’avoir un téléphone portable. Mais aussi une connexion internet. Et d’avoir des mots de passe. Dans ce monde-là, pour vivre sans le « pass » qui ouvre les portes,  les comptes ou qui déverrouille le téléphone, la tablette numérique ou l’ordinateur, il faut soit être un génie de la fraude ou un Evariste Galois de l’informatique. Soit être étranger à ces normes. Ou être un exclu ou un « inadapté ». La personne « normale » ou névrosée, elle, préfèrera avoir son « pass » afin de s’éviter d’avoir à formuler tout un tas  de calculs en vue de se débarrasser de bien des contrôles et des portiques de son quotidien.

 

Je vois donc cette vaccination anti-Covid, pour le sujet citadin lambda que je suis, comme une épreuve de réalisme. Si je vivais en pleine campagne et dans une certaine autonomie  économique, j’opterais sans doute pour une prolongation de mon abstinence vaccinale.

 

Je tenais à ce passage dans mon article.

 

Par ailleurs, en repensant à l’article de Biard et à celui d’autres journalistes, je me suis aperçu que trois mots au moins manquent invariablement chaque fois qu’est mentionnée la « défiance » des soignants envers la vaccination anti-Covid. Chaque fois qu’il est suggéré que les soignants qui refusent la vaccination anti-Covid sont des irresponsables et des égoïstes.

 

L’épidémie des mots :

 

« Irresponsables », « égoïstes », « immatures », « idiots »,  «  capricieux » ce sont, pour, résumer les quatre ou cinq mots qui servent de piliers pour essayer de comprendre cette « défiance » ou cette « réticence » ou ce « refus » de certains soignants concernant la vaccination anti-Covid.

 

Et, le fait que trois autres mots, au moins, soient rarement rappelés atteste, selon moi, que le mal est vraiment profond et bien antérieur, une fois de plus à la pandémie du Covid. Et contre l’ « oubli » de ces mots, je me demande s’il y aura jamais un vaccin efficace. Car, ce n’est pas faute de connaître ces mots à propos des soignants :

 

 

Saturation. Epuisement. Surmoi.

 

On va commencer par le Surmoi des soignants. Je vais parler ici de celui des aides-soignants et des infirmiers. Tous les soignants ont un Surmoi. Mais concernant la vaccination anti-Covid, les « mauvais élèves » sont visiblement les personnels aides-soignants et infirmiers.

 

Le Surmoi des soignants :

Le « Surmoi » des soignants- ou leur sens du Devoir- est si prononcé qu’à mon avis, il s’accompagne régulièrement d’une certaine autodépréciation constante.

 

Ce qui est bien pratique.

 

Pour les gouvernements qui, depuis vingt à trente ans, doivent se sentir en toute sécurité lorsqu’ils entendent parler de manifestations de soignants qui espèrent des améliorations de leurs conditions de travail. Et, cela, aussi, pour «  le bien des patients ».

 

Ce « Surmoi » des soignants est aussi bien utile à bien des managers, responsables hiérarchiques ou directeurs d’hôpitaux afin de faire accepter certaines conditions de travail difficiles et durables. Mais, aussi, pour culpabiliser les soignants qui feraient « mieux » ou « bien » de penser avant tout «  au bien des patients » ou d’être « solidaires » de leurs autres collègues. Et, c’est comme ça depuis vingt ans, trente ans, plus, moins, selon les services, selon les établissements, selon les personnalités des uns et des autres, selon les circonstances.

 

Il n’y a rien de nouveau.

 

Et puis, arrive la pandémie du Covid.

 

Surmoi + Pandémie du Covid =

Parmi ces journalistes, dont Biard et Chapuis, j’en suis sûr, qui ont su décortiquer le mal-être des soignants depuis des années, il se trouve aujourd’hui des journalistes qui ont oublié ou qui oublient ce qu’endurent bien des soignants depuis des années. Et, cela, bien avant la pandémie du Covid. En termes de conditions de travail.

 

Or, lorsque la pandémie du Covid a été officialisée en France l’année dernière avec le premier confinement, ce qui a été exigé de ces soignants, c’est d’en faire encore plus que d’habitude. Et avec moins de moyens. Dont, moins de masques ou pas de masques. Moins de personnel à certains endroits. Et, pas de vaccin anti-Covid fiable à cent pour cent.

 

S’il est « admis » maintenant que la vaccination anti-covid est actuellement le meilleur moyen, même s’il est imparfait, pour peut-être se sortir de la pandémie du Covid, il est aussi « admis » que cette pandémie du Covid, en un an et demi, a aussi beaucoup éprouvé. Il y a les morts.  Et, il y a les vivants.

 

Dessin dans le « Charlie Hebdo » de ce 14 juillet 2021.

 

Beaucoup, parmi les vivants, ont été touchés économiquement. Et, autant ont été touchés physiquement et moralement. Parmi ces personnes éprouvées, on retrouve des soignants. Des soignants qui, depuis un an et demi, ont donné de leur personne encore plus que d’habitude, du fait de la pandémie, et qui constatent un an et demi plus tard que, malgré leurs efforts, la pandémie est toujours là. Mieux : aujourd’hui, on les voit comme des irresponsables lorsqu’ils se disent opposés à la vaccination anti-Covid. Car il est « admis » qu’il y a un manque de recul. Mais, aussi, qu’il peut y avoir des effets secondaires. Ou que, comme Biard le dit dans son article :

 

« Certes, il paraît que la vaccination n’empêche ni la contamination ni la contagion. Mais elle en diminue grandement le risque et les effets (….) ».

 

 

Face à ces réserves des personnels soignants, la réponse, ferme et, désormais, autoritaire et gouvernementale, donc, hospitalière, est toujours la même depuis vingt à trente ans :

 

« Pan-pan, cul-cul ! ».

 

Culpabilisation et infantilisation des soignants depuis des années mène aussi à cette saturation des soignants. Car, culpabiliser et infantiliser des soignants, c’est assez banal dans le milieu. Et, c’est ce que fait aussi Biard dans son article. Lorsqu’il conclut :

 

« On choisit de travailler à l’hôpital. On ne choisit pas d’y être soigné ». Sa phrase est pleine de bonne sens. Et, elle est inattaquable. On ne va pas reprocher à un patient d’avoir besoin de soins. Ou alors dans un sketch humoristique.

 

Sauf que Biard, comme d’autres, oublie un autre mot, finalement : les limites.

 

Les limites des soignants :

Avoir un surmoi, un sens du Devoir, une conscience professionnelle, ça incite bien des fois à se surpasser. A ne pas compter ses heures. A accepter de vivre- parfois jusqu’à la saturation et l’épuisement- des situations professionnelles et personnelles que le citoyen lambda sera bien content d’éviter. C’est ce qui s’est passé, encore plus que d’habitude, l’année dernière lorsque nous étions applaudis depuis des balcons. Avions-nous vraiment le choix d’aller mourir à l’hôpital en partant y travailler ? Ou avions-nous vraiment le choix de partir travailler à l’hôpital ?

Non.

 

Je ne crois pas que des soignants puissent s’offrir le luxe de « choisir ». C’est plutôt le contraire. Etre soignant, même si l’on « choisit » de le devenir, ou de l’être, cela devient assez vite un non-choix. Puisque très vite, le Surmoi, le sens du Devoir, du sacrifice, la conscience professionnelle, ou le fait d’être sollicité ou désigné, nous oblige en quelque sorte à être là.  Donc, parler de choix pour un soignant, c’est presque très vite une abstraction. Puisqu’être soignant, c’est faire abstraction de soi. Quel choix ?!

 

Constamment, régulièrement, les soignants doivent répondre ou ont à répondre à des injonctions diverses.

 

L’un des apprentissages les plus difficiles à faire pour le personnel soignant, lors de son exercice professionnel, lorsqu’il fait cet apprentissage, c’est celui de ses limites.

Un des dessins du Charlie Hebdo de ce 14 juillet 2021, page 2.

 

 

Si le personnel soignant s’en remettait uniquement à sa hiérarchie pour que celle-ci respecte ses limites ou les fasse respecter, il y aurait sans doute encore plus de personnel soignant en situation de burn-out ou en arrêt maladie. Tant le personnel soignant peut être incité, pour différentes raisons, à en faire plus. Donc, le choix, dans tout ça…..

 

 

Un profond malaise

 

 

Au lieu de percevoir les personnels soignants récalcitrants ou réticents à la vaccination anti-Covid, comme seulement des grands irresponsables, des grands égoïstes ou des grands idiots, il faudrait plutôt, je crois, se dire, que pour que des professionnels aussi dévoués s’arque-boutent de cette manière contre un vaccin, c’est qu’il existe un profond malaise. Envers ce vaccin. Dans la profession. Dans la société. Dans le monde. Et que c’est peut-être de là que vient toute cette résistance contre la vaccination anti-Covid.

 

Et si le malaise est aussi profond, ce passage en force du gouvernement pour la vaccination anti-Covid va déboucher sur des troubles  sociaux radicaux du type gilets jaune.

 

Franck Unimon, ce vendredi 16 juillet 2021.

 

 

 

Catégories
Cinéma

Nomadland-un film de Chloé Zhao

 

Nomadland un film de Chloé Zhao

 

 

Nous nous accrochons à des décors. S’ils nous sont familiers, ils ne sont pas là pour être apprivoisés. Car ils sont carnivores et nous dévorent.

 

Le lundi est un décor bien connu. C’est le premier jour de la semaine. Celui par lequel tout commence. La déprime ou l’enthousiasme. L’échine ou les miasmes.

 

Commencer une semaine, par la première séance de cinéma, celle de 8h05, par Nomadland de Chloé Zhao, j’ai dû le mériter. Peut-être parce-que la semaine dernière, j’ai osé préférer aller regarder Black Widow, un film de super-héros, une grosse production hollywoodienne.

 

Ce lundi, c’était tout à l’heure, j’étais seul dans la salle. Dehors, il faisait gris, un peu frais et il pleuvait. Cela avait un peu désespéré une de mes collègues de ce matin :

 

« Un mois de juillet, sans soleil ! On se croirait en Novembre ! ».

 

Mon collègue de nuit avait essayé de la désamorcer en lui disant : « La pluie, c’est bon pour les tomates ! ».

 

J’avais été content de pouvoir dire qu’après le travail, j’allais me rendre au cinéma. C’est peut-être pour ça que j’ai été puni en allant voir Nomadland. Ce qui n’était pas prévu, au départ.

 

 Les film Teddy et Sound of Metal  étant indisponibles, je me suis rabattu sur Nomadland dont j’avais entendu dire beaucoup de bien à sa sortie il y a plusieurs semaines. Je n’étais pas – encore- tenté par Sans un Bruit 2. J’ai hésité un peu en faveur de Benedetta de Verhoeven avec l’actrice Virginie Efira.  J’aime, sous sa fadeur apparente (il y a des actrices et des blondes plus attrayantes) la             « rapacité » de son jeu.

 

Mais j’ai opté pour Nomadland dont j’avais oublié l’histoire. De toute façon, j’aime en savoir le moins possible sur un film avant de le voir. J’avais même oublié que Zhao avait obtenu l’Oscar du meilleur film et de la meilleure réalisatrice en 2021 avec Nomadland. J’en étais resté au prix qu’elle avait obtenu à la Mostra de Venise en 2020.

 

L’actrice Frances McDormand, dans le rôle de Fern.

 

 J’avais vu et aimé le précédent film de Zhao, The Rider. C’est surtout ça qui m’a décidé à aller voir Nomadland. J’avais aussi oublié que l’actrice Frances McDormand, que j’aime voir jouer, occupait le rôle principal.

 

On a sans doute, en parlant de Nomadland, fait des comparaisons avec l’œuvre Sur la Route de Jack Kerouac ou avec le film Into The Wild adapté au cinéma par Sean Penn.

 

Il y a sans doute de ça dans Nomadland. Mais, pour moi, ce film est un alcool fort sans l’ivresse. Malgré son titre, le film nous laisse sur le bord de la route. D’accord, on y roule beaucoup et c’est bien sûr mieux que de vivre parqué sans perspectives dans un hôpital ou ailleurs. Mais ce sont des rêves brisés qui roulent. Celles et ceux dont les décors de vie se sont plantés un jour ou l’autre. Pour raisons économiques. Pour raisons de santé. Pour cause de deuil. Pour cause de stress post-traumatique. A partir de là, le scénario de la vie normale faite de sédentarité, d’emploi en CDI et de réussite matérielle s’est arrêté pour eux. Le rêve américain prend bien-sûr une trempe supplémentaire sans doute nettement supérieure à celle subie le 11 septembre 2001. Sauf que cette blessure apparaît encore modérément dans les grosses productions américaines comme dans les unes des journaux parce-que le pays est encore suffisamment étendu. Parce-que les Etats-Unis sont encore la Première Puissance mondiale. Et parce-que les Etats-Unis n’en sont pas encore au stade où certains de leurs habitants, tels les migrants en provenance d’Afrique, du Maghreb, d’Asie ou du Moyen-orient, traversent la mer en espérant trouver mieux ailleurs.

 

Quelle ironie de voir ce pays, civilisation de l’automobile, recycler ici, mais en voiture, les transhumances qui avaient sans doute été celles des tribus indiennes, lorsque, à pied ou à cheval, celles-ci avaient été acculées par les colons européens à devoir quitter leurs territoires et leur histoire.

 

En France et dans les territoires d’Outre-mer, il a existé et il existe des équivalents à ces migrations intérieures mais aussi à certains mouvements sociaux. En France, les mouvements sociaux récents les plus marquants sont bien-sûr ceux des gilets jaunes. En  Guadeloupe, en 2009, il y avait eu le mouvement Liyannaj kont pwofitasyon.

 

 Cependant,  on peut aussi penser à tous les autres mouvements sociaux  qui ont essayé ou qui essaient d’amoindrir ou de défenestrer la  « violence du libéralisme ». Il m’est impossible, à un moment ou à un autre, de faire l’économie de cette formulation :

 

« La violence du libéralisme ».

 

Surtout lorsque certaines scènes de Nomadland se passent dans l’enceinte d’un site de l’entreprise Amazon, dont le propriétaire, Jeff Bezos, est depuis plusieurs années l’homme le plus riche du monde. Et, dans Nomadland, on voit bien ce que sa richesse et sa réussite doivent – comme bien des richesses et des réussites- aux conditions de vie et de travail plus que pénibles, de quantités de gens, de tous âges, de toute origine ethnographique et de tout niveau socio-culturel confondus.

 

Le personnage de Fern (interprété par Frances McDormand) nous fait entrer dans le fleuve de toutes ces personnes qu’elle rencontre ou retrouve, et qui, comme elle, sont tout sauf des parasites. Ils travaillent, se font à toutes sortes de jobs, le plus souvent saisonniers, au gré de ce qui leur est possible. Ils forcent l’admiration et le respect tout en n’obtenant rien d’autre de leurs contemporains ou de leur gouvernement  des réactions et des sentiments inadaptés :

 

Incompréhension ( percevoir Fern comme « homeless » au lieu de « houseless » , peur,  des réponses inhumaines (le montant des pensions de retraites, par exemple).

 

Un parallèle est évidemment possible avec notre avenir social en France. Même s’il nous est souvent rappelé que la société américaine et la société française diffèrent, on peut aussi se dire que certains exemples américains louchent de plus en plus vers l’hexagone. Lorsque l’on pense par exemple à la réforme des retraites. Ou à la décision gouvernementale récente, en France, de reculer désormais l’âge du départ à la retraite à 64 ans.

 

Les seuls maquillages à mon sens trop présents dans Nomadland sont les passages de violons et de piano. Je crois que le film – que j’ai aussi trouvé un peu trop long- aurait été meilleur sans ces anesthésiants :

 

Une scène entre Fern et sa sœur ou une autre entre Fern et Bob Wells, sans violons et sans piano,  en attestent.

Bob Wells in the film NOMADLAND. Photo Courtesy of Searchlight Pictures. © 2020 20th Century Studios All Rights Reserved

 

 

Si Nomadland est un alcool propre à déglinguer la moindre ivresse, il sait aussi mieux nous rapprocher de cette faiblesse qu’est la caresse.

 

 

 

Franck Unimon, ce lundi 12 juillet 2021.

 

 

 

 

 

 

Catégories
Corona Circus

Des soignants héroïques et irresponsables

Photo prise l’année dernière pendant le premier confinement.

 

                                Des soignants héroïques et irresponsables

 

La vaccination contre le Covid :

 

Les soignants, en France, se sont peu fait vacciner contre le Covid. 57 % des soignants environ se sont faits vacciner. De quels soignants parle-t’on ? Des médecins ? Des infirmiers ? Des aides-soignants ? Des « soignants »….ces anonymes qui étaient autant de « héros de la Nation » l’année dernière lors du premier confinement. Et qui, aujourd’hui, compteraient parmi eux un certain nombre d’irresponsables. 

 

Facile….et obligatoire :

 

Car, aujourd’hui, contrairement à l’année dernière pendant le premier confinement, il est facile de se faire vacciner contre le Covid.

 

Il est aussi de plus en plus obligatoire de se faire vacciner pour partir à l’étranger. En vacances, par exemple. Nous sommes au mois de juillet et, après un nouveau « confinement » pour parer à la pandémie du coronavirus, beaucoup de gens sont partis en vacances.

 

Gare du Nord, juillet 2021.

 

On peut aussi voir des réclames encourageant à la vaccination anti-covid afin de se rendre à des événements de masse festifs : matches de foot, concerts….

 

Mais on peut aussi s’attendre, à ce que, bientôt, ou dès maintenant, la vaccination anti-Covid soit un avantage lors de certaines démarches en vue d’obtenir un emploi. Ou, sur les sites de rencontres, pour « dénicher » un partenaire ou une partenaire.

 

 

Je m’étais dit que j’allais donner mon avis un de ces jours sur le sujet de la vaccination anti-covid. Mais je n’étais pas pressé. Et puis, la lecture de l’éditorial (signé Jérôme Chapuis) du journal La Croix de ce mercredi 7 juillet 2021 m’a tellement contrarié que je me suis dit que je ne devais plus traîner pour écrire à ce sujet.

 

 

Irresponsable :

Parce-que je fais encore partie de ces irresponsables. A ce jour, je ne me suis pas encore fait vacciner contre le ou la Covid. Je suis et serais donc un irresponsable en plus d’être un égoïste. Je retranscris ce passage de l’éditorial du journal La Croix de ce 7 juillet qui m’a particulièrement poussé à écrire :

 

« (…..) A l’heure où menace une quatrième vague de Covid, le chiffre laisse songeur. A l’hôpital, au début de l’été, seuls les deux tiers des soignants avaient reçu une première dose de vaccin (….). Cette défiance persistante conduit le gouvernement à envisager pour eux la vaccination obligatoire. De nombreux soignants y voient une atteinte à leur liberté. Argument discutable, d’abord parce que la liberté individuelle doit toujours être mise en balance avec l’intérêt général. Ensuite parce que leur métier amène ces professionnels à côtoyer malades et personnes âgées qui sont précisément les plus vulnérables face au virus. De ce point de vue, dès lors qu’il est admis qu’elle ne comporte pas d’effets indésirables, la vaccination des soignants apparaît comme une obligation morale (….) ».

 

 

Discutable :

 

L’atteinte à « ma » liberté est un argument discutable selon cet éditorial. Hé, bien, discutons, car, autrement, une fois de plus, si je ne prends pas l’initiative de « discuter » c’est quelqu’un d’autre qui le fera à ma place. Et, vu la façon dont l’éditorialiste du journal La Croix mais aussi d’autres journaux s’expriment, je préfère m’exprimer moi-même. Pour changer avec cette « normalité » qui fait de beaucoup de soignants de simples exécutants.

 

Pour commencer,  je suis favorable à la vaccination. Mais pas n’importe comment : je suis autant prudent vis à vis de ce vaccin anti-Covid que je ne l’avais été vis-à-vis de tous ces applaudissements sincères et répétés que l’on nous avait adressés l’année dernière lorsque nous étions des « héros ». D’ailleurs, j’aimerais reparler un peu de cette époque un peu trop vite et trop facilement oubliée maintenant qu’il est devenu « entendu » que tout le monde doive se faire vacciner pour « l’intérêt général ».

 

L’époque des « héros » :

 

Elle a duré à peu près deux mois et demi d’un point de vue médiatique. De mi-mars à fin juin pour faire large. Mais c’est la période comprise entre le début du premier confinement en mars 2020 et début Mai qui m’importe le plus.

 

Quelques « Une » du journal Libération l’année dernière lors du premier confinement.

 

Cette « époque », qui a duré cinq à six semaines, a été une époque d’angoisse et de peur assez maximale. Je me souviens de cette angoisse pour l’avoir ressentie. Et, je me souviens, aussi, que, durant ces cinq à six semaines, nous, les héros, nous « devions » continuer d’aller au travail pour       « l’intérêt général » pendant que la quasi-totalité, ou une bonne partie, de la population restait confinée chez elle. Tant tout le monde avait peur et était angoissé.

 

 

Suite de quelques « Une » du journal Libération l’année dernière pendant le premier confinement.

 

Il y a sûrement eu des endroits, des régions, des quartiers en France, où des gens, lors du premier confinement, ont continué de se balader comme d’habitude. Mais ces endroits, ces régions ou ces quartiers n’étaient pas concernés par ceux que j’ai traversés lorsque je me suis rendu au travail lors de ces cinq à six semaines. Pareil dans les transports en commun.

 

J’ai écrit : « Nous devions continuer d’aller au travail…. ». Je vais préciser : Je tenais à aller au travail lors de cette époque particulière. Même si le service où je travaillais a été moins exposé que d’autres services (Ehpad, services d’urgences et de réanimation somatiques ) à des clusters, je savais que nous vivions une époque particulière, historique, et je tenais à la vivre. Comme à contribuer, à mon niveau, à ce que le travail pour « l’intérêt général » continue.

 

Photo prise l’année dernière pendant le premier confinement.

 

 

 

J’allais déja oublier de cette époque dorée le « privilège » qu’ont eus certains de mes collègues héroïques, en France ou ailleurs, de recevoir des courriers anonymes de voisins. Non pour les encourager. Ou, plutôt, oui. Mais pour les encourager à déménager. En leur expliquant qu’en tant que soignants, ils étaient devenus une menace pouvant contaminer…. tout l’immeuble.

 

Aujourd’hui, c’est ni plus ni moins la Nation toute entière que des ex-soignants héroïques seraient susceptibles de contaminer, selon certains esprits très développés,  avec leurs âneries consistant à traîner pour se faire vacciner.

 

Je repense aussi au témoignage -que j’avais lu- de cette soignante, qui, lors du premier confinement, expliquait s’être interdite d’embrasser sa fille pour des raisons sanitaires. Alors, je vais sûrement paraître complètement à côté de la plaque mais j’ai toujours continué d’embrasser ma fille de la même manière. Et, j’avais eu de la peine pour cette « collègue » ainsi que pour ces lourdes privations affectives qu’avaient pu connaître sa fille.

 

Suite des « Une » du journal Libération l’année dernière pendant le premier confinement.

 

 

Des héros sans filets de protection

 

Pourtant lors de cette époque particulière, de mars à mai 2021, je ne me voyais pas et ne me vois toujours pas comme un héros. Même si cette ambiance a été pesante. Même si nous avons travaillé le plus souvent sans masques anti-Covid. Ou, sans masques FFP2 en tout cas, décrits comme ceux étant les plus à même de nous offrir la protection maximale contre ce virus si contagieux et potentiellement mortel.

 

Je me rappelle aussi être retourné dans cette pharmacie où, fin février 2020, un pharmacien m’avait affirmé que cette épidémie du Covid ne nous concernait pas. Quelques semaines plus tard, en plein confinement, non seulement cette pharmacie ne vendait plus de masques FFP2 ( à près de 4 euros l’unité) pour cause de « rupture de stock »; mais tous les employés de cette pharmacie, du vigile aux pharmaciens, en passant par la femme ou l’homme de ménage, portaient , eux, un masque FFP2. Donc, moi, le héros, je devais me contenter de l’air désolé d’un(e ) des employé (es) de cette grande pharmacie, située en plein Paris, et des applaudissements du 20 heures, pour me « vacciner » contre le Covid.

 

Avec le lavage des mains.

 

 

Début Mai 2020 : Premier miracle

 

 

Et puis, début Mai 2020, premier miracle, les supermarchés- et les pharmacies- se sont mis à pondre des masques anti-Covid. Pas les FFP2. Mais des masques anti-Covid néanmoins. Qu’il a fallu payer. Moi, le héros, comme tout le monde, je suis passé à la caisse pour acheter ces masques. Et, plus d’un an plus tard, je continue, désormais, d’acheter des masques anti-Covid régulièrement. Mais, aussi, de me laver les mains. Je fais beaucoup confiance à ces deux gestes barrières (port du masque et lavage des mains). Et, je crois que, désormais, le port du masque fera souvent partie de notre quotidien.

 

A l’intérieur de la Gare du Nord, juillet 2021.

 

Juillet 2021 : Second miracle

 

Nous sommes le 8 juillet 2021, et, moi, « le héros », à ce jour, je n’ai pas contracté le Covid. Ou alors j’ai contracté une forme si « transparente », si « discrète », que je ne l’ai pas sentie passer.

 

Depuis mars de l’année dernière, je n’ai pas été en arrêt de travail pour cause de Covid. Par contre, certains de mes collègues ont été arrêtés pour cause de Covid. Quelques uns de mes collègues, pour parler de ceux qui ont été touchés lors de ce mois de mars 2021, s’étaient relâchés concernant le port du masque. Or, je le répète :

 

Je porte régulièrement un masque au travail et dans les transports en commun comme dans les lieux publics ( sur mon nez et ma bouche). Et, je me lave les mains.

 

Je porte si souvent un masque qu’il y a environ dix jours, c’est à ce port prolongé que j’ai attribué des écoulements nasaux répétés pendant un  à deux jours. Alors que je n’étais pas enrhumé. Je me suis fait quelques lavages de nez avec du stérimar et c’est passé.

 

Certains de mes amis ou connaissances, aussi, ont attrapé le Covid.

Des amis et des connaissances qui l’ont attrapé à leur travail ou en d’autres circonstances. Circonstances auxquelles je suis extérieur. Je n’étais pas en contact direct avec eux.

 

Donc, au vu de ces quelques constatations, je « capte » assez difficilement cette urgence de la vaccination, me concernant. Même, si, je le redis, je suis favorable à la vaccination. Mais pas n’importe comment. Passons maintenant au reste de ce qui est dit dans cet éditorial du journal La Croix.

 

« La liberté individuelle doit toujours être mise en balance avec l’intérêt général »

 

J’admets complètement le fait que des soignants aient pu contaminer des patients. Bien avant la pandémie du coronavirus, on parlait déjà de certaines maladies nosocomiales.

 

Donc, oui, les soignants ont à prendre certaines précautions pour protéger celles et ceux dont ils s’occupent : c’est la moindre des choses. Et, je ne discute pas les chiffres qui ont pu être donnés en termes de contamination du Covid dans les Ehpad.

 

Par contre, je me demande si ces soignants « contaminants » avaient….des masques. S’ils avaient de quoi se laver les mains comme il se doit. S’ils avaient le temps de le faire, aussi.

 

Parce-que cette pandémie du Covid a aussi mis sur la table un fait chronique dans les institutions de soins de la France : une certaine pénurie de personnel et/ou une certaine pénurie de matériel.

 

S’il a manqué des masques anti-Covid dans les Ehpad comme il a pu en manquer dans d’autres services de soins, il n’y a rien d’étonnant à ce que la contagion du virus ait pu autant s’étendre.

 

Mais « La liberté individuelle doit toujours être mise en balance avec l’intérêt général », ça, c’est une pensée forte !

 

Ce 8 juillet 2021, pour celles et ceux qui ont pu partir, les grandes vacances- ou vacances d’été- ont commencé. Mais, que  je considère ces vacanciers ou ces personnes contentes d’être à une terrasse de café ou de restaurant, ou, simplement, en train de faire les soldes, je ne vois pas cet « intérêt général ». Ce que je vois, c’est surtout un « intérêt personnel » multiplié pratiquement par toutes ces personnes environnantes ou parties en vacances.

 

 

Si l’on tient tant que ça à me parler de « La liberté individuelle doit toujours être mise en balance avec l’intérêt général », je me dis qu’à nouveau, on me prend pour un idiot. Comme lorsque, l’année dernière, on a essayé de me faire croire que j’étais un « héros de la Nation ». Et qu’il était normal pour moi (et pour d’autres) de partir au combat sans armes ( sans masques)  au devant d’une mort presqu’assurée.

 

Parce qu’il y a plein d’exemples courants où « l’intérêt général » est secondaire  :

 

Les industriels du Tabac qui vendent leur poison légalement depuis des années et font de gigantesques chiffres d’affaires. Pareil pour les vendeurs d’alcools et de spiritueux.

 

Les constructeurs automobiles et leur Diesel polluant qui a fait beaucoup de contents et de nostalgiques parmi les automobilistes.

 

Ces autres constructeurs automobiles qui avaient trafiqué leur logiciel anti-pollution sur leurs voitures.

 

On verra bientôt quels effets néfastes a engendré la téléphonie mobile dans nos vies.

 

J’imagine bien qu’un journal comme La Croix, et d’autres, relatent aussi ces faits. Sauf qu’il est bien plus facile de faire pression sur des soignants  qui restent des subalternes. Même si on veut bien les admirer et les applaudir de temps en temps tant qu’ils obéissent et se dévouent pour trois fois rien. La profession de soignant a ceci de particulier qu’il semble souvent légitime de pouvoir bénéficier du maximum de ses compétences et de ses disponibilités pour un salaire et une reconnaissance minimale.

 

La suite est assez prévisible. Les soignants, si l’on désigne ici des aide-soignants et des infirmiers, sont majoritairement des femmes : le sexe dit « faible » même si les moeurs prennent l’ascenseur et évoluent.

En attendant, « nous », les soignants ( aides-soignants et infirmiers, femmes et hommes), nous ne vendons pas de pop corn, d’automobiles ; nous ne vendons pas de coca-cola, de tabac, de bonbons, d’alcools, de films grands publics, de pubs,  d’engrais chimiques, de cosmétiques, de parfums, de spectacles, de cannabis, d’armes, de téléviseurs, de téléphones portables, d’ordinateurs, de médicaments ou d’assurances. Nous essayons par contre de remédier à certaines conséquences de ces usages comme de ces objets.

Nos bonnes intentions nous honorent, certes. Mais cet honneur nous rétribue assez peu socialement mais aussi matériellement. De ce fait, nous disposons de moins de poids économique et politique que tous ces industriels et entrepreneurs précités – et d’autres- qui produisent et incitent à certains usages en réalisant en permanence des contorsions autour de « l’intérêt général ». A eux, les contorsions, les réseaux d’influence et le chiffre d’affaires. Pour nous, soignants, les pressions, la diminution des effectifs comme de nos moyens. 

 

Vers une vaccination obligatoire pour les soignants :

 

 

La vaccination anti-Covid va devenir obligatoire pour les soignants prochainement. D’une façon ou d’une autre. A moins, peut-être, de partir à la retraite- en évitant l’EHPAD- dans les trois mois qui viennent. Sauf s’il survient un autre « miracle ».

Un autre « miracle » :

Dans l’éditorial du journal La Croix, « j’aime beaucoup » la partie :

 

« De ce point de vue, dès lors qu’il est admis qu’elle ne comporte pas d’effets indésirables, la vaccination des soignants apparaît comme une obligation morale (….) ».

 

Subitement, l’éditorialiste s’est rappelé que les vaccins anti-Covid comportent quand même quelques risques pour la santé. Et qu’il serait prudent, pour lui, de se couvrir. Car par qui est-il « admis qu’elle (la vaccination) ne comporte pas d’effets indésirables » ?!

 

Même si la plupart des personnes vaccinées la supportent plutôt bien, nous manquons de recul et de certitudes concernant ces vaccins. Et une « revue » ( en ligne) plutôt sérieuse comme Prescrire mentionne aussi certains effets secondaires indésirables constatés et souligne le manque de recul actuel à propos de ces vaccins anti-Covid.

 

Alors, l’autre « miracle », serait, pour moi, que d’ici quelques mois, on s’aperçoive qu’une vaccination généralisée reste insuffisante ou injustifiée.

Et, si ce miracle n’a pas lieu et que le vaccin devient obligatoire- le plus probable à mon avis- j’aurai non seulement gagné quelques mois supplémentaires de recul. Mais, en plus, en cas d’effet indésirable avéré par la suite, il me sera peut-être plus facile de le faire reconnaître.

 

Un ami- vacciné- m’a bien expliqué récemment qu’être vacciné n’empêchera pas d’attraper le Covid mais protègera contre des formes plus graves. Ce que je veux bien croire. Ce que j’ai plus de mal à croire, c’est à cet espoir que nous plaçons de plus en plus dans un vaccin pour continuer de vivre dans le même monde. Comme si un vaccin pouvait à lui seul nous permettre d’exister alors que nous faisons beaucoup par ailleurs pour nous détruire.

 

Entre les Tuileries et la place de la Concorde, juillet 2021.

 

Franck Unimon, ce jeudi 8 juillet 2021.

 

 

Catégories
Béatrice Dalle Cinéma Puissants Fonds/ Livres

Béatrice Dalle, trois fois.

 

 

Béatrice Dalle, trois fois.

 

Puisque c’est toujours de la faute des autres, tout est parti d’un cd du groupe Sonic Youth.

 

Je n’ai pas revu les films, ces forêts, où on la trouve. Je suis seul avec mes pensées, ces vieillesses condamnées sur lesquelles il faut apprendre à veiller. Si l’on tient à prévenir le déclin de notre humanité.

 

Béatrice Dalle, trois fois. Béatrice Dalle, pourquoi. Ma prudence me répète que je ne la connais pas. Mais, déja, pour la première fois dans mon blog, je crée une rubrique uniquement pour elle. Parce-que parler d’elle m’évoque peut-être le cheval de Troie. 

Le physique de charme est un fusil de chasse. Mais cette arme a une particularité dangereuse : partout où elle passe, on la repère au lointain. Sa détentrice- ou son détenteur- doit savoir s’en servir ou la quitter. Sinon, cette arme sera son enterrement ou sa rétention. Et, elle sera le trophée de celle ou celui qui la brandira. Qui la tisonnera.  

 

Je me rappelle un peu d’une partie de sa cinématographie. Dans son livre Que Dalle un livre sur l’actrice et comédienne Béatrice Dalle / Béatrice DalleLouvrier nous apprend qu’hormis avec les réalisateurs Jim Jarmusch et Abel Ferrara, elle a fait peu d’efforts pour connaître une carrière aux Etats-Unis. Parce qu’elle ne parle pas Anglais. 

 

Si tu cours longtemps et vite, et que tu es sur la défensive devant la moindre limite, comment te suivre, Béatrice Balle ? Il faut un certain recul pour atteindre quelqu’un. Mais aussi pour l’attendre.

 

Louvrier parle du Rap et de Joey Starr. Mais il y a d’autres musiques. Peut-être du Free Jazz ou ne serait-ce que du Free…gaz.

 

En 1986, Dalle est dans 37°2. Après les Punks (que Louvrier cite). Après Nina Hagen, le Reggae de Police(groupe de Reggae blanc influencé par le Punk), la mort de Bob Marley. La lecture de Que Dalle nous informe que Sting, l’auteur des tubes du groupe Police, était « fou » d’elle et voulait la rencontrer. Mais « dans » la France de Mitterrand et de Jack Lang, elle avait d’autres évidences.

 

Dans la France de Giscard, je ne vois pas de place pour 37°2. Et puis, rester dans les années 70 et 80, c’est se tenir très loin d’aujourd’hui et de demain.

 

Récemment, à l’anniversaire d’une amie, à Levallois (oui, grâce à Louvrier, je sais qu’à une époque, Dalle a vécu à Levallois) en parlant de mon blog, j’ai répondu à quelqu’un avec qui je sympathisais que j’avais, entre-autres, écrit sur Béatrice Dalle. Il a été un peu étonné. Sûr de moi, j’ai alors avancé, tel un attaché de presse bien au fait de ses projets :

 

« Elle fait toujours des films ».

 

 

J’étais néanmoins dans la salle pour voir le  film Lux Aeterna de Gaspar Noé. Un réalisateur dont j’ai vu plusieurs des films depuis Seul Contre tous avec « feu » Philippe Nahon. Au contraire de Seul contre tous (un chef-d’œuvre, selon moi) je n’ai pas souscrit à l’intégralité de Lux Aeterna. J’ai pour l’instant renoncé à écrire dessus. Mais il m’en reste quelque chose. De même pour Climax.

 

 

Dans le Que Dalle de Pascal Louvrier, il est plusieurs fois fait état de sa bouche. Cet organe aurait été perçu comme « trop » grand chez elle au début de sa carrière. Presqu’un naufrage.

 

J’ai oublié.

 

Sa bouche est la graine que nulle gravité n’aliène. Pourtant, dans J’ai pas sommeil, l’acteur Alex Descas- dont je parlerai un jour-  s’en prend à elle :

 

« Tu ne seras jamais prête ! ».

 

Devant sa nudité inquiète, mes articles, aussi, sans doute, ne seront jamais prêts.

 

 

Franck Unimon, ce mardi 6 juillet 2021.

 

 

Catégories
Moon France

Me mesurer à ses cendres

 

Me mesurer à ses cendres

Aucun événement immédiat ou particulier porté à ma connaissance ne me permet de savoir la raison pour laquelle je pense à lui ce matin. Un dimanche.

 

Comme d’autres membres de ma famille, avant ma naissance, il était venu par avion pour le mariage de son petit frère. Le dernier. Un de mes oncles paternels. Une force de la nature, le plus grand parmi ses frères et ses sœurs, surnommé «  Le dindon ». Si mes souvenirs sont exacts. Car tout cela se passe en Créole et en métropole :

 

En France.

 

En France, on n’a pas de pétrole, mais on a une métropole. Du Créole. Et des people.

 

Il était petit. Peut-être l’un des plus petits parmi les frères de mon père, aussi présent.

 

Mais il avait une classe réglée comme une montre suisse. Une classe que je lui avais découverte ce jour-là. Plus que mon père qui s’y connaissait pourtant en « style ». Plus que mon oncle qui se mariait.

 

Dans son costume gris, il portait l’élégance et l’assurance. Il avait fumé une cigarette devant moi, mon père et cet oncle qui se mariait. Avec tout autant de présence. Dans ma famille, du côté de mes oncles et de mes tantes, paternels comme maternels, fumer est un acte suffisamment rare, étranger voire proscrit, pour marquer un esprit.  Au moins le mien.

 

La cigarette, c’est bien-sûr le fait du Blanc. Mais c’est aussi une aventure qui ne vaut pas, peut-être, celle de la fierté, de la réputation, de la force physique,  du sport, de la musique, de la voiture, de la voix ferme et haute, du geste, du rhum et  de la verge.

 

Lui, il avait fumé comme s’il s’agissait d’une formalité. Aucune remarque ne lui avait été faite alors que l’on peut être si à cheval concernant telle action qui signifie que l’on se prend pour un blanc. Et l’on reste, du moins suis-je souvent resté, proche de ce poste frontière. Presque l’ultime intime d’un certain sentiment de noyade. Tout près de cette  limite où s’observent- telles deux éternelles vierges maquerelles toujours en demande d’un godemiché- celle qui serait d’un côté l’identité blanche et, de l’autre, l’identité noire.

 

Moi, l’adolescent, les cheveux encore hauts à la Michaël Jackson d’avant le défrisage et la dépigmentation, emménagé dans des vêtements et des chaussures que ma mère sans doute avait choisi pour moi, et derrière mes lunettes du même acabit, j’étais bloqué face à ces trois hommes : cet oncle, celui qui se mariait, mon père.

 

Et je faisais peine à voir. Mes oncles et mon père me le faisaient bien savoir.

 

Reprenant un des arguments de mon père, cet oncle avait statué que « même un handicapé » faisait de son mieux. Alors que moi, j’étais gauche, contenu :

 

Plus dans le brouillard que débrouillard.

 

Les derniers souvenirs que j’ai de cet oncle avant ce mariage, c’étaient sa maison, en Guadeloupe à Petit-Bourg. Sa femme, souriante et affirmée, leurs trois enfants, deux cousines et un cousin, dont chaque prénom débute par la lettre U. Comme mon nom de famille. Je m’en aperçois seulement maintenant alors que je repense à cette balançoire faite d’un pneu, chez eux,  qui nous envoyait presque au dessus du vide.

 

Quelques années après ce mariage, j’ai entendu parler de son divorce. Par bribes.

 

Car je n’étais pas adulte.

 

J’ai appris qu’il jouait. De retour en Guadeloupe pendant les vacances, où notre père nous conduisait, nous passions devant son ancienne maison, sans doute habitée par son ex-femme et les enfants sans nous arrêter. Cette vie-là n’avait pas existé.

 

J’ai revu cet oncle plusieurs fois ensuite. Souvent chez mon grand-père. Pas si loin que ça de son ancienne maison. Il ne portait plus de costume. Il vivait dans une case en tôle, pas si loin que ça de son ancienne maison. Se déplaçait en mobylette. S’était fait des « amis » parmi des jeunes qui vivaient de peu.

 

Assez régulièrement, j’entendais ça et là des commentaires le concernant (mon père, mon grand-père) où l’on se désolait de son mode de vie. En métropole, à Paris, on aurait parlé de zonard plus ou moins SDF. Sauf qu’il avait son coin, ne mourait pas de faim et qu’il faisait toujours partie de la famille où il continuait d’avoir son mot à dire. Je ne crois pas qu’il exerçait un métier régulier et officiel. Et, je ne sais pas quel métier il exerçait dans son autre vie. Mais je le crois plutôt habile de ses mains. Comme bien des hommes de la famille de mon père et de mes ascendants du côté tant paternel comme maternel où le métier de maçon, voire charpentier, est une nomenclature.

 

Je n’ai jamais discuté avec lui de ce qui s’était passé dans sa vie. Je n’ai donc jamais pu écouter ce qu’il en disait. Mais j’ai cru trouver dans son attitude une forme d’acceptation du verdict qui l’avait touché : le divorce et sa suite.

 

C’est au décès de mon grand-père paternel que j’ai eu un contact téléphonique avec une de ses filles. Je ne l’avais pas vue depuis des années.

 

J’étais venu pour l’enterrement de mon grand-père paternel.  J’avais fait un discours- le seul discours dit à l’enterrement de mon grand-père par un membre de la famille ou un proche- dans l’église, remplie, de Petit-Bourg. Et, j’avais aussi filmé une partie de l’enterrement.

 

Cette cousine souhaitait que je lui envoie les images. Je les lui avais envoyées et j’avais appris qu’elle était devenue infirmière ou peut-être cadre-infirmière. J’avais senti en elle une certaine affection pour son père. Lequel, jusqu’à sa mort, est resté dans cet état de « vagabond » ou de semi-vagabond, se montrant souvent pieds nus, avec un short rapiécé, un chapeau et une chemise, et tutoyant le rhum en certaines occasions.

 

Je n’ai jamais parlé de lui avec mon père. Car je ne suis pas un homme.

Cet oncle est un fantôme de plus dans la famille. Peut-être qu’écrire, c’est aussi s’adresser à ses fantômes, retranscrire leurs réponses ou les souvenirs qu’ils nous laissent. Après, on en fait toute une histoire que d’autres écouteront, caresseront ou liront peut-être.

 

Parler de cendres, ce n’est d’abord pas très réjouissant. Mais, ce matin, je ne prends pas les cendres par le biais dépressif. Je pense aussi à cette cérémonie où l’on marche sur le feu. En Inde mais aussi dans les régions d’Outre-Mer. Aux Antilles comme à la Réunion.

 

Je me dis aussi que les cendres, cela peut aussi être les migrations de tous ces oiseaux qui parcourent des milliers de kilomètres, chaque saison. Mais aussi de ces créatures terrestres ou animales qui nous entourent et que l’on connaît beaucoup moins bien que ces autoroutes, ces trains ou ces bateaux qui nous permettent de partir en vacances. Car elles sont là, nos principales migrations. Dans nos congés et nos week-end.

 

A moins d’être de grands voyageurs. D’effectuer des déplacements pour notre travail. Ou de changer d’emploi, d’adresse ou de rôle régulièrement.

 

Ce matin, je me mesure aux cendres de mon oncle. Celles de sa vie, de sa contre-vie ou de cette cigarette fumée devant moi à ce mariage. Car, peut-être, bientôt, vivrais-je moi aussi une certaine migration.

 

Notre imagination est faite de toutes sortes de migrations. Ensuite, c’est nous qui décidons. De jeter les dés et de nous lancer derrière eux. Ou de les regarder.

 

Franck Unimon, ce dimanche 4 juillet 2021.